Oiseaux sous étroite surveillance - La Chaux-de

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Oiseaux sous étroite surveillance - La Chaux-de
“MARDI 14 JUIN 2016 m“
RÉGION 11
VAL-DE-TRAVERS Sur le terrain pour établir un atlas des oiseaux nicheurs.
Oiseaux sous étroite surveillance
MATTHIEU HENGUELY
UN ATLAS TOUS LES 20 ANS
Jean-Daniel Blant n’en revient
toujours pas. Au cours d’un repérage pour l’«Atlas suisse des
oiseaux nicheurs», l’ornithologue vient d’observer un couple
de martinets à ventre blanc le
long d’une falaise du Val-de-Travers. «C’est rarissime. Dans le
canton, ils ne nichent qu’au
Creux-du-Van où il n’y a que quelques couples», explique le conservateur adjoint du musée
d’histoire naturelle de La
Chaux-de-Fonds, en charge de
quadriller un secteur de 10 km2
centré sur Fleurier.
En ce vendredi matin, le coordinateur neuchâtelois de ce grand
recensement à l’échelle suisse – il
a été entamé en 2013 et dure jusqu’à la fin de l’année – est à la recherche de rapaces et vient vérifier de précédents indices de
nidification. «C’est toujours
mieux de repasser plusieurs fois
sur les lieux d’observation. J’ai dû
le faire pour avoir la preuve de la
présence de la gelinotte par exemple.» Les données récoltées sont
ensuite traitées par la Station ornithologique suisse de Sempach, qui coordonne le travail de
très nombreux ornithologues
amateurs œuvrant à cet inventaire dressé tous les 20 ans.
Code international
Les données peuvent prendre
plusieurs formes. De la preuve
ultime d’une nidification, l’observation d’œufs ou de poussins,
à de bons indices, comme celui
d’un comportement nuptial
d’un oiseau. «Nous avons une
classification internationale pour
noter nos découvertes. Cela va de
l’observation de l’espèce pendant
la période de nidification, code 1, à
l’observation du nid, avec les œufs
ou les jeunes, code 19», explique
Jean-Daniel Blant, en avançant
dans une forêt de son secteur.
«On travaille beaucoup à
l’oreille», remarque l’ornithologue, après avoir entendu un beccroisé. Il le notera d’un code 2,
soit celui d’une observation dans
un milieu adéquat, signe d’une
Jean-Daniel Blant en pleine observation. En haut, le martinet à ventre blanc, une joute entre faucons crécerelle et hobereau et un milan royal.
nidification possible. «Pour les
espèces communes, on se contente
de noter leur présence dans notre
carré de 10 km2. Par contre, pour
des espèces plus rares, comme le
grand corbeau par exemple, on essaye de localiser les nids dans une
zone d’un kilomètre carré. Pour
cette espèce, on irait le chercher
dans les falaises», continue le
biologiste, qui alterne ainsi les
sorties visant un oiseau particulier avec des balades où il note
absolument toutes les observations, moineaux ou pinsons
compris.
Joutes aériennes
Arrivé près d’une falaise, il y
guette le faucon pèlerin, mais y
Précieux enseignements
«
z
Nous avons découvert plus
d’espèces différentes que lors
des précédents Atlas, grâce à
tout le travail fourni à l’époque.»
JEAN-DANIEL BLANT ORNITHOLOGUE
découvre les fameux martinets.
«Sont-ils en prospection pour un
nouveau site pour pondre? Il faudra revenir pour en avoir le cœur
net», juge Jean-Daniel Blant,
alors que cela s’agite dans le ciel
devant ses jumelles. Il repère
coup sur coup plusieurs milans
Mené par la Station ornithologique
suisse de Sempach, le projet d’Atlas
suisses des oiseaux nicheurs bénéficie de l’apport de nombreux ornithologues amateurs de tout le
pays, à l’instar de Jean-Daniel Blant,
qui va sur le terrain durant son
temps libre. Le recensement dure
quatre ans afin de, notamment, se
prémunir d’effets dus à des saisons
exceptionnelles. «Cette année, les
hêtres de la vallée ont pris un coup
de froid. On va plus difficilement
voir les espèces qui sont liées à cet
arbre comme le pouillot siffleur»,
explique le conservateur adjoint du
Musée d’histoire naturelle de La
Chaux-de-Fonds.
L’opération est renouvelée au niveau suisse tous les 20 ans. Le précédent Atlas suisse des oiseaux nicheurs avait ainsi couvert la
période 1993-1996, pour une publication en 1997. Les ornithologues
neuchâtelois, avec le concours des
deux musées d’histoire naturelle
du canton, avaient remis le couvert
entre 1997 et 2002 pour dresser un
inventaire neuchâtelois (publié en
2007). Dans les deux cas toutefois,
les ornithologues font attention à
ne pas publier de données trop
précises, surtout pour les espèces
en danger. Exemple avec le faucon
pèlerin, recherché pour la fauconnerie au Moyen-Orient et victime
de trafic illégal.
royaux, puis un couple de faucons crécerelles. Le mâle s’engage ensuite dans un drôle de
ballet aérien avec un nouveau
venu, qui s’avérera être un faucon hobereau. «Une espèce que je
n’avais pas vue durant les recherches pour l’Atlas.»
Les ornithologues neuchâtelois
– ils sont une quinzaine à être
responsable de secteurs, alors
que de nombreux contributeurs
ponctuels donnent de précieux
coups de main via la plateforme
ornitho.ch – ont ainsi découvert
«plus d’espèces différentes que lors
des précédents Atlas», apprécie
Jean-Daniel Blant. «On bénéficie
de tout le travail qui avait été fourni à l’époque, et nous pouvons être
plus précis dans nos recherches.»
Avec de bonnes surprises,
comme les martinets, mais
aussi de mauvaises, notamment pour les oiseaux liés aux
paysages agricoles. «L’alouette
des champs, qui était présente
dans tout le fond du Val-de-Travers, a pratiquement disparu,
tout comme le tarier des prés,
qui possédait encore deux
bastions aux Verrières et à La
Côte-aux-Fées. Aujourd’hui, les
noyaux de population n’existent
plus», observe le biologiste.
Pour qui la raréfaction des
fleurs dans les champs engraissés est l’une des causes de
ces déclins.
Il faudra de longs mois à la Station ornithologique suisse pour
traiter la masse de données. De
précieux renseignements sur
l’évolution des espèces pourront
être tirés, afin de, si possible,
sauver les plus menacées. }
LITTORAL Après l’échec de deux projets sur le Littoral, des partisans de l’union entre la Béroche et Bevaix réagissent.
Inquiétudes sur la fusion de La Grande Béroche
L’échec des fusions à Neuchâtel et l’Entre-deux-Lacs n’est pas
pour rassurer les partisans d’une
union à l’extrémité ouest du Littoral. La campagne en faveur de
La Grande Béroche ne devrait
démarrer qu’après le vote des législatifs, en septembre.
«Nous sommes tous un peu plus
inquiets», déclare Adrien Laurent, l’un de ceux qui ont relancé l’idée à Bevaix, où il a été conseiller communal. «Si l’une au
moins des deux fusions avaient
passé, ça nous aurait donné un
peu d’air. Les opposants, qui ne
sont pas encore sortis du bois, vont
eux bénéficier de ce double non.»
L’ancien député socialiste au
Grand Conseil observe que, «visiblement, il y a un problème de fusion qui se pose. On est en droit de
se demander si les tentatives de fusionite sont vouées à une période
difficile. Si la nôtre échouait, ce serait la preuve qu’il y a un retour de
manivelle, une autre manière de
penser actuellement. Mais je
pense que c’est le sens de l’histoire:
si nous traversons un passage difficile, les fusions ne sont pas pour
autant terminées.»
L’échec des deux derniers
projets de fusion en date «a un
peu remis l’église au milieu du village, marquant un coup d’arrêt»,
estime Jean Fehlbaum, autre
cheville ouvrière de la fusion
Béroche-Bevaix. «Les fusions,
ce n’est facile nulle part. Avec le
recul, c’est quasiment un miracle
que les deux vallées aient pu se
faire aussi rapidement et avec un
tel succès», poursuit l’ancien
conseiller communal à SaintAubin, nouvellement élu conseiller général dans les rangs libéraux-radicaux.
Situations différentes
Comme nos deux précédents
interlocuteurs, le socialiste Gilbert Bertschi souligne les différences de situation: «A Peseux,
c’est l’émotionnel qui l’a emporté,
avec la volonté de ne pas être absorbé par Neuchâtel.» S’il peut y
avoir cette crainte dans les petites
communes bérochales vis-à-vis
de Bevaix, «au comité de pilotage,
nous avons toujours démontré que
nous étions très attentifs à leurs
souhaits», selon le conseiller
communal bevaisan sortant.
«L’analyse est beaucoup plus difficile pour l’Entre-deux-Lacs. Peut-
être qu’il y a une certaine lassitude.» Adrien Laurent note pour
sa part le rôle décisif, à SaintBlaise, d’un «empêcheur de tourner en rond, Olivier Haussener».
Quant au présent projet, «nous
craignons que ce soit par Gorgier
qu’il échoue», admet Marc Humbert-Prince, conseiller général
PLR à Bevaix. Pour des motifs financiers et fiscaux particulièrement. Adrien Laurent précise
toutefois que le groupe des Intérêts communaux n’a plus la majorité absolue au Conseil général
bélin, «ce qui nous donne un peu
d’espoir». Mais certains Bevaisans pourraient aussi ne pas apprécier que le centre de La
Grande Béroche soit à Saint-Aubin. Comme d’être un peu évincés du nom et des armoiries.
Pas de quoi s’exalter
La campagne en vue de la votation du 27 novembre sur la fision ne commencera qu’après
l’aval des législatifs de la Béroche et de Bevaix, le 5 septembre. Du côté des partisans, elle
ne promet pas de grands transports émotionnels: «On se résigne un peu, nous n’avons pas de
grande cause à défendre: c’est un
mariage de raison», rappelle le
Bevaisan Marc HumbertPrince. «Nous avons un gros souci, c’est le traitement des eaux
usées, mais ça ne va pas passionner le citoyen. Certes, il y a les
transports publics, mais à Bevaix,
où il y a 80% de villas, les gens se
déplacent en voiture. Et entre
Vaumarcus, Montalchez et Fresens, ce n’est pas évident.»
«La difficulté, c’est peut-être de
s’identifier à un projet de société;
ça pourrait manquer chez nous si
l’on n’y travaille pas», estime Jean
Fehlbaum, de Saint-Aubin. «Il y a
peu de possibilités de soulever un
enthousiasme populaire. Le plus
important, c’est de ne pas cristalliser les opposants sur des raisons
futiles», poursuit le secrétaire de
l’Association des citoyens de la
Béroche et membre invité au comité de pilotage.
«Nous avons toujours veillé à ce
qu’il y ait un maximum de transparence; il en faudra encore plus,
avec un côté didactique. En donnant, dans la convention de fusion,
un plan à quatre ans, nous voulions montrer qu’il n’y aura pas de
révolution et qu’on ne trompe pas
sur la marchandise.» } FME