Lire en PDF - Jonas: Schneiter
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28 MAGAZINE jeunesse FAIRE QUELQUE CHOSE ADOS Il n’existe pas beaucoup de recueils de nouvelles pour les ados, ce qui rend déjà ce livre remarquable. Neuf histoires, neuf adolescents à un moment clé de leur vie, confrontés à des choix qui les dépassent et qui vont devoir puiser dans leurs ressources. Il y a Adra, menacée d’excision comme sa grande sœur qui en est morte, Marie qui veut préparer une surprise aux invités de ses parents et à sa meilleure amie, Eliot face aux bassesses de certains adultes lors d’un stage à la préfecture, mais aussi Timothée qui sort de sa paresse estivale pour donner un coup de main dans un festival de rock, ou Fanny qui tombe amoureuse et déchante… Certains textes sont assez durs, d’autres plus lumineux, mais aucun ne laissera les lecteurs indifférents. CH > Hélène Vignal, Casseurs de solitudes, Rouergue, coll. Doado, 160 pp., dès 13 ans. SENS DE L’HONNEUR ENFANTS Comment un vieux chat apprit-il la sagesse à un samouraï trop impatient? Pourquoi le conteur aveugle a-t-il perdu ses oreilles? Comment un samouraï offrit-il la vie éternelle à un cerisier? Ou comment un minuscule samouraï de trois centimètres sauva-t-il la fille d’un seigneur avant de l’épouser? Onze contes pleins de sagesse et parfois de malice pour se plonger dans un monde passionnant, celui des valeureux guerriers du Japon d’autrefois, avec de très belles illustrations qui rappellent des gravures. Une excellente manière de découvrir le Japon sous un angle différent de celui du manga, et un bon moment à passer pour tous, enfants comme adultes, avec ce recueil de l’excellente collection Contes et Légendes. CH > Anne Jonas, Les samouraïs, Nathan, coll. Contes et Légendes, 160 pp., dès 9 ans. LA LIBERTÉ SAMEDI 16 AOÛT 2014 Nouvellesimpertinencesmatinales Radio. Dès le 25 août, la voix du Lausannois Jonas Schneiter succédera à celle de Vincent Veillon pour animer la matinale de Couleur3. Portrait d’un jeune lève-tôt rencontré à l’aube. THIERRY RABOUD e «Est-ce que 7 h 30 peut vous convenir?» Aux aurores, donc. Bon, ça fait tôt, mais l’on sacrifiera volontiers un brin de sommeil pour rencontrer Jonas Schneiter dans son élément: ces heures indues où il donne habituellement de la voix pour saisir la Suisse romande au saut du lit. Rendez-vous est donc pris au point du jour à la cafétéria du temple lausannois de la RTS. «On peut y boire un bon jus d’orange pressé», vante-t-il au téléphone. L’appât est efficace mais une fois sur place, pas de chance, la cafétéria est encore fermée. C’est donc muni d’un infâme mais nécessaire café en gobelet que l’on rencontre la nouvelle voix des prochaines matinales de Couleur3 et le jeune homme qui se cache derrière. Elégance uniformément répartie sur presque deux mètres, regard franc, fraîcheur joviale, il porte beau et semble, quant à lui, ne pas avoir à confesser de récente infidélité aux étreintes de Morphée. «C’est qu’après avoir retrouvé un horaire normal pendant l’été, je me remets progressivement à un rythme matinal en me couchant plus tôt», explique-t-il. Sonnerie du réveil à 4 h 15, debout à 4 h 17 «quand tout va bien», puis direct sur les ondes de 6 h à 9 h, la plage radiophonique la plus écoutée. Un horaire qu’il connaît bien pour l’avoir assuré pendant trois ans sur la radio privée lausannoise LFM. Il retrouvera les petits matins dès le 25 août sur Couleur3, la RTS ayant jeté son dévolu sur ce Lausannois pour succéder au duo des deux Vincent Veillon et Kucholl, propulsés vers d’autres horizons par le succès stratosphérique de leur capsule de 120 secondes. Succéder au succès. La perspective ne semble pas trop intimider Jonas Schneiter, assez pro pour paraître sûr de son fait, assez perfectionniste pour s’en donner les moyens. «Cela fait des mois qu’on en discute avec les responsables de la chaîne, qu’on prépare cette matinale. Je ne suis pas paniqué, je sais ce que je veux faire, même si je sais aussi que l’attente est énorme», confie-t-il en évoquant les points forts de cette nouvelle formule «très casse-gueule mais très excitante». Excitant comme la «Douche froide» qu’il promet de faire subir à ses invités de 7 h 50, interviewés avec un mélange de méchanceté caustique et de mauvaise foi assumée. Casse-gueule comme le «Répondez!» lancé au passant aléatoire qui se verra confier un téléphone portable et trois minutes d’antenne, avant que celuici ne transmette l’objet à une personne de son choix… Du neuf, donc, pour cette matinale: un nouveau nom en guise d’ironique salutation new age («Namasté: on l’a trouvé hier soir!»), de nouvelles voix, dont celle fribourgeoise d’Agathe Birden, et une impertinence gratuite qui ne dépareront certainement pas l’ADN farouchement jeuniste de la chaîne. Souffleté par Couchepin Une impertinence que Jonas Schneiter, derrière l’élégance de sa mise et le beau cuivre matutinal de sa voix, prend plaisir à laisser affleurer. Cette même impertinence dont il n’a eu de cesse, en 23 ans d’existence et presque autant de carrière journalistique, de consteller le paysage médiatique romand. Oui, 23 ans seulement, mais le métier l’a accaparé très tôt. «Nous avons toujours beaucoup écouté la ra- A 23 ans, Jonas Schneiter connaît un succès croissant: il s’apprête à reprendre la matinale de Couleur3 avec une impertinence qu’il sait parer d’élégance. RTS/ANNE KEARNEY dio en famille. Très jeune, je m’amusais déjà à faire de la radio sur des cassettes, dans ma chambre.» A l’adolescence, alors que ses copains trichent sur leur âge pour entrer en boîte de nuit, lui triche sur son âge pour participer, à 16 ans, à Génération 07, plateforme pour jeunes reporters politiques lancée par le diffuseur public. Il s’y fait remarquer en osant cette question à Pascal Couchepin: «Etes-vous le moins populaire des conseillers fédéraux parce que vous en êtes aussi le plus vieux?» Et le Valaisan, piqué au vif, de le renvoyer vertement à ses bancs d’école. Le vent du soufflet vaudra une petite visibilité à Jonas Schneiter, et le portera vers d’autres expériences médiatiques. Satiriste chez Vigousse, piégeur de personnalités et producteur de L’Effet Caribou, journaliste pour différents titres romands, il donne tout, fonce en tous sens, s’inscrit trois fois en sciences politiques à l’université mais repousse invariablement l’échéance, préférant saisir ces opportunités qu’il sait susciter. Audace d’entreprendre Avec ses nouvelles responsabilités radiophoniques, il a dû cesser de songer à s’inscrire encore. Tant pis pour les études, l’expérience sera un bagage tout aussi valable car rempli d’une ambitieuse énergie. «En travaillant, je fais tout ce que j’aime! Lorsque j’ai du temps libre, j’ai envie de le passer en travaillant aussi.» Cette année, un séjour de… 48 heures à Lisbonne aura fait office de pause estivale pour ce bosseur dont l’activisme forcené est encore loin d’avoir assouvi la curiosité. Pourtant, une telle audace d’entreprendre aura empêché sa jeunesse de s’épancher en joyeux détours. «Oui, il y a des choses qu’il faut que je vive encore. Je n’ai pas connu le total lâcher prise de la jeunesse par exemple, mais je me le réserve pour plus tard!», ose-t-il en finissant son café. C’est vrai qu’il en a encore le temps, le monde autour de lui se réveille à peine. I > Matinale de Couleur3, 6 h–9 h > www.couleur3.ch une réédition un polar un livre de cinéma Sous la férule du dé Un vrai policier islandais Cent pour cent noir Roman culte sorti en 1971 aux EtatsUnis, L’homme-dé est une étrange expérimentation existentielle et farouchement contestataire. Partiellement autobiographique, ce texte est le fruit des expériences hasardeuses de l’écrivain George Powers Cockroft, planqué ici sous les traits de Luke Rhinehart, un psychanalyste new-yorkais englué dans son marasme petit-bourgeois. Pour s’en extraire, il se décide un jour à confier sa vie aux caprices du dé, soumettant au hasard de ses faces chacune de ses décisions à venir. Son but? Faire disparaître ce «moi» consensuel et désespérément uniforme à la faveur d’autres moi refoulés. Pour le meilleur et pour le pire. Qu’importe: seul le hasard décide en maître. A mesure que la personnalité de Luke se déflagre, la totale imprévisibilité de son être devient dangereuse mais séduit d’autres adeptes de la dé-vie, nouvelle religion libertaire et spontanée. Le dé lui ordonnera d’écrire ce roman et paraît décider de l’agencement fantasque des chapitres, qui alternent les focalisations, juxtaposent poésie mystique, évocations libidineuses post-soixante-huitardes, rhétorique psychanalytique et dialogues cinglants. Un vrai manuel de sédition anticonformiste. A lire d’urgence, si les dés le veulent bien. TR > Luke Rhinehart, L’homme-dé, Ed. de l’Olivier, coll. Replay, 521 pp. Dire que le polar nordique a le vent en poupe n’est pas un vain mot. Même en se concentrant uniquement sur l’Islande, on peut en lire des wagons: par exemple Arni Thorarinsson et son héros le journaliste Einar, ou Arnaldur Indridason et son enquêteur Erlendur, pour ne citer que les plus célèbres. Dans Une ville sur écoute de Jon Ottar Olafsson, on retrouve un univers similaire en suivant David Arnarson, l’inspecteur qui s’intéresse de très près à la découverte d’un cadavre de femme dans un cabanon de pêcheurs. Lui ne croit pas du tout à la thèse de l’ex-junkie qui aurait succombé à une overdose. S’il faut passablement de temps pour s’attacher aux personnages, décrits un peu froidement, on finit par comprendre pourquoi David Arnarson semble si distant. Ce sont peut-être aussi les effluves de la réalité qui embaument ce livre et qui le rendent moins clinquant. Jon Ottar Olafsson a travaillé plusieurs années au sein des forces de police d’Islande. Après l’effondrement du système bancaire islandais en 2008, il est devenu membre du bureau en charge des enquêtes sur les crimes liés à la crise économique. L’homme sait donc de quoi il parle. TB > Jon Ottar Olafsson, Une ville sur écoute, Ed. Presses de la cité, 368 pp. Le film noir, avec sa mythologie héritée des années 40 et 50, n’en finit pas de fasciner et a déjà donné lieu à nombre de publications plus ou moins savantes. Les Editions Taschen lui consacrent à leur tour un de ces «coffee-table books» dont ils ont le secret: lourd, copieux, soigneusement mis en pages et vendu à un prix raisonnable. Sur près de 700 pages, Paul Duncan recense les 100 All-Time favorites du film noir. Si le titre anglais est resté, le texte, soigneusement traduit, est entièrement en français et permet de traverser l’histoire du cinéma, du Cabinet du Dr Caligari (1920), chef-d’œuvre de l’expressionnisme allemand qui a profondément marqué l’esthétique du genre, jusqu’à Drive (2011) avec Ryan Gosling, dernier exemple du «néo-noir» dont Douglas Keesey présente les contours dans l’un des trois intéressants articles introductifs du livre. Entre ces deux extrêmes, l’ouvrage enfile 98 autres perles noires pour constituer un panorama assez complet, avec (à juste titre) une majorité de films réalisés entre 1940 et 1960. Même si certains choix peuvent porter à discussion, tous les chefs-d’œuvre du genre sont au rendez-vous, soigneusement décrits et analysés et très richement illustrés. Un régal pour cinéphiles! ES > Paul Duncan, Film Noir, 100 All-Time Favorites, Ed. Taschen, 688 pp.