Lire en PDF - Jonas: Schneiter

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MAGAZINE
jeunesse
FAIRE QUELQUE CHOSE
ADOS Il
n’existe pas
beaucoup de
recueils de nouvelles pour les
ados, ce qui
rend déjà ce livre remarquable. Neuf histoires, neuf adolescents à un moment clé de
leur vie, confrontés à des
choix qui les dépassent et qui
vont devoir puiser dans leurs
ressources. Il y a Adra, menacée d’excision comme sa
grande sœur qui en est
morte, Marie qui veut préparer une surprise aux invités
de ses parents et à sa meilleure amie, Eliot face aux
bassesses de certains
adultes lors d’un stage à la
préfecture, mais aussi Timothée qui sort de sa paresse
estivale pour donner un coup
de main dans un festival de
rock, ou Fanny qui tombe
amoureuse et déchante…
Certains textes sont assez
durs, d’autres plus lumineux,
mais aucun ne laissera les
lecteurs indifférents. CH
> Hélène Vignal, Casseurs
de solitudes, Rouergue,
coll. Doado, 160 pp., dès 13 ans.
SENS DE L’HONNEUR
ENFANTS
Comment un
vieux chat apprit-il la sagesse à un samouraï trop
impatient?
Pourquoi le
conteur aveugle a-t-il perdu ses oreilles?
Comment un samouraï offrit-il
la vie éternelle à un cerisier?
Ou comment un minuscule samouraï de trois centimètres
sauva-t-il la fille d’un seigneur
avant de l’épouser? Onze
contes pleins de sagesse et
parfois de malice pour se
plonger dans un monde passionnant, celui des valeureux
guerriers du Japon d’autrefois,
avec de très belles illustrations qui rappellent des gravures. Une excellente manière
de découvrir le Japon sous un
angle différent de celui du
manga, et un bon moment à
passer pour tous, enfants
comme adultes, avec ce recueil de l’excellente collection
Contes et Légendes. CH
> Anne Jonas, Les samouraïs,
Nathan, coll. Contes et Légendes,
160 pp., dès 9 ans.
LA LIBERTÉ
SAMEDI 16 AOÛT 2014
Nouvellesimpertinencesmatinales
Radio. Dès le 25 août, la voix du Lausannois Jonas Schneiter succédera à celle de Vincent
Veillon pour animer la matinale de Couleur3. Portrait d’un jeune lève-tôt rencontré à l’aube.
THIERRY RABOUD
e
«Est-ce que 7 h 30 peut vous
convenir?» Aux aurores, donc.
Bon, ça fait tôt, mais l’on sacrifiera volontiers un brin de sommeil pour rencontrer Jonas
Schneiter dans son élément: ces
heures indues où il donne habituellement de la voix pour saisir
la Suisse romande au saut du lit.
Rendez-vous est donc pris au
point du jour à la cafétéria du
temple lausannois de la RTS. «On
peut y boire un bon jus d’orange
pressé», vante-t-il au téléphone.
L’appât est efficace mais une fois
sur place, pas de chance, la cafétéria est encore fermée. C’est
donc muni d’un infâme mais nécessaire café en gobelet que l’on
rencontre la nouvelle voix des
prochaines matinales de Couleur3 et le jeune homme qui se
cache derrière.
Elégance uniformément répartie sur presque deux mètres,
regard franc, fraîcheur joviale, il
porte beau et semble, quant à
lui, ne pas avoir à confesser de
récente infidélité aux étreintes
de Morphée. «C’est qu’après
avoir retrouvé un horaire normal pendant l’été, je me remets
progressivement à un rythme
matinal en me couchant plus
tôt», explique-t-il. Sonnerie du
réveil à 4 h 15, debout à 4 h 17
«quand tout va bien», puis direct sur les ondes de 6 h à 9 h, la
plage radiophonique la plus
écoutée. Un horaire qu’il
connaît bien pour l’avoir assuré
pendant trois ans sur la radio
privée lausannoise LFM. Il retrouvera les petits matins dès le
25 août sur Couleur3, la RTS
ayant jeté son dévolu sur ce
Lausannois pour succéder au
duo des deux Vincent Veillon et
Kucholl, propulsés vers d’autres
horizons par le succès stratosphérique de leur capsule de
120 secondes.
Succéder au succès. La perspective ne semble pas trop intimider Jonas Schneiter, assez pro
pour paraître sûr de son fait, assez perfectionniste pour s’en
donner les moyens. «Cela fait des
mois qu’on en discute avec les
responsables de la chaîne, qu’on
prépare cette matinale. Je ne suis
pas paniqué, je sais ce que je veux
faire, même si je sais aussi que
l’attente est énorme», confie-t-il
en évoquant les points forts de
cette nouvelle formule «très
casse-gueule mais très excitante».
Excitant comme la «Douche
froide» qu’il promet de faire subir
à ses invités de 7 h 50, interviewés
avec un mélange de méchanceté
caustique et de mauvaise foi assumée. Casse-gueule comme le
«Répondez!» lancé au passant
aléatoire qui se verra confier un
téléphone portable et trois minutes d’antenne, avant que celuici ne transmette l’objet à une personne de son choix…
Du neuf, donc, pour cette
matinale: un nouveau nom en
guise d’ironique salutation new
age («Namasté: on l’a trouvé hier
soir!»), de nouvelles voix, dont
celle fribourgeoise d’Agathe Birden, et une impertinence gratuite qui ne dépareront certainement pas l’ADN farouchement
jeuniste de la chaîne.
Souffleté par Couchepin
Une impertinence que Jonas
Schneiter, derrière l’élégance de
sa mise et le beau cuivre matutinal de sa voix, prend plaisir à
laisser affleurer. Cette même impertinence dont il n’a eu de
cesse, en 23 ans d’existence et
presque autant de carrière journalistique, de consteller le paysage médiatique romand. Oui,
23 ans seulement, mais le métier
l’a accaparé très tôt. «Nous avons
toujours beaucoup écouté la ra-
A 23 ans, Jonas Schneiter connaît un succès croissant: il s’apprête à reprendre la matinale de Couleur3
avec une impertinence qu’il sait parer d’élégance. RTS/ANNE KEARNEY
dio en famille. Très jeune, je
m’amusais déjà à faire de la radio
sur des cassettes, dans ma chambre.» A l’adolescence, alors que
ses copains trichent sur leur âge
pour entrer en boîte de nuit, lui
triche sur son âge pour participer, à 16 ans, à Génération 07,
plateforme pour jeunes reporters
politiques lancée par le diffuseur
public. Il s’y fait remarquer en
osant cette question à Pascal
Couchepin: «Etes-vous le moins
populaire des conseillers fédéraux parce que vous en êtes aussi
le plus vieux?» Et le Valaisan, piqué au vif, de le renvoyer vertement à ses bancs d’école. Le vent
du soufflet vaudra une petite visibilité à Jonas Schneiter, et le portera vers d’autres expériences
médiatiques. Satiriste chez Vigousse, piégeur de personnalités
et producteur de L’Effet Caribou,
journaliste pour différents titres
romands, il donne tout, fonce en
tous sens, s’inscrit trois fois en
sciences politiques à l’université
mais repousse invariablement
l’échéance, préférant saisir ces
opportunités qu’il sait susciter.
Audace d’entreprendre
Avec ses nouvelles responsabilités radiophoniques, il a dû
cesser de songer à s’inscrire encore. Tant pis pour les études,
l’expérience sera un bagage tout
aussi valable car rempli d’une
ambitieuse énergie. «En travaillant, je fais tout ce que j’aime!
Lorsque j’ai du temps libre, j’ai
envie de le passer en travaillant
aussi.» Cette année, un séjour
de… 48 heures à Lisbonne aura
fait office de pause estivale pour
ce bosseur dont l’activisme forcené est encore loin d’avoir assouvi la curiosité.
Pourtant, une telle audace
d’entreprendre aura empêché sa
jeunesse de s’épancher en joyeux
détours. «Oui, il y a des choses
qu’il faut que je vive encore. Je
n’ai pas connu le total lâcher
prise de la jeunesse par exemple,
mais je me le réserve pour plus
tard!», ose-t-il en finissant son
café. C’est vrai qu’il en a encore le
temps, le monde autour de lui se
réveille à peine. I
> Matinale de Couleur3, 6 h–9 h
> www.couleur3.ch
une réédition
un polar
un livre de cinéma
Sous la férule du dé
Un vrai policier islandais
Cent pour cent noir
Roman culte sorti en 1971 aux EtatsUnis, L’homme-dé est une étrange expérimentation existentielle et farouchement
contestataire. Partiellement autobiographique, ce texte est le fruit des expériences
hasardeuses de l’écrivain George Powers
Cockroft, planqué ici sous les traits de
Luke Rhinehart, un psychanalyste new-yorkais englué dans son marasme petit-bourgeois. Pour s’en extraire, il se décide un
jour à confier sa vie aux caprices du dé,
soumettant au hasard de ses faces chacune de ses décisions à venir.
Son but? Faire disparaître ce «moi» consensuel et désespérément uniforme à la faveur d’autres moi refoulés.
Pour le meilleur et pour le pire. Qu’importe: seul le hasard
décide en maître. A mesure que la personnalité de Luke se
déflagre, la totale imprévisibilité de son être devient dangereuse mais séduit d’autres adeptes de la dé-vie, nouvelle religion libertaire et spontanée. Le dé lui ordonnera
d’écrire ce roman et paraît décider de l’agencement fantasque des chapitres, qui alternent les focalisations, juxtaposent poésie mystique, évocations libidineuses
post-soixante-huitardes, rhétorique psychanalytique et
dialogues cinglants. Un vrai manuel de sédition anticonformiste. A lire d’urgence, si les dés le veulent bien. TR
> Luke Rhinehart, L’homme-dé, Ed. de l’Olivier, coll. Replay, 521 pp.
Dire que le polar nordique a le vent en
poupe n’est pas un vain mot. Même en se
concentrant uniquement sur l’Islande, on
peut en lire des wagons: par exemple Arni
Thorarinsson et son héros le journaliste
Einar, ou Arnaldur Indridason et son enquêteur Erlendur, pour ne citer que les plus
célèbres. Dans Une ville sur écoute de Jon
Ottar Olafsson, on retrouve un univers
similaire en suivant David Arnarson, l’inspecteur qui s’intéresse de très près à la
découverte d’un cadavre de femme dans
un cabanon de pêcheurs. Lui ne croit pas
du tout à la thèse de l’ex-junkie qui aurait
succombé à une overdose.
S’il faut passablement de temps pour s’attacher aux
personnages, décrits un peu froidement, on finit par
comprendre pourquoi David Arnarson semble si distant.
Ce sont peut-être aussi les effluves de la réalité qui
embaument ce livre et qui le rendent moins clinquant.
Jon Ottar Olafsson a travaillé plusieurs années au sein
des forces de police d’Islande. Après l’effondrement du
système bancaire islandais en 2008, il est devenu
membre du bureau en charge des enquêtes sur les
crimes liés à la crise économique. L’homme sait donc de
quoi il parle. TB
> Jon Ottar Olafsson, Une ville sur écoute, Ed. Presses de la cité, 368 pp.
Le film noir, avec sa mythologie héritée
des années 40 et 50, n’en finit pas de fasciner et a déjà donné lieu à nombre de
publications plus ou moins savantes. Les
Editions Taschen lui consacrent à leur
tour un de ces «coffee-table books» dont
ils ont le secret: lourd, copieux, soigneusement mis en pages et vendu à un prix
raisonnable. Sur près de 700 pages, Paul
Duncan recense les 100 All-Time favorites
du film noir. Si le titre anglais est resté, le
texte, soigneusement traduit, est entièrement en français et permet de traverser l’histoire du
cinéma, du Cabinet du Dr Caligari (1920), chef-d’œuvre
de l’expressionnisme allemand qui a profondément
marqué l’esthétique du genre, jusqu’à Drive (2011) avec
Ryan Gosling, dernier exemple du «néo-noir» dont Douglas Keesey présente les contours dans l’un des trois
intéressants articles introductifs du livre.
Entre ces deux extrêmes, l’ouvrage enfile 98 autres
perles noires pour constituer un panorama assez complet, avec (à juste titre) une majorité de films réalisés
entre 1940 et 1960. Même si certains choix peuvent
porter à discussion, tous les chefs-d’œuvre du genre sont
au rendez-vous, soigneusement décrits et analysés et
très richement illustrés. Un régal pour cinéphiles! ES
> Paul Duncan, Film Noir, 100 All-Time Favorites, Ed. Taschen, 688 pp.