L`utilisation des capteurs en temps réel réduit le risque de survenue

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L`utilisation des capteurs en temps réel réduit le risque de survenue
L’utilisation des capteurs en temps réel réduit le risque de
survenue des hypoglycémies sévères.
par Michael Joubert
Octobre 2016
van Beers CA et al. Continuous glucose monitoring for patients with type 1 diabetes and impaired awareness of
hypoglycaemia (IN CONTROL): a randomised, open-label, crossover trial. Lancet Diabetes Endocrinol. 2016 pii:
S2213-8587(16)30193-0. [Epub ahead of print].
doi: 10.1016/S2213-8587(16)30193-0
L’objectif de normoglycémie est fondamental chez les patients atteints de diabète de
type 1 (DT1) afin de réduire le risque de survenue des complications micro- et
macrovasculaires et de diminuer la mortalité [1,2]. Cependant, cet objectif est difficile à
atteindre notamment à cause du risque hypoglycémique qui y est associé et qui représente
un facteur majeur limitant l’obtention d’un contrôle glycémique optimal [3]. Les
hypoglycémies peuvent avoir des conséquences physiques et psychologiques importantes et
peuvent même être fatales [4]. Les hypoglycémies modérées sont fréquentes ches les
patients DT1 puisqu’elles surviennent à raison de 1 à 2 évènements/patient/semaine.
L’incidence des hypoglycémies sévères, nécessitant l’intervention d’une tierce personne, est
bien sûr plus faible, mais représente quand même de 0,2 jusqu’à 3,2 épisodes/patient/an,
d’autant plus que le diabète est ancien [5]. De plus, la récurrence des hypoglycémies entraîne
un émoussement des systèmes de contre-régulation, favorisant leur non perception
(hypoglycemia unawareness - HU). Ce phénomène, qui concerne environ 25% des patients
DT1, augmente d’un facteur 3 à 6 le risque de survenue d’hypoglycémies sévères [6].
De nombreuses études ont montré que l’utilisation du CGM (continuous glucose
monitoring) en temps réel (rt-CGM) chez les patients DT1 permet une amélioration de
l’HbA1c sans majoration du risque hypoglycémique, avec un effet d’autant plus favorable que
l’HbA1c de départ est plus élevée, et que l’observance au port du système est régulière [7].
Cependant, dans ces études, les patients atteints d’HU étaient le plus souvent exclus. Une
seule étude observationnelle a suggéré que l’utilisation du rt-CGM pouvait réduire l’incidence
des hypoglycémies sévères dans une population de patients DT1 avec HU, mais les
participants de cette analyse étaient très jeunes (moyenne d’âge 18,6 ans) et ne
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correspondent pas au profil type du patient DT1 ne ressentant pas ses hypoglycémies (> 40
ans et > 25 ans d’ancienneté de diabète) [8]. Ainsi, l’objet de l’étude rapportée ici était
d’évaluer l’effet du rt-CGM dans une population de patients adultes DT1 avec HU.
Il s’agit d’une étude bi-centrique néerlandaise, randomisée, ouverte, en crossover,
comparant l’effet du rt-CGM (Paradigm VEO en mode capteur uniquement ; Medtronic) à une
prise en charge classique avec auto-contrôles de la glycémie capillaire (self monitoring of
blood glucose – SMBG). Pour être éligibles, les patients devaient être atteints d’un DT1, avoir
entre 18 et 75 ans, être traités par insulinothérapie intensifiée à la pompe ou en multiinjections, faire au moins 3 auto-contrôles de glycémie capillaire par jour et avoir une HU
définie par un score de Gold ≥ 4 (score simple à réaliser et validé chez les adultes DT1) [6].
Les principaux critères d’exclusion étaient la présence d’une insuffisance rénale, hépatique
ou cardiaque, d’une rétinopathie diabétique proliférante menaçante, d’un cancer évolutif,
l’utilisation de béta-bloqueurs, l’utilisation d’un rt-CGM au long cours, ou encore la présence
de troubles visuels ou auditifs ne permettant pas de percevoir précisément les informations
en provenance d’un rt-CGM. Après une période de run-in de 6 semaines pour réajustement
des doses d’insuline et rappels éducatifs, les patients ont été randomisés 1:1 pour une
séquence de 16 semaines de rt-CGM suivi d’une séquence de 16 semaines de SMBG ou
inversement (SMBG d’abord puis rt-CGM). Les deux séquences, quel que soit leur ordre,
étaient séparées par une période de washout de 12 semaines. Lors de chaque séquence de
16 semaines, les patients étaient libres d’adapter leurs doses d’insuline selon leurs habitudes
et selon les rappels éducatifs de la phase de run-in qui comportaient les messages
classiques concernant la gestion des hypoglycémies et des hyperglycémies, la prise en
compte des glucides et les risques liés à l’HU. Il n’y avait pas de protocole précis de titration
des doses d’insuline selon les résultats SMBG ou rt-CGM. Les patients avaient une visite
physique ou téléphonique tous les 15 jours pendant chacune des 2 séquences de 16
semaines, afin d’éviter la perte d’information concernant la survenue des hypoglycémies et
notamment des hypoglycémies sévères. Le critère principal d’évaluation était le pourcentage
de temps passé dans la cible normoglycémique (70-180 mg/dL), sachant que pendant la
séquence SMBG, les patients portaient quand même le rt-CGM, en mode aveugle,
uniquement dans le but d’obtenir des données de glucose interstitiel pour l’analyse
comparative. Les critères secondaires d’évaluation étaient la survenue d’hypoglycémies
sévères, le pourcentage de temps passé < 70 mg/dL, le pourcentage de temps passé > 180
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mg/dL, l’aire sous la courbe < 70 mg/dL, la durée des épisodes < 70 mg/dL et la variabilité
intra- et inter-journalière du glucose, mesurée avec différents index.
Cinquante-deux patients ont été randomisés dans cette étude. Leur âge moyen était
de 48,6 ans, avec une ancienneté de diabète de 30,5 années, une HbA1c de départ à
7,5±0,8%, et une dose moyenne quotidienne d’insuline de 0,5 UI/kg/j. Parmi ces patients,
44% étaient traités par pompe à insuline. Ces patients pratiquaient en moyenne 5 contrôles
de glycémie capillaire par jour. 93% des patients avaient déjà présenté au moins une
hypoglycémie sévère, avec plus de 4 épisodes annuels pour près de 40% d’entre eux. Le
temps d’utilisation médian des capteurs pendant la séquence rt-CGM était de 89,4%.
Concernant le critère principal, le pourcentage de temps passé en normoglycémie était plus
élevé pour la séquence rt-CGM que SMBG (65,0% [IC 95% 62,8–67,3] vs 55,4% [53,1–
57,7], respectivement; différence moyenne 9,6 [IC 95% 8,0–11,2]; p<0,0001). Parallèlement,
le pourcentage de temps passé < 70 mg/dL et le pourcentage de temps passé au-dessus de
180 mg/dL étaient significativement plus faibles lors de la séquence rt-CGM, de jour comme
de nuit. De même, l’aire sous la courbe < 70 mg/dL était plus basse lors de la séquence rtCGM, comparée à la séquence SMBG (62,9 [45,1–80,7] vs 115,8 [97,8–133,8] mmol/L/min,
respectivement ; p<0,0001). Tous les indices de variabilité étaient également significativement
abaissés lors de la séquence rt-CGM (SD, MAG, MODD, CONGA). Enfin, le nombre
d’épisodes d’hypoglycémie sévère était significativement plus faible lors de la séquence rtCGM comparativement à la séquence SMBG (14 vs 34 épisodes, respectivement ; p=0,033).
Ces bénéfices du capteur étaient observés aussi bien chez les patients traités par pompe
que par multi-injections. De même, il n’y avait pas de différence d’efficacité que les patients
utilisent ou non la méthode de l’insulinothérapie fonctionnelle pour adapter leurs doses
d’insuline. L’HbA1c était à 7,3% à la fin de chaque séquence, reflétant bien que la diminution
du risque hypoglycémique lors de la séquence rt-CGM s’est également accompagnée d’une
réduction de l’exposition à l’hyperglycémie. Il faut noter que pour les patients randomisés
pour avoir le rt-CGM puis le SMBG, les bénéfices observés lors de la séquence rt-CGM
disparaissaient rapidement lors de la séquence SMBG, ne montrant aucun effet « rémanent »
de l’utilisation des capteurs.
Pour la première fois, une étude prouve que l’utilisation du rt-CGM, sans fonction de
suspension automatique du débit de base, permet de réduire l’incidence des hypoglycémies
sévères dans une population pourtant à très haut risque car ne percevant pas les
hypoglycémies. Ces résultats contrastent avec une précédente étude (HypoCOMPaSS) qui,
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malgré une méthodologie proche, n’avait pas montré un tel bénéfice du rt-CGM. Cependant,
il faut souligner que pour cette étude, l’observance au port du capteur était moins bonne
avec un temps d’utilisation médian des capteurs de seulement 57% [9].
Après avoir accumulé des preuves de leur capacité à améliorer l’HbA1c et à réduire
les hypoglycémies, les capteurs montrent à présent qu’ils peuvent diminuer l’incidence des
hypoglycémies sévères dans une population à haut risque d’en présenter. Qui pourrait encore
rester réfractaire aux capteurs ?
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Références
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[4] Feltbower RG et al. Acute complications and drug misuse are important causes of death for children and
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[8] Choudhary P et al. Real-time continuous glucose monitoring significantly reduces severe hypoglycemia in
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[9] Little SA et al. Recovery of hypoglycemia awareness in long-standing type 1 diabetes: a multicenter 2 × 2
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conventional glucose self-monitoring (HypoCOMPaSS). Diabetes Care 2014;37:2114-2122.
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Mots-clés
Diabète de type 1, hypoglycémies non ressenties, hypoglycémies sévères, CGM.
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