De la bande dessinée au dessin animé : quelles formes d
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De la bande dessinée au dessin animé : quelles formes d
Troisième rencontre CNC-SACD 2009/2010 13 avril 2010 De la bande dessinée au dessin animé : quelles formes d’adaptation pour le cinéma, la télévision, et les nouveaux médias ? Modératrice : Claire Paoletti, scénariste Intervenants : Marc Jousset, producteur (Je suis bien content), Benjamin Legrand, scénariste, Arnaud Demuynck, producteur et scénariste (Les Films du Nord), Olivier Fontenay, responsable de production (Studio White Birds), Jean-Luc Fromental, scénariste Compte rendu : Valérie Ganne Jacques Fansten, président de la SACD souhaite la bienvenue aux participants. « Créées en 2006, ces Rencontres co-organisées par le CNC et la SACD permettent quatre fois par an aux auteurs de transmettre leurs expériences et d'échanger. » La scénariste Claire Paoletti introduit le débat en rappelant que l'intérêt principal de la rencontre de ce jour est de témoigner à quel point la bande dessinée a pris une place considérable dans l'univers audiovisuel, de la télévision au cinéma en passant par le jeu vidéo. « La télévision a sans doute été la première à adapter des albums de bande dessinée. Ça a donné lieu à de belles séries, comme Tintin, Titeuf, Mandarine and Co, ou encore Gaston Lagaffe en production chez Normaal Animation. L'adaptation est même devenue une question de franchise dans les chaînes. Du côté des longs métrages on peut citer Persepolis de Marjane Satrapi, l'adaptation, en cours de développement, du Chat du Rabbin par son auteur Joann Sfar, et des projets moins connus comme Ma maman est en Amérique elle a rencontré Buffalo Bill, un album de Jean Régnaud et Emile Bravo en cours d'adaptation par les producteurs de Label Anim. De plus, les mangas sont depuis longtemps une belle source d'adaptation, qu'il s'agisse de Fullmetal Alchemist sur Canal+ ou d'Amer Béton. long métrage. Nous allons d’abord parler du travail sur l'univers de Tardi, auteur de premier plan, dont l'adaptation d'Adèle Banc-Sec par Luc Besson sort sur les écrans demain, mercredi14 avril. La bande dessinée s'impose donc réellement par son univers narratif et visuel. Nous sommes ici sous l'égide du CNC et de la SACD, nous évoquerons donc la place des auteurs dans ce travail d'adaptation : c’est un domaine dans lequel nous avons la chance d'avoir des auteurs vivants au cœur du processus d'adaptation, comme Tardi, Bilal, ou David B. J'aimerais également que l'on aborde une autre question importante : la place du spectateur, qui n'est pas celle du lecteur, ou du joueur, ni du téléspectateur ou du spectateur de cinéma. Cela a des conséquences sur les contenus. Nous terminerons par une incursion juridique dans le domaine des droits en compagnie d’une juriste de la SACD. » La naissance du Monde truqué Le producteur Marc Jousset prend la parole pour faire part de son expérience sur Le Monde truqué, long métrage inspiré de l'univers de Jacques Tardi. « J’ai créé la société Je suis bien content en 1996 avec Franck Ekinci. Nous avons d'abord produit des courts métrages d'animation, des séries, avant de passer au long métrage avec Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. Nous sommes également producteurs exécutifs du Jour des corneilles, un autre long métrage en cours et nous travaillons sur le développement du Monde truqué, histoire inspirée de l’univers de Tardi. Benjamin Legrand en est l'auteur. Nous avons déjà monté quelques images, et sommes en train de terminer le pilote. Le film sera réalisé à la fois en 2D pour les personnages et en 3D pour les objets et certains décors. Nous peaufinons les derniers détails. Le film sera une coproduction avec Arnaud Demuynck (Les Films du Nord) et un producteur italien. Arnaud et moi venons tous deux de la production du court métrage d’animation, une bonne école pour produire des longs métrages. » Benjamin Legrand se présente ensuite : « Je suis auteur de livres, de scénarios, de bandes dessinées. J'ai commencé comme assistant réalisateur, avant d'écrire avec Tardi la bande dessinée Tueur de cafards. Ensuite, sur les conseils de Tardi, Philippe Druillet m'a demandé de travailler avec lui sur une série pour Antenne 2. Druillet était mon idole, mais le projet s’est transformé en cauchemar à cause du producteur de l'époque. C'est comme ça que j'ai commencé dans l'animation, puis sur des séries, et des films de cinéma. Récemment, j'ai proposé à Jacques Tardi un sujet original qui n’est pas l’adaptation d'un personnage existant. C'est comme ça qu'est né Le Monde Truqué : je me suis donc emparé de l'univers de Jacques Tardi que je connais depuis trente ans, et l'aventure a commencé avec les producteurs, Franck et Marc. » Il poursuit en racontant comment un beau matin, il s'est réveillé avec l'idée de cette histoire pour Tardi : « C'est ce qu'on appelle une uchronie : un monde qui ressemblerait un peu au notre si l’Histoire avait été différente, mais un monde dans lequel tout serait entièrement dessiné par Tardi. C'est assez rare en animation, mais cela existe beaucoup en littérature de science-fiction, chez Philip K. Dick notamment. Par exemple, que serait devenue la France si les Allemands et les Japonais avaient gagné la seconde guerre mondiale ? C'est le principe. Comme Tardi adore les savants fous, je suis parti de la question suivante : que ce serait-il passé si tous les savants du monde avaient été kidnappés aux alentours de 1850 ? Le monde n'aurait pas avancé, il serait resté une sorte d'empire napoléonien où tout fonctionne à la vapeur. On aurait à peine de l'électricité, les forêts seraient rasées, les mines de charbon épuisées. Je voulais que Jacques ait le plaisir de dessiner des engins de fous, comme ce téléphérique à vapeur reliant Paris à Berlin et Londres en 3D. Le personnage principal est une jeune fille très volontaire qui a perdu ses parents, des savants qui ont été enlevés. Elle-même est une savante en herbe à qui il arrive de nombreuses aventures. J'ai en fait inventé un monde entièrement basé sur tout ce que Jacques Tardi aime dessiner. » Marc Jousset présente alors un teaser, résumé du projet réalisé à partir de dessins de Tardi parus aux éditions Casterman. « C'est une sorte de pitch en images. Suite à sa présentation au Forum Cartoon 2008, nous avons trouvé un partenaire financier important, StudioCanal qui nous suit depuis en finançant en partie le développement artistique et graphique du projet. Nous avons pu réaliser un pilote qui sera très bientôt terminé. Le film sera réalisé en animation traditionnelle pour les personnages et en 3D pour les véhicules et certains décors, le tout en couleur. Son budget prévisionnel est de 10 millions d'euros. Franck Ekinsi et Benjamin Legrand ont travaillé sur l'écriture, beaucoup d'idées ont jailli de leurs cerveaux fertiles, mais maintenant il faut faire tenir l'histoire en 90 minutes ! Nous aurons à la fois le pilote et le scenario d'ici un mois pour les présenter à nos coproducteurs, l’italien Francesco Cera et le belge Arnaud Demuynck ici présent. Puis nous partirons pour le montage financier et constituerons les équipes de production fin 2010 pour une durée d'environ 15 à 18 mois. La date de sortie n'est pas encore définie. C’est le métier du distributeur, métier que j'ai découvert à l'occasion de la sortie de Persepolis. Quand on sait qu'un blockbuster américain en 3D sort tous les quinze jours, il ne faut pas se tromper de date de sortie... Le premier qui a fait le pari du long métrage d'animation français c'est Michel Ocelot avec Kirikou. Il a concurrencé Le prince d'Egypte, en faisant 2 millions d'entrées. Même Persepolis est sorti presque en même temps que le dessin animé Ratatouille, et a quand même fait son chemin… Quand nous avons commencé à travailler sur Le Monde truqué, Jacques Tardi avait des doutes sur la possibilité d'adapter son style en animation, car il avait connu de premières expériences peu concluantes. Comme nous étions en train de terminer Persepolis, nous avons déjeuné à coté du studio et nous l'avons emmené voir des images. Il a pu discuter avec Marjane Satrapi, qui l’a à la fois rassuré et convaincu. Nous avons eu la chance de travailler avec Marjane tout au long de la production, et avec Jacques ensuite sur le développement de son projet : c'est une bonne méthode pour l'adaptation, car cela permet à la fois d'être fidèle au sujet et de l'adapter aux contraintes de l'animation. Par exemple, Persepolis n'est pas fidèle à la bande dessinée originale et pourtant tout le monde le croit. Nous nous sommes réappropriés l'œuvre. Jacques Tardi a été convaincu par cette démarche, et nous a proposé beaucoup de croquis et dessins. J'étais également un grand fan de Tardi, et c'est un véritable plaisir de travailler avec lui pour un long métrage : nous avons des moyens, du temps pour travailler sur la forme et le fond en profondeur. Cependant, j’avoue que toute bande dessinée est difficile à adapter, car ce graphisme original n'est pas fait à l'origine pour devenir un dessin animé. Mais se plonger dans un univers demande une rencontre avec un auteur avec qui on construit une relation. Ce sont des rencontres très enrichissantes. Toute la difficulté consiste à trouver des solutions techniques pour fabriquer un film en restant fidèle à un univers. » Répondant à Claire Paoletti qui lui demande des détails sur les débuts du projet, le producteur donne l'exemple du développement graphique du Monde truqué. « Le dessin de Tardi est très spontané. Il n'y a pas forcément d'unité graphique entre chaque case. Pour pérenniser ce dessin ensuite avec une équipe de 20 personnes, il faut une véritable maîtrise technique. Il faut reproduire cette facilité à camper les personnages, à leur donner une personnalité et une émotion. En formatant trop, on s'écarte de son univers, il faut donc chercher. Persepolis en est un autre exemple : Marjane Satrapi dessinait au feutre, c'est pour cette raison que l'on a choisi l'animation traditionnelle. On a eu besoin de toute une équipe de traceurs, comme pour le pilote du Monde truqué. Mais c'est très cher. Nous réfléchissons donc à une méthode moins onéreuse. Jacques ou Marjane dessinent sur papier et non sur une palette graphique, leur médium commun est encore le papier et le crayon. Il faut donc une équipe de 20 dessinateurs qui doivent dessiner le même univers, le même personnage, en gardant la même technique de base. Mais j'aime retrouver l'animation traditionnelle, alors qu’aujourd’hui pratiquement toutes les productions pour la télévision sont réalisées sur palettes numériques, même la 2D. Le papier, medium commun entre les auteurs et les dessinateurs, permet le respect de l’univers graphique d’origine. C'est donc encore plus difficile en 3D : il faut retrouver le trait, la matière, mais en travaillant sur des machines. Nous avons des ordinateurs puissants et des logiciels sophistiqués. Pour parvenir à un résultat satisfaisant, il faut du développement, donc des gens, du temps et de l'argent. » Benjamin Legrand revient sur les aspects littéraires et narratifs du projet. « Je suis entré dans l’inspiration de Jacques Tardi, en faisant le passeur entre lui et ceux qui vont travailler avec lui ensuite. Jacques Tardi a beaucoup d'idées, nous avons énormément discuté, également avec Franck Ekinci qui a écrit avec moi. Nous avons abouti à un immense traitement, qui a été accepté par StudioCanal, malgré ses quelques 100 pages ! Nous en sommes à la phase finale du scénario dialogué, et j'attends le retour de Franck et de Jacques pour terminer. Jacques est extrêmement occupé, entre ses propres albums et la promotion d'Adèle Blanc-Sec en ce moment. Il va signer le film avec un réalisateur, peut-être même deux. Le premier sera Christian Demares qui a coréalisé le pilote avec lui. » A Claire Paoletti qui lui demande si Jacques Tardi est un auteur qui a l'habitude de travailler seul, Benjamin Legrand répond qu'il travaille surtout avec les livres. « Il possède une bibliothèque incroyable sur la guerre de 14/18, la commune, le 19ème siècle : les murs de son atelier, qui est très grand, sont couverts de livres. Il n'a pas du tout l'habitude de travailler avec une équipe, il est même parfois un peu timide. » Quel public ? Claire Paoletti aborde alors la question des spectateurs : « Le film a des coproducteurs européens, belge et italien, souhaitez-vous élargir à un public plus international ? » Le producteur belge Arnaud Demuynck précise que Tardi est très connu en Belgique. « Nous avons grandi avec ses bandes dessinées. Financièrement, en tant que coproducteur belge, nous devons trouver 10% du financement, soit 1 million d'euros et les dépenser en Belgique. Ce qui est difficile. En revanche, au niveau du public, je suis persuadé que ça sera aussi fertile qu'en France. » Jean-Luc Fromental rappelle qu'en cas d'adaptation d'une bande dessinée, la question du rapport de taille entre un succès d'édition et un succès de cinéma se pose systématiquement. « Pour le cinéma, il faut évidemment élargir le public car celui des albums reste insuffisant, d'autant que les acheteurs sont moins nombreux que les lecteurs car les albums tournent. » Benjamin Legrand précise qu'un nouvel album de Tardi se vend en moyenne à environ 100 000 exemplaires. Le producteur Marc Jousset constate que même si Tardi est déjà très connu, il va l’être davantage grâce à l'Adèle Blanc-Sec de Luc Besson. « Le Monde truqué sera un film grand public avec plusieurs niveaux de lecture, un film d'aventure avec un propos. Pour un budget de 10 millions d'euros, il nous faut au moins 1 million de spectateurs. Si l'on revient à l'exemple de Persepolis, les albums de Marjane Satrapi n'étaient pas très connus en France et nous avons rassemblé 1,2 million de spectateurs dans notre pays. Pour avoir un ordre d’idée, les budgets des longs métrages d'animation vont de 12 millions d'euros pour Lucky Luke ou Le chat du Rabbin, pour descendre à 6 millions d'euros pour les films du milieu comme Persepolis et Les Lascars. Un film à 3 millions d'euros comme Valse avec Bachir est un "low cost". » Questions du public « Comment expliquez-vous que le film Persepolis ait dépassé le million de spectateurs ? » Marc Jousset répond qu'il n'y a pas de recette. « Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud ont fait le film qu'ils ont eu envie de faire. Marjane a réécrit à la fois par rapport à sa propre histoire et à la bande dessinée : certaines choses sont dans le film et pas dans la BD. C'est la même histoire racontée différemment. C’est sans doute cette authenticité qui a fait son succès : il n'y avait pas de stratégie marketing, c'était quand même un film en noir et blanc, en animation traditionnelle, racontant l'histoire d'une iranienne... Mais nous avons été aidés par la sélection au festival de Cannes, et surtout par la réaction négative des mollahs, qui ont été de très bons attachés de presse ! Disons que le contexte politique et cinématographique a été porteur. » Pour Jean-Luc Fromental, « chaque film possède un socle spécifique, auquel il faut rester fidèle. Il existe assez de chicanes et de guichets pour parvenir à faire un film, il ne faut pas que la part créative du projet en paie les frais. Il est toujours dangereux de tordre un projet pour un public ciblé, il faut garder l'intégrité des auteurs. » « Lorsque l’on adapte des auteurs surtout connus en France, avec des budgets élevés, faut-il anticiper des accords à l'étranger ? Et comment y sont perçus des auteurs comme Tardi ou Satrapi ?" Benjamin Legrand avoue que Tardi est peu connu ailleurs qu'en France, à part en Allemagne. En revanche, les livres de Marjane Satrapi sont connus aux EtatsUnis, car son film a été nominé aux Oscar. Le producteur Marc Jousset précise cependant que le marché américain est très particulier : « Persepolis y est tout de même sorti sur 500 copies, mais après leur nombre est un peu redescendu. Le film d'auteur français reste confidentiel aux USA, c'est au Canada qu'il y a du potentiel. Les européens sont beaucoup plus ouverts, et c'est sur eux qu'on se base pour Le Monde truqué ». « Les Etats-Unis font preuve d’un protectionnisme audiovisuel fort » ajoute Jean-Luc Fromental. « J'en ai fait l'expérience avec beaucoup de séries. Les américains nous appliquent une censure qu'ils ne respectent pas eux mêmes ! Il ne faut pas essayer de travailler avec eux, mais attendre qu’ils viennent nous chercher. Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chaumet en est un bon exemple : on a vu des producteurs américains venir rencontrer les producteurs du film, les Armateurs. C'est toujours stupéfiant quand les gros viennent chercher les petits pour leur demander de l’aide ! » Olivier Fontenay, responsable de production des Studios White Birds, intervient pour préciser que la problématique est la même dans le domaine du jeu vidéo : « Le marché français ne suffit pas pour amortir un budget. C'est même handicapant de partir d’une œuvre existante, car c'est mal jugé. Il est plus efficace et intéressant de créer une œuvre originale, un jeu alors considéré comme une véritable création. Paradoxalement, l’adaptation nous dessert donc sur ce marché, même si elle a eu du succès en France et à l'étranger. Le cas de Bilal sur lequel nous travaillons en ce moment est particulier, car son album La Foire aux immortels n'est pas connu dans le monde entier. » Jean-Luc Fromental analyse l'adaptation comme une double contrainte: « Quand on va chercher un auteur, on s'interdit la souplesse qu'ont les gens qui inventent un univers. Si on travaille avec quelqu'un comme Tardi c'est dans le respect absolu de son travail, il possède un code créatif bien précis, un univers dans lequel on va s'ébattre. Mais on s'interdit de sortir de cet univers pour aller plus loin chercher un plus large public. C'est là que les rapports entre la bande dessinée et son adaptation sont ambigus et donc très intéressants. » Un membre du public qui revient de Taïwan demande si les marchés asiatiques s'intéressent aux œuvres européennes. Le producteur Marc Jousset avoue mal connaître ces marchés, mais remarque que le Japon possède tout ce qu'il faut en matière de bande dessinée ! Benjamin Legrand cite cependant l'exemple de Transperceneige, une bande dessinée de Jacques Lob parue dans les années 80. « J'ai écrit une suite avec le dessinateur Jean-Marc Rochette, une quinzaine d'années après la mort de Jacques Lob. Des éditeurs coréens avaient piraté cette bande dessinée qui est devenue un véritable succès local. Des producteurs viennent d'acheter les droits d'adaptation des trois albums pour en faire un film de cinéma. Le réalisateur sera Bong Joon Ho (The Host, Mother) pour une adaptation en live. » « Dans quel pays sera fabriqué Le Monde truqué de Tardi ? » Son producteur rappelle que si Persepolis a été fabriqué uniquement en France, Le Monde truqué se partagera entre la France et la Belgique et l'Italie, pays coproducteurs du film. Arnaud Demuynck précise qu'un financeur européen doit avoir un retour artistique et économique. « J'ai coproduit Une vie de chat, le premier long métrage d'Alain Gagnol et Jean-Louis Fellicioli avec Folimage, et quatre animateurs belges sortis de La Cambre, Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels belge, ont travaillé dessus. Cela leur a permis d'avoir une première expérience de long métrage, et c'était une répartition juste par rapport au financement partagé. » « Est-ce que les coproducteurs d'Italie et de Belgique donnent leur avis sur le contenu du scénario ? » « Bien évidemment, acquiesce Benjamin Legrand, mais sans doute après acceptation définitive du scénario par StudioCanal. Il ne s'agit pas seulement d'inventer un univers, mais de trier ! On part dans tous les sens : les transports, la vie quotidienne, tout ce qui est autour des personnages, tout le cadre est réinventé. C'est une mine d'idées inépuisable, mais on ne veut pas faire un film de douze heures... » « Comment a débuté cette collaboration entre Jacques Tardi et Benjamin Legrand ? » « Je lui ai proposé d’écrire une série sur l'idée d’un monde qui serait le notre en un peu différent, raconte ce dernier. Je lui ai d'abord raconté, avant de revenir quelques jours plus tard avec quelque chose d'écrit. Je l'ai fait lire ensuite à Franck Ekinci qui a proposé de partir plutôt sur un projet de long métrage. Franck est maintenant co-auteur, mais pas Jacques Tardi qui n'a pas vraiment le temps d'écrire, débordé qu’il est par ses autres projets en BD. Mais il suit le projet de près, et donne ses idées. » Jean-Luc Fromental fait remarquer que Jacques Tardi commence seulement à exploser au cinéma alors qu’il est âgé de plus de soixante ans : « La passerelle du papier à l'écran est très longue.» Benjamin Legrand ajoute l'exemple de Philippe Druillet qui a travaillé sur deux séries d'animation, qui lui ont demandé cinq ans pour 40 épisodes de 26 minutes. « Nous avons essuyé tous les pièges des balbutiements de la 3D, mais pourtant il n'a jamais réussi à monter ses projets de longs métrages. Le coût est un frein important, surtout il y a quelques années, car la 3D était déjà un outil extrêmement cher. » « En France, nous avons la chance d’être dans une industrie de prototype. Peut-on imaginer un développement permettant de rivaliser avec des studios à l'américaine ? » Pour Marc Jousset, cela serait une erreur. « Il faut rester sur un créneau du cinéma d'auteur. Kirikou et Persepolis se sont démarqués car ce sont des contreprogrammations : les budgets américains s'élèvent en moyenne de 60 à 120 millions d'euros. En France avec un budget de10 millions d'euros, on est bien contents. Sans compter le marketing et les investissements en promotion qui sont très élevés sur les films américains. C'est pour ça qu'il faut être malin au niveau de la création. Il faut aussi profiter de l'Europe : les fonds européens et les coproducteurs sont une vraie chance pour monter des projets créatifs. Valse avec Bachir d'Ari Folman a coûté 3 millions d'euros et a trouvé son public, avec un sujet fort, sortant des sentiers battus. Nous pouvons nous permettre de traiter des sujets atypiques. » « Il ne s'agit pas de rivaliser avec les américains sur leur terrain, complète Benjamin Legrand. Il faut faire ce qu'on a envie et ce qu'on aime faire. » Jean-Luc Fromental surenchérit en citant le contre-exemple de Kaena la prophétie (sorti en 2001) : « C'est ce qu'il ne faut absolument pas faire. Ce film jouait sur la virtuosité technique mais est arrivé trois ans trop tard et ce qu'il donnait à voir était déjà dépassé, avec un contenu faible. Il a essuyé un échec. » Une personne dans la salle remarque que les images du teaser du Monde truqué ne sont pas réellement « grand public » et que le projet prend tout de même un risque. « Ce que vous avez vu, ce ne sont pas les images finales du film, mais des images tirées de bandes dessinées de Tardi, souligne Marc Jousset. Mais c'est cette prise de risque même qui peut marcher. Souvenez-vous des Triplettes de Belleville, de Kirikou, ou des films produits par Folimage. Si on reste créatifs, modestes au niveau du budget, ambitieux, on est le petit village gaulois. C'est comme ça qu'on va s'en tirer, grâce à notre sincérité et à l'authenticité de la fabrication. » Comme le rappelle Benjamin Legrand, « il ne faut pas oublier qu’il y a 20 ans, on voyait un long métrage d'animation français tous les 20 ans ! » L'adaptation d'une courte bande dessinée de David B. Claire Paoletti présente maintenant Arnaud Demuynck, producteur aux Films du Nord, qui travaille également sur une adaptation de bande dessinée, à la fois en tant que producteur et scénariste. « Je voulais vous dire à vous, jeunes auteurs, commence Arnaud Demuynck, que vous pouvez accéder aussi à une adaptation, sans que cela prenne des années, sans avoir de relations, ou connaître de gros financeurs. Il n'y a pas que des "grands monstres" mais aussi des pépites d'auteurs connus ou non à découvrir. Il existe des essais auxquels les jeunes peuvent s'associer, comme David B. et sa Bombe familiale. C’est un très grand livre par son sujet et sa finesse mais qui ne fait que 22 pages. » Le producteur revient ensuite sur son parcours. « Quand j'avais 20 ans je m'intéressais au théâtre et à la peinture, ce qui n'est pas loin de l'animation en fait. Mes parents voulaient que je fasse HEC, ce que j'ai fait, ça m'a déplu mais ça m'a donné des cartouches en tant que producteur. J'ai ensuite suivi une formation à l'écriture à la Faculté de Philosophie et Lettres Filière Cinéma (Elicit) de Bruxelles. Je n'étais pas spécialement cinéphile, mais plutôt bédéphile. Un copain m'a demandé de produire son court métrage, j'ai donc monté une ASBL, qui est une forme d’association loi 1901 belge, pour produire mes amis, sur le principe que j'écrivais les scénarios et que je produisais ensuite ce qu'ils réalisaient. J'ai ainsi produit une vingtaine de courts métrages de fiction en quelques années, et en 2000 j'ai décidé de me consacrer exclusivement à l'animation. Il y avait alors un vide béant sur la production indépendante de court métrage d’animation en Belgique et dans le nord de la France, où je vis désormais, à Roubaix. Dans le Nord-pas-de-Calais et en Belgique, nous sommes entourés d'écoles d'animation comme Supinfocom, l'Esaat, la Cambre. Il y a beaucoup de choses à développer. En parallèle j'ai commencé à réaliser des films d’animation en commençant avec Signes de vie, une libre adaptation d’un fragment de chorégraphie de Cyrill Viallon. Ce film d'animation a été sélectionné à la semaine de la critique à Cannes en 2004. J'ai poursuivi en travaillant avec deux autres chorégraphes, Cécile Loyer et Thomas Lebrun pour réaliser ma Trilogie chorégraphique qui regroupe trois courts métrages d’animation. J’ai alors poursuivi mon travail d’adaptation en travaillant sur trois poètes, Nerval, Mallarmé, et Laforgue. Cette Trilogie mélancolique est encore en cours de réalisation. En m'inspirant de recherches documentaires ou de mes rêves, j'ai écrit quelques scénarios originaux, comme Mémoire fossile sur la mine, ou Sous un coin de ciel bleu, une comédie musicale écrite au lendemain d'un méchoui un peu lourd à digérer. Pour revenir à David B, c'est un auteur dont j'aime beaucoup l'univers, qui est également très en relation avec ses rêves. C'est ce qu'il a commencé à dessiner dans ses premiers albums à la maison d'édition l'Association. Il a créé un univers parallèle, en lien avec une vérité vécue. Dans la collection Patte de Mouche, à l'Association, il a écrit et dessiné ce petit livre de 22 pages, La Bombe familiale qui selon moi ferait un merveilleux court métrage potentiel. L'Association m'a donné ses coordonnées, j'ai écrit un scénario que je lui ai envoyé en lui demandant si ça lui plaisait. C'est l'avantage du court métrage, c'est léger et rapide. Mais avant de vous raconter la suite, je souhaitais vous montrer un petit teaser des films que j'ai produits ou réalisés. Vous y verrez que j'aime des univers très différents. J'ai produit une cinquantaine de films courts d'animation, de tous styles graphiques. Je furète tout le temps, c'est une recherche permanente. » Arnaud Demuynck revient ensuite à ses trouvailles. « En tant qu'auteur je n'ai pas envie de me coltiner les relations avec un grand éditeur, et de monter un financement lourd. On peut très bien côtoyer de grands auteurs et de grandes idées avec de petits livres comme celui de David B. Je voulais préciser enfin que j'ai fondé Les Films du Nord en 1995 avec Benoît Peeters, qui depuis n'est plus associé, mais il y avait déjà une filiation avec la bande dessinée. Je suis donc allé rencontrer David B. avec la confiance du bédéphile, après lui avoir envoyé le catalogue de notre société pour lui montrer qui nous étions. J'ai tout de suite précisé que je ne souhaitais pas réaliser, et que ça ne serait pas lui qui signerait l'identité graphique du court métrage. Car c'est beaucoup de travail. Il m'a demandé de lui proposer un auteur graphique et un réalisateur. Il a refusé la première personne que je lui ai proposée, car il n'aimait pas son univers. Il a accepté la seconde personne, Gabriel Jacquel, réalisateur de Recto Verso et coréalisateur avec moi et Gilles Cuvelier de L'Evasion, Gabriel qui a un univers très graphique, et très noir et blanc. Maintenant chacun travaille de son côté, et nous avons pris rendez-vous tous les trois au mois de mai. Ce n'était pas une adaptation difficile : David B. a accepté le scénario tel que je l'ai écrit, car sa bande dessinée, à laquelle je suis resté très fidèle, était déjà assez cinématographique. Maintenant nous allons travailler sur le découpage, le story board et l'adaptation graphique. » Claire Paoletti lui demande de préciser ce qui l'a intéressé dans l'univers de David B. « Je travaille énormément, j'aime donc lire des choses très brèves, répond le producteur. Je ne lis que dans les trains ou le soir avant de me coucher. La Bombe familiale est une histoire très simple. Dans un pays, on apprend qu'il y a la guerre dans le pays voisin. Soudain tout le monde doit recueillir chez lui qui une arme, qui une bombe, un revolver, ou une cartouche. C’est une façon de montrer que tout le monde accepte le pire à ses portes. Et un jour, un homme annonce au héros que nous avons tous à côté de nous la munition qui nous achèvera, en citant Dino Buzzati. Et à la fin de l'histoire, les armes ont disparu des foyers mais la guerre est entrée dans le pays. Pour moi, c'est terriblement parlant au niveau philosophique. Ce petit livre raconte la démocratie, la guerre partout dans le monde, ce qu'on vit, avec un humour discret qui devient de l'humour noir. C'est aussi l'univers de Buzzati, dont je suis un amoureux, et que je n'ai jamais pu adapter. Il y a dans ce petit livre une vraie force de synthèse, une forte métaphore qui nous tombe dessus comme une bombe. » Claire Paoletti lui demande ensuite pourquoi il a choisi de ne pas réaliser, et quelle est son approche en tant qu'auteur et producteur. « Quand je suis auteur du scénario original, reprend Arnaud Demuynck, il y a une part de mise en scène dès l'écriture. Je fais ensuite souvent appel à un metteur en scène, qui en général coréalise car je suis tellement imprégné de mon projet que j'ai du mal à le laisser réaliser seul. Dans le cas de La Bombe familiale, c'est délicat car j'admire beaucoup l'auteur David B. et je souhaitais donc garder un peu de distance. Je voulais aussi pouvoir prendre du recul en tant que producteur, faire jouer cette dialectique entre deux auteurs pour amener le projet à son aboutissement. Sinon je serai juge et partie en étant à la fois auteur, réalisateur et producteur, une situation qui pourrait devenir très délicate. » Claire Paoletti lui demande ensuite quelle est la place de l'adaptation de bandes dessinées dans l'univers du court métrage. « Ce sont des cas très rares, souligne Arnaud Demuynck. Il existe beaucoup d'exemples en longs métrages, et peu pour les courts. Mais ça devrait en donner le goût aux auteurs de bandes dessinées. Le long métrage a permis de décomplexer les auteurs par rapport aux adaptations. Je ne sais pas pourquoi David B a accepté ma proposition, mais peut-être est-ce sa manière d'apprivoiser ou d’approcher l'idée d'adaptation. Car peut-être y pense-t-il pour une de ses œuvres importantes, comme L'Ascension du Haut Mal ? Je ne sais pas.» Jean-Luc Fromental intervient alors pour rappeler que le court métrage peut être un formidable terrain d'exercice. « Mais pour se tester, un jeune réalisateur de dessin animé n'a pas le réflexe de foncer sur une œuvre préexistante, il cherche d'abord à développer son propre univers, il a besoin de liberté. » Arnaud Demuynck rappelle qu'il faut quand même beaucoup de talent pour réaliser un court métrage seul, c’est à dire à la fois en tant qu'auteur scénariste et auteur graphique. « Il faut posséder à la fois un univers et un talent graphique, ce qui n'est pas si répandu quand on a vingt ans. Je vais produire un court métrage qui s’appelle La garde Barrière, d'une auteure de Lyon qui a écrit ce scénario de film d'animation, mais est également réalisatrice de fiction et de documentaire. Elle est donc venue me voir pour que l'on cherche ensemble un auteur graphique et un réalisateur adaptés à son projet. Et nous avons trouvé un étudiant sorti de l’école de La Poudrière, Hugo Frassetto." Benjamin Legrand remarque qu'un album de bande dessinée est souvent trop riche pour un court métrage. « Quand il s’agit d’un petit livre comme ceux de la collection Patte de Mouche publiés par l'Association, l'adaptation courte est plus facile. » Pour Arnaud Demuynck, « sur des petites choses comme ça, il n'y a pas d'enjeu commercial. Ça facilite les discussions avec les auteurs et les éditeurs qui sont plus réceptifs. Soudain, personne ne rêve d'argent, car les courts métrages génèrent peu d'enjeu économique, on veut tout simplement que l'œuvre soit belle. » Jean-Luc Fromental rappelle malicieusement qu'un vrai malentendu subsiste : « les éditeurs pensent que le cinéma est pourri de pognon, qu’Hollywood frappe à leur porte ! Ils attendent toujours davantage que ce qu'ils obtiennent à la fin. » « Il y a deux semaines, raconte Arnaud Demuynck, le CNC belge avait organisé une réunion entre éditeurs et producteurs. Les premiers ne proposaient à l'adaptation que des grands titres comme XIII ou Michel Vaillant. Ce serait mal venu d’y parler d’une petite Patte de mouche cinématographique ! Pourtant il existe des petits éditeurs, des fanzines de BD, il faut oser franchir les portes. » Benjamin Legrand se souvient que certains grands auteurs de bande dessinée ont aussi écrit des histoires courtes à leurs débuts, comme Bilal ou Franquin. « A l'origine, Franquin, Roba ou Morris étaient des animateurs, rappelle Jean-Luc Fromental, ils rêvaient de créer en Europe ce que Disney avait fait aux Etats-Unis. C'était aussi le rêve de Goscinny et d'Hergé... Il doit se retourner de joie dans sa tombe, maintenant que Spielberg va enfin adapter Tintin ! » Questions du public : « En tant que jeune scénariste, si j'aime le projet d’un graphiste, et que j'ai envie d'écrire autour de son univers, qu'est-ce qui fera que cet auteur graphiste ait envie de travailler avec moi, alors qu'il n'a pas eu besoin de moi pour créer ses œuvres ? » C’est une question à laquelle Arnaud Demuynck ne peut vraiment répondre : « Il est impossible de répondre a priori : tout est affaire de rencontres. Il vous faut séduire l'auteur et le producteur. » « Nous travaillons dans une industrie du désir, résume Jean-Luc Fromental, c'est une règle fondamentale. Les mauvais producteurs sont ceux qui l'oublient, et qui comme dans un couple, finissent par frapper leur partenaire. Le scénariste est souvent un être battu ! » « Le noir et blanc n'est-il pas devenu plus répandu dans les longs métrages d’animation, comme Persepolis, Renaissance, puis Le Monde truqué ou l'adaptation de David B. ? Et est-ce une prise de risque supplémentaire ? » Benjamin Legrand précise que Le Monde truqué ne sera pas réalisé en noir et blanc, seules les images du teaser le sont ! Pour Jean-Luc Fromental, le noir et blanc est un élément distinctif du code d'un film qui peut être intéressant. « Mais on a connu l’exemple récent d'un échec : Peur du noir produit par Prima Linéa, était un film magnifique. Le noir et blanc était l'idée d'origine du projet et sa chance. Son échec a sans doute été de ne pas avoir assumé jusqu'au bout cette pénalité pour la retourner en argument. Comme ces films qui sont des loosers absolus sur le papier et ont gagné quasiment grâce à leur handicap. » Une jeune auteure et productrice raconte qu'elle négocie actuellement avec des plateformes pour vendre des formats courts pour le téléphone et le web, mais qu'aucune rémunération n’est prévue pour les auteurs. Benjamin Legrand, également administrateur délégué à l’animation à la SACD, rappelle que des négociations se déroulent en ce moment sur ce sujet même à la SACD. « Cependant nous nous heurtons à des problèmes de mesure d'audience, en particulier pour les œuvres courtes diffusées sur les portables. » « Comment sait-on si une bande dessinée est facile à adapter ? » « On choisit l'œuvre en fonction de ses affinités et de son désir, propose Arnaud Demuynck. Techniquement, tout est possible, rien n'est inadaptable. Pour reprendre l'exemple de La Bombe familiale, nous ne voulons pas épouser le style graphique de David B. avec exactitude mais lui associer un auteur qui serait de la même « famille » graphique que lui. Alors que pour le monde truqué de Tardi, la recherche est d’être le plus proche possible de la patte de l’auteur originel. Ce qui demande un investissement financier énorme. » Jean-Luc Fromental revient sur une expérience très intéressante, un projet de série intitulé Il était une fois. « 26 dessinateurs de bande dessinée ont planché sur l’adaptation de 26 contes de fée. J'ai réalisé alors que tous les styles graphiques ne réagissent pas de la même manière au passage au mouvement. Par exemple des styles maniérés peuvent ne pas passer à l'écran. Quand il existe une subjectivité d'artiste très forte, comme chez Moebius, en perdant la main de l'artiste, on perd la magie du dessin. Ceux qui passaient le mieux le cap du mouvement sont des auteurs comme Florence Cestac et Charlie Schlingo, deux dessinateurs qui viennent de l'animation d'ailleurs. Philippe Druillet par exemple est typiquement un auteur très difficile à animer. J'ai travaillé avec Benjamin Legrand à l'adaptation de Bleu l'enfant de la terre. Sur papier c'est d'une force wagnérienne, et animé, ça ne passe plus. » Arnaud Demuynck cite à son tour le projet Onze : « Le principe est de faire travailler onze auteurs graphiques et onze réalisateurs pour réaliser un long métrage collectif sur la guerre de 14/18 via des adaptations d'œuvres littéraires de l'époque. Lorsque le film sera terminé, nous retournerons à la bande dessinée et publierons des albums. Et nous nous heurtons exactement à ce problème : par exemple les dessins de Rabaté sont magiques sur le papier mais difficiles à adapter sur écran. Rien d’impossible, mais il vaut mieux oser des partis pris pour s'éloigner un peu de la bande dessinée, ou alors investir beaucoup pour que l'auteur soit présent pendant l'adaptation. » Jean-Luc Fromental revient sur un autre exemple, l’adaptation de Gaston Lagaffe par Alexis Lavillat. « Franquin refusait absolument qu'on anime Gaston, et sa fille, Isabelle, respectait cette volonté. Cependant, en vectorisant, c'est à dire en animant les dessins de la bande dessinée originale sur ordinateur, ils ont réussi à garder ce qui faisait le trait de l’auteur. En développant ces outils sophistiqués, on peut rester au plus près du style d'un auteur. » « L'adaptation d'une bande dessinée ne serait-elle pas plutôt un travail de producteur, puisqu’il est celui qui va aller chercher un univers d'auteur et un réalisateur pour les réunir ? » Arnaud Demuynck rappelle qu'on a entendu deux contre exemples : « Un auteur scénariste est venu chercher un auteur graphiste, c'est à dire Tardi, et moi je suis allé chercher David B, en tant qu'auteur avant de le faire en tant que producteur. » « Comment un auteur extérieur peut-il apporter quelque chose de neuf à un auteur de bande dessinée ? » Arnaud Demyunck prend pour exemple l'école de La Poudrière à Valence qui donne pour exercice de fin d'études l'adaptation d'une œuvre pour une série. « C'est un exercice d'école, mais s’il plaît à l'éditeur, il peut se concrétiser : c’est arrivé pour la série Ariol chez Bayard. Une toute jeune réalisatrice a réussi cet exercice et le producteur Folimage a pris en main cette aventure qui va voir le jour. » Jean-Luc Fromental précise que certaines œuvres mûrissent depuis trente ans dans les chais de la bande dessinée, avant d’acquérir de la visibilité. « En attendant, vous, auteurs, écrivez des choses entre vous, créez des fanzines, développez vos réseaux et proposez des projets aux éditeurs. Si ensuite vous persuadez un auteur de bande dessinée avec un projet, vous avez toutes les chances qu’il aboutisse. En revanche, la télévision est un autre univers, dans lequel un auteur est plus rarement à l'initiative d'un projet. » Une auteure du public cite le fonds innovation du CNC dont elle a bénéficié, et souligne qu’il est très utile pour émerger. Elle précise qu’il y a 51% d'adaptations et 49% de créations pures en heures de production d’animation à la télévision selon le SPFA, syndicat des producteurs d'animation. Jean-Luc Fromental fait partie depuis peu de la commission de ce fonds d'aide à l'innovation : « Je suis très impressionné des projets qu'on y lit, très en amont, et de l'efficacité de cette commission. Il y a aussi possibilité d’une deuxième présentation par un producteur quand le projet en a trouvé un. C'est un guichet très intéressant si l’on admet que les aides sont là pour aider et non pas pour faire tourner une usine à fantasmes. » « Avant qu'elle ne soit en travaux, la Maison des auteurs de la SACD organisait des rencontres entre jeunes scénaristes, graphistes et réalisateurs, rappelle Benjamin Legrand. Chacun venait avec une histoire, un Dvd ou un carton à dessin, et tout le monde se parlait. Ça va bientôt reprendre dès que les travaux seront terminés. » Une adaptation pour une série : Mandarine and Co Mandarine and Co est à l’origine une bande dessinée de Jacques Azan devenue une série de 78 épisodes de 7 minutes. Cette série a trouvé son public sur France 3, et la deuxième saison est en cours de fabrication. Un épisode est projeté. Jean-Luc Fromental qui travaille sur le projet depuis son origine, revient sur sa conception. « Je connaissais depuis longtemps Alexis Lavillat, qui est aujourd’hui le réalisateur de la série. Il avait repéré Jacques Azan qui dessinait dans un journal pour enfants chez Milan, Capsule Cosmique, qui n'a malheureusement pas duré. Il y avait créé Chico Mandarine, qui alignait des gags en deux pages sur une vingtaine de numéros. Il y avait donc peu de matière. Graphiquement c'était un peu différent de la série actuelle, mais le code était là : un aspect sitcom, des personnages limités en nombre, un ton provocateur mais centré sur la vie de famille, une mère inventrice, un père qui n'est qu'un téléphone, et une vache qui parle. Ce qui a attiré le producteur, Normaal animation, c'était d'abord le graphisme de Jacques Azan, qui est une sorte de Reiser pour enfants, très libre et lâché, et en même temps très robuste. Le producteur m'a donc proposé de travailler dessus. Je m'y suis engagé mais c'est devenu très difficile, car, sur les trois auteurs, je suis le seul scénariste à porter la série depuis le début à plein temps. Alexis Lavillat est réalisateur et producteur de la série et Jacques Azan nous a surtout guidés au début. Nous faisions des réunions de deux jours avec les arguments de six à huit scénarios. En tant qu'inventeur et concepteur de la série, il nous a empêchés d'aller dans le décor ! En fait, ce qui me fascine et m'amuse dans la série, c'est sa ressemblance à un pressage de disque : on crée une matrice, et on y glisse des tas de choses pour que les épisodes ne se ressemblent pas. On peut récupérer beaucoup et pourtant c'est toujours différent. Un musicien, John Cage je crois, disait que la musique est une combinaison infinie d'un nombre fini d'éléments. C’est la même chose pour une série. Dans Mandarine and Co, on utilise quatre décors, peu de personnages, et les meilleures histoires sont celles qui se passent seulement dans le salon. L’épisode que j'ai montré tout à l'heure est caractéristique du système que nous avons mis en place : des modules réguliers et courts ponctués par des fermetures. Chaque épisode contient cinq modules de deux feuillets qui durent une minute dix chacun, sans une seconde de décalage entre eux. Ça a un effet de répétition quasi hypnotique sur les enfants, mais ça leur apprend aussi des choses importantes : être des citoyens irrespectueux, détester leurs semblables… Au final, la série a tout de même demandé un énorme effort pour créer 78 scripts. » Claire Paoletti remarque que la particularité de cette série est qu'elle est assez éloignée des albums de Mandarine. « Généralement la bande dessinée consistait en histoires de deux pages, complète Jean-Luc Fromental, et on en « mangeait » quatre pour chaque épisode. Nous avons ajouté énormément de choses, puisque le personnage de la mère est inventrice ça nous ouvre des portes. Nous avons également joué beaucoup sur le dédoublement de personnages. Les nouvelles directives de France 3 sont moins infantilisantes, car pour eux l'important c'est que la série cartonne. Les enfants n'en comprennent pas la moitié mais l'important c'est que ça les fasse rire. » Claire Paoletti demande à Jean-Luc Fromental de revenir sur le travail avec les comédiens. « Nous avons énormément travaillé avec eux, ils sont excellents. La vache est jouée par Bernard Alane, la mère par Sophie Forte. Tous les dialogues sont écrits. Au départ, un épisode est quasiment une pièce radiophonique, jouée sur un rythme qui ne supporte pas le gras, puisque ça dure 7 minutes. Tout est enregistré d'abord et l'animation lay out, le compositing et le story board se sont créés sur le son. C'est une technique utilisée plus habituellement pour les longs métrages qu'en série. Le producteur s'est équipé d'un studio son, donc le travail avec les comédiens peut durer très longtemps, ils peuvent improviser quand ils sont en forme. On bafoue beaucoup les règles. Par exemple l’anglais de cuisine que parle la mère est une invention de la comédienne. Mais c'est parfois dangereux, parce qu’en live en studio, quand tous les comédiens sont là, on peut hurler de rire, mais ensuite on peut tout perdre à la réalisation. Les acteurs sont très généreux quand il s'agit d'animation : j'ai de très bons souvenirs des Renés, ou de la supervision des doublages des dessins animés de Tex Avery. Mandarine and Co a été écrite en flux tendus, on réalisait un épisode par semaine, car il n'y avait que dix épisodes d'avance. Ça n'a été possible que parce que toute la production est à Paris, et vectorielle, c'est à dire sans papier. Pourtant, nous avons tenu à rendre la maladresse du dessin. C'est un rythme épuisant mais très excitant, car quand même plus agréable que de travailler quatre ans sur une série qui passe à l'antenne des mois plus tard, quand plus personne ne s’y intéresse. Ce format de 7 minutes est d’ailleurs de plus en plus répandu, c'est un vrai Lego, très pratique pour la programmation des chaînes : trois épisodes programmés à la suite font la demi heure, etc... » Questions du public : « Certains producteurs affirment que la Bible ne sert à rien pour de l'animation, qu’en pensez-vous ? » Jean-Luc Fromental le confirme : « Tout à fait ! La Bible ne sert qu'à rassurer les investisseurs, c'est un document de travail en aval, mais aussi une véritable vérole quand elle n'est une accumulation d'idées, de concepts et de promesses qui ne fonctionneront jamais. Avoir des idées pour une Bible c'est facile, c'est l'expérience humaine. En revanche, ce qui est intéressant dans un scénario ce sont les interactions, l'électricité entre les différents pôles de la série. Malheureusement, le plus souvent, la Bible ne ressemble pas à ça. » « C'est comme l'informatique, conclut Jean-Luc Fromental, qui peut être à la fois un outil formidable et une arme fatale. J'ai lu la Bible du projet Boer, sur les flics des taxis, écrit par Tito Topin et produit par Hamster : elle faisait 200 pages. Elle était ingérable et n'avait plus aucun sens. Je crois même que ça a enterré la série. Un autre exemple est la série Lucky Luke. Quand je suis arrivé sur ce projet, les deux chaînes de France Télévisions et le producteur Marc Du Pontavice discutaient de tout depuis deux ans, mais n’avaient rien commencé. Sans doute que le poids du personnage était important, mais ils discutaient sans fin. Ils pensaient que les enfants ne savaient pas ce qu’était un western, ils voulaient cacher les pistolets, ils parlaient du sexe des anges, sans parvenir à se mettre d'accord sur un seul scénario. Tout devenait vrai et faux puisqu'ils en restaient aux prémisses. J'en parle d'autant plus librement que j'ai fait partie de l'expérience, que je suis un fan de Lucky Luke, et que j'aurais vraiment aimé rendre hommage à cette bande dessinée. Mais sa concrétisation a été un cauchemar, et la série n'est pas à la hauteur de nos espérances. Pourtant, les oppositions peuvent être très positives. Nos métiers fonctionnent par couples de forces : un auteur écrit face à un auteur graphiste, puis un auteur s’oppose à un producteur, puis un producteur à un diffuseur. Ce sont ces forces en concertation et en opposition qui font avancer le projet. Quand le producteur est trop faible face à un diffuseur trop autoritaire par exemple, plus rien ne se passe. Un producteur autiste face à une équipe très créative et débridée, ça ne marche pas non plus. Tout l'équilibre se construit dans ces couples de forces. » « Mieux vaut donc proposer vingt pitchs qu'une Bible ? » demande un scénariste du public. « Bien sûr, les story lines, c'est à dire les débuts d'histoires, sont plus importants pour déterminer le potentiel d'une série que le fait de savoir si le personnage principal aura les yeux bleus, ou aimera ou non les chiens » conclut Jean-Luc Fromental. L'adaptation dans le jeu vidéo, l’exemple de Bilal. Claire Paoletti passe ensuite la parole à Olivier Fontenay, qui travaille sur l'adaptation de la bande dessinée La Foire aux immortels d'Enki Bilal en jeu vidéo. « Mon studio White Birds a été fondé en 2003. Le jeu vidéo brasse beaucoup de fantasmes : aujourd'hui il représente davantage d'argent que le cinéma, il est devenu le premier loisir mondial, et aux Etats-Unis il fait davantage d'audience chaque soir que les chaînes de télévision. Le jeu en réseau le plus populaire rassemble 80 millions de joueurs au quotidien, et il se vend entre 1 à 2 milliards de jeux vidéo par an. C'est un marché très concentré auprès de gros producteurs américains, les jeux les plus importants ont des budgets de 30 millions de dollars, et la règle de l'investissement marketing quasiment aussi important que le budget du jeu lui même est appliquée depuis longtemps. Mais pour l’Iphone on crée aussi de petits jeux de 50 000 ou 100 000 euros de budget. Les jeux s'adressent à toutes les tranches d'âge, des jeunes enfants aux adultes, car ceux qui ont commencé à jouer aux jeux vidéo dans les années 80 ont grandi ! Le monde de la bande dessinée a tout de suite intéressé les créateurs de jeux vidéo, qui étaient souvent des geeks et des programmeurs qui cherchaient des créateurs et des talents. Les premières adaptations, dans les années 80, ont concerné évidemment les super héros américains, suivis des valeurs sûres des marchés français et belge comme Titeuf ou Astérix, qui eux ne sont diffusés qu'à petite échelle, sur le marché francophone. Notre société, White Birds, s'est quant à elle intéressée aux créateurs et aux auteurs plutôt qu'aux franchises et surtout au marché des adultes. L'acheteur moyen d'une bande dessinée de Bilal a 35 ans, et est une femme à 55%. Nous souhaitions faire venir des créateurs de la bande dessinée dans le jeu vidéo, pour générer des émotions et raconter des histoires. Je vais vous montrer un premier exemple de la façon dont nous avons abordé le mode de la narration : Sybéria est un travail que nous avons fait avec Benoît Sokal, qui en est à la fois le scénariste, le dessinateur et le directeur artistique. Quand nous l’avons créé, notre objectif était de faire pleurer les joueurs ! Nous voulions des personnages générant de l'attachement. Le but du jeu est l'aboutissement du rêve d'un vieil homme que l'on va aider à l’accomplir. C'est une démarche inhabituelle en jeu vidéo. Benoît a de plus la capacité de réaliser lui-même les mécanismes du jeu, ce qu'on appelle le "game design". Dans le marché du jeu vidéo, les blockbusters visent le marché des adolescents, mais ce Sybéria en est un contre exemple, car il s'est diffusé à plus d'1 million d'exemplaires et est davantage connu aux Etats-Unis qu'en France. Cette démarche a donné naissance à une catégorie de jeu dans laquelle je peux citer Heavy rain, qui vient de sortir, poussé par Sony. Le second exemple concerne notre capacité d'aller chercher des gens différents, d'où notre volonté de convaincre Enki Bilal. Nous souhaitions adapter sa bande dessinée, tout en étant très respectueux de son univers sans aller vers la simple transposition. Nous sommes venus le rencontrer avec quelques séquences vidéo, qui dans notre esprit ne reniaient pas la bande dessinée mais avaient leur propre force de création. Nous n'étions pas très fiers j'avoue, mais c'était la seule façon de lui faire comprendre comment nous voyions les choses. J'en profite pour préciser que l'adaptation en jeu d'une œuvre linéaire n'est pas un exercice facile, sans parler de la place du joueur : le jeu n'a de sens qu'avec une bonne histoire, un univers graphique intéressant, mais également s‘il sait laisser une vraie place au joueur. Une partie du public connait très bien l'œuvre de Bilal, et une autre pas du tout. Les scènes d'exposition sont donc lourdes pour celui qui connaît déjà l'œuvre, mais pourtant indispensables pour celui qui ne la connaît pas. De plus, il faut tenir compte du fait qu'il n'y a pas d'ordre logique linéaire dans un jeu, pas un seul en tous cas. Le joueur peut se promener comme il veut, certains des éléments ne sont pas lus ou vus dans l'ordre logique du scénariste. Donc il faut travailler sur différents canevas au niveau de la narration. Nous avions réfléchi à tout ça avant d'aller rencontrer Enki Bilal. Et nous avons commencé par lui demander l'autorisation de changer quasiment tout ! L'histoire de La Foire aux immortels est celle d'Alcid Nikopol, un personnage qui a été congelé des années, qui revient dans sa ville, et se confronte à de nouveaux pouvoirs politiques, sans compter quelques Dieux Egyptiens qui ont également un rôle important. Il va même croiser son fils plusieurs fois. Ce qui nous intéressait, c'était d'inventer l'histoire de ce fils, en gardant les quatre points de rencontre entre le père et le fils. Nous avons en quelque sorte complété l'histoire, en créant un sous texte. Nous n'étions pas si sûrs de notre coup, et Enki Bilal nous a avoué ensuite que c'est sans doute pour cette raison qu'il a accepté de travailler avec nous : parce que nous n'étions pas dans une démarche d'imitation, il a préféré prendre un risque avec une équipe de créateurs. Sa réserve était de ne pas aller trop loin avec nous, car il est comme Tardi, et comme beaucoup d'auteurs dont nous parlons depuis tout à l’heure, débordé. L'important était donc de prendre quelque chose au créateur original, tout en apportant notre propre création. Nous avons choisi une œuvre, il faut la respecter, mais sans servilité. J'ai de la chance, quand je travaille avec Benoît Sokal sur un projet, il est au bureau tous les jours pendant un an ou deux. Mais c'est un cas rare ! Pour revenir à notre travail avec Benoît Sokal, il est important de préciser que nous créons en parallèle des jeux vidéo et des bandes dessinées. Ainsi, pour Lost Paradise, le travail sur chaque séquence se divise en plusieurs étapes que vous allez voir en vidéo à nouveau. On démarre en même temps le jeu et la bande dessinée. Par exemple nous commençons par un croquis de l'héroïne et d’une créature, dans une Afrique idéalisée. Du noir et blanc on passe à la couleur, qui servira de document de référence pour le travail de l'équipe 3D pour le jeu. Ensuite, trente à trente-cinq personnes vont s'attaquer au story board, et au début de la cinématique, c'est à dire à la mise en mouvement. En parallèle, un auteur travaille sur la même séquence mais en bande dessinée, via un traitement tout à fait différent. L'équipe 3D réalise la scène, en créant des créatures, en animant les décors, avec les contraintes des jeux vidéo qui sont celles de l'informatique et du cinéma. Je précise que Benoît Sokal était très impliqué sur la partie jeu, qu’il a fait l'effort d'apprendre la 3D pendant plusieurs années. Pour la bande dessinée, il s’occupe simplement du découpage. C'est d'une grande complexité pour des auteurs d'habitude solitaires de se retrouver impliqués dans des équipes, face à l'outil informatique et à l'écriture interactive qui intéresse beaucoup les créateurs, mais les effraie aussi. Personne dans l'équipe ne maîtrise tous les aspects à la fois. Généralement ça fait peur aux auteurs, plusieurs projets se sont d'ailleurs arrêtés à la demande des créateurs qui pensaient ne pas savoir déléguer. Il faut instaurer un véritable dialogue : les créateurs de jeux sont des game designers qui maîtrisent les scénarios du jeu mais ne savent pas forcément dialoguer avec un auteur scénariste. Benoît Sokal dit généralement que le public n'a aucun talent. Ce n'est pas méprisant, c'est juste sa façon de souligner que ce n'est pas au public de raconter l'histoire. Il faut laisser une vraie place au joueur tout en respectant l'œuvre. Si l'histoire est bonne, il y aura une seule fin possible mais plusieurs chemins pour y parvenir. » Questions du public « Pourquoi Sokal a-t-il choisi pour Sybéria une héroïne féminine, et plus généralement des héroïnes ? » « Benoît a une théorie qu'il exprimerait certainement beaucoup mieux que moi, lance Olivier Fontenay. En résumé, d'après les études sur les jeux vidéos, quand on met un joueur face à une pièce dont la porte est fermée, si c'est un homme il va d’abord chercher à défoncer la porte, ou à trouver un bazooka ! Héros masculin = réflexe violent. Choisir un héros féminin, c'est choisir de ne pas induire un réflexe violent. Les héroïnes font preuve de davantage de réflexion, en général elles vont chercher une clé avant de casser la porte... Le contreexemple c'est Lara Croft. Il existe une autre caractéristique à prendre en compte : les adolescents accordent en général trois minutes d'attention à un jeu, que souvent ils ont piraté. S'il ne leur plaît pas, ils le jettent : c'est pourquoi il faut simplifier les codes. Dans le domaine des jeux, l'heroïc fantasy a connu un énorme succès car c'est un monde dont on comprend les codes tout de suite. Même succès pour les jeux de guerre. Mais ces codes simplifiés à l'extrême sont sans doute également la conséquence de la carence de scénaristes pour les jeux vidéo. Quand le public veut de l'adrénaline, l'écriture est particulière. Nous avons appris à construire des débuts forts et à faire avancer progressivement l'histoire. » « L'émotion que vous défendiez tout à l'heure est pourtant bien éloignée de l'action pure ? » « C’est vrai, mais un jeu comporte deux parties, souligne Olivier Fontenay. Une partie interactive qui dure de 7 à 8 heures, et comprend les interactions des joueurs avec l'histoire, et une demi-heure environ, qui n’est pas interactive. C'est là qu'on peut faire passer l'émotion, la dimension dramatique. Ce sont ces moments de la comedia del arte qui permettent de créer des points de rencontres obligatoires pour le joueur. On récupère la linéarité du scénario, qui reste nécessaire jusqu'à preuve du contraire. Les tentatives de construire des histoires qui se recroisent ont été nombreuses. Nous travaillons sur un prototype interne qui se présente comme une planche de bande dessinée à 7 ou 8 cases. Dès qu'on change une case, toutes les autres se modifient automatiquement. C'est un outil utile d’aide à la narration que l'on essaie de développer. » « Quel est le statut de Benoît Sokal dans votre société ? » « Quand je l'ai rencontré, il voulait essayer de faire de la bande dessinée interactive en 3D ! Il souhaitait que le lecteur puisse cliquer d'une case à l'autre. Je lui ai dit que ce n'était pas une bonne idée, mais c'était sa démarche pour comprendre l'écriture interactive. Il a ensuite choisi de passer plus d'un an à apprendre les logiciels 3D : il avait peur de cette technique mais voulait piloter lui-même l'outil. Il a même développé un logiciel 3D appelé Light Web avec une société belge. Et il est maintenant le meilleur directeur artistique 3D que je connaisse car il sait diriger les infographistes sur l'intention générale du jeu. Il a maintenant le statut de réalisateur de ses propres jeux. » « Quel est le nombre de scénaristes qui ont travaillé sur l'histoire pour le jeu d'Enki Bilal, Nikopol ? » « La bande dessinée La Foire aux immortels se lit en une heure environ, c'est-à- dire un temps beaucoup plus court que le jeu, même si l'univers de Bilal est très riche. Je n'ai pas le souvenir du nombre exact de scénaristes ayant travaillé sur ce projet, mais en général nous mobilisons une équipe de trois à quatre personnes, qui travaillent sur le scénario et le game design. Nous avions honnêtement un peu peur de la réaction des super fans de la bande dessinée, que nous ne voulions pas décevoir. » « Est-ce qu'un scénariste d'animation doit connaître le processus de création d'un jeu pour écrire ? » « Sans être un technicien, quand vous travaillez sur une série ou un jeu, il faut savoir comment ça se fabrique, confirme Olivier Fontenay. Par exemple, tout à l’heure Jean-Luc Fromental expliquait que pour une série, le son était pris avant l'animation. Pour un jeu, nous faisons le son après, et en 10 à 12 langues. Donc les scènes contiennent le moins de dialogue possible. Dans Nikopol, nous nous sommes posé la question des noms des boutiques : doivent-ils apparaître ? Moi je suis partisan de les laisser dans leur langue d'origine par exemple. » Pour résumer, Jean-Luc Fromental précise qu'un artisan doit connaître sa boite à outils. « Il s'agit à la fois d'être frais et d'avoir conscience de ce qui nous a précédé. Quand j'ai commencé dans la série d'animation, on livrait des scripts contenant des dialogues d'une demi-page, et pour un seul personnage... Ce qui est tout à fait impossible. Pour chaque outil, on apprend ce qu'on peut faire, à connaître les règles pour mieux les bousculer. » « Quels sont les coûts de production de ces jeux ? » « Le jeu de Bilal a coûté 1 million d'euros, un jeu précédent, Paradise de Benoît Sokal, 2 millions d'euros. C'est une bonne moyenne pour ce type de produits, qui sont des projets plus difficiles à monter de nos jours qu'il y a quatre ou cinq ans, car ils visent le marché des joueurs sur ordinateurs PC, très particulier. » Quel régime juridique pour les adaptations ? Sophie Albert, juriste à la SACD prend la parole pour faire un point sur le sujet. « Je ne vais pas parler du jeu vidéo, car ce n'est pas une œuvre de collaboration comme peut l’être une œuvre audiovisuelle, et que leurs auteurs ne sont pas traités de la même manière » commence-t-elle. Le producteur Olivier Fontenay précise qu'il n'existe pas de cadre rigide chez White Birds : « En général les game designers sont salariés de la société, mais les auteurs sont payés en droits d'auteur. Ensuite en cas d'adaptation, si c'est une franchise, l'éditeur prend 50%. Et puis tout dépend des statuts de la personne qui travaille : certains peuvent être payés en tant que réalisateurs ou en tant qu'auteurs, ou les deux à la fois. » Sophie Albert se souvient que « sur sa première œuvre, Benoît Sokal faisait partie des précurseurs qui avaient la chance d'avoir un contrat d'auteur en bonne et due forme. Mais c'est très rare. A la SACD nous travaillons sur le thème, mais il est très difficile d'identifier qui est auteur dans les jeux vidéo : entre un jeu comme Lost Paradise où l'apport créatif est très fort, et une course de voitures, il y a une grande différence... Mais on constate visiblement une ouverture dans les jeux vidéo pour les scénaristes et les œuvres originales semblent être les bienvenues. Pour revenir à l'adaptation, la première chose que je tiens à vous dire est qu’avant d'écrire un scénario adapté d'une bande dessinée, le scénariste doit vérifier que les droits sont disponibles, avant même de commencer à travailler ! Cela semble évident, mais sinon tout le travail d'écriture peut devenir inutile. Il faut donc d'abord chercher qui est titulaire des droits d'adaptation audiovisuelle de la bande dessinée, même si vous êtes seul sur un projet. Soit les droits appartiennent à l'auteur et il faut aller le trouver pour en parler, soit il les a cédés à son éditeur, qui en est encore titulaire ou les a cédés à des tiers. C'est l'éditeur qui est au copyright qui sait qui possède les droits. S’ils sont bien disponibles, il faut susciter l'intérêt de l'éditeur ou de l'auteur de la bande dessinée. Vous pouvez envoyer une demande écrite avec une note d'intention et un CV. Vous aurez plus de chances d'obtenir les droits si vous arrivez en compagnie d’un réalisateur ou d’un producteur. Mais tout est question de motivation, même seul, si vous savez susciter le désir, ça peut marcher. On n'est jamais à l'abri d'une belle histoire ! Ensuite, si vous obtenez un accord, demandez d'abord non pas les droits, mais une option : c'est un contrat avec l'auteur ou l'éditeur qui va vous permettre d'écrire et de chercher des financements. Les tarifs sont très variables selon l'œuvre et surtout le média (télévision, cinéma, série...). Il suffit de nous appeler, nous faisons une estimation. On peut avoir de bonnes surprises financières : vous pouvez tomber sur un éditeur ou un auteur séduits par la sincérité de votre démarche et de votre propos. On me pose beaucoup de questions sur les œuvres tombées dans le domaine public. Sachez que la protection du droit d'auteur persiste au profit de l'auteur et de ses ayants droits pendant l'année civile en cours et 70 ans après la mort de l'auteur ou du dernier des coauteurs sur une œuvre de collaboration. A l'expiration de ce délais, on dit que l'œuvre est tombée dans domaine public : plus besoin de demander l'autorisation. Mais attention, le droit moral de l'auteur d'origine est perpétuel et imprescriptible. Il faut rester dans l'esprit de l'œuvre d'origine, ne pas la dénaturer, c'est vraiment important, même si les tribunaux aujourd'hui laissent une large marge de manœuvre. Pour les œuvres étrangères, il faut se méfier de la traduction française : les droits du traducteur peuvent ne pas être tombés dans le domaine public, et être encore protégés. De toutes façons, mieux vaut téléphoner à l'éditeur pour s'assurer que l'œuvre est bel et bien tombée dans le domaine public... Sachez aussi que les auteurs de l'œuvre initiale deviennent coauteurs de l'œuvre seconde, même s'ils sont morts. Ça étonne parfois, sur le bulletin de répartition de la SACD, de trouver même des morts. Donc n'hésitez pas à téléphoner au pôle auteurs de la SACD : c'est un service de conseil gratuit, y compris juridique, qui est toujours très utile. » Questions du public à Sophie Albert « Est-ce que cette situation est valable sur le texte comme sur l'image ? Que se passe-t-il si l'on veut adapter seulement un personnage par exemple ? » « C'est ce qu'on appelle le spin off, c'est à dire l’utilisation d’un personnage existant dans une histoire nouvelle. Il faut alors estimer ce que le nouvel auteur prend de l'œuvre d'origine, et l'importance de l'emprunt. Tout ça se discute, là encore, c'est de la négociation. » « La SACD répartit les remontées de recettes entre l'auteur réalisateur et l'auteur seul, mais comment procède-t-elle pour les auteurs graphiques ? » « Il est rare de trouver des auteurs graphiques sur les adaptations qui se voient attribuer des parts importantes, c'est marginal. » Jean-Luc Fromental en profite pour glisser un conseil : « Ne cédez pas vos droits audiovisuels à un éditeur, ce n'est jamais obligatoire. » Même si Sophie Albert et Benjamin Legrand soulignent qu’il est parfois difficile à un auteur de se faire entendre sur ce point, il continue : « En tant qu'éditeur, j'ai davantage de difficultés lors des discussions sur les droits sur les nouveaux supports comme le numérique, où tout le monde est crispé car personne ne sait rien; que pour les négociations sur les droits audiovisuels. C'est plus souple, et en plus le scénariste qui veut adapter a un meilleur accès à l’auteur que l'on peut parfois convaincre plus facilement qu'un éditeur. » La Rencontre se clôture sur ces considérations juridiques. Biographies des intervenants Claire Paoletti, scénariste Après une formation universitaire de cinéma et d’histoire de l’art, Claire Paoletti découvre l’animation en assurant le suivi des coproductions au Service Jeunesse de France 2 puis de France 3. Elle choisit de s’y consacrer en tant qu’auteure, travaillant sur de nombreuses séries telles que Titeuf (adaptation, direction d’écriture), Shtoing Circus (série originale), W.I.T.C.H (adaptation d’une bande dessinée). En fiction, elle participe à l’écriture de séries telles que Vice Versa ou Déjà vu pour France 2. En 2008, France 3 diffuse avec succès Mark Logan, spécial d’animation de 52’ dont elle est l’auteur, finaliste du Prix du meilleur scénario de télévision. Claire écrit également le roman (Bayard) adapté du film qui a obtenu le prix « Coup de pouce » (Eaubonne). Depuis 2003, elle intervient régulièrement à l’école du Film d’animation de la Poudrière à Valence. Elle finit actuellement l’écriture de Tout en haut du monde, long métrage d’animation sélectionné au concours de projets du Festival d’Annecy 2009, qui a obtenu l’aide à l’écriture du CNC et de la Fondation Beaumarchais. À la rentrée prochaine, sortira chez Nathan une collection de romans jeunesse dont elle est la créatrice : Fées en herbe. Marc Jousset, acteur, producteur En 1996, Marc Jousset crée, en collaboration avec Franck Ekinci, Je suis Bien content, studio et société de production d’animation. Depuis, ils ont produit une vingtaine de courts métrages tels que Un amour de télés de Denis Walgenwitz, Fêlures de Nicolas Pawlowski, O'Moro de Christophe Calissoni ou Mei Ling, de Stéphanie Lansaque, qui a remporté de nombreux prix dans les festivals. Marc Jousset a également assuré la production exécutive de Persepolis, le long métrage de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi. Benjamin Legrand, scénariste Après ses débuts comme assistant réalisateur avec Edouard Molinaro, Jacques Demyet Jacques Rivette, il se tourne naturellement vers l’écriture. Il est scénariste pour le cinéma de Cinq Jours en juin de Michel Legrand, Doggy Bag de Frédéric Comtet, Lovely Rita de Stéphane Clavier, Le Club de la dernière chance de Marie-Anne Chazel, Kaena (collaboration aux dialogues) film en image de synthèse de Chris Delaporte et Pascal Pinon. Pour la télévision, il a travaillé sur Mission top secret, (24 x 26 minutes pour France 3 et Canal J) série dont il est auteur de la bible avec Jean-Jacques Gaffié, adaptateur de l’ensemble et réalisateur des quatre épisodes français. Il a écrit quatre derniers épisodes de Nestor Burma pour France 2, avec Daniel Riche. Il est également auteur de séries d’animation comme Bleu l’Enfant de la Terre (13 x 26 minutes) avec Philippe Druillet, Oups et Houpla (52 x 6 minutes), dont il a aussi écrit la musique, de la Bible de Xcalibur (40 x 26 minutes), avec Philippe Druillet et Amélie Aubert, ainsi que de dix épisodes. Pour la BD, il a écrit Tueur de Cafards avec Tardi ; Requiem blanc, Le Tribut, Transperceneige 2 et 3, avec Rochette (Casterman). Enfin, il est l’auteur de nombreux romans : Le Bronx (Editions J.C. Simoën), Le Métro entre les lignes et Histoire d’un dealer (Editions Encre), Une vie de matou (Laffont), La Mécanique des ombres et Avril et des poussières (Denoël), Lovely Rita (série noire Gallimard), La Face perdue de la lune (Flammarion), Les Extraordinaires Aventures d’Adèle Blanc-Sec, avec Luc Besson et Tardi, (Casterman/ Europa Corp), Le Cul des Anges, (Seuil, romans noirs). Il est actuellement administrateur délégué à l’animation à la SACD. Arnaud Demuynck, scénariste, réalisateur, producteur Scénariste de formation, Arnaud Demuynck entame une carrière de producteur indépendant au sein de Lux Fugit Films ASBL qu’il crée en compagnie de Manuel Poutte, Dominique Lohlé et Catherine Montondo en 1992. Après quelques productions remarquées avec ses scénarios originaux (Moï Den O de Manuel Poutte, Le temps d’un soufflé de Kita Bauchet, Étrangetés du soir de Catherine Montondo…) il fonde Les Films du Nord à Lille en 1995 et La Boîte Productions à Bruxelles en 1997, ses propres sociétés de production. En 2000, il réalise son premier court métrage, une fiction : L'Écluse. En 2001, il se spécialise dans la production de courts métrages d’animation tels que La Femme papillon, de Virginie Bourdin, Le Portefeuille, de Vincent Bierrewaerts, Square Couine et Les Fables en Délire, de Fabrice Luang-Vija, L'Écrivain, de Fritz Standaert, Chahut de Gilles Cuvelier, ou encore Bonhommes et Lunolin de Cécilia Marreiros Marum. En 2003, il réalise Signes de vie, premier volet d’une « trilogie chorégraphique ». Suivront, À l’ombre du voile en 2005 et L’Évasion en 2007. Il en écrit une deuxième, la « Trilogie Mélancolique », inspirée de trois poètes du 19ème siècle (Nerval, Laforgue et Mallarmé) qu’il coréalise avec Christophe Gautry et sera terminée pour fin 2010. Plusieurs nouveaux scénarios sont en écriture pour différents réalisateurs comme Gabriel Jacquel (La Bombe familiale, d’après la BD de David B). Parallèlement, depuis 2001, Arnaud Demuynck a produit ou coproduit une cinquantaine de courts métrages d’animation au travers d’un réseau de sociétés et de studios. Jean-Luc Fromental, auteur, scénariste et éditeur Après dix ans dans l'édition, Jean-Luc Fromental se tourne vers la presse, à la publicité, à la bande dessinée (créateur de L'Année de la bande dessinée en 1981, du magazine Métal Aventure en 83, rédacteur en chef de Métal hurlant (85-86) et à la télévision (scénariste pour Médecins de nuit, Hôtel de police, Navarro, etc). Il débute dans le dessin animé en 1986 comme co-scénariste de Bleu, l'Enfant de la Terre, une série de Philippe Druillet, et récidive en 1991 sur le projet de long-métrage 3D de Moebius, Starwatcher. En 1994, il écrit la série Il était une fois pour 26 dessinateurs de BD et les 65 épisodes de la série Dodo. La série Witch World (Grand-mère est une sorcière), qu'il crée en 1997 avec l'illustrateur anglais Colin Hawkins, est diffusée dans toute l'Europe (26 épisodes de 26 minutes). En 1999, c’est une nouvelle série de 26 épisodes de 26 minutes, avec le peintre Hervé Di Rosa : Les Renés, diffusée en 2000 sur Canal +, puis sur Arte. En 2001, il participe en tant que directeur d'écriture et scénariste à la création de la série Lucky Luke. En 2002, il écrit avec Grégoire Solotareff les cinq scripts du programme cinéma Loulou et autres loups. En 2003, il finalise le scénario du long métrage d'animation Mojo Blues, en cours de production chez Normaal. En 2004, c’est l’adaptation de Pourquoi j'ai (pas) mangé mon père, d’après le roman de Roy Lewis. En 2005, il écrit Ponpon, un spécial TV en stopmotion. En 2007, il poursuit avec la série Mandarine and Co (Normaal/France3, 78 épisodes de 7 minutes) dont une deuxième saison en perspective. En 2009, nouvelle collaboration avec Grégoire Solotareff pour le long métrage d'animation Le Secret de Loulou (Prima Linéa Productions). Parallèlement, il a créé en 2003 au sein de la maison Denoël le label Denoël Graphic, voué à la publication de bandes dessinées adultes. Scénariste de quelques-uns des ténors de la bande dessinée (Floc'h, Chaland, Loustal, Jano, Stanislas), Jean-Luc Fromental est en outre l'auteur d'une trentaine de livres, romans, récits de voyage, contes, bandes dessinées. Olivier Fontenay, responsable de la production des Studios White Birds. Au cours de sa carrière, Olivier Fontenay a supervisé plus de 60 développements de jeux, tant sur PC que sur consoles, ou de titres multimédias. Il a notamment créé et animé un studio de plus de 130 personnes au Canada, au sein duquel il a produit les jeux Syberia I&II de Benoît Sokal. Il produit en 2008 un jeu vidéo adapté de La Foire aux Immortels de Enki Bilal.