université de toliara - Thèses malgaches en ligne

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université de toliara - Thèses malgaches en ligne
UNIVERSITÉ DE TOLIARA
FACULTÉ DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES
DÉPARTEMENT D’ETUDES FRANÇAISES
Formation doctorale pluridisciplinaire : Option Sociolinguistique
LES TRACES LINGUISTIQUES ET
SOCIO-CULTURELLES DE LA
SUBORDINATION
DE LA FEMME A TOLIARA
Thèse de Doctorat ès Lettres présentée par :
Hery-Zo RAVOLOARIMANANA
Sous la direction de :
Monsieur Roger Bruno RABENILAINA
Professeur Titulaire
Année Universitaire 2005 – 2OO6
1
SOMMAIRE
SOMMAIRE
1
RESUME
3
LES TRACES LINGUISTIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DE LA
SUBORDINATION DE LA FEMME A TOLIARA
3
REMERCIEMENTS
5
AVANT- PROPOS
14
INTRODUCTION GENERALE
17
PREMIERE PARTIE
27
LES DIFFERENTES ANALYSES DE LA LANGUE
27
INTRODUCTION
28
CHAPITRE 1
29
1. 1. LES DONNEES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
29
CHAPITRE 2
39
1.2. LES SYSTEMES DE SIGNES
CHAPITRE 3
39
1.3. LES APPROCHES SOCIOLINGUISTIQUES
52
CONCLUSION
64
DEUXIEME PARTIE
65
LE POUVOIR DE LA LANGUE
CHAPITRE 1
65
2.1. LE STATUT DE LA FEMME PAR RAPPORT A L’HISTOIRE
67
CHAPITRE 2
90
2.2. LA FEMME ET LES DIFFERENTS PARLERS A TOLIARA
CHAPITRE 3
90
2.3. LES FEMMES ET LE DROIT A LA PAROLE
118
CONCLUSION
130
TROISIEME PARTIE
131
LES DIFFERENCES ENTRE PARLER DES HOMMES ET PARLER DES
FEMMES
131
INTRODUCTION
132
CHAPITRE 1
134
3.1. LA SITUATION DE COMMUNICATION
134
1
2
CHAPITRE 2
147
3.2. LA DISSYMETRIE SYNTAXIQUE
147
CHAPITRE 3
170
3.3. LA DISSYMETRIE SEMANTIQUE
170
CONCLUSION
183
QUATRIEME PARTIE
184
LES USAGES LINGUISTIQUES SUR LES DROITS DE LA FEMME
184
INTRODUCTION
185
CHAPITRE 1
187
4.1. LE MOUVEMENT FEMINISTE ET SES PROBLEMES
CHAPITRE 2
187
4.2. LE DISCOURS FEMINISTE
201
CHAPITRE 3
218
4.3. LA POSITION DE LA FEMME DANS LES DROITS COUTUMIERS ET
JURIDIQUES
218
CONCLUSION
228
CONCLUSION GENERALE
229
ANNEXES
236
GLOSSAIRE
292
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
310
INDEX DES AUTEURS
319
TABLE DES MATIERES
322
2
3
RESUME
LES TRACES LINGUISTIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DE
LA SUBORDINATION DE LA FEMME A TOLIARA
C’est une thèse de doctorat en linguistique sur le langage et la
condition féminine à Toliara. Il s’agit d’une tentative d’approche
sociolinguistique de la condition féminine.
Le but de ce travail est de présenter l’analyse de certaines
relations
entre
la
structure
sociale,
l’usage
du
langage
et
les
comportements qui en découlent.
L’étude comportera quatre parties :
La première repose sur des fondements théoriques divers et
parfois opposés. Mais ce que nous souhaitons, c’est de présenter les
diverses approches, bases de nos travaux, qui ont toutes un point
commun : l’appréhension du langage en tant que produit social, dans les
communications sociales qui tissent la vie de tous les jours.
La deuxième s’efforcera de dégager l’image et le statut de la
femme tels qu’ils sont reflétés par la langue, il s’agit d’analyser les
unités lexicales qui servent à désigner la femme en vue de mettre en
évidence à travers les implications sémantiques le statut de la femme
dans la société considérée : le Sud-Ouest malgache. Ceci ne signifie pas
que les unités les plus grandes que les lexèmes ne seront pas considérés,
au contraire, elles permettront de dégager une isotopie sémantique qui
confirmera ce qu’a démontré l’analyse lexicale.
La troisième insistera sur les différences entre le parler des
femmes et celui des hommes en mettant l’accent sur « la condition
féminine »
plutôt
que
sur
le
« sexe »,
à
partir
du
concept
d’énonciation ; nous tenterons de dégager les différents cas où la femme
peut être sujet d’énonciation et les autres où elle est uniquement objet
de l’énonciation. C’est dans ce deuxième cas qu’on verra que la plupart
3
4
du temps, la femme qui parle est simplement le locuteur d’un énoncé
produit par les hommes.
La quatrième partie prendra appui sur un corpus de textes
juridiques qui révélera les droits civiques et politiques à l’égard des
femmes. Nous verrons que même dans ce niveau où il est question de
justice et d’égalité, on remarquera que la situation de la femme est peu
enviable ; nous révèlerons, grâce à des études menées au sein des
associations féminines et féministes, des valeurs qui leur assurent une
égalité de chance.
Le cadre théorique et méthodologique qui concerne la première
partie de ce travail, reposera, en principe, sur trois approches : d’un
côté,
l’approche
lexicale
l’approche variationniste
et
et
sémantique,
l’approche
de
interprétative.
l’autre,
Nous
expliquerons les raisons de ces choix dans l’introduction. Nous avons
intitulé cette première partie :
Les différentes analyses de la langue.
Pour ce qui est du plan du cadre pratique, ce travail sera groupé
sous trois grandes parties, dont chacune est intitulée :
Le pouvoir de la langue.
La différence entre parler des hommes et parler des femmes.
La langue et les usages linguistiques sur les droits de la
femme.
Ce travail de recherche nous renseignera certainement sur la langue et la
condition féminine de notre époque.
4
5
REMERCIEMENTS
5
6
A Dieu, qui m’a donné la force de continuer mes études, qu’Il soit ainsi loué !
6
7
A notre directeur de thèse :
Monsieur Roger Bruno RABENILAINA, Professeur Titulaire,
Professeur de Linguistique à la F.L.S.H. d’Antananarivo, Université
d’Antananarivo,
Professeur de Linguistique à la Faculté des Lettres et des Sciences
Humaines, Formation Doctorale Pluridisciplinaire, Université de
Toliara,
Directeur des Etudes à l’Ecole Supérieur de l’Information et de la
Communication (ESIC), Saint- Michel, Amparibe,
Nos remerciements les plus sincères pour le grand honneur que vous
nous faites en acceptant d’être notre Directeur de Thèse.
7
8
Au Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de
l’Université de Toliara,
Monsieur Marc Joseph RAZAFINDRAKOTO,
Notre profonde reconnaissance à votre égard pour avoir vivement
concouru à l’instauration de la formation doctorale interdisciplinaire au
sein de l’Université de Toliara.
8
9
A Monsieur Jean RIEL,
Directeur de la Formation Doctorale Pluridisciplinaire,
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université de Toliara,
Nos remerciements les plus sincères pour avoir contribué à
l’instauration de la formation au sein de l’Université de Toliara.
9
10
A Monsieur Jean Marie BEMIARANA,
Directeur du Département d’Etudes Françaises,
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines,
UNIVERSITE DE TOLIARA,
Pour ses sincères encouragements pour réaliser ce travail.
10
11
A ma chère famille qui m’a soutenue jusqu’à la fin de mon
parcours universitaire :
mon cher PHILIPPE,
ma fille TIANA,
mes deux garçons AMI et LALAINA.
11
12
Que tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à
l’ élaboration de cet ouvrage trouvent ici toute ma gratitude et ma profonde
reconnaissance.
12
13
Nos remerciements chaleureux et sincères s’adressent
particulièrement au Président et aux membres du Jury qui nous font
le grand honneur d’être juges de notre travail.
13
14
AVANT- PROPOS
En adoptant et proclamant la « Déclaration universelle des droits
de l’homme », l’Assemblée Générale des Nations Unies n’ignorait pas
que le respect et la mise en application de ce texte ne pouvaient aller
sans difficulté, en raison de l’interprétation que chacun des pays
groupés en son sein en donnerait.
Cette constatation demeure valable, chaque fois qu’il s’agit pour
la communauté internationale de chercher à assurer de manière efficace
la protection de la dignité de l’homme. Elle n’a donc cessé et ne cesse
de rechercher les meilleurs moyens permettant à chaque individu
d’exercer effectivement les droits qui lui sont reconnus par la
dénommée Déclaration.
C’est dans cet esprit que, s’agissant de la promotion de la
condition de la femme, a été créée dès 1946 la Commission de la
Condition de la Femme au sein de l’Organisation des Nations Unies.
Cette commission a adopté une série de conventions dont la plus
importante est sans doute la Convention sur l’élimination de toutes les
discriminations à l’égard des femmes .
Cette Convention a été adoptée par l’Assemblée Générale en
1979. Sur le plan international, c’est ce texte qui, le premier, a reconnu
de manière explicite et proclamé le rôle de la femme dans son
développement .
Il est stipulé dans son préambule que « le développement
complet d’un pays, le bien-être du monde et la cause de la paix,
demandent la participation maximale des femmes, à égalité avec les
hommes dans tous les domaines ». En son article premier, le sens de
l’expression « discrimination à l’égard des femmes » est précisé en ces
termes : « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe,
qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la
14
15
reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que
soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la
femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les
domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout
autre domaine ».
Suite à ce travail de la commission, l’année 1975 a été
proclamée Année Internationale de la Femme, et, de 1975 à 1986, la
Décennie des Nations Unies pour la Femme. Des conférences ont été
tenues dans divers endroits du monde : à Mexico (1975), à Copenhague
(1980), à Nairobi (1985), à Beijing (1995).
Des efforts ont été fournis par la Communauté internationale
pour parvenir à l’égalité des droits de l’homme et de la femme. Et il est
apparu que le principe de cette égalité a considérablement progressé en
peu de temps, et que l’on pourrait être tenté de penser que l’élimination
légale de la discrimination a été dépassée et que « l’égalité » se traduit
de manière concrète, dans les faits.
Cependant, bien que la Constitution et la législation de la
plupart des pays garantissent le principe de la non-discrimination pour
des raisons de sexe, aucun changement réel ne se fait sentir dans la
condition des femmes, et on est contraint d’admettre que les lois à elles
seules ne suffisent pas à apporter ce changement.
Il est devenu un lieu commun de dénoncer la discrimination de
la femme et son état de dépendance par rapport à la toute puissance
phallocratique. Dépassant la polémique, on se demande si, finalement,
la spécificité de la femme est objectivement reconnue. En effet, dans de
nombreux pays, la législation a supprimé les lois discriminatoires mais
les traditions, difficiles à changer du jour au lendemain, continuent à
être suivies inconsciemment ou même parfois de manière consciente et
réfléchie.
Nous
estimons
en
conséquence
qu’avant
d’examiner
minutieusement la situation de la femme malgache par rapport au
15
16
contexte culturel et linguistique - le vif sujet de notre travail -, il n’est
pas sans intérêt de faire une brève incursion dans le domaine de
l’histoire afin d’en faire ressortir des vérités à propos du vécu quotidien
des femmes (dont notre propre expérience).
16
17
INTRODUCTION GENERALE
Buts et méthodologie
Puisque les femmes représentent plus de la moitié de la
population malgache, qu’elles assument une part importante dans le
développement de notre pays, nous entendons aller à la découverte du
langage relatif à la condition de la femme, travailler sur la langue, la
culture, l’organisation sociale et la situation politique des femmes
malgaches. Ainsi, il convient d’abord de définir quelques concepts
essentiels de la linguistique et de mettre en évidence leurs rapports
dialectiques.
Les mots langage, langue et parole sont souvent employés l’un
pour l’autre. Le langage humain, en tant que faculté de communication,
se révèle à travers les langues, dont l’acquisition, elle, est strictement
culturelle.
Le
dichotomique Langue / Parole est
concept
central
chez
SAUSSURE. Il est parti de la nature multiforme et hétéroclite du
langage pour montrer que « la langue est un pur objet social, ensemble
systématique
de
conventions
nécessaires
à
la
communication ».
(Saussure, F. de, 1982 : p.37). Et Roland BARTHES disait que « la
langue, c’est le langage moins la parole». (Barthes, R., 1964 : p.93). En
effet, la langue est une institution sociale, un système de valeurs.
L’individu ne peut à lui seul, ni la créer, ni la modifier ; elle sert à
définir une communauté linguistique.
Mais tous les différents systèmes qui font appel à la langue ne
sont utilisables et interprétables que si l’on prend en compte à chaque
instant le statut des locuteurs en présence. Et pour saisir le langage
dans sa totalité, il faut, à côté de la langue posée comme norme sociale
implicite, faire une place à la parole. SAUSSURE avait insisté sur la
dichotomie langue / parole en montrant que la langue, c’est le social,
alors que la parole c’est l’individuel, ayant en son centre le sujet
énonciateur
comme
être
pris
dans
des
rapports
sociaux.
Mais
17
18
l’énonciateur est aussi un individu animé par des motivations qui sont à
la fois conscientes et inconscientes.
La parole n’est pas seulement un outil, elle est tantôt lieu de
défoulement, tantôt lieu de refoulement. Souvent, on parle pour ne rien
dire, ou on dit le contraire de ce qu’on veut réellement dire, ou encore
ce que l’interlocuteur sait déjà. On s‘exprime parfois pour toutes sortes
de raisons étrangères à l’acte d’informer, pour marquer un pouvoir, par
exemple. Le locuteur s’implique et implique les autres dans ce qu’il dit.
Ainsi, la parole n’est pas seulement un outil, elle est une forme
d’action, un moyen d’agir et de s’affirmer comme un être social, un lieu
de jouissance ou de souffrance.
Le rapport de l’individu avec la langue passe par sa relation
avec la société. Parmi les paramètres de la variation, classe sociale,
groupe ethnique, âge, profession, région, etc., il convient de faire sa
place à la différenciation sexuelle.
Ce
travail
constitue
donc
une
tentative
d’approche
sociolinguistique de la condition féminine. La variation fondée sur le
sexe y sera privilégiée, mais il importe de souligner que l’analyse devra
tenir compte des autres facteurs. La discrimination sexuelle, aussi
grande soit-elle, ne saurait être assimilée aux différentes formes de la
discrimination sociale, car la femme n’a pas d’existence sociale
séparée. Elle vit dans la même société que l’homme, une société qu’elle
partage avec l’homme.
L’objet de ce travail est de :
- mener des recherches sur l’identité sociale des participants
engagés dans le processus de la communication,
- déterminer l’environnement social dans lequel des événements
linguistiques concernant le sujet prennent place,
- évaluer
les
jugements
socialement
différenciés
que
les
locuteurs portent sur les formes de comportement linguistique,
- procéder à une analyse synchronique et diachronique des
parlers ou dialectes sociaux relatifs au thème,
18
19
- envisager des solutions ou des variables à appliquer pour
résoudre les problèmes.
Par ailleurs, ce travail s’occupe également de la linguistique.
Intérêt théorique et intérêt pratique en sont inséparables ; ceci dit, la
réflexion se porte naturellement sur les problèmes linguistiques, entre
autre
les
problèmes
phonétiques,
morphosyntaxiques,
lexicaux
et
sémantiques. C’est dans la partie pratique que nous étudierons tout ce
qu’on a pu recueillir sur le terrain, tandis que la partie théorique mettra
en exergue les différentes approches avec lesquelles nous mènerons les
analyses.
Dans le cadre global de cette analyse du langage et de son usage,
notre préoccupation est de lier trois niveaux : le contexte social, le
niveau sémantique et le système lexical. Nous partons du fait qu’un
système
social
ou
linguistique,
représente
des
potentialités
de
comportements ou de significations. Les considérations théoriques,
évidemment, précèderont la partie pratique ; elles nous semblent
nécessaires dans la mesure où elles balisent la voie de recherche et
circonscrivent un champ conceptuel qui constitue une sorte de grille.
Les différentes parties dans les considérations théoriques
Pour pouvoir mener à terme ce travail, d’une part,
il
ne faut
pas négliger les données de la linguistique, qui étudie des faits
anthropologiques que sont le langage et les langues, leur évolution dans
le temps, leur système de fonctionnement. Aussi, avons-nous concouru à
ne pas couper les ponts entre les linguistes qui s’occupent de la
communication sociale, dans leurs diversités. Nous prendrons appui,
dans ce cas, sur les analyses du signe, de F. de SAUSSURE, en passant
par
R. JAKOBSON à R. BARTHES, etc.
Nous croyons énormément
que ces différentes analyses permettront de mieux appréhender cette
recherche sur la condition féminine et le langage.
D’autre part, avec les perspectives
sociolinguistiques, les
travaux de LABOV ont fait apparaître l’absolue nécessité de considérer,
19
20
en premier lieu, la réalité des productions langagières et non des
constructions savantes. C’est ainsi qu’en s’inspirant de la sociologie
traditionnelle est née la sociolinguistique variationniste, qui tente de
corréler
des
manières
de
parler
avec
des
catégories
sociales
traditionnelles : profession, âge, sexe, lieu de résidence. Brillamment
illustrée par LABOV, cette approche a pour but de faire émerger des
variables
ou
des
marqueurs
en
corrélation
avec
des
données
linguistiques. Voici ce que ENCREVE a remarqué à propos de cela,
lorsque LABOV a mené des enquêtes sur des groupes d’adolescents
noirs à Harlem : « les fonctions sociales de la langue réapparaissent :
communication, mais aussi distinction, discrimination, domination,
ségrégation, lutte, résistance, bref, des fonctions liées à l’ensemble des
rapports sociaux dans une société de classe » . (Encrevé, 1976 : p. 33)
La sociolinguistique labovienne apparaît comme une discipline
faisant de la langue à travers ses variations, le reflet de la structuration
sociale de ses locuteurs, révélée par des manières de parler, de se tenir,
de vivre, etc. Les résultats des enquêtes démontrent l’importance de la
pression sociale qui pèse sur le locuteur (la norme légitime), de la
fonction identitaire (conflictuelle ou non) jouée par les variantes en
usage dans le parler de chaque groupe social ou même de chaque
individu, et enfin, des rapports sociaux qui s’expriment directement,
non seulement au sein de chaque sociolecte mais aussi lors des contacts
entre sociolectes contigus .
C’est en considérant ces différents critères, que nous avons
choisi l’approche variationniste. Cependant, cette dernière, même en
rendant compte des fonctions assurées par la variabilité linguistique
dans le domaine de la communication sociale, ne résout pas pour autant
tous les problèmes qui se posent. C’est pourquoi nous avons ajouté une
autre
approche,
dite
« interprétative »
aux
termes
de
laquelle
GUMPERZ et HYMES prônent le recours à des méthodes empiriques,
pour déterminer dans quelle mesure les caractéristiques propres à un
20
21
groupe
sociolinguistique
sont
réellement
partagées
par
tous
les
locuteurs constituant le groupe en question, objet de l’observation.
GUMPERZ
et
HYMES,
en
tant
qu’ethnographes
de
la
communication, conscients au plus haut point de l’importance du
contexte pragmatique, ont orienté l’étude du langage en tant que
phénomène cognitif : ils l’ont portée sur le terrain et ils en ont observé
le fonctionnement dans son milieu naturel. Ils se sont intéressés à
l’étude des pratiques langagières en tant qu’éléments dynamiques de la
vie en société. C’est là, en effet, un point de contact entre deux
disciplines qui s’occupent des fonctions (tant expressives et esthétiques
que référentielles) du langage.
La démarche qui leur a permis de
découvrir les modalités de la parole est dite « ethnométhodologique», et
c’est
ce
que
nous
utilisons
aussi
pour
pénétrer
le
réseau
de
communication clos des enquêtés avec qui nous devons partager
nécessairement une certaine compétence linguistique et socioculturelle
(la culture et l’histoire).
Les différentes parties de l’analyse pratique
Il est temps de définir les différentes parties de ce travail, qui
marque une étape dans l’étude des pratiques langagières et la condition
féminine dans le Sud-Ouest de Madagascar.
Effectivement, nous nous posons des questions : « Quelle image
de la femme nous renvoie la langue ? Dans quelle mesure reflète-t-elle
le statut de la femme dans la société ? ». Il faut admettre que la langue
commune, la langue dominante, est avant tout celle des hommes. Cette
langue essentiellement masculine exprime à la fois « l’amour et le
mépris » envers la femme. La place de la femme dans cette langue
n’est-elle pas le reflet de sa place dans la société ? Si la parole signifie
pouvoir, est-ce que prendre la parole se traduit par prendre le pouvoir ?
Ou bien la parole des femmes s’apparente-t-elle davantage à la
puissance qu’au pouvoir ? Ce sont les réponses à ces questions que nous
essaierons de trouver.
21
22
Nous ne cessons pas de dire que la première partie repose sur
des fondements théoriques. Les démarches portent d’abord sur la
linguistique, à propos de l’analyse du signe, l’étude des fonctions de la
communication, la sémantique, etc. et ensuite sur la sociolinguistique
avec les tenants de ce courant, tels que J. FISHMAN, W. LABOV, J.
GUMPERZ, D. HYMES…Certes, à propos des analyses linguistiques,
l’accent est mis sur les divers travaux linguistiques, mais nos exposés y
conservent un caractère de généralités, une sorte de synthèse de nos
lectures scientifiques. Nous ne prétendons pas en faire un manuel de
linguistique.
Dans la deuxième partie, d’une part, nous tenterons de constituer
une vision globale de la question en intégrant les données des historiens
et des anthropologues ; d’autre part, à partir d’études interculturelles,
nous considérerons la différenciation linguistique liée au sexe : une
sorte de critique sociale relative à la langue et au statut de l’homme et
de la femme. Notre objectif est surtout de mettre en exergue les valeurs
linguistiques qui fondent la place et le rôle de la femme dans la société
et la famille, ainsi que leur impact sur le développement.
Dans une communauté linguistique coexistent des variantes
sociales et régionales : registres, niveaux de langue, parlers, argots,
jargons divers s’entrecroisent et se superposent. Ce qui nous amène à
entreprendre le troisième volet de ce travail, qui s’étend sur les
différences entre le parler des femmes et des hommes habitants la zone
de recherche, la ville de Toliara. L’originalité de cette entreprise et son
mérite, sont sans doute, de les avoir placés sur le terrain idéologique. Il
apparaît donc essentiel ici, de mettre l’accent sur « la condition
féminine » plutôt que sur « le sexe », c’est-à-dire adopter un point de
vue social plutôt que psycho - biologique.
De
ce
fait,
nous
prenons
position
dans
la
controverse
nature/culture. Les femmes au sein d’une même communauté, partageant
en apparence avec les hommes le même code, parlent-elles réellement
comme eux ? Y a-t-il une différence entre le parler des hommes et celui
22
23
des femmes ? Comment parlent-elles ? Et comment se parlent-elles ? Ou
encore, que dit-on d’elles ?
Par le biais des enquêtes et grâce aux réponses obtenues des
questionnaires, nous nous sommes attachée à trouver non seulement des
différences de registre lexical, liées à des traits culturels (rôles sociaux,
division de travail, tabou…) ou encore à des traits naturels (voix,
timbre,
intonation,
débit…)
mais
aussi
des
différences
d’ordre
syntaxico-stylistique : (propension aux constructions interrogatives ou
interro-négatives, choix des mots cheville du discours, etc.)
D’autres
observations
portent
sur
la
performance
verbale
(aptitude au bilinguisme par exemple). Dès l’instant où l’on admet
l’existence d’un code féminin et d’un code masculin distinct se pose le
problème de la transgression qui, en général, est plus mal toléré de la
part des femmes que de celle des hommes. Et on peut même se
demander si les femmes se permettent aujourd’hui de parler comme les
hommes. Si l’idée émerge que les femmes ont quelque chose à dire et
qu’elles peuvent ou veulent le dire « autrement », il s’agit d’établir et
de
légitimer
la
différence.
C’est
dans
cette
optique
que
nous
travaillerons sur la langue du mépris : les qualificatifs injurieux envers
les femmes, les expressions de mélioration et de péjoration, la
dénotation, la connotation, etc.
Ces derniers temps, l’étude des « forces d’inertie à l’égalité des
genres
à
Madagascar »
a
acquis
une
acuité
et
une
importance
exceptionnelles. Refuser la dévaluation de la langue des femmes, c’est
refuser la structure sociale qui dévalue les femmes. Faut-il donc
apprendre à parler comme les hommes ou au contraire valoriser un
discours féminin, le revendiquer comme égal ou différent ? Pour ce
faire, l’accent sera porté dans la quatrième partie de notre étude sur
l’analyse du statut juridique de la femme : les règles coutumières, le
principe d’égalité posé par le droit positif malgache, etc. Tout cela
révèlera le rôle ou la place de la femme dans la société et reflètera
souvent la mentalité « attardée » des usagers de la langue.
23
24
Choix du sujet, du terrain et les obstacles rencontrés
La première raison de cette étude était de satisfaire notre
curiosité intellectuelle. Nous sommes consciente que le propre de
l’esprit humain est de produire des connaissances, qu’il existe par
conséquent un champ d’exploration, où nous sommes appelée à évoluer
et où nous sommes attendue pour apporter également notre contribution,
en tant que patrimoine intellectuel, aussi modeste soit-elle.
La seconde raison, c’est que tout en étant concernée par la
problématique de genre, nous ressentons des sentiments d’insatisfaction
en relevant des inégalités persistantes - surtout dans cette partie Sud de
Madagascar - à l’avantage des hommes, par des aspects dont certains
sont visibles, d’autres plus subtiles. Ainsi, nous estimons qu’il nous
appartient de trouver les éléments susceptibles d’appréhender les
relations
femme-homme
et
d’apporter
des
solutions
idoines
aux
problèmes de développement de notre pays. .
C’est dans cet esprit que nous avons choisi de mener cette
recherche sociolinguistique endogène pour la promotion de la condition
féminine dans la ville de Toliara. Mais c’est une partie qui représente
un tout, c’est-à-dire que grâce à notre langue qui se comprend du Nord
au Sud et de l’Est à l’Ouest, malgré les différents parlers, ce terrain
d’analyse représente à la fois toute l’île. En effet, les mécanismes du
sous-développement
correspond
à
y
sont
l’extension
partout
spatiale
présents,
d’une
mais
formation
cette
sociale
région
bien
caractérisée au reste du pays. Certaines femmes, encore soumises à la
pratique de la polygamie, réduites au silence, y perpétuent la lutte
contre la pauvreté et continuent à être un obstacle au progrès du pays.
Aussi, doivent-elles être associées étroitement aux décisions à tous les
niveaux et dans tous les domaines de la vie locale et nationale en
matière économique, sociale, culturelle et politique.
Etant seule à faire le terrain mais soutenue par des informateurs
(voir corpus), nous avons effectué, avec ces derniers, cette démarche
sur des études microsociolinguistiques et macrosociolinguistiques. La
24
25
microsociolinguistique prend le sujet parlant comme point de départ.
Elle opère au niveau de l’individu parlant et le situe dans un groupe
d’appartenance. C’est en étudiant ses pratiques et ses représentations
que l’on voit comment la situation macrosociolinguistique est vécue.
Les deux approches se complètent.
Comme il s’agit de travailler sur des groupes sociaux, la
recherche ne relève pas uniquement du domaine de la sociolinguistique.
Nous devons parler de l’économie, la sociologie, l’anthropologie,
l’ethnologie, la psychologie sociale. Les données obtenues de ces
différents systèmes, aident à contribuer à l’élaboration de ce travail. En
effet, la dimension sociale du langage est une expérience quotidienne ;
elle est inséparable du pluralisme culturel, dont toute science est
témoin ; le langage est ainsi investi, de part en part, de valeurs
économiques et sociales. Par conséquent, l’approche pluridisciplinaire
est automatiquement imposée par la nature des problèmes.
Or, les obstacles sont nombreux : le choix de terrain est
important, car des paramètres scientifiques en dépendent. Déjà les
données de base indispensables aux recherches sont difficilement
accessibles - soit parce qu’elles sont confidentielles, soit parce qu’on
ne peut les localiser, ou inexistantes, par exemple les données sur la
démographie linguistique - ou encore dépassées, comme certaines
statistiques sur la population.
Mais le plus difficile est, d’une part, sur le terrain de recherche,
la compréhension du milieu social et humain dont la population est
foncièrement à tradition orale, et d’autre part, le choix et la bonne
volonté
des
personnes
ressources
qui
permettent
de
mener
les
entretiens, surtout qu’il s’agit de propos sur les femmes. Pendant
certaines entrevues, nous ne prenons pas note devant les enquêtés pour
ne pas les frustrer.
Nous ressentons que par les temps qui courent, la bonne volonté ne suffit pas
pour mener une véritable politique de recherche ; il faut monnayer parfois, c’est-à-dire
25
26
apporter quelque chose (un peu de sucre, du rhum ou même de l’argent), pour les
satisfaire. En tout cas, il faut admettre que la recherche à Madagascar n’assure pas
encore pleinement son rôle d’outil de développement.
Le corpus
Il est manifeste que la langue reflète l’environnement social
d’un groupe humain : sa culture, ses moeurs, sa vision du monde ou sa
mentalité. Pour illustrer la diversité possible des conditions d’emploi
qui caractérise l’usage de la langue, il est essentiel que le corpus se
prête à de multiples lectures ; nous avons donc pensé, en premier lieu, à
mener des enquêtes qualitatives appuyées sur des questionnaires et des
entretiens auprès des hommes et des femmes issus de différentes ethnies
de Madagascar, mais habitant les zones de recherche. La langue que
nous avons adoptée pour y parvenir est le malgache officiel ; mais
puisque nous sommes dans une zone où différents parlers, tels que
Vezo,
Masikoro,
Tandroy,
Tanôsy,
Bara,
Betsileo,
Ambaniandro,
Mahafaly, Tañalana, etc., se côtoient, ce sont les variantes ainsi
collectées qui constituent la base de cette recherche.
Les entretiens et les questionnaires ont porté sur le sujet essentiel de la
recherche, c’est-à-dire la manière avec laquelle on parle des femmes. Elles ont permis
à partir d’études interculturelles de considérer la différenciation linguistique liée au
sexe. Nous avons aussi recueilli des textes grâce à des interviews : des proverbes, des
tapasiry, des chants et des expressions s’adressant aux femmes. Les documents ainsi
obtenus, quoique parfois hétérogènes, ne sont pas à négliger.
26
27
PREMIERE PARTIE
LES DIFFERENTES ANALYSES DE LA LANGUE
27
28
INTRODUCTION
En vue de la partie pratique, nous pensons d’abord baser notre
travail sur trois théories essentielles mises en interactions le long de la
recherche:
celles
de
l’approche
lexicale
et
sémantique,
la
sociolinguistique variationniste et interactionniste. Mais même si nous
avons choisi ces trois domaines théoriques, il est difficile de borner
avec rigidité le champ des investigations qui portent sur le langage,
notamment, concernant la femme dans son contexte social. Plusieurs
domaines voisins se trouvent joints au recensement de travaux relevant
de
telles
problématiques,
entre
autre
la
psychologie
sociale,
la
sociologie et l’anthropologie.
Ainsi, cette première partie sera constituée de trois chapitres
dans lesquels nous mettrons en exergue les différentes méthodes pour
mener les analyses :
Au premier chapitre, nous soulignerons les données de la
linguistique structurale : la valeur dichotomique de Langue / Parole, les
différentes fonctions de la communication.
Au deuxième chapitre, nous parlons de systèmes de signes
Le
troisième
chapitre
vise
à
expliciter
les
apports
des
sociolinguistes variationnistes et interactionnistes.
28
29
CHAPITRE 1
1. 1. LES DONNEES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
Pour pouvoir avancer dans notre travail, il est nécessaire de
connaître
les
contenus
de
ce
chapitre :
l’analyse
du
concept
dichotomique Langue et Parole, les fonctions de la communication et
l’analyse sémantique. Adoptons pour commencer une définition très
approximative de la notion de Langue.
1.1.1. Langue versus Langage
Pourquoi
parlons-nous ?
Pourquoi
communiquons-nous
au
moyen de langues ? Les langues que nous maîtrisons, nous les avons
apprises et nous avons pu les apprendre pour plusieurs raisons :
- ce sont des outils de communication que la vie en société nous
impose ;
- ce sont des systèmes de signe et de règles de combinaison de
ces signes que notre cerveau a la capacité de mémoriser et de
manipuler ;
- elles se manifestent physiquement par des sons que notre constitution
biologique nous permet de produire (appareil phonatoire) et de
percevoir (appareil auditif).
Les langues sont donc liées directement à des prédispositions
sociales, psychiques et physiologiques des êtres humains. On appellera
langage la faculté humaine de communiquer des idées au moyen de la
langue.
Le langage par opposition à la langue est intimement lié aux
aspects
sociologiques,
psychologiques,
physiologiques
et
même
physiques de l’utilisation de la langue.
29
30
1.1.2. Langue et Parole
A première vue, une langue semble permettre la désignation du
réel, alors qu’en réalité, tout est plus complexe, parce que certains mots
sont intraduisibles dans une autre langue.
En fait, aucune langue ne copie le réel. Les
raisons, c’est
d’abord parce que la perception de ce réel est immédiate, intuitive,
globale, alors que la langue est linéaire : on ne peut tout dire à la fois,
ensuite parce que le mot constitue toujours une abstraction. Loin de
refléter le réel à la façon d’un miroir, les langues le découpent,
l’interprètent, le disent différemment.
Les différences entre les langues sont sensibles déjà au plan de
l’expression phonique. Ainsi, on constate facilement que, pour un même
concept (signifié), l’expression phonique (signifiant) change d’une
langue à une autre. C’est dans cette optique qu’il est nécessaire de
définir les différences entre langue et parole, parce que en linguistique
structurale, parler, c’est combiner entre eux des signes, éléments
caractérisés par l’association d’un signifiant (suite de sons), et d’un
signifié (sens lié au signifiant).
• Langue
En linguistique, le concept dichotomique de Langue / Parole est
central chez SAUSSURE. La langue est à la fois une institution sociale
et un système de valeurs : c’est la partie sociale du langage ; l’individu
ne peut à lui seul, ni la créer, ni la modifier ; elle est essentiellement un
contrat collectif, auquel, si l’on veut communiquer, il faut se soumettre
en bloc ; de plus, ce produit social est autonome, car on ne peut le
manier qu’à la suite d’un apprentissage. Comme systèmes de valeurs
contractuelles, elle résiste aux modifications de l’individu seul et par
conséquent, elle est une institution sociale.
Toute langue s’enrichit des apports de ses locuteurs, qui la
recréent consciemment ou qu’ils se trompent. On peut dire même qu’une
langue évolue grâce au contact de ses usagers de tous les niveaux.
30
31
La langue est aussi un extraordinaire musée de l’imaginaire, de
la pensée non scientifique, des préjugés. Elle est même la vie des
communautés linguistiques qui l’utilisent, leur passé, leur sensibilité,
leur pratique particulière, leur mémoire collective. Perdre sa langue,
pour un peuple, est donc une terrible aliénation.
• Parole
C’est ici que se posent un certain nombre de questions. Quel est
le rapport entre Langue et Parole ? Qu’est-ce qui fait l’objet de cette
description ? La réponse qu’apportait Saussure à ces questions était
fortement influencée par les théories psychologiques et sociologiques
de DURKHEIM, et nous n’entrerons pas dans ces détails. Il suffit
d’avoir posé le problème et introduit les termes saussuriens.
Le rapport entre Langue et Parole est très complexe et
controversé. Mais nous pouvons dire que tous les membres d’une même
communauté linguistique, c’est-à-dire, tous ceux qui parlent une langue
donnée, produisent, en parlant cette langue, des énoncés qui, en dépit
des variations individuelles, peuvent être décrits au moyen d’un
système de règles et de relations : en un certain sens, ils ont les mêmes
caractéristiques structurelles. Les énoncés constituent des exemples de
parole, sur lesquels le linguiste se fonde pour construire la structure
commune sous-jacente : la langue. C’est donc la langue, le système, qui
fait l’objet de la description linguistique
Langue et parole ne tirent évidemment leur pleine définition que
du procès dialectique qui unit l’un et l’autre. Langue et parole sont dans
un rapport de compréhension réciproque ; d’une part, la langue n’existe
que dans la masse parlant ; on ne peut manier une parole que si on la
prélève dans la langue ; mais d’autre part, la langue n’est possible qu’à
partir de la parole.
Face
à
la
langue,
institution
et
système,
la
parole
est
essentiellement un acte individuel de sélection et d’actualisation. Elle
est constituée d’abord par les combinaisons grâce auxquelles le sujet
31
32
parlant peut utiliser le code de la langue en vue d’exprimer sa pensée
personnelle ; ensuite, par les mécanismes psycho-physiques qui lui
permettent d’extérioriser ces combinaisons. Cet aspect combinatoire de
la parole est évidemment très important : il implique que la parole est
constituée par le retour de signes identiques ; c’est parce que les signes
se répètent d’un discours (ou parole étendue) à l’autre et dans un même
discours que chaque signe devient un élément de la langue.
La parole correspond aussi à un acte individuel et non à une
création pure. Historiquement, les faits de parole précèdent toujours les
faits de langue : c’est la parole qui fait évoluer la langue, et
génétiquement,
la
langue
se
constitue
dans
l’individu
par
l’apprentissage de la parole qui l’entoure.
Par la relation Langue / Parole en linguistique, on indiquera que
l’utilisation du langage par un seul individu, s’appelle idiolecte ou le jeu
entier des habitudes d’un seul individu à un moment donné (Jakobson, R. 1963 : p.
54). Mais JAKOBSON a contesté plus tard l’intérêt de cette notion.
Selon lui, le langage est toujours socialisé, même au niveau individuel,
car en parlant à quelqu’un on essaie toujours plus ou moins de parler
son langage, notamment son vocabulaire. Néanmoins, nous retiendrons
que le langage est un idiolecte pur pour un aphasique ; de même pour le
style propre d’un écrivain ; enfin, on peut définir comme idiolecte, le
langage d’une communauté linguistique, c’est-à-dire, un groupe de
personnes interprétant de la même façon tous les énoncés linguistiques,
qui n’est autre que l’écriture.
L’étude du langage est rattaché à plusieurs disciplines, mais ce
qui nous est important, c’est de savoir l’analyse interne de la langue la seule retenue par Saussure- et son analyse externe, c’est-à-dire
l’étude de ses usages concrets, dans une société et dans une époque
donnée.
Dans la mesure où nous abordons de front ces points-là, l’étude
des registres de communications permet une clarification.
32
33
La fonction de la langue est de communiquer des idées au moyen
de messages. L’intégration de la linguistique à la sémiotique, « nouvelle
discipline qui englobe une théorie générale des signes et de leurs caractères
communs » nous fait accepter une autre fonction du langage qui inclut
l’ensemble de ses utilisations dans le contexte d’une société. Il s’agit
des différentes fonctions du langage dans la communication ou
sémiologie ; d’ailleurs, ce terme désigne « la discipline qui se donne pour objet
l’ensemble des systèmes de communication », qu’ils soient linguistiques ou
non.
1.1.3. Fonction représentative et fonction expressive du langage
K.BÜHLER prétendait que le langage n’a pas seulement une
fonction représentative : transmission volontaire d’une information, grâce
au code linguistique, qui associe au signifié la « représentation » du
signifiant, mais aussi une fonction expressive : transmission involontaire
de certains renseignements sur les caractéristiques socio-culturelles du
locuteur ( origine sociale, place dans le milieu social, profession,
éducation, etc.) et sur la situation de communication (code familier ou
soutenu, etc.) (Bühler, K.1934 : p.32).
Le langage n’assurerait pas seulement dans ce cas sa fonction
principale, la communication, mais serait en même temps un signe de
reconnaissance.
Cette
analyse
rejoint
la
conception
de
certains
sociologues pour qui le vêtement, le logement ou le mode de loisir, en
plus de leur fonction première, nous permettent quotidiennement de
nous « étiqueter » les uns aux autres.
L’un des disciples de SAUSSURE, C. BALLY, a également
souligné l’importance de cet effet « d’évocation de milieu » : les expressions
employées dans un milieu spécial symbolisent ce milieu ; si donc le parleur, qui lui est
étranger, emploie telle ou telle de ces formes, il évoque ce milieu par une sorte de
figure résultant du contraste avec son milieu propre » (Bally, C. 1932 : p.199).
C’est pour cette raison que nous affirmons ce que nous venons de dire :
33
34
« le langage n’assurerait pas seulement sa fonction principale, mais
serait en même temps un signe de reconnaissance ».
Toujours dans cette optique, A. MARTINET a mis au premier
plan
la
nécessité
d’utiliser,
en
l’intégrant
à
une
linguistique
fonctionnelle, un modèle de la communication explicite mais asociologique. Selon lui, la caractéristique principale du langage est
d’être
un
instrument
de
communication.
Il
définit
le
terme
communication comme « transmission de l’expérience d’une personne à
une autre » (Martinet, 1962 : p.36). Il continue encore : « il est bien naturel que
nous supposions au moins en théorie, que tous les utilisateurs ont en commun les
faisceaux d’habitudes articulatoires et les réactions vocales qui constituent
globalement ce que nous appelons une langue » (ibid. p.147).
Dans un domaine connexe, pour un sémiologue dont l’inspiration
est voisine de celle de MARTINET, PRIETO ne considère comme
phénomènes de communication que « des faits perceptibles associés à des états
de conscience » (Prieto, 1966 : p.94). De plus, cette volonté du locuteur doit
être reconnue comme telle par l’interlocuteur : le modèle symétrique
exclut toute opacité. Ce cadre d’analyse permet de traiter des systèmes
non-linguistiques- « depuis l’affiche jusqu’au code de la route, depuis les numéros
d’autobus ou de chambres d’hôtels jusqu’au code maritime international des signaux
par pavillons » (Mounin, G. 1970 : p.11). Une telle orientation sémiologique
diffère considérablement de celle plus féconde et plus complexe
qu’avait
adoptée
Roland
Barthes
et
qui
traite
de
significations
relativement indépendantes de choix intentionnels. (Nous verrons cette
analyse plus tard).
A la suite de BÜHLER, l’étude de l’utilisation du langage
comme moyen d’expression personnelle ou comme instrument d’action
sur autrui a été remise en question. MARTINET, contestant cette
direction, met au premier plan la fonction référentielle : le langage sert
d’abord « la compréhension mutuelle » (Martinet, A. 1960 : p.13) et les fonctions
d’élaboration mentale, d’expression individuelle ne constituent qu’un
phénomène restreint ; les « sociétés répriment par la raillerie le solliloque »
34
35
(Ibid.). Bien plus, « ceux des énoncés qui ne visent pas à la communication », sont
à éliminer de l’investigation linguistique, car ils sont calqués sur « les
énoncés communicatifs et n’offrent rien que nous ne saurions retrouver » (Ibid. p.185).
Pour MARTINET, « il est réellement sans importance que la façon de parler d’un
individu soit ou non physiquement identique à celle d’un autre, pourvu que les
éventuelles divergences possibles n’aboutissent jamais à troubler la transmission
spontanée et naturelle de l’expérience » (Martinet, A. 1962 : p.152).
C’est en s’appuyant sur de tels phénomènes qu’à l’aide d’un schéma devenu
célèbre, JAKOBSON distingue six facteurs essentiels dans un processus de
communication.
1.1.4. Les six fonctions du langage selon R. JAKOBSON
La fonction du langage est de communiquer des idées au moyen
de messages. Ceci implique un objet ou une chose ou un référent dont on
parle , un émetteur qui adresse au récepteur un message, en utilisant un code ;
l’échange
d’information
se
fait
dans
un
contexte
donné,
par
l’intermédiaire d’un canal ; soit :
CANAL
CONTEXTE
EMETTEUR
MESSAGE
RECEPTEUR
CODE
Chacun des facteurs peut théoriquement varier indépendamment
des autres, et, chaque fois, la communication sera modifiée. Ainsi, le
contenu du message varie selon les facteurs suivants : le contexte, la
personne qui parle ou l’émetteur, le public visé, le caractère des
messages, la technique de la communication, la langue utilisée, etc.
Dans la pratique concrète, il y a, bien entendu, interdépendance
des facteurs distingués par JAKOBSON. L’intérêt de cette analyse tient
35
36
aux fonctions linguistiques qu ‘elle permet d’isoler. Toutes les formes
linguistiques, en effet, n’ont pas le même rôle dans la communication.
Selon que l’accent est mis sur tel ou tel facteur, la fonction
correspondante prédomine. On a ainsi :
− l’émetteur, fonction expressive
− le récepteur, fonction conative
− le message, fonction poétique
− le canal, fonction phatique
− le code, fonction métalinguistique
− le contexte, fonction référentielle.
La fonction expressive ou émotive définit les relations entre le
message et l’émetteur ; elle désigne les moyens dont dispose l’émetteur
pour se mettre en valeur ; exemple : parler de soi à la troisième
personne.
La fonction référentielle définit les relations entre le message et
l’objet auquel il réfère ; le problème fondamental étant de formuler à
propos du référent une information vraie, c’est-à-dire, objective,
observable et vérifiable.
La fonction référentielle et la fonction émotive sont les bases à la
fois complémentaires et concurrentes de la communication, si bien
qu’on parle souvent de la « double fonction du langage » : l’une est
cognitive et objective, l’autre affective et subjective. Elles supposent
des types de codage très différents, la seconde ayant sa source dans les
variations stylistiques et dans les connotations.
La fonction conative ou injonctive concerne la manière dont le
récepteur influence le message, toute communication ayant pour but
d’obtenir une réaction du récepteur ; exemple : les formes de politesse.
La fonction poétique ou esthétique est définie comme la relation
entre le message et lui-même ; dans les arts, le référent qui est le
36
37
message, cesse d’être l’instrument de la communication pour en devenir
l’objet.
La fonction phatique a pour but d’affirmer, de maintenir ou
d’arrêter la communication. Lorsque le locuteur dit : « pardon, vous
m’écoutez ? », c’est pour vérifier si le circuit fonctionne. Cette fonction
joue un rôle très important dans tous les modes de la communion : rites,
cérémonies, discours, conversations familiales, etc. On répète les
mêmes mots, les mêmes gestes, d’où une communication absurde,
insupportable pour l’étranger, mais euphorique pour celui qui participe
ou celui qui est concerné.
La fonction métalinguistique a pour but de définir le sens des
signes qui risquent de n’être pas compris du récepteur. Cette fonction
réfère donc le signe au code d’où il tire sa signification. Elle comprend
tous les procédés d’enrichissement du code : exemple de la synonymie.
Les diverses fonctions, telles qu’on vient de les définir, sont
concurrentes ; on les trouve mêlées en proportions diverses dans un
même
message ;
l’une
ou
l’autre
domine
selon
le
type
de
communication.
Plus un code est signifiant, plus il est contraint, structuré,
socialisé et inversement. Or le contenu d’information d’un message et
la redondance (ou perte d’information) qui en est le corollaire sont des
propriétés objectives et mesurables. Plus la redondance est forte, plus la
communication est signifiante, fermée, socialisée et codifiée ; plus elle
est
faible,
plus
la
communication
est
informante,
ouverte
et
individualisée et décodifiée. Cette structuration ou codification du
système
pose
le
problème
des
rapports
du
récepteur
avec
la
communication du double point de vue du message et de l’émetteur.
En effet, le récepteur qui reçoit un message doit le décoder,
c’est-à-dire en reconstruire le sens à partir de signes dont chacun
comporte
des
éléments
de
ce
sens,
c’est-à-dire
des
indications
concernant les relations de chaque signe avec les autres. Mais l’intérêt
37
38
du récepteur doit être précisé, grâce à l’attention qu’il donne pour le
référent, objet du message.
L’émetteur, en vertu du même principe, se conforme étroitement
aux règles d’un code de communication : à telle situation, tel registre et
tel niveau de langue.
En s’appuyant sur de tels phénomènes - dont nous trouverons
plus loin l’utilisation, dans la partie concernant les discours de la lutte
féministe, à titre d’exemple, certains linguistes affirment le caractère
systématique, non seulement du langage, mais de ses usages sociaux.
Et c’est de cette manière que nous continuerons à considérer le
langage en tant que faculté humaine de communiquer des idées au
moyen de la langue.
Dans le chapitre suivant, l’analyse des signes permettra de mener une
réflexion sur le lexique, lequel occupe une très grande partie de la recherche.
38
39
CHAPITRE 2
1.2. LES SYSTEMES DE SIGNES
Dans le Cours de la Linguistique Générale, SAUSSURE définit la langue
comme « système de signes », et ces deux notions (système-signe) ont été au départ de
la réflexion structuraliste sur le lexique.
1.2.1. La langue comme systèmes de signes
La théorie générale des signes a été conçue dès le début du
siècle dernier. Elle a surtout, dès l’abord, retenu l’attention des
logiciens sous le nom de sémantique générale ou sémiologie. La
sémiologie a été conçue par F. de SAUSSURE comme « la science qui
étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (Saussure, F. de, 1981 : p. 33).
Mais ce n’est que plus tard que SAUSSURE a commencé à
recevoir un début de réalisation au point qu’en 1964, R. BARTHES a
constaté « qu’en raison de son caractère extensif (puisqu’elle sera la science de tous
les systèmes de signes), la sémiologie ne pourra être traitée didactiquement que
lorsque ces systèmes auront été reconstitués empiriquement » (Barthes, R. 1964 : p.
92).
Ainsi, pour insister sur la diversité des fonctions du langage, la
linguistique propose d’autres finalités plus urgentes, entre autre
l’analyse sémantique. Mais avant d’entrer entièrement dans cette
description, il est nécessaire de commencer par l’étude du système de
signes .
39
40
1.2.2. L’analyse en signes
Pour la linguistique structurale, parler, c’est combiner entre eux
des signes, éléments caractérisés par l’association d’un signifiant (suite de
sons) et d’un signifié (sens lié au signifiant).
Comment s’opère la segmentation d’un énoncé en signes ? En
prenant appui sur l’intuition et le savoir commun à tous les locuteurs,
résultant des multiples opérations linguistiques inconscientes faites
depuis l’enfance ; mais surtout, par une procédure précise qui se révèle
nécessaire dans les cas complexes : la commutation.
On découpera comme signe tout segment ayant un signifié et
pouvant commuter avec un autre, au même point de la chaîne parlée.
Dans une phrase comme Finaritra i Soa, on isolerait en première
approximation trois signes : Finaritra (faly / sambatra / salama), i (ilay,
ikala), Soa (Vao, Noro, etc.). Cet exemple volontairement simplifié,
pourrait laisser croire que « signe » et « mot » désignent deux réalités
identiques. Mais il n’en est rien ; parfois ces deux unités se confondent
matériellement, elles relèvent de définitions d’ordre différent. Le signe
est la plus petite unité de signification. Le signe est indécomposable,
sinon en phonèmes dépourvus de sens. Le mot correspond à un signe ou à
plusieurs.
Si le principe de l’analyse en signes paraît très simple, son
application réserve des difficultés souvent insurmontables: il n’y a pas
toujours correspondance bi-univoque entre signifiant et signifié, c’està-dire à un signifiant et à un seul correspond un signifié et un seul.
• La notion de valeur
Le signe s’inscrit dans le double fonctionnement syntagmatique
et
paradigmatique
du
langage.
Saussure
souligne
les
caractères
différentiels des éléments de la langue : c’est en se différenciant les uns
des autres que ceux-ci trouvent leur identité. Ceci est vrai pour le
signifiant [fary], canne à sucre, qui se comprend par opposition à [vary],
40
41
riz, mais aussi pour le signifié. On peut lire dans le dictionnaire qu’un
fary est une canne à sucre 1 (Abinal et Malzac, 2000).
C’est le système qui donne au signe sa valeur (Barthes, R. 1964 : p.
113). La comparaison inter-langue le montre clairement : le mot français
mouton, pour reprendre l’exemple de Saussure, a une valeur plus large
que l’anglais mutton (viande de boucherie) puisque à côté de celui-ci
existe sheep ( animal vivant).
Cette notion de valeur insiste sur le statut relationnel du signe :
le signifié n’est que la mémorisation de tous les emplois, ou la zone
commune à toutes les oppositions dans lesquelles entre ce signe : tsara,
belle est employé par différence avec soa, belle, fanjaka, jolie, meva,
mignonne, kongoroty, laide,…en une confrontation souvent implicite.
La
valeur
d’un
signe
se
décompose
en
deux
opérations,
confondues dans l’usage : déterminer sa place par rapport à d’autres
dans les séries paradigmatiques et connaître ses combinaisons possibles
avec d’autres éléments de la langue (contraintes syntagmatiques). C’est
en ce sens que la langue est un système de signes.
• Les unités lexicales
Pour le linguiste structuraliste, entre la phrase et le phonème,
seul le signe est une unité correspondant à une définition simple et
rigoureuse (plus petit élément porteur de signification). D’où sa
tentative de n’opérer qu’avec lui. Mais au contraire, les locuteurs se
réfèrent spontanément à une autre unité : le mot. Toute la controverse
autour du « mot » tient en cette contradiction : la forte existence
psychologique et sociale de cette notion, et la difficulté à en rendre
compte dans une analyse scientifique de la langue.
Le signe occupe une place déterminée dans la hiérarchie des
niveaux d’analyse. Mais, en tant qu’unité de segmentation de l’énoncé,
il recouvre des éléments hétérogènes pour l’usager et différents par leur
1
Entrée fary : saccharum officinale, Abinal et Malzac, 2000.
41
42
comportement
linguistique.
Certains
linguistes,
entre
autre
B.
POTTIER, ont proposé de l’appeler lexie. Elle correspond à un signe ou
à
un
groupe
de
signes
ayant
une
cohésion
sémantique
et
un
comportement syntaxique global défini par des règles.
Dans cette perspective, le problème du mot n’est pas résolu,
mais il est relativisé. C’est une unité hybride, une lexie d’un type
particulier,
pourvue
d’un
certain
degré
d’autonomie
syntaxique
consacré par la grammaire et l’écriture. Mais avec les lexies, nous
sommes confrontés à toute une gamme de réalités linguistiques
présentant des degrés fort divers d’autonomie et de cohésion. On tente
alors de différencier la lexie complexe du syntagme ou groupe
grammatical dont les éléments lexicaux sont commutables. Les critères
les plus couramment utilisés sont alors :
- la variabilité lexicale plus grande dans le syntagme : par
exemple, Madio ny efitranon-dRasoa, la chambre de Rasoa est propre, où on
a Madio / ny efitranon- / dRasoa.
- la séparabilité des éléments dans le syntagme : par exemple,
Madio / ny efitranon-dRasoa,
- la spécificité des marques syntaxiques dans la lexie ; nous
soulignons cette spécificité par le déterminant de nom propre de
personne, par exemples : « Ra… » dans le premier exemple et la marque
de possession : « n-… » dans le second exemple : Manadio ny efitranony i Soa,
Soa nettoie sa chambre et Madio ny efitranon-dRasoa, la chambre qui
appartient à Rasoa est propre,
- la possibilité de remplacer une lexie complexe par un seul
mot : par exemple, mijanona ela par milona dans Aza mijanona ela ao anaty rano
ao / Aza milona 2 ao : traduction littérale : ne restez pas longtemps dans
l’eau.
Ces critères ne doivent pas être pris comme ayant une valeur
absolue. Par ailleurs, l’opposition entre lexie et syntagme est relativisée
par le passage progressif d’un lien ressenti comme purement syntaxique
2
Entrée : lona. Abinal et Malzac, 2000, p.412.
42
43
à un lien nettement sémantique ou, si l’on veut, d’une combinatoire plus
libre à une combinatoire plus figée : par exemple , zazamena vava nilaozandreniny maty teo am-piterahana remplacé par takalo 3 kely, traduction littérale : le
bébé survivant à sa mère morte en couches. La perspective n’est plus
alors la recherche des unités mais celle des critères de différenciation ;
de même qu’en syntaxe, on s’intéresse moins à l’identification des
catégories qu’au repérage des règles de fonctionnement.
•
La motivation
Tout signe, linguistique ou non, est conventionnel : il ne peut
fonctionner que par un accord - souvent implicite - entre les membres
d’une communauté, y compris le cas de signes motivés ou d’indices
naturels utilisés en fonction de signes. La notion de convention, en
particulier de convention implicite, reste relative ; la convention a des
degrés ; elle peut être plus ou moins forte, plus ou moins unanime, plus
ou moins contraignante. Plus la convention devient vague, plus la
valeur du signe varie avec les différents utilisateurs. Cette convention,
d’autre part, a un caractère statistique, elle dépend du nombre
d’individus qui la reconnaissent et l’acceptent dans un groupe donné.
Plus la convention est large et précise, plus le signe est codifié.
Dans Structures étymologiques du lexique français (Guiraud, 1967),
GUIRAUD examine un grand nombre de termes qui lui semblent
s’ordonner en champs de relation forme-sens, par exemple, les racines
phoniques B / F et P / F qui correspondent souvent à une idée de
« gonflement » (baffrer, bouffer, s’empiffrer, etc.). Ces recherches
récentes
expliquent
que
certains
signes
soient
ressentis,
rétrospectivement, comme plus « naturels », plus « expressifs ».
Mais dans la langue, le signe est de plus arbitraire : il n’y a aucun
rapport entre signifiant et signifié en dehors de la convention qui fonde
leur rapprochement. Pour l’essentiel, la langue se construit sur un stock
3
Entrée : takalo. Ibid. p.649.
43
44
de signes arbitraires. Des règles multiples, intéressant la forme, le sens
et leur mise en correspondance engendrent, au moyen de ses signes de
4
base, un lexique riche et structuré. Prenons l’exemple de manolaka ,
détourner, différent de olaka, détour, différent de mañolana 5, détourner, dans
l’exemple : fañolanana ajà tsy ampy taona, détournement de mineur : ces
mots ou groupe de mots appartenant au système établi, consacrés par les
dictionnaires, ou au système potentiel, sont compréhensibles par tout le
monde dans un contexte donné à condition que les signes de base soient
connus.
Le lexique n’est donc pas un stock inorganisé de signes
arbitraires.
Il
est
déterminé
par
des
règles
(morphologiques,
sémantiques…) formant système. Il importe de bien distinguer ce
système, riche en possibilités non réalisées, de la norme qui en limite
l’exercice en imposant un usage socialement consacré.
Tout changement lexical procède d’une motivation, qu’il s’agisse
d’une création consciente ou d’une évolution spontanée. La motivation
est une relation naturelle entre le signifiant et le signifié ; une relation
qui est dans leur nature : leur substance ou leur forme ; elle est
analogique dans le premier cas, homologique dans le second. L’analogie
peut être métaphorique ou métonymique selon que le signifiant et le
signifié ont des propriétés communes qui permet de les assimiler ou
sont associés par un lien de contiguïté dans l’espace, dans le temps (cf.
les
différentes
métaphores
sur
la
femme,
dans
« Dissymétrie
sémantique, troisième partie, chapitre deux ».)
L’analogie comme la convention a des degrés ; elle est plus ou
moins forte et immédiatement évidente. Sous sa forme la plus complète,
l’analogie
est
une
représentation. Mais
la
valeur
iconique
de
la
représentation prend en général une forme plus schématique ou même
abstraite.
4
5
Entrée olaka, détour, équivoque. Abinal et Malzac, 2000.
Entrée olana, torsion. Ibid.
44
45
Moins la motivation est forte, plus contraignante doit être la
convention et, à la limite, elle peut seule assurer le fonctionnement du
signe dans lequel il n’y a plus aucune relation sensible entre le
signifiant et le signifié. Le signe est dit alors immotivé et arbitraire.
Pour l’essentiel, la langue se construit sur un stock de signes
arbitraires. De même, la métaphore est très florissante dans la langue
populaire, mais le champ métaphorique n’y est pas le même que dans la
langue littéraire.
Les deux grandes sources de l’enrichissement lexical sont, d’un
côté, la langue populaire, de l’autre, les langues de spécialités. Quand
le terme est intégré à la langue commune, la motivation peut s’effacer,
sans que cesse pourtant d’être vivant le modèle qui l’a créé et qui
continue à produire d’autres signes.
Dans la pratique, nombreux sont les systèmes, où un signifiant
peut référer à plusieurs signifiés et où chaque signifié peut s’exprimer
au moyen de plusieurs signifiants. C’est le cas des codes poétiques dans
lesquels la convention est faible, la fonction iconique développée et le
signe ouvert.
Il est temps de voir, comment, en fonction du sens à transmettre, se fait
l’organisation formelle du lexique. A l’inverse, le sens, distribué à travers ces unités
lexicales, connaît ses propres lois de structuration.
1.2.3. L’analyse sémantique
Le mot, au sens de lexème, est l’unité fondamentale de la syntaxe et de la
sémantique. Le mot est un signe à deux composantes, que nous appellerons forme et
sens. Dans l’antiquité, SOCRATE et par la suite, PLATON ont formulé le rapport
entre les mots et « les choses » auxquelles ils référaient, qu’ils signifiaient. Selon eux,
la relation sémantique qui relie les mots aux « choses » est celle de nommer : la forme
d’un mot signifiait des « choses » par l’intermédiaire du concept associé à cette forme
dans l’esprit des sujets parlants ; ainsi, ce qui constitue la signification du mot est ce
concept (Lyons, J. 1970 : p. 31O).
45
46
1.2.3.1. La référence
Il est utile d’introduire ici le terme « référé » pour désigner les
choses en tant qu’objets nommés ou signifiés, par les mots. Nous dirons
que la relation qui relie les mots et les choses (leurs référés) est celle
de la référence ; et que les mots réfèrent aux choses (plutôt qu’ils ne les
signifient ou ne les nomment).
Dans un énoncé, tout concourt à la signification : les sons et
leurs variantes, l’intonation, les formes syntaxiques, l’enchaînement du
discours. Mais selon B. POTTIER et A. J. GREIMAS, il faut déterminer
ce qui est élément constant de sens et ce qui est élément variable selon
les occurrences de discours. Ce peut être un mot, comme reny, mère ou
un syntagme lexical, tel que renitohatra, échelle. A la limite, le sens
global de l’énoncé est conçu comme résultant de l’addition de ces
significations partielles, qui permettent d’établir le niveau sémantique
du contenu ou isotopie du discours, qui sont examinés comme des
éléments immanents, des paradigmes de sens.
En réalité, la correspondance entre énoncé et sens est beaucoup
plus complexe et médiatisée, mais il est vrai que le lien au « monde »
(objets, notions, événements) passe par les unités lexicales, par un
mécanisme qui associe le signe ou groupe de signes, à une réalité extralinguistique. Cette relation entre le signe et ce qu’il désigne constitue
sa référence. La référence ne se confond pas avec le signifié : par
exemple, raokemba, femme âgée ,
somondrara, jeune fille, sont deux
expressions ayant la même référence, vehivavy, femme, mais distinctes
par leurs emplois, leur valeur socio-linguistique.
La référence est plus directement sensible dans certains mots
dont la fonction est essentiellement spécifique, comme dans les
domaines des sciences et techniques : par exemple, fanabeazana aizana,
planing familial ; fimailo, condom. Pour d’autres signes, la référence est
davantage marquée par des signifiés contextuels; dans ce cas, la
référence ne peut pas s’étudier par rapport au mot, mais par rapport à
46
47
l’une de ses « acceptions » : renivola, le capital ; renim-pianakaviana, mère
de famille ; renim-panalahidy, serrure .
L’unité porteur de sens n’est pas le signe isolé mais le signe à
l’intérieur du système. Tout signe appartient à un ensemble ou à
plusieurs par rapport auquel se détermine sa valeur exacte. L’ensemble
de ces termes, substituables à un même point de l’énoncé et présentant à
la fois des ressemblances et des différences de sens, constitue un
paradigme sémantique.
Les relations entre signes sont générales et complexes ; mais il
faut signaler les cas, tels que l’hyperonyme (des termes spécifiques vers
les termes génériques), par exemple : ny voninkazo, les fleurs et
l’hyponyme (la liaison entre un terme générique et les termes spécifiques
correspondants), par exemple : ny raozy, la rose par rapport à fleur.
Ces remarques autour de la valeur ont montré que les rapports
entre éléments de la langue ne sont pas assimilables à des liens
logiques : synonymie, antonymie, etc., qui sont constamment traversées
par des effets de sens, des contraintes de discours. Tout ceci s’explique
par la fondamentale polysémie des mots : ceux-ci ont plusieurs sens et
peuvent entrer dans des contextes variés ; d’autres mots tendent à la
monosémie. Mais les mots les plus courants ont au contraire une
multitude de sens : soit qu’ils appartiennent à plusieurs champs
sémantiques, soit qu’ils aient une élasticité comme le verbe manao, faire.
La sémantique concerne la signification et ses variations : nous
lui emprunterons les concepts de dénotation, connotation, monosémie,
polysémie, hyperonymie et hyponymie.
1.2.3.2. Dénotation et connotation
Le linguiste danois HJELMSLEV a le premier introduit la
distinction entre la dénotation et la connotation ; l’analyse a été reprise
par R. BARTHES, qui en a généralisé l’usage.
47
48
La dénotation est le rapport normal entre signifiant et signifié,
entre ce que HJELMSLEV appelle « le plan de l’expression et le plan du
contenu ». P. GUIRAUD dit qu’il est « constitué par le signifié conçu
objectivement et en tant que tel » (Guiraud, P. 1977 : pp. 35-36).
Les connotations expriment des valeurs subjectives attachées au
signe du fait de sa forme et de sa fonction. Il y a connotation lorsque la
signification elle-même prend, à un niveau supérieur, un autre sens ; la
relation signifiant-signifié devient elle-même le signifiant d’un signifié
supplémentaire ; on a le schéma :
Connotation
Niveau 2
Niveau 1
Signifiant
Signifiant
Signifié
Signifié
Dénotation
Dans tous les cas où la manière de s’exprimer au niveau 1
produit une signification supplémentaire, en quelque sorte parasite
(niveau 2), HJELMSLEV parle de langue « connotative », en ce sens
qu’elle permet de produire, en plus du sens « dénoté », un sens
« connoté ». Un mot argotique, poétique, scientifique, etc. connote le
signifié qu’il exprime ; de même un hypocoristique, une construction
affective. Un uniforme dénote pour une association féminine, un
groupe, le mouvement et sa fonction ; il connote la participation,
l’engagement et l’autorité qui leur sont attachés.
Se référant à l’ouvrage linguistique de J. DUBOIS, sous l’entrée
de « dénotation », nous pouvons observer la définition suivante : « … la dénotation
est l’élément stable, non subjectif et analysable hors du discours, de la signification
d’une unité lexicale » (Dubois, 1973).
Toujours selon l’ouvrage ci-dessus, « la connotation est constituée
par ces éléments subjectifs ou variables selon les contextes. ». La notion de
connotation bénéficie d’une étude privilégiée en sémiotique textuelle.
48
49
Elle permet la lecture plurielle d’un texte. R. BARTHES, dans
l’introduction de S / Z, signale qu’ « interpréter un texte, ce n’est pas lui
donner un sens, c’est au contraire apprécier de quel pluriel il est fait » (Barthes, R. :
1970, p. 11).
Dénotation et connotation constituent deux modes fondamentaux
et opposés de la signification ; et bien qu’elles se combinent dans la
plupart des messages, on peut distinguer ces derniers selon qu’ils sont à
dominante dénotative ou connotative : les sciences appartiennent au
premier type, les arts au second.
Selon BARTHES, un système connoté est un système dont le
plan
d’expression
est
constitué
lui-même
par
un
système
de
signification ; les signifiants de connotations, que l’on appellera des
connotateurs, sont constitués par des signes (signifiants et signifiés
réunis) du système dénoté. Quant au signifié de connotations, il a un
caractère à la fois général, global et diffus : c’est un fragment
d’idéologie ; ces signifiés communiquent étroitement avec la culture, le
savoir, l’histoire (Barthes, R. 1964 : p. 131).
On peut représenter aussi un sens lexical comme étant un
ensemble structuré d’autres sens lexicaux. C’est ainsi qu’il faut préciser
que lorsqu’un sens est inclus dans un autre, nous dirons qu’il en est une
composante. Il est aussi de ce fait une composante de la définition de la
lexie correspondante, par exemple, njarahy est une composante de la
définition de vehivavy. (cf hypéronymie et hyponymie).
1.2.3.3. Hyperonymie et hyponymie
Si on considère les sens lexicaux comme des ensembles, quatre
types de relations sémantiques-lexicales peuvent logiquement exister :
Identité de sens,
par exemple : somondrara, jeune fille =
vehivavy, femmes ;
49
50
Intersection de sens, par exemple entre somondrara, jeune fille
et njarahy vieille femme, l’intersection ( ∩ ) est vehivavy, femmes ;
Inclusion de sens, par exemple, rasazy, sage femme ⊂ (inclus
dans) vehivavy, femme ;
Disjonction de sens, entre raokemba, vieille femme et nofy,
rêve, ∅ aucune liaison de sens.
Le but de cette première section est avant tout de démontrer
qu’il est pertinent de considérer qu’un sens contient d’autres sens. En
fait, l’inclusion, l’identité de sens, etc. sont les relations sémantiques
sur lesquelles se fondent de façon directe ou indirecte toutes les autres
relations sémantiques fondamentales. Chaque lexie se positionne dans le
réseau lexical de la langue en fonction de ces relations.
On dit que la lexie L1 est un hyperonyme de la lexie L2 si son
sens est inclus dans le sens de L2 et si L2 peut être considérée comme
un cas particulier de L1. La lexie L2, quant à elle, est appelée
hyponyme de L1. Il est intéressant de remarquer que si L2 est un
hyponyme de L1, l’ensemble des référents possibles de L2 est inclus
dans celui des référents possibles de L1 en contrepartie, le sens de L1
est lui, inclus dans celui de L2.
La relation d’hyperonymie-hyponymie est transitive et permet
donc de construire une hiérarchie sémantique des lexies. En général, on
ne lie pas les relations d’hyperonymie et d’hyponymie qu’avec des
lexies appartenant à la même partie du discours (Lyons, J.
op. cit.
p.310).
Enfin, le vocabulaire de toute langue comporte un certain
nombre
de
susceptible
systèmes
d’être
lexicaux,
décrite
en
dont
la
fonction
structure
de
sémantique
rapports
de
est
sens
paradigmatiques et syntagmatiques ; ce sont là des rapports entre des
unités lexicales et non pas entre les sens indépendamment déterminés de
celle-ci.
50
51
Cette dernière constatation est d’une importance capitale sur le
plan théorique et méthodologique. C’est ce que Saussure a développé,
tout en insistant que tout élément linguistique a sa place dans un
système où tout se tient, sa fonction, sa valeur, provenant des rapports
qui le lient
aux autres éléments du système. Maintenant, nous allons
considérer les approches sociolinguistiques, entre autre l’approche
variationniste et celle de l’ interactionniste.
51
52
CHAPITRE 3
1.3. LES APPROCHES SOCIOLINGUISTIQUES
A travers cette étude, nous découvrirons différentes approches menées par J.
FISHMAN, W. LABOV, HYMES, J. GUMPERZ et d’autres.
1.3.1. Origine et tendance
C’est depuis plus d’une trentaine d’années, plus exactement vers
1964, que la délimitation rigoureuse entre l’ethnolinguistique, la
sociolinguistique, la sociologie du langage et la linguistique sociale va
se préciser. Ces différents courants mettent l’accent sur un thème
unificateur : le langage, où on trouve côte à côte les noms de W.
LABOV, de GOFFMAN, BERNSTEIN, HYMES et GUMPERZ. Mais
c’est sans doute dans les travaux de J. FISHMAN que l’on se rapproche
le plus de la définition des différents codes linguistiques dans les
champs d’activités variés de la vie sociale. Le code : langue, registre,
variété de langue, ou une quelconque façon de parler stabilisée et
reproductible,
qui
est
choisi,
vaut
alors
par
son
association
fonctionnelle stable à différentes catégories et finalités sociales.
J. FISHMAN se propose
d’appeler « sociologie du langage ou
sociolinguistique », l’activité tendant à découvrir, à travers les données
linguistiques, des faits non-linguistiques relevant des sciences humaines
et de faire de la linguistique sociale un champ particulier de la
sociolinguistique. Il étudie dans des situations souvent multilingues les
problèmes ayant trait à la standardisation linguistique, au maintien des
langues minoritaires, à la liaison entre le développement économique et
social, d’une part, la politique langagière, de l’autre.
C’est dans la perspective de l’élucidation de ces associations
fonctionnelles que FISHMAN, après avoir insisté sur la constance de la
variation linguistique, définit l’objet de la sociologie du langage ou
52
53
sociolinguistique, lorsqu’il pose la question : « Qui parle, quelle variété de
langue, à propos de quoi, avec quels interlocuteurs et quand ». Puis il les
différencie en assignant à la sociolinguistique la tâche de « découvrir
quelles lois ou normes sociales déterminent le comportement dans les
communautés linguistiques défini par rapport à la linguistique ellemême » (J. Fishman, J. 1971 : pp. 18-19).
A tout cela, la sociologie du langage ajouterait l’effort pour
déterminer quelle valeur symbolique ont les variétés linguistiques pour
leurs usagers. Ainsi, il délimite un autre niveau, celui des actes de
parole, des rôles et des situations. La situation forme le maillon
intermédiaire qui réunit les participants, et voit se dérouler leur
discours - ce qui la rattache à la microsociolinguistique-, mais elle
participe également, par des règles de conduite qu’elle impose, à une
réalité sociale plus vaste- qui l’intègre à la macrosociolinguistique.
FISHMAN groupe les situations en domaines, par exemple, les écoles,
le travail, la famille, etc., qui dictent chacun leurs normes et leurs
langues.
FISHMAN
propose
ainsi
une
construction
des
domaines
d’analyse qui va, en quelque sorte, de haut en bas ; dans un mouvement
descendant, il passe du général au particulier, de l’évolution de toute
une communauté linguistique à l’acte de langage individuel.
Le but de la sociolinguistique indique qu’elle doit rendre compte
des « conduites » linguistiques en tant qu’activités sociales, c’est-à-dire
des groupes sociaux en locuteurs collectifs au sein d’une communauté
linguistique ; mais la sociolinguistique se propose surtout de partir de
la parole et, avec elle, du sujet parlant. Ce sujet est inscrit dans un
contexte social, celui dans lequel il vit et parle. La sociolinguistique est
la linguistique de la parole.
53
54
1.3.2. La sociolinguistique variationniste
Si
les
linguistes,
de
SAUSSURE
à
CHOMSKY,
ont
volontairement écarté de leurs descriptions les variations linguistiques,
c’est qu’il leur a semblé qu’un certain degré d’idéalisation des données
était nécessaire dans l’état actuel de la théorie linguistique. Mais sans
entrer dans une discussion de la validité ou non d’une telle démarche
méthodologique, il faut admettre que la réalité est tout autre. Aux
différentes variables sociales : l’âge, le sexe, la profession, l’origine
géographique…correspondent des variations linguistiques régulières. Il
est possible de dégager un système de co-variations entre les différents
groupes dont la société est composée et les différentes variétés de
langue : l’hétérogénéité linguistique renvoie à l’hétérogénéité sociale.
Une attitude s’avère ainsi importante pour décrire les différentes
variétés coexistant au sein d’une communauté linguistique, ainsi que les
rapports de force que ces variétés entretiennent entre elles.
La sociolinguistique, dès son apparition est étroitement liée aux
actes de langage ou la logique des conversations. W. LABOV, dès ses
premiers
travaux,
rend
compte
de
la
langue
d’une
communauté
linguistique à travers l’étude de la structure des variations qui s’y
retrouvent. MARCELLESI et GARDIN résument ainsi la vision qui
sous-tend le projet labovien : « l’ensemble des performances d’une communauté
linguistique constitue deux dimensions : sociale et stylistique : (…) les réalisations
linguistiques des variables sont correliées (…) avec la position sociale de ceux qui
parlent et avec les conditions de production des discours qu’ils tiennent »
(Marcellesi et Gardin, 1974 : p.144).
Aujourd’hui, on qualifie l’approche labovienne de linguistique
variationniste, mais les liens qui existent entre la variation linguistique
et la diversité sociale doivent être précisés, parce que pourquoi ne pas
parler de sociolinguistique variationniste plutôt que de linguistique
variationniste ? En décrivant le modèle de LABOV, LAKS propose une
réponse : « Trois concepts clés forment le soubassement théorique de
cette conception (…) : le changement linguistique, l’hétérogénéité des
54
55
pratiques linguistiques et corrélativement des grammaires qui les
modélisent, l’existence d’une variation réglée et contrainte par le
système linguistique lui-même (la variation inhérente) » (Laks 1992 :
p.35).
On
remarquera
que
ces
trois
concepts
proposent
une
caractérisation théorique minimale de la langue. En d’autres termes, la
variation sociale, et pour LABOV aussi, la sociolinguistique, au sens
étroit de description de cette variation sociale, n’est qu’une partie de la
linguistique variationniste.
• La communauté linguistique
Cette nouvelle méthode ne prend pas comme point de départ un
code (langue ou dialecte), mais ce que HYMES appelle une communauté
linguistique, « speech community » : un groupe de sujets parlant qui possèdent en
commun des ressources verbales et des règles de communication. Rejetant la
fameuse
équation
de
WHORF
selon
laquelle
il
existe
une
correspondance exacte entre la langue et la culture, HYMES insiste sur
le fait que l’inventaire des pratiques de communication d’un groupe
socio-culturel peut inclure plusieurs langues et plusieurs dialectes, ainsi
que des éléments de comportement non-verbal. Etre membre d’une
communauté linguistique, c’est communiquer avec un certain nombre
d’individus et parler une langue commune à une partie de cette
communauté. Les communautés linguistiques ne poseraient aucun
problème d’identification, elles coïncideraient avec des groupements
humains géographiquement et / ou socialement définis par l’usage
commun d’une langue.
Par ailleurs, le premier classement des variétés synchroniques au
sein d’une communauté linguistique fut élaboré par FISHMAN et N.
DITTMAR 6. Ils étudièrent des types régionaux de parlers communs ou
dialectes. Puis des volumes d’ouvrages clefs étaient publiés par BOAS,
MEILLET, BERNSTEIN, GUMPERZ, HYMES et d’autres. Ces ouvrages
6
Dittmar, N., 1976: Sociolinguistics: a critical survey of theory and application. Arnold, Great Britain,
p.128.
55
56
embrassaient des perspectives à la fois anthropologiques, linguistiques
et sociologiques. La préoccupation centrale de cette discipline est la
diversité linguistique ; sa tâche essentielle est d’effectuer une description
systématique de la covariance entre structure linguistique et structure sociale, donc
le langage est considéré comme une activité socialement localisé, et
dont l’étude se mène sur le terrain.
Mais ce travail soulève des problèmes plus complexes qu’il n’y
paraît. Tout d’abord, dans une même aire géographique, peuvent
coexister plusieurs dialectes ou parlers, ou même plusieurs langues
correspondant à des groupes ethniques différents. D’autre part, dans la
plupart des cas, il n’existe pas de frontières nettes entre les parlers. Le
passage d’un parler à un autre se fait de façon insensible. La
distribution des parlers régionaux n’est pas simplement fonction de la
distance géographique mais plutôt de facteurs sociaux, culturels ou
religieux. Les parlers ne représentent pas seulement des éléments
géographiques mais symbolisent aussi des valeurs sociales. Un autre
point important est à souligner dans les objectifs de la sociolinguistique
appliquée : contribuer au développement de la sociolinguistique théorique et aider à
résoudre des problèmes sociaux où se trouve directement impliqué le langage 7.
Il convient d’établir une interrelation entre « planification du
changement social et planification du changement linguistique », ce qui peut
signifier : « développer des variétés linguistiques de façon à les rendre opérationnelles
dans des environnements nouveaux, dans des relations de rôles nouvelles… » (Ibid.)
C’est pour cette raison que tous les chercheurs qui se disent
sociolinguistes, tels que LABOV, HYMES, FISHMAN, GUMPERZ ou
R. SHUY, sont profondément marqués d’un libéralisme humaniste qui
leur fait proclamer dans leurs recherches mêmes une attitude qui se
veut progressiste.
Dans
l’article
intitulé
The Scope of Sociolinguistics, HYMES
déclare : « Si la linguistique doit contribuer, comme elle pourrait le faire, au
7
Fishman, J., 1970: in a Brief Introduction.
56
57
dépassement des nombreuses inégalités de langage et de capacité qui existent
aujourd’hui, il faut qu’elle soit en mesure d’analyser ces inégalités. En particulier,
une linguistique pratique, ayant ce but, se doit d’examiner non seulement les outils
linguistiques et les types de communautés linguistiques, mais aussi les individus et la
structure sociale » (Hymes, 1974 : p.204). Il développe ce point de vue
humaniste en précisant que « pour que la linguistique puisse faire ce qu’elle peut
pour le bien-être de l’humanité, il lui faut aller de l’avant et considérer les
communautés linguistiques non seulement sous l’angle des règles de langage mais
aussi sous l’angle des relations de pouvoir, oppressives ou non, qui se manifestent
dans le rapport entre capacités individuelles et occasions de s’en servir» (Ibid.,
p.205).
Ainsi consciente au plus haut point de la tâche assignée par les
premiers tenants de ce courant, nous avons aussi décidé de nous engager
dans cette direction. C’est pour cela que nous avons décidé de remettre
en cause la relation homme et femme au sein d’une communauté linguistique
et le rapport qu’ils entretiennent individuellement et socialement avec
le langage qu’ils mettent en oeuvre. C’est aussi la raison pour laquelle,
nous nous sommes demandé, par exemple, si les femmes vivant une
relation d’inégalité sociale dans notre zone de recherche utilisent le
même langage que les hommes, car il est évident que la radio,- installée
dans chaque foyer, y introduisant quotidiennement le malgache officiel
ou le parler régional,- les écoles, les services sociaux et les associations
se sont développés, accroissant les contacts sociaux. Pourtant, les
différences linguistiques peuvent persister et se creuser. Donc, il est
nécessaire, selon notre opinion, de faire certaines recherches entre la
structure sociale, l’usage du langage et le comportement qui en découle.
Mais revenons aux chercheurs américains et danois qui, ayant
axé leurs investigations sur les préoccupations sociales et humanistes
qui constituent la base de leur thématique idéologique, n’ont pas
négligé de puiser de nouvelles sources d’inspiration dans divers
domaines, tels que la communication verbale.
57
58
• Les variétés et les registres de langue
Les travaux de LABOV sur la stratification sociolinguistique
appellent une autre remarque : quel que soit le niveau socio-culturel,
tous les locuteurs d’une communauté possèdent plusieurs variétés ou
registres de langue. Personne ne s’adresse de la même façon à sa
femme, son employeur ou son médecin. Le choix d’une variété indique
les droits et les devoirs des interlocuteurs entre eux. Chaque institution,
famille, justice, administration exige la compétence d’un registre
particulier et cette compétence dépend de la formation reçue par
l’individu parlant. C’est ce que HYMES appelle compétence de
communication, qui fait pendant à la notion de compétence linguistique
développée par CHOMSKY : « pour communiquer, il ne suffit pas de connaître la
langue, le système linguistique ; il faut également savoir comment s’en servir en
fonction du contexte social » (Hymes, 1973 : p.118). En effet, on ne parle pas de
la même façon à divers interlocuteurs, dans divers endroits, ou selon les
diverses intentions que l’on peut avoir. Sans la connaissance des règles
sociolinguistiques qui gouvernent le choix des structures linguistiques
par rapport aux structures sociales, la connaissance de la langue reste
entièrement abstraite, détachée de la réalité. GUMPERZ et HYMES ont
donc
entrepris
dans
une
démarche
typiquement
ethnographique,
l’observation des faits de langage dans leur contexte naturel.
Ainsi, D. HYMES et J. GUMPERZ, issus directement de
l’anthropologie anglo-saxonne, ont pris comme point de départ la
situation de communication ; ils s’efforcent de traiter non pas le code
linguistique, mais l’activité de langage. C’est dire qu’ils ont des
rapports plus étroits avec la théorie des actes de parole qu’avec la
linguistique structurale et surtout générative.
La sociolinguistique interactionniste
Dans
l’introduction
d’un
ouvrage
intitulé
« Directions
Sociolinguistics, the Ethnography of Communication »,
in
Gumperz
indique le fil conducteur de la nouvelle sociolinguistique : une
approche interactionnelle du comportement verbal, qui consiste à se
58
59
centrer sur la dynamique des échanges verbaux. Gumperz et Hymes
soulignent le fait que, dans une situation de communication, les
participants ont le choix entre diverses façons de parler et que leur
choix se fait en fonction du contexte. Le langage s’adapte constamment
aux dimensions sociales de la situation, aux participants, au but de la
conversation, au déroulement de l’action. Les choix linguistiques se
font aussi en fonction des présupposés culturels et de l’expérience
personnelle des participants.
1.3.3. Les relations interpersonnelles
Il y a une multitude de parlers et le choix que l’on effectue, a un
sens social qui se trouve transmis aux auditeurs. Ces derniers vont à
leur tour opérer un choix dans leur inventaire linguistique en fonction,
entre autres choses, de leurs rapports interpersonnels. Dans cette
direction,
le
chercheur
doit
donc
s’intéresser
aux
phénomènes
d’interaction sociale, à l’instar de la sociolinguistique interactionniste.
Il doit se concentrer sur « la compétence de communication » et la
nature des règles sociolinguistiques qui gouvernent nos façons de
parler.
Par rapport au courant français, le courant américain s’attache
nettement plus au caractère mouvant de la production verbale, c’est-àdire qu’en plus de l’aspect dynamique de la communication mis en
relief par l’emploi de la notion d’actes de parole, HYMES et GUMPERZ
étudient le sens contextuel des expressions verbales.
D’après HYMES et GUMPERZ, c’est la notion d’acte de parole,
unité minimale de l’analyse, que l’on doit utiliser comme point de
départ dans l’analyse. L’acte de parole tend à désigner des types de
comportement dont la fonction est évidente, comme les salutations, les
insultes, etc. Ils précisent que le processus d’échange linguistique est
centré sur le locuteur. Pour en rendre compte, ils construisent un
modèle qui énumère les deux phases de ce procès :
59
60
- Dans un premier temps, le locuteur perçoit des indices et les
transforme en stratégies de comportements appropriés (Gumperz, 1971 : p.
291).
- Dans un second temps, les stratégies de comportement issues
de la première phase sont à leur tour transformées en symboles verbaux
appropriés (Ibid.).
Dans leur analyse, ils mettent en évidence le niveau de nonconscience propre aux productions linguistiques. Les conversations
qu’ils
analysent
leur
montre
à
quel
point
les
comportements
linguistiques sont liés aux phénomènes de relations interpersonnelles. Il
s’avère que l’utilisation de la langue standard, par exemple, dans des
moments d’intimité est l’indice d’une attitude de distance vis-à-vis des
valeurs communes. Il s’avère également que le passage de la langue
régionale à la langue standard se fait à un niveau qui n’est pas celui de
l’intention des locuteurs. Et c’est dans cette perspective que Gumperz
déduit la possibilité d’étudier un niveau spécifique de l’utilisation du
langage qui apparaît dans les relations face à face. Il s’achemine donc
vers
une
sociolinguistique
interpersonnelle,
pour
laquelle
il
va
développer peu à peu des méthodes d’analyses minutieuses .
1.3.4. L’analyse interprétative
Ayant
fortement
interactions
sociales,
mécanismes
de
la
conscience
GUMPERZ
dynamique
va
du
caractère
s’appliquer
conversationnelle
à
mouvant
des
découvrir
les
et
surtout
de
l’interprétation du message.
La compréhension du monde ne dépend pas seulement de
l’existence de structures rationnelles ; elle passe aussi par l’interprétation
de la réalité que font les acteurs sociaux, qui jouent un rôle actif dans la
construction du monde. De même, la compréhension d’un message passe
nécessairement par l’interprétation que fait l’auditeur des structures
verbales dont s’est servi l’émetteur. Or cette interprétation dépend en
60
61
grande partie des circonstances immédiates de la situation, ainsi que
d’une foule de présupposés de nature individuelle ou socio-culturelle.
GUMPERZ signale que les règles sociales qui gouvernent la
communication
ne
sont
pas
fixes :
elles
changent
au
gré
des
circonstances (Gumperz, 1972). C’est seulement en présence d’un auditeur
en fonction de ses réactions qu’un sujet parlant décide d’utiliser telle
ou telle forme de langage pour lui faire comprendre ses intentions. Les
règles doivent aussi s’adapter aux circonstances historiques de la
situation : s’il s’agit d’un premier entretien avec quelqu’un que l’on ne
connaît pas, ou au contraire d’une conversation intime avec une
personne proche. Dans le premier cas, il faudra mesurer l’étendue des
connaissances en commun, des présupposés culturels et individuels qui
pourraient faire obstacle à la compréhension ou à l’acceptation du
message. Dans le second cas, il faudra
au contraire procéder à un
certain nombre d’ellipses et de sous-entendus, tout en étant prêt à les
rectifier si l’auditeur trouve le message par trop difficile malgré une
grande partie d’expérience en commun.
Mais c’est dans la conversation ordinaire que le caractère
changeant des relations interpersonnelles se manifeste le plus (Gumperz,
1976). Dans ce cas, il convient d’adopter une perspective résolument
interactionniste et de considérer ce type de discours comme le résultat
de stratégies qui se font et se défont à mesure que se déroule
l’interaction. GUMPERZ déclare que « l’analyse de ce phénomène nonstatique exige des méthodes différents et peut-être plus indirectes pour l’étude du
sens : il faut le considérer comme le résultat d’une dynamique des énoncés et des
réponses tels qu’ils se produisent dans la conversation » (Gumperz, 1977 : p. 191).
Imitant la conception ethnométhodologique selon laquelle une
conversation est une entreprise collective qui se trouve soumise à des
contraintes de nature socio-culturelle, Gumperz a démontré que la
conversation ordinaire a sa propre structure et sa propre dynamique. Les
rapports qui existent entre cette dynamique et les présupposés socioculturels produisent le véritable sens du message. C’est ainsi que la
61
62
même expression n’a pas forcément le même sens au milieu et à la fin
d’une conversation, et que seule une personne ayant le bagage socioculturel nécessaire saura décoder le message. Prenons l’exemple de
l’expression : eo ty aminao è ! : traduction littérale : là, où vous êtes !, qui
sert à clore une conversation ou notamment une visite. Un étranger qui
ne connaît pas cette expression pourrait interpréter le message verbal
d’une façon erronée. Mais celui qui a l’habitude de l’utiliser sait bien
que le locuteur qui emploie l’expression est sur le point de partir, c’est
en quelque sorte un au revoir.
C’est
GUMPERZ
ce
se
phénomène
propose
d’inférence
d’examiner
en
conversationnelle
utilisant
non
que
seulement
l’ethnométhodologie, mais aussi certaines idées de GRICE et de
AUSTIN. A cet effet, GUMPERZ suggère que l’on se serve de la notion
de « contextualisation », qu’il définit de la façon suivante : « c’est le
procédé par lequel nous évaluons le sens du message et les structures séquentielles de
la conversation par rapport à certains aspects de la structure superficielle du
message, que nous appellerons indices de contextualisation » (contextualisation
cues, en anglais) (Gumperz, 1977 : p. 199). Il souligne aussi la présence des
indices qui permettent de mesurer ce qu’on peut appeler la synchronie
interactionnelle. Les mouvements du locuteur et les réponses de
l’auditeur sont synchronisés, de manière à suivre une sorte de rythme,
expérimentalement observable (un signe de la tête, un mouvement
oculaire, un geste de la main, etc.). Il y a aussi des phases
d’asynchronie lorsque la conversation se passe entre des locuteurs
d’origines socio-culturelles nettement différenciées, (rires à contretemps, faux départs dans les échanges linguistiques, etc.). Ce décalage
initial pourrait se limiter aux premières prises de contact. Chacun
semble d’ailleurs pouvoir repérer au cours de la conversation, les
moments de synchronie et ceux au cours desquels elle ne s’établit pas,
et d’en délimiter les bornes.
L’origine de ce décalage tient aux différences entre les normes
d’interaction de chacun des deux participants. Tout leur échange serait
62
63
marqué par cette incompréhension qui s’exprime tout aussi bien par les
structures
intonatives
ou
grammaticales
que
par
les
éléments
paralinguistiques.
Enfin,
soulignons
que
l’objectif
des
sociolinguistes
variationnistes et interactionnistes est de déterminer des théories
interdisciplinaires
qui
se
veulent
à
la
fois
synchroniques
et
diachroniques. Alors que la sociolinguistique prend en ces formes, du
caractère social de la production du sens, l’analyse du discours
interpelle les disciplines interprétatives, afin qu’elles prennent au
sérieux la dimension formelle du langage, qui contraint et limite
constructivement les productions du sens.
63
64
CONCLUSION
Cette première partie répond à nos préoccupations et à nos
besoins qui ont le souci et l’intention de bien déterminer les démarches
théoriques avant de s’engager dans les pratiques. Pour cela, nous avons
essayé de synthétiser des fondements théoriques divers, mais qui se
complètent et s’éclairent réciproquement. Dans tous les cas, c’est le
problème de notre rapport au langage qui se trouve posé. Pour nous, ce
qui compte surtout, c’est de proposer un état suffisamment cohérent de
la théorie pour pouvoir donner lieu à des applications dans les
différentes parties qui suivent.
Ainsi cette première partie présente une double utilité :
− Elle constitue une sorte d’introduction aux travaux à réaliser.
− On peut y revenir comme à un aide-mémoire, qu’on développera
davantage au fur et à mesure que s’effectueront les nombreuses
études partielles au niveau de la recherche.
Cela étant, nous n’hésiterons donc pas de passer aux parties
pratiques.
64
65
DEUXIEME PARTIE
LE POUVOIR DE LA LANGUE
65
66
INTRODUCTION
Cette deuxième partie sera essentiellement axée sur le problème
du pouvoir linguistique qui constitue un élément clé pour asseoir le
pouvoir politique d’un pays quelconque ; le soulever, c’est se poser des
questions sur la distribution du pouvoir au sein de la société et
l’emprise de celui-ci sur le développement social, politique et culturel.
Ainsi, l’importance de ce travail s’articule autour de trois chapitres :
Le chapitre 1 détermine l’environnement et le statut de la femme
tuléaroise, afin de mieux comprendre leurs comportements par rapport à
la langue et les effets que ceux-ci produisent sur la société.
Le chapitre 2 étudie les différents niveaux d’analyse linguistique
qui soulignent les différentes manières avec lesquelles on s’adresse aux
femmes :
comment
celles-ci
évoquent
le
glissement
du
pouvoir
matrimonial vers celui du patriarcat.
Le chapitre 3 présente les raisons pour lesquelles les femmes ont
perdu le droit de parler en public.
66
67
CHAPITRE I
2.1. LE STATUT DE LA FEMME PAR RAPPORT A L’HISTOIRE
Avant de déterminer la langue qu’on utilise dans la zone de
recherche, nous allons d’abord parler des différentes communautés
linguistiques dans cette zone. Ce chapitre nous permettra alors de
définir la population de Toliara et ses origines, son environnement
économique et social. Puis nous essaierons de situer la place et le rôle
des
femmes
du
Sud-ouest
par
rapport
aux
différentes
sociétés
successives malgaches, telles que la société traditionnelle dominée par
le système matriarcal suivi du patriarcat et la société du temps moderne
du 19è et 20è siècles. A la fin, pour illustrer la situation sociale des
femmes en question, nous apporterons quelques chiffres qui méritent
réflexion.
2.1.1. La population tuléaroise et ses origines
Zanahary, le Créateur, grâce à sa générosité intarissable, nous
offre un environnement très riche : les êtres humains, tout ce qui les
entoure et les concerne. Les végétaux, les animaux, les faunes et les
flores marines et terrestres, le sol, le sous-sol, les énergies diverses,
l’air, la lumière, l’oxygène, la pluie, l’eau, etc., tout cela existe à
Toliara, dans le monde matériel, autour de nous, et conditionne notre
vie et notre culture. Grâce à notre intervention intelligente, nous créons
notre civilisation, nous avons le pouvoir de la transformer et, parfois, la
détruire. Nous sommes à la fois bénéficiaires et seuls maîtres de notre
environnement.
Pour
cette
raison,
une
étude
à
part
est
nécessaire
pour
comprendre la structure sociologique de notre milieu : les 200.000
habitants environ qui composent la population actuelle de la ville de
67
68
Toliara, constituent un ensemble hétérogène de groupes humains et
d’activités économiques. Grande richesse et grande pauvreté matérielles
se côtoient. Ville en pleine extension urbaine, elle donne l’impression
que c’est la campagne et le style rural qui s’imposent à elle. C’est ce
phénomène du « monde rural qui vient s’installer en ville », qui la
démarque des autres villes et qui inspire bon nombre de chercheurs,
dont nous faisons partie.
B. KOTO affirme que : « L’installation des ancêtres des premiers
habitants remonte très probablement aux XVI-XVIIè siècles. Ils sont constitués de
Masikoro, de Vezo et de quelques descendants de groupes Vazimba plus anciens. Vezo
et Masikoro dispersés dans l’ensemble du Sud-Ouest (les premiers de Lavanono à
Morondava, les seconds entre les fleuves Fiherenana et Mangoky), forment les noyaux
les plus importants des habitants de la ville de Toliara. Ils constituent moins de 20 %
de la population urbaine actuelle, tandis que 82 % de la population sont composés
d’immigrants dont 62 % se sont installés en ville depuis 1980 seulement. Les groupes
arrivés avant cette date étaient des Merina, des Betsileo, des Tanôsy, des
Indopakistanais » (KOTO, B. 1995 : p.26).
Ces diverses ethnies ont bougé sans cesse au cours des siècles.
Un mouvement de migration, plus ou moins intense, s’est effectué du
Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, des plateaux du Centre aux côtes ou
inversement. Des raisons économiques pour les uns, des problèmes
sociaux
pour
les
autres,
ont
déterminé
et
déterminent
encore
actuellement ces déplacements. Ce phénomène de migrations intérieures
a provoqué et provoque encore naturellement un brassage des diverses
ethnies et une interpénétration des moeurs et des coutumes, lesquelles
tendent ainsi à une certaine uniformité.
Du point de vue économique, les Indopakistanais monopolisent
les
grands
alimentaires,
réseaux
de
collectes
commerce
de
(tissus,
produits),
tandis
quincailleries,
que
certains
denrées
Merina
occupent des postes administratifs ou bien exercent une activité
commerciale de transport et hôtelière. Les Betsileo et Tanôsy pratiquent
68
69
la riziculture près des grands fleuves. D’importantes minorités des
originaires gardent le petit commerce de la rue et les petites épiceries,
ainsi que des gargotes, ou d’autres activités informelles : mpanao
kinanga, marchands ambulants.
Les Mahafaly et Tandroy étaient faiblement représentés dans
l’espace urbain et dans les environs immédiats de Toliara jusqu’à la fin
des années 70. Mais à partir de 1980-1981, on a assisté à leur
mouvement migratoire massif. Ils fuyaient les sécheresses meurtrières
et répétées qui s’étaient abattues sur leur région d’origine. Les Tandroy
se sont donné et continuent à se donner à l’activité de transports
urbains : près de 4500 pousse-pousses circulent en ville
Les Mahafaly et Tañalana, groupes de lignages très proches les
uns des autres, se sont par contre installés dans les environs de Toliara
surtout sur les bords de la R.N. 7, à la lisière de la forêt, et se sont
dédiés au charbonnage ainsi qu’à la culture du maïs. Ainsi, la
population est en croissance vertigineuse, ce qui suffit pour comprendre
que la plupart des habitants actuels de la ville de Toliara appartient à
des
groupes
récemment
arrivés
pour
des
raisons
et
dans
des
circonstances différentes.
Toliara est dominé par un climat semi-aride. Les précipitations
annuelles
sont
faibles.
L’eau
constitue
le
problème
majeur
de
l’ensemble du pays, surtout dans l’Androy et la sécheresse qui sévit
souvent, ayant comme corollaire la famine, plonge la région dans une
profonde crise sociale et économique. Malgré la présence de l’eau sous
des formes diverses, sources, rivières, lacs, étangs, puits ou vovo, celleci n’est pas satisfaisante, car les hommes, pour vivre n’ont pas
seulement besoin d’eau à usage domestique, mais aussi de bonnes
précipitations pour leurs cultures.
La population urbaine représente 20 à 25 % de l’ensemble des
populations du Sud. On comprend donc bien l’importance de la vie
rurale ; d’autre part, la quasi-totalité de la vie économique dépend de
69
70
l’agriculture.
Les
performances
économiques
restent
faibles.
On
constate un net progrès du développement humain qui, cependant, cache
des disparités importantes entre milieu urbain et rural. 75 % de la
population peuvent être considérés comme pauvres, dont une très grande
majorité vit dans les zones rurales.
Effectivement, le contact inévitable avec la modernité se passe
parfois dans des conditions défavorables. Le faible niveau d’éducation
et
d’information
harmonieusement
des
jeunes
l’information
ne
et
leur
les
permet
pratiques
pas
d’intégrer
véhiculées,
sans
distinction de publics, par les médias.
De
ces
bouleversements,
associés
au
manque
de
communication entre parents et enfants, résultent souvent une perte des
valeurs traditionnelles positives, qui sont fortement concurrencées par
les valeurs d’introduction plus récentes. L’analphabétisme est en hausse
et concerne non seulement les adultes, hommes et femmes, mais
également les enfants du groupe d’âges de 10-14 ans, dont environ 60 %
sont analphabètes. Il faut donc s’attendre, dans les années à venir, à
voir une importante partie des jeunes adultes rester en marge des
circuits économiques, auxquels ils seront incapables de s’intégrer, faute
d’aptitudes.
Au vu de la situation économique et sociale ainsi décrite, des
politiques et programmes régionaux, tant dans le domaine économique
que social et environnemental sont mis en place. Dans ce contexte,
notre contribution à la réalisation d’une réelle promotion de la femme
se justifie.
Ce rappel de l’environnement naturel est important, car celui-ci
influe
directement
sur
les
comportements
socio-économiques
des
groupes humains. En effet, la dynamique des différentes sociétés
ethniques dépend des types d’activité de production ainsi que des types
de relation que les hommes entretiennent avec le milieu naturel, la
70
71
nature des activités de production étant tributaire des femmes dans les
comportements et les pratiques socio-économiques.
Maintenant, il est temps de décrire la place et le rôle de la
femme malgache en général. Ceux-ci seront étudiés à deux niveaux :
d’abord à travers l’histoire, du temps traditionnel au moderne ; puis au
niveau de la famille. Tout au long de l’analyse, les termes qui
caractérisent le statut de la femme dans la dialectique historique de la
société malgache sont écrits en italique.
2.1.2. La femme par rapport aux différentes sociétés
successives
A travers les mythes, il est possible de retrouver une image de
la société. Les mythes sont des faits sociaux et culturels, plus que des
documents sociologiques ou historiques. Assez nombreux sont les récits
mythiques malgaches ayant trait à la femme. Dans les différentes
ethnies, ces récits répètent, plus ou moins fidèlement, les mêmes
thèmes, les mêmes motifs, concrétisant ainsi l’unité de la culture
malgache. Les récits pourront légitimer l’état des choses en général et
le statut des femmes en particulier, à une période considérée, à un
moment voulu. Mais au fur et à mesure que les époques ont changé, la
femme a perdu, dans le pouvoir patrimonial, d’une part, la place
politique dont elle a pu jouir durant le pouvoir matrimonial et d’autre
part, le droit à la parole.
2.1.2.1. Dans la société traditionnelle
La place de l’oralité est très importante dans la société traditionnelle.
D’après la légende, la femme serait d’origine divine. Les récits oraux
présentent la femme comme un don de Dieu, un présent céleste. Celui-ci
lui a donné la vie, ny aina, pour qu’elle puisse la transmettre à toutes
les générations humaines.
71
72
•
La femme, vadiben-Janahary
Les
différentes
formes
sociales
du
peuple
malgache
ne
permettent pas réellement de situer d’une manière précise la place et le
rôle de la femme dans la société traditionnelle. Toutefois, cette société
dominée par le matriarcat valorise le rôle et l’image de la femme.
Vadiben-Janahary, épouse de Dieu, selon les mythes, elle est génitrice et
mère universelle du monde naturel et du genre humain. Ces mêmes
mythes identifient le Ciel à Dieu, ou à son fils, tandis que la Terre est
identifiée à la Femme : soit à la fille de Dieu, soit à son épouse.
Reny, mère, vady, épouse , anaka ampela, fille, la femme jouit d’un droit
illimité à la parole. Par son essence ou son origine divine, la femme
est supposée posséder la qualité sacrée par excellence : ny Hasina, la
vertu, qui la rend, soa, bonne et tsara, belle , différentes des autres
mortels. On parle du caractère sacré du genre humain, ny hasin’ny
olombelona, et du caractère sacré de la femme, ny hasin’ny vehivavy, mais on
n’entend jamais parler du hasin’ny lehilahy. On dit toujours ampela soa, ou
ampela fanjaka, jolie fille, mais jamais lehilahy tsara tarehy, littéralement beau
garçon. Cependant, le mâle, particulièrement, porte en lui la force, ny
herin-dehilahy, la virilité .
L’union de la Femme avec Dieu a donné naissance au Soleil , ny
masoandro, à la Lune, ny volana ou fanjava. C’est pourquoi nous attribuons
toujours aux parents l’expression ny masoandro amam-bolana.
A cette époque, la femme est sur un pied d’égalité avec l’homme
par rapport au droit à la parole, parce que même si la femme ne porte
pas en elle la force physique, qui est plutôt attribuée à l’homme, elle
détient le privilège d’être mère , loharano nipoirana, source originelle.
72
73
•
La femme, loharano nipoirana, source originelle
Dans ces mythes, la fille de Dieu, andriambavilanitra, littéralement :
princesse du ciel, représentation mentale de la femme, est toujours
associée
à
l’origine
du
riz,
de
l’agriculture
par
excellence,
miteraka, féconde, mamokatra, fertile et productive et, parce qu’elle a le
pouvoir de donner à manger, elle détient aussi le pouvoir politique et
économique. Elle est associée également à l’eau qui est sacrée : l’eau et
la femme sont sources de vie, de régénération sur tous les plans de
l’existence : loharano nipoirana, niavia, source originelle. Dans le conte
intitulé La mère Rangonala 8, il est dit que, cette femme, dès la
naissance de son enfant, se baigne avec de l’eau froide, parce qu’elle et
l’eau ne font qu’une : elle est retirée de l’eau.
Les femmes sont dotées d’intelligence et de persévérance, c’est
pourquoi dans les légendes des jeunes filles, telles que Sohitika 9 et
Soafara, 10 elles osent défier des monstres, par goût du jeu, de
l’aventure, et en venir à bout grâce à leur ingéniosité mais aussi leur
audace.
Selon RAMAMONJISOA et RAZAFINDRAIBE, la légende de
Fatima, une femme retirée des eaux du fleuve de Mananjary par les
hommes d’Andriambahoaka et devenue sa femme, est très connue chez
les Bara-Tanala de la région d’Ivohibe, notamment dans le clan qui
porte le nom de zaza rano. Les membres de ce clan croient que leur
ancêtre commun était le fils de Fatima, qualifiée par l’épithète zaza rano,
fille des eaux ; après s’être disputée avec Andriambahoaka, elle est
retournée dans l’eau avec ses deux enfants, laissant le troisième à son
père (Ramamonjisoa, S. et Razafindraibe, G. 1976 : p.8).
Dans le livre
de contes recueillis par SABATIER, l’histoire
véridique et mythique de Ranoro 11, une sirène dont la vie et la mort
8
Voir corpus, p. 267.
Voir corpus, p. 265.
10
Voir corpus, p. 263.
11
Voir corpus, p. 260.
9
73
74
dépendaient totalement du sel ou sira, la femme est doublement associée
au sel et à l’eau qui s’imbriquent étroitement. Le père de Ranoro
s’appelle Andriantsira. Il habite au fond de la rivière avec le peuple des
Eaux. Andriambodilova, un prince terrien, tombé amoureux de Ranoro,
lui a juré de contrôler sa parole et de ne pas prononcer le mot sira, sel.
Mais un jour, fâché contre sa femme, Andriambodilova l’a appelée Fille
du sel. A ce mot, sans même embrasser ses enfants, Ranoro court vers la
rivière et plonge ; elle ne reviendra jamais plus sur terre (Sabatier, R.
1979 : pp. 34-37).
Nous venons d’assister au pouvoir de la langue : un seul mot
proféré par inadvertance a fait basculer le monde d’une femme, à cause
d’un homme qui n’a pas pu tenir parole. Mais nous allons encore
continuer à suivre la participation de la femme dans la sphère politique
traditionnelle .
En effet, dans la langue malgache, le mot masina, synonyme
de masira, salé ou sacré ainsi que le terme ranomasina ou
eau salée, la
mer, sont liés à la fécondation et peuvent se rapporter, soit au sperme
ou aux sécrétions vaginales, soit au liquide amniotique où baigne
l’enfant à naître. Mais ranomasina dans sa seconde acception signifie
eau sacrée. L’intimité de relation entre la femme, l’eau, la fécondité et
le sacré se trouve soulignée, d’ une part, dans le cas d’Andriambavinoro
à laquelle s’identifient l’Amour et la Beauté et, d’autre part, dans le
mythe d’ampelamananisa, littéralement : femme à écailles, la sirène, devenue
mythe idéologique auquel s’agrippent tous les lignages Vezo actuels.
Nous
pouvons
trouver
ce
tapasiry
dans
Zatovo
naho
ty
ampelanosendrano 12, Zatovo et la sirène.
En somme, la femme était assimilée à l’un des principes
primordiaux à l’origine de l’univers, du naturel et du genre humain et
identifiée à tous les éléments indispensables à la vie, à la production et
à la reproduction sociales comme l’Eau, le Sel, le Riz, l’Agriculture.
12
Voir corpus, p. 257.
74
75
C’est dans cet ensemble de conceptions et d’images qui reflète
la domination du matrilignage ou du système matrilinéaire que tous les
domaines de la vie sociale, comme la naissance, l’amour, l’union
conjugale, la maternité, la stérilité, … prennent sens.
2.1.2.2. Du système matriarcal au patriarcat
Cette partie nous permettra de suivre comment, du système matriarcal, le
pouvoir est devenu celui du patriarcat. Cette période précoloniale a gardé certains
aspects positifs pour les femmes ; c’est qu’elle révèle la survivance de l’égalité entre
hommes et femmes héritée des temps reculés ; mais lorsque les rôles ont été distribués
selon le sexe, dans la famille et dans la société, cet équilibre entre les genres n’est plus
gardé. C’est ce que nous allons trouver dans les parties suivantes.
•
Ny anaran-dray, le patrimoine paternel
Selon le R. P. CALLET, la notion malgache de Fanjakana, le
pouvoir d’Etat, a pour racine : zaka, qui signifie la parole ou le dire du
pouvoir. Et la diffusion de cette parole par le biais du kabary, le
discours, est une des préoccupations du pouvoir- en général - pour
maintenir l’ordre. Le kabary ou texte oral, qui fait partie des textes de
Droit, constitue l’ossature des sources juridiques pendant l’Histoire des
rois, Ny Tantara ny Andriana. L’organisation politique était fondée sur
cette base de diffusion de la parole. Ainsi, les gouverneurs s’appelaient
solom-bavan’ny mpanjaka, littéralement : les remplaçants de la bouche du
roi. Ils ont pour fonction principale de transmettre la parole royale au
moyen des kabary, et c’est ainsi qu’ils avaient installé la suprématie des
hommes , ny fanjakan-dehilahy, en s’attribuant la parole (R. P. Callet, 1974 :
p.18.)
De même, l’acquisition de terres à cultiver par conquête ou par
défrichement
progressive
de
de
grands
la
espaces
famille
à
forestiers
dominante
entraîne
patriarcale.
l’instauration
Les
rizières
aménagées et les terres conquises ou défrichées deviennent de grandes
75
76
sources de richesses avec les récoltes provenant des cultures du riz sur
brûlis ou les produits exclusivement obtenus au moyen de la cueillette
et de la chasse. La référence aux terres, aux maisons et aux tombeaux
des ancêtres paternels, anaran-dray, littéralement : le nom du père,
devient prédominante sur le plan socio-économique. Le anaran-dray
représente le domaine ancestral, important tant du point de vue matériel
que du point de vue source originelle. Grâce à cela, la souveraineté du
père devient un fait d’ordre social. Cette autorité paternelle lui a
conféré l’autorité linguistique, car celui qui détient le pouvoir social
détient également le pouvoir linguistique.
En outre, parce que le territoire, le sol se présentent comme la
possession la plus importante, dans la société traditionnelle, elle est
étroitement liée au pouvoir des hommes. Aussi, le pouvoir politique
l’utilise-t-il avec la hiérarchie sociale, la femme et le Tanindrazana, terre
des ancêtres. L’endogamie trouve sa raison d’exister : la raison
profonde des mariages est sans doute le désir de conserver dans la
famille les biens de celle-ci, en ne changeant pas de mains l’héritage ,
lova tsy mifindra.
Par ailleurs, dans le nouveau contexte des guerres de conquêtes
entreprises par les différents roitelets, du 16ème au 19ème siècle, la
femme devient une monnaie d’échange ou firaka atakalo, littéralement :
plomb à échanger, entre deux familles, deux clans ou deux royaumes.
Donc la femme est utilisée pour représenter le pouvoir royal et
entretenir l’idéologie monarchique.
Ainsi, sur les hautes terres centrales, au début du 19ème siècle ,
le
fanjakan-dehilahy,
système
patrilinéaire,
est
déjà
fortement
institutionnalisé à travers les kabary et les ordonnances royales. L’homme
est reconnu comme le chef exclusif et incontesté de la famille. D’autre
part, la pratique du kitay telo an-dàlana ou de la tierce partie attribuée à la
femme lors du partage des biens à l’occasion du divorce fut entérinée
sur le plan institutionnel. Des raisons économiques et militaires sont
76
77
invoquées pour la justifier. Dans le mariage, l’époux seul est le maître.
Mais cette domination sur la femme ne s’arrête pas là.
•
La femme subordonnée au mari et réduite au silence
Avec les migrations successives arabes et musulmanes au cours
de l’histoire, l’influence arabe et musulmane à Madagascar est
généralement importante. DJAOVELO-DZAO affirme qu’ « elle se
manifeste en particulier dans les domaines de l’écriture , « ny sorabe», du
calendrier « fanandroana », l’art de la divination, des interdits du porc et
de l’alcool » (Djaovelo-Dzao, 1996 : pp.89-94).
L’une des formes concrètes de l’influence arabe ou musulmane
dans certaines régions du pays est l’affirmation extrême de la
supériorité et de l’autorité exclusive de l’homme au foyer. Ainsi, la
scène familiale la plus typique et la plus courante des rapports entre
l’homme et la femme porte sur les comportements des deux partenaires
autour des repas.
Masinavy, une femme mahafaly d’Ampanihy Ouest,
avec qui
nous avons lié conversation raconte : « Quand une femme Mahafaly apporte
de la nourriture à son mari, elle s’agenouille à terre devant lui et tenant l’assiette
entre ses deux mains, la dépose doucement à ses pieds ; une fois qu’elle lui a remis son
repas, elle le quitte rapidement mais sans tourner le dos, afin de ne pas le voir manger
et elle ne mange à son tour que si celui-ci est rassasié … » 13, tandis que « pour la
femme Masikoro, elle assiste au repas de son mari et l’évente jusqu'à ce qu’il finisse
de manger et ce n’est que lorsqu’il termine qu’elle mange à son tour » 14. Dans ces
représentations, les femmes pourraient ne pas sentir qu’elles sont en
train d’accomplir un acte servile.
Le silence total de la femme en présence du mari au sein du ménage
constitue également un autre signe de l’influence de l’islam. C’est le
cas des femmes Tandroy ou Bara qui ne doivent pas parler en public à
13
14
Conversation avec Masinavy à Ampanihy-Ouest.
Selon l’information de Rambesy, une Masikoro de Maromiandra.
77
78
moins que l’époux l’y invite ou lui adresse la parole. La vie des
hommes et des femmes au sein de ces sociétés est régie par des lois qui
laissent transparaître une certaine inégalité de genre. Les femmes, non
seulement jouent le rôle d’épouse, mais elles sont également les
servantes. Plus tard, nous reviendrons encore sur cet assujettissement
plus ou moins inscrit au niveau social et familial.
•
La femme soumise à la pratique de la polygamie
Au 16ème siècle, la polygamie était déjà une pratique bien
établie et généralisée dans toute l’île. La question est de savoir si c’est
la culture arabe ou la religion islamique ou même d’autres cultures qui
l’ont importée dans l’île. Ce qui est sûr, c’est que l’influence arabomusulmane a beaucoup contribué à l’instauration de la polygamie à
Madagascar, tout comme le système patrilinéaire a favorisé son
enracinement et son extension.
Le terme fampirafesana, action de faire des rivales, la polygamie, est un mot
verbal dérivé du radical rafy, substantif désignant la rivalité et du préfixe factitif m amp - qui signifie « faire faire ». Le radical rafy a deux acceptions :
- un ennemi, un adversaire, un antagoniste, un rival, un
concurrent ;
- les diverses femmes d’un même mari dans la polygamie, les
rivales.
D’où l’idée exprimée de faire des rivales, d’épouser plusieurs
femmes. En effet, mampirafy découle du verbe simple mirafy, le préfixe
mi- se lie avec le radical rafy, qui donne le sens de « être ou se mettre
dans l’état de ». Donc mirafy signifie, celles qui sont en relation de
rivalité ; mpirafy reny : dont les mères sont en état de rivalité, c’est-à-dire
coépouses d’un polygame. En effet, l’histoire malheureuse de Mosa
dans Ndaty nampirafe roe 15
montre que l’esprit de rivalité entre les
coépouses ne troublent pas uniquement les femmes, mais tous les
membres de la famille en général : enfants et adultes.
15
Voir corpus, p. 248.
78
79
La situation de la polygamie est fréquente à Toliara et
s’explique généralement par le désir de procréer et d’assurer la
pérennité du groupe de descendance. Les femmes, hiérarchisées, portent
le nom de :
- Vadibe, littéralement : grande épouse, épouse principale, ou vady
matoa, la femme aînée ou vady voalohany, voaloham-bady, première femme.
- Vady masay : la seconde femme ou les secondes femmes .
- Vady kely : la petite femme ou la dernière femme.
Nous avons également l’expression : ny lehilahy tsy mba valy,
ainsi divers qualificatifs se réfèrent surtout à la femme, car elle est
l’épouse (vady) mais pas l’homme : vady andrana, épouse à l’essai ou
vady amonto, épouse à l’extérieur ; vady vita fomba, épouse sanctionnée
par le dot offert par le mari ; vady vita soratra, épouse par l’état civil ;
vady vita eglizy, épouse par le mariage religieux. Par ailleurs dans le
conte intitulé La sagesse de l’ogresse 16, « les filles sont créées pour
devenir épouses ».
L’initiative de prendre d’autres femmes peut aussi bien venir du
mari que, parfois, de la femme. R. P. CALLET témoigne que « le mari
négocie avec l’ancienne femme pour obtenir son consentement et
débattre le taux du " taha," cadeau de compensation et du " iso-pandriana",
indemnité
de
lit.
Les
parents
de
la
première
femme
déclarent
l’impossibilité pour eux de s’y opposer, puisqu’il s’agit de "fanjakandehilahy", suprématie du mâle. L’ensemble de cette entrevue s’appelle
"fampitahana", action de faire voir » (R.P. Callet, 1809 : p.320).
On emploie aussi l’expression tsindriana, qu’on presse ou ce
qu’on ajoute à la femme initiale et que l’on utilise dans les expressions
tsindry fe, pression cuisse, c’est-à-dire concubine de son maître ou
généralement une femme côtière concubine du fonctionnaire allant
16
Voir corpus, p. 272.
79
80
tsindrin-tsakafo, ce
servir dans les provinces, comme dans l’expression
qu’on prend après le repas comme fruits, le dessert.
Ainsi dans le mariage, l’homme est reconnu comme chef exclusif
et incontesté de la famille. Quant au mariage, on ne peut admettre que
deux personnes règnent à égalité ; l’époux seul est le maître.
Il est temps de connaître l’attribution des qualités et des
vocations propres aux femmes dans la société moderne.
2.1.2.3. L’image de la femme vazaha comme modèle
L’arrivée des missionnaires chrétiens et des colons n’a pas
changé le statut social de la femme. Bien que considérée comme épouse,
vady, la femme a toujours été classée à un degré nettement inférieur à
l’homme.
Politiquement, la femme est éliminée ; culturellement, soit elle
n’a pas du tout accès à l’école, soit on lui réserve les écoles ménagères
et autres établissements spécifiques.
La société bourgeoise marchande naissante du 19ème siècle
adopte un mode de vie confortable et même luxueux, et réserve à la
femme un rôle et une image dépendants de l’homme. La femme devait
17
être l’ornement du foyer, haingo sy ravaky ny tokantrano , littéralement :
ornement et parure du foyer, stéréotype et expression qui perdurent
jusqu’à l’heure actuelle.
Mais même l’évangélisation chrétienne forge de nouvelles
références culturelles, images et normes de conduite importées de la
société anglaise et française du 19ème siècle : elle justifie l’état
d’infériorisation de la femme par rapport à l’homme, établit le système
de la séparation des sexes, limite le rôle et l’image de la femme à celui
de vehivavy ao an-tokantrano,
la femme au foyer
en tant que vady,
épouse et reny, mère . La prise de parole de la femme en compagnie ou en public
continue à être interdite.
17
Voir corpus, p. 256.
80
81
A mesure qu’elle s’installe, la colonisation impose la vision
occidentale du monde, y compris la suprématie de l’homme. Dans les
nouveaux rapports avec l’administration, seuls les hommes sont soumis
aux impôts, hetra isan-dahy, littéralement : impôt par tête d’homme et
aux corvées ; il est donc considéré normal qu’en échange, eux seuls
bénéficient des quelques droits réservés aux indigènes. C’est dans
l’enseignement
que
la
discrimination
est
la
plus
flagrante.
L’enseignement destiné aux filles est limité. Au bout de quelques
années d’étude, soit elles abandonnent l’école, soit elles suivent des
cours d’enseignement ménager. La qualité de l’enseignement dispensé
aux filles n’a pas été considérée comme une priorité.
Au 20ème siècle, par le travail des missionnaires catholiques et
protestants, les dirigeants de l’oeuvre coloniale, pénétrés et convaincus
de la supériorité masculine, forgent pour la femme malgache l’image
centrale de la ménagère, mpikarakara tokantrano reléguée au foyer en tant
qu’épouse et mère prolifique pour les besoins de l’exploitation
coloniale.
La supériorité de la femme française, vazaha, civilisée, blanche,
parlant le français, ayant les cheveux courts, bory volo et ne portant pas
le lamba, mitena akanjo, tels étaient les référents culturels et les images
modèles que l’éducation française s’est efforcée d’implanter.
Nous tenons à faire cette remarque, qu’il est strictement interdit
pour les femmes du Sud de couper leurs cheveux, mibory volo, parce
que c‘est uniquement pendant le deuil d’un membre très proche dans la
famille que la femme le fait. Mais avec le temps, cela a changé et
malgré la réticence des adultes, la femme ne suit plus cette règle de
conduite. Finalement, c’est celle qui applique la coupe de chevelure des
garçons , manao kopy garçon qui est vivement désirée.
En outre, avec la colonisation s’instaure aussi la répartition
sexiste des tâches entre femmes et hommes, qui élimine la femme de
toutes les sphères de décision et du domaine politique et qui la réduit au
81
82
silence. Certes, elle apprend à lire et à écrire, mais c’est la fonction de
« femme de chambre » qui lui est accessible. On lui enseigne la couture,
les divers travaux d’aiguilles, le tricot, le crochet et des règles de
savoir-vivre. Elle ne doit pas choquer ses semblables ni par ses paroles,
ni par ses gestes et son attitude, ni par sa façon de s’habiller. En
d’autres termes, il s’agit de procéder à une acculturation totale de cette
élite féminine pour qu’elle soit francisée dans sa vision du monde, dans
son langage et dans son comportement.
La femme se définit aussi par les caractéristiques de l’idéal
féminin de type anglo-saxon, qui signifie :
- opposition fondamentale des deux sexes. Les qualités tenues
pour idéalement féminines sont relatives au souhait de l’homme. La
femme est faite, conçue spécialement pour les désirs du sexe opposé.
- l’épanouissement de la femme est conditionné par son statut d’épouse et de
mère. De ce fait, la femme devient le modèle de la famille et du voisinage ; elle doit
alors faire preuve de modestie et de réserve. Elle doit veiller continuellement sur ses
paroles et ses gestes, afin de ne pas scandaliser son alentour.
2.1.2.4. La situation après l’indépendance
Après 1960, deux phases sont à considérer :
• de 1960 - 1972 : les acquis apparents, tels que l’indépendance,
le droit de vote aux femmes n’ont profité qu’aux hommes du pouvoir et
à leurs auxiliaires, car tout semblait concourir dans le fond à entretenir
et à maintenir la force de travail et le rapport de production existants, et
non à être un moyen de libération et d’intégration de la femme dans le
processus national. La politique, dans sa version « moderne » a été
encore un domaine typiquement masculin, où les femmes tenaient une
place
décorative
d’animatrices,
en
particulier
dans
les
grandes
manifestations des partis qui se succèdent au pouvoir.
Tout au long de ces étapes historiques, la femme malgache a subi
plus que toute autre, toutes les formes de violence et les agressions.
82
83
Depuis des générations, elle a été réduite à tout faire sans avoir rien appris et elle
continue à se taire.
• à partir de mai 1972 : la femme a participé massivement au
mouvement estudiantin comme pour montrer la volonté délibérée de
manifester sa présence. La dernière étape de cette période qui a suivi
ces événements aboutit à la Révolution Socialiste malgache, dont la
18
charte du livre rouge, Ny Boky mena . Ceci dénonce l’exploitation de
l’homme par l’homme. La femme y est considérée comme le moteur du
développement et constitue l’un des cinq piliers de la révolution,
andrin’ny tolom-piavotana. L’éducation est théoriquement accessible à tous,
garçons et filles. L’institution du service national obligatoire pour les
bacheliers, filles et garçons, en 1975, contribua certainement à
renforcer les principes d’égalité entre les sexes. La formation militaire
dispensée, l’émancipation des filles envoyées parfois loin de leur
famille, furent autant d’opportunités pour elles de s’affirmer et de vivre
l’égalité.
Aujourd’hui, même si Madagascar continue à éliminer toutes
formes de discrimination aux dépens des femmes, il reste encore
beaucoup à faire, surtout dans le domaine juridique pour appliquer la
loi.
Il faut noter que ce sont ces images, ces référents culturels et
ces stéréotypes discréditant la femme qui prédominent actuellement.
Nous avons dit auparavant que la langue incarne la coercition, les
pressions du groupe. La langue favorise non seulement la reproduction
des idées, des émotions, des habitudes communes, mais surtout la
perpétuation des différentes formes d’inégalités à travers ses signes et
ses structures. Leurs influences interviennent dans le subconscient
individuel, automatisent l’acceptation de l’infériorisation de la femme
et peuvent freiner ou paralyser les élans et les mouvements pour réduire
les inégalités. Ainsi la condition fondamentale de la femme est d’être
18
D. RATSIRAKA, 1975, Ny boky mena, le Livre rouge, Charte de la révolution socialiste malagasy,
Imprimerie d’ouvrages éducatifs, 119 p.
83
84
subordonnée à l’homme. La division sexiste de travail s’implante et le
confirme. La femme est systématiquement éliminée de toutes les sphères de décision,
participe à peine au niveau des sphères politiques et militaires et continue à ne pas
avoir le droit de prendre la parole dans certains milieux.
Cette fois-ci, nous allons entrer dans la deuxième étape de notre
description à propos de la femme au niveau de sa famille. Nous ne
sommes pas certaine de rendre fidèlement ici les réalités et les valeurs
vécues par toutes les femmes et leurs familles, mais nous sommes
toujours consciente que notre objectif est de mieux appréhender la
réalité grâce aux mots, aux termes que nous recueillons. Il se peut
qu’ils révèlent des idées préconçues ou des stéréotypes dépassés ou
récents, mais c’est l’importance d’un travail sociolinguistique. Nous
commençons l’analyse par des données statistiques.
2.1.2.5. Analyse et données statistiques sur la femme à Toliara
Avant de continuer la description de la femme tuléaroise au sein de la vie
familiale, il est sans doute nécessaire de connaître quelques données significatives sur
la situation de la femme dans notre zone de recherche. Nous les avons recueillies au
bureau de la Population, de la Condition féminine et de l’Enfance, à Toliara, en mars
2004 19.
•
Femmes chef de ménage
Nombre de femmes chefs de ménages à Toliara : 23876, c’est- à- dire
20% environ des femmes chefs de ménage à Madagascar (477 560).
Répartition par secteur d’activité :
− Primaire : 59,4 %
− Secondaire : 26,5 %
− Tertiaire : 11,0 %.
19
Informations collectées par le Conseil d’Orientation et de Suivi du Dinika sy Rindra ho an’ny
Vehivavy, 2000..
84
85
•
Niveau d’instruction
- 52 % des femmes de 15-49 ans ont fréquenté l’école, seules 20 %
ont atteint au moins le niveau secondaire.
- 36 % des jeunes filles de 6-15 ans et 11 % des jeunes filles de 16-20 ans fréquentent
actuellement l’école.
•
Fécondité
La femme tuléaroise donne naissance, en moyenne, à 6,2 enfants au
cours de sa vie, c'est-à-dire plus que la moyenne nationale (5,3 pour
l’ensemble des femmes à Madagascar : enquête démographique de la
santé, ou E.D.S., 1997).
- 48 % des adolescentes entre 15-19 ans sont déjà mères ;
- 40 % de ces adolescentes sont enceintes pour la première fois.
Le document écrit par G. BELONCLE, intitulé Sept priorités pour
développer Madagascar (Beloncle, G., 2003 : p.10) note qu’une adolescente
enceinte sur trois a eu recours à l’avortement, de plus, elles risquent
d’être marquées à vie par ces actes. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui,
quatre enfants sur dix sont mis au monde par des adolescentes sans
ressource. De plus, elles vont rester handicapées par ces maternités
précoces dans la mesure où les grossesses hors mariages sont plus ou
moins acceptées et, plus encore, parce que la grande majorité de ces
adolescentes ne dispose d’aucune ressource. Si rien n’est fait, ce
nombre ne fera qu’augmenter au cours des années à venir, puisque 50 %
de la population malgache a moins de 15 ans ; ce qui signifie que sur
une population de 16 millions d’habitants, on compte aujourd’hui 4
millions de petites filles, qui demain seront adolescentes et risquent
d’être mère-célibataires, miteraka tsy manam-baly !
•
Etat matrimonial
Le célibat est moins fréquent : 18%
- 68 % des femmes sont en union.
- La moitié des femmes du Sud sont en union à 16,9 ans (âge
médian).
85
86
- L’âge médian des premiers rapports sexuels se situe à 15,4
ans.
Une fille qui, à 15 ans, n’avait pas encore eu une relation
sexuelle était considérée par ses amies comme anormale, tsy mahasaky
lahy, littéralement : qui n’ose pas faire l’amour avec un homme. Mais
80% d’entre elles expliquaient qu’elles avaient « couché » , nipaka, niray
(ce sont les termes employés) pour éviter que leur copain ne les quitte
et avouaient qu’elles n’avaient ressenti aucun plaisir !
Le mariage civil ne concerne que 1/3 des couples mariés. Le
mariage coutumier concerne la grande majorité de la population.
•
Emploi
65 % des femmes du Sud exercent une activité surtout à
prédominance ménagère. Cette situation est d’ autant plus accentuée
que le niveau d’instruction de la population féminine est très bas et ne
dépasse pas 52,4 %.
Si telles sont, dans leurs grandes lignes, les données concernant la situation
sociale de la femme à Toliara, où nous n’avons pas manqué d’introduire notre point de
vue, la place et le rôle de la femme dans la famille ne sont que le reflet de son statut
dans la société globale.
2.1.2.6. La femme actuelle dans la vie familiale
Objectivement, elle occupe une place centrale dans la vie
familiale. Elle assure la reproduction physique du lignage par la
maternité ; elle est responsable de l’éducation des enfants, mais comme
dans toute société lignagère, celle-ci est assumée en partie par la
famille au sens large du terme : raza, dadivavy, grand-mère, kelireny, tantes ,
renilahy, oncles maternels. Toutefois, au delà de la puberté, l’éducation
des jeunes filles relève totalement de leur mère.
C’est également à travers la femme que se transmettent certaines
valeurs essentielles de la société. La promotion sociale et économique
86
87
de l’homme se réalise aussi en grande partie à travers elle. La valeur de
la femme est estimée et appréciée à travers la réussite sociale de son
mari, mais elle reste effacée et paraît se satisfaire de rester dans son
sillage. Cela explique aussi pourquoi certaines femmes éprouvent de la
fierté à être l’épouse d’un polygame. L’homme dirige la famille, alors
que la femme ne dirige que sa maisonnée, où elle exprime son
importance. Même pour un polygame, ce qui se passe dans la maisonnée
ne concerne que les deux époux seuls : sopiera milomboky, littéralement :
soupière couverte. Cette importance de la femme est particulièrement
reconnue
dans
certaines
pratiques
coutumières,
telles
que
les
funérailles, le mariage et la maternité. Enfin, elle est omniprésente et
s’avère essentielle dans tous les secteurs des activités de production.
Malgré le niveau d’instruction des femmes relativement faible
en milieu rural, la tendance à la scolarisation des jeunes filles paraît
plus marquée en milieu urbain, sans montrer intérêt et persévérance
pour aller plus loin. C’est la raison pour laquelle, les jeunes filles se
marient tôt ou deviennent deziemo ou toroaziemo biro, deuxième ou
troisième bureau, pour gagner leur vie ou pour obtenir des présents :
fitafiana, vêtements, ravaky, bijoux, fanaky, meubles. La femme
légitime reçoit, elle aussi, des cadeaux, car le mari a eu des torts envers
elle. Dans ce jeu, la femme est en position d’éternel demandeur,
mpangataka, l’homme de pourvoyeur, mpamatsy. Les jeunes filles de la
campagne,
elles-mêmes,
espèrent
aujourd’hui
être
demandées
en
mariage par des hommes de la ville ; elles sont lasses de la pauvreté et
répugnent à rester à la campagne. Les hommes de la ville, d’ ailleurs les
préfèrent, car elles sont plus obéissantes, semble-t-il, moins libres.
La femme assure la garde de l’argent liquide, mais l’homme doit
toujours en avoir sur lui. Elle gère les réserves de vivres et l’argent des
courses, vola bazary. La femme qui travaille à l’extérieur de sa
maisonnée gère les revenus de son mari et ses revenus à elle. Chez les
couples qui s’entendent, les décisions sont précédées de concertation.
Actuellement,
les
hommes
apprécient
que
la
femme
travaille
à
87
88
l’extérieur de sa maisonnée, car elle apporte des revenus fixes dans le
ménage. Le nombre d’emplois domestiques : mpanasa lamba, lavandière ,
mpiasavavy an-trano, bonnes, prend également de l’importance. Les
travaux domestiques : ntsaka rano, quêtes de l’eau, toto vary naho tsako,
pilonnage du paddy et du maïs, fahandroa sakafo, cuisson des aliments,
sasa finga naho valany, vaisselle, sasa lamba, lessive, fikarakara ajà, soins aux
enfants, occupent une fraction importante du temps des femmes.
Concernant les troupeaux de boeufs, de chèvres ou de moutons,
considérés comme la principale richesse du Sud, leur entretien, leur
gestion et leur conduite sont une affaire essentiellement masculine. La
femme ne peut pas prétendre à l’appropriation d’un troupeau. Même
dans le cas d’un taha, où l’homme offre un boeuf pour se faire pardonner
et pour réparer les torts causés à sa femme, le boeuf offert ne revient
pas à la femme concernée, mais intègre tout simplement le troupeau de
sa famille. Ainsi, en quelque sorte, la femme est un moyen pour obtenir
une richesse.
Enfin, pour résumer ce chapitre, nous constatons que les
problèmes connus et vécus par les femmes en général et, en particulier,
celles de la région de Toliara sont divers et nombreux : le système de
valeurs traditionnelles qui leur accorde un statut d’inférieures sociales
est encore à l’oeuvre et agit dans l’affermissement de leur position
seconde et subordonnée. Le silence est l’ordinaire des femmes. Le
silence est un commandement réitéré à travers les siècles par les
religions, les systèmes politiques et les manuels de savoir-vivre. Mitsina
avao lie fa anovo ty hahasoa anao, littéralement : tais-toi et fais ce qui est
bénéfique pour toi, conseille-t-on aux jeunes filles à marier, pour leur
éviter de dire des sottises ou de commettre des impairs. Mais tout cela
peut changer, si les institutions scolaires et religieuses veulent joindre
leurs efforts pour une éducation ouverte aux problèmes des jeunes et
des femmes. Les relations de travail se ressentent encore de cette nonacceptation du travail de la femme ; au sein de son foyer, les travaux de
ménage ne sont certes pas l’apanage exclusif des femmes, les hommes
88
89
peuvent y concourir, mais cela laisse à désirer… ; rien que cela : la
politique, la direction et l’administration
se constituent comme
domaines spécialement masculins. Ainsi le silence continue, la femme
n’a pas le droit de se prononcer et continue à se taire.
Le chapitre suivant consiste à décrire la femme dans le cadre linguistique. Il
s’agit de répertorier les différences lexicales qui entrent en jeu dans la répartition des
rôles et des pôles d’intérêt des hommes et des femmes, et de les soumettre à des
analyses synchroniques et diachroniques.
89
90
CHAPITRE II
2.2. LA FEMME ET LES DIFFERENTS PARLERS A TOLIARA
Par la présence de la femme au foyer, c’est elle, en particulier, qui apprend à
ses enfants et surtout aux filles, grâce à la langue maternelle,
tenin-dreny
(RABENILAINA, R. B. 2000 : p.93), à se conformer aux normes sexuelles et sociales
dictées par le système. Par conséquent, c’est la femme qui assure la transmission de la
langue. C’est elle qui initie l’enfant, grâce à des jeux, des comptines 20, des chants 21, à
savoir compter sur ses doigts et à être en contact avec son monde naturel. Mais ce sont
les hommes dans les domaines d’activités, spécifiquement masculins, en général, qui
maintiennent l’usage de la langue des ancêtres, où la ségrégation sexuelle et la
répartition des rôles occupent une place importante.
Il est temps de définir comment parle la femme ? Et que disent
les hommes à propos de la femme ? Qu’entend-on par langue des
femmes et langue des hommes ? Quel rôle jouent la langue et la culture
dans la promotion de la femme ?
Si loin que soit poussée la différenciation, nous pensons qu’il
n’existe pas de cas où l’on puisse parler de langues distinctes, car on a
toujours affaire à des variantes ou sociolectes d’une langue commune
avec compréhension mutuelle. On peut parler simplement de répertoires
différents lorsqu’on fait entrer en jeu essentiellement des différences
lexicales, dues à la répartition des rôles et des pôles d’intérêt des
hommes et des femmes.
Toutefois, puisque l’originalité de cette étude repose sur les problèmes que la
langue implique - la langue considérée comme un élément de différenciation entre
groupes humains-, nous allons d’abord rappeler les approches avec lesquelles on
20
21
Voir corpus, p. 246.
Voir corpus, p.247.
90
91
mènera les analyses ; puis nous parlerons de la situation linguistique globale de la
région de Toliara. Nous nous efforcerons de classer les données collectées ici et là
selon des critères typologiques : différences phonétiques, morpho-syntaxiques,
lexicales et syntaxiques.
2.2.1. Les approches de la description de l’objet « langue »
Nous nous attachons à préciser qu’en somme on adopte deux
approches pour décrire les langues ou les variétés de langues en
question :
•
Par un biais linguistique
G. MOUNIN a repris les termes de L. HJELMSLEV en
soulignant que « la langue ne peut exister que lorsqu’une communauté
linguistique s’approprie une substance, en la transformant en forme, par
exemple le contrat social » (Mounin, G., 1963 : p. 6). Puis on s’accorde à
effectuer à l’intérieur de la communauté linguistique, d’une part, un
découpage culturel, arbitraire, de la substance phonique en unités
discrètes s’opposant par des traits définitoires, qui confèrent à certains
sons le statut de phonèmes, non pas sons, mais « classes de sons », ce
qui montre bien leur caractère culturel et abstrait. D’autre part, le
découpage, la catégorisation de la substance de l’expérience de la réalité
en signifiés structurés différentiellement, pour finalement associer des
combinatoires de « segments de sons » et de « segments de réalité »,
pour en faire des signes. Ils sont, eux-mêmes, assemblés en phrases
faisant émerger des sens plus complexes, et constituant des signes plus
étendus.
De cette manière, la phonologie, la morphologie, la syntaxe, la
sémantique, etc. ne sont qu’autant de manière d’explorer comment une
langue parvient à produire du sens et des significations en associant des
catégories de sons et d’univers d’expérience en signifiants et signifiés.
91
92
•
Par une approche sociolinguistique
Au sein d’une communauté linguistique, des systèmes de signes
font partie de l’univers culturel des locuteurs dans la mesure où ceux-ci
sont utilisés concrètement, intériorisés et font l’objet de représentations
quant à leur valeur sociale.
Soulignons également que la langue peut représenter une dimension sousjacente à l’ensemble des processus décrits plus haut et concerne un aspect relevant
d’une « anthropo-linguistique », surtout lorsque la communauté linguistique est
multilingue ou multi-dialectale (ce qui est le cas de notre pays). Ces façons de voir la
langue se rencontrent donc chez les locuteurs dans un même et unique fonctionnement
anthropo-linguistique, par le biais de la faculté de représentation ou faculté
symbolique. C’est le symbolique qui permet de découper la substance du réel
(signifiant ou signifiés), de faire émerger des signes, de leur donner un statut social, de
les associer et de les combiner. C’est le symbolique qui associe à des signifiants une
valeur sociolinguistique, en utilisant les signes linguistiques pour définir les registres,
l’identité des intervenants, etc. Maintenant, pour avoir plus de précision sur le volet
linguistique, il ne nous paraît pas superflu d’apporter une explication sur la situation
des langues en contact dans la région de Toliara.
2.2.2. La situation linguistique à Toliara
La situation linguistique à Toliara représente ce qui se passe
dans toute l’île, c’est-à-dire que l’unité linguistique de Madagascar
n’exclut pas l’existence de variétés régionales et / ou ethniques. En se
fondant sur des critères phonétiques et phonologiques, on classe
généralement ces variétés en deux groupes :
- le groupe occidental, c’est-à-dire les variétés parlées par les
ethnies vivant dans l’Ouest et le Sud de l’île.
- le groupe oriental, composé des variétés parlées par les ethnies
du Centre et de l’Est.
92
93
Toliara fait partie du premier groupe linguistique, qui comprend
notamment le bara, le mahafaly, le masikoro, le sakalava du Nord, celui
du Sud, le tanôsy, le tañalana , le vezo .
Il n’est pas inutile de signaler que cette classification en deux
groupes n’est pas absolue. La population malgache voyage beaucoup,
toutes les variétés parlées par les deux groupes sont ainsi représentées à
Toliara. Mais la question primordiale n’est pas celle de savoir le
nombre de parlers, il nous paraît plus important de cerner les
affectations fonctionnelles de ces variétés ainsi que les jugements et les
attitudes des locuteurs à leur égard.
Les variétés régionales et / ou ethniques sont, elles, associées
aux
situations
formelles
informelles
relevant
des
et
familières,
coutumes
et
ainsi
traditions
qu’aux
situations
ethniques.
Critère
d’appartenance à un groupe (ethnique, régional ou social), l’emploi de
ces variétés a par ailleurs une connotation d’authenticité, de familiarité
et de spontanéité. Une variété régionale se présente donc comme langue
maternelle pour le locuteur qui l’utilise oralement à la maison et dans la
communauté linguistique où il vit.
Le malgache officiel, quant à lui, en tant que langue nationale,
langue de travail, des institutions de l’Etat, langue de littérature écrite,
langue d’enseignement et langue enseignée, fonctionne comme Norme
par rapport à laquelle sont évaluées les autres variétés du malgache.
Le français, langue héritée de la colonisation, est venu se
superposer à une situation originellement malgache. Rarement langue
maternelle, le français est par contre langue officielle secondaire,
langue d’enseignement, parfois, dans certaines classes primaires,
obligatoire dans le second cycle du secondaire et dans l’enseignement
supérieur. Cette langue est par ailleurs profondément enracinée dans le
monde des affaires et dans les grands médias.
C’est à travers ces situations de langues que nous allons définir
ce qu’est un parler. Ni variétés régionales ni parler ne peuvent se définir
93
94
comme langue. Le terme parler est moins utilisé, peut-être, parce que
c’est un terme plus récent. Mais c’est une langue particulière d’une
région ; il y a signe d’appartenance et intercompréhension entre les
locuteurs. Selon J. DUBOIS, « le parler est une forme de langue utilisée dans un
groupe social déterminé ou comme signe d’appartenance à ce groupe social…Le
parler est un système de signes et de règles de combinaison défini par un cadre
géographique étroit. Une langue ou un dialecte étudiés en un point précis sont étudiés
en tant que parler» (Dubois, J., 1973 : p.385). Nous terminerons ce panorama
des acceptions par la définition de R. B. RABENILAINA qui considère
que « le parler est un aspect de la culture et de la conception du monde malgache,
dans chaque région. C’est l’une des couleurs locales que tout Malgache originaire
d’une autre région doit s’efforcer d’épouser, si du moins il désire s’intégrer aux
habitants de la localité » (Rabenilaina, R. B. 1990 : p.151).
C’est le cas de notre champ d’étude. Nous allons alors dégager
la spécificité des parlers des hommes et des femmes étudiés dans notre
zone de travail, selon les différents niveaux d’analyse. A ce propos,
nous estimons que nous aurons fait un pas en avant, si nous parvenons à
donner une vision à la fois plus nuancée et
plus proche des réalités
vécues par les communautés linguistiques en question.
2.2.3. Les différents niveaux d’analyse
L’objet de cette partie est de définir des variations linguistiques
dues au sexe. Nous pensons que les sociétés traditionnelles nous en
offrent encore de nombreux exemples, grâce à nos coutumes ou nos
moeurs. A défaut de pouvoir expliquer leur apparition, on peut tenter de
les interpréter de façon unitaire. Nous nous efforçons, dans un premier
temps, de classer toutes les données collectées ici et là, selon des
critères
typologiques :
analyse
phonétique,
morpho-syntaxique,
lexicale, syntaxique.
Nous avançons quelques explications relatives à chaque niveau d’analyse.
Dans une attitude non-comparative, le parler est étudié en lui-même ; mais puisqu’il
est continuellement en contact avec d’autres variétés de langue, nous faisons parfois
94
95
des références à un autre parler. Ainsi dans cette étude, nous adoptons l’attitude à la
fois comparative et non-comparative.
2.2.3.1. Niveau phonétique
La phonétique est la branche de la linguistique qui étudie les
sons du langage, du point de vue de leurs qualités physiques. D’un côté,
elle décrit comment les sons sont produits. C’est ce qu’on appelle
phonétique articulatoire ; le fonctionnement des organes de la phonation
dans la production des énoncés y est considéré. De l’autre, elle étudie
les propriétés physiques des sons du langage par des instruments de
mesure : c’est la phonétique acoustique. Phonétique articulatoire et
phonétique acoustique permettent de classer les sons du langage en
consonnes et voyelles. Les parlers malgaches n’ont pas les mêmes
systèmes vocaliques. C’est ce que nous essayons de montrer dans les
exemples suivants :
Chez les Tsimihety et certaines personnes originaires de cette
région, mais habitant Toliara, il existe une différence phonétique entre
parler des hommes et parler des femmes. La prononciation sert à définir
l’identité sexuelle. La transgression est sanctionnée socialement, car
l’homme qui parle comme une femme passe pour un homosexuel.
Les parlers malgaches n’ont pas les mêmes systèmes vocaliques.
Pour le parler tsimihety, on a les voyelles suivantes : [i], [e], [a], [u], [‫]כ‬.
[i, e] sont appelés voyelles d’avant ou voyelles antérieures, parce
qu’elles se réalisent avec la partie antérieure de la langue.
[u, ‫ ]כ‬sont appelées voyelles d’arrière ou voyelles postérieures .
[a] est appelé voyelle médiane ou centrale parce qu’elle se réalise
avec le milieu de la langue.
[i] et [u] sont les voyelles les plus fermées. Elles ont la plus petite
aperture.
[e] et [‫ ]כ‬sont des voyelles d’aperture moyenne. Elles sont mifermées.
[a] est la voyelle la plus ouverte. Elle se réalise par une aperture
maximale.
95
96
Il ne s’agit ici que d’un rappel succinct, que nous allons
illustrer :
[a]
[‫]כ‬
[e]
[i]
[u]
Antérieur
Central
Postérieur
Ainsi, les femmes tsimihety prononcent [a] et [u] bien séparément
dans l’exemple de
aomby [aumbi ], le zébu, tandis que les hommes
prononcent la voyelle [‫ ]כ‬pour la réalisation de ômby, [‫כ‬mbi]. La raison de
cette différence est sans doute :
- pour les femmes, parce qu’elles sont les gardiennes de la
langue, elles maintiennent la prononciation initiale. Pour les Tsimihety,
le zébu est un animal de valeur ; on en offre en sacrifice à Zanahary,
dieux et aux Raza, ancêtres, pour épurer tout acte maléfique. C’est donc un
animal sacré, purificateur, qui a une valeur cultuelle ; par la langue
maternelle, tenin-dreny, les femmes transmettent non seulement la valeur
culturelle mais aussi la pureté de la langue.
Mais le zébu est aussi une source de richesse. Nous avons
évoqué que concernant les boeufs, la conduite, la gestion et l’entretien
des troupeaux sont une affaire essentiellement masculine.
Par le
commerce de ces animaux, les hommes se déplacent et les langues en
contact subissent une modification. Les hommes ne prononcent plus le
mot aombe comme les femmes le font.
- pour les hommes, d’une part, la réalisation des deux syllabes
[a], [u] (diérèse) est ramenée à la production d’une seule voyelle [‫]כ‬
(synérèse). C’est la raison pour laquelle ils réalisent ainsi : ômby [‫כ‬mbi].
D’autre part, il y a aussi l’assimilation des deux voyelles [a] et [u] en [‫]כ‬.
En somme, la différence relèverait du conservatisme linguistique
chez les femmes, tandis que la prononciation mâle est une marque de
supériorité et de contact avec les communautés linguistiques exogènes.
96
97
Chercher un indicateur de différenciation entre parler des
hommes et parler des femmes n’est pas facile, malgré les recherches
que nous avons menées.
2.2.3.2. Niveau morpho-syntaxique
C’est le deuxième niveau d’analyse, qui a pour objet d’étude la
description de la structure interne des mots et l’étude des règles qui
régissent
cette
structure.
Les
mots
que
nous
passons
en
revue
concernent toujours les variantes qui gèrent la relation homme-femme.
Dans les discours prononcés à l’occasion d’une noce, le père de
l’épouse, ou son tuteur, glisse quelques belles paroles pour conseiller
qu’en cas de divorce, la manière employée par le mari pour déposer sa
femme mametraka, ou la renvoyer, soit égale à sa manière de la faire
monter mampakatra, ou épouser une femme. L’épouse est montée au
domicile de son mari. D’où le nom donné aux noces
fampakaram-bady,
action de faire monter ou action d’épouser. L’époux ou le mari est
appelé ny mpampakatra, celui
qui
fait
monter
et
l’épouse ny
ampakarina, celle qu’on fait monter, qu’on prend pour épouse le jour de
noce. Nous avons ainsi les mots suivants dérivés, respectivement, de
petraka, dépôt et de akatra, montée :
mametraka ; mampakatra ; mpampakatra ; ampakarina.
Nous allons analyser morphologiquement, l’un après l’autre,
chacun de ces termes.
Man-petraka : la nasale dentale de man- et la consonne initiale du radical
s’assimilent réciproquement et disparaissent pour laisser place à un troisième élément
qui contient au moins un de leurs traits communs ; c’est ce qui se produit dans la
préfixation de man- aux mots commençant par les consonnes / f, v, p, l, r, z, /.
Exemples: man + l (leha) = mand: mandeha; man + p (petraka) = mam: mametraka.
M- amp - akatra: l’infixe -amp- se distingue des autres en ce qu’il ne
s’affixe jamais aux mots radicaux mais aux dérivés verbaux en m-, plus
97
98
spécialement ceux qui sont en m-, ma-, mi-, man-, mana-. Ils s’insèrent après
l’élément initial m-. C’est ce qu’on trouve dans :
Mampisotro < m-amp -i -sotro : faire boire
Mampandova < m-amp-an-dova : faire hériter
Mampakatra < m-amp- akatra : faire monter
L’infixe - amp-, dans ces exemples, exprime le factitif, en tant
qu’un agent fait faire l’action à un autre (Rabenilaina, R. B. 1996 : pp. 27-31).
On y parle de sujet extérieur à propos du premier agent et de véritable
sujet à propos du second agent. Ainsi, dans le terme mpampakatra, celui
qui fait monter : mp + amp + akatra, le préfixe mp- est employé pour former
le nom d’agent et l’infixe -amp- signifie l’existence d’un agent qui
exécute l’action commandée. Le verbe faire monter signifie qu’il y a un
agent se trouvant à un endroit inférieur ou se trouvant au même niveau
que celui qui lui fait faire l’action de monter. L’agent en question ou le
second agent, dans le thème du mariage, est la femme. Le terme
mampakatra est essentiellement cet acte d’intégration de la femme,
valorisée par son passage d’un lieu à un autre ou bien du foyer parental
à celui de son mari et de son groupement familial.
Ampakarina : 0/- amp- akatra-ina : c’est l’agent à qui on fait faire
l’action de monter, c’est la femme.
L’analyse
de
ces
termes
précise
donc
le
comportement
psychologique et social de celui qui parle et qui, en même temps,
exécute l’action. Le mariage est le système social qui attribue à la
femme la place la plus importante de sa vie et dans la relation sociale.
C’est un grand honneur pour les parents que leur fille soit demandée en
mariage, car c’est l’acte important qui rehausse sa valeur. Par ailleurs,
elle a de la chance, car d’après les réponses obtenues pendant les
entretiens, les chances de se marier diminuent à mesure que l’âge
avance. Et c’est honteux de rester vieille fille, lany zara, lany tandrify,
littéralement : qui ne trouve pas à se marier ; pour se moquer d’elle, les
gens disent même qu’elle vieillit debout,
(traduction littérale), antitse
am-pijoroa, antitse am-pitovoa. Ainsi, pour ne pas être la risée des autres, les
98
99
parents souhaitent que leur fille se marie jeune, même avec un homme
plus âgé qu’elle. Mais de son côté, un homme qui ne trouve pas de
femme ou qui ne daigne pas en chercher, n’est pas normal. Il devient la
risée des femmes et
de la société en général. C’est pour cette raison
que l’homme en choisit une, deux et même plus. Dans Zatovo malainkanambaly 22, ce sont les femmes qui se donnent, puisque le jeune
homme ne décide pas de se marier, ce qui n’est pas logique dans cette
société.
Mais le mariage est aussi un acte qui souligne la condition
subordonnée de la femme par rapport à l’homme, parce qu’une femme
mariée n’est plus libre d’agir à sa guise.
La fonction du mariage consiste d’abord à procurer des enfants
au couple : anam-balian-kiteraha. Dans les familles très traditionalistes, on
pratique le mariage à l’essai : les jeunes habitent en couple dans la
maison même des parents. Si la femme est féconde, le mariage est
conclu, sinon elle retourne chez elle. Le mariage coutumier est encore
très fréquent dans la région de Toliara, tandis que les mariages civils et
religieux commencent à être pratiqués, de par l’influence des églises
chrétiennes. Actuellement, se marier à l’église confère un prestige,
surtout le mariage en blanc, mariazy korôny.
2.2.3.3. Le niveau lexical
Ce sous-chapitre nous permettra de déterminer s’il existe une
différenciation
de
genre
dans
la
langue,
en
tant
que
variable
sociolinguistique. C’est dans le lexique que les différences sont les plus
manifestes, car c’est bien le domaine qui autorise le maximum de
variation sans mettre en danger l’intercompréhension entre sousgroupes de locuteurs. Notre recherche nous permettra de trouver des
mots différenciés selon le sexe. Ainsi, on pourrait les considérer comme
sous-système d’une langue commune, car si la norme est sociale,
l’application
22
en
est
individuelle.
Ce
qui
est
intéressant
est
de
Voir corpus, p. 269.
99
100
déterminer comment « je » m’adresse différemment à « vous », selon
que vous êtes un homme ou une femme. La question qui se pose alors,
c’est : « est-ce qu’on peut parler de différence absolue ? ». Nous
effectuerons premièrement l’analyse des pronoms personnels de la
deuxième
personne ;
deuxièmement,
nous
étudierons
les
termes
désignant la structure des parentés ; la troisième subdivision sera
l’étude des noms propres de personne.
La langue malgache s’oppose aux langues indo-européennes par
l’absence d’expressions morphologiques des notions de personne et de
nombre, l’absence de conjugaison et de déclinaison. (Rabenilaina, R. B.,
1996 : Introduction). En effet, aucun marqueur de genre grammatical
n’existe en malgache, c’est une langue épicène. Par conséquent, nous
utilisons les marqueurs de genre « sexuel » : lahy, pour le sexe masculin
et vavy, pour le sexe féminin. Par exemple : Zazalahy, garçon
Zazavavy, fille
De même, avec les animaux, le générique peut être affecté du
déterminant désignant le sexe : on a, par exemple, ny omby, le boeuf : ny
ombilahy, le taureau ; ny ombivavy, la vache .
Les locuteurs d’une langue à genre, comme le français, sont constamment
confrontés aux difficultés de l’accord grammatical. Des problèmes se posent pour eux
lors du choix de pronoms de reprise dans les emplois génériques et indéfinis. Mais en
malgache, comment pourrions-nous maintenir les distinctions qui dénotent l’identité
sexuelle ?
•
Les pronoms personnels de la deuxième personne
Dans les différentes variétés régionales et les parlers en
présence à Toliara, les pronoms personnels de la deuxième personne du
singulier peuvent nous aider à différencier celui qui parle dans la
situation de communication. Ils présentent plusieurs variantes. En plus
des mots ianao, rehe, ise ou -nao, - ?o, iha, ihe qui sont à la fois masculins
et féminins et qui signifient « tu, toi, ton, ta, te », on peut utiliser indry,
ly, kene, gea, aky, ikala, etc., pour s’adresser au genre féminin de rang égal
ou inférieur et letsy, ise, ialahy, koahe, pour le genre masculin également
100
101
de rang égal ou inférieur. Il n’y a interaction
que dans le choix
sentimental du locuteur, c’est-à-dire dans l’affectivité, où ise ou bien lie,
gea peut être employé soit avec une femme soit avec un homme ; par
exemple : Ao gea mba vitao asako oo, s’il te plaît, termine mon travail. A
cause du pronom gea, on sait immédiatement que le locuteur s’adresse à
une personne du genre féminin.
La sélection des pronoms de la deuxième personne doit donc tenir compte de
deux facteurs : sexe et statut relatif. Prenons ces exemples : Masoko rehe, tombo?ao
raho ou bien masoko ianao, tongotrao aho, tu es mes yeux, je suis tes pieds.
Dans cet exemple, trois schémas sont possibles : hommes entre eux (H-H),
femmes entre elles (F-F) ou hommes et femmes mêlés (H-F, F-H), parce qu’il s’agit de
rehe ou ianao. Mais si on dit : Masoko lie iha, tombokao lie raho ou bien masoko aky
indry, tongotrao aky izaho, tu es mes yeux, je suis tes pieds, on sait tout de suite qu’on
s’adresse à une femme avec lie, aky et indry. Le sujet parlant est de genre masculin ou
féminin, tandis que celui à qui on s’adresse est toujours de genre féminin.
Le sexe du sujet dont on parle ou à qui l’on s’adresse ne relève pas du
système grammatical et vaut par conséquent en ce qu’il relève de l’interaction verbale,
parce que c’est le genre du locuteur qui nous est important en tant que variable
sociolinguistique. Ainsi, l’emploi du pronom itena se justifie lorsque les femmes en
colère s’adressent entre elles, ou bien entre intimes pour se tutoyer. Exemples :
Mangina itena r’ity a! Tais-toi donc ! (La ferme !)
Il existe aussi, dans les différents parlers malgaches entendus à
Toliara, des mots pour souligner la politesse : Rañandria, roandriaña,
rangahy, nahoda etc., pour s’adresser aux hommes et Roakemba, njarahy,
rakemba, ramatoa, sevake, etc. pour les femmes .
Dans le parler merina, Tompokolahy sy tompokovavy , Messieurs et
mesdames, (mesdames et messieurs dans l’ordre social français),
s’appliquent à la communauté toute entière.
Mais pour éviter de prononcer directement les noms des morts, il
y a le tabou linguistique et on place Ratompokolahy, ou Ratompokovavy
101
102
devant ceux-ci, même pour un enfant mort. L’erreur et la transgression
sont stigmatisées.
vady
L’expression
navelan-dR…,
veuve
d’un
tel…
est
uniquement employée pour les femmes. On ne dit pas : Ingahy Ranaivo,
vady navelan-dRavao , monsieur Ranaivo, veuf de Ravao. De même pour
l’expression mananotena, qui s’occupe de soi-même, ne s’applique qu’au
genre féminin. On dit alors vehivavy mananotena : vehivavy maty vady, une
veuve, mais jamais lehilahy mananotena.
C’est
dans
le
lexique
que
les
différences
sont
les
plus
manifestes, parce que c’est bien le domaine qui autorise le maximum de
variation sans mettre en danger l’intercompréhension entre sousgroupes de locuteurs.
A part les différents exemples que nous venons d’étudier, la
différenciation selon le sexe du locuteur est manifeste dans les
structures de parenté et avec certains noms propres de personne, mais
nous rencontrerons d’autres exemples au fur et à mesure que nous
continuons les explications.
•
La structure des parentés
Les liens de parenté de sang sont exprimés, en général, en
fonction
du sexe des locuteurs en présence. Ma soeur porte un nom
différent selon que je suis un homme (H) ou une femme (F), anabavy (HF), rahavavy (F- F). Chez les Tandroy, pourtant, on utilise uniquement
le terme rahavavy quel que soit le genre du locuteur, c’est-à-dire homme
et / ou femme.
Selon que je suis plus jeune ou plus âgé, on a trois termes pour
désigner un lien de parenté qui indique la même personne :
-Plus âgée : -matoa, ou bien talañolo.
Exemples : lahimatoa (frère aîné), vavimatoa (soeur aînée).
-Médian : -aivo, ou bien -ivo.
Exemples : lahiaivo (frère cadet ), vaviaivo (soeur cadette ).
102
103
-Moins âgée : fara-,
Exemples : faralahy (le dernier ou le benjamin), faravavy (la
dernière ou la benjamine).
Dans les liens de parenté par alliance, on ne trouve pas de
distinction de sexe pour les locuteurs :
-Sexes différents : zao-bavy, belle-soeur (H-F)
-Mêmes sexes : zao-bavy, belle-soeur (F-F).
Ce type de différenciation est commun à nombre de sociétés et
nous remarquons que hommes et femmes de parenté de sang définissent
leurs relations différemment. Tandis que pour les parentés par alliance,
la relation de sexe opposé ou de même sexe se définit par le même
terme ; la parenté de sang se situe donc à part, car c’est sur elle que
pèse le tabou de l’inceste. Nous continuerons cette analyse de
différences dans le lexique avec l’étude des noms propres de personnes.
•
La formation de noms
Les variations des lexiques dans la formation des noms sont
également intéressantes, dans la mesure où elles nous renseignent sur le
genre de la personne ; c’est ce que nous allons voir immédiatement.
Le nom situe la personne dénommée dans le réseau des us et coutumes
de la société, de l’époque et du milieu géographique et social auxquels
elle appartient. Donner un nom, comme le dit Clémentine F.-N.
MADIYA: «
C’est dire qui est la personne nommée (…), c’est situer
par rapport au temps, aux événements, aux comportements ; c’est
rattacher la personne aux choses et aux êtres, visibles et invisibles (…),
c’est communiquer, converser, dialoguer avec les autres, envoyer des
messages, informer sur ce qu’on a longtemps gardé sur le coeur (…),
c’est éloigner le porteur du nom des forces maléfiques » (Madiya, C.,
1991 : p. 11).
Depuis la nuit des temps et même jusqu’à maintenant pour
certaines personnes de la brousse dans la région de Toliara, quand un
enfant vient au monde, on ne lui donne pas tout de suite un nom, mais
on l’appelle par un sobriquet qui rappelle le sexe du nouveau-né :
103
104
Kisy > k + isy, ou bien Nisi’e > n + isi + ’e , si c’est une fille ; (isy : la
vulve, l’organe de la reproduction femelle ) ;
Reboto ou Voto, si c’est un garçon (voto : l’organe mâle). Et la maman
d’appeler sa fille ainsi : Nao kisy, ndeso bakao ndraiky finga ambony latabatra
io, ma fille, apporte-moi l’assiette qui est sur la table.
Pour
préserver
le
bébé
des
maléfices
ou
des
mauvaises
circonstances et pour exorciser le sort malencontreux, on l’appelle
souvent par le nom d’un animal ou par des mots qui traduisent les
souillures ou les saletés.
Par exemples : Retay, ou bien Tatay, la merde.
Pelaraty, une moche petite fille.
Parfois, on utilise tout simplement le mot Kolo, le bébé, jusqu’à
ce qu’on trouve l’avancement de l’état physique ou mental du bébé,
c’est-à-dire jusqu’à un an et demi ou deux ans. Et à ce moment-là, on
consulte le devin , ny ombiasy, pour connaître le destin de l’enfant et lui
donner un premier nom. Il porte désormais un anaram-binta, le nom selon
l’astrologie ; s’il s’agit d’un garçon, c’est le père qui doit choisir, et,
pour une fille, la mère. Mais ce premier nom sera bientôt remplacé dès
que l’enfant fera ses premiers pas ou sera circoncis. Dans un cas comme
dans l’autre, le choix de l’appellation n’est pas dû au hasard. Nous
reparlerons encore de cela plus tard.
Généralement, les anthroponymes, même appartenant à des
ethnies différentes, peuvent être d’origine divinatoire, religieuse et
païenne (selon le nom du fétiche). Ils peuvent dériver du nom du chef
de la famille ou de la caste, ou se composer d’une partie de celui du
père, le patronyme, comme chez les Valohery, par exemple, où le fils
devient Valoherindraza et le petit fils , Valoherivelo.
Ils peuvent aussi provenir des numéros d’ordre des enfants dans
la famille, comme Sambany, la première ; Ifaharoa, Inivo, la médiane ;
Farambony, la dernière, etc.; des métaphores imagées, des qualificatifs,
des noms communs, des noms d’animaux, de plantes ou de déités. Les
noms rappellent aussi la position de l’enfant par rapport à l’ordre de la
104
105
postérité, c’est-à-dire s’il est un fils, une fille, un petit-fils, une petite
fille ou un neveu, etc. ; par exemple, Zanadravaomaria, la fille de
Vaomaria ; Izafinikamia : la petite fille de Kamia. Les noms féminins se
distinguent ainsi par l’emploi des mots zana, fara, ampela ou vavy, zafy, etc.
Prenons les exemples suivants : Sambanampela, Ifaravavy, Zanakiniavo, Ivonia,
etc.
D’habitude, les noms sont simples, uniques sans prénoms,
formés d’un seul mot : Amboarane, par exemple ; ou composés, comme
Mahavisoa, permettant d’appeler la personne de différente manière, telle
que Maha, Avy, ou Soa.
La diffusion et le triomphe du christianisme contribuèrent
également à la montée des noms et prénoms du calendrier et à leur
introduction dans des terroirs lointains.
L’ouverture des écoles oblige aussi les parents concernés par
l’avenir de leur progéniture à inscrire les noms et prénoms dans les
registres de l’état civil. Ainsi s’installa le système de nom de famille,
mais cette attitude ne fut développée qu’au sein des Malgaches
considérés comme des vazaha, ayant une place sociale ou socioéconomique éminente dans la société. Les noms de famille deviennent
héréditaires. D’ailleurs, c’est rare que les enfants aient leurs noms
inscrits dans l’état civil, car le mariage légal des parents est peu
fréquent. C’est le mariage coutumier qui est considéré comme légitime.
Mais l’acte essentiel est la remise de tandra.
Actuellement, la transmission des noms n’est pas exigée par la
loi, mais si on veut porter un prénom différent de ce qui a été déclaré à
l’état civil au moment de la naissance, on peut le mettre sur une pièce
officielle, à la condition de le faire précéder de la mention « dit ou dite »,
par exemple : Toandrene ?e Sely, dite Edmondine .
Enfin,
l’acculturation
a
introduit
dans
le
répertoire
anthroponymique des catégories linguistiques étrangères, telles que des
105
106
emprunts ou des calques. Par exemple, ‘Zany Labely’ (Jeanne Labelle), Aliny
(Aline).
Généralement, les noms indiquent les circonstances de la naissance :
Avisoa, bienvenue, par exemple, rappelle un événement particulier ayant
eu lieu avant la naissance ou pendant la grossesse, ou au moment même
de la naissance, qui finit bien. Manahira, celle qui a créé des problèmes
lors de son arrivée ou Ndalana, née en cours de route, peut-être pour
l’hôpital. Parfois, le nom évoque l’état social et psychologique de son
entourage ou des événements historiques ; par exemple : Kirizy, née au moment
d’une crise financière au sein de la famille ; Nilaisany, que le père a
abandonné juste avant sa naissance. Enfin, le nom reflète le souhait ou le
désir des parents pour l’enfant : le mot en lui-même est réputé avoir ses vertus : le
nom exercera, croit-on, une influence sur celui qui le porte. Pour
comprendre les raisons du choix d’un anthroponyme, il faut connaître
les sentiments des concepteurs, parce que ce choix pourrait être guidé
par une raison spéciale.
La
forme
des
noms
dépend
des
facteurs
culturels
et
géographiques. La plupart des noms masikoro et mahafaly portent les
préfixes formatifs de nom propre « Re- » et « E- », tels que Ezoentsoa,
Esoavoatse. Dans les noms Tandroy, on rencontre souvent le terme «raza- », ancêtres, qui souligne leur présence constante, leur intervention
continuelle et leur liaison étroite avec la famille. Voyons les exemples
suivants : Tanandraza, les mains des ancêtres ; Tahindraza, bénie des
ancêtres , Efalendraza, ce qui est défendu par les ancêtres, etc.
Parfois les noms sont liés à la croyance selon laquelle des
ancêtres ou esprits incarnés défunts peuvent se réincarner dans de
nouveaux corps humains. Et les explications de nos informateurs
disaient que ce sont les gens qui apprécient les cultes de possession
rendus aux ancêtres royaux qui sont surtout sujets à cette incarnation.
Le fait de porter le nom du défunt constitue alors un aspect religieux,
symbolique ou sociologique. Nous avons pris comme exemples les noms
106
107
suivants : Tilike, (= visite ) ; Soandro Nipoliany (= le beau jour de son retour ) ;
Vonjendraza, celle à qui les ancêtres a rendu visite.
Ces différents types et formes de noms témoignent d’ores et déjà
que les noms peuvent apporter des indices sur l’origine du ou de la
dénommé(e), son milieu socio-culturel, les comportements de ceux qui
ont donné le nom. Mais ce qui est important vis-à-vis de la coutume
malgache, en général, c’est la valeur fondamentale de la vie en rapport
étroit avec le destin et même la fatalité. C’est pourquoi, chacun pense
que chaque individu, chaque événement et chaque action peuvent
entraîner une maladie, voire la mort ; seulement leurs effets varient
d’un individu à l ‘autre, d’une action à l’autre et d’un événement à
l’autre. Ainsi, il est de coutume à Toliara de consulter le dire du devin
lors d’une naissance et de connaître la conjonction des astres. Le devin
en tire des déductions qui auront des répercussions sur le destin de
l’enfant. Son nom doit, par conséquent, être choisi en fonction de cette
conjonction. Ainsi, dans la société tandroy, on donne le nom Haova, pour
une fille née sous le signe du Bélier, Alahamaly ; Sana, sous le signe de
Jupiter, Asaoro ; Tema, sous le signe du Lion , Alahasade, etc. Les noms des
garçons sont choisis différemment .
Chez les Masikoro et les Vezo, l’enfant né sous le signe du Cancer, Asarata,
dénommé Mosa, si c’est un garçon et Misa, si c’est une fille, sous la
conjonction du samedi, a un destin redouté, car il risque de nuire à son
entourage. On remarque aussi la même croyance chez les Ambaniandro
pour les enfants nés sous le signe du Sagittaire , Alakaosy ; ces enfants
sont même sujet à être supprimés à la naissance. Mais par le rite de
conjuration, il appartient au devin de dévier le mauvais sort.
Ainsi donc, la femme a sa place dans la cosmogonie. Sa présence
et sa participation sont nécessaires dans l’organisation communautaire
et villageoise ; et cela retrouve son explication et son appui dans le
dynamisme de la divination (sikidy). En effet, selon E. Fitahia, un
historien chercheur, dans la figure du sikidy tanôsy, la femme a sa place
107
108
dans le sikidy, le 14ème rang, le sely ; celui du mbiasa, le devin, est le
10ème. Ensemble, ces deux rangs donnent le Haky, le Zañahary et c’est
la raison pour laquelle la femme et le devin sont les personnes les plus
proches et les plus écoutées par le Zañahary. La première porte en elle
la vie ; le second joue le rôle d’intercesseur.
Quant à l’influence du christianisme, nous la retrouvons à
chaque pas. Elle a pour résultat de bouleverser l’anthroponymie de la
tradition, populaire, formée d’un seul terme plus ou moins long, sans
prénom. Ce changement se reflète aussi dans le choix des prénoms, qui
sont soient des noms d’un personnage célèbre de la Bible, soient des
noms de saints pour placer l’enfant sous la protection d’un patron
céleste. Le nom de Marie, modèle de toutes les femmes, est devenu un
emprunt accepté, comme dans les exemples suivants : Mariaraozy,
Ravaomaria, etc. Parfois, ce nom prend le devant des prénoms pour en
créer un autre. Cet usage amène peu à peu la coutume de donner
plusieurs prénoms de baptême à un enfant, Marie Thérèse de l’Enfant Jésus,
Marie Sophie Adrienne Ra…
Il faut aussi souligner l’intérêt linguistique que présentent les
noms propres de personnes. C’est une manière de garder historiquement
la langue. Comparés à des fossiles ou à des couches de sédiments
lexicaux, ils permettent de reconstituer des formes et des types de
lexies utilisés autrement ailleurs. Le changement de valeur éprouvé par
les noms propres au cours de leur histoire n’est pas moins suggestif au
regard de la sémantique.
Depuis la malgachisation, environ quelques dizaines d’années, la
passion pour les prénoms malgaches s’est développée, comme pour
rattraper le temps perdu. Ils reflètent presque tous la courtoisie mêlée
d’amour, tels que Tiana, Malala, Lalaina, etc. Certains rappellent la joie
d’une naissance comme Ravo, Todisoa, ou Zay, le fait d’avoir une
soeurette. La grâce et la beauté sont aussi les thèmes des noms féminins
comme Soa, et ses composés : Mazavasoa, Soanome, etc.
108
109
La couleur a inspiré les prénoms féminins tels que, Vony, Imanga,
Imavo, etc. Il est difficile de marquer une coupure nette entre ces noms
de fleurs et ces noms de couleurs.
Les diminutifs des noms féminins se forment principalement par
le maintient seulement des deux premières ou dernières syllabes :
Madeleine devient soit Mada, soit Lène ; Berthine dans ce cas change en
Tine, ou Bery. Enfin, les noms des femmes peuvent passer aux enfants
quand la mère est seule à assurer la direction du foyer et surtout lorsque
le grand-père maternel ne veut pas donner son nom aux petits enfants.
On trouve dans ces cas des matronymes. Les noms de l’enfant et celui
de sa mère se ressemblent si bien qu’on appelle la maman par le nom de
l’enfant en ajoutant Nene ou Renin’..., ou encor e Maman’i... ; par exemple :
Nene Tsitohatse, la mère Tsitohatse ou Renindretsitohatse ou finalement
Maman’Itsito la maman de Tsito, diminutif.
Parlons maintenant des surnoms. Les surnoms sont fréquemment
donnés
dans
les
villages,
non
seulement
pour
remédier
à
des
homonymies gênantes, mais aussi pour satisfaire un esprit populaire,
mêlé de plaisanterie et de malice. En effet, la signification du mot ne
veut-il pas dire anaram-bosotra > anarana + vosotra ou anaran-kizaka, un nom
pour faire rire ou pour amuser ? Cet état d’esprit se retrouve surtout
dans d’autres groupes sociaux que la famille, en particulier dans les
usines, dans les ateliers et dans les écoles. Les surnoms sont donnés
librement et leur durée est variable. Les femmes sont souvent
maîtresses dans cet art. Elles remplacent les noms par des nouveaux
sobriquets au cours de la vie d’un individu et les fixent avec une
solidité telle qu’ils deviennent héréditaires et sont repris par les
descendants. Parfois, les surnoms ont tendance à éclipser le véritable
nom de l’individu.
Nous avons remarqué, grâce aux surnoms rencontrés, qu’ils sont
généralement péjoratifs ou ironiques ; ceux qui en sont l’objet,
cherchent à s’en libérer, mais ils y parviennent rarement et ils finissent
par le subir, voire par l’accepter. Parfois la voix publique tâtonne,
109
110
hésite entre deux ou plusieurs surnoms. Certaines personnes en
reçoivent,
soit
simultanément,
soit
successivement.
Après
leur
cinquième fille, un couple s’attendait à avoir un garçon mais ils furent
déçus. Ils ont reçu le surnom de Marovavy, puis de Maroanaka, mais ces
surnoms sont passés jusqu’à leur vieillesse pour devenir Babanimaro et
Nenenimaro. La grande majorité des surnoms actuels sont des mots
déformés. Ils se substituent peu à peu au nom ou prénom pour le
remplacer exactement dans son emploi, en se vidant de son contenu
véritable, par exemple : Mademoiselle, devenu : Madé ou Mozely. Comme les
noms communs : métonymie, métaphores, adjectifs substantivés, ils sont
tous à l’origine des surnoms.
Pour les mondains ou les intellectuels, les surnoms ne sont
qu’un jeu d’esprit, superficiel et passager, tandis que le sobriquet
populaire garde l’individu, en général, pour ne plus le lâcher. C’est ce
qu’on rencontre avec le ‘anara-takihotsy’ dans la région de Toliara. Il
s’agit des noms ou surnoms villageois : takihotsy, c’est la manière de
parler de quelqu’un indirectement, qui a probablement un rapport avec
le terme bara takihitsy ou takahotsy, qui désigne un genre littéraire proche
du mythe ; tandis que tahihitsy, signifie : qui veut se montrer intelligent.
Ce qui nous permet de déduire que le fait de donner un anara-takihotsy à
une personne demande une intelligence pour cacher ou ne pas révéler la
vérité, en détournant l’attention de la personne visée et en faisant porter
le nom à une tierce personne. Ils sont précieux à étudier, car ils
reflètent encore, à très peu près, la mentalité de la communauté
villageoise. Très souvent, le anara-takihotsy est rempli de la haine et de
l’ironie que l’on ressent envers une personne autre que celle qui porte
le nom ou le surnom. C’est un surnom qui peut devenir un vrai nom, à
partir d’une anecdote vécue par la personne qui donne le nom.
Une femme enceinte, abandonnée par son mari, a donné le nom
Nilaisany à sa fille, à cause de sa déception. Ce nom est un anara-takihotsy,
l’enfant a été surnommée ‘Laisa’ plus tard. Sambieto rappelle une dispute
entre rivales, jamais résolue ; par conséquent, la seconde femme qui
110
111
veut être considérée et respectée comme la première, insiste pour avoir
sa place. Chacune garde ses opinions, mais l’enfant a subi le nom toute
sa vie. Dans Viro’e, le nom est significatif : radical : viro : tea lela, tea
resake, une commère, il s’agit encore d’une haine entre rivales et celle
qui se sent mortifiée par sa rivale fait porter sa rancoeur par le nom de
son enfant.
De tels faits, dont nous n’aurions pu retrouver la genèse exacte
sans
connaître
particulièrement
l’anecdote
prudente.
originaire,
Faut-il
doivent
rappeler
que
nous
le
rendre
‘pourquoi’
de
nombreux surnoms contemporains nous échappe. Mais nous affirmons
que la simple lecture de ces noms ou prénoms permet de repérer la
différenciation sexuelle de leur propriétaire.
Avant de terminer ce chapitre, nous tenons à préciser que les
capacités linguistiques d’un individu dépendent directement de son
expérience
psychologique
et
sociale.
En
effet,
les
habitudes
linguistiques d’un groupe culturel déterminent sa vision du monde et les
cultures se font sentir à travers les usages de la langue, c’est ainsi que
nous
avons
remarqué
morpho-syntaxique,
les
différenciations
lexical ;
nous
au
niveau
continuerons
phonétique,
avec
le
niveau
syntaxique.
2.2.3.4. Le niveau syntaxique
Dans cette partie, nous revenons encore une fois au problème du
genre. Nous avons vu que notre langue n’a pas de genre grammatical ;
c’est une langue épicène. Comment fonctionne t-on alors dans la
structure de la phrase? Dans quelle mesure cette inexistence du genre
influe-t-elle sur les représentations symboliques collectives?
Dans les langues indo-européennes, du point de vue strictement
grammatical, le genre constitue un système de classification des noms.
Il se manifeste sur le plan syntaxique par des phénomènes d’accord. On
peut dire, sans crainte de se tromper, que dans l’immense majorité des
langues actuelles, selon BRUMANN et WUNDT, « les genres grammaticaux
111
112
sont au nombre de trois : le masculin, le féminin et le neutre ». (Brumann, K. 1903 :
p.361 et Wundt. 1912 : p. 21).
Le
masculin
désignera,
par
définition,
les
mâles
et
par
extension, les êtres conçus comme mâles. Le féminin, de son côté,
désignera, par définition, les femelles, et par extension, les êtres conçus
comme femelles. Quant aux êtres laissés sans détermination, MEILLET
note qu’ils seront du genre neutre ou plus exactement, ils seront sans
genre, n’étant ni masculins ni féminins. (Meillet, A.. 1937 : p. 190).
Qu’en est-il pour notre langue malgache ? Le genre grammatical,
catégorie nominale par le jeu de phénomènes d’accord sur d’autres
classes syntaxiques, n’existe pas dans notre langue. Et pourtant, il faut
se poser des questions sur le rapport de la langue à la réalité : le genre
est-il le reflet d’une vision de l’univers ?
•
Le genre sexuel
Le genre est perçu et vécu par les locuteurs, comme renvoyant à
l’ordre « naturel » des choses. Nous attachons tous, plus ou moins
consciemment à certains objets ou notions un symbolisme, lahy, mâle ou
vavy, femelle, même s’il n’y a pas de correspondance avec le genre.
Interrogeons donc le langage et les faits : le P. MALZAC en
énumère un certain nombre dans son dictionnaire à l’entrée lahy
23
:
- Lahim-panalahidy, le pêne des serrures,
- Lahin-jiro, mèche des bougies, des lampes,
- Vailahy, clou ou furoncle avec tache blanche,
- Apongalahy, long tambour fait d’un tronc d’arbre,
- Vatolahy, longue pierre dressée au bord d’une route ou sur une
hauteur pour commémorer une personne.
- etc.
23
Entrée lahy : R.P Malzac, 2000 : p. 371.
112
113
Certains noms évoquent une idée de force, de grandeur ou de
spéciale résistance : par exemple, ny masoandro, le soleil ; nous disons
pour personnifier le soleil : Ingahibe masoandro, le vieux soleil.
Des noms présentent quelques analogies avec l’organe propre de
la femme. Nous consultons toujours le dictionnaire du P. MALZAC à
24
l’entrée vavy :
- Vavin-kazo : pièce qui porte la rainure ou la mortaise.
D’autres
sont
envisagés
comme
donnant
naissance,
par
prolifération, à des êtres de même espèce. Prenons l’exemple d’un bon
nombre de substantifs précédés des mots caractéristiques reny ou renibe.
Nous les donnons tout formés :
- Renitohatra, les deux pièces latérales d’une échelle (les marches
sont dites zana-tohatra),
- Renivola, le capital (de même zana-bola, intérêt d’une somme)
- Renivohitra, la capitale, le chef-lieu
- Renirano, la rivière, etc.
Qui n’a jamais imaginé, en dehors de toute théorie linguistique
que les choses avaient un sexe ? D’où vient ce sentiment largement
diffusé par les poètes lorsqu’ils disent : ny voaly maintin’ny alina, les voiles
sombres de la nuit. Qui peut bien porter un voile, n’est-ce pas les
femmes ?
Et lorsque dans nos proverbes, nous disons
vorondolo nitera-
boromanga 25 littéralement : un hibou ayant engendré un oiseau bleu,
c’est que nous faisons allusion à une personne d’une grande beauté mais
née ou issue d’une mauvaise source. En effet, ce symbolisme sexuel
reste très fort, d’autant plus fort que la distribution des genres est plus
« logique », donc plus signifiante.
24
25
Entrée vavy : R. P. Malzac, op. cit.
Voir annexe, p. 276, n° 17.
113
114
La question qui se pose, comme pour le problème plus général
des rapports langue-pensée, est bien celle-ci : « est-ce que nous
percevons le feu, ny afo, par exemple, d’essence masculine et l’eau, ny
rano, d’essence féminine ? ou bien sont-ils classifiés ainsi, parce qu’il
s’y rattache des valeurs symboliques qui seraient liées aux structures
mentales et sociales et aux valeurs culturelles ? Qu’ils soient simples
locuteurs ou linguistes, les sujets parlants ne sont pas neutres, ne sont
pas objectifs vis-à-vis de leur langue.
En ce qui concerne donc notre langue, qui est une langue
épicène, « sans accords grammaticaux », tous ces systèmes sont fondés
sur l’opposition vavy / lahy.
A vrai dire, la question du genre constitue un faux problème,
parce que ce système fonctionne et véhicule des notions et une
idéologie qui sont indubitablement liées au statut social de l’homme et
de la femme, ainsi qu’ « aux stéréotypes masculin et féminin que
sécrète toute société ». Ainsi, genre et sexe sont intimement mêlés dans
l’esprit des locuteurs.
Le
genre
se
révèle
essentiellement
comme
support
des
représentations symboliques collectives. En effet, les locuteurs d’une
langue à genre, comme le français, sont constamment confrontés aux
difficultés de l’accord grammatical. Les irrégularités, les dissymétries,
notamment
dans
la
formation
des
noms
d’agents,
sont
sources
d’hésitations, de gêne et d’incohérences dans l’accord. C’est dans cette
perspective que nous aborderons d’abord les problèmes des noms
génériques en malgache.
En
fait,
la
langue
n’est
pas
un
instrument
parfait,
ses
disfonctionnements peuvent être révélateurs de conflits psychologiques
et sociaux. Même si notre langue est indifférente au genre grammatical,
nous devons préciser de quel genre il s’agit dans son fonctionnement.
La notion des noms d’agent est source d’incompréhension, si on
ne fait pas attention au choix de pronoms de reprise dans les emplois
114
115
génériques
et
indéfinis.
Le
problème
est
qu’une
différenciation
insidieuse se fait dans l’esprit des locuteurs sur la base des « rôles
masculins et féminins » dans la société. Dans l’exemple de : Maty ilay
mpivarotena…, littéralement : la prostituée a rendu l’âme…, il n’y a pas
d’ambigüité, parce qu’on comprend tout de suite qu’il s’agit d’une
femme.
Ces
professions
étant
généralement
considérées
comme
féminines, bien que leur nom ne comporte aucune marque formelle de
genre.
Et si nous disons : nandalo ilay mpivaro-kena, littéralement : le
boucher est passé, on comprend également qu’il s’agit d’un homme,
puisque très souvent, le métier de « boucher » est masculin. Mais
pourquoi pas une femme ? Rien dans la phrase ne montre que cela peut
être féminin.
Ainsi, les noms d’agent conférant du prestige ou qui sont
réservés aux hommes doivent être précédés de Ramatoa ou ilay vehivavy si
on ne veut pas rencontrer des problèmes de distinction. Ces noms
peuvent être suivis par le terme vavy. Voyons les exemples suivants :
Nandalo ilay ramatoa mpivaro-kena ou bien ilay mpivaro-kena vavy no nandalo teo.
Le deuxième exemple sonne mal et semble être dépréciatif : ilay ramatoa
mpivaro-kena est un langage soutenu, tandis que ilay mpivaro-kena vavy est
relâché. L’expression ilay vehivavy peut être employée partout, c’est-àdire avant ou après le nom, mais Ramatoa ou Madama sont condescendants
et suggèrent l’amateurisme. Cependant, par rapport à ramatoa, madama
prend une valeur d’euphémisme constituant une fausse marque de
respect ; l’effet atteint est donc inverse de l’intention apparente.
Prenons les exemples suivants : n ifankahita zahay sy Ramatoa mpitsabo, nous
nous sommes rencontrées, moi et Madame docteur ; n ifankahita zahay sy
ilay mpitsabovavy, nous nous sommes rencontrées, moi et le médecinfemme (traduction littérale).
Le suffixe -vavy vise à l’objectivité. On se réfère à une
différence biologique et non sociale, et c’est subtilement dépréciatif par
rapport à Ramatoa ou Madama.
115
116
Dans l’exemple suivant : Nitsangana hiteny ilay vehivavy mpisolovava fa nasaindRamatoa mpitsara nipetraka, l’avocate s’est levée pour parler mais Madame
le juge lui a dit de s’asseoir, les registres de l’oral et de l’écrit visent
quasiment les mêmes objectifs. L’écart entre ces deux registres est à
peine sensible.
Cependant,
nous
avons
aussi
à
signaler
une
incidence
intéressante, qui ne constitue qu’un paradoxe apparent : Efa ela no tsy niasa
ramosenay fa niteraka!
Notre institutrice n’a pas enseigné depuis
longtemps, car elle a accouché : Ramose qui est la traduction en
malgache de Monsieur précédé du préfixe de nom Ra-, est un emprunt
du
français,
mais
la
signification
s’est
rétrécie
pour
traduire
l’instituteur dans la classe primaire ; puis il s’est élargi de nouveau
pour dire tout ce qui joue le rôle d’enseignant, et tout ce qui est de
genre masculin âgé. Dans l’exemple que nous venons de donner, il
s’agit d’une femme, madamo- ramose. La position dominante du masculin
dans la langue est perçue comme un reflet de la position dominante des
hommes dans la société. Donc, sans être des locuteurs français, nous
nous heurtons aussi au problème du genre des noms d’agents et des
substantifs de qualité.
A l’heure où les femmes commencent à prendre une haute
responsabilité, nous devons toujours préciser pour les titres. Exemples :
Ramatoa ben’ny tanàna, Madame le Maire.
Ramatoa Ministra, Madame le ministre…
Et lorsqu’il s’agit de l’épouse, on doit encore beaucoup plus de
précision pour qu’il n’y ait pas de confusion. Exemples : Ramatoa
vadin’ny mpitandrina, Madame l’épouse du pasteur au lieu de Ramatoa
mpitandrina, Madame le pasteur (qui exerce la profession). La femme qui
n’a pas d’autre statut que celui d’épouse sera toujours définie par
rapport à son mari.
116
117
Ce long chapitre nous a permis d’aborder, grâce aux différentes
analyses phonétiques, morpho-syntaxiques, lexicales et syntaxiques,
l’étude des communautés avec les échantillons représentatifs des
langues, sans qu’on puisse parler pour autant de langues véritablement
distinctes. Les différences existent certes, mais ce n’est qu’au niveau
des registres. L’origine de ces différences est variée et, dans de
nombreux cas, inconnue. Dans les pages qui suivent, des travaux
concrets,
ayant
des
aspects
sociologiques,
vont
nous
décrire
successivement la relation des femmes avec le hazomanga, le tabou
linguistique
la
politesse
et
le
multilinguisme.
117
118
CHAPITRE III
2.3. LES FEMMES ET LE DROIT A LA PAROLE
Nous avons dit dans le premier chapitre que petit à petit, le droit
de parler publiquement a été ôté à la femme. Mais, on se pose de
questions si les femmes sont effectivement silencieuses, à quel moment
peuvent-elles exprimer leurs idées ou leurs désirs ? Dans le présent
chapitre, nous aurons le dessein de découvrir l’un après l’autre le rôle
de la femme vis-à-vis du hazomanga, du tabou linguistique, de la
politesse et du multilinguisme.
2.3.1. La femme et le hazomanga
Le « hazomanga » existe couramment parmi les populations de
tout le Sud-Ouest de Madagascar et concerne le système traditionnel des
sociétés bara, tandroy, sakalava, masikoro, mahafaly et tanôsy. Partout
où le hazomanga existe, le lignage est à dominante patrilinéaire. Le mot
hazomanga désigne le poteau cérémoniel qui symbolise l’unité sociale
de descendance de ceux qui y font leurs cérémonies. Ayant le sentiment
de ne faire qu’un, ses membres se réunissent pour des motifs
strictement lignagers : célébrations des rites, réconciliations, sanctions,
etc. Ils ont le sentiment de leur cohésion car ils respectent un seul chef,
le mpitankazomanga ou mpisoro, détenteur du hazomanga, dont le pouvoir est
rituel. L’autorité infaillible du mpitankazomanga revient à la personne de
sexe masculin la plus âgée de la vieille génération du lignage. C’est lui
qui met le lignage en communication permanente avec la surnature.
Les différentes fonctions remplies par le mpitankazomanga, en tant
que sacrificateur, excluant la femme de ce rôle, ne sont considérées par qui
que ce soit comme un acte discriminatif. Aucune femme n’a jamais pu
être et ne sera jamais mpitankazomanga. L’attribution de cette fonction à
118
119
un homme est naturelle aux yeux de tous. Ce système conditionne et
enserre,
en
quelque
sorte,
l’épanouissement
et
la
personnalité
individuelle. Et l’individu en tant qu’individu singulier doit s’y
immerger et ne peut développer sa personnalité sans y participer.
L’interdiction du rôle du mpisoro, sacrificateur, prêtre, au sexe
féminin et l’attribution exclusive des responsabilités sacerdotales aux
hommes sont autant de moyens visibles et invisibles pour accroître
l’infériorisation de la femme. Ainsi, c’est l’ensemble de la structure
sociale
elle-même,
en
tant
que
forme
particulière
du
système
patrilinéaire et les différents éléments et niveaux de son fonctionnement
qui servent à la fois de soubassement et d’instrument permettant aux
disparités de se reproduire, se renforcer et perdurer.
L’éducation familiale, transmise surtout par la femme ellemême, inculque aux enfants, dès leur plus jeune âge, la supériorité
masculine et la soumission féminine, naturelle et automatique. Tenues
depuis des générations sous le pouvoir de ces stéréotypes, qui restent
relativement vivaces dans beaucoup de familles et dans certaines zones
rurales,
les
femmes,
dans
leur
rôle
de
mères
et
d’éducatrices,
perpétuent, sans le savoir, cette disparité. Et c’est ici qu’il y a donc lieu
de dire que le contenu du langage est étroitement lié à la culture d’un
peuple, culture dont l’évolution conduit à la transformation progressive
subie par son parler.
L’environnement de la femme repose également sur une dualité dans laquelle
elle s’acharne à maintenir l’équilibre, impossible sans doute, car c’est également un
milieu entouré d’interdits et de tabous linguistiques.
2.3.2. La femme et le tabou linguistique
En général, le tabou a un rôle régulateur, conservateur. En même
temps, grâce à sa fonction d’exclusion, il valorise les individus qui n’y
sont pas soumis, par exemple les sorciers, ny mpamosavy, par rapport
au reste de la tribu, ou bien les hommes par rapport aux femmes, etc.
119
120
Dans la société primitive, le tabou s’appuie sur la nécessité de
maintenir un ordre social hiérarchisé.
Alors peut-on parler de tabou linguistique dans nos sociétés ? Si
l’on prend le mot au sens large, oui, nous avons des tabous, dans la
mesure où la société stigmatise certains mots qui font honte ou qui font
peur, par exemple : tout ce qui est obscène, qui comprend pêle-mêle :
l’érotique, le scatologique, la mort, la maladie, tout ce qui est connoté
péjorativement et que la société polie ne veut pas entendre, et contre
quoi elle se prémunit grâce à l’emploi de l’euphémisme.
Les « parties
honteuses » assorties des maladies tout aussi
honteuses en bénéficient tout particulièrement. Ainsi, le gynécologue
demande : « êtes-vous mariée ? » pour ne pas dire : « avez-vous eu des
relations sexuelles ? ». Les termes fandrindram-piterahana, la planification
familiale ou bien fanabeazana aizana, espacement de naissance sont
appliqués surtout
aux femmes et insistent positivement sur le fait
d’avoir des enfants, alors qu’il s’agit de ne pas en avoir ; mais il serait
indécent de dire : « liberté de faire l’amour sans risque ». Toutefois, les
milieux traditionnalistes et certains hommes montrent une certaine
résistance envers la contraception, car ils craignent que cela n’accorde
aux femmes une liberté de mauvais aloi
et ne les encourage à la
débauche.
Le tabou procède essentiellement d’une peur ancestrale et
profonde dans l’inconscient des hommes. Dans les sociétés vezo et
tandroy, il y a des mots dont l’emploi est prohibé. On recourt alors à
des figures stylistiques pour exprimer les réalités qu’ils désignent. Les
termes voto, latake, tabory, pénis, suscitent le mécontentement et révèlent
un manque de bienséance devant un public, alors on utilise filahiañe,
tandis que pour les femmes, au lieu de dire isy, fory, on emploie,
fiheñarañe, vulve ; le malgache officiel emploie les noms génériques :
filahiana et fivaviana pour dire la sexualité.
120
121
•
L’euphémisme
L’euphémisme permet de parler de ce qui est innommable et
socialement inacceptable de façon détournée, c’est-à-dire en parlant
d’autre chose. C’est ainsi que certaine maman apprend à son fils les
mots bibikely, bibity, littéralement : la petite bête,
pour désigner son
appareil génital, et avec une petite fille, elle utilise les mots zavatra, la
chose, ou bien patsa, crevette, pour la vulve, c’est peut-être à cause de
son odeur nauséabonde, quand c’est nécessaire de se laver. C’est
pourquoi elle dit : nao lie, mba sasao patsanao zao …, littéralement : ma fille
lave ta crevette.
Les femmes manifestent particulièrement leur crainte de tout ce
qui touche à la sexualité et aux fonctions corporelles par l’usage de
l’allusion, de l’euphémisme et du sous-entendu. Ce qui touche moins les
hommes.
Les tabous, dans nos sociétés, sont plus ou moins forts, plus ou
moins respectés. Leur transgression entraîne des sanctions qui varient
d’un groupe social à un autre, d’une époque à l’autre, d’un contexte à
un
autre.
Les
vocabulaires
obscènes
sont
tabous
dans
certains
dictionnaires, entre autre celui des R. P. ABINAL et MALZAC ; même les
termes comme mangery, chier et mamàny, uriner, ne s’y trouvent pas.
Cependant, avec l’évolution des mentalités, certains mots se fraient peu
à peu un chemin dans les dictionnaires courants et, en même temps,
dans la « bonne » société.
Chez les Tandroy, nous citerons certains mots qu’on utilise pour
s’adresser aux personnes âgées respectables dans le but de ne pas les
minimiser
et
ne
pas
attirer
l’attention
directement,
fiasiñe,
littéralement : le respect, lorsqu’on parle des différentes parties de leur
corps :
− añ’ate : añ’arofo, les entrailles
− amany : ari-rano, l’urine
121
122
− handriñe : laharañe, le front
− fitombenana: fiambesarañe, le siège, la fesse
− loha : ambone, la tête
− maso : fihaino, les yeux
− oroñe : fiantsonañe, le nez
− soñy : fivimby, les lèvres
− tañane : fitañe, les mains
− tay : fiamontoñe, la selle
− vatañe : fañova, le corps
− vava : falie, la bouche
− volo : maroy, les cheveux
− volom-boto / volon’isy : volom-bitike, les poils
− nify : fihitsike, les dents
− tomboke : fandia, les pieds
− etc.
Les tabous affectent les femmes quand il s’agit de parler de ce
qui est innommable et socialement inacceptable de façon détournée,
c’est-à-dire en parlant d’autre chose. C’est ainsi, qu’au lieu de dire
directement : ndao lie hisasa an-drano añe, littéralement : allons-nous laver
au bord de l’eau, elles emploient le mot hantsaka, hila rano, littéralement :
chercher de l’eau, ce qui sous-entend faire sa toilette. Cela connote à la
fois des idées positives et négatives, selon la perception de l’homme.
D’une part, c’est aux femmes qu’incombe, au premier chef, la
production vivrière et les corvées de bois et d’eau. L’eau représente la
vie, la propreté. C’est la femme qui est responsable de l’efficacité de
son foyer ; chercher de l’eau est une des tâches domestiques qu’elle
doit assumer journalièrement pour faire la cuisine, pour laver les linges,
pour faire sa toilette, ses petits besoins - tout ce qu’on ne dit pas ou ce
qu’on ne montre pas devant tout le monde - bref, elle assure le bien-être
d’elle-même et de son entourage.
122
123
D’autre part, aller chercher de l’eau est un moyen pour les
femmes de régler les comptes entre rivales, par exemple. C’est là-bas
qu’on manifeste ouvertement les disputes qu’on n’ose pas exprimer
devant les hommes et ce sont les seuls moments valables aux yeux des
hommes pour s’absenter du village et pour mener leurs propres affaires,
entre femmes. C’est là-bas qu’elles osent rire aux éclats pour se moquer
des hommes ou de leurs rivales , manao fara-hehy, ou bien mitohàke, rire aux
éclats.
C’est un dogme établi depuis Freud que les femmes répugnent
naturellement à l’obscénité, et plus généralement à la grossièreté, à
l’injure. JESPERSEN (1976) considère également que la langue forte et
l’usage de l’argot sont des caractéristiques sexuelles secondaires de
l’homme. Il est indéniable que l’argot et la langue verte sont de
création essentiellement masculine.
L’humour sexuel ou scatologique est pratiqué par les hommes,
entre hommes et souvent fortement sexiste. La femme en est souvent la
cible et la victime. Pour FREUD (1905 : pp 156-161) selon T. REIK, la
plaisanterie de l’homme orientée vers la femme est une forme de viol :
viol verbal destiné à préparer l’assaut physique, sexuel. Les femmes ont
appris à réprimer leur agressivité et à manifester leur angoisse
autrement. Le fait pour une femme de raconter des blagues cochonnes
serait une tentative inconsciente et hostile de parodier les hommes et,
parfois, c’est une espèce de masochisme (Reik, T. 1954 : pp3-15).
Dans la communication directe, l’expression obscène n’est pas
tolérée de la part des femmes. Il est certain qu’on recherche beaucoup
plus la correction de langage chez les petites filles que chez les petits
garçons. Le gros mot qu’on tolère dans la bouche du petit mâle est mal
venu dans la bouche de sa soeur. Il se produit donc un conditionnement
dès l’enfance, qui contribue à différencier profondément les registres
masculins et féminins.
123
124
L’idée soutenue par les psychanalystes, les sociologues et les
linguistes que la femme répugne « naturellement » à l’expression
grossière et obscène semble reposer sur une certaine image sociale de la
femme. « Les hommes, écrit Shulamith FIRESTONE, ont le droit de blasphémer et
d’injurier le monde entier parce que ce monde leur appartient. Mais que le même
juron sorte de la bouche d’une femme ou d’un enfant, c’est-à-dire d’un homme
inachevé, à qui le monde n’appartient pas encore, et on crie au scandale » (Firestone,
S. 1970 : pp75-76).
Actuellement, ce langage euphémisé semble être de moins en
moins
compris,
sinon
méconnu
par
la
majorité
des
jeunes
qui
manifestent leur liberté en écrivant des injures et des images agressives
dans les toilettes réservées aux femmes. Qui les ont faits ou écrits ? Ces
graffiti, particulièrement révélateurs, dans leur anonymat, montrent une
expression libre et non entravée par les tabous sociaux. En somme, il
est donc évident que les femmes qui ont mieux intériorisé les tabous
verbaux sont surtout des femmes de la « bonne société », modernes ou
traditionalistes, des femmes bien élevées et polies.
•
La femme et la politesse
Les femmes, en effet, sont dressées à être des dames. Les tabous
verbaux, le maniement de l’euphémisme et le langage châtié font partie
des structures de la politesse. Les femmes sont censées être plus polies
que les hommes, lesquels ne sont censés être polis qu’en présence des
dames. A l’intérieur de toute société coexistent, si ce n’est différente
langue, du moins différente variété auxquelles sont attribuées des
fonctions précises et complémentaires.
La fonction de cette politesse est de réduire les frictions et les
conflits, de masquer les antagonismes, les désapprobations ou le
désaccord. En d’autres termes, la politesse est liée à l’incapacité de
s’affirmer, de dire ouvertement ce qu’on pense, de réclamer son dû, de
donner des ordres.
124
125
Le registre de la prière et de la requête polie est infiniment plus pratiqué par
les femmes, selon LAKOFF (Lakoff, R. 1975 : pp. 56-57). Voici par exemple, en
parler vezo, plusieurs manières de dire : mangina ! tais-toi ! , en allant du moins poli
au plus poli :
- Mamantsy ! la ferme !
- Mintsina tse ! tais-toi, donc !
- Mangina azafady ! tais-toi, s’il te plaît !
- Tsy afaka ny hangina va iha! est-ce que tu ne peux pas te taire !
- Afaka mangina va iha ! est- ce que tu peux te taire !
- Azon’ iha atao ve ny mangina! est-ce que tu peux te taire!
- Azafady, azon’iha atao ve ny mangina!, s’il te plait, est-ce que tu peux te
taire!
Les femmes utilisent la formule la moins polie souvent dans la
colère ou pour s’adresser aux enfants. De même, elles utilisent un
éventail de schémas intonatifs plus large que celui des hommes.
Particulièrement « féminines » sont les intonations qui indiquent :
- la soumission : ndao moa ! va donc ! ; eny ary e ! bon ! ;
- l’incertitude: asa…, peut-être…;
- la quête d’approbation : sa ahoana ? ou bien qu’en dis-tu ? ;
- la surprise : ndray kaky amin-draineniko ianao ô ! mon père et ma mère ! nene ê,
maman ; mate raho aba ! je suis morte mon père ! (traduction littérale).
-l’enthousiasme un peu niais : avia aty, ikala belelo ratsy keliko ‘ty !,
littéralement : viens ici, ma petite morveuse !;
- ainsi que les intonations « bêtifiantes » utilisées pour parler aux
petits enfants : ntsô..., mate raho, taine ! , mmm, je suis morte mon bébé !,
(traduction littérale).
Pour
éviter
le
langage
affirmé,
l’assertion,
les
femmes
utiliseraient également davantage de constructions modales, exprimant
le doute et l’incertitude : angaha ? ah, bon ? izany ve ?, est-ce que c’est
cela ?; mba marina hoe ? sûr ? ; ah, to va zao !, est-ce que c’est vrai ?. D’une
125
126
façon générale, la pression sociale dans le sens de ce jeu de la politesse
s’exerce plus sur les femmes que sur les hommes.
•
La femme et le purisme
Une autre caractéristique que l’on attribue aussi aux femmes et
qui est liée à la langue polie et châtiée, est le purisme. Nous avons dit
auparavant que les femmes sont plus conservatrices par rapport à la
langue que les hommes. Elles attacheraient plus d’importance à la
correction du discours, à la norme. Elles ont même, d’après les
enquêtes, une tendance à l’hypercorrection, c’est-à-dire à l’assimilation
excessive du modèle dominant. Le statut social des hommes repose
essentiellement sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils sont ; celui des femmes,
sur leurs apparences.
Purisme et pruderie, ce sont bien ces deux facteurs qui
26
inspirèrent les Précieuses , lorsqu’elles cherchèrent à régenter la diction,
l’orthographe, la prononciation, la pureté de la grammaire française.
Mais ce fut alors le règne de l’euphémisme et de la métaphore.
Cependant, si l’on veut bien s’interroger sur la signification
sociale du phénomène des Précieuses, on peut y voir l’une des premières
tentatives faites par des femmes pour prendre la parole, pour s’attribuer
un pouvoir sur la langue, pour se faire une place dans la société
patriarcale, pour avoir leur mot à dire.
Purisme va de pair avec conservatisme et académisme. Donc, à
cause de nous, les femmes, la langue n’évoluerait pas, elle entrerait au
musée.
En
général,
les
femmes
sont
considérées
comme
les
préservatrices de la langue et de la culture. C’est d’ailleurs ce que nous
26
Note sur les Précieuses : selon Le Petit Larousse, Grand format, 2004, le terme « Précieuse » est
relatif à la préciosité. Préciosité : tendance au raffinement des sentiments, des manières et de
l’expression littéraire qui se manifesta en France au début du XVIIè siècle…Affectation dans les
manières, le langage, le style.
Au mot préciosité s’attache, de nos jours, une signification péjorative. Il évoque l’affectation
dans les manières, la subtilité excessive, le manque de naturel, alors que être précieux, à son temps, c’est
pratiquer un langage choisi, capable de rendre compte de la gamme infini des impressions ressentis.
(Voir Les Précieuses ridicules de MOLIERE, 1659).
126
127
avons expliqué dans l’analyse phonétique, à propos de l’exemple
tsimihety, pour la conservation de a et o dans aombe.
Et pourtant, sans nous la langue mourrait, puisque nous la
transmettons à nos enfants et puisque, selon une autre conception
courante, c’est grâce au conservatisme « inné » des femmes que se
maintiennent beaucoup de langues condamnées par l’évolution socioéconomique. Nous croyons alors que les femmes ne sont les artisanes de
la conservation linguistiques qu’en raison de leur statut social.
2.3.3. Les femmes et le multilinguisme
La langue de la maison est avant tout celle de la mère, celle des
femmes, c'est véritablement la langue maternelle , tenin-dreny, selon le Pr.
R. B. RABENILAINA.
Le père, le plus souvent, est au moins bilingue, car en plus de la
langue de la maison, il pratique une autre langue associée au pouvoir
dans la communauté, celle qui lui permet de gagner son pain et se faire
une place dans la société. Mais les femmes, même en dehors de leur
foyer - nous observons le cas des femmes rurales de Toliara -,
sont
souvent confinées dans des tâches subalternes qui n'exigent pas le
recours à une langue étrangère.
Certaines
paysannes
ne
sortent
jamais
de
leur
commune,
généralement isolée, alors que les hommes sont contraints d'aller gagner
de l'argent au loin et deviennent forcément bilingue. Ce sont donc les
hommes qui ouvrent la voie à la glottophagie, ce processus d'absorption
d'une communauté linguistique par une autre que Louis-Jean CALVET a
décrit dans Linguistique et colonialisme (1974). Le conservatisme linguistique
des femmes vient du fait de leur moindre mobilité. Elles sont les
dernières à s'accrocher à leur langue, à leur culture, donc elles sont les
dernières atteintes par le multilinguisme; c'est vérifié un peu partout. Et
ce qu'on oublie trop facilement, c'est que partout dans le monde, on
rencontre des sociétés de type patriarcal et dans ces sociétés, la place
de la femme est à la maison; elles sont exclues de toute éducation, de
127
128
l'école, donc de la langue du pouvoir. Qu'on change alors les conditions
d'existence des femmes et on s'aperçoit que la situation peut s'inverser.
Pour le cas des citadines, lorsqu'elles ont un emploi, les
professions qui sont ouvertes aux femmes impliquent un contact étroit
avec la langue au pouvoir : le malgache officiel, ou le français ; les femmes
sont mpitaiza zaza, bonnes d'enfants ; mpiasa vavy mpikarakara tokantrano,
femmes de ménage ; mpivarotra, vendeuses ; mpitsabo mpanampy, infirmières ;
mpampianatra, institutrices ; mpitsara, juges ; dokotera mpitsabo, médecins ;
profesora, professeurs,
etc. Elles apprennent ainsi davantage la langue
dominante.
On retrouve là le schéma « langue de la maison / langue
d'emploi » inversé. D'une part, il semble que les femmes attachent plus
d'importance à l'instruction que les hommes, et singulièrement à
l'éducation de leurs filles. Selon S. LIEBERSON : « le degré de
multilinguisme est sensiblement égal chez les garçons et les filles de
moins de quinze ans ; puis l'écart se creuse de plus en plus avec l'âge »
(Lieberson, S. 1971 : pp.231-264).
Elles ont donc tendance à intérioriser la norme dominante. Dans
les situations de contact entre différents parlers - le malgache officiel
considéré par bien de locuteurs comme étant le parler merina -, on a pu
constater que les femmes, une fois sorties de l'isolement, tendent vers le
parler le plus prestigieux, peut-être parce que la promotion sociale est
pour elles plus vitale. Elles modifient parfois leurs accents en mimizy,
manao izy, dire izy selon les Tandroy, pour se moquer de ceux qui imitent
le parler merina.
D'autre part, les femmes se retrouvent dans bien des cas chefs de
famille : presque 20 % du nombre total des femmes à Madagascar (23
876, selon les statistiques sur les femmes tuléaroises) 27. Le père étant
chômeur, mort ou disparu de la circulation, cas très fréquent, c’est la
femme qui prend la relève. Par désir de statut social pour elles et pour
27
Cf. : section : Analyse et données statistiques sur la femme à Toliara, p. 84.
128
129
leur famille, elles apprennent la langue étrangère par une attitude de
défi.
Dans les régions de grande pénétration touristique, tels que
Ifaty, Saint-Augustin, Bezaha, etc., ce sont les femmes qui perdent plus
facilement la langue. L'exode rural touchant plus la population féminine
que les hommes, ce sont les femmes qui assurent le contact avec les
vahiny, (les étrangers), soit qu'elles trouvent du travail, des petits
boulots,
soit
qu'elles
se
prostituent.
On
observe
souvent
"un
modernisme" plus grand chez les femmes jeunes et "évoluées" que chez
les hommes et un plus grand désir d'intégration dans la communauté
étrangère. Ainsi, ce sont les hommes qui se retrouvent promus au rang
de gardiens de la langue.
Les
témoignages
divergents
sur
le
multilinguisme
et
le
conservatisme linguistique nous prouvent que c'est bien la situation
sociale qui en est la cause et non la "nature féminine". L'âge, le degré
d'instruction et d'urbanisation jouent donc un rôle important et tout est
fonction de situations spécifiques : prestige social de la langue,
isolement relatif, accès au monde du travail. Le conservatisme n'a rien à
voir avec le sexe. Ce qui est sûr, par contre, c'est que la femme
continue à jouer un rôle important dans la transmission de la langue, car
c'est elle qui a, le plus souvent, la charge des enfants.
129
130
CONCLUSION
Nous avons amplement démontré que les relations entre variétés
de
langue
et
différenciation
de
genre
sont
caractéristiques
des
différentes sociétés dans notre zone de recherche. En général, la
stratification sociale, c’est-à-dire l’ordre hiérarchique au sein des
groupes repose sur des valeurs et des critères variables selon les
cultures, tout autant que selon les réalités socio-économiques. Mais des
strates intermédiaires complexes qui, par le jeu de leurs relations
mutuelles interfèrent : force traditionnelle / force moderne ; monde
urbain / monde rural. Cette stratification est également basée sur le
système de séniorité dans la famille, ny maharay aman-dreny, les castes
sociales , ny mpitankazomanga ou religieuses , ny mpisoro, le genre , ny mahalahy
sy mahavavy et enfin, les classes d’âge, ny fizokiana. Les inégalités sont
perçues en terme de prestige et de pouvoir beaucoup plus qu’au niveau
des richesses détenues, ny raim-pianakaviana
Ainsi, à ce schéma
s’ajoute un schéma socio-culturel dont les
valeurs les plus manifestes sont perçues à travers les comportements
linguistiques, pour désigner une situation linguistique caractérisée,
visible dans les différentes situations de la communication. C’est la
raison pour laquelle aucune femme ne prononce un discours, car la
langue appartient à celui qui a le pouvoir : ny filoha, un chef ; ny raimpianakaviana, un mari ; bref, l’homme par rapport à la femme.
Nous savons très bien que la langue appartient aux hommes
surtout depuis le temps du patriarcat. Ils ont le monopole de la langue
forte, de l'argot, ils respectent moins les tabous verbaux. On prouve
aisément que les femmes répugnent "naturellement" au langage grossier,
qu'elles sont plus polies que les hommes. Là encore, la position
socialement inférieure des femmes, qui les amène à être moins
assertives, moins agressives est sans doute en cause. Les femmes sont
plus conservatrices que les hommes. C'est vrai tant que les femmes
restent à la maison. La conservation des langues menacées est
directement liée aux structures socio-économiques et à la prise de
conscience sociale et politique.
130
131
TROISIEME PARTIE
LES DIFFERENCES ENTRE PARLER DES HOMMES ET
PARLER DES FEMMES
131
132
INTRODUCTION
La différenciation linguistique entre hommes et femmes ne
saurait s'étudier dans un cadre abstrait. Il est indispensable de prendre
en compte tous les facteurs qui entrent en jeu dans la communication et
qui constituent l'interaction verbale. D’une part, l'interaction verbale
s'insère dans le cadre plus large de la communication, à la fois verbale
et non verbale. D'autre part, le code linguistique fonctionne en
conjonction avec d'autres codes tels que mimique, code gestuel,
comportement, etc.
Il faut donc élargir le champ d'analyse afin d'établir des
corrélations entre tous les traits qui servent à la démarcation sexuelle,
que ces traits soient « naturels » ou « culturels ».
Ainsi, nous allons définir le comportement langagier des
hommes et des femmes, c'est-à-dire, les attitudes que ces derniers
adoptent vis-à-vis du langage, les registres linguistiques, l'activité
verbale en tant que mode d'expression, etc.
Cette troisième partie sera constituée de trois chapitres, dont les
contenus
seront :
la
situation
de
communication,
la
dissymétrie
syntaxique et la dissymétrie sémantique.
Dans le premier chapitre, nous définirons ce qu’est une situation
de communication : à quoi cela peut-il servir dans l’analyse de la
langue
des
hommes
et
des
femmes ?
Quels
rôles
jouent
les
interlocuteurs dans la compétence linguistique ?
Le deuxième chapitre nous amène aux différents stéréotypes et
métaphores avec lesquels on désigne les femmes : certains sont
mélioratifs ; d’autres sont péjoratifs.
132
133
Le troisième chapitre mettra en exergue ce que les dictionnaires
disent à propos des femmes : comment dénote-t-on les femmes et
comment la communauté linguistique les connote-t-elle ?
133
134
CHAPITRE I
3.1. LA SITUATION DE COMMUNICATION
L’objet de ce chapitre est de nous faire comprendre que l’acte de
parole renferme plusieurs réseaux de communication dont certains sont
nécessaires à définir, entre autre, l’énonciation, de nature sociale. Il
nous appartient de l’étayer dans les sous-chapitres qui suivent.
3.1.1. La notion d’analyse de discours
Dès le début, nous aimerions définir ce qu’est le discours et son
univers pour mieux nous orienter vers l’objectif de notre recherche. « Le
discours, selon E. BENVENISTE , est une énonciation supposant un locuteur et un
inter-locuteur et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière »
(Benveniste, E. 1966 : p.242). Le discours suppose au moins deux personnes,
l’une
transmettant
un
message
qui
sera
reçu
par
l’autre.
Ces
protagonistes du discours, l’émetteur et le récepteur, peuvent être
proches, c’est-à-dire dans l’espace, face à face, au téléphone, ou
éloignés dans le temps.
Une autre définition nous permettra de mieux avancer dans la
compréhension, le commentaire et l’explication de la théorie ; selon S.
MOIRAND : « on appelle situation du discours l’ensemble de circonstances au
milieu desquelles se déroule un acte d’énonciation (qu’il soit écrit ou oral). Il faut
entendre par là à la fois l’entourage physique et social où cet acte prend place,
l’image qu’en ont les interlocuteurs, l’identité de ceux-ci, l’idée que chacun se fait de
l’autre (…), les événements qui ont précédé l’acte d’énonciation (Moirand, S. 1992 :
p.11)
134
135
En effet, l’énonciation est le produit de l’interaction d’au moins
deux individus socialement organisés et, même s’il n’y a pas un
interlocuteur, on peut substituer à celui-ci le représentant moyen du
groupe social auquel appartient le locuteur : le mot s’adresse à un
interlocuteur ; il est fonction de la personne de cet interlocuteur ; il
variera selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme du même groupe
social ou pas, selon qu’il est lié ou non au locuteur par des liens
sociaux plus ou moins étroits (mari, père, frère, etc.).
Par ailleurs, la situation de la communication ou du discours est
un univers où se mêlent des éléments linguistiques et extralinguistiques.
Ces éléments peuvent être intérieurs ou extérieurs aux sujets parlants.
C’est ainsi que l’accent est mis sur l’environnement spatio-temporel, où
se déroule l’échange. La conversation entre mari et femme se déroule
différemment à la maison que sous un tamarinier pendant le kabary, le
palabre. Les rapports psychologiques des interlocuteurs : âge, sexe,
rang social… Tous jouent un rôle important : le bruit ou le silence,
l’objet du discours à tenir, etc.
Les hommes entre eux et les femmes entre elles adoptent des
registres différents qui sont un reflet de rôles ou de centres d'intérêt
différents. Les domaines traditionnels de la femme étant le foyer, les
enfants, la cuisine, la couture, etc. et ceux des hommes, les différents
métiers dits d'hommes, tels que garder les boeufs, bêcher la terre,
pratiquer des sports, faire de la mécanique, etc. Cela détermine des
compétences lexicales différentes, c'est-à-dire une différence dans les
stocks de vocabulaire disponible. Les femmes sont dressées à se taire
partout dans les sociétés malgaches traditionnelles. Mais elles peuvent
être toutes puissantes à l'intérieur des ménages restreints, tokantrano,
tandis que dans la sphère villageoise publique, elles occupent une
position subalterne; elles ne font qu'écouter. Et avant d'envoyer la
mariée dans son nouveau foyer, le porte-parole de la famille prononce
un discours qui lui rappelle qu'une femme qui sait écouter, sait retenir
un homme. Donc, les hommes ont le contrôle total du discours. Ny
135
136
akohovavy tsy maneno alohan'ny akoholahy, la poule ne doit pas chanter devant
28
le coq ou encore : Aza manao akohovavy maneno, ne fait pas la poule qui
chante. Et pour se moquer d’une femme qui parle trop en présence des
hommes, on dit : ampela mikeokeo, en la comparant à une poule qui
caquette.
Il est très fréquent dans notre société tuléaroise de voir les
hommes qui ont tendance à dominer dans la conversation mixte. Voici
ce que ZIMMERMANN et WEST ont dit à propos de cela : "Les hommes
refusent aux femmes un statut d'égalité dans l'échange verbal. Ils ne respectent pas
leur droit à la parole et ne leur laissent pas le choix des sujets de conversation. On
peut donc considérer que le contrôle par les hommes des macro-institutions dans la
société trouve un écho dans le contrôle, sinon total, du moins partiel, de microinstitutions telles que la conversation" (Zimmermann, D. et West, C. 1975: p. 115)
Ce qui nous paraît, au moins au niveau de l'expérience
personnelle, correct. Dans une classe d'élèves ou d'étudiants mixte,
nous avons souvent constaté le manque d'assertion des filles; les
garçons, même en minorité ont tendance à monopoliser la parole. Le
même
phénomène
s'observe
dans
toutes
les
assemblées
mixtes,
politiques, syndicales ou autres. Les prises de parole des hommes sont à
la fois plus fréquentes, plus longues, et surtout plus influentes, car les
femmes ont appris à laisser la parole aux hommes. Mais ce schéma
d'inégalité peut se reproduire entre femmes qui ont le verbe facile et
celles qui ne l'ont pas.
Dans toutes les cultures du monde, la sagesse populaire nous
assure, par la voix des proverbes, que les femmes parlent infiniment
plus et infiniment moins bien que les hommes.
En voici un échantillonnage:
1. C'est un don de Dieu qu’une femme silencieuse. (La Bible).
2. Il y a mille inventions pour faire parler les femmes, mais pas une pour
les faire taire. (France).
28
Voir corpus, p. 289.
136
137
3. Les hommes parlent, les femmes jactent (Espagne,).
4. Les paroles de l'homme sont comme la flèche qui va droit au but, celles
de la femme ressemblent à l'éventail brisé. (Chine).
5. La femme a les cheveux longs et la langue encore plus longue. (Russe).
6. Quand la femme ne sait plus que répondre, c'est que la mer est vide.
(Tchèque).
7. Si ton épouse ne parle pas beaucoup, offre-lui une petite servante à
moitié sourde. (Malgache).
A travers ces proverbes, les hommes sont reconnus comme ayant
le don de la parole. Ils savent s’exprimer et trouvent les mots pour dire
ce qu’ils pensent. Ils tournent sept fois la langue avant de se prononcer,
tandis que les femmes s’expriment à tort et à travers. Si on donne la
parole aux femmes, elles en profitent et n’arrivent plus à tenir leur
langue. En somme, les hommes parlent peu par rapport aux femmes
mais à bon escient. Ainsi, l'opinion selon laquelle les femmes abusent
de la parole semble donc universellement partagée. Les hommes
n’abusent de la parole que « si et seulement si » ils ne sont pas dans
leur état normal. C’est ce que nous trouvons dans La mère Rangonala,
où le pauvre pêcheur a amèrement regretté le départ de la belle
Sanera. 29
3.1.2. La femme et l’expression orale
Mais qu’est- ce donc que l’expression ? L’expression orale est
une activité commune à tous les êtres normaux. Elle est ordinaire,
certes, mais elle n’est pas un phénomène simple. Elle implique une
compétence
discursive,
pour
l’organisation
du
discours ;
et
une
compétence stratégique réalisable grâce à l’utilisation des palliatifs de
la voix.
Ainsi, la question qui se pose est : « est-ce que les femmes ont
l’intelligence et le raffinement pour participer à la catégorie de l’expression, cette
catégorie générale, de rang supérieur, qui englobe l’acte de parole, l’énonciation ? ».
29
Voir corpus, p. 267.
137
138
Une autre question, plus simple, plus grossière s’ajoute à cela : Pourquoi
les hommes trouvent-ils les femmes bavardes? Dans le discours masculin, on dit
que : miketsoketso, mibasivava ny ampela, la femme bavarde tandis que miady
hevitra, manadihady ny lehilahy, mandinika,
l'homme discute . Le verbe
"bavarder" 30 sous-entend des choses futiles, alors que "discuter" 31
annonce quelques choses de sérieux. La parole doit être signifiante,
voire fonctionnelle, celle de la femme est insignifiante, donc inutile.
Et s'il est vrai que la femme se réfugie dans le bavardage futile,
c'est qu'elle n'a pas accès à autre chose. La logorrhée est une
manifestation d'impuissance, c'est parler pour parler. Tout se passe
alors comme si l'excès de paroles, le bavardage, devient un substitut de
pouvoir, une compensation à l'absence de pouvoir. On peut dire qu'il
s'agit d'un moyen de compenser la frustration entraînée par l'absence de
pouvoir. La maîtrise de la parole, de la parole signifiante, assertive,
fonctionnelle, est donc un instrument d'oppression mâle comme elle est
l'instrument d'oppression de la classe dominante.
Pour continuer plus loin l'analyse, il paraît nécessaire de faire
une évaluation critique du rapport au langage des hommes et des
femmes. A titre d'exemples, nous rapportons ci-dessous
quelques
réactions que les interviewés nous ont confiées. Ce sont des réponses
données par des hommes et des femmes, interviewés séparément à
propos de ce qu’ils pensent des femmes :
1- Be resakey ñ’ ampela. Miresake, miresake, zao avao ro raha hain-drozy atao,
ñy mimentsomentso noho mihehihehe avao tontoloñ’ andro.
Les femmes parlent trop. Elles causent, elles causent, c'est tout
ce qu'elles savent faire. Elles jacassent et elles rient toute la journée.
(Homme chef de famille, 52 ans, Ankililoaka.)
2- Tsy azo inoa kahe ty ampela naho tsy ho tea volañe. Siloke naho tsy mivolañe
ndraike andro reke. Mitoka namañe hivolaña ?e.
Il est inconcevable qu'une femme ne soit pas bavarde. Elles sont
malades si elles ne papotent pas dans une journée. Elles invitent même
30
31
Entrée bavarder : RAKOTONAIVO F. 2003 : p. 81.
Entrée discuter : op. cit.
138
139
des amies si elles ne trouvent personne pour pérorer. (Homme chef de
famille, 47 ans, Mangily).
3- Sambe ama ty tandrife aze naho misy fivoriañe : ty lahilahy añilae, ty ampela
añilae, sambe mana ty safàe. Ty lahilahy manao debà : ndraike politike,
ndraike zaka hafa, ty hasarota-mpiaiñane ty manahirañ’aze ; ty ampela
mirehake ty trañoe, ohatre ty fanake, na ty fitaizañ' ajaja, naho lamody.
Chacun se trouve de son côté lorsqu'il y a une réunion : les
hommes, d'un côté, les femmes, de l’autre, car chacun a son discours.
Les hommes font des discussions : soit politiques, soit autre chose, la
cherté de la vie, mais les femmes parlent de sujets divers: à propos du
ménage, ou concernant l'éducation des enfants et la mode… (Zana, une
mère célibataire, 34 ans, Saririake).
4- An-tanà eo reo mitabake, na mirehake an-tranon'ny namany ao... Miasa
mandilatra ny lahilahy ty ampela hananikizao; ny lahilahy vozaka baka antonda añy, le mitoboke an-trano ao, fa ty ampela mbo mandeha mantsaka,
naho mbo manao kinanga…Tsy tratra an-trano sasy rozy; vasa naho tsy
nanambaly raho, tsy nangalake ampela mahavita teña manao io, fa
mampamarahy!
Au village, elles font des masques de beauté, bavardent chez
l'une ou l'autre. Maintenant, elles travaillent plus que les hommes qui
de retour des champs restent chez eux, alors que les femmes ressortent
pour chercher de l’eau et surtout font encore du commerce…On ne les
voit plus à la maison, si j'étais célibataire, je ne pourrais épouser une
femme indépendante sans devenir jaloux! (Enindraza, un homme marié,
47 ans, Andranovory).
Des
complètent
locutions
ce
et
tableau
des
expressions
pour
parler
des
de
la
langue
femmes :
courante
resa-behivavy,
littéralement : propos de femme, désigne tout propos absurde, c'est-àdire naturellement sans signification, mais du coq à l'âne et dans le but
de parler de quelqu'un ou de parler d’un rien. On dit aussi manao lamone,
littéralement :
échanger
en
petite
monnaie.
C'est
ce
que
les
139
140
commerçants font lorsqu'ils n'ont pas assez de monnaie à rendre, ils
vont par- ci, par- là pour en trouver. Les femmes en font de même pour
se griser de commérage ; manao resake tsy vitavita, des bavardages à n’en
plus finir ; manisy traka, littéralement : ajouter de la brède. Pour ne pas
rester dans la simplicité de la conversation, ni proche de la vérité, on
grossit le sujet de conversation ; matavy vola, littéralement : donner du
goût à la conversation ; manisy sira, littéralement : saler ; manao resaka anjorony : littéralement : mener une conversation à part, dans son coin.
D’une manière générale, l’expression orale est constituée d’une
forme et d’un fond. Le fond exprime directement ce que le locuteur
énonce comme idée. La forme, elle, veille à suppléer ce que dit le
locuteur. Autrement dit, un locuteur se sert du langage pour exprimer
réellement ce qu’il a envie de dire. Plutôt que de parler pour ne rien
dire, il use à bon escient de cet instrument de communication avec le
seul but de se faire comprendre. Ainsi, il doit exprimer son message
avec des idées originales qui épousent naturellement les informations
fournies et les sentiments à exprimer.
Pourtant, H. RANJATOHERY (1992 : p. 40) dans son poème intitulé,
Ny ranomasom-behivavy, pense que les femmes ne sont pas assez qualifiées
pour se faire comprendre. Elles ne savent pas définir clairement
l’essentiel de leurs propos. Elles ne font que pleurer lorsque leur désir
n’est pas réalisé :
Ny ranomasom-behivavy:
Vetivety dia mitobaka
Rehefa injay ianao tsikariny
Ho tsy miraika firy loatra
Amin’ny resa-boro-dambany,
Amin’ny resa-boninkazony,
Amin’ny resa-tsaka keliny...
.......................................
Ranomaso mahasosotra.
140
141
Traduction
Les larmes des femmes,
Rapidement débordent
Lorsqu’elle t’aperçoit
Non ému
Des causeries à propos de ses chiffons,
Des bavardages à propos de ses fleurs,
Des récits à propos de ses chatons…
………………………………..
Des larmes ennuyantes.
A l’opposé des hommes donc, selon ce poème, les femmes ne
peuvent pas et ne s’attendent à rien pour changer leur vision du monde
ou leurs rapports avec le discours et le langage. Elles y voient une
thématique limitée et souvent répétitive. En revanche, nous constatons
généralement que, dans notre société, à Toliara, les hommes usent des
paroles mielleuses, du langage fleuri, des mots d’esprit, des baratins,
des boniments, des injures et même des agressions verbales, pour
maintenir les relations sociales ou pour parvenir à leur but. Ceci n’est
pas pour dire du mal d’eux, car nous, les femmes, nous ne pouvons pas
vivre sans eux, mais c’est pour souligner qu’il faut assurer une bonne
argumentation et une cohérence du discours, si on cherche à être
entendu. Par conséquent, il faut faire preuve d’une prise de conscience
du vrai fonctionnement du système langagier pour bien communiquer.
3.1.3. La compétence communicative
La
compétence
communicative
n’est
qu’une
partie
de
la
compétence linguistique. Effectivement, la compétence linguistique
dénote une aptitude spécifiquement individuelle à reconnaître et à
comprendre une infinité de phrases jamais entendues auparavant. La
compétence linguistique ne prend pas le contre-pied de la compétence
141
142
communicative :
au
contraire,
elle
la
complète.
La
compétence
communicative relève d’une organisation fonctionnelle des moyens
linguistiques. Elle implique les capacités de perception, d’interprétation
et
de
compréhension
du
sujet
parlant.
En
d’autres
termes,
les
spécialistes parlent de « la compétence » tout court pour désigner la
compétence linguistique et de la « performance » pour la compétence de
communication. De toutes les façons, elles sont toutes les deux,
indissolublement liées. R. DASCOTTE l’a souligné en ces termes : « La
performance sans un minimum de compétence ne permet pas d’initier
l’enfant aux tournures essentielles de la langue. La compétence sans la
performance nous entraîne vers le dogmatisme et le formalisme… »
(Dascotte, R. 1968 : p. 44).
C'est un fait bien connu que les filles apprennent à parler plus
tôt et mieux que les garçons. A partir de 18 mois, elles font moins de
fautes de grammaire que les garçons et sont plus aptes à construire des
phrases complexes; elles articulent mieux et ont plus d'aisance verbale.
Mc CARTHY (1953 : pp.155-160) estime que l'environnement de la
petite enfance et la relation à la mère jouent en faveur des filles, qui
ressentent moins d'insécurité, sont plus souvent en contact avec le
modèle à suivre (la mère) et verbalisent davantage dans leurs jeux.
Nous avons comme exemple une petite fille de 4 ans qui joue au
tantara et qui imite la voix et le geste de sa mère tout au long de son
récit. Le jeu du tantara, l'histoire ou le récit consiste à choisir un caillou
qu'on tape sur un autre caillou ou sur le sol tout en improvisant un récit
et mimant le personnage qu'on invente. Mais d’après les psychologues,
l’aphasie, la dyslexie sont plus répandue chez les mâles de tous âges. Il
n'existe pas, par contre, chez les garçons comme chez les filles, de
différences significatives pour ce qui concerne la fluidité, qui se
caractérise par l'absence de formes "bouche-trou", telles que aah, eeh,
hmm, aan; les expressions: nao…, dis… ; enteo…, regarde… ; hainao moa…, saistu… ; fantatrao…, connais-tu … ; hitanao…, as-tu vu… ;
etc. et les phrases
laissées en suspens.
142
143
Il y a des emplois rituels, ludiques, esthétiques, conventionnels,
qui sont tous codifiés comme éléments du comportement social.
Certains modes de discours étaient surtout auparavant réservés aux
femmes, le fait de raconter des histoires ou inventer des contes pour les
enfants, ny fitantarana angano. C'est la raison pour laquelle chez les
Betsileo ou les Merina, ny anganom-bavy antitra, les contes des bonnes
femmes se passent toujours auprès du foyer, le soir, pour garder les
enfants éveillés, lorsque le souper tarde.
Le récit rituel ou épique est le plus souvent une forme
d'expression masculine, de même, bien sûr, que le langage cérémoniel,
lors du savatsy, la circoncision ou du mariage ny tandra, ny fandeo. Il est
déshonorant et interdit pour les femmes de prendre la parole à la place
des hommes. Le discours, ny kabary en Imerina ou chez les Betsileo , ne
s'ouvre que depuis peu aux femmes avec leur phraséologie spécifique ;
mais le kabary, une sorte de débat public ou de tribunal à l'ombre du
tamarinier appartient au fokonolona, l'organisation sociale de base la plus
répandue dans toute l'île.
Parmi les formes mineures de discours, le mot d'esprit, le
calembour, le badinage, sont aussi fortement monopolisés par les
hommes.
Que
reste-t-il
donc
aux
femmes?
Encore
une
fois
essentiellement le bavardage et le commérage d'où elles ont un certain
mal à sortir.
•
Les thèmes et le contenu du discours
La forme du discours est affectée par son thème. La division des
rôles et des tâches débouche sur une division des compétences, entre
autres linguistiques. Forme et thème sont en interaction constante.
On n'adopte pas le même registre selon qu'on fait un exposé
politique, ou selon qu'on prononce un discours officiel. Le choix du
registre est également lié aux circonstances: réunion publique ou
informelle, à caractère officiel ou privé. Là le sexe, la division par
classe d'âge et classe sociale sont encore pertinents. Cependant la
143
144
différenciation sexuelle est constamment soulignée: "les bonnes femmes
sont incapables de parler politique", sous-entend : elles sont incapables
de penser politique. Elles ne savent que parler des chiffons (ce qui est une
expression masculine), souligne qu'elles sont incapables de penser à
autre chose. Revenons au poème de H. RANJATOHERY qui précise que
les thèmes du bavardage féminin sont composés de :
… resa-boro-dambany, (bavardage à propos de ses chiffons)
…resa-boninkazony, (…à propos de ses fleurs)
…resa-tsakakeliny… (…à propos de ses chatons…)
La pensée étant étroitement liée au langage, donc qui ne sait pas
dire ne sait pas penser ; se cantonner dans ce langage-femme tel qu'il
nous est assigné par la société, c'est accepter d'être définies par ce
langage-femme.
•
Les principes de la forme
Pour énoncer un procès dans une situation donnée, il convient de
prendre en compte certaines précautions, notamment des précautions
vocales ; une speakerine de télévision règle différemment sa voix en
énonçant le journal télévisé ou si elle bavarde avec une collègue de
travail. Comme l’intonation, le volume de la voix doit être expressif ;
de même, l’articulation doit être claire. Les voix féminines manquent
d’autorité mais elles prennent aussi des connotations péjoratives : les
voix perçantes, mikiakiake, haut, perchées évoquent l’institutrice dans les
classes primaires. La voix est aussi un indicateur essentiel de l’âge et
du sexe.
Pour un jeune garçon qui change de voix au seuil de la puberté,
on dit vaky feo, littéralement : avoir la voix cassée ; s’il ne rencontre pas
cette expérience dans sa vie, il gardera toute la vie une voix de fille, et
sera probablement la risée de ses entourages en tant que lahilahy manao
feon’ampela, littéralement un homme avec une voix de femme. Or la voix
144
145
est un élément de séduction, elle change au fur et à mesure que le jeune
garçon grandit. Il aura une voix grave, be feo, littéralement : grosse
voix. On se moquera de lui s’il garde une voix de fausset, kely feo, qui
normalement appartient aux femmes.
Donc, l’écart de hauteur entre voix d’hommes et voix de
femmes, une caractéristique résultant de la puberté, peut être renforcée
par les valeurs culturelles qui s’y rattachent : les femmes pérorent,
mikaramentsona, les hommes rugissent, mitrerona. Quand les femmes
chantent, en alto ou en soprano, miantsa, les hommes suivent en voix de
basse, mibeko,
tandis que les autres membres du groupe chantent et
dansent en même temps, mibanaike, mitsinjake (Tandroy).
Une autre caractéristique de la voix féminine se réalise par le
rire aigu féminin mikakakaka ou mitohake ; les gestes et les expressions
faciales devraient naturellement être adaptés aux sentiments à exprimer.
Le regard maintient aussi le contact lors d’une interaction verbale en
face à face ; il assure un rôle crucial ; c’est pourquoi les tresseuses de
nattes connaissent bien le proverbe : Toy ny mason’ny mpandrary : mijery ny
an-kazony, mandinika ny an-dalan-drambony 32, comme
les
yeux
de
la
tresseuse : ils regardent de deux côtés à la fois : elle est consciencieuse
et attentionnée à ce qu’elle fait.
Dominer ce paramètre du discours revient à dire que l’on a
maîtrisé la compétence de la communication orale. Mais GUMPERZ a
puisé de nouvelles sources de travail en précisant que la compréhension
du monde ne dépend pas seulement de l’existence de structures
rationnelles ; elle passe aussi par « l’interprétation » de la réalité que
font les acteurs sociaux, qui jouent un rôle actif dans la construction du
monde. De
même,
selon
cet
ethnologue
de
communication,
la
compréhension d’un message passe nécessairement par l’interprétation
que fait l’auditeur des structures verbales dont s’est servi l’émetteur. Or
cette
32
interprétation
dépend
en
grande
partie
des
circonstances
Voir annexe, p. 276, n°15.
145
146
immédiates de la situation, ainsi que d’une foule de présupposés de
nature
individuelle
ou
socioculturelle.
Prenons
l’exemple
de
l’expression : fa gege, qu’on traduit littéralement par « c’est fou, ou c’est beau » ;
mais ceux qui utilisent la langue comprennent que cette expression est une ironie : on
l’emploie lorsqu’on dit le contraire de ce que l’on pense. Par rapport à ce qui est
normal, gege ou gaigy, fou ou stupide, celui qui a perdu la raison, pris comme normal,
extraordinaire et fantastique même. Les jeunes s’adressent entre eux en disant : « fa
gege pozinao toy, koahe ! », traduction littérale : tu te mets en trente et un !
C’est justement sur cette perspective, qui peut apporter un renouveau à l’étude
du sens, que nous allons passer à l’analyse de la dissymétrie syntaxique concernant la
relation homme-femme.
146
147
CHAPITRE II
3.2. LA DISSYMETRIE SYNTAXIQUE
La langue est l’indicateur de mouvements sociaux, économiques
et politiques. Elle permet de nous montrer la manifestation linguistique
de phénomènes sociaux et parle de la réalité sociale. L’observation des
communautés ou des groupes linguistiques permet de définir les limites
et les conflits à l’intérieur de la langue. La variable sexe est
inséparable, qu’on le veuille ou non, d’autres variables telle que niveau
d’instruction, âge, catégorie d’activité. De l’interaction de ces variables
émergeront des registres relatifs aux hommes ou aux femmes et qui
créent la dissymétrie dans la langue. Qu’entend-on par dissymétrie ?
L‘égalité entre l’homme et la femme devrait-elle se refléter dans la
langue ? Et si c’est le contraire, d’où viennent les résistances ? Ce
chapitre va nous permettre de décrire les stéréotypes, les métaphores et
les axiologies contenus dans les variétés régionales à Toliara pour
pouvoir répondre à ces questions.
3.2.1. Les stéréotypes à propos de vavy / lahy
Le stéréotype est un ensemble de traits censé de caractériser ou
typifier une certaine représentation. Disons que le stéréotype est
simplificateur, généralisateur, positif ou négatif voire contradictoire. La
fonction des stéréotypes est d’occulter la réalité en opérant des
simplifications
confortables,
car
les
stéréotypes
sont
loin
de
correspondre à la réalité. La dualité rend le stéréotype très remarquable,
car la confrontation favorise les attitudes discriminatoires.
En effet, tel milieu, tel groupe social est représenté par tel type
d’expression.
Ces
stéréotypes
peuvent
être
de
langage,
de
comportement, de vêtements, etc., selon les besoins de la typologie
sociale ; ils permettent le raccourci, et évitent de présenter les
personnages qu’on peut relier à un archétype connu. Les stéréotypes
147
148
sont donc forcément schématiques et tendent vers l’exagération. Ils
contiennent de l’humour et il suffit de forcer un peu le trait pour tomber
dans la caricature. C’est un des éléments qui créent et affirment « la
dissymétrie ou la non correspondance à la réalité » dans la langue.
Le message codé en langage stéréotype se double d’un métalangage, il dénote l’appartenance sociale du locuteur, son niveau
culturel et son idéologie.
Or, il y a un conflit entre ce qu’on pense du langage féminin et
ce qu’il est réellement. Selon JESPERSEN, les femmes ont une fâcheuse
tendance à laisser les phrases en suspens, car elles commencent à parler sans avoir
réfléchi. De même, les hommes excellent aux jeux de mots, car ils sont sensibles aux
allitérations et aux assonances, alors que les femmes ne savent pas en faire et ne les
comprennent pas. Elles apprennent plus vite les langues étrangères, mais elles sont
des mauvaises linguistes. Cette rapidité en elle-même est un handicap, car elle
empêche d’approfondir la réflexion. Les femmes font un usage immodéré de
l’hyperbole et des intensifs, car elles ont toujours tendances à exagérer (p.241, op.
cit.). En somme tout cela est naturel et inné ! Ce n’est pas étonnant si le
33
proverbe dit : Basin’angalisy, ka ny feon-dreniny ihany no feon-janany , traduction
littérale : semblable au coup de feu d’une arme anglaise, le premier coup ressemble au
reste. (se dit du caractère héréditaire de la mère à sa fille).
Chacune des caractéristiques attribuées aux femmes, à tort ou à
raison,
est
susceptible
de
recevoir
une
interprétation
sociale.
L’opposition entre les stéréotypes masculin / féminin correspond au
schéma domination / soumission dont on nous fait croire qu’il est ancré
dans la nature.
Les mêmes clichés reviennent toujours dans les différentes
représentations que l’on se fait du langage : l’homme est actif, créatif ,
lehilahy miasa, mamelona,
miandry
la femme est passive, conservatrice, vehivavy
velomina. L’homme est libre et hardi, la femme est prude et
timorée ; elle s’attache au concret, à l’homme les grandes idées ;
33
Voir annexe, p. 276, n°10.
148
149
l’homme a de l’humour, la femme en est dépourvue ; l’homme réfléchit,
la femme bavarde.
Ce qui explique que, de tout temps, les femmes ont été traitées
comme des mineures et des attardées. Les hommes sont condescendants
et ont tendance à parler aux femmes comme on parle aux enfants.
D’ailleurs,
nous
disons : Manao
akory
ny
fahasalaman’ny
ankizy ?,
littéralement : comment vont les enfants ?, ( ce qui sous-entend :
madame et les enfants). La femme fait partie des enfants, en somme elle
n’a pas son indépendance, elle est toujours, mineure ; dans certaines
sociétés, elle a le même niveau social que les enfants. Ce qui nous
oblige à se poser de questions : cette situation cesse-t-elle avec l’accès
des femmes à l’enseignement ? Quand est-ce qu’enfin va-t-on la
considérer comme majeure ? Le préjugé, en tout cas, a la vie dure.
Nous venons de dire que le stéréotype est une forme de
caricature. Or, on ne peut caricaturer que ce qui existe où un véritable
dressage s’effectue dès le plus jeune âge pour accentuer les différences
sexuelles et pour supprimer toute ambiguïté. Ce dressage est évident
dans le domaine du comportement, de l’habillement.
« Tsy ho sarin-dahy na ho sary ampela aja ao », littéralement : que
l’enfant
ne
soit
ni
image
d’homme,
ni
image
de
femme.
(Littérairement : pour que l’enfant ne soit ni garçonnet, ni femmelette).
Le langage au même titre que d’autres codes tout aussi
signifiants dans la communication, tels que code gestuel, mimique,
façon de marcher ou de s’asseoir, tous contribuent à la formation de
l’identité sexuelle.
Les
enfants
s’identifient
tout
d’abord
à
leur
mère,
sans
distinction de sexe. Ils apprennent à parler, essentiellement avec elle.
Dans leurs jeux, ils commencent déjà à se distinguer : les petites filles
imitent leur mère, elles jouent aux poupées, milalao saribakoly, ou à faire
la dînette,
manao kinahandro, na tsikoninkonina, ou à être une petite
ménagère, manao tamaboha na tsikitraño, etc.
149
150
Les petits garçons apprennent à parler « homme » en même
temps qu’ils s’identifient au père. Ils encourent la réprobation sociale
s’ils transgressent la barrière sexuelle dans le langage comme forme de
comportement. Rien de tel pour les petites filles qui continuent de
parler « femme ».
Le langage n’est qu’un élément dans un ensemble plus vaste de
codes de comportement. Les transgressions sont généralement mal
vues : les femmes sont traitées « d’hommasses »,
fihetsin-dahy, et les
hommes « d’efféminés », fihetsik’ampela.
Cependant, la transgression est plus grave venant des hommes,
parce que la place d’un homme dans la société est supérieure à celle de
la femme. C’est donc une manière de se rabaisser mijotso, mirorotra, s’il
s’exprime comme une femme.
La femme qui se comporte ou qui s’exprime comme un homme
est de mieux en mieux acceptée. C’est ainsi qu’on exhorte les femmes à
34
se comporter comme les hommes ho vehivavy sahy, mitomban-dahy,
littéralement : être une femme audacieuse, qui se comporte comme un
homme. L’inverse n’est pas vrai, car aucune expression n’existe dans
notre langage pour le dire : sahià mitombam-bavy, soyez forte (ou faible ?)
et comportez vous comme une femme, bien qu’un mouvement s’amorce
pour légitimer la composante « féminine » chez l’homme (dans le
domaine vestimentaire, en particulier) : actuellement, les hommes
portent des boucles d’oreilles, lehilahy mikiviro. Cependant, cette mode
unisexe
encourt
la
réprobation
des
couches
sociales
les
plus
conservatrices.
Cet écart entre registres d’hommes et de femmes se retrouve
aussi dans des domaines variés. C’est ce que nous allons suivre dans
l’étude des métaphores.
34
Voir corpus, p. 275.
150
151
3.2.2. La métaphore sexuelle
Originairement conçue dans la tradition aristotélicienne, la
métaphore était une figure de l’art oratoire et poétique. La métaphore
constituait alors un moyen utilisé par les locuteurs ou les auteurs
éloquents afin de donner forme à leurs pensées, avec l’idée sous-jacente
qu’il est toujours possible d’exprimer autrement, ou de remplacer
l’expression métaphorique par l’expression « propre ». Aujourd’hui,
cette approche en terme de « substitution » a été revue et est plutôt
considérée comme un procès suscité par la mise en relation de deux
domaines. Plus exactement, il s’agit non d’une simple mise en relation,
mais d’une structuration hiérarchique : on établit une relation entre
deux domaines en appliquant certaines qualités choisies de l’un sur
l’autre.
Généralement, la dénomination métaphorique est enracinée dans
l’expérience physique mais aussi dans les expériences culturelles et les
relations sociales. Un nouveau concept est ainsi structuré par une
expérience plus concrète et plus fondamentale. En somme, du point de
vue cognitif, selon LAKOFF
et JOHNSON, « la métaphore constitue
une sorte de superposition de deux domaines ou expériences. La
métaphore fournit des schémas qui organisent notre interaction avec le
monde. Mais aucune métaphore n’est ni " complète", ni " objective ", ni
" neutre" » (Lakoff, G. et Johnson, M., 1985, p. 137), car chacune
découpe son objet selon des plans ou des options déterminées. Par
ailleurs, une métaphore ne peut être ni fausse ni vraie, l’important est
de
reconnaître
qu’elle
ne
donne
qu’une
image
partielle
de
la
communication et véhicule une image spécifique qui sert à mettre en
relief certains aspects de la langue.
En ce qui concerne notre étude, nous allons décrire les différents
éléments qui « métaphorisent » la femme dans notre langue, qui est
essentiellement un moyen de communication et d’expression. Ainsi,
dans ce domaine, nous devons comprendre les systèmes qui gèrent
notre environnement où, la répartition de l’univers entre éléments
d’essence mâle, d’une part et éléments d’essence femelle, d’autre part,
semble être une constante dans l’humanité. Par exemple, à un niveau
151
152
très simple et concret y répondent les pièces mâles et femelles des
assemblages électriques : les prises mâles et femelles. La dichotomie
vavy, femelle / lahy, mâle ; malemy, passif / mahery, marisika, actif ; misaina,
raisonnable, rationnel, ara-tsaina, / tsy misaina irrationnel, tsy ara-tsaina gouverne
notre vision de monde. Prenons comme exemples les mots suivants qui
se prêtent à une interprétation en termes de symbolisme sexuel, lequel
peut être différent selon son propre mythe ou ses valeurs culturelles :
- Le jour / la nuit
- Le feu / l’eau
- Le ciel / la terre
- La vie / la mort
Selon le mythe tandroy et dans la plupart des représentations
populaires, la mort, lolo, est vue sous l’aspect d’une vieille femme
hideuse, qui crée la peur, et c’est aux femmes , mavokasaoty, qu’il
appartient de pleurer les morts. La peur de la nuit est liée à la peur de
la femme devenue sorcière, mpamosavy, qui enfourche son balai ou
prépare ses infâmes potions ensorceleuses tambavy, aoly, littéralement
faite par les femmes, nataom-behivavy. Ainsi, la femme a un visage de
ténèbres : elle est le chaos d’où tout est issu et où tout doit un jour
retourner. Mais de nouveau ici l’ambivalence joue : si la femme est
associée à l’idée de la mort, elle l’est aussi à la fécondité.
Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest de notre île, la lune, ny
volana, belle, traîtresse, faible, instable, maléfique présente plusieurs
caractères et est associée à la féminité. Ainsi, elle alimente non
seulement les rêves des poètes mais aussi les superstitions populaires :
son pouvoir est perçu comme inquiétant, mystérieux, le plus souvent
néfaste. Elle agit sur la santé, sur les humeurs, sur le temps, les marées,
etc., alors que le soleil, ny masoandro, principe d’énergie mâle, qui
devient symbole de la force virile, est toujours positif.
L’identification de la terre, ny tany à une femme se retrouve dans
toutes les cultures et à toutes les époques. Terre-mère, tany reny,
152
153
(littéralement), la patrie tanin-drazana, tany nihaviana, terre nourricière tany
mamelona. La terre-mère engloutit dans son sein les ossements, ny taolambalo, de ses enfants. Ce sont les femmes qui tissent la destinée
humaine ; mais ce sont elles qui en tranchent les fils.
Elle est à la base de nombre de croyances, de rites et de
superstitions. Les mines que contient le ventre de la terre sont assimilés
à un utérus, c’est-à-dire à la matrice de la Terre-mère, et les minerais à
des embryons : zaza an-kibon-dreniny // harena an-kibon’ny tany. La terre est
donc la matrice, la source, le giron, le refuge, l’origine et la fin de
toute vie. C’est la symbolisation de la patrie ou de la nation par une
femme. Mais la fécondité de la femme n’est regardée que comme une
vertu passive. Elle est la terre et l’homme la semence.
Le ciel, lui, est synonyme de Dieu-père, Zagnahary-Ray, puissant,
autoritaire et fécondant. C’est lui qui envoie la pluie pour féconder la
terre. Mais la pluie en tant qu’« eau », élément-mère, souligne son
caractère féminin et maternel. Or, en devenant violente, l’eau, ny rano,
change de sexe. Le flot déchaîné est masculin. On peut en rapprocher la
domination de l’océan sur la mer, du fleuve sur la rivière, du ruisseau
sur la source. Si la mer est une femme, l’océan ne peut être que mâle.
Les poètes en sont si convaincus qu’ils ont fait de la mer une perfide et
de l’océan un cruel. C’est le sexisme du langage. Mais ce qu’on veut
mettre en relief, c’est que le féminin est associé à l’idée de faiblesse et
le masculin à l’idée de force.
Les oiseaux, tels que les vorondolo, les hiboux ou les chouettes
étant nocturnes sont relatifs à la sorcellerie, ils sont donc amis des
sorciers ou des sorcières mpamosavy ; tandis que la colombe, ny domoina
ou ny voromailala, les pigeons sont des oiseaux de paix et d’amour. Ils
sont symboles du Saint-Esprit et de la virginité, chez les chrétiens.
Il apparaît ainsi que la tendance anthropomorphique de l’homme
le pousse universellement à sexualiser la nature et la réalité qui
l’entoure. Il profite, chaque fois que c’est possible, des structures
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linguistiques pour justifier et rationaliser cette attitude et donner un
fondement concret aux représentations symboliques. C’est l’exemple du
terme vatolahy, littéralement : pierre mâle, pierre levée. Lors de la
circoncision, famorana ou savatra, l’eau puisée à la source, un élémentmère change de sexe lorsqu’elle est réservée spécialement pour
symboliser la force de l’homme et on l’appelle ainsi
ranomahery,
littéralement : eau forte.
Finalement, nous avons aperçu que dans une langue qui n’a pas
officiellement de genre, le filtrage des valeurs symboliques est
infiniment plus net puisque non occulté par l’automatisme de l’accord
grammatical, les locuteurs sont plus libres de faire jouer la métaphore
sexuelle .
Nous allons suivre une autre étude qui, toujours dans le cadre de la
dissymétrie au niveau du langage des hommes et des femmes, porte sur les termes
« axiologiques » : les termes dévalorisants / laudatifs, valorisants.
3.2.3. La dichotomie mélioration / péjoration
La structuration du domaine lexical sert à qualifier, manondrotra
et à dénigrer les femmes mikizaka et cela fait d’elles et de leurs corps,
métaphoriquement, la source inépuisable des injures et des jurons. Nous
avons dit auparavant que les hommes manient plus que les femmes « la
langue verte ». Ils sont donc davantage nos oppresseurs - même si cela
peut aussi se passer entre femmes -, et qu’ils disposent généralement
d’un registre de mépris infiniment plus étendu vis-à-vis de l’opprimée,
c’est-à-dire nous, les femmes.
En effet, les hommes ont des milliers de mots pour désigner les
femmes : leur vertus, leur valeur et leurs mérites, d’un côté, mais toute
une immense majorité en péjoratifs, donc leurs défauts, d’un autre.
Nous notons également que les mots empruntés par l’oppresseur
à l’opprimée ou désignant celle-ci, sont souvent détournés de leur sens
originel, déformés, dépréciés, connotés péjorativement. Tantôt, on les
154
155
adopte en les déformant, par exemple le terme sekatsy qui désigne et
s’emploie pour une vache stérile. Quand il s’agit d’une femme, on dit
momba ou betsiteraky, néanmoins on peut utiliser sekatsy vis-à-vis de la
femme, lorsqu’on la mésestime, mais ne jamais utiliser
betsiteraky pour
une vache. Comment désigne-t-on un homme stérile ? Le mot n’existe
pas, parce que l’inverse n’est pas vrai dans notre société- (du Sud).
Jamais un homme ne peut être stérile , c’est toujours la femme qui l’est ;
par conséquent, la femme stérile souffre énormement, car elle doit
supporter le mépris de la société et la raillerie de sa rivale. Voyons ce
que ce poème intitulé Ny senton’Ikalamomba 35 en dit :
Katsaka niteraka an-tehezana Rakalamomba,
voky nibaby ny tsy naloaky ny kibo,
fola-damosina amin-janak’olona;
torovana amin’ny an’ny sasany,
miongo-bolo amin’ny tsy an’ny tena,
………………………………….
Traduction
Rakalamomba est comme une tige de maïs,
Qui engendre en ses côtes,
Elle est rassasiée en endossant
Ce que son ventre n’a pas produit,
Elle a le dos courbé avec l’enfant d’autrui ;
Brisée de fatigue avec ce qui appartient aux autres,
Elle perd ses cheveux pour ce qui n’est pas à soi, ...
35
Voir corpus, p. 274.
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156
Ici, l’auteur ne fait que reproduire le langage acerbe que la
société adresse aux femmes stériles. La péjoration de la femme est
omniprésente dans la langue, à tous les niveaux. Dès l’enfance, chacun
apprend que certains mots sont porteurs de prestige, alors que d’autres
évoquent le ridicule, la faiblesse, la honte. L’homme se sent conforté,
soutenu, approuvé dans ses aspirations en tant que akoholahim-bohitra,
« coq du village », lehilahy tsiriritim-behivavy eo an-tanàna, littéralement :
homme désiré par les femmes du village, selon RAKOTONAIVO 36. La
fille se sent très vite coincée dans son rôle de :
- vantotr’akohovavy, poule ou poulette, pour une jeune fille dodue et
désirable, ayant l’âge de puberté,
- akohovavy maneno, poule caquetante, littéralement : une poule qui
chante, pour une femme très bavarde et qui s’exprime avant les
hommes. Normalement, c’est le coq qui chante ; une poule qui chante
présente un danger, on la tue ;
- reny akoho manatody lava, mère-poule ou poule pondeuse, pour
désigner une femme qui engendre chaque année.
Elle peut être une oie, gisavavy, lorsqu’elle ne sait rien, vehivavy
donendrina sady bado, ou vorontsiloza vavy, une dinde , tsy misaina, maivan-doha,
qui ne réfléchit pas .
Toutes les espèces femelles peuvent prendre un sens péjoratif.
Les oiseaux et la volaille, en particulier, constituent la métaphore
fondamentale de la femme. Il s’agit là de deux poids, deux mesures. Ce
qui est qualité chez l’un est défaut chez l’autre :
-
un homme est un brillant causeur : lehilahy mahay miresaka,
mamarotra am-pitsanganana, littéralement : qui vend debout ;
36
-
une femme est un moulin à paroles, tranon-dresaka, basivava ;
-
un homme est discret, mahatam-bava ;
-
une femme est pipelette, mivatsavatsa ;
-
un homme est pacifique, milamina, tsy tia romoromo ;
-
une femme est hystérique, ampela gegy, tia aly.
Rakotonaivo, François, Rakibolana Frantsay-Malagasy, 2003.
156
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Selon une dichotomie bien établie, dans la société malgache en
général, la femme ne peut jouer que l’un des deux rôles suivants : celle
qu’on respecte et celle qu’on consomme, c’est-à-dire
- en tant que reny, mère, kitapo nifonosana, littéralement : sac qui a
enveloppé, l’image de la cavité utérine ;
nisotro ny rano tsy tiana, celle qui a bu l’eau qu’elle n’a pas
-
désirée, ni appréciée,
fola-damosina, celle qui a le dos courbé, en tant que mère, qui
a éduqué,
mpikarakara tokantrano, en tant que ménagère, qui s’occupe du
ménage;
-
enfin,
en
tant
que
« pute »,
mpivaro-tena,
objet
de
consommation, réel ou imaginaire.
Elle a donc pour modèle :
- Marie, Mère de Dieu et
- Eve, créature vaincue par la tentation, source de tous les péchés.
Ce double statut s’exprime dans un lexique d’une diversité et
d’une étendue inouïes. Bien qu’utilisés également en partie par les
femmes, il est de création presque entièrement masculine. On dit parfois
« le sexe » pour désigner la femme ; c’est elle qui est la chair, ses
délices, ses dangers. Elle est une idole, une servante, la source de la
vie, une puissance des ténèbres ny herin’ny maizina. Elle est artifice,
bavardage et mensonge. Elle est la guérisseuse, mpitsabo, manome aoly et
la sorcière , mpamosavy. Elle est la proie de l’homme, elle est sa perte.
Elle est tout ce que l’homme n’est pas et qu’il veut avoir, sa négation et
sa raison d’être. Aucun homme ne consentirait à être une femme, mais
tous souhaitent qu’il y ait des femmes.
Vis-à-vis
des
hommes,
elle
est
toujours
définie
comme
« l’autre » , ty sasany, ty ilany. Elle s’accomplit sans trêve dans le passage
de la haine à l’amour, du bien au mal, du mal au bien. Sous quelque
aspect qu’on la considère, c’est cette ambivalence qui frappe d’abord.
157
158
Le corpus que nous présentons ci-dessous a été recueilli lors des
enquêtes et des lectures ; d’un côté, certains mots et expressions
désignent la qualité de la femme, la mélioration, d’un autre, ceux qui la
déforment, la péjoration. Il s ‘agit de la femme en général pour toutes ces
entrées. Elles sont considérées comme argotiques, familières ou
soutenues.
•
La mélioration
Stéréotype récurrente, la représentation de la femme revêt deux aspects
contradictoires : l’un l’idéalise, l’autre la dénigre. C’est la représentation idéalisante de
la femme que nous voudrions souligner par « mélioration » dans la présente partie.
La mélioration avance une vision « idyllique » des femmes. Les composantes
essentielles de cette vision édénique sont l’éternelle nature enchanteresse et fertile,
pleine de douceur et d’atmosphère bienveillante. Ce sont des termes laudatifs : fanjaka,
soa, bakobako, belles , de quelque type qu’elles soient ; manga, mainte le, ngalingaly,
noire ou brune, mazava hoditra ; feno tsiky sy hehy, pétillante de malice et de gaîté ;
elles ont les cheveux ondulés, olioly volo, frisés, ngita, crépus, ringitra, ou lisses,
malama ; elles possèdent des traits de caractère ou de lignes de corps que nous
qualifions de parfaits, soa vata, tsara bika, littéralement : avoir une bonne constitution.
La mélioration traduit ainsi un portrait et une biographie affinés par de
merveilleux atavismes. Termes d’hommage ou de reconnaissance, les mélioratifs sont
marqués par la présence des adjectifs, des substantifs qui transmettent un jugement
subjectif :
- Akoho taman-trano, une poule domestiquée, femme au foyer,
- Ampela hamotsontane, une femme d’une incomparable beauté, qui
fait perdre la raison. (radical tandroy : motso + tane, qui signifie
littéralement : fait perdre la terre ou le public).
- Ampisafy, andriambavilanitra, femme respectée
- Anabavy, soeur
- Andriambavilanitra, (terme de respect) : mesdames, mesdemoiselles,
- Andriambavy, (terme de respect) : madame, souveraine
- Anjely, sarin’anjely (pour flatter) : un ange
- Ineny, maman
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159
- Loharano nipoirana, source de la vie, la mère
- Mahery fo, l’héroïne
- Maintile, mainte le, pour traduire la beauté d’une jeune fille ayant la
peau bleue noire
- Mibaby maky, une jeune fille aux longs cheveux tels que la queue
du lémurien
- Niankin-drindrin’irery, celle qui s’est adossée seule contre le mur,
pour traduire la souffrance de la femme pendant le travail avant
l’accouchement ; terme d’appréciation
- Njarahy, qui vient de l’expression anjara ahy, qui signifie : celle
qui m’appartient, mais à la longue il y a assimilation pour parvenir à ce
terme, ma femme, la femme en général dans le parler masikoro, vezo
- Ny aiko, ma vie, ma favorite
- Ny ankizy, la femme et les enfants
- Ombivavy be ronono (une femme qui a la taille assez large,
épanouie ; une personne qui est généreuse), une vache laitière, masiaka
be ronono, la mère nourricière.
- Rakemba, la femme en général dans le parler tandroy.
- Ramatoa, femme, la bonne
- Sevaky, la femme en général dans les parlers masikoro et vezo.
- Sombin’ny aina, une partie de ma vie, pour celle qu’on aime, femme
ou fille adorée.
- Somondrara, jeune fille, adolescente.
- Tananjomba : femme mariée, au foyer, parler tandroy.
- Tovovavy herontrerony : une jouvencelle, une tendre jeune fille.
- Vinanto vavy, foza vavy, la bru (dans l’expression fozalahy natakalo foza
vavy ).
- Virijiny (terme de respect, d’adoration ), madio, masina, une vierge,
une sainte, immaculée.
- Voromailala, domoina (terme d’affection pour appeler celle qu’on
aime), la colombe.
- Voromanga, un oiseau qui chante bien, une femme ayant une belle
voix.
159
160
- Vorombola, un oiseau au beau plumage, celle qui est très belle
physiquement.
- Zana-javatra (métaphorique) : une nymphe, pour désigner une
femme d’une beauté inouïe.
- Zanaka vavy, fille.
- Zandrivavy, frangine, soeur cadette.
- Zazavavin-drano (pour flatter celle qui a de longs cheveux, ou celle
qui sait bien nager) : une sirène.
•
La péjoration
On ne cesse de crier que les femmes sont vaines et coquettes ; des défauts
peuplent son monde. Ce sont ces reproches qu’on reconstitue dans la « péjoration »,
des caractères dépreciatifs
qui viennent encore compléter et parfois modifier le
portrait de la femme.
- Amato, du terme amante : maîtresse, deuxième bureau.
- Ampela katraka : une femme comparée à une charrette, que tout le
monde, même un broussard, peut posséder ; une fille facile.
- Ampelam-bantotsy, ampela lany asa fa mandany andro miresaky, tea vola,
mavo vava, lava lela : une commère.
- Antitra am-pitsanganana, lany zara, une vieille fille qui ne trouve pas
de mari.
- Basin’ariary fito, ts’isy mpanontany, qui coûte peu, qui ne vaut rien.
- Be zesta, be pôzy, be angeso: une mijaurée, une pimbêche.
- Bele be toko : qui ne coûte pas cher mais qu’on peut avoir à un prix
dérisoire, le prix d’un tas de patate douce.
- Bôbon vorona, ampela katraka, une fille facile, une fille légère
- Daba loaka : une dévergondée.
- Deziemo biro : deuxième bureau, maîtresse .
- Fotsy antsy (littéralement : lame sans manche), momba, tsy manantaranaka : une femme stérile.
- Fotsy varavarana, lava lia, lava hana, tia mitety tranon’olo : une mégère.
- Janga, vehivavy janga, mpivaro-tena, fatritra, manidina, mi-roll, kôksa,
makorely, jiromena, kalalijaky, makotipa, une prostituée.
160
161
- Kitapo latsaka, tsy virjiny sasy, une fille déchue et abandonnée par
celui qui l’a déflorée.
- Kitse, sipa, pasy, bokaka, une petite amie, un flirt.
- Kongoroty, tarehe : une femme très moche.
- Lolo, tarehe, tarehin-tsoavaly: laideron, horrible.
- Malangy, jefijefy, minafonafoky, mangily : une mégère.
- Maro anaka, manao tera-bitro, reny anaka : une mère avec beaucoup
d’enfants.
- Mazava alina, mpivaro-tena : belle de nuit.
- Mémé, rabôfy, ‘fa soara, anti-bavy : une vieille femme.
- Miangentsana, mihanta : une pimbêche.
- Misy foza, taksy vody, mpitety lehilahy, une prostituée.
- Mpandeha an-tsambo, makorely, une prostituée qui fréquente les
bateaux.
- Mpanoratoraky torgape, mpivaro-body, une prostituée.
- Nôfa, vorondolo, tarehe, une horrible vieille femme.
- Ny vehivavy, ianareo vehivavy : une donzelle.
- Papozy, paoa, somondrara : une jeune fille.
- Piraty, mpaka vadin’olo, danzy, makôsa : une voleuse de mari.
- Rabôfy, raneny, rafotsy,’ fa soara: une vieille.
- Ramavo, mpamosavy, ranenitoa, une sorcière.
- Rañitse, serifa, sakaiza : une petite amie.
- Sakafom-bahiny, fotsimbarim-bahiny : une passe, une fille que les
étrangers prennent pour passer le temps.
- Sakay kely rano, masiaka sady kizintina, kintonkintonina: méchante,
chipie.
- Sexy-girl, prostituées uniquement dans les boîtes de nuit; femme attirante 37
- Sipa, spin, ajà, likely, rasỳ : petite copine, petite amie.
- Soavaly tapa-kofehy, manidina : une jument.
- Tsibororoty, tsy mihorira : une prostituée.
- Vadikely, serifa, deziemo biro : la maîtresse.
37
Voir corpus, p. 253.
161
162
- Zaza mila vola, kôksa, makorely : une pute, une putain.
Un
grand
nombre
de
ces
mots
désignent
clairement
les
prostituées. La quasi- totalité des noms se rattache au type « Eve »,
c’est-à-dire, à la seconde catégorie. Même des mots en apparence
innocents comme
ny vehivavy peuvent prendre un sens péjoratif. La
femme qui ne cadre pas dans cette classification, la femme hors du
commun, n’est pas n’importe qui. Elle peut être : vehivavy mahery fo, une
héroïne, ou olo-masina, une sainte, ou vehivavy miendri-dahy, une virago
.
La femme résume la nature en tant que reny, mère , vady, épouse et
hevitra, idées; ces figures tantôt se confondent, tantôt s’opposent et
chacune d’elles a un double visage. La fertilité magique de la terre, de
la femme, apparaît comme plus merveilleuse que les opérations
concertées du mâle. La mère est la racine enfoncée dans les profondeurs
du cosmos et qui pompe les sucs ; elle est la fontaine d’où jaillit l’eau
vive qui est aussi un lait nourricier, une source chaude, une boue faite
de terre et d’eau, riche de forces régénératrices. Chez nous, à Toliara,
l’accouchement est entouré des plus sévères tabous ; en particulier, ny
tavony, le placenta, doit être soigneusement enterré, car quiconque s’en
emparerait tiendrait la destinée du nouveau-né entre ses mains ; celui
qui l’emmène pour l’enterrer ne doit pas se retourner, sinon le bébé
serait atteint de strabisme. La souillure de la naissance rejaillit sur la
mère. Et impose à l’accouchée des rites purificateurs. Et dans beaucoup
de campagnes ; la cérémonie des relevailles maintient cette tradition.
La femme est parfois définie par des qualités physiques : elle est
belle, soa, ou moche, ratsy et morales : c’est une sainte, masina ou une
poison, poizina. Dans les deux cas, c’est le pôle négatif qui est le plus
représenté.
3.2.4. La femme et les locutions méprisantes
L’immense majorité des mots qui désignent la femme sont
violemment péjoratifs et portent des connotations haineuses. Elle se
162
163
sent fondamentalement moche, au physique comme au moral, ce qui est
pour le moins paradoxal dans une société qui oblige les femmes, avant
38
tout, à être belles : mais ce proverbe la dénigre : jejo reny ka botry anaka ,
traduction littéraire :
à femme coureuse et de mauvaise vie, enfant
chétif. Ce proverbe se disait des femmes qui passaient beaucoup de
temps à s’occuper de leur beauté pour aller courir et laissait sans soin
leurs enfants.
Lorsque la femme reste tout le temps à la maison et met
rarement les pieds dehors, sa famille ou ses amies lui adressent des
railleries et l’appellent vali-karany, l’épouse d’un indien, parce que la
séparation de la femme de la vie sociale ou publique, en vivant en
réclusion, est un trait caractéristique de la plupart des sociétés indopakistanaises ou musulmanes. Certains justifient cette réclusion, car ils
disent que la place de la femme est à la maison, non à l’extérieur. Mais
la femme qui aime sortir et passe son temps à jacasser est dite fotsy
varavarana, la porte blanche : traduction littérale
La maman elle-même n’échappe pas à la dépréciation. Elle se
voit traiter de mère lapine, mpanao tera-bitro ou de akoho mpanatody lava,
poule pondeuse, ou bien reny akoho, la mère poule. Elle est ainsi
considérée comme le nid d’où sort la couvée.
Les mots désignant la grossesse sont le plus souvent crus et
déplaisants. La femme a avalé un ballon, nitelina baolina ; certains jeunes
pour
se
moquer
d’elle
s’exclame
parfois
ainsi :
jereo
fa
mibontsina !, regarde, elle enfle ! , ou bien d’une manière grossière, on
s’adresse à elle sans hésitation : bikina kay ity ! Tu t’es fait engrosser !
Comme un homme, allant à une lutte, ou à quelque voyage difficile, où
il emmène une sagaie, la femme enceinte est dite manday lefo,
littéralement :
porter une sagaie. Et lorsqu’elle accouche, elle casse
son oeuf, vaky atody, nahavototse : elle est libre ; vaky vilany tany, ayant le pot
ou la marmite cassée.
38
Voir annexe, p. 276, n°5.
163
164
Quelle gêne spontanée, gêne qui se camoufle souvent en
ricanement, éprouvent les enfants, les jeunes garçons, les hommes
devant le ventre d’une femme enceinte, les seins gonflés d’une nourrice.
Pour un adolescent, cette gêne envers sa mère pourrait continuer : il se
décontenance, rougit si, en se promenant avec ses camarades, il
rencontre sa mère, ses soeurs, quelques femmes de sa famille.
L’irritation du garçonnet quand sa mère l’embrasse et le cajole a le
même sens : il la renie, pour montrer qu’il est invulnérable.
Pourtant, la fillette encore impubère n’enferme pas de menace,
elle n’est l’objet d’aucun tabou et ne possède aucun caractère sacré.
C’est du jour où elle est susceptible d’engendrer que la femme devient
impure. Au jour de sa première menstruation, ny fotoa, ny fadi-mbolana, elle
demeurait confinée pendant tout le temps de ses règles. Les tabous
menstruels sont un peu moins sévères, mais ils demeurent rigoureux :
elle ne doit pas servir à manger.
Dans certaines sociétés, les vertus attachées à la menstruation
sont ambivalentes. D’une part, elle paralyse les activités sociales, fait
faner les fleurs, tomber les fruits, fait aigrir le lait… ; mais elle a aussi
des effets bienfaisants. Les menstrues sont utilisées dans les filtres
d’amour, ny aoly lahy, paraît-il. Toute cuisinière sait qu’il est impossible
de réussir une mayonnaise si elle est indisposée ou simplement en
présence d’une femme indisposée. L’oeuf tourne, mibaliky ty atoly. Mais
les pouvoirs maléfiques du sang menstruel sont plus singuliers. Il
incarne l’essence de la femme. Et c’est pourquoi, son écoulement met
en danger la femme elle-même. La mère apprend à sa fille à ne pas jeter
le petit linge, ny voro-damba, ny salaka sur le sentier ou dans la brousse.
Une méchante personne pourrait faire de vilaines choses avec. Utilisé
dans une mauvaise intention, selon les anciens, le sang pourrait rendre
le mariage stérile. En vérité, ce n’est pas ce sang qui fait de la femme
une impure, maloto, mais plutôt il manifeste son impureté ; il apparaît au
moment où la femme peut être fécondée ; quand il disparaît, elle
redevient généralement stérile.
164
165
Lorsque les termes ordinaires paraissent trop faibles pour
exprimer ce qu’on voudrait dire, on se sert de mots qui, à les prendre à
la lettre, vont au-delà de la vérité et représentent le plus ou le moins
pour faire entendre quelque excès en grand ou en petit. DUMARSAIS le
dit ainsi : Ceux qui nous entendent rabattent de leur expression ce qu’il faut en
rabattre, et il se forme dans leur esprit une idée plus conforme à celle que nous
voulons y exciter, que si nous nous étions servis de mots propres…( Dumarsais, 1971 :
p. 131-132).
Ainsi, tous les qualificatifs féminins peuvent prendre un sens
défavorable. Les mots les plus innocents peuvent être détournés de leur
sens propre afin de qualifier la femme de m…Ces procédées tiennent de
l’euphémisme et de la métaphore.
L’euphémisme, nous le savons, sert à masquer la réalité, mais
une fois implanté dans l’usage, il finit par se substituer complètement
au mot qu’il est censé remplacer, d’où un changement de sens qui
nécessite le recours à un nouvel euphémisme. Un euphémisme casse
l’autre ; mais il a également une valeur de provocation et de dérision.
GUIRAUD en dit plus sur cela : « L’euphémisme, qui a soi-disant pour fonction
de protéger la pudeur, en fait, la compromet en détournant de leur sens des
expressions innocentes et qui en deviennent d’autant plus choquantes. Il constitue une
provocation. De même que l’hyperbole habille la jeune fille en putain, l’euphémisme
déguise la putain en jeune fille, voire en petite fille » (Guiraud P. 1971 : p.110).
Le mépris se déguise dans son acception habituelle. Il n’y a pas
de limite au détournement. La dérision se cache même dans les mots
exagérément laudatifs. Les proverbes suivants en font preuve lorsque
les femmes essaient de surpasser les hommes :
39
- Toy ny reny hao, ny vavy indray no malaza, comme la mère-pou, c’est
la femme qui a le plus de célébrité.
40
- Rafotsibe naka rafy ka naka loza ho an’ny tenany, la vieille femme, en
allant chercher une nouvelle femme (pour son mari qu’elle aime,
puisqu’elle le respecte), a attiré le malheur sur elle-même.
39
Voir annexe, p.276, n° 11.
165
166
41
- Tsara tarehy petaka orona, voatondro iray no tsininy, une belle ayant le
nez aplati, c’est un mal infime qui lui fait défaut, et pour narguer les
filles, les garçons disent ainsi : tsara tarehy petaka orona, voa tamin’ny
pirofiliny, ce qui signifie, une belle ayant le nez plat, c’est son profil qui
fait défaut.
Le mépris se manifeste le plus souvent ouvertement par le jeu de
l’hyperbole
négative,
de
la
métonymie
et
de
la
métaphore,
en
considérant les femmes comme :
Un objet :
sandoky maro mpamoha, un panier couvert, ouvert par
bien des gens ;
Fotsim-barim-bahiny, grains de riz pour les étrangers
Une mocheté:
voretra, une souillon
tsy vanona, la salope
maivan-doha, une écervelée ;
Une dépravée :
kalalijaky, une coureuse,
bele be toko, érotique.
Par métonymie, elle se réduit à un « con », ny mahavehivavy, ou à
un « cul » , vody, (la partie pour le tout).
D’autres
métaphores,
enfin,
situent
la
femme
comme
marchandise :
- comme nourriture : les seins sont comparés à des oranges ou
mandarines, voasary ; les joues à des mangues mûres, manga masaka ; les
fesses à des feuilles de laitue, ravin-daisoa, etc .
Une jolie fille est appétissante : soa, matavy vinta, maram-binta,
attirante .
- comme un objet de commerce, le commerce amoureux : bele be toko, un
gros tas de patates douces.
Dans nos sociétés de consommation, la femme est un bien de
très faible valeur, cela souligne aussi l’aliénation totale de la prostituée
40
41
Voir annexe : op. cit., n° 16.
Voir annexe : ibid. , n° 12.
166
167
à celui qui fait d’elle une esclave méprisée. Mais plus elle est nommée
de façons diverses, plus sa place est importante dans la société. Dans le
langage comme dans la réalité, on a fait des rapports de commerçants la
base de tous les autres rapports humains.
Ainsi, dans le domaine de l’érotisme et de la prostitution, la
femme objet, indispensable et désirée, est en même temps niée.
L’importance de cet objet se signale par la multiplicité de ses
appellations. Le sexe de la femme n’est que le lieu de la consommation
de ce plaisir. Il se réduit donc à un con, c’est-à-dire à rien. Sa
spécificité, sa différence sont niées. Du même coup, c’est la sexualité
féminine qui est niée.
L’étrange institution du deuxième bureau, deziemo biro, est une
polygamie honteuse qui n’ose pas dire son nom. L’épouse légitime est
censée ignorer tout de la maîtresse, ny amato, que son mari entretient au
su et au vu de tous. Mais cette maîtresse elle-même, réduite à de basses
intrigues pour essayer de se maintenir, ne bénéficie d’aucun droit,
d’aucune reconnaissance.
Le
deuxième
bureau
est
pour
les
femmes,
une
sérieuse
dégradation de leur statut par rapport à la polygamie traditionnelle. Là
au-moins les co-épouses, ny mpirafy, jouissaient toutes d’un statut
honorable et reconnu, et leurs droits étaient réglés par la coutume.
Selon GUIRAUD (1978 : p. 113) : « On voit combien tout se tient dans
ce système, en particulier l’extrême dévalorisation de la femme. Son aliénation est une
conséquence de sa passivité ». Elle-même
découle
de
la
métaphore
fondamentale qui, au sein du système linguistique, fait du coït la forme
exemplaire de l’action. Un grand nombre d’injures ayant pour référent
la femme ou le sexe féminin est applicable aux hommes. Voici un
échantillon du répertoire d’injures s’adressant aux femmes :
Relatifs aux animaux et composés de ikala :
- ikala kisoavavy, espèce de truie .
167
168
- ikala alika maty, espèce de chien abattu, ou mort, une charogne.
- ikala vorondolo, vieille chouette.
Relatifs au thème de laideur physique et morale :
- ikala mpamosavy antitra, vieille sorcière.
- anti-bavy ratsy fanahy, vieille salope.
- kala trotraka, la maudite ou la malheureuse.
Par ailleurs, alourdie par les maternités, redevenue stérile, elle
perd son attrait érotique, inactive, ampelam-bantotsy, elle redevient jeune
fille
psychologiquement non pas physiquement, vantotsy. Alors, on dit
qu’elle est flétrie, ‘fa malazo, fanée, comme on dirait d’une plante qui
manque d’eau. Et l’expression anti-bavy est plus péjorative que vavy
antitra. En elles, se retrouve la figure inquiétante de la mère, reny, tandis
que les charmes de l’épouse, vady, sont évanouis, enlaidis : kongoroty.
Le maquillage, makiazy et les bijoux, firavaka servent à rattraper
cette pétrification du corps et du visage. La fonction de la parure est
très complexe, son rôle le plus habituel est d’achever la métamorphose
de la femme en idole. : ravaka no haingo sady sampy, (traduction littérale :
parure, ornement et idole, fétiche. Le rôle de la parure est à la fois de la
faire participer plus intimement à la nature et de l’en arracher. Elle se
parfume, manisy ranomanitra, afin d’exhaler un arôme comme la rose et le
lis. Elle peint sa bouche, manao lokomena, ses joues, mitabaky, pour donner
la solidité immobile d’un masque. Ses yeux sont cernés de mascara ,
manja-maso ; les cheveux en nattes, talivolo, ou en boucles, miolam-bolo, la
rendent désirable. La voilà parée, mihamy, sophistiquée .
A cause de sa beauté, la femme est décrite comme une
ensorceleuse, mandraikiraiky, une enchanteresse, qui fascine l’homme et
l’envoûte.
Contrairement à cela, l’emploi fréquent de l’expression vavy
antitra, vieille femme, est plus injurieux que celui de lahy antitra, vieil
homme. La vieillesse étant impardonnable chez une femme. La vieille
168
169
femme, Rafotsibe ou rakembabey, la laide ne sont pas seulement des objets
sans attraits, elles suscitent une haine mêlée de peur. Dans les contes,
on parle fréquemment de lahy antitra tsara fanahy, un vieil homme affable,
mais rarement de vavy antitra tsara fanahy, une vertueuse vieille femme.
Enfin, une autre tactique consiste aussi à attaquer l’honneur de l’homme
à travers sa femme, sa mère, sa soeur :
- resim-bavy ! ou tindrin’ampela, vaincu ou gouverné par une femme
- manam-baly anabavy !, se marier avec sa soeur.
L’injure sexuelle est strictement à sens unique. C’est un jeu
essentiellement masculin ; les hommes la manient entre eux ou contre
les femmes.
Pour l’homme, la consommation de la femme est associée à
l’idée de performance. D’où l’angoisse fondamentale de celui qui désire
ce qu’il a peur de se savoir posséder. La langue se fait le reflet de cette
angoisse. Les uns et les autres ont tout à y perdre, car les deux rôles
extrêmes imposés à la femme, d’être mère et d’être putain, ne laissent
aucune place pour le développement d’une personne vraie, d’une
personne tout simplement humaine.
Ce chapitre plus ou moins long nous a permis de vivre les
malheurs d’être femme. Les comportements sociaux et les traditions ont
laissé leurs empreintes sur la langue. Pourtant, ce qui est grave, ce n’est
pas tellement la dissymétrie en soi, puisque la langue en comporte
d’autres, mais le fait qu’elle joue toujours dans le même sens, c’est-àdire au détriment de l’image et du statut de la femme. D’ailleurs, nous
allons encore le voir, par le jeu des connotations, dans la dissymétrie
sémantique.
169
170
CHAPITRE III
3.3. LA DISSYMETRIE SEMANTIQUE
Lorsqu’on parle de sémantique, tout mot associe une composante
dénotative,
c’est-à-dire
« la
signification
du
mot »,
selon
le
dictionnaire, à une composante connotative ou bien « les différentes
valeurs de ce mot présentant des appréciations morales, sociales ou
esthétiques » et enfin, une composante associative présentant « des
relations de complémentarité, d’analogie et d’antonymie ». Ainsi, le
champ associatif de « femme » comprendrait, par exemple, les mots
suivants : maternité, féminité, enfant, mari, foyer, etc. Normalement, la
valeur dénotative seule figure dans le dictionnaire. Les connotations se
cachent dans les exemples d’emploi ; quant aux associations, elles
apparaissent dans les analogies, les synonymes, les métonymies ou les
synecdoques et les antonymes. Pour mieux appréhender les analyses,
nous allons passer, successivement, en revue ces trois composantes
constitutives du mot « femme ». Nous gardons toujours la signification
que nous avons donnée au terme « dissymétrie » en tant que « la non
correspondance à la réalité ». Nous allons parler de la dénotation, de la
connotation et de l’association, pour la mise en évidence de cet aspect
de la dissymétrie sémantique.
3.3.1. La dénotation
La notion de dénotation est souvent employée pour décrire le
sens des mots. En logique, c’est l’extension d’un signe ; tandis qu’en
linguistique, Selon KERBRAT-ORECCHIONI, la dénotation d’un signe
désigne « le plus souvent l’ensemble des traits de sens qui permettent
la dénomination et l’identification d’un référent. C’est l’ensemble des
traits distinctifs à fonction dénominative » (Kerbrat-Orecchioni, C.
1983 : p.12)
170
171
Se présentant comme une autorité indiscutable en tant qu’outil
culturel, YAGUELLO précise que le dictionnaire joue un rôle de
fixation et de conservation, non seulement de la langue mais aussi des
mentalités et de l’idéologie :
« C’est le rôle du dictionnaire de situer pour la communauté linguistique les
rapports des mots aux autres mots, les enchaînements et les déviations de sens, les
liens de synonymie et d’antonymie. Il fait mention aussi de la polysémie, explicite les
relations entre ses dérivés, sens propres et sens figurés, et situe les mots dans des
contextes afin de préciser les niveaux de langue, la variété des sens et des fonctions .
Enfin, il assigne aux mots un caractère d’archaïsme, de néologie ou de mot d’emprunt.
C’est donc une tentative pour cerner la place du mot dans un système, c’est-à-dire
relativement aux autres signes et non pas par rapport à une réalité extra-linguistique»
(Yaguello, M. 1981 : 112).
Ce qui signifie qu’on ne peut enregistrer ou introduire n’importe
quel mot dans n’importe quel dictionnaire, car il y a des dictionnaires
spécifiques à certains lexiques, par exemple les dictionnaires de
néologismes ou les dictionnaires de l’argot ou de la langue verte. A
Madagascar, il y a à peu près une dizaine de dictionnaires, selon R. B.
RABENILAINA : malgache-français, français-malgache ; malgache-malgache ;
malgache-anglais…(Rabenilaina, R. B. 2001 : pp 25-31).
Ainsi, nous nous sommes livrée à un modeste travail de
comparaison des dictionnaires, centré sur les mots de notre sujet de
recherche, c’est-à-dire le mot « femme » et ses aires sémantiques. Mon
but est de cerner les dissymétries dénotatives et de vérifier comment les
dictionnaires en rendent compte.
Nous allons premièrement prendre les définitions de Narivelo
RAJAONARIMANANA. 42
- Makorely : ?
- Mama : mère (manière affectueuse de s’adresser à une personne
qui a un ou plusieurs enfants).
42
Rajaonarimanana Narivelo, 1995, Dictionnaire contemporain Malagasy-Français, Paris, Karthala.
171
172
- Renibe : grand-mère.
- Renikely : nouvelle femme du père, belle-mère, marâtre.
- Renim-pianakaviana : mère de famille.
- Renin-janaka : mère biologique, mère des enfants (d’un homme
célibataire ou d’un homme divorcé.
- Renin-jaza : matrone, mère de la mariée dans un mariage.
- Reny : mère ; fig. : centre, source.
- Vavy : femelle, femme, genre féminin.
- Vehivavy : (vavy) n. femme, fille.
Comme définitions, nous ne trouvons ici que la traduction en
français de chaque mot, et ces définitions à caractère biologique restent,
de
ce
fait,
fondées
sur
la
capacité
de
reproduction,
classant
définitivement la femme comme génitrice.
Le mot makorely ne se trouve pas dans ce dictionnaire ; cet
ostracisme lexicographique n’est pas nouveau, car c’est la société qui
l’a sécrété.
Un autre dictionnaire, celui du Révérend J. Richardson 43 a attiré
aussi notre attention, et nous avons choisi quelques définitions, telles
que :
Janga: a prostitute
- Manangy: (tangy), a name given to a whoremonger or a prostitute.
(see: janga and rangy)
- Neny: mother, mamma; a nurse. It is frequently heard as Ineny.
- Rangy: a mate, a companion.
- Reny anaka: the mother of a child; an appellation given by the
father to the mother of a child.
- Reny: a mother, the female parent of all living things; also much
used figuratively in the sense of author of, originator of various things.
- Vaviana (v. pass.) to be made to have a companion as a guard, or as
a helper in case of need.
43
Révérend J. Richardson, 1885, A New Malagasy-English Dictionary.
172
173
- Vaviana or vavena: (v. pass.) to be made womanish in manners or
dress.
- Vavy : a female, feminine.
Ces définitions sont un peu plus étoffées par rapport aux
précédentes mais pour certaines entrées, on retrouve à peu près les
mêmes choses, c’est-à-dire que la composante sémantique y est
représentée par des traductions ou des définitions.
RAMINO 44 montre une face fortement marquée par une idéologie
bourgeoise, teintée de morale chrétienne du 19ème siècle. C’est un
dictionnaire monolingue malgache, qui s’adresse donc précisément aux
malgachophones. D’ailleurs, il disait ceci dans sa préface : « Avy amin’
Avaradrano Tsimiamboholahy, izaho izay manoratra, sy manazava ity, ka araka izay
heviny aminay Avaradrano no nanazavana azy. Traduction littérale : « Je suis
originaire d’Avaradrano Tsimiamboholahy, moi qui écris et explique
ceci, et c’est selon la signification pour nous à Avaradrano, que je l’ai
expliqué ».
« … Ny fiteny rehetra momba ny ankasarotana na ny momba ny lehilahy na
momba ny vehivavy dia tsy mba fiteny aseho masoandro akory, fa fampahalalan-teny
araky zay fantatry ny Ntaolo no voalaza amin’ity Dikisionary ity ; ka tsy azo aseho
akory eo anatrehan’ny olom-pady, indrindra ny mamaky azy mafy avy hatrany… » :
traduction littérale : Tous les mots concernant le sexe, masculin ou
féminin, ne sont pas à dire en public, mais ce sont les expressions
connues par les anciens qu’on trouve dans ce dictionnaire ; donc, on ne
peut pas le dire devant les personnes prohibées, surtout le fait de les
lire tout haut ».
Et voyons ce que nous avons recueilli :
- Reny : n. izay niteraka ny tena.
- Reny anaka: vehivavy vady niterahana.
- Vavy: a. tsy lahy, namana.
- Vaviny, ambaviny: vadiny, ny idiran’ny andahiny.( amin’ny rafitra).
44
Ramino, 1934, Dikisionary Malagasy-Malagasy.
173
174
- Vavivavy : raha miteny na manao zavatra tsy marisidrisika tsara…
- Mikovavy : mihaketraka, tsy mitomban-dahy .
- Fivaviana: famantarana fa vavy.
- Vehivavy : tsy lahy fa vavy .
- Madama: n. ramatoa, ineny (fr. Madame).
- Sakaiza: namana mifankazatra.
- Misakaiza: miray toa hivady; mihavana.
- Vazo: vehivavy sakaiza fa tsy vady.
Dans ces trois dictionnaires, le terme femme a été défini et
influencé fatalement par les stéréotypes culturels et les contraintes
sociales. Certaines définitions sont tautologiques, circulaires, puisque à
vavy, on trouve : tsy lahy , qui n’est pas mâle et pour vehivavy, qui n’est
pas masculin mais féminin : tsy lahy fa vavy. C’est la conséquence du fait
que les signes ne se laissent définir que par et relativement à d’autres
signes dont ils sont solidaires dans le système autonome de la langue.
Sous des apparences assez distinctes, on sent bien que ces dictionnaires
disent à peu près la même chose sur un certain nombre de points et
qu’ils se complètent sur d’autres. Ceci suggère que la tradition
lexicographique malgache continue à perpétuer la tradition culturelle.
Notons enfin que nous avons également consulté le dictionnaire
45
Français-Malgache de F. RAKOTONAIVO , où nous avons trouvé cinq
définitions pour l’entrée homme :
1)
n. m. : olombelona
2)
taranak’olombelona
3)
olona,
4)
lehilahy, rangahy…
5) vady
Nous les traduisons successivement par :
1. l’être humain,
45
Rakotonaivo François, 2003, Raki-bolana frantsay-malagasy.
174
175
2. l’espèce humaine,
3. l’individu,
4. l’homme ou le monsieur,
5. le mari ou l’époux
Et nous déduisons que la femme en tant qu’espèce humaine est
incluse dans homme, c’est-à-dire que selon notre point de vue, l’homme
a
détourné
à
son
profit
le
mot
qui
désignait
l’espèce.
Cette
identification de l’homme pour désigner l’être humain et l’espèce
humaine en général est le résultat d’une mentalité sexiste et le moyen
par lequel elle survit. Donc, l’être humain est un homme jusqu’à preuve
qu’il est aussi une femme. L’homme est l’hyperonyme et la femme et
les différentes lexies qui la désignent sont l’hyponyme. L’homme est
générique et la femme est spécifique.
Et si l’être humain (=homme) en question n’est manifestement
pas une femme, les dictionnaires ne sont évidemment pas responsables
du double sens de olona = homme avec les différentes expressions citées
suivantes : olona tsara sy mendrika, homme de bien ; olona azo itokiana,
homme de confiance ; olon’ ny finoana, homme de foi ; olona lali-tsaina,
homme d’esprit ; olona mitana ny teniny, homme de parole, etc. Si la femme
fait partie de la notion de homme, individu ou espèce humaine, alors elle est
incluse dans la définition de homme tout en étant exclue.
Dans l’espèce humaine, être représentant les sexes masculins et
féminins, l’homme reste la référence de base ; et la principale
dissymétrie sémantique provient, bien entendu, de la valeur générique
du mot olona, homme .
Ainsi, le dictionnaire, fait par des individus est le reflet de l’usage de toute
communauté, si bien que le rôle du lexicographe ou de l’auteur du dictionnaire est
forcément ambigu. Son rôle est de réaliser un instantané de la langue à un moment
donné de son histoire en se fondant sur l’usage moyen le plus acceptable, le plus
répandu, dont il se fait juge. Or, la communauté linguistique n’est pas homogène. Le
lexicographe le mieux intentionné, le plus dépourvu de préjugés sociaux, ne pourra
175
176
éviter de faire des choix arbitraires, choix liés à la dimension du dictionnaire et au
public visé. Le lexicographe est investi de la tâche redoutable de trancher entre ce qui
se dit et ce qui ne se dit pas ou plutôt, dans certains cas, ce qui ne doit pas se dire. Mais
il faut encore préciser que le dictionnaire se fait le reflet des tabous, des préjugés, des
divisions sociales de la classe qui le sécrète.
3.3.2. La connotation
En général, tous les mots sont codés culturellement. Ce codage
reflète les attitudes sociales ou individuelles des locuteurs vis-à-vis du
référent. Cette attitude rejaillit sur le mot lui-même, qui est alors perçu
comme déplaisant, grossier ou au contraire, beau, agréable, investi
d’une valeur esthétique, poétique, moralement ou idéologiquement
positive. La connotation est donc une espèce de parasitage du signifié à
la fois par le référent et le locuteur, puisque le jugement social sur les
mots rejaillit sur le locuteur qui les emploie.
En
logique,
selon
encore
KERBRAT-ORECCHIONI,
la
connotation est la compréhension d’un signe, c’est-à-dire l’ensemble
des traits qui composent son signifié. En linguistique, la connotation
d’un signe, ce sont les valeurs sémantiques additionnelles (Kerbrat-Orecchioni,
C. 1983, p.12) : indications sociolinguistiques comme le niveau de
langue...,
ou
idiolectales
(par
exemple,
les
valeurs
affectives,
métaphoriques, péjoratives ou mélioratives dont un mot est entouré dans
un énoncé, et par lesquelles il est relié à d’autres) - qui sont intégrées
au sens de façon variable selon les linguistes.
Selon l’exposé de R. BARTHES dans ses travaux de sémiologies
des années 1960 : « un système connoté est un système dont le plan d’expression
est constitué lui-même par un système de signification (Barthes, R.1964, repris
en 1985, p. 77).
Pour illustrer la définition de femme, qui n’est autre que vehivavy,
F. RAKOTONAIVO, continue aussitôt après avec une citation d’Alfred
de VIGNY : « car la femme est un être impur de corps et d’âme , fa ny
vehivavy dia voahary maloto vatana sy fanahy ». Est-ce que l’illustration est
176
177
choisie intentionnellement pour souligner le caractère impur de la
femme,
en
raison
notamment
de
ses
fonctions
naturelles,
la
menstruation et l’accouchement, ou bien à cause de sa ressemblance
avec Eve, la responsable du péché originel ?
Une autre facette de la femme est révélée : l’impureté, tandis
que l’homme est pur. Il suffit de poursuivre la lecture au-delà de la
définition proprement dite pour qu’apparaissent des connotations
subitement ou grossièrement dépréciatives pour les femmes, laudatives
pour les hommes. Et ceci n’est pas le fruit du hasard, car la dissymétrie
entre l’aire sémantique « homme » et l’aire sémantique « femme » est
un fait de langue avant d’être un fait de dictionnaire. Ainsi, le rôle du
lexicographe dans l’expression et la propagation de l’idéologie et la
nature sociale de la lexicographie sont de nouveau mis en évidence ici.
La connotation, c’est aussi la valeur symbolique qui s’attache à
certains mots. Elle se trouve ainsi souvent à la base des métaphores.
Nous avons assez donné d’exemples illustrant cela dans les chapitres
précédents, mais cela ne nous empêche pas de souligner la fréquence
des métaphores motivées par les qualités anthropomorphes de la femme
qu’on attribue au monde qui nous entoure :
- les seins sont comparés à des oranges,
- les yeux ronds à des billes,
- les joues à des belles pommes à croquer, etc.
La
connotation
est
une
détermination,
une
relation,
une
anaphore, un trait qui ont le pouvoir de se rapporter à des mentions
antérieures, ultérieures, ou extérieures, à d’autres lieux du thème. En
effet, d’une part, elle est l’ensemble des valeurs symboliques et
idéologiques des associations d’idées, l’ensemble des émotions, des
appréciations, des jugements de valeur que suscitent les mots ; d’autre
part, elle fait évoluer la dénotation et constitue un moteur de
l’évolution de la langue, du changement de sens des mots.
177
178
Enfin, faisant une sorte d’irruption de la parole dans la langue,
qui ne comprendrait que la dénotation ou valeur conceptuelle exprimée
dans le signifié, la connotation peut refléter des différences ou des
conflits sociaux et remet une fois de plus en cause l’homogénéité
supposée de la langue.
La connotation peut donc aller et venir, suivant en cela
l’évolution de la société et des mentalités. Nous avons déjà cité assez
d’exemples dans les sous- chapitres mélioration et péjoration. A partir de
cette analyse, nous pouvons affirmer que les connotations viennent :
- du contexte socio-culturel : ces connotations sont presque
figées, par exemple, dans la culture du riz, le repiquage, ny manetsa,
donne un second sens dans « ny manetsa be mbola ho avy », qui signifie
qu’ « il y aura encore une grande partie à venir ».
-
du
contexte
psychologique,
qui
ne
peut
être
isolé
artificiellement du contexte socio-culturel, nous avons l’exemple du
proverbe
graines
« tarana-boanjo,
d’arachide,
pieds
foto-boanemba »,
de
lentille ;
ce
traduction
qui
littérale :
sous-entend
une
ressemblance de forme et de couleur, donc telle mère, telle fille. C’est
la femme idéale, soumise et respectueuse que la belle famille espère
trouver en sa bru, donc devant un problème, on compare la fille à sa
mère. L’étude du sens connoté conduira donc à retrouver le mode de vie
d’une personne au-delà des mécanismes langagiers. La circulation des
significations nous amène à des associations d’idées qui déterminent les
valeurs de sens contenues dans le mot.
Nous tenons à préciser ici que pour continuer l’analyse, nous
optons à laisser l’étude sur la métonymie et la synecdoque. Mais parmi
les relations qui organisent la configuration d’un champ sémantique,
rappelons qu’il y a aussi l’antonymie, ce que nous allons donc étudier
maintenant.
3.3.3. L’antonymie
Chaque mot porte des relations qu’il entretient avec les autres
mots de la langue. Dans ce qui suit, nous allons examiner les
178
179
antonymies, notamment en ce qui concerne les relations homme-femme,
dans le but de déterminer les mécanismes de leur production et d’en
tirer des conclusions sur leur nature.
L’antonymie recouvre, soit des significations contradictoires,
opposées par une relation de disjonction exclusive ; par exemple :
manam-bady, marié / mpitovo, célibataire ; ny velona, les vivants / ny maty, les
morts , soit les réciproques, par exemple : ny mpampianatra, le maître / ny
mpianatra, l’étudiant, soit les contraires ou antonymes proprement dits,
qui sont placés aux extrêmes d’une échelle de gradation implicite,
comme dans les exemples suivants : mahery, fort / malemy, faible ; maiva,
leger / mavesatra, lourd .
Pour structurer le champ sémantique à partir de critères
linguistiques formels, J. DUBOIS (Mounin, G. 1972 : p. 68-69) a mis en
évidence d’autres procédures ; ainsi, ce qu’il nomme oppositions, ce sont
des « couples antonymiques » qui ne sauraient être confondus avec les
contraires des dictionnaires. Mais ce sont aussi des constellations
d’oppositions autour d’un même mot ; (les exemples sont choisis selon
notre
compréhension) :
fampivoarana
/
fanovàna,
(développement
/
changement), fampivoarana / fandraisan’andraikitra (développement / prise
de responsabilité), soit des séries d’oppositions parallèles : manana /
mahantra (riche / pauvre), ny marina / ny diso (ce qui est vrai / ce qui est
faux). L’existence d’une relation d’opposition entre termes est établie,
soit par une marque formelle, celle de la négation, - tsy (ne… pas).
Prenons les exemples : ny tsy mahafantatra / ny mahafantatra (celui qui
connaît / celui qui ne connaît pas) ; ny mihira / ny zara fa mihira, (celui qui
chante / celui qui chante à peine), soit enfin par des analyses de
contextes qui font la preuve de l’usage antonymique : manohana ny tolona
ho an’ny vehivavy ve izy sa tsia ? (Est-il pour ou contre la lutte pour la
condition féminine ?)
Jean DUBOIS rend ainsi compte de la polysémie du vocabulaire
politique et social, à partir de la distribution des mots et de leur
179
180
contexte énonciatif. Il utilise aussi des « commutations qui font
ressortir les oppositions ou les identités », comme dans les exemples
suivants : ny masoandro amam-bolana, qui signifie littéralement : le soleil
et la lune, deux forces inégales ou en oppositions ; ny tafita sy ny
niangaran’ny
vintana,
traduction
littérale :
les
chanceux
et
les
malchanceux, soit par des analyses de contextes qui font preuve de
l’usage antonymique, tel que na ririnina na fahavaratra, en hiver comme en
été.
Toujours dans cette direction, selon CRUSE (Cruse, D. A. 1986 : p.
35), on peut distinguer trois catégories d’antonymies. Premièrement, les
polaires, qui sont gradables, par exemple : malalaka, large / tery, serré.
Deuxièmement, les complémentaires, ny atsimo sy avaratra, le nord et le
sud, ou encore ny zaza amim-behivavy, les femmes et les enfants, qui sont
en opposition mais qui en même temps se complètent. Troisièmement,
les inverses, ny mahiratra, les voyants et ny tsy mahiratra, jiky, les nonvoyants. Mais les antonymies ne sont pas une catégorie simple.
Certaines paires antonymiques semblent plus fortement opposées que
d’autres. Ainsi, selon CRUSE, milalao, jouer / miasa, travailler sont des
antonymes relativement faibles en raison du manque d’une échelle
unidimensionnelle claire qui sous-tendrait leur opposition. De la même
façon, deux antonymes sont d’autant meilleurs que l’opposition épuise
une plus grande proportion d’éloignement de leur sens . Rano, eau / afo,
feu, sont ressentis comme des antonymes par certains locuteurs, mais
dans des contextes où ils représentent un choix binaire.
L’antonymie peut donc être considérée comme une relation
prototypique, où en réalité les relations sémantiques sont semblables
aux concepts selon le type du mot, selon la comparaison de similarité
possible et selon le contexte.
Les
renvois
analogiques
et
antonymiques
sont
donc
très
révélateurs, lorsque nous entendons ny lehilahy mahery fo, l’homme
héroïque, par rapport à ny vehivavy fanaka malemy, la femme fragile. Ces
180
181
renvois analogiques ne sont pas le fruit du hasard, parce que malgré la
lourde responsabilité qui incombe à la femme, il ressort des rapports
d’inégalités et de subordination qui apparaissent aussi bien dans la
division hiérarchisée du travail que dans les relations entre les hommes
et les femmes. Seuls les hommes fondent les structures de domination
et exercent le contrôle de la richesse. La
propriété de la terre et
l’élevage des troupeaux surtout sont transmis en ligne masculine.
Lorsqu’on considère l’homme comme mahery fo,
héroïque,
matanjaka, viril, la dissymétrie est accusée bien au-delà de la réalité de la
langue et aggravée par le fait que les mots laudatifs pour les femmes
sont largement dépassés
par les mots péjoratifs. Seuls sont laudatifs
ceux qui ont trait à la beauté, à l’aspect extérieur , ampela fanjaka lahy e,
une jolie fille, dis ! Sady taviny no volony, elle est à la fois la graisse
et la chevelure : traduction littérale, mais qu’on peut considérer comme
la signification de la beauté physique et morale de la femme.
On peut aussi restituer le réseau d’antonymies à partir d’un
certain nombre d’oppositions. Par exemple, la femme est vouée à la
servitude, à l’univers des sens, de la sensation mais aussi de
l’imagination, des tourments, de soupçon et de jalousie. Elle est
condamnée à la passivité féminine, olon’ny fo, littéralement : qui raisonne
avec le coeur,
passion qui la prive d’énergie et l’affaiblit,
fanaka
malemy, meuble fragile, pleurnicharde. (Rappelons le poème de H.
RANJATOHERY). De plus, nous tenons à signaler que les femmes sont
considérées comme domestiques, mpanampy ; rarement en tant que, filoha,
chefs ou présidentes. Néanmoins, sans être esclaves des hommes, elles
ne sont pas leurs égales sur tous les plans.
La relation devenue mythique entre la passivité et la féminité ou
l’activité et la virilité s’établit sous le masque d’une « loi sociale »,
attribuant aux hommes le rôle de « hommes », vatan-dehilahy, guerriers,
mpiady ou soldats , vata-miaramila et aux femmes le rôle de mpanompo,
domestique, ou aide, mpanampy.
181
182
Il se dégage indéniablement de nos lexiques un ralent de
sexisme, même involontaire. Nous ne pouvons pas nous empêcher de
voir la réalité en face, donc ces clichés ou ces stéréotypes sont témoins
de la dissymétrie lexicale et sémantique.
En d’autres termes, la valeur d’un mot ou d’une expression ne
s’explique pas seulement par son sens universel et général, mais par ses
combinaisons habituelles avec d’autres mots. Et on ne sait pas avec
précision ce que le mot isolé représente, car les réalités essentielles
dans une langue sont déterminées dans les interactions des mots, selon
leur contexte.
Dans le même ordre d’idées, T. de MAURO, a écrit que « deux
individus parlent toujours des langues différentes, car mis à part le cas exceptionnel
d’une coïncidence parfaite et totale entre deux patrimoines linguistiques personnels,
même les mots qui paraissent extérieurement communs par des ressemblances
phoniques ou par un voisinage grossier de dénotation sont en réalité des mots de
signifié différent, puisque insérés dans des réseaux différents de rapport… » (Mauro,
T. de. 1964 : p. 130-131).
Ainsi, cela ne nous étonnera pas si les hommes et les femmes
vivant dans un même milieu social, perçoivent et utilisent des parlers
différents. En effet, le langage peut perdre, dans son usage, toute ou du
moins une partie de sa signification primitive, ce qui oblige les
participants de l’interaction à faire beaucoup d’attention pour certains
événements même minimes, arrivant à un lieu ou à un moment. S’il y a
donc dissymétrie sémantique, c’est parce que le contexte en dépend : en
d’autres termes, les conditions sociales, économiques, politiques et
esthétiques déterminent le sens d’un mot.
182
183
CONCLUSION
Au terme de cette troisième partie, nous pouvons souligner que
les hommes et les femmes peuvent adopter des registres différents au
sein d’une même communauté linguistique, car cela représente un reflet
de rôle et de centres d’intérêt différents. La femme est considérée
comme bavarde : elle parle pour des sujets sans importance, alors que
les hommes réfléchissent. Même si notre langue ne représente pas de
genre grammatical, le genre sexuel ou naturel est perçu et vécu par les
locuteurs.
La
tendance
anthropomorphique
de
l’homme
le
pousse
à
sexualiser la nature et la réalité qui l’entoure. Ainsi, des stéréotypes et
des métaphores à propos de la femme sont omniprésentes dans la
langue ; malgré la définition donnée par les dictionnaires, un grand
nombre de connotations sont liées aux significations dénotatives, qui
peuvent à leurs tours créer des significations différentes. La notion de
signification n’est donc pas simple, car un mot a toujours une valeur
sociale plus ou moins rationnelle ou affective.
Cette dissymétrie sémantique entre hommes et femmes se fait sentir
également dans les antonymies. Est-ce qu’on peut conclure alors que hommes et
femmes utilisent des parlers différents ? Tant que le phénomène de différenciation
reste social, on peut s’attendre à une atténuation des différences de langage entre
hommes et femmes au fur et à mesure que les femmes accèdent à la même éducation et
aux mêmes carrières que les hommes. Une espèce de nivellement linguistique
effacerait peu à peu les différences et les dissymétries, qu’elles soient dues à la
situation sociale, à l’âge, au sexe, si les efforts des instances linguistiques et des
organismes d’éducation vont dans ce sens. C’est justement ces efforts féminins qui
luttent pour l’amélioration de leur milieu et pour jouir pleinement de leur droit que
nous allons suivre dans la dernière partie de ce travail.
183
184
QUATRIEME PARTIE
LES USAGES LINGUISTIQUES SUR LES DROITS DE LA
FEMME
184
185
INTRODUCTION
Cette dernière partie concerne essentiellement la lutte et
l’engagement de la femme pour exprimer leurs droits et leurs valeurs
sociales.
Il
s’agit
alors
d’un
discours
socialement
marqué,
qui
s’aventure dans un domaine idéologique, glissant et difficile. En effet,
le discours féministe peut se ramener à un stéréotype, d’où caricature
facile.
Les questions qui se posent sont celles-ci : « quel langage peut
décrire
les
revendications
d’une
spécificité
féminine
pleinement
assumée dans le domaine culturel et social ? En transgressant les
barrières sexuelles et les tabous, parce qu’elles ont osé prendre la
parole, les femmes peuvent paraître contribuer à leur libération, mais ce
faisant, ne se retrouvent-elles pas coincées dans un système qui reste
sexiste ? Qu’est-ce qu’il faut faire dans ce cas ?
Nous pensons que c’est par la revendication de leurs droits
uniquement, en appelant les hommes à y participer qu’elles peuvent
s’en sortir. La meilleure manière de prouver que les femmes méritent
d’être écoutées, est de s’unir d’abord entre elles et d’utiliser le même
langage pour revendiquer leurs droits.
C’est l’analyse de ce langage féministe que constitue l’objet
d’étude
de
cette
dernière
partie.
Nous
essaierons
également
de
déterminer les motivations qui les poussent à adhérer à un mouvement
associatif féministe, ainsi que les blocages que telles associations
peuvent
rencontrer.
Il
serait
important
pour
pouvoir
guider
l’investigation, de continuer à nous intéresser à la nature sociale des
femmes - ce que nous avons toujours fait d’ailleurs, à leur psychologie
et de voir leur participation à la vie sociale, culturelle et politique. En
effet, les femmes vivent actuellement dans un certain type d’époque et
de milieu qui définit leurs rôles et les modèles de leur comportement
appropriés à des règles et des normes venues de l’extérieur d’elles-
185
186
mêmes et de leur culture. C’est la conséquence de la mondialisation. En
dépit d’elles-mêmes, elles ne doivent pas uniquement se conformer aux
modèles d’enseignements hérités ; elles doivent surtout s’adapter aux
circonstances. Elles ne s’appuient plus sur des expériences selon les
situations qui leur sont familières, facilitant les échanges et les
interprétations cohérentes, dans lesquelles elles se sentent plus ou
moins mal à l’aise ; elles doivent faire face à un troisième millénaire
qui attend d’elles une pleine participation avec une vision nouvelle de
leurs devoirs, - devoirs vis-à-vis d’elles-mêmes, de leurs familles et de
leur nation.
Nous proposons alors d’étudier les points suivants, qui doivent
être mis en relief dans notre analyse :
- Chapitre 1, le mouvement associatif et les problèmes rencontrés,
- Chapitre 2, le discours féministe,
- Chapitre 3, le rôle de la langue vis-à-vis du principe d’égalité.
Nous avouons que cette dernière et quatrième partie paraît plus
difficile à traiter que les deux précédentes. Mais grâce à des lectures
plurielles,
autres
que
les
manuels
linguistiques,
la
richesse
intellectuelle de certains ouvrages plutôt sociopolitiques et juridiques,
nous a permise de mettre en lumière la complexité du travail. Par
ailleurs, ces ouvrages constituent le fond de notre étude et orientent son
sens final. Nous allons commencer cette analyse.
186
187
CHAPITRE 1
4.1. LE MOUVEMENT FEMINISTE ET SES PROBLEMES
Nous
assistons
actuellement
à
un
large
mouvement
de
revendication d’une spécificité féminine pleinement assumée dans le
domaine culturel en général. Les femmes sont à la recherche de leur
identité. Cependant, chez nous, à Madagascar et moins encore à Toliara,
le mouvement féministe n’est pas assez virulent par rapport aux autres
mouvements féministes étrangers ; néanmoins, depuis près de trois
décennies, cela devient de plus en plus important. C’est dans cette
optique que nous avons délibérément choisi à étudier ce thème, qui se
divise en trois sous-chapitres. Nous commençons d’abord par l’étude
des transformations actuelles du rôle et de la place de la femme, raisons
des différentes associations féminines ; puis dans le deuxième chapitre,
nous allons découvrir quelles sont les différentes associations et leurs
problèmes, et enfin, nous découvrirons les droits de la femme et le
principe d’égalité des droits.
4.1.1. Les transformations souhaitées à l’égard du statut actuel de la
femme
La femme souhaite que certaines conditions soient améliorées :
•
Vis-à-vis de son foyer
Suivant les études que nous avons menées jusqu’ici, les
représentations sociales de la femme tournent autour de deux pôles qui
sont le mariage et la maternité. A quelques exceptions près, ces
représentations se constatent d’une ethnie à l’autre, nous avons par
187
188
contre ressenti une légère différence entre femme rurale et urbaine, du
moins au niveau des valeurs et des cadres de référence.
Objectivement, la femme occupe une place centrale dans la vie
des sociétés du Sud-ouest. En effet, son rôle est important dans la
reproduction du système social global, car c’est elle qui assure la
production physique du lignage par la maternité, c’est elle qui assure
également les conditions de viabilité de cette production en étant
responsable de la nourriture, de la santé de la famille ; son rôle n’est
pas négligeable dans la reproduction sociale en général, parce qu’elle
est
responsable
de
l’éducation
des
enfants ;
certaines
valeurs
essentielles de la société se transmettent à travers elle. La promotion
sociale et économique de l’homme se réalise aussi en grande partie
grâce à ses compétences.
Cependant la femme doit enfanter jusqu’à l’épuisement de sa
capacité, même si elle ne souhaite plus avoir d’enfant. Certes elle est
source de vie et de richesse, surtout si elle engendre beaucoup de
garçons. Pourtant lorsqu’ on parle de limitation de naissance, ce sont
les hommes qui n’acceptent pas les premiers. C’est dans cette optique que
les filles mères ou mères célibataires, ny ampela miteraka tsy manam-baly, ne
sont pas rejetées par leur groupe et leur progéniture. Elles s’y intègrent
avec toutes les bénédictions des parents et avec tous leurs droits. On les
incite même à engendrer avant le mariage pour montrer que c’est une
fille apte à continuer le lignage.
Les représentations que nous venons d’évoquer n’ont été
bouleversées ni par le christianisme, ni par l’éducation scolaire. Etre
mariée est un prestige social, surtout pour une jeune fille ; mais ce n’est
pas une raison pour qu’elle s’y engage très jeune, ni à être la concubine
d’un homme ayant l’âge de son père. Si les jeunes filles s’engagent
dans ce chemin, ce sera une menace pour la génération future, comme
ce proverbe le dit : « aza mamono reny toa vary ratsy 46 », traduction
littérale : ne tue pas la mère comme les mauvaises semences de riz,
46
Voir annexe, p.276, n°7.
188
189
c’est-à-dire que notre société doit préparer la sémence si on souhaite
avoir une bonne récolte. Tout cela mérite donc un grand changement ; et
c’est pour cette optique que certaines
femmes bougent et se mettent
ensemble pour dénoncer ces mauvaises habitudes qu’il faut exterminer.
•
Vis-à-vis de l’éducation
L’éducation à la maison ne peut rien faire à l’influence de
l’extérieur, où la morale est des plus laxistes. Une mère déplorée a dit
que les petites filles deviennent adultes avant l’âge, kely antitse. Les
classes les plus difficiles pour les filles comme pour les garçons sont
celles qui vont de la classe de 5ème à la classe de première. Le
problème concerne surtout le domaine de la sexualité. De l’ordre de la
tradition, certains parents n’osent pas aborder ce sujet, considéré
comme entouré d’interdits. Par conséquent, la petite fille a très tôt des
relations sexuelles. Par ailleurs, peu de femmes ont été initiées à la
maternité par leur mère ou un membre de leur famille. On dit toujours :
mahamenatra, cela fait honte. C’est pour préparer les jeunes filles à ces
problèmes que l’association, telle que le F.T.K. (Fikambanan’ny
Tokantrano
Kristiana),
Associations
des
Ménages
Chrétiens,
est
organisée.
Dans les régions où la fréquentation scolaire est élevée, les
filles sont bien représentées au primaire et au secondaire ; certes
certains progrès ont été enregistrés dans toutes les régions de Toliara,
mais il reste beaucoup à faire, car dans les pays où les ressources et les
équipements scolaires sont difficiles à parvenir, les inscriptions sont
peu nombreuses. Les familles doivent choisir entre un garçon et une
fille pour envoyer un enfant à l’école. C’est le plus souvent la fille qui
perd son avantage. L’égalité des sexes n’est pas du tout considérée et
cela demande encore un grand effort de la part des femmes. C’est la
deuxième raison de se mettre en mouvement : revendication de la même
éducation scolaire pour les garçons et les filles.
Le contexte de crise pousserait également certains parents à
fermer les yeux sur la conduite de leurs filles, qui passent à la charge
189
190
des hommes mariés. Les parents ne savent ainsi quoi dire et faire, vu
l’ampleur du non respect de la vie, avec la pénétration accélérée de
l’influence occidentale à travers les livres, les films et pour les plus
avancées par l’intermédiaire des internets ou les vidéos. Ainsi, la
prostitution n’est plus cachée, car cela s’affiche même devant les
membres de la famille qui sont faly, interdits, tels que le père et les
frères. Cela prend des proportions alarmantes. Les jeunes filles et les
adolescentes errent, mirenireny, mirendra, parce qu’elles ne fréquentent
plus l’école ; en outre la ville de Toliara elle-même s’appelle Toliara tsy
miroro, la ville qui ne dort pas. La nuit, elles fréquentent les boîtes de
nuit, mamonjy boaty. Le phénomène de l’appétit à la vie pousse les jeunes
filles à épouser des vazaha âgés, qui l’emmènent à l’étranger. Ainsi,
elles peuvent envoyer de l’argent pour faire vivre la famille restée ici.
•
Vis-à-vis de la vie publique
Des femmes pourvoient à leur propre existence , mahavelon-tena,
lorsqu’elles n’ont pas de problèmes matériels et qu’elles sont en mesure
de gâter leurs parents. Les femmes ayant réussi leur vie, tafita,
n’oublient pas par contre les malchanceuses, niangaran’ny vintana dans les
oeuvres de bienfaisance ou les activités bénévoles. En milieu rural, les
modèles des femmes dans ce registre sont les agents dans les services
administratifs, les sages-femmes, les institutrices ; en milieu urbain,
être
juges,
avocates,
enseignantes
et
doctoresses
symbolisent
la
réussite. Récemment, les femmes agents de polices ont augmenté de
nombre. L’Etat a recruté beaucoup de femmes dans ce service.
Parmi les nombreux avantages qu’offre un enseignement de
qualité est la sécurité qui s’attache à un travail rémunéré. Or, les
femmes sont trop souvent reléguées dans des emplois précaires et mal
payés. Bien que leurs places dans les emplois non agricoles rémunérés
aient augmenté, elles restent une petite minorité dans les emplois
salariés. Des projets de promotion de petites unités de production
viennent d’ouvrir ses portes ces dernières années, sous les auspices du
Ministère de la Population. L’espoir de chacun ou plutôt les
femmes
190
191
repose sur le secteur informel, cette planche de salut, car c’est un projet
ayant pour cible les femmes.
Les
activités
des
femmes
en
milieu
rural
recouvrent
principalement l’agriculture et l’élevage, les activités artisanales, les
activités de vente à petite échelle, kinanga, le petit commerce des
épiceries, dokany et gargotes, varotra hani-masaka, les emplois dans les
services administratifs en tant qu’employées et secrétaires, mais rares
en tant que cadres. En ville, les activités artisanales de production
d’aliments cuits, vendus aux coins des rues et dans les marchés, tels que
les sambos, les yaourts faits maison, les brochettes de viande, les
manioc tranchés appartiennent à la majorité des femmes. Le petit
commerce d’achat et de revente kivalibalika, complète des activités qui
sont les activités de survie et d’appoint aux revenus familiaux.
Le nombre d’emplois domestiques : lavandière, mpanasa lamba,
bonnes , mpiasa an-trano prend également de l’importance. Mais les
femmes, qui travaillant dans les entreprises ou services administratifs
déplorent le manque de temps pour prodiguer soins et affection aux
enfants, ou suivre l’éducation de ceux-ci. Elles se plaignent de la
difficulté des avancements et des promotions dans les lieux de travail,
l’exploitation envers les employées par les chefs, ny sefo, dans les
sociétés privées.
La participation féminine à l’activité économique se caractérise
par la faiblesse d’accès des femmes chefs de ménage aux productifs, les
difficultés féminines d’accès aux services financiers et au crédit, leurs
prédominances dans les catégories socioprofessionnelles subalternes et
les emplois peu qualifiés, les discriminations au niveau de l’embauche,
du salaire et de la sécurité de l’emploi, leur forte proportion dans le
secteur non structuré ou informel.
Ainsi, en l’état actuel des inégalités entre les sexes, la nation se
prive d’une grande partie de la force productive et du potentiel humain
dont elle dispose. Le manque à gagner économique dû aux inégalités en
191
192
capital humain et en capital productif à l’encontre des femmes constitue
donc un obstacle à la sécurité alimentaire, au bien-être des populations
et à la réduction de la pauvreté. Il faut que ces inégalités disparaissent,
car gagner sa vie de façon productive et satisfaisante procure à
l’individu les moyens d’acquérir des biens et services.
•
Vis-à-vis de la vie politique
Les stéréotypes sexistes sur la spécificité et la différence de
chaque sexe expliquent l’inaptitude de la femme à s’impliquer dans le
domaine politique exclusivement réservé aux hommes en raison de leur
intelligence « supérieure ». Aussi, la plupart des hommes et des femmes
trouvent-ils « naturelle et justifiée » la mise à l’écart des femmes du
domaine politique et de ses sphères de décision. Un grand nombre de
femmes elles-mêmes se considèrent comme congénitalement inaptes à y
accéder et à croire que l’on ne doit rien tenter pour changer la situation.
Bien que les femmes malgaches aient acquis le droit de voter et
d’être élues le 29 avril 1959 avec l’avènement de l’indépendance, elles
ont
été
quasiment
systématiquement
absentes
du
sous-représentées
processus
dans
la
électoral
et
quasi-totalité
sont
des
institutions locales et nationales. A toutes les élections présidentielles
qui ont lieu, une seule femme s’est portée candidate en 1993. Au niveau
gouvernemental, depuis l’indépendance, le nombre de femmes ministres
et secrétaires d’état n’a pas dépassée une dizaine. Aucune d’entre elles
n’a été présidente, ni du Sénat, ni de l’Assemblée nationale ; il en est
de même dans les partis politiques et les syndicats. Elles continuent à
être écartées des grandes décisions dès que les processus de négociation
et d’occupation des postes de responsabilité au plus haut niveau se met
en marche.
En privant les femmes du pouvoir d’expression et de décision
dans les différentes instances de la vie politique nationale constitue,
qu’on le veuille ou non, une grave entorse au respect des principes
fondamentaux de la démocratie et un obstacle au développement. Aussi,
les femmes doivent-elles être associées étroitement aux décisions à tous
192
193
les niveaux et dans tous les domaines de la vie nationale et locale en
matière économique, sociale, culturelle et politique.
Tous ces problèmes que nous venons de citer incitent aux
femmes de contribuer à des mouvements associatifs qui, selon elles,
procèderont à une accélération de la promotion effective de l’égalité du
genre dans les prochaines années. Le sous-chapitre qui suit nous
présente la participation active des femmes dans ces mouvements.
4.1.2. Les mouvements féministes
Certaines femmes, conscientes qu’on a besoin de leurs efforts,
s’intègrent dans des groupes ou des associations féministes. L’accent y
est mis sur l’amélioration de leur statut social, économique et politique.
On les considère comme « activistes et défenseuses » des droits de la
femme, faisant partie des femmes « libres », vehivavy afaka, qui aspirent
à un avenir dont le contour semble obscurci par l’acuité des problèmes
du moment, mais qu’elles continuent d’envisager avec optimisme.
Leurs efforts doivent tendre à surmonter les différentes formes
de
crises
qui
affectent
leur
environnement :
déficit
alimentaire,
malnutrition, dégradation des moeurs, sécheresse, crise de logement,
sous administration, etc. Elles doivent comprendre, afin d’en trouver
des solutions, le sens des profondes
mutations qui sont en train de
s’opérer : nouveaux rapports politiques, urbanisation, crise des valeurs
sociales, alphabétisation accrue, évolution du niveau technologique. En
effet, elles ne veulent pas y aller seules ; elles font appel à toutes et à
tous qui aimeraient également contribuer à cette lutte, c’est la raison
pour laquelle elles s’intègrent dans des associations ou des groupes.
Nous proposons d’analyser les motivations qui poussent les femmes à
adhérer à un mouvement associatif. Nous fonderons notre analyse sur
les expériences qu’il nous a été donné dans le cadre de nos enquêtes
sociolinguistiques ou de vivre en tant que membres de ces associations.
Nous parlons de ces associations, parce que les femmes ont été
longtemps laissées pour compte, parce que le développement du pays
193
194
entier ne peut se faire sans elles, qui sont d’ailleurs supérieures en
nombre par rapport aux hommes et parce qu’elles sont, le plus souvent,
les plus démunies parmi les démunis dans notre pays.
Selon R. RAHANIVOSON et J. RAMANANTENASOA, le terme
« mouvement associatif » désigne « les différentes formes d’associations dont le
but est d’oeuvrer ensemble quelle que puissent entre les appellations que ces
associations se sont données ou qui ont pu leur être attribuée : coopérative, précooperative, association, groupement, etc. » (Rahanivoson, R. Ramanantenasoa,
J.1989 : p.138). Ces associations en question peuvent être, soit quasispontanée,
soit
impulsée
par
un
organisme
non
gouvernemental
(O.N.G.), soit rattachée à un mouvement politique.
La question qui se pose est celle de savoir pourquoi les femmes
adhèrent-elles au mouvement associatif ? Depuis quelques décennies,
tout particulièrement depuis la Décennie de la Femme (1975-1985), des
organismes
internationaux,
nationaux,
gouvernementaux
ou
non,
différents partis politiques, exhortent les femmes à se grouper pour
constituer une force. La journée du 8 mars leur a été attribuée.
47
Malgré cela, omby indray mandry tsy indray mifoha , des zébus qui
dorment ensemble ne se réveillent pas au même moment, c’est-à-dire
qu’il y a des femmes qui traînent et ne comprennent pas qu’on lutte
pour elles. Ces dernières ne ressentent pas les problèmes de la même
manière, ou bien elles savent presque toutes qu’elles sont les cibles de
la discrimination, selon le genre, et elles en souffrent d’une façon
disproportionnée, mais elles ont peur. Elles appréhendent que s’aligner
sur les normes masculines, c’est-à-dire aller au devant d’eux et prendre
la parole à la place des hommes, est réellement interdit, surtout dans
un milieu tel que nous vivons à Toliara. Cependant, la sous-estimation
de la bonne volonté des femmes qui font partie des associations ou des
groupes féministes ne les arrête pas de tirer sur la sonnette d’alarme
pour stimuler leurs soeurs ; elles espèrent qu ‘elles seront une source
d’enrichissement
47
pour
les
générations
présentes
et
futures.
Et
Voir annexe, p. 276, n ° 13.
194
195
évidemment, elles n’ont pas manqué à demander aux hommes d’avoir
également leurs droits de parler politique.
Devenues militantes, mpitolona, elles ont du mal à se faire
entendre de leurs amis masculins, qui considèrent comme normal d’être
leur porte-parole. Vis-à-vis des hommes donc, elles doivent être
emmurées.
Pourtant, en ce début du troisième millénaire, les membres des
associations féministes pensent innover leurs pratiques : non plus
comme des automates, elles créent elles-mêmes le mouvement de
l’histoire. Elles ne se perdent pas dans les grandes théories savantes des
économistes, démographes et penseurs. Elles réclament plutôt le droit à
l’information et à l’éducation pour elles-mêmes, pour les hommes qui
acceptent leur lutte et pour les jeunes autour d’elles, afin de ne pas
plonger les enfants auxquels elles donnent la vie, dans la pauvreté. Il ne
s’agit pas seulement d’un discours creux et vidé de sens, mais d’une
prise de conscience et de responsabilité sur le plan national. Il ne s’agit
pas non plus de refuser les structures d’organisation, qui elles sont
nombreuses et difficiles à démêler ; ce qui n’exclut pas une remise en
question du type de société dont on est à la fois le produit et le support
en tentant de sortir de certains modèles culturels, idéologiques,
principes dominants. Ce qui suppose des risques et des exigences. Pour
illustrer la lutte juridique de la femme, nous avons recueillis des
textes 48, redigés par des femmes, revendiquant des changements au
niveau des lois qui nous concernent.
4.1.2.1. Les différentes sortes d’associations féminines
L’association peut être de type coopératif, regroupant des
femmes dont le souci majeur est d’augmenter les revenus nettement
insuffisants de leur famille. La plupart d’entre elles n’ont encore exercé
aucun métier jusqu’à leur adhésion. Très souvent, le matériel utilisé au
sein de l ‘association appartient aux membres et le capital de départ est
constitué de cotisations. La démarche du groupe est autant économique
48
Voir corpus, p. 280.
195
196
qu’idéologique, parce que les femmes veulent à la fois faire des
échanges d’expériences, mifanakalo traikefa et de productions, vokatra.
•
Dans les sphères confessionnelles et religieuses
L’association des femmes au sein des paroisses et des églises
regroupe des femmes d’un certain âge : les Dorkasy (associations des
femmes des paroisses protestantes), les Zanak’i Masina Maria (association
des Femmes
des paroisses Catholiques), les Fikambanan’ny Tokantrano
Kristiana (association des Foyers Chrétiens), etc. Elles ont l’habitude de
réserver un jour par semaine à la couture, à la vannerie afin de se
procurer de l’argent. Elles se réunissent également pour prier, lire des
journaux ; elles visitent des malades et entretiennent les églises. Elles
organisent des ventes, lavanty, ou des ventes expositions, varotra
fampirantiana, des représentations théâtrales, des séances de vidéo
lorsqu’elles ont besoin d’argent pour une oeuvre précise. Certaines
d’entre elles donnent des renseignements sur la vie en société, la tenue
du ménage, les soins aux enfants, l’ensemble de l’enseignement sur le
savoir vivre : fahaiza-miaina.
En matière de vie associative, les femmes sont enclines à
s’engager plus naturellement dans les associations caritatives dont
l’objet s’apparente ou renforce leurs rôles en tant que femmes, par
exemple : les activités culinaires, les soins des personnes adultes ou
handicapés, les prières, etc. que dans celles des retombées de pouvoir
économique ou social. Par ailleurs, les femmes tendent à percevoir
l’aberrance du fait que dans les associations admettant des membres
mixtes, les hommes restent souvent à la tête et les femmes ne sont que
des simples membres.
•
Dans le sphère politico- administrative
La majorité des femmes qui adhèrent dans un sphère politique
sont fonctionnaires, donc des intellectuelles, avara-pianarana, telles
que
des
médecins,
ingénieurs,
adjoint
administratifs,
etc.
Elles
participent aux votes, à la vie du fokontany ; elles interviennent surtout
196
197
dans les tâches d’assainissement et d’hygiène, de reboisement ; les
femmes sont souvent exécutantes, quasiment jamais au niveau de la
décision et du pouvoir. Elles n’ont pas été formées comme les garçons
ou les hommes à affirmer leur personnalité à convaincre.
L’association opère surtout en milieu urbain et rural. Les
activités portent sur l’enseignement du savoir-vivre aux femmes, la
promotion d’hygiène publique par le maintien de la propreté de la
maison, de la cour, du quartier, la sensibilisation de la population à la
création des latrines et évidemment, l’association dépend de l’idéologie
politique, donc elle propose de s’appuyer dans leur stratégies pour faire
face à la crise économique qui paralyse le développement du pays.
L’association organise également les femmes lors des campagnes en vue
d’élection pour conscientiser le peuple. Mais le plus important, c’est
leur cohésion pour revendiquer la valorisation du statut juridique, dont
leur pleine jouissance contribue au développement du pays.
•
Dans les milieux des organismes non gouvernementaux
Volamahasoa 49 est un des exemples de projets ayant entrepris de
cibler les femmes dans la ville de Toliara. Ce projet permet aux femmes
de s’organiser entre elles pour avoir des financements. Son but est
d’aider les défavorisées urbaines à mieux gérer par rapport aux
difficultés de la vie quotidienne. Les femmes entre elles doivent
montrer une certaine confiance. L’impact de ces associations, sans être
extraordinaires, n’est pas négligeable. Les moments des réunions leur
permettent
de
se
retrouver
ensemble
pour
discuter
entre
elles.
D’ailleurs, les mouvements associatifs contribuent à faire monter les
femmes dans l’estime des hommes. De plus, la situation économique, la
paupérisation, l’individualisme, l’esprit de concurrence, phénomènes
particulièrement flagrants chez les citadines, poussent un nombre
croissant de femmes à rechercher du travail ou une activité d’appoint.
49
Rafitra Fampisamboram-bola aty atsimo andrefan’i Madagasikara : Bezaha, Ankililoaka, Sakaraha,
Tuléar-Mahavatse, Tanandava-samangoky, Behompy-Miary ; [email protected]
197
198
Ces associations concernent aussi bien la production agricole,
vivrière ou industrielle que la confection de vêtements au marché, zaitra
an-tsena, ou la prestation de services. Les femmes membres, ny
mpikambana, viennent des différentes couches sociales : épouses de
paysans, femmes sans travail (chômeuses), petites artisanes, mpanao asa
tanana, femmes de gendarmes ou de militaires, vady
zandary na vady
miaramila et femmes cadres issues des associations des femmes médecins
ou juristes, etc.
4.1.2.2. Les problèmes au sein des associations
Des
graves
problèmes
peuvent
se
présenter
au
sein
des
associations féminines, tels que le manque de formation au niveau de
l’éducation. On constate que l’éducation donnée aux jeunes filles ne les
prépare
pas
L’objectif
a
à
l’entreprise
été
d’être
d’un
mère
projet
de
à
famille,
caractère
économique.
non
être
pas
femme
entrepreneur.
Ce problème se passe aussi au niveau de scolarisation. Le
nombre de femmes scolarisées est encore très bas ; la plupart d’entre
elles ne sont pas spécialisées techniquement en dehors de la couture, ny
zaitra, le tissage, ny tenona, la cuisine, ny ketrika, et les petites
productions
vivrières,
famokarana
madinika,
qui
sont
peu
rémunérateurs ; ce qui limite l’activité des femmes en matière de
gestion. Par conséquent, il manque de formation en matière de gestion
autre que celle du budget familial ; de plus, la méthode de gestion est
très peu transparente au sein des associations.
Enfin, l’accès aux informations est limité, voire inexistant.
Certes les moyens d’informations existent, mais ils ne répondent pas
aux besoins des femmes, parce qu’ils traitent en priorité du travail
masculin. De plus, les femmes ne savent pas où s’adresser soit pour
mettre en place des projets viables, soit pour résoudre des problèmes
rencontrés en cours de projet.
198
199
Sur le plan financier, d’une part, les membres sont généralement
pauvres, pour dégager des surplus de leur budget familial ; d’autre part,
les membres ne peuvent pas constituer le fonds de démarrage de
l’association. Les financements sont rares et il faut avoir la confiance
des bailleurs de fonds qui, d’ailleurs s’y intéressent peu.
Ainsi, les activités dans les associations ne sont pas considérées
comme rentables socialement, contrairement à d’autres activités plus
prestigieuses au sein du Fokonolona, de la Croix Rouge ou des
communautés religieuses.
Sur le plan technique, il est difficile pour les femmes de
s’introduire sur un marché organisé, quant aux exigences des clients
pour la qualité et la conformité des produits, d’où les réseaux
d’approvisionnement et de commercialisation sont faibles. En outre, les
femmes sont tiraillées entre les tâches ménagères, la garde des enfants
en bas âge et le travail pour le groupe d’autant plus que les conjoints
pensent qu’elles perdent leur temps à se réunir, lany andro mivory avao.
Dans ce cas, le problème de disponibilité en temps doit être considéré.
En guise de synthèse, à partir de ces problèmes, nous constatons
qu’il existe trois types de freins ou blocages pour la réussite des
associations féminines : les freins dus à la situation socio-économique
globale à savoir l’insuffisance de structure éducationnelle, difficulté de
communication, manque de financement ; les freins relatifs à la
situation personnelle de la femme, telle que les tâches ménagères qui
sont exclusivement réservées aux femmes qu’elles travaillent ou non à
l’extérieur ; les blocages au sein des associations elles-mêmes, car il
manque de confiance entre les femmes
Nous avons montré de façon caricaturale que ce n’est pas la
volonté de s’organiser qui manque aux femmes. Mais il n’empêche que
si les problèmes évoqués sont communs à toutes les femmes, celles des
classes aisées peuvent y trouver des solutions, ce qui n’est pas le cas
des femmes les plus démunies. Donc, d’après les expériences vécues par
199
200
les femmes dans le cadre du mouvement associatif, certaines ont été un
échec, d’autres ont apporté un mieux-être aux femmes et à leurs
familles.
Il
économiques,
faut,
sans
par
conséquent,
lesquelles
la
créer
les
participation
bases
de
la
sociales
et
femme
au
développement et au mouvement associatif ne serait qu’un vain mot.
Nous prolongeons cet intérêt sur l’étude de l’association
féminine par l’analyse de l’usage linguistique au sein des groupes ou
associations luttant pour les droits de la femme. Il est temps de
connaître comment on parle au sein de l’association ou du groupe
féministes.
200
201
CHAPITRE 2
4.2. LE DISCOURS FEMINISTE
Cette partie va souligner la complexité des relations entre le
discours féministe et la réalité. En effet, le discours féministe et non
plus féminin nous emmène dans un espace engagé, ce qui signifie que le
terme « féministe » est socialement marqué. L’initiateur des recherches
de linguistique sociale appliquées au vocabulaire politique est sans
contexte J. DUBOIS, même si l’on peut dire que G. MATORE a été sur
ce point à l’origine des recherches en sociologie du langage. Ainsi, dans
ce deuxième chapitre, nous allons tour à tour procéder au rappel des
méthodes utilisées par J. DUBOIS ; puis nous étudierons les différents
registres
linguistiques
qu’on
peut
rencontrer
dans
un
discours
féministe ; enfin, dans le dernier chapitre, nous parlerons des droits de
la femme et des usages linguistiques à cet égard.
4.2.1. Les méthodes d’analyse linguistique du discours politique
On peut dire que les méthodes d’analyse et des faits sont
nécessairement multiformes et changent avec le corpus lui-même, mais
nous nous contenterons de mener cette analyse avec la méthode de J.
DUBOIS. En effet, selon ce chercheur, l’énonciation devient un acte
dynamique continu qui rend compte de la créativité du sujet
parlant,
lequel, à tout instant, modèle son propre énoncé, « en assume plus ou
moins le contenu, prend ses distances avec lui, comme devant tout objet
en voie de réalisation… L’énonciation est définie comme l’attitude du
sujet parlant en face de son énoncé, celui-ci faisant partie du monde
des objets. Le procès d’énonciation, ainsi envisagé, sera alors décrit
comme une distance relative mise par le sujet entre lui-même et son
énoncé » (Dubois, J. 1969 : pp. 100-110).
201
202
Dans le corpus 50 à étudier que nous avons choisi le message
communiqué est plus ou moins pris en charge par le locuteur. La
distance est maximale, car il s’agit d’un discours politique. Le sujet
considère alors son énoncé comme partie d’un monde distinct de luimême. Il identifie le je d’énonciation à d’autres je dans le temps et
l’espace et cette identification peut être partielle ou totale. Le je réel
disparaît pour s’identifier à tous les je dans le temps et l’espace, c’est-àdire que le je tend à devenir le il formel, énonçant des vérités
universelles.
Dans ce cas, la communication est d’abord un désir de
communiquer. Le texte est médiateur de ce désir. Cela revient à poser
que le discours n’est qu’une tentative de saisie de l’autre ou du monde.
Là encore, le repère se fait par des unités discrètes du discours, celles
qui traduisent le mieux cette tension, laquelle se matérialise par la
présence d’une série de formes verbales impliquant une volonté d’agir,
de faire pression sur l’autre. Les plus caractéristiques étant la fonction
conative ou injonctive et les performatifs. Pour le sociolinguiste
américain
GUMPERZ,
un
énoncé
à
« valeur
performative »
s’accompagne d’une phrase supérieure, une « hypersentence », virtuelle
dans la réalisation de surface, mais bien réelle dans la structure
profonde. Ainsi, la phrase ry vehivavin’ny taona roa arivo, vehivavy manana
tombam-bidy, femmes de l’an deux mille, femme actuelle, femme de
valeur, s’accompagnerait de la phrase implicite : « j’affirme que... ».
appelle
à
l’action,
telle
que :
ndeha
hiara-mientana
On fait
ho
amin’ny
fampandrosoana, collaborons pour le développement. On lance des mots
de passe comme, vehivavy ankehitriny, femme d’aujourd’hui ; on énonce les
buts à poursuivre avec l’aide des modalités, des impératifs, des verbes
au futur, etc.
Certains
énoncés
sont
donc
caractérisés
par
une
force »illocutionnaire » distincte de leur sens. La communication n’a
qu’un but : obtenir une réaction du récepteur. L’injonction peut
50
Voir corpus, p. 289.
202
203
s’adresser soit à l’intelligence soit à l’affectivité du récepteur et l’on
trouve à ce niveau la même distinction objectif-subjectif, cognitifaffectif qui oppose
fonction référentielle et fonction émotive. Du
premier cas relèvent tous les programmes opérationnels qui ont pour but
d’organiser l’action en commun. Du second cas, les codes sociaux et
esthétiques ont pour but de mobiliser la participation du récepteur.
Cette force illocutoire, qui établit un lien entre le locuteur et le
ou les récepteurs, est marquée également par le jeu des pronoms isika,
nous, on, qui définissent justement ce rapport comme dans l’exemple
suivant : ho tratrantsika ny tanjona raha miray hina isika, nous atteindrons les
objectifs, si nous nous unissons, où le locuteur s’inclut avec les
interlocuteurs ou les récepteurs dans le nous sujet du futur injonctif pour
faire appel à l’action.
Le discours féministe enseigne aux femmes qu’elles doivent
mettre ensemble leurs efforts, elles doivent s’unir
avec des hommes,
partisans de leur lutte, pour mener à terme leur combat. D’ailleurs notre
civilisation depuis la nuit des temps nous a enseigné que « Izay
mitambatra vato, izay misaraka fasika », 51 ce qui littéralement signifie : «
ceux qui s’unissent, ressemblent à une pierre, mais ceux qui se
séparent, ressemblent au sable ».
Les femmes qui participent aux
groupes féministes ne sont plus, par conséquent, celles que les hommes
disent : mihentsea avao le ampy kahe ! , « Sois belle et tais-toi ! » Ce n’est
plus les femmes avec leur murmure, takoritsiky, et leurs chuchotements ,
bitsibitsiky qui courent dans la maison. Ce n’est plus les femmes qui
s’insinuent dans les villages, mpilaza volana alohan’ny Abibo, littéralement :
diseuse de bons mots avant Abibe, faiseuses de bonnes et mauvaises
réputations qui circulent dans la ville, mêlées aux bruits du marché ou
de la boutique, enflées parfois dans ces troubles et insidieuses rumeurs.
Non, ce n’est plus ces femmes qui font la joie des hommes,
parce qu’elles sont les vraies femmes dont on redoute les caquets ou la
51
Voir annexe, p. 276, n° 14.
203
204
radiotrottoir, radio babaky, ni les femmes maivan-doha, littéralement : à la
tête légère, qui manque de jugement et de discernement. La
tête
renvoie à des réalités intellectuelles et à des valeurs morales, donc à
des réalités abstraites.
Les groupes féministes revendiquent la différence, la spécificité,
en même temps que l’égalité des droits. Elles croient que c’est la bonne
attitude à prendre. C’est le discours qui fait mal aux oreilles de certains
individus. C’est d’ailleurs ce que font tous les mouvements de
revendications des minorités opprimées.
Mais il faut préciser que cette différence soit nettement posée
comme culturelle. La référence à la spécificité féminine donne raison à
ceux qui, depuis des siècles, s’en servent pour justifier notre statut
d’infériorité. Ainsi, il faut vraiment que l’image culturelle féminine soit
à l’égal de l’image culturelle masculine. Il faut bâtir et imposer des
modèles culturels féminins sur une spécificité féminine qui aient une
valeur universelle dans un monde partagé avec les hommes.
C’est pour cette raison que nous étudions le discours féministe,
nous donnant l’occasion de savoir les différents registres utilisés dans
les réunions ou les débats menées par
« les pro » féministes. Mais
nous y avançons avec prudence, car comme tout domaine idéologique,
c’est un terrain glissant, difficile à caractériser sans porter des
jugements.
•
Présentation du corpus
Selon la méthode utilisée par J. DUBOIS, les textes à analyser
ne sont pas systématiquement dans leur totalité, mais dans la partie
utile, c’est-à-dire dans la suite qui permet d’éclairer les conditions
d’emploi des mots dans le discours. Nous avons en quelque sorte
pratiqué cette méthode tout le long de cette recherche, mais ici, nous
voulons être encore plus explicite. C’est dans cette optique que nous
avons recueilli trois textes concernant la lutte menée par les femmes
militantes : d’une part, quelques thèmes réservés pour la célébration de
204
205
la journée internationale de la femme, de l’an 2000 à 2005 et un
discours prononcé lors de la célébration de la journée internationale de
la femme ; d’autre part, quelques passages tirés de la pièce théâtrale de
L. de G. RAKOTONANDRASANA, intitulée Ambohibehivavy 52.
Concernant les différents thèmes consacrés pour la journée
internationale de la femme : en l’an 2000, l’intitulé était : Fanomezandanja ny zo sy ny satan’ny vehivavy, valorisation du statut juridique de la
femme. L’année suivante, c’ était : Fiaraha-mientan’ny lehilahy sy ny vehivavy
ho amin’ny fampandrosoana, collaboration de l’homme et de la femme pour
le développement ; en 2003, on a choisi : Vehivavy malagasy miatrika ny
fanarenana ny toe-karen’ny fiaraha-monina, femme
malgache
face
au
redressement économique de la communauté ; pour l’année 2004,
hommes et femmes sont invités à jouir ensemble cette journée par le
thème portant sur Vehivavy sy lehilahy miombon’ezaka amin’ny fampandrosoana
tsy misy tombo sy hala, ensemble pour le développement l’homme et la
femme ont un mérite égal. Enfin, l ‘année dernière, on a décidé pour Ny
vehivavy mpiray ombon’antoka feno amin’ny fampandrosoana ny fiaraha-monina,
femme partenaire à part entière du développement de la communauté.
Les textes sont des messages qui interpellent : par les idées qu’ils
contiennent, par leurs aspects informatifs et injonctifs, on sent
immédiatement qu’ils jouent aussi le rôle de slogans. La lecture de ces
thèmes exhorte celui qui lit à prendre parti, à se décider, à se disposer.
Pour pénétrer ces textes, il faut les évaluer grâce aux différentes
fonctions
de
la
communication
(fonction référentielle,
expressive,
conative, phatique, métalinguistique et poétique). Mais pour vérifier ses
possibilités d’occurrence dans un contexte donné, il est nécessaire
d’étudier ses rapports avec les autres types d’unité linguistique dans le
texte.
Sur l’axe paradigmatique, le choix des mots est déterminé par
son apparition qui, lui aussi peut apparaître dans le même contexte. Les
termes fampandrosoana / fanarenana / fandraisan’andraikitra peuvent
52
Voir corpus, pp 285-288.
205
206
se substituer, car ils se trouvent dans le même contexte ; de même pour
les verbes miatrika / miombon’ezaka /miara-mientana. Ces termes
constituent le champ lexical du « développement » et de « l’union ». De
ce point de vue, l’emploi systématique de ces mots évoque l’importance
de la lutte et la participation de tout un chacun.
Sur l’axe syntagmatique, la redondance souligne le rapport des
mots du même niveau qui apparaissent à ses côtés : ces termes sont
répétés chaque année ; ils sont associés aux mots vehivavy et lehilahy,
eux-mêmes répétés chaque année. L’usage des phrases courtes, claires,
frappe les lecteurs des slogans. Les rapports paradigmatiques et
syntagmatiques
sont
ici
pertinents,
car
ils
tiennent
compte
de
l’importance des thèmes qu’on lance chaque année. Cela se justifie
fonctionnellement puisqu’il s’agit d’attirer l’attention de celui qui lit
ou écoute le message.
Ici, l’invariant est la situation. Destiné à servir pour une étude
comparative, ce type de corpus se constitue par la « mise ensemble de
plusieurs textes » dans une même situation. Le but est de voir les
termes fortement récurrents de cet ensemble d’énoncés, par exemple les
mots :
développement,
union,
ensemble,
collaboration,
homme
et
femme, etc. Cette méthode a permis d’un côté, de tirer des conclusions
sur les rapports entre les éléments du lexique, car on a ainsi le
paradigme des unités qui peuvent être substituées au mot choisi. De
l’autre,
la
éléments
structuration
du
syntagmatique
vocabulaire :
conditions
est
une
d’emploi
combinaison
dans
la
des
phrase,
problèmes des stéréotypes. Chaque mot perd dans la combinaison une
partie de son sens propre et les termes s’opposent les uns aux autres ou
bien à un terme zéro. La méthode de J. DUBOIS est illustrée par
l’utilisation plus systématique des règles de l’analyse du discours.
Nous avons aussi pris en compte un discours prononcé par une
militante de la région de Toliara 53 lors de la célébration de la journée
internationale de la femme ; la raison du choix, c’est dans le but de voir
53
Voir corpus, p.289.
206
207
comment s’adresse-t-on aux femmes, comment elle s’engage à éveiller
ses soeurs dans cette lutte qu’elle a délibérément choisi.
Ce que nous aimerions souligner ici, c’est la difficulté de la
communication orale : pour des raisons matérielles, psychologiques,
sociologiques, culturelles et parfois physiologiques. Il est rare qu’un
échange puisse être entièrement libre par rapport au temps et au lieu.
L’intervention est souvent minutée. Il y a un invariant temps dont il
faut tenir compte. L’invariant de lieu est coercitif ; l’auditoire est le
référent situationnel.
Le niveau de langue est prouvé par les perspectives culturelles
de la locutrice. Elle cite même des énoncés bibliques ; les lexiques et
les syntaxes sont distincts, choisis. Donc la fonction référentielle est
très importante ici, mais la fonction expressive aide aussi l’auditoire à
suivre l’intervention, à apprécier : le débit, le timbre de la voix, les
gestes et même les arrêts à chaque ponctuation donne de l’importance à
ce qu’elle dit. L’opinion de la locutrice, ses sentiments, ses jugements
personnels se reconnaissent à travers ce qu’elle énonce, même si elle ne
le dit pas directement. (Le je n’y paraît pas directement). Mais elle y
apporte des informations objectives.
Evidemment, la fonction conative y est prépondérante, car il
s’agit de convaincre l’auditoire. Elle transparaît aussi à travers la bonne
organisation
du
message :
plan
cohérent,
transitions,
bonne
structuration. Ces qualités facilitent la compréhension du discours, donc
l’adhésion à la thèse de l’oratrice.
En ce qui concerne la troisième catégorie de corpus, les textes
sont des extraits du premier, troisième et neuvième actes de la troisième
partie d’Ambohibehivavy. Il s’agit d’u groupe de femmes en pleine
discussion pour avoir leur droit : celui d’être égal à l’homme.
L’importance de ce texte, c’est la place de la lutte féminine dans les
oeuvres
écrites
d’une
part
et
l’analyse
de
la
communication
interpersonnelle du groupe en question, de l’autre.
207
208
•
L’analyse de discours féministe
Ces trois sortes de textes soulignent le langage utilisé par des
groupes
expérimentaux
socialement
marqués.
Les
indicateurs
linguistiques retenus y sont diversifiés : la structure syntaxique et
l’organisation logique du discours, le nombre de pauses, la nature des
hésitations, ou bien encore le lexique utilisé.
Le sujet parlant s’inscrit en permanence à l’intérieur de son
propre discours (par le je, par exemple), y inscrit l’autre (le tu) ; mais
aussi, il met l’accent sur le facteur référentiel ou de situation (le il),
répondant ainsi aux trois grandes fonctions du langage :
-
la fonction expressive (relative au je),
-
la fonction conative (relative au tu),
-
la fonction référentielle, (relative au il).
Ainsi, dans les thèmes réservés aux journées du 8 mars, l’usage
du registre élaboré est lié au contexte de communication. Le locuteur
est absent de ces textes ; par contre, le contexte normatif (« regulative,
selon GUMPERZ) est marqué par l’emploi du code linguistique contrôlé
par la norme ou par une autorité sévère, où le code renvoie au code luimême .Prenons
l’exemple :
Ry
vehivavy
malagasy,
...
Cette
interpellation souligne le destinataire ; c’est aussi un code autonyme,
qui a pour fonction de définir le mot important dans le message.
La composition du Kabary pour le 8 mars est fort simple, d’ordre
logique et linéaire. Après avoir salué l’auditoire, la locutrice souligne
d’abord les rôles assignés aux femmes en dénonçant les stéréotypes
avec lesquelles on a l’habitude d’utiliser à leur égard : fanaka malemy,
meubles fragiles, akohovavy maneno, poules caquetantes, etc. Par
ailleurs,
elle
souligne
aussi
l’évolution
de
la
société
dans
la
considération de la femme, en tant que aina, vie ; fivoy, rames ou
fañary, balanciers. Ces exemples montrent que la femme joue un rôle
important au foyer et dans la société en générale.
208
209
Dans
le
texte
concernant
les
femmes
combattantes
d’Ambohibehivavy, nous étudions des actes de langage. Cette définition
réflexive
offre
par
ailleurs
un
bon
exemple
de
fonction
métalinguistique, centrée sur l’énoncé qu ‘elle explicite. Pour cela, on
doit distinguer trois types de discours, ou plutôt trois modalités
d’énonciation qui peuvent éventuellement se combiner entre elles :
-
un acte locutoire : qui affirme en toute objectivité, par
exemple : « Arivovavy tsy maty indray alina ! », mille femmes ne
meurent pas en une nuit.
-
un
acte
illocutoire,
tel
que : « Faly
mahalala
anao
Madama ! », Heureux de vous connaître, madame !
-
un acte perlocutoire : obtenir par la parole un effet sur le
récepteur ; le démagogique ou bien le discours comique remportent
l’adhésion de l’auditoire, par exemple : « He ! voan’ny angatra ê !
(misy mibitsibitsika...). He ! voan’ny fiangarana ê ! Atteint par la
maladie vénérienne ! (quelqu’un souffle...) Victime de partialité !
La phrase que prononce ici l’une des femmes semble une simple
affirmation locutoire, mais le jeu de mots entre angatra, maladie
vénérienne
et
fiangarana,
partialité,
souligne
l’effet
de
l ‘analphabétisme de la femme : qui ne sait ni écrire, ni lire, ne sait pas,
non plus, s’exprimer correctement. Les fonctions conative et poétique
ou, si l’on préfère, les dimensions illocutoire et perlocutoire sont ici
simultanément engagées.
Ainsi
les
énoncés
pris
en
considération
affirment
la
plurifonctionnelle du contexte pragmatique. Le narrateur ne participe
pas à la narration. Il fait intervenir en outre la dichotomie langue
littéraire/langue orale. Cette dernière implique forcément la présence
d’un locuteur pour créer le dialogue. Le récit ne correspond pas au
compte rendu fidèle d’événements qui auraient eu lieu, mais à
l’invention de situations issues de la compétence imaginative du
narrateur, ce qui implique un énoncé restreint pour ce texte.
209
210
Comme nous l’avons dit dans les explications précédentes,
l’énonciation se fait par un jeu extrêmement complexe entre diverses
références : ce mécanisme de l’énonciation joue sans que le locuteur en
soit conscient. C’est pourquoi, l’analyse paraît souvent compliquée.
En conséquence, quatre rubriques doivent être distinguées :
-
l’événement rapporté qui renvoie au procès de l’énoncé,
-
l’acte de discours qui renvoie au procès de l’énonciation,
-
les protagonistes du procès de l’énoncé,
-
les protagonistes du procès de l’énonciation.
Les
catégories
qui
impliquent
une
référence
au
procès
d’énonciation sont les embrayeurs, qui sont la personne, le temps, le
mode et le testimonial, où le locuteur rapporte un procès sur la base du
rapport fait par quelqu’un d’autre, ou par lui-même, en d’autres temps
et lieux. Par exemple : Rasoa : « Averiko indray : Aleo ho avy zay ho
avy, fa ataoko manavy ! », Je répète encore : qui viendra, verra, je le
rendrai malade ! Dans cette phrase, le procès de l’énoncé est : Aleo ho
avy zay ho avy, fa ataoko manavy!, qui viendra , verra, je le rendrai
malade ! ; le procès de l’énonciation-énoncé est : Averiko indray, je
répète encore ; le procès de l’énonciation (implicite) est : Averiko (izao,
maintenant et eto, ici, sous-entendus). Les deux -ko, je, dans averiko et
ataoko s’opposent dans le temps et dans l’espace, en plus il y a un autre
embrayeur : indray, encore.
Grâce à ces exemples, nous constatons que tout phénomène
d’énonciation résulte de la situation de dialogue, d’allocution où le
locuteur établit, par le discours, une relation avec l’allocutaire. Cette
tension se matérialise par la présence d’une série de formes verbales
impliquant une volonté d’agir, de faire pression sur l’autre. Nous
l’avons dit déjà que les plus caractéristiques sont les injonctifs, les
performatifs, les verbes de modalités, et les factitifs.
210
211
La
théorie
de
l’énonciation
s’est
donc
constituée
par
le
dégagement successif de différentes classes d’embrayeurs définis à
partir des grands axes de références que sont les je, ici, et maintenant et
permettant au sujet d’énoncer et de s’énoncer à travers elles.
•
Les différents registres féministes
Nous avons précédemment souligné que l’étude du corpus
conduit par J. DUBOIS a permis d’éclairer les conditions d’emploi du
mot-clé ou du mot pivot dans le discours. Mais pour un texte long, la
démarche est différente. L’analyse du discours pose ainsi le problème
difficile des rapports entre la langue, l’individu et la société, selon la
discipline de la sociolinguistique. On tentera d’établir des corrélations
entre
le
comportement
verbal
et
le
comportement
extra
verbal.
L’analyse sera fondamentalement comparative puisqu’elle jouera sur
l’étude d’une ou des variables concomitantes contrôlées par rapport à
un variant choisi.
Ainsi, en étudiant des ouvrages
féminine, nous avons remarqué que le code
portant sur la condition
féministe emprunte aux
sciences sociales certains termes dont l’usage récurrent débouche sur un
acte idéologique. Par exemple : ny hetsiky ny vehivavy, le dynamisme de la
femme ; ny fanararaotana ataon’ny lehilahy, l’exploitation de la femme par
l’homme ; ny rafitra, la structure ; ny lamina, la dialectique ; ny fandraisana
andraikitra, la prise de responsabilités, etc. L’emploi des mots tolona, lutte,
combat, hetsika, mouvement, dénote la lutte contre l’injustice, c’est qu’un
mouvement de défense des femmes se définit par opposition à quelque
chose de si bien installé en position dominante que ça n’a pas de nom,
que ça n’en a pas besoin. Qui aurait l’idée de parler de tolona ho an ’ny
lehilahy, la condition masculine ?
Souvent, des registres militants sont empruntés ou inspirés des
différents mouvements contestataires, tels que : ny fanafahana ny vehivavy,
la libération de la femme ; ny fanoherana ny tsindry hazo lena, la lutte contre
211
212
l’oppression ; ny ady amin’ny fanaporetana ny vehivavy, la lutte contre la
domination ; ny herim-pamoretana, la force de répression , la revendication...
Parmi les emprunts au jargon ; ny fanavakavahana, la discrimination ;
ny fitakiana les revendications politico-syndicales, on peut encore citer :
ny fifandraisan’ny vondrom-behivavy, la
coordination
des
groupes
de
femmes ; ny sehatra na vondron’ny mpiara-mitolona, le lieu ou la plate-forme
de lutte ; ny hetsiky ny tsirairay, la mobilisation unitaire ; ny firotsahan’ny
tsirairay, l’intégration de chaque membre ; ny tambazotra, le réseau ; ny tobipamaharana, la base, ny paikady, la stratégie, etc.
L’absence
du
terme
firahavaviana, analogue
à
firahalahiana,
fraternité ou solidarité, montre que la dissymétrie de la langue est
ressentie comme une lacune jusque dans l’usage des termes ayant une
connotation idéologique. Et parce que notre monde évolue, il est
également nécessaire
de trouver des termes relatifs aux nouvelles
circonstances qui nous entourent, c’est-à-dire qu’il faut penser à créer
des mots nouveaux ou néologies. En effet, il n’est pas possible de dire
ny firahalahian’ny vehivavy, la fraternité des femmes, ainsi on a recourt à ny
firaisankinan’ny vehivavy, la solidarité des femmes.
Très souvent, les femmes utilisent des proverbes qui soulignent
le fihavanana, l’amitié et le firaisankina, la solidarité, dans leur discours :
Mpirahavavy (mpirahalahy) mianala, zaho tokiny, izy tokiko, deux soeurs s’en
vont en pleine forêt : je suis sa force, elle est mon soutient (qui est en
quelque sorte une parodie de : mpirahalahy mianala…). De même
dans hazo tokana tsy mba ala, un arbre ne correspond pas à une forêt, cette
idée de solidarité est fondamentale.
Enfin, l’une des techniques de lutte consiste à répondre au mépris par le
mépris, notamment par l’inversion des connotations. Normalement, ny lehilahy est
investi de connotations flatteuses dans notre société globale, alors que ny vehivavy est
souvent péjoratif. Mais dans le discours féministe, cela peut être l’inverse. En effet, on
ne peut pas refuser de voir la réalité en face, i sary ampela ay, est une injure plus grave
lorsqu’elle s’adresse à un garçon ou à un homme. De même, à cause de sa force,
212
213
l’homme d’action, viril, peut être raillé par les femmes : manao boto fôrisa, mpanao
forosé, ce qui évoque la force et l’autorité. Mais cela paraît sans gravité, car la
situation est due, en partie, à la faiblesse de la femme. Maro maso, littéralement :
beaucoup de regards, coureur de jupon ou akoholahim-bohitra, coq du village
soulignent encore leur pouvoir au détriment de l’image et du statut de la femme.
4.2.2. Le rapport entre la langue et les idéologies
La langue se nourrit des idéologies, en même temps qu’elle les
véhicule et les entretient. En parlant d’idéologie au service de la lutte
féminine, c’est en partie présenter et évaluer « les codes » qui y
transparaissent, les « thèmes » qui y sont développés et les « thèses »
qui y sont défendues. Les thèmes ou les thèses y font consciemment le
porte-parole du groupe. Ils incarnent l’idéologie du mouvement. Les
femmes malgaches, dynamiques et avides de responsabilités politiques,
sont redevables à la sensibilité collective de leurs temps.
Même
si
nous
croyons
que
les
idées
des
femmes
sont
autonomes, originales, librement développées, elles dépendent en
grande partie du système économique de notre pays et de notre milieu
socio-économique ; leurs idées, leur idéologie, sont une sorte de reflet
psychique de ces conditions objectives de leur existence, avec toutes les
déformations, toutes les erreurs que cela comporte : il s’agit donc non
d’une simple réplique à peu près identique au réel, mais d’une
représentation de ce réel. Pourtant, nous y avançons avec beaucoup
d’attention et de tolérance.
L’idéologie
est
toujours
au
service
d’une
lutte.
Pour
BAKHTINE, le signe est par excellence l’arène où se déroulent les
conflits
idéologiques,
où
s’affrontent
les
accents
sociaux
contradictoires. Voilà ce qu’il a dit : « c’est le mot, signe idéologique
par excellence, qui reflète le plus finement les moindres variations
sociales » (Bakhtine, I970 : p. 31). Les conflits entre groupe dominant
et groupe dominé se manifestent par des tensions dans l’usage
linguistique. Evidemment, dans le domaine de la langue comme dans les
autres, le discours de l’idéologie dominante, contrôlé par la classe qui y
213
214
domine, tend à préserver l’organisation sociale dont il est issu.
Les
différents groupes en conflit dans la société se tirent la langue entre
eux ; chacun vise à redéfinir ou à conserver la valeur des mots, à les
confisquer, en quelque sort, pour les mettre au service de son idéologie.
Il n’est donc guère étonnant que certains mots à fort contenu
idéologique
soient
diamétralement
connotés
opposée,
selon
différemment,
l’utilisateur.
sinon
Mais,
de
en
tant
façon
que
chercheur, nous nous occupons de notre information sur l’idéologie et
accumule des données dans ce domaine.
Ainsi, l’expression : miaro ny zon’ny vehivavy, protéger le droit de la
femme, ne veut pas dire la même chose, selon un partisan ou un
adversaire de la condition féminine.
Un mot contient par conséquent des valeurs idéologiques
divergentes. D’autre part, la même réalité ou le même concept sont
désignés par des mots différents selon qu’on est membre de la même
association ou non, c’est-à-dire que l’on voit les choses de l’intérieur
ou de l’extérieur. Ce qui est en cause, c’est le droit de nommer :
comment on se nomme soi-même et comment on nomme l’autre.
On peut étudier les rapports entre la langue et la dynamique du
mouvement
luttant sur la condition féminine sur deux plans : tout
d’abord sur le plan interne, celui ou celle qui est de l’intérieur,
partisan(e) et féministe virulent(e), puis sur le plan externe, la relation
entre féministes et ceux vis-à-vis de l’idéologie dominante, largement
sexistes, c’est-à-dire sur le plan du conflit entre groupe interne et
groupe externe.
Le
mouvement féministe en tant que mouvement marginal,
minoritaire, se caractérise par le militantisme et un haut niveau de
conscience idéologique. Il s’oppose à la grande majorité pénétrée d’une
idéologie sexiste silencieuse, parfois inconsciente mais également
réactionnaire. En effet, si le discours de l ‘idéologie dominante est
directement relié à l’organisation sociale, politique et économique, de
214
215
même, de son côté, le discours tenu par les féministes s’appuie sur les
catégories de la langue, les réconforte par là même et est la source de
nouvelles catégories idéologiques.
L’idéologie constitue effectivement un instrument de modelage à
l’intérieur
des
systèmes
de
communication
et
de
représentation
symbolique d’un individu. La solidarité et la cohésion à l’intérieur du
groupe exigent l’élaboration d’un code commun spécifique qui permet
de se démarquer de ceux qui sont à l’extérieur. La formation d’un
registre féministe sert avant tout l’identité et la conscience du groupe :
choix et maniement de mots-clés qui sont autant de signaux. Par
exemple, les femmes d’une association féministe s’interpellent soit avec
le terme : rahavavy, soeur, ou ny namana Ranona ..., l’amie une telle...., soit
directement avec le prénom ;
sans être vulgaire ni impolie, chaque
partisane est égale aux autres, sans toutefois oublier que chacune doit
respect et confiance en leurs amies.
A l’intérieur du code que constitue la langue, on peut donc
distinguer un sous code féministe dont chacun des signes fonctionne
comme un signal, un signe de ralliement, analogue en cela aux
différents critères, tels que : ny fitondrana marika, le port d’insignes, na
fanamiana, ou le port d’uniformes, na folara, ou foulard, ou à l’utilisation
de mots de passe, ny teny baiko ou de formules, des mots d’ordre ou de
geste de reconnaissance. Par exemple, au temps de la première et
deuxième république, les femmes et le groupe interne de l’association
politique féministe, relative au pouvoir utilisent le terme kamarady,
camarade, ou zokibe, grande soeur.
Le discours féministe constitue ainsi un double message : au
message proprement dit, par exemple, la lutte pour l’envoi de toutes les
jeunes filles à l’école, au moins jusqu’à l’obtention du diplôme de
C.E.P.E. et le message d’identité en tant que membre d’une association
qui se superpose au premier. Ce message peut d’ailleurs dominer le
véritable message puisque le choix du registre suffit à provoquer une
réaction de l’auditoire social. En même temps, le code féministe est un
215
216
facilitateur de communication à l’intérieur du groupe, puisqu’il se
fonde en principe, sur un consensus des utilisatrices (-teurs), consensus
qui s’érige en grande partie contre les conventions qui ont cours dans le
groupe extérieur.
Le code féministe renforce la solidarité et la cohésion du groupe
interne. Cependant, les conflits de tendance à l’intérieur du mouvement
se reflètent eux-mêmes dans le code. On peut identifier les féministes
de telle ou telle tendance par leur langage. Ce qui montre que le
langage du groupe est très significatif.
Le code féministe utilise l’art de parler en public et de
la
manière la plus efficace. Le seul but est de convaincre aussi bien celles
qui sont déjà à l’intérieur que celles de l’extérieur du groupe. D’ailleurs
selon GUIRAUD : « l’idéologie n’est rien d’autre que le code qui sous-tend et
intègre les autres » (Guiraud, P. 1971 : p. 112). L’instrument du code
féministe comme de tous les partis politiques est la rhétorique. C’est un
ensemble de techniques de persuasion : les règles pour le choix des
idées, des arguments, des exemples ; les règles pour la mise en valeur et
pour la représentation de ces idées. Faisant de larges emprunts aux
marxismes, à la psychanalyse, aux sciences sociales, économiques et
politiques en général, il a cependant une certaine spécificité, parce
qu’on peut le rattacher globalement au langage des contestataires ou
gauchistes.
Pour conclure ce chapitre, il est bon de souligner que la langue
et le discours sont reflets du monde : reflet du monde dans ses
catégories, reflet du monde dans ses inventaires lexicaux. Et sur ce
point par monde, il faut entendre non seulement la réalité sensible mais
également l’histoire.
L’analyse des droits coutumiers, d’une part et l’étude du
principe d’égalité posé par le droit positif, de l’autre, vont clore cette
recherche sur la condition féminine. Mais nous tenterons de montrer que
les fonctions d’une langue dans la communication sont irréductibles à
216
217
celles qu’elle remplit en tant qu’attribut de catégories et de finalités
sociales définies en termes d’institution.
217
218
CHAPITRE 3
4.3. LA POSITION DE LA FEMME DANS LES DROITS
COUTUMIERS ET JURIDIQUES
La position de la femme, en quelque lieu qu’elle se trouve,
comme la position d’un membre quelconque d’une société ne peut
découler que de l’agencement social et économique de cette société.
Ainsi, ce dernier chapitre va nous permettre de savoir le principe
d’égalité posé par les droits, autres que ceux que la nature a donné à la
femme.
Si l’on veut préciser la question juridique sur les droits de la
femme, nous devons faire des investigations dans le domaine de la
sociologie. Au surplus, il s’agit pour nous de définir la position de la
femme dans le droit coutumier malgache, d’un côté et sur les lois
positives qu’elle peut avoir, de l’autre.
Ainsi, ce chapitre porte sur la description des devoirs et des
droits
de
la
femme
dans
la
société
déterminerons les principes d’égalité de
traditionnelle ;
puis
nous
droits dans les rapports
sociaux actuels.
4.3.1. La subordination de la femme en droit coutumier
La division sexuelle du travail, née de l’idéologie patriarcale a
entraîné une institutionnalisation de l’inégalité de condition entre
l’homme et la femme.
218
219
•
La femme et le droit coutumier
Le droit coutumier pose ainsi le principe de la subordination de
la femme à l’homme. Aujourd’hui encore, dans les milieux traditionnels
malgaches, on considère la femme comme inférieure à l’homme. A
Toliara, plusieurs groupes coutumiers se trouvent en contact tous les
jours et présentent des variations culturelles originales. Les règles
coutumières laissent persister des institutions différentes du Droit écrit
comme
la
polygamie,
le
formalisme
du
mariage,
les
régimes
matrimoniaux et les successions.
Le lévirat, la répudiation et la polygamie marquent cette
infériorité traditionnelle de la femme par rapport à l’homme. Le
contenu du lévirat ou vady entin-doloha implique qu ‘une veuve devient
obligatoirement l’épouse du frère de son mari. Le mariage est
considéré, dans ce cas, comme une alliance entre deux familles, au-delà
de l’union des deux êtres. Cette pratique tend à disparaître et
lorsqu’elle survit, le consentement des intéressés est requis. Chez les
Bara, le frère de l’époux décédé peut exercer un droit de préemption sur
la veuve et celle-ci devient automatiquement sa femme.
Ny fandroaham-bady, ou la répudiation est une coutume connue
encore par beaucoup d’ethnies, telles que les Bara, les Betsileo, les
Sakalava. Selon G. GRANDIDIER, elle consiste pour le mari à pouvoir
se débarrasser de sa femme très simplement en prenant à témoin le
Fokonolona et les parents de la femme (Grandidier, G. 1932 : pp 153207).
Ny famporafesana, la polygamie est chose courante à Toliara. Mais
le mari ne peut épouser une autre femme sans le consentement de sa
première épouse, ny vady be. Cette dernière a droit à un cadeau en
compensation. Ce cadeau consiste en argent, en boeufs ou en rizières
pour apaiser l’indignation de la première femme. La stérilité de la
femme est une des raisons qui incite l’homme à prendre plusieurs
219
220
épouses.
Dans
les
régions
christianisées
ou
pour
des
raisons
économiques, cette institution tend à disparaître.
Pour les Tsimihety, le misintaka, ou le retour de la femme chez sa
famille peut être précédé du mitsivala-mandry, littéralement : se coucher
en travers. Le mitsivala-mandry consiste pour la femme à réfuser tout
rapport conjugal avec son mari. C’est un avertissement dont use la
femme vis-à-vis de son mari avant de se mettre en état de misintaka,
c’est-à-dire rentrer chez ses parents. Et cet acte ne peut pas être
considéré comme une cause de divorce pour le mari, car ce sont les
droits de la femme tsimihety.
Le mari procède au fampodiana, c’est-à-dire à la réintégration
de l’épouse au domicile conjugal en lui faisant un cadeau. Mais il n’est
pas obligé. C’est surtout pour le bien des enfants que les couples
acceptent de se réintégrer, selon le proverbe :
mitomany an-dreniny, te
hinono, mitomany an-drainy, te ho babena, quand un enfant demande sa
mère, c’est qu’il veut têter ; quand il demande son père, c’est qu’il veut
être porté sur son dos. Ce qui souligne le besoin des enfants à vivre
avec leurs parents.
En principe, les deux époux se doivent fidélité à l’un et l’autre.
Mais lorsque la femme est prise en flagrant délit d’adultère, elle est
présumée irresponsable et c’est le complice qui doit dédommager le
mari en lui donnant des boeufs.
Ainsi, le système traditionnel malgache accorde une grande
importance au rôle maternel, familial et conjugal.
•
Les régimes matrimoniaux et la gestion du patrimoine conjugal
Pour les Merina, à la rupture du lien conjugal, le kitay telo andalana ou partage par tiers, consiste à donner au mari les deux tiers des
biens acquis durant le mariage et le tiers seul revient à la femme.
Pour les Vezo, Bara, Betsimisaraka et Sakalava, c’est surtout le
mizara mira, le partage par moitié qui est pratiqué.
220
221
Le régime sans partage concerne surtout les Tanôsy, Tandroy et
Mahafaly. En cas de séparation, tous les biens reviennent au mari. Il a
toutefois la faculté de laisser certains biens à sa femme, s’il le désire.
Chez les Mahafaly, la femme ne peut récupérer ses biens
personnels en cas de séparation, que si les biens qu’elle a apportés se
trouvent en nature dans le ménage et à condition que les époux n’aient
pas d’enfants.
Si l’épouse Tandroy a eu des enfants de son mari, elle reçoit une
donation, fandeo, qu’elle doit restituer si les enfants n’ont pas survécu.
Cette donation constitue un bien propre à la femme.
•
Les droits successoraux de la femme
En matière successorale, chaque région a ses règles. Mais, dans
un grand nombre de coutume, la règle est que les époux n’héritent pas
l’un de l’autre et que, sauf stipulation contraire dans les testaments, le
conjoint ne peut prétendre à l’administration des biens des enfants. On
favorise, en général, le garçon qui hérite des biens immeubles, tels que
les terrains, les maisons, les rizières, tandis que les filles n’ont droit
qu’aux biens meubles.
Chez les Tandroy, les filles sont évincées par les héritiers
mâles : elles n’héritent que s’il n’y a pas de garçons dans la famille.
Les Tsimihety excluent également les femmes au profit des hommes.
Aujourd’hui, la société malgache est en pleine mutation. Elle vit
à la fois les changements apportés par le monde moderne et les
croyances fortement ancrées dans les valeurs traditionnelles. Ce
paradoxe est vécu dans les milieux urbains où le principe d’égalité entre
les deux sexes semble acquis. Mais un désir de domination de l’homme
sur la femme subsiste encore dans les rapports entre époux.
La mise en place du Droit positif, en 1960, a donné à la femme
malgache le pouvoir de revendiquer une condition juridique égale à
221
222
celle de l’homme. Les lois nouvelles ont
prohibé la polygamie, la
répudiation et le lévirat, et établi l’égalité des sexes.
4.3.2. Le principe d’égalité posé par le droit positif malgache
Si les règles du Droit positif posent le principe d’égalité entre
l’homme et la femme et si le Parlement malgache a ratifié en décembre
1988 (art. 15 de la Convention), la situation réelle n’est pas encore
celle de l’égalité complète.
L’inégalité des chances dans l’accès à l’éducation et à la
formation, l’inégalité dans les recrutements et les rémunérations, les
entorses aux congés de maternité persistent toujours.
Le législateur a amélioré la condition juridique de la femme
mariée en lui accordant la pleine capacité juridique et en prévoyant
l’égalité entre époux 54. Mais aucune réglementation n’a pris en compte
les femmes engagées dans les unions coutumières non enregistrées,
celles vivant en concubinages ou les mères célibataires. Selon la
Constitution de 1975, le fitovian-jo ou l’égalité de tous les citoyens est
garantie par l’Etat.
Selon les articles 59 et 60 de l’ordonnance sur le mariage, le
mari et la femme ont tout le pouvoir pour tous les actes relatifs aux
charges du ménage. Non seulement, ils doivent y contribuer en fonction
de leur capacité respective mais, en plus, ils sont solidairement
responsables.
Les régimes matrimoniaux sont régis par la loi 67-030 du 18
Décembre 1967 55. Le kitay telo an-dalàna ou le partage par tiers, qui lèse
tout particulièrement la femme, a subi une modification selon la loi n°
90-014. Selon cette institution, elle doit se contenter de recueillir le
tiers des biens communs acquis pendant le mariage, alors qu’elle a
contribué de manière affective à acquérir et accroître cette masse
54
55
Voir corpus, p.277.
Recueil des Lois Civiles, 1987 : Imprimerie d’ouvrages éducatifs, Antananarivo, pp 181-185.
222
223
patrimoniale commune. Cette loi est remplacée par celle du partage par
moitié ou zara -mira.
Selon la Constitution de 1975, l’égalité de tous les citoyens est
garantie par l’Etat. Ce dernier s’engage à lever tout obstacles d’ordre
économique ou social et à permettre le développement de la personne
humaine et la participation de tous les travailleurs à l’organisation
politique, économique et sociale. Ainsi, la femme jouit de tous les
droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens malgaches.
L’article 14 de la Constitution de 1992 garantit à la femme les
mêmes droits civiques et politiques que l’homme. Elle peut exercer son
droit de vote à toutes les élections et dans tous les référendums publics
et être éligible à toutes les charges électives.
La Convention encourage la participation des femmes à la vie
publique et politique du pays. Elle lui assure dans son article 7, le droit
de prendre part à l’élaboration de la politique de l’Etat et à son
exécution.
L’article
8
ajoute
que
la
femme
peut
représenter
le
gouvernement à l’échelon international et participer aux travaux des
organisations internationales.
La femme a les mêmes droits que l’homme pour l ‘accès à
l’éducation, à l’instruction et à la formation professionnelle.
Comme
tout individu, la femme a le droit à la propriété individuelle, à la
protection de la famille, au travail et à l’emploi ainsi qu’à la liberté
d’entreprendre.
En
droit
pénal,
l’infraction
d’adultère,
mijangajanga,
est
consommée pour la femme mariée dès qu ‘il y ait en relation sexuelle
volontaire. Mais l’homme marié n’est punissable que lorsqu’il a
entretenu une concubine au domicile conjugal ou en tout autre lieu
d’habitation où son épouse aurait le droit d’être reçue.
223
224
L’adultère de la femme est réprimé par un emprisonnement de
trois mois à deux ans, peine également applicable à son complice ; il
appartient au mari d’arrêter l’effe t de cette condamnation, s’il consent à
reprendre sa femme.
Nous pensons que le devoir de fidélité est l’essence du mariage.
Cette obligation est cependant plus stricte à l’égard de la femme. On l’a
vu en effet que l’adultère de la femme est un délit puni plus sévèrement
que celui du mari, puisque l’adultère de l’époux n’est punissable que
dans le cas où il a entretenu une concubine au domicile. Et le meurtre
commis par le mari sur l’épouse et son complice, surpris en flagrant
délit d’adultère au domicile conjugal, est excusable. La polygamie est
prohibée par la loi, mais c’est la bigamie qui est sanctionnée
pénalement.
Dans le cas de femme chef de famille, il peut résulter de trois
situations : reny miteraka tsy manam-baly, mères célibataires, misarabaly, mères divorcées et mananotena, celles qui sont veuves. La notion
de chef de famille ne s’applique donc à la femme que si le mari est
défaillant : incapable, hors d’état de manifester sa volonté ou décédé.
Etant juridiquement capable, la femme peut alors accomplir tout acte
nécessaire à l’intérêt de sa famille.
Le principe d’égalité de l’homme et de la femme s’étend au droit
de propriété foncière. La femme a le droit à la terre. Mais la réalité est
différente. En l’état actuel du Droit, la femme peut devenir propriétaire
de terre par voie successorale, par testament, par mariage ou par le biais
de la réforme agraire. Dans la pratique coutumière, nous avons dit que
les règles de succession favorisent plutôt les hommes que les femmes.
Cette situation tend à se perpétuer surtout que le testateur a la liberté de
disposer de ses biens conformément au principe du masi-mandidy (du
terme masina, sacré et mandidy, légitimer, disposer), lequel lui donne
toute disposition.
224
225
Ainsi, la femme a le droit et le devoir d’agir efficacement sur la
société, dont elle est membre vivant et agissant, mpandray anjara
mavitrika, car de la bonne administration de cette société dépendent son
bonheur et sa vie. Nier cet argument serait abaisser l’idéal de
l’humanité à un état inférieur, où les hommes seraient tout et les
femmes rien.
Si on refuse à la femme le principe d’égalité, elle est réduite à
l’impuissance, ce qui paraît une criante injustice. Il faut donc prendre
des mesures pour atténuer l’influence des coutumes sur le mode de vie
et sur l’état d’esprit des malgaches, afin de rendre effective la
reconnaissance des droits de la femme.
C’est dans cette optique que nous continuerons l’analyse dans le domaine de
la langue, dont le rôle peut assurer la mise en application du principe d’égalité.
•
Le principe d’égalité et le rôle de la langue
L’unité du peuple malgache est attestée par son parler et son
mode de pensée communs. La possession par les Malgaches d’une
langue comprise du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, aplanit beaucoup
de difficultés qui peuvent surgir parfois à la suite de la diversité des
ethnies.
La langue est le produit de toute une série d’époques au cours
desquelles elle se cristallise, s’enrichit, se développe et s’affine ; la
langue est liée directement aux activités productrices de l’homme. Voilà
la raison essentielle pour laquelle la langue, plus précisément son
vocabulaire, est dans un état de changement à peu près ininterrompu. Le
développement de l’industrie, de l’agriculture, du commerce, des
transports, de la technique et de la science exige de la langue qu’elle
enrichisse
son
vocabulaire
de
nouveaux
mots
et
de
nouvelles
expressions nécessaires à cet essor. Elle perfectionne, en effet, non
seulement son vocabulaire, mais aussi son système grammatical.
De même, les divers groupes sociaux sont loin d’être indifférents envers la
langue. Ils s’attachent à l’utiliser dans leurs intérêts, à lui imposer leur vocabulaire
225
226
particulier. Ces mots ou expressions sont empruntés, soit à la langue nationale, soit à
des parlers, des jargons. C’est dans cette optique que WHORF et SAPIR ont soutenu
l’idée d’un lien étroit entre « langue et vision du monde », d’ailleurs connue comme
« l’hypothèse SAPIR-WHORF », elle tentait sous sa forme extrême de démontrer que
la langue conditionne la vision du monde. Pour la résumer on cite souvent une phrase
de Whorf qui indique un déterminisme linguistique extrême : « Nous disséquons la
nature selon les lignes tracées par nos langues maternelles » (Whorf, 1956 : p.252).
En effet, la langue la plus proche de l’individu est celle de la langue maternelle, qui lui
permet de trouver un terme précis ou du moins son équivalence pour désigner un
concept.
•
La création lexicale et le principe d’égalité de droits
Le lien entre la langue, plus particulièrement le lexique, et la
culture est irréfutable. Le lexique est la partie la plus mouvante du
langage : celle où les locuteurs peuvent intervenir en tant que créateurs
conscients, celle qui doit se plier aux changements du monde extérieur.
Le renouvellement lexical comporte des créations ponctuelles venant
désigner telle ou telle réalité. A partir d’éléments préexistant dans la
langue, des termes nouveaux, considérés comme des néologies, sont
construits en vue de mener la lutte contre l’inégalité de droits, tsy
fitovian-jo. C’est dans ce but que le mot miralenta, littéralement : égalité
de droits, est inventé. Par ailleurs, au lieu de dire ny lehilahy sy vehivavy,
l’homme et la femme séparément, on utilise le terme miralenta, qui
désigne l’un et l’autre ensemble, c’est-à-dire le genre. La création
lexicale, la néologie, témoigne l’écart existant au niveau socioéconomique et politique.
Il est apparu que la langue est un instrument de communication.
Pour promulguer les lois ou les décrets concernant le principe d’égalité,
la femme souhaite vivement leur traduction en messages simples, dans
une langue ou un parler proches d’elle, du contenu des lois et des
statuts de la femme pour une meilleur réception et compréhension de
celle-ci. Mais cela n’est pas facile, car pour faire intérioriser totalement
une idéologie, il faut éliminer tout ce qui la contredit dans la langue
226
227
elle-même et surtout dans la conscience. Or, s’il est évident que
l’homme a besoin de nommer pour concevoir et intégrer la réalité, le
fait d’effectuer l’opération inverse, c’est-à-dire, « dé-nommer » afin
d’annihiler
une
réalité
reconnue
et
approuvée
est
profondément
difficile. En effet, en ce qui concerne la condition féminine, ce n’est
pas uniquement la langue qu’il faudrait modifier, il y a, d’un côté, des
coutumes qui ne méritent plus d’être suivis et de l’autre, la mentalité
qui, devrait être changée. Et nous savons qu’inventer quelques mots ou
expressions est déjà un problème, comment modeler la langue à sa guise
ou en faire l’agent unique d’une action politique féminine ? Comment
s’attendre à un changement de mentalité même lorsque la langue suit
l’évolution des structures sociales ? La langue est souvent en retard sur
les structures sociales, car les structures mentales la tirent en arrière.
227
228
CONCLUSION
Pour définir la lutte féminine et féministe et pour nous prononcer sur cette
épineuse question, nous ne prétendons pas avoir tout présenter en quelques pages ;
mais dans
la présente partie, nous croyons avoir souligné l’importance de ce
mouvement, surtout par rapport à l’étude sociolinguistique. En effet, la langue est
l’objet d’un investissement
affectif qui ne se traduit pas seulement au niveau
individuel, mais aussi en terme collectif : loin d’être un objet d’étude, donnant lieu à
des recherches sereines, elle est l’objet de prises de position et de polémiques, parfois
violentes. L’existence au sein de notre société des mouvements ou des associations
féministes, auxquels nous avons consacré cette étude, en raison de l’importance du rôle
qu’ils jouent pour restituer le droit de la femme, souligne que les femmes sont
conscientes de leur situation.
Une telle lutte n’apporte pas uniquement un grand changement socioéconomique, mais elle permet et accélère l’évolution de la langue. L’apparition
combinée des nouvelles situations de communication (l’acception de la femme à
prendre la parole, même dans les milieux les plus exigeants) et la multiplication des
échanges linguistiques résultent à la création des expressions et locutions nouvelles
relatives au principe d’égalité de droit. A lutte idéologique, terrain idéologique.
Ensemble, nous ne croisons pas les bras, nous gardons conscience des limites de
l’action possible.
228
229
CONCLUSION GENERALE
Au terme de ce travail, nous pouvons affirmer que, abandonnant
l’univers à deux dimensions de l’université, fait de livres et de blocnotes, nous nous sommes allée sur le terrain pour appréhender « les
discours vivants, dans le contexte de leurs situations réelles, concernant
la problématique de la condition féminine ». Et nous pouvons conclure
que la condition féminine et l’usage de la langue posent un problème
très épineux, car de tout temps, la femme a été laissée en dehors de
toute préoccupation au niveau social et économique. Non seulement elle
a été exclue de la parole publique et de son espace social, mais elle est
aussi considérée comme un être inférieur et subit de ce fait, le poids de
cette ségrégation, évidemment aliénant et écrasant. Tout ce qui la
touche est affecté d’un signe négatif.
Dès la première partie, nous avons souligné que l’histoire s’est
faite sans elle, car l’histoire a été celle de l’homme et de tous les
hommes. En même temps, l’homme lui a ôté le droit de la parole.
En effet, les origines de cette discrimination sont lointaines. Sur
le plan métaphysique, la femme est coupable, diso, meloka et les
différentes religions clament sa condamnation : elle est responsable du
pêché originel pour le christianisme, fotrotry ny fahotana ; pour la religion
musulmane, elle est impure, tsy madio et doit se couvrir la tête et la face
pour ne pas avoir honte, afa-baraka. Le fait de porter le voile, baraka, est
une solution imposée aux femmes musulmanes ; son impureté l’isole du
monde. Toute sa vie est conditionnée, car son infériorité naturelle,
immuable est indiscutable. Mais au départ, la femme jouissait d’une
responsabilité égale à celle de l’homme. Elle est loharano nipoira, la
source
originelle.
Toutefois,
avec
les
changements
des
activités
productives, sa situation devenue marginale la maintient dans la
229
230
subordination, mpanampy ou aide. Et sa condition sous tous ses aspects
entraîne la domination des hommes, ny lahy no lohan’ny vavy. Elle est
devenue un être exploitable et punissable par la famille, l’époux, le
père et l’employeur.
A
chaque
changement
de
situation,
la
langue
en
tant
qu’institution sociale et système de valeur témoigne des différentes
étapes. Elle accomplit une tâche d’assujettissement dans l’abnégation,
ce qui permet d’assurer sa docilité, fandeferany, son silence, ny fanginany et
sans penser à sa nature, elle est prise pour un objet, un deuxième bureau, deziemo biro.
Au plan social, sa situation reste complexe ; elle est à la fois un
élément biologique par sa fonction de reproductrice , miteraka et un
élément économique, car elle est aussi productrice, mamokatra, en
participant à la production au même titre que l’homme. Par ailleurs, la
femme reste l’objet du lien social qui rassemble dans une même société
deux lignées différentes. A cet égard, elle fait office d’objet d’échange,
firaka atakalo, au même titre que la monnaie dans les rapports sociaux. Le
rôle de la femme est généralement lié au principe de l’exogamie, qui
marque une nécessité des rapports sociaux entre les différents lignages.
Mais cela n’empêche pas l’existence de lien au principe de l’endogamie,
lova tsy mifindra. Par conséquent, la parenté s’établit en ligne paternelle.
Mais il existe également la parenté maternelle, où l’oncle maternel, ny
renilahy, a un droit de protection sur les enfants de sa soeur, ny
zanak’anabavy.
Vis-à-vis du mari, la grande qualité exigée est la soumission, ny
fileferana. La femme dépend étroitement de son mari qu’elle doit
respecter et servir. Vis-à-vis de sa belle famille, elle doit obéissance,
fankatoavana. En dehors de cette responsabilité d’épouse et de mère, elle
doit assumer l’éducation de ses enfants. Elle est responsable de sa
progéniture.
En outre, il ressort aussi des rapports d’inégalité et de
subordination dans la division hiérarchisée du travail. Pour la femme
230
231
rurale, la répartition des travaux selon les sexes commence très tôt (vers
l’âge de cinq ans) et augmente au fur et à mesure que l’enfant grandit.
Les garçons, à partir de cinq à six ans commencent déjà à aider leur
père à conduire et garder les boeufs.
En milieu urbain, les groupes de femmes instruites ressentent,
grâce au travail, des sentiments d’autonomie accrue et d’affirmation
plus accentuée de leur personnalité vis-à-vis de l’homme, alors que les
groupes de femmes de faible niveau d’instruction se satisfont davantage
de l’allègement des problèmes d’argent du ménage. Par ailleurs, la
participation et la réussite des femmes dans les activités productives ou
rémunératrices ont éliminé chez les femmes et les hommes certains
préjugés sur les capacités au travail des femmes, mais ont épargné
d’autres stéréotypes sur les rôles de l’homme et de la femme. En effet,
l’émergence d’hommes au foyer tend à être davantage tolérée par les
conjointes concernées elles-mêmes que par les autres femmes qui de
l’extérieur, y trouvent une dégradation inacceptable de l’homme, resimbavy, tindrin’ampela, et en imputent la responsabilité à la femme pour les
comportements humiliants de celle-ci à l’endroit de son conjoint. Quoi
qu’il en soit, la femme est consciente qu’elle reste pour l’homme un
élément indispensable.
Sur le plan politique, en termes de participation effective, la
femme se sent insatisfaite de la situation actuelle, à cause d’une faible
représentativité en nombre dans les instances de décision dans toutes
les sphères : communautés, associations, administrations régionales et
nationales,
élections,
partis
politiques.
Par
conséquent,
elles
se
désintéressent et s’excluent des réunions du Fokonolona en assimilant
ces dernières à des affaires d’hommes, aferan-dehilahy. Par contre, les
hommes imputent aux femmes le manque d’habileté à exposer leurs
idées du fait de leur faible niveau d’instruction, sinon leur manque
d’audace à prendre la parole.
En tant que chef de famille, il faut toujours préciser : vehivavy
loha-pianakaviana, femme chef de famille, qui laisse entendre que c’est
231
232
l’homme qui occupe normalement cette position légale, quoique
beaucoup de femmes aient, seules, la responsabilité de leurs enfants.
Ainsi, la femme reste fortement déterminée par les préjugés et
les stéréotypes sur les rôles de genre et elle demeure marquée par un
manque de confiance en elle-même et entre elles-mêmes. Nous avons
noté que ce sont ces images et ces stéréotypes discréditant la femme qui
prédominent son univers. La langue incarne la coercition et la pression
du groupe. La langue favorise, non seulement la reproduction des idées,
des émotions, des habitudes communes, mais surtout la perpétuation des
différentes formes d’inégalités à travers ses signes et ses structures.
Leurs
influences
interviennent
dans
le
subconscient
individuel,
automatisent l ‘acceptation de l’infériorisation de la femme et peuvent
freiner ou paralyser les élans et les mouvements pour réduire les
inégalités.
Sur le plan linguistique, la différenciation sexuelle peut affecter
le
niveau
phonétique,
morphologique,
syntaxique,
lexical
et
conversationnel. En effet, il peut être abrupt et surprenant d’affirmer
qu’une femme ne parle pas comme un homme. Il s’agit là comme dans
les variations sociales, régionales, d’un comportement éminemment
culturel. Le sexe exerce une grande influence sur le langage, mais la
variation sexuelle est rarement une variable pure. Très souvent, elle
entre en interaction avec d’autres variables, telle l’origine sociale ou
régionale. Pour marquer cela, nous avons répertorier les différences
lexicales qui entrent en jeu dans la répartition des rôles et des pôles
d’intérêt des hommes et des femmes, et de les soumettre à des analyses
synchroniques et diachroniques.
Il n’y a pas de tabou linguistique proprement dit pour les
femmes malgaches ; rien n’interdit au femmes de donner dans un
registre vulgaire, argotique ou obscène ; rien n’interdit aux femmes de
raconter des blagues « cochonnes », mais il n’empêche qu’en général,
les propos crus, verts, triviaux, les gros mots sont plutôt l’affaire des
hommes. La femme n’ose pas, ou ne s’identifie pas à celui ou ceux qui
232
233
les manient. Quand elle se risque sur ce terrain, ou ce sont des femmes
de mauvaise vie, fatritran’olona, kalalijaky, ou elles en sortent affectées
d’un indice masculin : « ça fait mec, ce n’est pas féminin ». De toute
façon, il s’agit pour les femmes, au sens littéral du terme, d’un langage
emprunté.
Dans un autre domaine, on observe que les femmes ont une
attitude différente des hommes vis-à-vis de la langue. Elles auraient
tendance à adopter une attitude plus puriste que les hommes et à parler
un sociolecte (niveau de langue) plus élevé que les hommes issus du
même milieu socioculturel. Là où les ouvriers tireront fierté de leur
langue populaire, les femmes chercheront à éliminer de leur langage
l’accent et les autres marques sociales. Ainsi, les femmes seraient
davantage soucieuses de correction, ce qui les entraînerait parfois à
l’hypercorrection : tendance à vouloir en faire trop, à faire mieux. Les
femmes seraient plus ambitieuses et adopteraient plus volontiers les
manières linguistiques propres à la position sociale qu’elles souhaitent
atteindre.
De même, dans la prise de parole, dans la conversation, hommes
et femmes se comportent différemment. Une idée reçue veut que les
femmes soient d’intarissables moulins à paroles. Elles bavardent,
caquettent, jacassent, …, là où les messieurs discourent ou discutent.
En revanche, dès que l’on est dans l’ordre de discours sérieux, il semble
bien que la logorrhée dont on gratifie les femmes devienne plutôt
l’apanage du sexe masculin.
Ainsi, nous n’avons pas considéré le langage comme un simple
instrument ; mais plus que cela, le langage est plutôt une habitude, un
monde d’activité standardisé de l’organisme humain. Ce n’est pas non
plus une institution : quelle que soit la signification que l’on mette sous
ce terme, ce serait en faire un simple produit statique et son analyse
risquerait de s’écarter loin des activités humaines.
Pour tout dire, selon notre conception, le langage constitue le
rouage indispensable de toute activité humaine concertée. D’une simple
233
234
communion phatique, comme JAKOBSON la définit, à des phrases
anodines, des mots sans grande signification ou des récits sans cesse
répétés, que ce soit autour du foyer le soir, ou dans notre propre vie
quotidienne, le langage sert à renouer sans cesse un lien social. Donc
tous les mots simples ou difficiles que nous avons recueillis, désignent
la problématique de la femme et concourent à former et à maintenir les
normes et les valeurs sociales et économiques.
Nous sommes intimement persuadée qu’une société forme un
tout cohérent et nous accentuons les modes d’intégration sociale ; mais
nous avons aussi essayé de localiser les situations de conflit ou de
différences. Les limites linguistiques sont tout aussi apparentes que les
limites sociologiques.
Notre analyse s’est attachée constamment à contextualiser les
énoncés, les formules et les mots ; nous devons à les localiser et décrire
leur emploi. La signification d’un mot est parfois réduite à la situation
qui
le
voit
naître
contextualisation.
et
Nous
la
traduction
avons
délimité
a
été
ainsi
un
processus
successivement
de
son
contexte verbal, c’est-à-dire, l’entourage immédiat du mot et de
l’énoncé, les conditions immédiates dans lesquelles a lieu l’acte de
parole ou bien situationnel.
De même, nous avons essayé de reproduire la réalité sociale
dans sa globalité physique et non physique, c’est-à-dire que nous avons
décrit le milieu culturel. C’est d’une telle approche que nous avons
mené notre interrogation sur le statut du langage concernant la femme
dans sa problématique.
Nous affirmons que « dire, c’est faire », et, nous considérant comme un
élément utile pour lutter au principe d’égalité, nous pensons que, par le biais de cette
recherche, nous avons participé à cette lutte. Notre action n’est qu’une goutte d’eau
pour compléter ce qui existe déjà et ce qu’il faut encore apporter, car nous constatons
que la subordination de la femme continue à subsister à Toliara. Si on refuse à la
femme le principe d’égalité que souligne la néologie miralenta, la femme sera reduite
234
235
à l’impuissance ; elle continue à être moins que rien. Ce qui paraît une criante
injustice.
Il faut donc éliminer tout ce qui ne permet pas à la femme de jouir de son
droit et de sa valeur, en tant qu’être humain. Nous faisons appel aussi à toutes les
femmes de respecter elles-mêmes, c’est-à-dire de donner de la valeur à leur corps, à
leur esprit, surtout à leur âme et à tout ce qu’elles font. Une vraie émancipation
commence par le respect de soi-même et des autres : on ne croise pas seulement les
bras ; on garde conscience des limites de l’action possible. Ainsi, nous pourrons libérer
les femmes de la subordination.
235
236
ANNEXES
236
237
TABLE DES ANNEXES
TABLE DES ANNEXES
237
CORPUS
239
METHODE D’ENQUETE
240
QUESTIONNAIRE
243
NANKAIZA I MARIGIRITY ?
246
INONA NO ATO ?
247
NDATY NAMPIRAFE ROE
248
NY RANOMASOM-BEHIVAVY
251
SEXY- GIRL
253
SADY RAVAKA NO HAINGO
256
I ZATOVO NAHO TY AMPELANOSENDRANO
257
RANORO
260
SOAFARA (Conte)
263
TRIMOBE ET SOHITIKA (conte)
265
LA MERE RANGONALA
267
ZATOVO MALAIN-KANAMBALY
269
LA SAGESSE DE L’OGRESSE
271
SENTON’I IKALAMOMBA
273
AKORY NO HITOMBAN-DAHY?
274
PROVERBES
276
LE STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME
277
RECUEILS DE TEXTES RELATIFS A LA VALORISATION DU STATUT
JURIDIQUE DE LA FEMME
280
AMBOHIBEHIVAVY
285
Fizarana fahatelo
285
Fisehoana voalohany
285
Fizarana fahatelo
286
Fisehoana Faha Valo
286
Fizarana fahatelo
287
Fisehoana Fahasivy
287
KABARY 8 MARSA
289
GLOSSAIRE
292
237
238
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
310
INDEX DES AUTEURS
319
TABLE DES MATIERES
323
238
239
CORPUS
239
240
METHODE D’ENQUETE
Je présenterai dans ce corpus, les modalités de mes enquêtes,
questionnaires, entretiens et observations qui ont permis de recueillir
les différentes données sur les traces linguistiques et socio-culturelles
de la condition féminine, dans le sud-ouest, notamment à Toliara, en
tenant compte des spécificités de chaque individu contacté.
L’enquête
L’enquête a permis de :
-
recueillir des informations sur les pratiques coutumières et les
attitudes langagières des ethnies en contact à Tuléar.
-
identifier et préciser à la fois les différents clichés, stéréotypes
et images socio-culturels inhibiteurs, concernant la femme de la région.
-
clarifier
et
analyser
l’évolution
des
mécanismes
d’infériorisation de la femme dans l’anthroponymie féminine.
-
émettre quelques recommandations en vue de l’amélioration de
la situation et de l’atténuation des disparités de genre.
L’enquête par questionnaire
Pour mener les enquêtes, nous avons établi un questionnaire,
dans le but de rassembler des données de types socio-biographiques sur
les individus enquêtés et de capter les informations- clés sur le vécu des
hommes et des femmes à Toliara et leurs aspirations. Les réponses des
participants permettent ainsi de définir clairement les concepts de force
d’inertie et de culture dans l’optique de notre travail.
Certaines questions sont classiques dans ce type d’enquête comme
l’âge, le lieu de naissance, le lieu d’habitation, la profession. D’autres
qui ont été construites spécifiquement portent sur l’individu lui-même,
la langue maternelle, c’est-à-dire la langue de la mère mais aussi la
première langue apprise ou acquise.
240
241
Bien que dans la majorité des familles, la langue première du père
soit la même que celle de la mère et qu’elle soit déclarée par l’individu
comme étant la langue maternelle, ce n’est pas vrai pour tous.
Le déroulement de l’enquête
J’ai tenu à effectuer l’enquête moi-même ; ce qui présenterait
des avantages majeurs même si cela devait prendre beaucoup de temps,
que de laisser à quelqu’un d’autre le soin de faire passer les
questionnaires. Mais l’aide d’autres personnes a permis d’avancer dans
les meilleurs délais, de faire les transcriptions et les études des
réponses obtenues.
L’enquête a duré à peu près deux ans. J’ai commencé depuis
2003. Mais je ne le faisais pas tous les jours. On sait depuis les
pionniers de la socio-linguistique, notamment depuis les travaux de W.
Labov (1976), que les résultats de toutes enquêtes sont influencés par la
personnalité de l’enquêteur et une part de l’enquêté, son statut social et
le lieu où celle-ci se déroule.
Interroger des individus sur leurs pratiques langagières et leur
coutume à propos de la femme et surtout l’inégalité de genre peut
paraître incongru, mais c’est la seule manière d’avancer. Du reste, cette
méthode m’a permis d’observer les réactions des locuteurs (femmes et
hommes). De plus, ma présence lors des enquêtes était la seule manière
pour moi de connaître les langues ou parlers en contact et la variation
des lexiques utilisés par les locuteurs. Au terme de mes enquêtes, au
mois de décembre 2005, j’ai pu recueillir quelques centaines de
questionnaires complets. Ce n’est que quelques grains de poussières par
rapport à la population de la ville de Toliara.
J’ai choisi en priorité d’enquêter des mères de familles, des mères
célibataires, des jeunes filles et des hommes. Etant femme moi-même, il
m’est plus facile de m’adresser aux femmes qu’aux hommes, cela
n’empêche pas qu’ils étaient sincères et respectueux.
241
242
Les entretiens
Malgré
les
renseignements
précieux
apportés
par
les
questionnaires, ceux-ci ne peuvent que fournir des réponses lacunaires
et tranchées et n’ont pas la richesse des entretiens. Ils permettent
d’étudier les attitudes et les discours langagiers des sujets, y compris
dans leur ambivalence, à propos de la femme.
Par ailleurs, les adultes opéraient des choix linguistiques
lorsque je souhaitais connaître leur point de vue sur la transmission
linguistique et culturelle. Aussi, me suis-je limité à quelques familles
dans différents quartiers, ce qui me permettait d’interroger même les
enfants et les jeunes. Les entretiens que j’ai eu la gratitude d’avoir avec
certaines personnes, telles que la veuve du défunt Monja Jaona, ses
deux filles Hangy et Fokonontsoa, ou bien avec M. Fitahia E. et sa
famille, des connaisseurs en la coutume Tanôsy, les personnels de la
maison de culture de Toliara, tout cela a permis l’avancement de mon
travail.
Je tiens donc à remercier et reconnaître tous ceux qui ont
apporté, de loin ou de près, leur soutien à l’élaboration de mes
recherches.
242
243
QUESTIONNAIRE
Nom :
Prénom :
Age :
Lieu de naissance :
Profession :
Lieu et durée d’occupation des domiciles successifs (en année, dans l’ordre) :
Ville ou province d’origine des parents :
Quels parlers utilisez-vous :
- à la maison ?
- avec les amis ?
- à l’extérieur de la maison ?
(Les réponses doivent réfleter les habitudes du sujet enquêté ; il évitera de se
laisser influencer par les remarques des entourages.)
Est-ce le premier idiome que vous ayez parlé étant enfant ? Oui ? Non ?
Sinon quel a été cet idiome ?
Parlez-vous une langue étrangère ? Comment l’avez-vous apprise ?
Dans votre parler tout à fait naturel et familier, avez-vous des lexiques distincts
pour homme et pour femme ? Lesquels ? Donnez des exemples.
Est-ce que la stratification sociale en classes d’âge hiérarchisées a des
influences sur la communication linguistique ? Comment se manifeste-t-elle ?
Est-ce que dans votre société (ou à la maison), les rôles sociaux sont répartis en
fonction de la dichotomie sexuelle ?
Dans quelles situations de communication, la femme ne pourra-t-elle pas
intervenir ? (Donnez des exemples).
Qu’est-ce qui est tabou ou interdit pour la femme ? Et pour les hommes ?
Est-ce que le rang social joue une très grande influence sur la communication ?
Comment ?
Est-ce que la femme peut être chef de famille ?
243
244
Par quels langages désigne-t-on les différentes catégories de femmes : fillette ;
jeune fille ; femme mariée ; vieille femme ; fille mère ; mère célibataire ; femme restée
célibataire ; veuve ?
Quelles règles de politesse utilisent les femmes pour s’adresser entre elles : - de
supérieure à inférieure ?
- d’égale à égale ?
- d’inférieure à supérieure ?
Quel langage utilisent-elles envers les hommes ? leur mari, leur fils, leur père, autres
personnes du sexe masculin ?
Les langages suivant les lieux : comment s’adresse -t-on aux femmes :
- à la maison ?
- chez autrui ?
- dans la rue ou sur le chemin ?
- au marché ?
- dans une boutique ?
- dans un lieu public administratif ?
- dans un lieu religieux ?
- sur une place publique : par exemple : sous l’arbre à palabres ?
Les langages suivant le temps de communication :
- pendant le loisir ?
- pendant le repas ?
- à la nuit tombée ?
- pendant la nuit ?
- pendant les fêtes (genres de fêtes).
Utilise-t-on des invectives ?
- des mots de plaisenteries ?
- des insultes ?
- autres ?
Les types de discours vis-à-vis des femmes :
- le discours conventionnel et contraignant ?
- salutations (arrivée, départ, rencontre, retour d’un voyage) ?
- excuses, remerciements (préventives et corrections) ?
- réponses à ces remerciements ?
244
245
Expérience professionnelle (fonction, activités exercées, responsabilités assumées,
réalisations concrètes) ?
Avenir : quelle est la conception féminine vis-à-vis de l’avenir ?
Loisirs : distraction préférée, lecture, autres… ?
Avez-vous des ambitions ? Quelles sont-elles ?
Faire parler le sujet enquêté sur ses réussites, voire ses échecs ?
Essayer d’appréhender ses situations conflictuelles.
Approfondir ces problèmes si c’est en rapport avec l’émancipation de la femme.
Conception des horaires de travail.
Quels sont les traits caractéristiques qui personnalisent les femmes le mieux ?
Note : Pour être bien mené dans le temps imparti, l’enquête demande une
préparation qui tient compte :
- des informations à réunir
- des aptitudes à observer
- des faits à mettre en évidence.
245
246
NANKAIZA I MARIGIRITY ?
Nankaiza i Marigirity?
O e! Oe! Oe!
Nankaiza I Marigirity?
Oe! Oe! Sakaiza!
Ao anatin’ilay trano kely,
Oe! Oe! Oe!
Ao anatin’ilay trano kely
Oe! Oe! Sakaiza.
Hangalako vato iray,
Oe! Oe! Oe!
Hangalako vato iray
Oe! Oe! Sakaiza.
Vato iray ve de mba ho ampy?
Oe! Oe! Oe!
Vato iray ve de mba ho ampy?
Oe! Oe Sakaiza!
Hangalako vato roa, … (hatramin’ny folo).
246
247
INONA NO ATO ?
Inona no ao anatin’ilay haron-kely?
-
Atody!
Inona no ao anatin’ny atody?
-
Vorona !
Nankaiza ny vorona?
-
Nanidina!
Tratrako e! Tratrako e !
247
248
NDATY NAMPIRAFE ROE
Teo ty ndaty nampirafe roe.
Valy bey ty raike, valy masay ty raike. Le sambe niterake iareo
roroe naho fa niela bey : raike ty ana i valy bey y, roe ty ana i valy
masay y. Ie re mboe tsy bey loatse ty ana i vale bey y, le nimate am’zao
re. I Mosa ty anara i ana’e y.
Talily fa masika. Ie re mboe tsy hereñe i andro y, fa naleveňe
avao i fate y. mahafereñaiňe avao ty Mosa. Mandeha miarake sarake
iereo am’i rañe e rey. Mandeha afara avao re. Le tokave i rañe’e rey
am’izao re :
- « Ndao Mosa. »
- « Ndao », hoa re.
Ie re noly iareo, le nandeha afara avao re. Le milailay aloha
am’izao i rañe’e rey. Le mandeha avao re, le mitoka am’izao :
- « Lomailay ty ajaja fa hanjó rene.
Lomailay ty ajaja fa hanjó hane.
Lomailay ty ajaja fa hanjó rano. »
- « Ay o Mosa roy, ay o Mosa toy. »
Manao izao ka ty aman-drene’e aňe. Ie re niavy an-tanaňe ao
iareo, le nizilike am’izao ajaja manan-drene rey. Ie re le ho nizilike i
fo’e y, lehe vonotre’e tafatora-draty le nigaine am’i traño ahandrefañe
y. Le manao izao am’izao i zoke’e rey:
-« Hatao’o akore o zai’ay o atao’o hoe io o ? »
248
249
« Lehe heje’areo, hoa re, amboaro’areo traño ho fitoboha’areo
ama’e. »
Le nitañy am’izao i ajaja rey. Le tsy nimea’e haneňe ty Mosa fa
nañendaza’e bararaoke.
- « Ingo, hoa re, ty hena’o fa faly azo o haneňe raty o. »
Le nitsiňe avao ty Mosa.
- « Lehe tsy hane’o, hoa re, le vonoeko rehe. »
Ie nihariva, niavy am’izao ty raeiareo. Le nisalakaeiareo telo lahy
am’izao. Le tsy nivolaňe raha maro am’izao iareo fa le nitalily i Mosa
natafatoran-dreneiareo y.
- « O aba ? »
- « Oa », hoe ty rae’e.
- « I Mosa natafatora i vali’o y naho nizilike an-traňo ao, le tsy
nimea’e haneňe aby fa nañendeza’e bararaoke avao ; lehe tsy nihane i
Mosa i bararaoke y, le ho vinono’e ty Mosa. »
- « Mitsiña avao nareo, hoa re, fa mbe ho treako naho maraiñe. »
Le nitsine avao iareo. Ie re nihamaraiñe mañeno akoho, le nifoha
am’zao i rangahe y.
- « Ho aia ihe o koahe ? » hoe i vali’e y.
- « Izaho, hoa re, hipay i ose y fa nisy nahamotsoaňe. »
Le nandeha am’izaoi rangahe y, nanganike ambony kile añe. Le
mandeha miarake sarake am’izao ajaja rey. Le mandeha am’izao ka ty
Mosa. Talily fa masika ... Isake hariva ty Mosa mandeha an-kibory añe
miroro añe. San’andro san’andro ty Mosa atafatora i rakemba y avao, le
tsy mea’e haneňe, fa mea’e bararaoke avao.
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Ie re niantoandro, le natao’e hoe izao ka. Le niakatse moramora
avao i rangahe y te boake ambone aňe, le azo’e i lefoňe y, le tinombo’e
am’izaoi vali’e y, le nimate. « Soa ihenane o, hoa re, samba tsy manandrene nareo, am’izay tsy sahiraňe raho. »
Le nalae’e ty rae i ampela y, le nitantarae’e ami rae’e rey am’izao
ty raha natao’e am’i ajaja rey. « Aleveňo, hoe ty rae’e, fa zoton-tro’e
zay, fandrea-nalaha’e tsy maharare ty pa’e ; zoton-tron-dRekamisy
nanambalia’e Ambaneandro. » le nandeseiareo am’izao i anaiareo y
naleveiareo aňe.
Ie zao.
Hangy, Janvier 2004.
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NY RANOMASOM-BEHIVAVY
Ny ranomasom-behivavy:
Tsy hainy tanana rehefa
Nony injay ka hifandao,
Misy oroka tsy vita!
Ny ranomasom-behivavy:
Tsy ahiana dia mijoy
Rehefa injay ianao variana,
Sendra mba tsy mahatsiaro
Ny hamerina ireny
Teny mamy tiana ho heno
Nanazarana ny sofiny
Isaka ny tafahoana!
Ny ranomasom-behivavy:
Vetivety dia mitobaka
Rehefa injay ianao tsikariny
Ho tsy miraika firy loatra
Amin’ny resa-borodambany,
Amin’ny resa-boninkazony,
Amin’ny resa-tsakakeliny...
Ny ranomasom-behivavy:
Lasa riaka mahasafotra
Rehefa injay ianao tsy taitra
Rehefa injay ianao tsy rototra
Toy ny hoe tsy tia intsony...
Ny ranomasom-behivavy:
Ranomaso tsisy farany,
Ranomaso tsy hita fototra
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Ranomaso mahasosotra!
Ranjatohery Harilala, Edisiona Lova, 1992, p.40.
(Fifaninanana Loka ny Avana Ramanantoanina, 1991).
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SEXY- GIRL
Zaza niara-kely teny Ambondrona
Niara-nanary fako fony bodo
Niara-nisondrotra, naira-nitombo
Niara-nitsiry koa ny fitia
Ka niaraka nibalady
Tafakatra avobe ny mari-pana
Dia nifanao dina hiara-dia
Samy nivetsovetso fa hivady
Maraina dia efa ateriko an-tsekoly
Mifampiandry raha hody ny hariva
Fa fito ambin’ny folo taona tsara indry
Nanaraka andry zalahy tany Amnésia
Nanomboka teo indry no tia nandihy
Nanaraka andry zalahy Indra
Nanaraka andry zalahy Calédo
Nanaraka andry lerony Caveau
Dia nananika samirery Papillon
Dia niaraka taminao ny Sinoa
Dia niaraka taminao ny Karàna
Dia Vazaha be koa taty afara e !
Lasan-dry lerony ny akamako
Lasan-dry lerony ny fananako
Novetavetaim-bazaha koa ny anjarako
Fa lasany dia tsy haveriny eto intsony
Fa lasany dia nasidiny any ambony
Izaho indray no noraisina teto ry’reto an !
Fa sexy-girl, hoy aho, sexy- girl !
Dia tsy tsaroanao ve retsy
Ianao natosiko tamin’ny kalesy taloha
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Ankehitriny aho efa voa ka zesitiavanao Mercèdes
Dia tsy tsaroanao ve
Isika sy ianao nifanolotra voan-tsinefo
Tetsy Ambodifilao
Ankehitriny ianao tsy misotro raha tsy Fresh
Zaho tsy mahatakatra CD an’i Mariah Carey
Hanambazako anao ve ry sipa
Fa raha tia ahy ianao dia Gorisagorisa revena
Ary aza asiana fanazavana ara-tsiantifika
F’efa arako ny toetranao fa toetran’alika
Ary aza asiana taratasy,
Manazava mankany an-trano
Tsy vakiko akory
Fa tonga aho dia hatory
F’efa koboko ianao,
Koboko ianao tamin’ny fahita lavitra
Efa koboko mikarama clips-na tarika hafa
Efa koboko ianao manao mannequin’i Agence TOTEM
En plus-n’izany kilalaon’ny Vazaha fa sexy-girl
Efa koboko ianao ni-defilé teny amin’ny Somaco
Efa arako sahady fa miandry ho kôtin’ny Vazaha
Tsy nahalala menatra intsony
F’efa babon’ny vola ny fony
Koa raha any amin’ny Vazaha ny vola
Dia raha tsy Vazaha tsy midola
Raha any amin’ny Sinoa ny vola
Dia raha tsy Sinoa tsy midola
Fa sexy-girl!
Tsy miandry anao intsony hoy izy, i Samoela
F’efa dila ny ela sy ela
Fa ny lasa tsy hiverina intsony, na dia naratra ny fony
Fa ny ho avianao no antsoiny tody
Dia varatra sy ozona
Tsatok’antsy sy poizina
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No indray hianjera aminao iny
Ho valin’ny fahiny
Hanafaka tsiny sy ho tambin’ianao virijiny.
SAMOELA
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SADY RAVAKA NO HAINGO
« Hono ho’aho ry Neny, nahoana moa ianao no dia varian eo ampanaovan io sakôsy rofia io foana? Mba jereo ange ty ianao e, efa mila
tsy hahavatra mikarakara tena intsony. Heverinao ve fa mba hisy
avenira tsara ho anay raha misaraka ny tokantranonareo Ray amandreninay?
“Aza miteniteny foana eo ianao ry Rindra a. Mazava ho’azy retsy
fa hitsinjovako ny ho avinareo no anton’izao a!”
“ Na dia izany aza, ny toro-hevitro dia izao: manamboara vatana.
Asio vernis ny hoho, hosory lokomena ny molotra, aza fonosina folara
lava izao ny volo. Heim, hilaozan’ny omby mihahaka eo moa fa ataovy
ihany…”
“Efa antitra izao ve aho retsy vao hoe: vernis e, lokomena e…”
………………………….
“Niaina tao anaty fahadisoan-kevitra foana nandritra zay taona
maro izay isika, ry Noro. Vao teo I Rindra no niresaka tamiko fa tsara
raha mba mahavatra tena isika fa tsy ho toy ny haron’I Rainitabebaka ka
hidonàka eo tontolo andro. Tsy mbola folara ve izao iny an-dohandry
iny amin’izao ora izao?
“Eisy, ny fotoana hanenjehana kômandy aza tsy misy, ka aiza no
hikarakarako ny vatako?”
“Amboary ho’aho ny vatana, amboaro dia ho hitandry ny
vokany… Aza hadino mihitsy retsy ry Noro, fa ny vady jerijery.”
“Mbola eo ny vernis, ny poudre, ny lokomena, ny maquillage .Fa
tsy ny vatanao ihany anie no amboarina ry Noro fa ny ato antokatranonao koa ê. Ndao ange ho entiko mitety ny tranonay indry ê,
hatrato amin’ny efitranonay ka hatrany amin’ny douche”.
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I ZATOVO NAHO TY AMPELANOSENDRANO
Teo ty Zatovo naho ty ampelanosendrano.
Nandeha ty Zatovo. Le nitrea’e am’izao naho ampelanosendrano ro
indroy .Le liniñe’e avao ty hiakara’e. Ie re niela amà… le nandeha
mbañ’olotse eo am’izao re. Le nitsepahe i Zatovo am’izao re. Le
nañontenea’e am’izao ty Zatovo:
- « Inoñe o, ho are, raha itsepaha’o ahy o?”
- “Ho valiko”, hoe ty Zatovo.
- “Tsy hai’o raho” , hoa re
- “Haiko”, hoe ty Zatovo.
- “Ie zao, hoa re, naho miroro raho tsy fohazeñe, naho homañe
homañe an-traño ao avao, tsy homañe añ’aloke ey, tsy mañororoke
hane’ondaty fa ty ahy avao.”
- “En, hoe ty Zatovo, tanteko aby zao.”
- “A andao ito”, hoe i ampelanosendrano y.
Le nandeha am’izao iareo an-tana i Zatovo añe.
Ie re le niela bey añe amà … le nivesatse am’izao i ampela y. Talily fa
masika … le niterake ampela re, le natao an-traño re, le naakatse. Ie re
nibeibey i ana’e y, le nihentea i Zatovo am’izao o raha alaiña’e ho
fohazeñe o. Le niroro añ’aloke ey re, le finoha i Zatovo, le tsy naharey.
Le natsinga i Zatovo am’izao ty hile’e. Eheo’e naho lavake bey ty ankile’e ao. “Heite! hoa re. Toe intoañe avao o raha alaiñe ho fohazeñe
o.” Le nandeha am’izao ty Zatovo an-tonda añe.
Le ninofie’e am’izao re te finoha naho vaho hinente ty hile’e. Ie re
niavy ty Zatovo, le nikopoke avao re, le nitoka hozao am’izay:
“Malailay raho aba, malailay.
Andrarako anao ty hileko sokafenao .
Andrarako anao ty fakako sokafenao.
Malailay raho aba, malailay raho ene.
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Andrarako anao ty hileko sokafenao.
Andrarako anao ty fakako sokafenao.”
Le nanao hozao am’izay ty Zatovo: “Nirey i ampela y avao izaho
nanokake ty hile’e y, ie anoa’e hozao o. “Ie i ampela y niela añe amà…
le nifoha ie ndaty nandre y, le nandeha nilay mban-drano eo, le kanao
nitsere le an-drano añe. Le avy le nijoñe añate rano añe am’izao. Le
norihe i Zatovo naho i an’e rey am’izao re. Ie re nitrea’e ty Zatovo le
natao’e hozao am’izay :
- « Trea’o raho Zatovo? » hoa re.
- “Treako”, hoe ty Zatovo.
- “Trea’o raho Zatovo?”
- “Treako”, hoe ty Zatovo.
Le nibalike mbaman-dry Zatovo eo am’izao re, le niakatse te boake ampo rano ao .Le nitambetambeze i Zatovo am’izao: “Indao rehe koahe,
hoe ty Zatovo, fa tsy ataoko ka ty afara, naho mbe ataoko le lia’e tsy
mete rehe eneke. Le nandeha am’izao iareo noly an-tanaiareo añe. Isake
isan’andro i ampela y, le atao’e avao ie tsy mañororoke ty hane i Zatovo
y. Isake isan’andro le manao hozao.
Ie re nisy andro fara’e, naho fa niela toboke ama’e eo i vali’e y le
nihinente’e am’izao ka I raha heje y ampela y. Le nifanta’e ka naho fa
nifoha re. Le nanao hozao re :
Malailay raho aba, malailay.
Malailay raho ene, malailay.
Andrarako anao ty hileko sokafenao,
Andrarako anao ty fakako sokafenao.
Malailay raho aba, malailay.
Le nandeha am’izao ty Zatovo niakatse añ’ala añe la nirehake am’i
ana’e re am’izao re: “Ry mboako, hoa re, naho fa tsy trea’areo eto raho,
hasoa tsy ho paiae’areo fa handeha”.
“Izahay, hoe i ana’e rey, tsy mete am’izay, tsy engañe eto irery”. Le tsy
nahoa’e zay fa le nandeha an-drano añe re. Le nañorike añe am’izao ty
ry Zatovo miroanake. Naho nitrea’e le nanao hozao re :
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- « Trea’o rahoZatovo ? »
- « Treako », hoe ty Zatovo.
- « Trea’o raho Zatovo? »
- “Treako”, hoe ty Zatovo.
Ie re le nilavitse amà… le nibalike te boake añe, le nanao hozao fara’e :
« Veloma rehe Zatovo. Inge ty rano manintsiñe afitsezo o anantikañe o.
Ambeno soa fa izaho tsy hihereñe sasa” .Le naporitsa’e i rano y, le
nandeha am’izao re. Le noly ty ry Zatovo nameloñe i ana’e rey.
Raconté et rédigé par Hangy,
Octobre 2004.
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RANORO
Cette histoire est très ancienne : elle se passe au temps des
Vazimba, les ancêtres des Malgaches et des Zazavavindrano, les filles
de l’eau, qu’on raconterait encore sur les rivières.
Andriambodilova se reposait un jour au bord de la Mamba. Tout
à coup, au milieu de la rivière, il aperçoit une jeune fille, assise sur un
rocher. Elle est tellement belle qu’il reste sans voix ; il la regarde sans
oser bouger ni parler : ses cheveux sont si longs qu’ils trempent dans
l’eau ; elle rêve, et ses grands yeux regardent vers la Forêt Bleu, où se
trouve aujourd’hui Tananarive.
Andriambodilova veut lui montrer son admiration : il se met à
chanter avec une jolie voix très douce, et son chant monte vers le ciel
bleu. La Belle aux longs cheveux l’écoute un moment, puis elle plonge
dans la rivière. Andriambodilova est tout triste et l’appelle longtemps,
les yeux fixés sur le rocher...Mais elle ne revient pas.
Pendant plusieurs jours, le jeune revient à la même place, à la
même heure : la Fille des Eaux est là, fidèle à ce rendez-vous. Mais
toujours, quand il l’appelle, elle disparaît. Alors, il imagine une ruse :
un matin, il la voit dormir sur le rocher. Sans bruit, il nage entre deux
eaux pour aller jusqu’à elle, et saisit une des longues mèches qui flotte
sur l’eau comme une algue souple.
Elle ouvre de grands yeux étonnés et veut plonger ; mais
Andriambodilova ne lâche pas la mèche, et elle ne peut plus bouger. Il
monte alors sur la roche à côté d’elle.
- Je ne me sauverai pas, dit-elle, et sa voix est aussi douce que
son regard. Mais ne tire plus sur mes cheveux, tu me fais mal. Que
veux-tu ?
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- Dis-moi quel est ton nom. Je ne peux pas vivre sans toi. Veuxtu être ma femme ?
- Je m’appelle Ranoro. Mon père est Andriantsira, le Seigneurdu-Sel. J’habite au fond de la rivière avec le peuple des Eaux, dans des
grottes où l’eau n’entre pas. C’est le plus beau pays du monde. Mais
moi aussi je t’aime, et je veux bien rester sur la terre. Si j’ai plongé
plusieurs fois, c’était pour voir si tu allais revenir. Car on est
malheureux lorsque l’amour n’est pas partagé. Emmène-moi dans ta
case. Je serai ta femme, mais pour cela, tu dois me promettre une chose.
- Parle, dit le jeune homme.
- Jamais tu ne diras le mot sel devant moi.
Andriambodilova promet. Tout heureux, il emmène sa fiancée dans sa
belle case à la sortie du village. En marchant, Ranoro relève ses
cheveux pour qu’ils ne traînent pas dans la poussière.
Les années passent. Ranoro et Andriambodilova sont heureux ; ils ont
beaucoup d’enfants... Malheureusement, mon histoire n’est pas finie !
Un matin, Andriambodilovadécide d’aller travailler dans son champ
toute la journée. Avant de partir, il dit à Ranoro :
- N’oublie pas d’attacher le veau, sinon il ira vers sa mère, et
nous n’aurons plus de lait ce soir.
Ranoro est très étourdie :elle attache le veau par la queue, puis elle
rentre à la maison pour faire son ménage. Le veau se débat, réussit à se
détacher et court vers sa mère boire tout son lait.
Quand Andriambodilova revient du champ, il aperçoit de loin le veau
qui joue auprès de la vache. Il se met dans une grande colère :
- Tu n’es bonne à rien, crie-t-il à sa femme. Tu seras toujours
une Fille du Sel !
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A ce mot, Ranoro sans même embrasser ses enfants, court vers la rivière
et plonge.
Andriambodilova va l’appeler au bord de l’eau, mais elle ne revient pas.
Sa peine est trop grande ; il rentre chez lui et pleure sans arrêt. Ses
enfants, qui ne voient plus leur mère, se mettent aussi à pleurer. A la
fin, leur père se met en colère et leur crie :
- Mais taisez-vous donc Enfants-du-Sel !
Cela n’arrange pas les choses, car Ranoro ne reviendra jamais plus sur
terre.
On raconte pourtant qu’Andriambodilova et ses enfants la voyaient
souvent en rêve : elle leur donnait des conseils. Les gens du pays la
voyaient souvent aussi et elle leur disait :
- Si vous ne m’oubliais pas, je continuerai à vous protéger et si
vous venez à la Maison de pierre où je me suis cachée, je vous aiderai.
L’endroit où Ranoro s’est jetée dans la rivière est devenu sacré. Sa
Maison de pierre se trouve au village d’Andranoro, près de Tananarivo.
C’est une grotte pleine d’eau, près d’un grand rocher où elle a posé son
lamba avant de disparaître. Beaucoup de gens passent par là, et lui
demandent son aide. On dit qu’elle les conseille toujours.
R. SABATIER, 1979, in Contes de Madagascar, Nathan, Paris, pp. 3437.
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SOAFARA (Conte)
Une petite fille nommée Soafara partit un jour cueillir de brèdes.
A l’ouest du village, coulait une grande rivière infestée de caïmans.
L’enfant arriva tout près de l’eau. Elle voulut traverser la rivière. Un
caïman s’approcha d’elle et lui dit : « Monte sur mon dos ; je te
passerai de l’autre côté ».
La fillette, sans méfiance, accepta l’offre du caïman Ravoaimena.
Arrivé au milieu de la rivière, le caïman plongea complètement Soafara
dans l’eau et l’entraïna dans un trou. Or, la demeure du caïman n’est
pas dans l’eau mais dans la terre sèche.
Soafara avait perdu connaissance. Ravoaimena la crut morte et il
partit inviter tous ses parents à un grand festin.
Pendant ce temps, Soafara reprit connaissance. Elle creusa la
terre au-dessus de sa tête et elle se mit en sûreté.
Ravoaimena rentra quelques heures après, suivi de toute sa
famille. En voyant le trou vide, les invités se fâchèrent. Ils se jetèrent
tous sur Ravoaimena et le couvrirent de morsures.
Ravoaimena s’en alla laver ses plaies et se chauffer au soleil sur
un banc de sable.
Cependant, Soafara ne pouvait sortir de son trou. Elle aurait bien
voulu faire prévenir ses parents. Elle dit à Ratsimilaho le papango :
« Vole jusqu’à la maison de mes parents. Dis-leur de venir ici tout de
suite ». Mais le papango refusa de faire la commission.
Le takatra et le goaika refusèrent aussi d’aller pr évenir les
parents de Soafara.
Le vorondreo vint à passer. Il vit la petite Soafara au fond de son
trou. D’un coup d’aile, il se rendit auprès de ses parents. En arrivant à
la maison il cria : « Soafara a été prise par le caïman ! Vite, il faut
sauver Soafara ! »
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Le père de Soafara, sa mère et sa soeur aînée partirent vers la
rivière, guidés par le vorondreo. Ils creusèrent la terre et tirèrent
Soafara de son trou. Ils furent tout heureux de la trouver vivante. Ils
demandèrent
à
l’oiseau
vorondreo :
« Que
veux-tu
pour
ta
récompense ? »
Et l’oiseau répondit : « Je ne demande qu’une chose : la vie ».
La demande de l’oiseau fut acceptée. Et depuis ce jour-là, les
chasseurs ne tuent plus les vorondreo.
R. Carle, 1952, Joies et travaux de l’île heureuse, Hachette,
Paris, pp. 94-96.
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TRIMOBE ET SOHITIKA (conte)
Sohitika volait des oranges dans le champ de Trimobe. Celui-ci la
surprit, courut après elle, mais il ne put l’atteindre. Le lendemain et les
jours suivants, les vols continuèrent.
Un jour, Trimobe se cacha dans les saonjo. Et la voleuse fut
prise. « Tu as volé toutes mes oranges, lui dit Trimobe, je te
mangerai. »
Il rammassa alors une grande quantité de saonjo et les mit avec
Sohitika dans une soubique. Et il partit vers la maison pour faire cuire
les saonjo et Sohitika dans la même marmite.
En chemin, Sohitika ouvrit la soubique et fit tomber un saonjo.
Au bruit, Trimobe tourna la tête, puis continua sa route. Un peu plus
loin, Sohitika fit tomber un autre saonjo. Trimobe ne tourna même pas
la tête. Enfin, à l’entrée du village, Sohitika se laissa tomber de la
soubique. Et elle s’enfuit.
Trimobe arriva à la maison. « Tiens, dit-il à sa femme, j’ai
attrapé la voleuse d’oranges. Tu la feras cuire avec les saonjo. » On
ouvrit la soubique. Mais il n’y avait plus que des saonjo.
Le lendemain, Trimobe se cacha dans les goyaviers. Et, de
nouveau, il saisit la voleuse. Il attacha solidement les mains et les pieds
de Sohitika, la mit dans un sac et la porta chez lui. Il dit à sa
femme : « Va puise de l’eau ; j’irai chercher du bois et nous ferons
cuire Sohitika. » Ils partirent chacun de leur côté.
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Après leur départ, leurs deux enfants rentrèrent. Ils virent le sac,
et, par curiosité, l’ouvrirent. Sohitika avait détaché ses cordes. Elle
bondit hors du sac et saisit les deux enfants. Elle les lia avec les cordes
et les mit à sa place dans le sac. Puis elle s’enfuit à toutes jambes.
Longtemps après, Trimobe et sa femme rentrèrent, apportant l’eau
et le bois. Trimobe alluma le feu. L’eau fut bientôt bouillante. Trimobe
prit le sac et se disposa à le jeter dans la marmite. Les enfants se mirent
alors à pousser des cris. Trimobe ouvrit aussitôt le sac et les délivra.
« Un grand malheur vient d’être évité, dit-il à sa femme. Nous
allions tuer nos propres enfants ! »
Cependant, Sohitika continuait à voler les oranges de Trimobe.
Celui-ci décida de préparer une ruse. Il apporta avec lui des entrailles
de boeuf et un crochet de fer. Arrivé au milieu du champ, il fit rôtir les
entrailles.
Alléchée
par
la
bonne
odeur,
Sohitika
s’approcha
et
demanda : « Que fais-tu rôtir ? Cela sent bien bon !
- Ce sont mes propres intestins, répondit Trimobe. J’avais grand
faim. Avec ce crochet, je les ai tirés de mes entrailles.
- Est-ce bien vrai, répondit Trimobe, et il donna un morceau
d’intestin à Sohitika.
- Que c’est bon ! dit celle-ci.
- Eh bien ! Fais comme moi ! Reprit Trimobe. Fais chauffer au
rouge le crochet de fer, tu le plongeras ensuite dans ton ventre pour en
retirer les entraille. »
Sohitika fit rougir le fer. Cependant, elle hésitait à s’en servir.
« Veux-tu que je t’aide ? » Elle jeta le crochet par terre et disparut dand
la forêt. On ne la revit plus jamais dans le pays.
R. Carle, 1952, Joies et travaux de l’île heureuse, Hachette,
Paris, pp. 116-121.
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LA MERE RANGONALA
(Conte Tsimihety)
Immédiatement après la naissance de son enfant, la mère
Rangonala se baigne avec de l’eau froide. Pourquoi ? Cette histoire
l’explique.
Un homme pêchait à la ligne. Il retira une maille qui contenait
tout ce qu’une femme riche apporte normalement en mariage. Il jeta une
seconde fois son hameçon dans l’eau et, hop ! voilà au haut de la ligne
une femme qui frétille, une femme jeune, jolie et d’une éblouissante
gaîté.
-
Ca alors ! dit notre homme, éberlué.
-
Je viens ici pour être votre épouse, répondit la dame.
-
Parfait, dit notre heureux pêcheur.
-
Seulement, ne dit jamais que j’ai été pêchée à la ligne,
recommanda la nouvelle épouse. Si tu le racontes à quelqu’un, je
reviendrai dans l’eau et je t’abandonnerai pour toujours.
L’homme promit de tenir sa langue et emmena sa femme dans le village.
Le ménage fut heureux. Cinq enfants naquirent. L’homme s’enrichit
beaucoup. Il eut deux mille boeufs, cent hectares de rizières, beaucoup
de manioc. Par malheur, il prit l’habitude de boire trop d’alcool.
L’ivresse enfante l’oubli ; notre riche père de famille se mit à vanter la
beauté de sa femme et, surtout, son adresse jamais égalée. « Toi, dit-il,
un jour à l’un de ses amis, quand tu manies ton hameçon, tu attrapes des
carpes, mon hameçon à moi m’a livré ma belle Sanera ».
Sanera a tout entendu. Elle a pris par la main trois de ses enfants et
s’est retournée au fond des abîmes pour ne plus jamais revenir.
L’ivresse passe. L’homme s’affole. Adieu, la belle Sanera !
De ce temps date la coutume : aussitôt après la naissance de son enfant,
la mère Rangonala se baigne dans de l’eau froide, en souvenir de la
belle Sanera. Quant aux hommes, autrefois, ils ne prenaient jamais
d’alcool.
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Attention jeunes gens, …soyez moins bavards, mesurez bien vos
paroles, réflechissez à ce que vous dites. Autre recommandation :
Sanera n’aime ni la médisance, ni la calomnie : tâchez donc d’être
modestes !…
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ZATOVO MALAIN-KANAMBALY
Teo ty Zatovo malain-kanambaly.
I Zatovo o anake raike naho, le tambetambezeñe avao hanambaly.
Sehanka ty ana’e tsy misy hafa.
Le nangalan-drene’e ampela boake avaratse roe vave.
- “Ingo mboako ty vali’o”, hoe ty rene’e
-“Hejeko o raike o, hoa re, fa kedekede ty maso’e, tsy mahatrea ty
laletse ama ty haneko. Hejeko ka o raike o, fa kedekede ty taña’e, tea
haron-korobo”.
Le nimeañe añombe roe am’izao iareo haneseañe aze. Le nandeha
am’izao. “A vaho hanao akore avao ihe o mboako, hoe ty rene’e, ie tsy
hanmbaly o? Izay anio mboako ty fombantikañe, ie ihe avao ro hanjary
vazaha tsy hanambaly o?”
Le nandeha indraike re nangalake ampela telo vave boake atimo.
-
“Ingo ka mboako ty vali’o.”
-
“Hejeko, hoa re, o raike o fa kele tomitse, tea lia-lefa. Hejeko o
raike o fa betomboke, tsy evaen-tori-hana. Hejeko ka o raike o fa
gadon-doha, tsy mañore iondana.”
Le añombe telo ka ty nenteñe nanese iareo. Le natao’e hozao aby i
zoron-tane valo y.
Ie re niavy ty boake atiñana, le nandeha am’iareo ze anakajaja zay. Le
nampihereñeñe am’izao ajaja y.
- “Mihereña rehe kisy fa hahoa’e v’ihe o.”
- “Eñhe eñ, tsy ajali’areo raho ndre t’ie heje’e fa tsy mandeha ama
te ho tea’e raho.”
- “A mandeha a’re koahe ho mpitintiñe o hana o, fa tsy vaho ihe ro
ho tea’e, izahay ho heje’e.”
Ie re niavy ao, le i ajaja y ty nitea’e. Le tsy nisy nitea’e am’izao ampela
bey rey fa I anakajaja y avao ty nitea’e. Le nionine am’izao aby i
ampela rey. “Hejeko o raike o fa be maso, tsy mahay kiromadotse.
Hejeko o raike o fa be soñe, tsy mañore tsikelo. Hejeko o raike o fa be
269
270
oroñe tsy mañore kitoke.” “Io ry gea ty asy ty ondaty. I tikañe nihamiñe
le niheje’e, fa i anakajaja mitafitratra y ty nitea’e.”
Le atao hozao am’izao ty toka aze:
- “Manambalia manambalia rehe Ratsimamangafalahy e e”
- “Aia hoe vao Valalanampanga o ampela ho valieko o?”
- “Manao akore vao nokotainao o ampela ahandrefañe ey o naho
valienao e e?”
Le nengae’e am’izao i ajaja y.
Ie zao. Tsy taliliko fa talily ty taolo.
Andronono Marie Jeanne.
Février 2005.
270
271
LA SAGESSE DE L’OGRESSE
(Conte Tsimihety)
La famille des ogres n’a jamais eu bonne réputation. C’est là ce
que pense l’homme. La vérité, pourtant, est quelquefois tout autre.
Zatovo était un jeune homme très beau : chevelure bien bouclée ; les
yeux assez grands ; le nez bien placé, légèrement aquilin ; les dents
petites, blanches, au complet ; l’allure très distinguée.
Zatovo avait vingt ans, il voulait se marier mais il était bien
hésitant.
Un jour qu’il chassait des sangliers (1), il se trouva par hasard à
côté d’un parc à boeufs. Une jeune fille trayait une vache (2). C’était la
petite Mizamiza, renommée dès sa naissance, dont on parlait dans tous
les environs et que plusieurs jeunes gens désiraient fort connaître ;
mais, jusqu’alors, c’était un personnage irréel, sorti des contes de fée,
que personne n’avait encore effectivement vu.
Zatovo a aperçu Mizamiza et Mizamiza a vu zatovo. Deux beautés,
deux coeurs. Zatovo s’éprit de Mizamiza et Mizamiza s’éprit de Zatovo.
L’ogresse, mère de la jeune fille, était sortie de grand matin, selon ses
habitudes pour chercher du miel.
-
Jeune homme, où vas-tu ? demande Mizamiza.
-
C’est pour t’aimer que je suis ici, répondit Zatovo.
-
Mais ma mère te tuera, ajouta la fille.
-
Je mourrai, mais du moins je t’aurai vu, répliqua Zatovo.
-
Fuis ou tu mourras.
-
Non, plutôt mourir que de te quitter.
-
J’ai pitié de toi. Si tu m’aimes vraiment, jeune homme, promets
que tu m’aimeras pour toujours.
- Je te le promets.
-
S’il en est ainsi, fuiyons, car ma mère est méchant. Elle te tuera.
Zatovo et Mizamiza ont fui. Ils ont marché, marché, marché. Rien ne les
arrête. Pendant ce temps, la mère ogresse rentre au logis qu’elle trouve
vide. Les boeufs ne sont plus gardés et Mizamiza est absente. Bientôt,
271
272
elle sent l’odeur de l’homme : « Mizamiza est enlevée », s’écrie-t-elle
et sans chercher d’autres indices, elle se met aux trousses des
fuyards…Elle courut, elle courut…et les deux jeunes gens fuyaient
toujours…
L’ogresse rattrapa les amoureux. Elle saisit Mizamiza par sa chevelure
et zatovo par l’épaule…
-
Que faites-vous ? demanda-t-elle.
-
J’aime ce garçon, répondit Mizamiza.
-
J’aime votre fille, soupira Zatovo.
-
Nous fuyons de peur que vous ne nous sépariez, bégayèrent ensemble
les deux enfants…
- Je vous plains, Zatovo. Si tu aimes vraiment, va trouver les parents de
celle que tu aimes et demande- leur sa main. Les filles sont créées pour
devenir épouses. Si j’ai tué les jeunes gens qui sont venus chez moi,
c’est parce que je savais ce qu’ils cachaient dans leur coeur fourbe.
Quand à toi, tu as l’âme sincère, je ne t’aurais pas fait de mal. Et toi,
ma fille, tu n’as qu’un tort, c’est de n’avoir pas déclaré l’éveil de ton
coeur à ta mère : je t’aurais laiss é faire ton choix…Mais n’allongeons
pas les discussions. Vous vous aimez vraiment ?
-Oui.
-
Alors mariez-vous, je vous bénis.
L’ogresse a raison.
Rabearison, 1994, Contes et Légendes de Madagascar, TPFLM.
1)
Un jour qu’il chassait des sangliers : En général, cette chasse se
fait loin des villages.
Une jeune fille trayait une vache : Il n’est pas dans les habitudes des femmes
2)
Tsimihety de traire les vaches. Mais c’est curieux qu’on en parle beaucoup dans les
contes.
272
273
SENTON’I IKALAMOMBA
Katsaka niteraka an-tehezana Rakalamomba,
voky nibaby ny tsy naloaky ny kibo,
fola-damosina amin-janak’olona;
torovana amin’ny an’ny sasany,
miongo-bolo amin’ny tsy an’ny tena,
misambo-balala ho an-janak’olona,
manabe takolaka ny an’ny sasany?
Mpanefy tokan-tena
Ka sady mifofotra no mively vy;
Vavan-dambo
Ka sady mitrongy no mihinana;
omby mahia tsy lelafin’ny namany,
olon’ory tsy havan’ny manana!…
hazo tokana an-kadilanana
ka tsenain-drivotra irery
ary hanao fatim-balala,
ka ho faty nianik’ahitra irery
ary ho faty mangina toy ny otrikafo.
(Fitenin-drazana), in Ny Reniko, ny teniko, UPEM, Antananarivo,
1995, p62.
273
274
AKORY NO HITOMBAN-DAHY?56
Izato ianao sombinaiko
Famelona ho fanondratondraka
Fiahy sy natao ho fanahy…
Ka akory no tia vikina avo,
Nahoana no tia tolotolotra?
Tsy alefitra,tsy ahafihafy…
Izato ianao ho’aho rahavako:
Fitandro sy fanajanaja
Ka akory no be fisaiky,
Nahoana no be fijoro Tsy azon’ny tsy anoarana?…
Setriny:
Indrisy Ralalan’ny fo!…
Tsy nisy mpiahy fony kely ho’aho:
Nitandro ny ampitsoko ho lava;
Kamboty velon-dray,
Ka zatra nihary tsy fidiny…
Indrisy Ratian’ny fanahy!…
Kely nizaka ny mafy ho’aho:
Dindonin’ny faitry ny lasa;
Antaonany niari-pery,
56
Une des formes du poème traditionnel malgache qui est le Hainteny généralement d’appel et de
réponse.
274
275
Ka folaky ny fanompotompoana
Ianao re no misikina,
Ianao no aza mety ho vasa!
Fa n’inona holatry ny lasa,
Akory, aho, no hitomban-dahy?
Voary 57
57
RASOLOARIVONY, Théis Faraniaina, dit Voary, 1994, Sandra-kalo Poèmes, Edition du Centre
Culturel Albert Camus, Antananarivo, pp.40-41.
275
276
PROVERBES
1. Bibilava fahaenina nitera-pahafito, ka manatombo refy noho ny
reniny.
2. Ohatra ny momba: tsy misy manao azy reny.
3. Toy ny ray aman-dreny, ny iray niteraka, ny iray niampofo.
4. Toy ny iray tam-po samy hafa ray, ka samy manana ny azy.
5. Janga reny ka kamboty anaka.
6. Mitomany
an-dreniny,
te
hinono,
mitomany
an-drainy,
te
hobabena.
7. Aza mamono reny toa vary ratsy.
8. Raha miara-mitoetra ny vantony sy ny reniny, raha taitra, dia ny
vantony ihany no mitsambikina.
9. Sitrapon-dRalakamisy no nanambadiany Ambaniandro.
10.Basin’angalisy, ka ny feon-dreniny ihany no feon-janany.
11.Toy ny reny hao, ka ny vavy indray no malaza.
12.Tsara tarehy petak’orona, voatondro iray no tsininy
13.Omby indray mandry tsy indray mifoha.
14.Izay mitambatra vato, izay misaraka fasika.
15.Toy ny mason’ny mpandrary: mijery ny an-kazony, mandinika
ny andalan-drambony.
16.Rafotsibe naka rafy, ka naka loza ho an’ny tenany.
17.Vorondolo nitera-boromanga.
276
277
LE STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME
•
EGALITE DES DROITS ET RESPONSABILITES DES
PARENTS POUR TOUTES LES QUESTIONS SE RAPPORTANT A L’
ENFANT COMMUN ( art.64 /Ord.62.089 )
•
LES REGLES REGISSANTS LE DIVORCE PLACENT
L’HOMME ET LA FEMME SOUS UN REGIME D’ EGALITE LA
FEMME NE PEUT ETRE REPUDIEE (art. 66 à 107 de l’Ord. 62.089)
A LA DISSOLUTION DE LA COMMUNAUTE CONJUGALE :
•
LES EPOUX PLACES SOUS LE REGIME LEGAL SE
PARTAGENT PAR MOITIE LE RELIQUAT DE LA MASSE ACTIVE
DES BIENS COMMUNS( art. 40 nouveau de la loi 67 030 du 18
Décembre 1967 modifiée par la loi 90 014 du 20.07.90 )
•
DROITS POUR LA FEMME DE QUITTER TEMPORAIREMENT
LE DOMICILE CONJUGAL POUR DES MOTIFS GRAVES : DROIT
AU « MISINTAKA » (art. 55 de l’Ord 62 089)
•
CHACUN DES EPOUX PEUT ETRE CONTRAINT EN JUSTICE
À CONTRIBUER AUX CHARGES DU MENAGE (art 60 de l’Ord
62 085) :
•
LE MARIAGE NE PORTE PAS ATTEINTE A LA CAPACITE
JURIDIQUE DES EPOUX ( art. 56 de l’Ord 62.089 du 1 Octobre 1962 ,
modifiée par la loi 90.013 du 20 Juillet 1990 et par la loi n°98.023 du
25 Janvier 1999 )
•
L’HOMME ET LA FEMME SONT SOUMIS AUX MEMES
OBLIGATIONS RESULTANT DU MARIAGE. (Obligation de
277
278
cohabitation, de fidélité, de secours, d’assistance : art. 52 de l’Ord
62.089)
•
LE MARI EST CHEF DE FAMILLE (art 53 de l’Ord. 62.089),
MET LA FEMME AU CONCOURS, A LA DIRECTION MORALE ET
MATERIELLE DE LA FAMILLE ( art 53 .al.3 )
•
LES EPOUX FIXENT D’UN COMMUN ACCORD LA
RESIDENCE COMMUNE (art. 54 nouveaux de l’Ord. 62.089)
•
DROIT LEGAL DE L’HOMME ET DE LA FEMME AUX
PENSIONS DE VEUVAGE (décret n°89 094 du 12-06-89)
•
CODE DE LA NATIONALITE : la transmission de la nationalité
est différente, pour l’enfant métis né dans le mariage , selon que c’est
son père ou sa mère qui est étranger ; LA FEMME MALGACHE QUI A
EPOUSE UN ETRANGER NE PEUT TRANSMETTRE SA
NATIONALITE A SES ENFANTS QU’APRES EN AVOIR FAIT LA
DEMANDE ( Ord. N° 60.064 du 22 Juillet 1960 portant code de la
nationalité)
La transmission de la nationalité par la mère devrait être également
automatique.
•
LE DROIT DU TRAVAIL ;
a) CONGE DE MATERNITE :
b) ALLOCATIONS PRE ET POSTNATALES :
(Ord. 62-078 du 29 sept. 1962, art. 141-156)
•
LA FEMME MALGACHE QUI A EPOUSE UN ETRANGER
NE PEUT TRANSMETTRE SA NATIONALITE A SES ENFANTS
278
279
QU’APRES EN AVOIR FAIT LA DEMANDE (Ord. N° 60.064 du 22
Juillet 1960 portant code de la nationalité)
•
LOI
DE
1920
REPRIMANT
LA
PROPAGANDE
ANTICONCEPTIONNELLE
279
280
RECUEILS DE TEXTES RELATIFS A LA VALORISATION DU
STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME
Le préambule de la Constitution du 18 Septembre 1992 fait sienne
la Charte Internationale des Droits de l’Homme, comprenant la
Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à
l’égard des femmes, ratifiée par l’Assemblée Nationale Populaire le 19
Septembre 1988.
Par cet acte, Madagascar reconnaît que les droits fondamentaux
des femmes sont des droits inaliénables, dont la pleine jouissance
contribue au développement rapide de leur pays.
La condition de la femme est actuellement et de plus en plus un
thème d’investigation et de réflexion tant sur le plan international, que
national et régional.
Il est vrai qu’à l’orée du 21ème siècle, la levée de toutes les
formes de discrimination à son égard et l’application effective de ses
droits sont des conditions sine qua non pour lui assurer de manière
effective et durable, une réelle promotion et garantir sa participation
équitable dans la conduite des enjeux du développement de la région.
Ainsi, les femmes cherchent à :
- Renforcer l’information sur ce point auprès des administrations
concernées.
Exemple : la délivrance de passeport et la sortie d’un enfant mineur du
territoire sont encore soumises à l’autorisation du père. C’est pourtant
l’autorisation des deux parents qui devrait être exigée.
L’intérêt des participants s’est porté longuement sur le mariage
coutumier, qui concerne la grande majorité de la population, le mariage
civil ne concernant que 1/3 environ des couples mariés. De cette
réflexion sont issues les deux recommandations suivantes :
-
Mener
des
actions
d’information
de
façon
à
faire
appliquer
effectivement les dispositions du mariage légal au mariage coutumier :
280
281
- Vulgariser les dispositions légales relatives au mariage coutumier, de
façon à favoriser sa fonction de défense des intérêts de l’épouse.
Des propositions de loi plus précises devront être mises à l’étude sur le
mariage coutumier.
- Faire connaître l’existence d’un cahier de doléances au niveau de
chaque tribunal, où les plaignant(e) s peuvent exposer leurs problèmes
par rapport à l’état d’avancement de leur dossier.
- Une circulaire du Ministère de la Justice serait nécessaire, pour fixer
les barèmes concernant les montants des pensions alimentaires.
Pour les fonctionnaires, supprimer l’impôt perçu sur la pension
alimentaire, car celui-ci est actuellement doublement imposé (une
retenue est déjà effectuée à la source)
- Vulgariser les dispositions légales relatives à l’abandon de famille
(peines d’emprisonnement prévues en cas de récidive dans le refus de
payer la pension alimentaire).
- Réactualiser les montants de l’amende prévus par la loi (actuellement
de 5 000 à 200 000 F) de façon à rendre l’amende plus dissuasive.
- Introduire dans la législation la possibilité de divorcer par
consentement mutuel, et ce dans l’intérêt supérieur des enfants.
- Soutien à apporter au projet de loi soumis à l’Assemblée Nationale
par Elyette Ramanandraibe, concernant le rang du/de le conjoint(e) dans
l’ordre de succession ( le/la faire passer du 8è au 3è rang )
- Faire connaître au grand public la possibilité de léguer ses biens à
son/sa conjoint(e) par testament.
- Faire connaître au grand public les dispositions légales concernant
l’égalité des droits des fils et des filles en matière de succession.
- Faire connaître ces dispositions non seulement au grand public,
mais également aux agents des administrations, publiques et privées. En
effet, ceux -ci persistent à exiger, par exemple l’autorisation du mari,
pour la femme qui veut ouvrir un commerce.
Ces dispositions semblent aujourd’hui dépassées, en ce qu’elles ne
reconnaissent pas explicitement l’existence des 27% de femmes chefs
281
282
de ménage recensées au niveau national et les rôles multiples qu’elles
assument.
Faire connaître la loi, en insistant sur le contenu de l’aliéna 3. Le
message pourrait être formulé : « Manan-jo ny vehivavy handray anjara
amin’ny fitantanana ny vola sy ny fananana ao an-tokatrano ».
Recommandation pratique : la mère célibataire est chef de famille de
facto, elle doit l’être aussi de jure. De même que le livret de famille est
remis aux époux lors du mariage civil, de même les mères célibataires,
à la déclaration de naissance de son premier enfant, doit se voir
remettre un livret de famille.
Un projet de loi est en préparation depuis 1960 sur la tutelle : projet
à relancer, de façon à mettre fin aux situations absurdes engendrées par
la tutelle automatique du père.
Exemple 1 : La veuve doit obtenir du tribunal une ordonnance de
tutelle pour pouvoir faire valoir le droit de ses enfants à la pension
d’orphelins.
Exemple 2 : Même si c’est la mère qui ouvre un compte à la caisse
d’épargne pour son enfant mineur, et qui l’alimente, seul son père, étant
le tuteur, peut effectuer des retraits sur ce compte.
Il convient de se rappeler à tous les organismes employeurs, en
particulier les ministères , que les époux ne sauraient être affectés à des
endroits éloignés l’un de l’autre , et qu’ils sont à égalité devant la loi,
l’affectation de l’époux ne déterminant pas forcément celle de l’épouse
.
L’application effective du droit de la femme aux pensions de
veuvage (qui date quand même de plus de dix ans ) reste à exiger ; dans
la pratique en effet , la veuve continue à ne percevoir que la moitié de
la pension de son mari défunt , sous prétexte que ce n’est pas elle qui a
travaillé.
L’allocation
de
veuvage
devrait
par
ailleurs
être
payée
immédiatement après le décès de l’un des époux, et le secours
correspondant à trois mois de salaire, déjà en vigueur chez les
fonctionnaires, institué pour les employés du secteur privé.
282
283
CODE DE NATIONALITE
La transmission de la nationalité est différente, pour l’enfant
métis né dans le mariage, selon que c’est son père ou sa mère qui est
étranger ;
La transmission de la nationalité par la mère devrait être également
automatique.
LES DECLARATIONS DE NAISSANCE :
En faire connaître au grand public les avantages
Diffuser la disposition légale selon laquelle n’importe qui, du
moins pas nécessairement un médecin ou sage-femme, peut faire
déclarations de naissance.
Porter le délai légal de 12 à 20 jours après la naissance, avec
possibilité, dans les zones reculées, pour le président du fokontany de
procéder à des déclarations collectives auprès de la commune.
Généraliser les opérations « jugement supplétif », avec imprimés
prêts à remplir et audiences foraines.
EDUCATION OBLIGATOIRE
Instituer « dina » au niveau des communes pour sanctionner les parents qui
retireraient leurs enfants de l’école avant l’âge de 15 ans (scolarisation obligatoire de 6
à 15 ans).
CONGE DE MATERNITE
A uniformiser dans les secteurs public et privé (6 semaines, plus de
3 mois après l’accouchement, sauf en cas de complications).
Pour les employés du secteur privé, un réajustement du simple au
double est exigé. Des allocations seraient intégralement prises en
charge par le CNaPS.
283
284
Une loi sur le harcèlement sexuel et le viol est actuellement en
préparation au Ministère de la Justice.
Les participantes à l’atelier régional préconisent un alourdissement
significatif des peines en matière de viol.
FEMMES EN INFRACTION
Instituer le principe d’amnisties régulières le 8 Mars de chaque
année à accorder à des détenues, sous certaines conditions.
Abolir
le
mandat
de
dépôt
pour
les
femmes
enceintes,
sauf,
exceptionnellement, en cas de crime flagrant.
Instituer la possibilité pour les femmes enceintes de servir des
peines de substitution.
VIOLENCE CONTRE LES FEMMES
Femmes battues, y compris violence domestique :
Instituer le principe selon lequel le fait pour un homme de battre
une femme est automatiquement circonstance aggravante.
Les traitements cruels et la torture, exercés par un agent de
l’administration ou par toute autre personne ayant autorité sur une
femme ou une fillette, doivent être considérés comme un crime, et non
plus comme un simple délit.
Ratifier la Convention Internationale sur les traitements cruels,
inhumains et dégradants.
284
285
AMBOHIBEHIVAVY
Fizarana fahatelo
Fisehoana voalohany 58
(…)
Rasoa:
-
Averiko
Foloalimbavy!
indray:
Arivovavy
tsy
“Miaramila
maty
isika
indray
ireto!
halina!
Mpitolona!
Mianefitra
ka
mpirahavavy mifampahatoky na inon-kidona, na inon-kiantra! Aleo ho
avy zay ho avy! fa ataoko manavy!...
- (mifandimby miteny, arahina horakoraka): -Izahay mahavita! Ny
volonay ngita! Tsy maintsy tafita! Veloma Ibalita!
(mihamafy
hatrany
ny
horakoraka
sy
ny
hinjakinjaka,
arahina
kiakiaka…)
Ambohibehivavy! tsy mivazivazy!...
58
RAKOTONANDRASANA , L. de G., Ambohibehivavy, Antananarivo, p. 35.
285
286
Fizarana fahatelo
Fisehoana Faha Valo 59
(...)
Vehivavy iray hafa. - Hevi-behivavy anefa izany rehetra izany, aoka
kely, aoka kely! Hevi-dravina! Vitan’ny lela miakatra sy feo
mikarantsana fotsiny eto. Volana an-tenda: tsy re ako, tsy re migoboka.
Kabarin’ny kely feo re e, ka na mitrena sy miantso avo aza, tsy
mahataitra tsy mahataka-davitra. Aoka kely, hoy aho!...
Vehivavy iray. - Izay indrindra manko, izay indrindra!...Manaratsy tena
toa omby hantsika isika indraindray. Totofana fotsiny tsy hiseho
masoandro ny hevi-baovao tokony hivoarana, tsy asiana hasiny kely
akory. Tsy manitra tsy mamerovero satria hevi-behivavy. Maivana,
misavoana tsy misy dikany satria hevi-behivavy, mova tsy rano andamosin’ny kanakana, sira iray tanana arotsaka anaty ony. Kabarin’ny
kely feo marina tokoa angaha, ka tsy misy akony am-potosofin’ny
mpahalala, na dia dradradradraina aza!
Vehivavy roa maika dia maika. -Ka ahoana e? Ahoana tokoa lahy?
adihevitra tsy misy fiafarany inty izy! Na hilefitra isika ireto ka hanome
vahana an-dry zareo. Na handroso ho mpandresy na hisy fatiolona aza
eto Ahoana? (…)
59
Op. cit. p.53.
286
287
Fizarana fahatelo
Fisehoana Fahasivy 60
(…)
Vehivavy iray: - Marina ve izany, sa tsy marina e? Sao mamazivazy anay
eto fotsiny : mampandry adrisa amin’izay tsy ifanarahana !…
Ratalata: - Heee ! Marina re, tompoko ô ! Randriambavilanitr’ô !, marina
re ! Haihaihaihay ! aoka re … Ka na talata na alarobia, na alakamisy, na
zoma, na asabotsy,… na andro inona na andro inona : tsy maintsy
ezahina ny fanajana ny zonareo vehivavy, loharanon-taranaka … Na
lohataona, na ririnina, na fahavaratra tsy maintsy ezahina e !… Ary !
heeee !… ho porofon’izany, ao, heeee ! misy taratasy nentiko avy any
…
Vehivavy : - Avy any amin’ny Foibe?
Ratalata: - Ee, avy any. Zahao anaty sakaosiko ao !
(misy mizaha ka mahita ilay taratasy…)
Vehivavy iray: - Izahay ireto angaha misy mahay taratasy akory, ka hoe
afaka hamantatra izay voarakitr’iny ! Sa misy mahay ianareo ireo, na
dia kely ihany aza?
Samy mandà ny rehetra: - …Noho ny tsy fampitoviana zo aminareo lehilahy
e ! Rehefa mahay manoratra ny anaran’ny tena sy manao sonia, dia
“ouste”, tsy avela hanohy ny fianarana intsony. Ny hay aza, hadino !
- He ! voan’ny “angatra” e ! (tiany ho lazaina : “voan’ny fiangàrana”) -(misy
mibitsibitsika manoro azy ny marina). Eny e, voan’ny fiangàrana. Na samy
zanaky dada sy neny izao aza : ny lahy avela hanohy fianarana, ny vavy
najanona, voailikilika, he !
Ratalata: - Misy mahay mamaky teny sy manoratra izany amin-drizareo
ireto?
(mantsy ireo Lehilahy mifatotra) - Asehoy azy ho vakiny ! - Mba vahao kosa
ny fatorany e !
60
Op. cit. p.57.
287
288
(manala fatotra ny lehilahy iray, mampitsangana azy ary manome taratasy…)
Lehilahy iray afa-patorana, mamaky mafy.Ramatoa isany eto Ambihibehivavy ô !
Atsaharo amin’izay re, Tompokovavy, ny famolahanareo ny
lehilahy eto Amoronala sy ny manodidina e.
Mifona re, mivalo ho azy ireo izahay manao sonia eto ambany.
Toky no homenay anareo, fa hanova tanteraka ny fomba sy ny toetra
ratsy nitondràny anareo izy ireo. Tsy hanaraka be fahatany ny nentindrazana efa konka sy ilaozan’ny toetrandro,… mandroso amin’ny
erantany.
Hanaja anareo tanteraka izy ireo. Ho tia anareo marimarina, tsy
ho tahak’izay taloha izay intsony !
Ho porofon’izany, samy manome ny anarany, ny fonenany ary ny
soniany avy ny tsirairay aminay, miray feo ary miantoka ny maro hafa.
Manome toky koa fa hitarika araka izay tratry ny herinay ireo tsy tonga
saina mba hanatrarana izany toa tanjona izany eo amin’ny fiarahamonina sy ny Tanindrazana.
Eny, hampanana zo aman-kasina anareo anatrehan’ny velona,
noho maha “Vehivavy” loharanon-Taranaka anareo.
Atsaharo re, tompoko ! - Miangàvy izahay./.
(…)
288
289
KABARY 8 MARSA
ANDRO IRAISAM-PIRENENA HO AN’NY VEHIVAVY
Teny faneva : Ny vehivavy tompon’antoka feno amin’ny fandraisana andraikitra ho
fampandrosoana ny faritra.
Voalohany indrindra dia faly miarahaba antsika rehetra tratran’izao 8 Marsa
izao, izay fotoana sarobidy loatra ho antsika vehivavy, satria andro iraisam-pirenena
ho antsika. Koa natokana ity andro ity mba hitodihana tanteraka amintsika, hijerena
akaiky ny momba antsika, hitarafana ny ezaka ataontsika, ary izany dia aoka ho
raisintsika ho fampaherezana koa eo amin’ny tolona isan’andro atrehintsika.
Koa dia isaorana manokana eto ny tompon’andraikitra mahefa eto
Madagasikara raha mba isan’ny mankalaza izany koa ny eto an-tanindrazana. Ndeha
ary hotomorintsika akaiky io faneva io izay ahofahofa mandritra ity fankalazana ny
andron’ny 8 Marsa ity.
FIVOARANA TEO AMIN’NY FIHEVERANA NY VEHIVAVY
•
Fiheverana ny vehivavy teo aloha:
Tarafina eo amin’ny teny entina iantsoana azy ny fiheveran’ny fiarahamonina ny vehivavy.
Ny malaza indrindra dia ny hoe: Fanaka malemy
Fanaka : zavatra, toy ny tsy manana aina (seza, latabatra...) machine fakana
taranaka, tsy manan-kevitra, natao hanompo, mirefarefa amin’ny tany tokoa ny
fiheverana azy.
Malemy :
entina
anamafisana
ny
tsy
fiheverana
azy :
tsy manan-kery hanohitra, azo anamparam-pahefana, resy an’ady, tsy mahazo miteny.
Nokilasiana hitovy amin’ny zaza : nokapohina raha vao mampiaka-peo na
mba miana-kendry.
Tena olona tsy ilain’ny fiaraha-monina tokoa. Ka araka ity ohabolana
malagasy ity hoe : « naniry zaza ka tera-dahy », zany hoe ny hanan-janaka lahy no tena
iriana, fa ny vavy tsy dia heverina loatra. Koa tsy ilaina ve raha izany ny fisian’ny
vehivavy eto an-tany? Moa ve dia izany marina?
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•
Ny fiheverana azy ankehitriny :
Noho ny toe-draharaha ara-politika sy ara-ekonomika, vokatry ny ady lehibe,
dia nisy rivotra nitsoka avy any ivelany ka tonga hatraty Madagasikara : tsy maintsy
nandray andraikitra ny vehivavy. Teo am-pandraisana izany andraikitra izany no
nahatsapany na tsy rariny rehetra nihatra taminy, dia ny nanosihosena ny zony.
Heverina ho toy ny sambo iray ny tokantrano iray : tsy maintsy mandray fivoy ny
vehivavy mba hahatody izany sambo izany. Ny olona mivoy anefa dia tsy maintsy
olona afaka amin’ny fanagejana rehetra. Afaka, libre, na ny sainy na ny tanany.
Vokany: tsy rendrika ny sambo, tafita ilay sambo.
Hamafisin’ireto teny entina ilazana ny vehivavy ireto izany:
- avy ao amin’ny Baiboly: Eva = aina.
- mpanampy sahaza: tsy mahavita irery ny lehilahy, mila mpanampy izy ary
mpanampy sahaza azy (antonona azy), afaka mifameno aminy.
- taolan-tehezana: taolana no nentina namoronana azy. Mazava ho azy fa tsy
malemy izy fa manana ny tanjaka ilaina ho enti-miatrika ny fiainana (mitaiza, miatrika
problème maro, fiterahana).
- fañary ny vehivavy : ny lakan’ny Vezo no misy fañary mba hiarovana azy
tsy hivadika. Fañary tokoa ny vehivavy ao an-tokantrano ao. Mandrindra ny fiarahamonina, miantoka ny équilibre, elanelam-panahy : vehivavy mpisolovava na
mpanelanelana amin’ny zanaka samy zanaka, na ray sy zanaka ; ny vehivavy no
mpampianatra voalohany : mampianatra miteny, mampianatra ireo karazan-toetra
alain-tahaka.... ; vehivavy dokotera : mahatsikaritra voalohany raha vao misy ny tsy
salama ao an-tokantrano, mpikarakara ; vehivavy mpanolo-tsaina ny zanaka sy ny
vady ; vehivavy mpampitony raha vao misy misamboaravoara dia mamonjy mamono
ny afo malaky.
Vokany : mirindra ny fiaraha-monina ao an-tokantrano ao.
- fiandra ny vehivavy: hita taratra ety ivelany izany toe-tsaina sy toe-po feno
fitiavana ananany izany. Hany ka na inona na inona andraikitra tazoniny, dia vitany
an-tsakany sy an-davany. Mirehareha ny vadiny manana azy ka miteny hoe: “vadiko
iny”; mibitaka ny zanany manondro azy ka mirehaka hoe: “reniko iny”; faly ireo
anadahiny mitsinjo azy ka loa-bava hoe: “anabaviko iny”. Mampiandra ny
ankohonany, mampandroso ny fireneny sy ny fiaraha-monina. Koa mifalia, matokia,
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mandrosoa, aza matahotra, raiso ny fivoy, ampitomboy ny fahaiza-manao. Mahery
ianao, matanjaka isika ara-tsaina sy ara-po.
Ny fahalemena ara-batana? Io indrindra no herinao satria hoy ny Soratra
Masina: “ny heriko dia tanterahina amin’ny fahalemena. Raha hainao ny mitantana io
fahalemenao io dia ho lasa hery lehibe ho anao izany : malemy paika, miteny mora
raha mananatra, miteny malefaka raha miady hevitra, miteny feno fitiavana raha
manatontosa ny asa antom-pivelomana ety ivelany.
Nefa indro kely, takela-by fanairana : Satana dia fahavalontsika hatrizay ka
hatrizao. Tsy tiany ny tokantrano hilamina, ny fiaraha-monina hirindra ary ny firenena
handroso. Noho izany, maro ireo vehivavy voafitaka ka indro fa mihady lavaka
handevenana ny taranany, ary mandray marteau hamotehana ny tokantranony.
Ambaran’ireto voambolana manaraka ireto izany :
- “akohovavy maneno”: be resaka ary mampiasa hafetsena mamoafady
hanindriana ny vadiny;
- “janga reny ka botry anaka” : vehivavy jejo na janga, tsy mihevitra ny
amin’ny fidiram-bola fa ny haingo no mahazo laka;
- “tsy refesi-mandidy”, hadino tanteraka ilay andraikitra maha-vady, mahareny, ka indro mamarotra ny zanany mba hahitana vola. Potika ny tokantrano, kizo
fara, mihemotra ny firenena. Tsy ilay vehivavy miantoka ny fampandrosoana ny
firenena intsony! Baranahiny sy goragora ny fikarakarana ao an-tokantrano ao. Indro
fa hilentika ilay sambo.
Ry vehivavy malala, mijanona kely, mieritrereta, misaintsaina!
Fehiny: aoka ho fanaka miaina, sarobidy, manome endrika ny tokantrano.
Aoka ho climatiseur hanome hatsiatsiaka raha midofaka ny tsy ahafaha-miaina ny
rivotry ny fahasahiranana, hanome hafanana kosa raha mamanala sy mahangoly ny
rivotry ny fankahalana sy ny ady. Amin’izay dia mahate-hody ny tokantranontsika
raha lavitra azy, mahate-honina ny akanintsika raha ao anatiny.
Mme RAMAHA Noeline, Mpampianatra, EF II, Betania
Filohan’ny Fikambanam-behivavy Loterana, Fileovan Betania.
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GLOSSAIRE
Aferan-dehilahy, affaires d’ hommes
Agn’ate, entrailles
Akatra, le fait de monter
Akoho taman-trano, poule domestiquée, femme au foyer
Akohovavy maneno, femme bavarde qui s’exprime avant les hommes
Aky, tu, toi
Alahamaly, nom de mois
Alahasade, nom de mois
Alakaosy, nom de mois
Alika maty, espèce de chien abattu
Amany, urine
Amato, maîtresse, deuxième bureau
Amboarane, nom de personne
Ampakarina, l’épouse
Ampela gegy, tia aly, femme hystérique
Ampela hamontsotane, femme d’une beauté incomparable, qui fait
perdre la raison
Ampela katraka, une fille facile
Ampela mikeokeo, une femme qui bavarde
Ampela soa , ampela fanjaka, jolie fille
Ampelamananisa, femme à écailles
Ampelam-batotsy, une femme qui n’est plus mariée et qui habite avec ses
enfants ou seule
Ampisafy, andriambavilanitra, femme respectée
Anabavy, soeur
Anaka ampela, fille
Anambalian-kiteraha, littéralement on se marie pour avoir des enfants
Anaram-binta, nom selon l’astrologie
Anaram-bosotra, anaran-kizake, surnom
Anara-takihotsy, surnom
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Andriambavilanitra, littéralement : princesse du ciel
Andriambavy, souveraine
Andrin’ny tolom-piavotana, pilier de la révolution
Angaha, est-ce cela ?
Anganom-bavy antitra, conte récité par une vieille femme
Anjely, sarin’anjely, une ange
An-tanà, au village
Anti-bavy ratsy fanahy, vieille salope
Antitra am-pitsanganana, lany zara, vieille fille
Antitse am-pijoroa, antitse am-pitovoa, vieille fille
Ao gea mba vitao asako oo, s’il te plaît, termine mon travail
Aoly, tisane médicinale
Apongalahy, un tambour
Ara-tsaina, miasaina, rationnel, raisonnable
Asaoro, nom de mois
Avisoa, bienvenue
Aza manao akohovavy maneno, ne fait pas la poule qui chante
Babanimaro, nom de personne
Bakobako, mignonne
Baraka, voile, honte
Basin’angalisy, ka ny feon-dreniny ihany no feon-janany, littéralement
comme le fusil anglais, le bruit de la fille ressemble à celui de sa mère
Basin’ariary fito, ts’isy mpanontany, qui coûte peu
Be feo, voix grave
Be resaky gn’ampela, des femmes qui bavardent
Be zesta, be pôzy, be angeso, une mijaurée, une pimbèche
Bele be toko, qui ne coûte pas cher
Betsiteraky, qui ne peut pas avoir d’enfants (vache, chèvre)
Bikina kay ity !, tu t’es fait engrosser
Bôbon vorona, ampela katraka, fille facile
Boky mena, livre rouge
Bory volo, littéralement : cheveux coupés court
Daba loaka, une dévergondée
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Deziemo, toroaziemo biro, deuxième, troisième bureau, maîtresse
Dokotera mpitsabo, médecin traitant
Efalendraza, nom de personne
Enteo, regardez
Ezoentsoa, Esoavoatse, nom de personne
Fa malazo, flétrie, fanée
Fahandroa sakafo, la cuisson du repas
Fahanginany, son silence
Famorana, savatra, circoncision
Fampakaram-bady, les noces
Fampirafesana, polygamie
Fampitahana, le fait de se montrer
Fanabeazana aizana, espacement de naissance
Fanandroana, divination
Fandeferany, sa modestie
Fandrindram-piterahana, planification familiale
Fanisanandro, calendrier
Fanjakana, Etat
Fanjakan-dehilahy, pouvoir des hommes
Fanjava, lune
Fantatrao, savez-vous ?
Fara hehy, un éclat de rire
Faralahy, le dernier
Farambony, nom de personne
Faravavy, la dernière
Feno tsiky sy hehy : souriante
Fiasigne, lorsqu’on parle des différentes parties du corps
Fihegnaragne, vulve
Fikarakarà aja, soins des enfants
Filahiagne, sexe masculin
Filahiana, sexe mâle
Filoha, Chef
Firaka atakalo, monaie d’échange
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Firavaka, bijoux
Fitantaragne angano, le fait de raconter des histoires
Fitombenana, fesse
Fivaviana, sexe femelle
Fizokiana, le plus âgé
Fokonolona, la communauté
Fola-damosina, qui a éduqué si bien qu’elle a le dos courbé
Fototry ny fahotana, source du pécher
Fotsim-barim-bahiny, une pute
Fotsy antsy, lame sans manche, femme qui reste stérile
Fotsy varavarana, femme qui aime sortir et passe son temps à jacasser
Fozalahy natakalo fozavavy, une crabe mâle en échange à une femelle
Gea, tu, toi
Gisavavy, oie
Hainao moa, connais-tu?
Haingo sy ravaky ny tokantrano, parure et ornement du foyer
Haky, ah bon !
Handrigne, front
Haova, nom de personne
Harena an-kibon’ny tany, richesse du sous-sol
Hazomanga, le poteau sacré
Hetra isan-dahy, littéralement impôt par tête d’homme
Hila rano, chercher de l’eau
Hitanao, voyez-vous ?
Ho vehivavy sahy , une femme qui ose ( courageuse)
Ialahy, toi
Ianao, vous
Ifaharoa, nom de personne
Ifaravavy, nom de personne
Iha, toi
Ihe, toi
Ikala kisoavavy, espèce de truie
Ikala trotraka, la maudite, la malheureuse
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Ikala, la fille
Imanga, nom de personne
Imavo,nom de personne
Indry, tu, toi
Ineny, maman
Ingahibe masoandro, le vieux soleil
Ingahy, monsieur
Inivo, nom de personne
Ise, tu, toi
Iso-pandriana, littéralement : indemnité de lit
Itena, toi
Izafinikamia, nom de personne
Jejo reny ka botry anaka, femme coureuse et de mauvaise vie ; c’est
l’enfant qui est chétif
Kabary, discours
Kalalijaky, une coureuse
Kelireny, tante
Kely feo, voix aïgue
Kene, toi
Kirizy, crise
Kisy, petite fille
Kitay telo andalana, littéralement : trois paquets de fagot , le tiers
Koahe, toi
Kolo, bébé
Kongoroty, enlaidie
Lahiaivo, frère cadet
Lahimatoa, frère aîné
Lahim-panalahidy, une pène de serrure
Lahin-jiro, une mèche
Lahy antitra, vieil homme
Lahy, masculin
Lailahy manao feon’ampela, un homme qui a la voix d’une femme
Laisa, nom de personne
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Lalaina, nom de personne
Lamba, un coupon de tissu que la femme malgache porte
Lany tandrify, littéralement celle qui n’a pas eu ce qui lui revient
Lany zara, littéralement celle qui n’a pas eu sa part
Lehilahim-bohitra, « coq du village »
Lehilahy mahay miresaka, homme qui sait parler, bon orateur
Lehilahy mamarotra am-pitsanganana, littéralement un homme malin
qui vous vend même debout
Lehilahy miasa, homme qui travaille
Lehilahy mikiviro, un homme qui porte des boucles d’oreilles
Lehilahy tsara tarehy, beau garçon
Lehilahy tsiriritim-behivavyeo an-tanàna, littéralement un homme
désiré, envié par les femmes du village
Lehilahy, rangahy, l’homme, le mari
Letsy, toi
Lie,toi
Loha, ambone, tête
Loharano nipoirana, source originelle
Lokomena, rouge aux lèvres
Lolo, la mort
Lova tsy mifindra, littéralement : héritage qui ne change pas de main
Ly, toi
Madamo ramose, institutrice
Madé, mademoiselle
Mahalahy, ce qui fait mâle
Mahatam-bava, un homme discret
Mahavavy, ce qui fait femelle
Mahavisoa, nom de personne
Mahery fo, héroïne
Mahery, dur
Maivan-doha, écervelée
Makiazy, maquillage
Malala, chéri
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Malama , lisses
Malemy , mou
Maman’i Tsito, maman de Tsito
Mamantsy, la ferme !
Mamany, faire pipi
Mamelona, nourrit
Mametraka, répudier, déposer
Mamokatra, fertile, productive
Mampaka, faire monter
Mampakatra, épouser, se marier
Mampandova, faire hériter
Mampirafy, qui pratique la polygamie
Mampisotro, faire boire
Manadihady, réfléchir
Manahira, qui crée une difficulté
Mananotena, veuve qui s’occupe de soi-même
Manao ahoana ny fahasalaman’ny ankizy, comment va la santé de la
femme et des enfants
Manao fihetsi-dahy, hommasse
Manao fihetsik’ampela, effeminé
Manao kinahandro na tsikoninkonina, fait la dînette
Manao kopy garçon, littéralement : qui a les cheveux courts comme ceux
des garçons
Manao lamoné, échanger des pièces de monaie
Manao resake an-jorone, bavarder en aparté
Manao resake tsy vitavita, qui parle trop
Manao tamaboha na tsikitragno, joue la petite ménagère :
Manday lefo, femme enceinte :
Mandeha, marcher :
Mandraikiraiky, ensorceleuse, qui fascine
Manga, mainty le, ngalingaly, noire ou brune, pleine de beauté
Mangery, faire caca
Mangina azafady, tais-toi s’il te plaît
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Mangina itena r’ity a, Tais-toi donc ! La ferme !
Mangina, tais-toi
Manisy sira, traduction littérale : mettre du sel
Manisy traka, traduction littérale : ajouter des brèdes ; mentir
Manja-maso, fard
Manondrotra, qualifier,
Maram-bita, attirante:
Mariaraozy, Marie Rose :
Mariazy korôny, littéralement mariage à l’église portant une couronne :
Marisika, actif :
Maroanake, qui a beaucoup d’enfants
Marovavy, qui a beaucoup de filles
Masiaka be ronono, méchante mais généreuse
Masina, masira, salé
Maso, fagnente, yeux
Masoko aky indry, tongotrao aky izaho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds
Masoko ianao, tongotrao aho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds
Masoko lie iha, tombokao lie raho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds
Masoko rehe, tombo ?ao raho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds
Matavy vola, un bon parleur
Mate raho aba, littéralement:je suis mort père
Matoa ou taolanolo, aînée
Maty ilay mpivaro-tena, la prostituée est morte
Mavokasaoty, femme pleureuse des morts
Mazava hoditra, le teint clair
Mazavasoa, nom de personne
Mba marina hoe, n’est-ce pas vrai?
Mbiasa, le devin
Miady hevitra, discuter
Miantsa, chanter
Mibaby maky, aux longs cheveux comme la queue d’un lémurien
Mibanaike, chanter et danser
Mibasivava, bavarde
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Mibeko, chanter
Mibontsina, qui gonfle ; en état de grossesse
Mihamy, se parer
Mijotso, mirorotra ,se rabaisser
Mikakakaka, rire aux éclats
Mikaramentsona, pérorer
Miketsiketso, bavarde
Mikiakiake, crier fort
Mikizaka, ironie
Milalao saribakoly, joue à la poupée
Milam-bolo, cheveux enroulés
Milamina, tsy tia romoromo, homme pacifique
Mimizy, dire izy, imiter le parler merina
Mirafy, rival
Misa, nom de personne
Misotro ny rano tsy tiana, qui a bu de l’eau qu’elle n’apprécie pas
Mitabaky, mettre du maquillage
Mitena akanjo, littéralement : qui ne porte pas de lamba
Miteraka tsy manam-bady, littéralement : qui a accouché sans être mariée,
mère célibataire
Mitohake, rire aux éclats
Mitomban-dahy, littéralement une femme qui se comporte comme un
homme
Mitrerona, gronder, rugir
Mitsigna tse, tais-toi donc
Mitsinjake, danser
Mivatsavatsa, femme pipelette
Momba, manan-taranaka, femme stérile
Momba, qui ne peut pas avoir d’enfants (femme)
Mosa, nom de personne
Mpamatsy, pourvoyeur
Mpamosavy antitra, vieille sorcière
Mpamosavy, sorcière
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Mpampakatra, l’époux
Mpampianatra, instituteur(trice)
Mpanampy, aide
Mpanao kinanga, marchand ambulant
Mpanao tera-bitro, akoho mpanatody lava , femme qui accouche chaque
année
Mpanasa lamba, lavandière
Mpangataka, demandeur
Mpiasavavy an-trano, bonne
Mpikarakara tokantrano , femme de ménage
Mpikarakara tokantrano, bonne, ménagère
Mpirafy reny, mères rivales
Mpisoro, le prêtre
Mpitaiza zaza, bonne d’enfants
Mpitan-kazomanga, le sacrificateur
Mpitsabo mpanampy, infirmière
Mpitsabo, mpanome aoly, guérisseur
Mpitsara, juge
Mpivarotena, prostituée, pute
Mpivarotra, vendeuse
Nahavototse, accouchée
Nao kisy, ndeso bakao ndraiky finga ambony latabatra io, ma fille, apporte-moi
l’assiette qui est sur cette table
Nao, eh, dis
Nataom-behivavy, préparé par une femme
Ndalana, qui est né en route
Ndao moa, allons-y
Nene tsitohatse, mère tsitohatse
Neninimaro, nom de personne
Ngita, frisés
Niankin-drindrina irery, qui s’est adossée seule contre le mur, qui a
enduré seule la souffrance pendant le travail et l’accouchement
Niavia, origine
301
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Nify, fihitsike, dents
Nilaisany, abandonné
Niteraka, féconde
Njarahy, femme
Ntsaka rano, à la recherche d’eau
Ny afo, le feu
Ny aiko, ma vie
Ny aina, la vie
Ny anaran-dray, le patrimoine paternel
Ny ankizy, la femme et les enfants
Ny domoina, la colombe
Ny fandeo, sorte de fiançailles
Ny fotoa, fadim-bolana, les règles
Ny hasin’ny lehilahy, le caractère sacré de l’homme
Ny hasin’ny olombelona, le caractère sacré du genre humain
Ny hasin’ny vehivavy, le caractère sacré de la femme
Ny hasina, la vertu
Ny herin’ny maizina, la puissance des ténèbres
Ny mahavehivavy, vody, la vulve
Ny masoandro amam-bolana, le soleil et la lune
Ny masoandro, le soleil
Ny mpirafy, les rivales
Ny ombiasy, le guérisseur
Ny rano, l’eau
Ny ranomasom-behivavy, les larmes de femme
Ny sira, le sel
Ny sorabe, l’écriture arabe
Ny tantaran’ny Andriana, l’histoire des rois
Ny taolam-balo, les ossements
Ny tavony, placenta
Ny voaly maintin’ny alina, les voiles sombres de la nuit
Ny volana, la lune
Ny voromailala, le pigeon
302
303
Olioly volo, les cheveux ondulés
Olo-masina, une sainte
Olom-belona, être humain
Olon’ny finoana, homme de foi
Olona azo itokisana, homme de confiance
Olona lalin-tsaina, homme d’esprit
Olona mitana ny teniny, homme de parole
Olona tsara sy mendrika, homme de bien
Olona, individu
Ombilahy, taureau
Ombivavy be ronono , femme généreuse
Ombivavy, vache
Omby, boeuf
Orogne, fiantsonagne, le nez
Pelaraty, fille moche
Petraka, le fait de déposer
Poizina, poison
Profesora, professeur
Rahavavy, soeur
Raim-pianakaviana, père de famille
Rakemba, femme
Ramatoa Ben’ny tanàna, madame le maire
Ramatoa Ministra, madame le Ministre
Ramatoa mpitandrina, madame Pasteur
Ramatoa vadin’ny mpitandrina, madame l’épouse du pasteur
Ramatoa, femme, une bonne
Ramose, instituteur
Ranandria, mots de politesse pour s’adresser aux hommes
Rangahy, monsieur
Ranomahery, littéralement eau forte, eau utilisée pour la circoncision
Ranomanitra, parfum
Ranomasina, eau sacrée
Ranomasina, eau salée ou mer
303
304
Raondriana, monsieur
Ratompokolahy, le défunt
Ratompokovavy, la défunte
Ravaka no haingo sady sampy, parure, ornement et idole
Ravaomaria, nom de personne
Ravo, content
Raza, dadivavy, grand-mère
Reboto, nom de personne
Rehe, elle, lui
Renibe, grand mère
Renilahy, oncle
Renim-pianakaviana, mère de famille
Renin-janaka, mère biologique
Renin-jaza, matrone
Renirano, rivière
Renitohatra, échelle
Renivohitra, capital, chef lieu
Renivola, capital
Reny akoho manatody lava, pour dire une femme qui accouche chaque
année
Reny kitapo nifonosana, mère, sac qui a enveloppé faisant allusion à la
cavité utérine
Reny, mère
Resa-behivavy, commérage
Resim-bavy,vaincu par une femme
Retay, tatay, qui est la merde
Ringitra, crépus
Roakemba, mots de politesse pour s’adresser aux femmes
Sa ahoana, n’est-ce pas ?
Sambanampela, cousin ou cousine germain(e)
Sambe ama, chacun
Sambieto,nom de personne
Sana, nom de personne
304
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Sasa finga naho valany, faire la vaisselle
Sasa lamba, faire la lessive
Savatsy, circoncision
Sekatsy, vache stérile
Sely, nom de personne
Sevaky, la femme en général
Soa vata, tsara bika, bonne constitution
Soa, belle
Soa, jolie
Soandro nipoliany, beau jour de son retour
Soanome, nom de personne
Soavaly tapa-kofehy, manidina, un jument sans bride, une prostituée
Sofina, fihaino, oreille
Sogny, fivimby, lèvres
Solombavan’ny mpanjaka, littéralement : remplaçant de la bouche du roi
Sombin’ny aina, une partie de ma vie, adorée
Somondrara, jeune fille, adolescente
Sopiera milomboky, littéralement : soupière couverte
Tagnane, fitagne, mains
Taha, cadeau
Tahihitsy, qui se montre intelligent
Tahindraza, nom de personne
Taine, chéri
Talivolo , cheveux tressés
Tambavy, tisane
Tanandraza, nom de personne
Tanan-jomba, femme mariée
Tandra, cérémonie
Tanin-drazana, tany nihaviana, patrie, terre des ancêtres
Tanindrazana, terre des ancêtres
Tantara, histoire
Tany mamelona, terre nourricière
Tany reny, terre mère
305
306
Tapasiry, conte
Taranak’olombelona, espèce humain
Tay, fiamontogne, les selles
Tea vola, mavovava, lava lela, commère
Tema, nom de personne
Tenin-dreny, langue maternelle
Tiana, nom de personne, aimé
Tilike, visite
Toandrene ?o, comme ta mère
Todisoa, bienvenue
Tokantrano, ménage, foyer
Tomboke, fandia, pieds
Tompokolahy, messieurs
Tompokovavy, mesdames
Totovary naho tsako , pilonnage de riz et de maïs
Tovovavy herotrerony, une tendre jeune fille, dans sa jeunesse
Toy ny mason’ny mpandrary : mijery ny an-kazony, mandinika ny andalan-drambony, littéralement comme les yeux de la tresseuse : ils
regardent des deux côtés à la fois
Toy ny reny hao, ny vavy indray no malaza, comme les poux, c’est la
femelle qui est célèbre
Tranon-dresaka, basivava, femme moulin à parole
Tsara, bonne
Tsialika, littéralement, qui n’est pas un chien
Tsindriana, littéralement : qu’on presse
Tsindrin-tsakafo, littéralement : qui presse le repas, dessert
Tsindry fe, littéralement : presse cuisse
Tsy ara-tsaina, tsy misaina, ne raisonne pas
Tsy ho sarin-dahy na ho sary ampela aja ao littéralement que cet enfant
ne soit ni image d’homme ni d’image de femme, ni garçonnet ni
femmelette
Tsy mahasaky lahy, littéralement : qui n’ose pas encore faire l’amour avec
un homme
306
307
Tsy vanona, salope
Ty sasany, ty ilany, l’autre
Vadibe, vady voalohany, voaloham-bady, vady matoa, première femme
Vadiben-janahary, grande épouse de Dieu
Vadikely, dernière femme
Vady masay, deuxième femme
Vady navelan-dR…, veuve d’un tel
Vady, épouse
Vady, l’époux, l’épouse
Vahiny, étranger
Vailahy, furoncle
Vaky feo, voix cassée
Vaky vilany tany, accouchée
Vali-karany, femme qui ne sort pas de chez elle
Valoherindraza, nom de personne
Valoherivelo, nom de personne
Valohery, nom de personne
Vantotr’akohovavy, poulette
Vatagne, fagnova, corps
Vatolahy, pierre levée
Vava, falie, bouche
Vaviaivo, soeur cadette
Vavimatoa, soeur aînée
Vavin-kazo, rainure
Vazaha, français
Vazo, chéri
Vehivavy ao an-tokantrano, femme au foyer
Vehivavy donendrina sady bado, littéralement une femme analphabète
Vehivavy mananotena, veuve
Vehivavy maty vady, veuve
Vehivavy miandry ho velomina, la femme qui attend pour être nourrie
Vehivavy miendri-dahy, une virago
Vehivavy vazaha, femme étrangère, très souvent, une française
307
308
Vinantovavy, fozavavy, la bru
Virijiny, madio, vierge
Viro,e, nom de personne dans le texte
Voasary, oranges
Vola bazary, argent pour la nourriture
Volo, maroy, cheveux
Volom-boto, volon’isy, volom-bitike, poil du pubis
Vonjendraza, secours des ancêtres
Vony, nom de personne dans le texte
Voretra, souillon
Vorodamba, salaka, petit linge
Vorombola, oiseau au beau plumage
Vorondolo nitera-boromanga, littéralement un hibou qui a engendré un bel
oiseau
Vorondolo, hibou, chouette
Vorondolo, hibou, vieille chouette
Vorontsiloza vavy, tsy misaina, maivan-doha, littéralement dinde qui ne
réfléchit pas
Vovo, puits
Zagnahary Ray, Dieu le Père
Zaka, parole
Zana-bola, intérêt
Zanadravaomaria, nom de personne
Zana-javatra, une nymphe, femme d’une beauté inouïe
Zanakiniavo, nom de personne
Zana-tohatra, marche
Zandry vavy, soeur cadette
Zany labely, Jeanne Labelle
Zaobavy, belle soeur
Zay, nom de personne dans le texte
Zaza an-kibon-dreniny, littéralement enfant dans le ventre de sa mère
Zaza mila vola, kôksa, makorely, un pute
Zaza rano, littéralement : fille des eaux
308
309
Zazalahy, garçon
Zazavavin-drano, une sirène, femme aux longs cheveux et qui sait bien
nager
Zazavavy, fille
309
310
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319
INDEX DES AUTEURS
319
320
D I T T M A R .............................54
.
. B E N V E N I S T E .................134
. D U B O I S ....................202, 207
. D U M A R S A I S ..................165
D J A O V E L O - D Z A O ............75
D U B O I S ..48, 92, 180, 181, 202,
KERBRAT-ORECCHIONI....171,
205, 212
D U R K H E I M ..........................31
177
K O T O ..................................... 67
. M A T O R E ..........................202
E
. R A B E N I L A I N A ..............172
. Richardson ............................173
K
L
E N C R E V E .............................20
L A B O V 20, 22, 51, 53, 54, 55, 57
:
: RAKOTONAIVO .................138
F
FIRESTONE ...........................123
LAKOFF .........................124, 151
L A K S ...................................... 53
L I E B E R S O N .......................127
F I S H M A N ............22, 51, 52, 55
A
Abinal................................40, 120
F I S H M A N ..............................54
FREUD....................................122
M A D I Y A ..............................102
A U S T I N .................................61
B
B A K H T I N E .........................215
B A L L Y ...................................34
B A R T H E S .... 17, 19, 39, 47, 49,
177
B E L O N C L E ..........................83
B E R N S T E I N ...................51, 54
B O A S ......................................54
B R U M A N N .........................110
B Ü H L E R ..........................33, 35
G
C A R T H Y ..............................142
C H O M S K Y ......................53, 57
C R U S E .................................181
C R U S E , ................................181
D
DASCOTTE............................142
M A R C E L L E S I .................... 53
M A R T I N E T .....................34, 35
G O F F M A N ............................51
M A U R O ................................183
G R A N D I D I E R , ..................220
M E I L L E T .............................. 54
G R E I M A S ..............................46
M E I L L E T .............................110
G R I C E .....................................61
M O I R A N D ...........................134
G U I R A U D .............48, 166, 168
Molière, ...................................125
GUIRAUD ................................43
M O U N I N ............................... 89
G U I R A U D : ........................217
G U M P E R Z ....21, 22, 51, 54, 55,
P
57, 58, 59, 60, 61, 145, 209
PLATON .................................. 45
C
CALVET.................................127
Malzac .......................40, 111, 120
G A R D I N .................................53
H
C A L L E T ...........................73, 77
M
P O T T I E R .........................41, 46
P R I E T O ................................. 34
H J E L M S L E V ..................48, 89
H Y M E S ....21, 22, 51, 54, 55, 56,
R
57, 58
R A B E N I L A I N A .................. 92
J
R A B E N I L A I N A . ...............126
R A H A N I V O S O N ...............195
J A K O B S O N ......32, 35, 36, 235
R A J A O N A R I M A N A N A ..172
J A K O B S O N ..........................19
R A K O T O N A I V O .......156, 175
JESPERSEN....................122, 148
R A K O T O N A I V O , .............178
J O H N S O N ...........................151
RAKOTONANDRASANA
...........................................206
320
321
R A M A M O N J I S O A .............71
R A M A N A N T E N A S O A ...195
R A M I N O ..............................174
R A N J A T O H E R Y .......144, 182
RANJATOHERY....................140
RATSIRAKA............................81
R A Z A F I N D R A I B E .............71
REIK .......................................122
S
S A B A T I E R ............................72
SAPIR .....................................227
S A U S S U R E .........17, 34, 39, 53
S A U S S U R E , .........................19
S H U Y ......................................55
SOCRATE ................................45
V
V I G N Y .................................178
W
W E S T ....................................136
WHORF ..................................227
W U N D T ................................110
Y
Y A G U E L L O .......................172
Z
Z I M M E R M A N N ................136
321
322
322
323
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
1
RESUME
3
LES TRACES LINGUISTIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DE LA
SUBORDINATION DE LA FEMME A TOLIARA
3
REMERCIEMENTS
5
AVANT- PROPOS
14
INTRODUCTION GENERALE
17
PREMIERE PARTIE
27
LES DIFFERENTES ANALYSES DE LA LANGUE
27
INTRODUCTION
28
CHAPITRE 1
29
1. 1. LES DONNEES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE
29
1.1.1. Langue versus Langage
29
1.1.2. Langue et Parole
30
1.1.3. Fonction représentative et fonction expressive du langage
33
1.1.4. Les six fonctions du langage selon R. JAKOBSON
35
CHAPITRE 2
39
1.2. LES SYSTEMES DE SIGNES
39
1.2.1. La langue comme systèmes de signes
39
1.2.2. L’analyse en signes
40
1.2.3. L’analyse sémantique
45
1.2.3.1. La référence
46
1.2.3.2. Dénotation et connotation
47
1.2.3.3. Hyperonymie et hyponymie
49
1.3. LES APPROCHES SOCIOLINGUISTIQUES
52
1.3.1. Origine et tendance
52
1.3.2. La sociolinguistique variationniste
54
1.3.3. Les relations interpersonnelles
59
1.3.4. L’analyse interprétative
60
CONCLUSION
64
DEUXIEME PARTIE
65
323
324
LE POUVOIR DE LA LANGUE
65
INTRODUCTION
66
2.1. LE STATUT DE LA FEMME PAR RAPPORT A L’HISTOIRE
67
2.1.1. La population tuléaroise et ses origines
67
2.1.2. La femme par rapport aux différentes sociétés
71
successives
71
2.1.2.1. Dans la société traditionnelle
71
2.1.2.2. Du système matriarcal au patriarcat
75
2.1.2.3. L’image de la femme vazaha comme modèle
80
2.1.2.4. La situation après l’indépendance
82
2.1.2.5. Analyse et données statistiques sur la femme à Toliara
84
2.1.2.6. La femme actuelle dans la vie familiale
86
CHAPITRE II
90
2.2. LA FEMME ET LES DIFFERENTS PARLERS A TOLIARA
90
2.2.1. Les approches de la description de l’objet « langue »
91
2.2.2. La situation linguistique à Toliara
92
2.2.3. Les différents niveaux d’analyse
94
2.2.3.1. Niveau phonétique
95
2.2.3.2. Niveau morpho-syntaxique
97
2.2.3.3. Le niveau lexical
99
2.2.3.4. Le niveau syntaxique
111
2.3. LES FEMMES ET LE DROIT A LA PAROLE
118
2.3.1. La femme et le hazomanga
118
2.3.2. La femme et le tabou linguistique
119
2.3.3. Les femmes et le multilinguisme
127
CONCLUSION
130
TROISIEME PARTIE
131
LES DIFFERENCES ENTRE PARLER DES HOMMES ET PARLER DES
FEMMES
131
INTRODUCTION
132
CHAPITRE I
134
3.1. LA SITUATION DE COMMUNICATION
134
3.1.1. La notion d’analyse de discours
134
3.1.2. La femme et l’expression orale
137
324
325
3.1.3. La compétence communicative
141
CHAPITRE II
147
3.2. LA DISSYMETRIE SYNTAXIQUE
147
3.2.1. Les stéréotypes à propos de vavy / lahy
147
3.2.2. La métaphore sexuelle
151
3.2.3. La dichotomie mélioration / péjoration
154
3.2.4. La femme et les locutions méprisantes
162
CHAPITRE III
170
3.3. LA DISSYMETRIE SEMANTIQUE
170
3.3.1. La dénotation
170
3.3.2. La connotation
176
3.3.3. L’antonymie
178
CONCLUSION
183
QUATRIEME PARTIE
184
LES USAGES LINGUISTIQUES SUR LES DROITS DE LA FEMME
184
INTRODUCTION
185
CHAPITRE 1
187
4.1. LE MOUVEMENT FEMINISTE ET SES PROBLEMES
187
4.1.1. Les transformations souhaitées à l’égard du statut actuel de la femme
187
4.1.2. Les mouvements féministes
193
4.1.2.1. Les différentes sortes d’associations féminines
195
4.1.2.2. Les problèmes au sein des associations
198
4.2. LE DISCOURS FEMINISTE
201
4.2.1. Les méthodes d’analyse linguistique du discours politique
201
4.2.2. Le rapport entre la langue et les idéologies
213
CHAPITRE 3
218
4.3. LA POSITION DE LA FEMME DANS LES DROITS COUTUMIERS ET
JURIDIQUES
218
4.3.2. Le principe d’égalité posé par le droit positif malgache
222
CONCLUSION
228
CONCLUSION GENERALE
229
ANNEXES
236
TABLE DES ANNEXES
237
CORPUS
239
325
326
METHODE D’ENQUETE
240
QUESTIONNAIRE
243
NANKAIZA I MARIGIRITY ?
246
INONA NO ATO ?
247
NDATY NAMPIRAFE ROE
248
NY RANOMASOM-BEHIVAVY
251
SEXY- GIRL
253
SADY RAVAKA NO HAINGO
256
I ZATOVO NAHO TY AMPELANOSENDRANO
257
RANORO
260
SOAFARA (Conte)
263
TRIMOBE ET SOHITIKA (conte)
265
ZATOVO MALAIN-KANAMBALY
269
LA SAGESSE DE L’OGRESSE
271
SENTON’I IKALAMOMBA
273
AKORY NO HITOMBAN-DAHY?
274
PROVERBES
276
LE STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME
277
RECUEILS DE TEXTES RELATIFS A LA VALORISATION DU STATUT
JURIDIQUE DE LA FEMME
280
AMBOHIBEHIVAVY
285
Fizarana fahatelo
285
Fisehoana voalohany
285
Fizarana fahatelo
286
Fisehoana Faha Valo
286
Fizarana fahatelo
287
Fisehoana Fahasivy
287
KABARY 8 MARSA
289
GLOSSAIRE
292
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
310
INDEX DES AUTEURS
319
TABLE DES MATIERES
323
326
327
TRADUCTION
Où donc est passée Margueritte ?
Où donc est passée Margueritte ?
Oe ! Oe ! Oe !
Où donc est passée Margueritte ?
Oe ! Oe ! Mon amie !
Dans la maisonnette
Oe ! Oe ! Oe !
Dans la maisonnette
Oe ! Oe ! Mon amie !
J’enlèverais une pierre
Oe ! Oe ! Oe!
J’enlèverais une pierre
Oe! Oe! Mon amie
Une pierre est-elle suffisante ?
Oe! Oe! Oe!
Une pierre est-elle suffisante ?
Oe! Oe! Mon amie
J’enlèverais deux pierres ?
(On continue jusqu’à dix).-
327
328
TRADUCTION
QU’Y A-T-IL DANS LE PANIER ?
Qu’y a-t-il dans le panier ?
-
Un œuf !
Qu’y a-t-il dans un œuf ?
-
Un oiseau !
Où est donc parti l’oiseau ?
-
Il s’est envolé !
Je l’attrappe ! Je l’attrappe !
328
329
TRADUCTION
LE BIGAME
Il y avait un bigame, qui épousait deux femmes: une première et une
seconde épouses. Longtemps après, elles ont eu chacune des enfants. La première
en a un et la seconde en a deux. La première femme mourut alors que son fils était
encore petit. L’enfant s’appelait Mosa.
On continue rapidement l’histoire. On l’a enterrée, sans attendre une
semaine, parce que ça fait pitié de voir Mosa. Il accompagna ses amis qui
gardaient les veaux. Il marchait derrière eux et ses camarades l’appelaient ainsi :
-
« Allons-y, Mosa »
-
« Allons », répondit-il.
Lorsqu’il rentrait, il marchait toujours derrière, ses amis couraient devant. Il
continua seul et chantait :
-
« L’enfant courut pour retrouver sa mère.
L’enfant courut pour avoir de quoi manger.
L’enfant courut pour avoir de l’eau. »
-
« C’est Mosa par ci, c’est Mosa par là. »
Les enfants qui ont encore leur mère faisaient pareil. Lorsqu’ils arrivèrent
au village, les enfants qui ont leur mère rentraient tout de suite dans la case.
Mais lorsqu’il voulait y entrer, la femme l’assenait de coups qu’il se fût
projeté violemment contre le mur, du côté ouest de la case. Alors ses aînés
disaient :
-
« Que faites-vous à notre frère cadet ? »
-
« Si vous n’êtes pas content, dit-elle, bâtissez une autre case où vous
pourrez habiter avec lui. »
329
330
Les enfants pleuraient. Elle n’a rien donné à manger à Mosa, mais elle lui a
rôti un crapaud.
- « Voilà ta viande, car notre mauvais repas t’est interdit.»
Mosa se taisait.
-
« Si tu ne mangeais pas ça, je te battrais. »
Le soir, leur père rentrait. Les trois garçons venaient à sa rencontre. Ils n’ont
pas tout raconté, sauf l’histoire de Mosa jeté par leur mère.
-
« Pardon père ? »
-
« oui, repondit-il. »
Ta femme a poussé Mosa lorsqu’il voulait entrer dans la case avec nous et
elle l’a privé de repas, mais elle lui a rôti seulement un crapaud ; Mosa n’a
pas mangé et elle a failli le tuer. »
-
« Taisez-vous, dit-il, mais je l’attraperai un de ces jours. »
Ils se taisaient. Le lendemain, de bon matin, l’homme se leva.
-
« Où allais-tu ? demanda sa femme.
-
« Je vais chercher une des chèvres qui est perdue. »
-
Puis l’homme partit, il grimpait en haut d’un tamarinier. Les enfants
gardaient aussi les veaux. Mosa les accompagnait. On continue
l’histoire... Chaque nuit, Mosa allait au tombeau et y dormait. Tous les
jours, la femme battait Mosa et ne lui donnait pas à manger, sauf un
crapaud.
A midi, elle le traitait de la même façon. Puis l’homme descendit lentement
de l’arbre, prit sa sagaie et donna un coup à sa femme qui mourut.
- « Bien fait pour elle, dit-il, comme ça, vous tous, vous n’avez plus de mère
et je n’aurai plus de problème. »
330
331
Puis il partit chercher le père de la femme. Il raconta à celui-ci tout ce
qu’elle avait fait aux enfants.
-
« Enterrez-la, dit le père, car elle l’a voulu ; un lit qu’elle a choisi ellemême, ne lui fera pas mal ; c’est la volonté de Rekamisy d’avoir épousé
un Ambaniandro. Et la famille emportait le corps et l’enterrait chez eux.
C’est fini.
331
332
TRADUCTION
LES LARMES DES FEMMES
Les larmes des femmes :
Qu’elles ne peuvent pas contenir
Au moment de se quitter,
Pleins de baisers infinis !
Les larmes des femmes :
Négligées et qui coulent
Quand tu es préoccupé,
quand tu ne te souviens pas
de répéter
ces mots doux qu’on voudrait entendre
pour avoir habitué leurs oreilles
chaque fois qu’on se rencontre !
Les larmes des femmes,
Qui débordent rapidement
Lorsqu’elles t’aperçoivent
Non ému
De leurs causeries à propos des chiffons,
De leurs bavardages à propos des fleurs,
De leurs récits à propos des chatons…
Les larmes des femmes
Deviennent des torrents inondants
Lorsque tu n’es pas empressé,
Lorsque tu es indifférent
Comme si toi, tu n’aimes plus…
Les larmes des femmes :
332
333
Des larmes infinies,
Des larmes sans fondement,
Des larmes ennuyantes.
333
334
TRADUCTION
Enfants, nous étions ensembles à Ambondrona
Nous jetions ensemble les ordures, quand nous étions
innocents
Nous avons grandi ensemble.
Et nous flânions ensemble
Tout le monde est parvenu à un haut niveau
Nous nous étions promis de vivre ensemble
Chacun envisageait de se marier
Le matin, je l’amenais à l’école
Nous nous attendions pour rentrer ensemble le soir
Quand tu avais juste dix-sept ans
Tu suivais les gars à Indra
Tu suivais les mecs au Caledo
Tu suivais les mecs au Caveau
Puis tu montais seule au Papillon
Puis les Chinois sortaient avec toi
Et les Indiens sortaient avec toi
Puis les grands vazah aussi plus tard
Les mecs ont eu ma petite amie
Les mecs ont pris ma propriété
Les Vazah ont souillé ma part
Puisqu’ils l’ont emmenée et l’ont fait voler très haut
Et on m’a laissé tomber là
Puisqu’elle est une sexy-girl, dis-je, une sexy-girl
Ne te souviens-tu pas
Que nous nous sommes offert des grains de jujubes à
Ambodifilao ?
Maintenant, tu ne bois que du Fresh
Je ne peux pas me permettre d’avoir un CD de Mariah
Carey
334
335
Pour te reconquérir, ma chère
Mais si tu m’aimes, apprécie Gorisagorisa
Et n’avance aucune explication scientifique
Car je me suis rendu compte que tu as un caractère de
chien
Et
ne
m’envoie
aucune
lettre,
aucune
lettre
d’explication à la maison
Je ne lirai pas
Je dormirai immédiatement
Car je t’ai vue, je t’ai vue à la télé
Je t’ai vue travailler les clips d’autres groupes
Je t’ai aperçue faire le mannequin à l’Agence Totem
En plus, tu es sexy-girl
Je t’ai vue défiler à la Somaco
Je savais déjà que tu voulais être courtisée par les
Vazah
Tu n’avais plus de pudeur
Son cœur est esclave de l’argent
Puisque c’est chez les Vazah qu’il y a l’argent,
Elle ne sort qu’avec les Vazah
Si l’argent est avec les Chinois
Elle ne sort qu’avec les Chinois
Puisqu’elle est sexy-girl
Je ne l’attendrai plus, même si son cœur est blessé
Mais la vengeance va frapper ton avenir
Alors ce sera tonnerre et malédiction
Coup de poignard et poison
Qui vont tomber d’un seul coup sur toi
En revanche du passé
Pour balayer les torts et comme punition
Du non respect de ta virginité.
SAMOELA
335
336
336
337
PARURE ET ORNEMENTATION A LA FOIS
« Dis-moi, maman, pourquoi es-tu toujours absorbée
par la confection de ces sacoches en raphia ? Regarde-toi, tu
n’arrives presque plus à te soigner le corps. Penses-tu qu’il y
aura un bel avenir pour nous, si jamais, vous, nos parents,
vous vous séparez ? »
« Ne dis pas de bêtises, Rindra. Il est clair que la
raison de tout ça, c’est pour prévoir votre avenir ».
« Même si c’est pour cette raison, voici mon conseil :
soigne ton corps , mets du vernis sur tes ongles , mets du
rouge à tes lèvres, ne couvre pas tout le temps tes cheveux
avec un foulard . Heim, l’autre va t’abandonner là, dis ! »
Est-ce que c’est dans mon état d’une vieillesse
pareille, que je vais encore mettre du vernis, du rouge aux
lèvres ?
( ----------)
« Noro, nous avons vécu dans l’erreur depuis des
années. Dis donc, Noro, n’est-ce pas un foulard que tu as
encore sur la tête à cette heure-ci ? »
« Oui, mais le temps pour finir les commandes n’est
pas suffisant, comment veux-tu que je m’occupe de mon
corps ? »
« (---) Je te dis de soigner ton corps, soigne-le et tu
verras les conséquences. (----)N’oublie jamais, Noro, que
nous, les épouses, on nous admire (---). Il y a encore le
vernis, la poudre, le rouge à lèvres, le maquillage. Mais ce
n’est pas seulement ton corps que tu dois soigner, il y a aussi
ton foyer. Viens je t’emmène visiter ma maison à partir de
notre chambre à coucher jusqu’à la douche ».
(-----------)
337
338
TRADUCTION
ZATOVO ET LA SIRENE
Il était une fois Zatovo et la sirène.
Zatovo s’en allait et il apercevait une sirène là-bas au loin. Il
attendait jusqu’à ce qu’elle revînt. Longtemps après, elle venait à la
rive. Zatovo l’attrapa. Et elle demanda à Zatovo :
-« Pourquoi m’as-tu attrapée ? »
-« Pour être ma femme », répondit Zatovo.
-« Tu ne me connais pas ? » dit-elle.
-« Si, je te connais », répondit Zatovo.
-« Si c’est ainsi, dit-elle, il ne faut pas me réveiller quand je
dors ; quand je mange, je reste à la maison, je ne mange pas
dehors ; je ne vanne pas à la brise le repas d’autrui, mais le mien
uniquement. »
-« ah, bon, dit Zatovo, j’arrive à respecter tout ça ».
-« Allons-y alors, s’exclama la sirène.
Puis ils partirent au village de Zatovo.
Longtemps après…La femme tomba enceinte. On continue
l’histoire rapidement…La femme accoucha, on s’occupa d’elle à la
maison, on l’a fait sortir. Lorsque son enfant commença à grandir,
Zatovo chercha la raison pour laquelle elle ne voulait pas être
réveillée. Elle dormait à ce moment-là à l’ombre. Zatovo l’a
réveillée, mais elle n’a pas entendu. Puis Zatovo a écarté son
aisselle. Et ce qu’il a vu, c’est un grand trou sous son aisselle.
Voyons, dit-il, c’est pour ça qu’elle ne voudrait pas être réveillée.
Et Zatovo s’en allait au champ.
338
339
Mais elle a rêvé qu’on l’a réveillée et qu’on lui a écartée
l’aisselle. Quand Zatovo fut de retour, elle s’enfonça sous la
couverture et elle cria ainsi :
« Je suis mécontente, père, mécontente.
Je t’ai interdit d’ouvrir mon aisselle, tu l’as fait quand même.
Je t’ai interdit de bouger mes cuisses, tu l’as fait quand
même.
Je suis mécontente mon père, je suis mécontente ma mère.
J’ai interdit d’ouvrir mon aisselle, tu l’as fait quand même.
Je t’ai interdit de bouger mes cuisses, tu l’as fait quand
même.
Et Zatovo se demanda : » est-ce que cette femme m’a entendu
ouvrir son aisselle, pour parler ainsi ? Et quelques instant après,
elle s’est réveillée comme si elle avait tout entendu ; elle se
dirigeait en courant vers le fleuve.et ne se retourna que dans l’eau.
Elle s’enfonça directement dans l’eau. Puis Zatovo et son enfant
l’ont suivie. Quand Zatovo l’a vue, elle parla ainsi :
-« Tu m’as vue Zatovo ? » dit-elle.
-« Oui, je t’ai vue », répondit Zatovo.
-« Tu m’as vue Zatovo ? »
-« Oui, je t’ai vue. » répéta Zatovo.
Puis elle revint vers Zatovo, elle sortit de l’eau. Zatovo l’a
consolée ainsi : « reviens, mon amie, je ne ferai plus ça dorénavant,
si je le refais, tu n’accepteras plus » …Puis ils sont rentrés
ensembles au village. Mais chaque jour, sa femme ne vanne pas à la
brise le repas de Zatovo. Tous les jours sont pareils.
Alors un jour, lorsque sa femme eût vécu longtemps avec lui,
il a de nouveau regardé ce que sa femme détestait. Mais elle savait,
car elle s’est réveillée. Et elle disait :
« Je suis mécontente… »
Puis Zatovo s’en allait dans la forêt. Et elle s’adressait à son
enfant : « Mon chéri, dit-elle, si vous ne me voyez plus ici, le
mieux c’est de ne pas me chercher, car je m’en vais ». « Nous,
339
340
répondit l’enfant, nous n’acceptons pas ça ; tu ne nous laisses pas
seuls ici. » Mais elle ne s’occupait pas de ça, elle s’en allait dans le
fleuve. Et Zatovo et leur enfant la suivirent. Lorsqu’ils l’ont vue,
elle disait :
« Tu m’as vue Zatovo ? » …
Et lorsqu’elle s’éloigna…elle revint et lui dit pour la dernière
fois : « Au revoir Zatovo. Voici de l’eau froide pour bénir notre
enfant. Garde-le bien, car je ne reviendrai plus jamais. » Et elle fait
jaillir de l’eau en s’en allant. Enfin, Zatovo rentra et éleva leur
enfant.
340
341
TRADUCTION
UN JEUNE HOMME QUI NE VEUT PAS SE MARIER
Il y avait Zatovo qui détestait se marier.
Zatovo est un fils unique, et on le priait de se marier. Parce qu’il
n’y avait que lui comme fils, il n’y en avait pas d’autre.
Donc sa mère avait pris pour lui deux femmes originaires du nord.
-« Voici tes femmes, mon fils, dit sa mère.
-« Je n’aime pas l’une, dit-il, car elle a de si petits yeux, qu’elle ne
puisse voir les mouches sur mon repas ».
-« Je n’aime pas non plus l’autre, car elle a des petites mains dont
elle fouille le lait caillé. »
Puis il a donné deux zébus pour les ramener. Et elles s’en allaient.
« Qu’est-ce qu’il t’arrive pour ne pas te marier, mon fils, demanda
sa mère. C’est comme ça notre coutume, tu ne vas pas être un vazah
pour ne pas te marier ? »
Alors elle est de nouveau partie pour chercher trois femmes
originaires du sud.
-« Voici, prends-les comme épouses, mon fils ».
-« Je n’aime pas l’une, dit-il, car elle a des petits pieds, elle aime
rentrer chez elle. Je n’aime pas, non plus celle-là, car elle a des
grands pieds, elle ne mérite pas de mettre des sandales. Je n’aime
pas également celle-ci, car elle a une grande tête, elle ne se tient
pas sur un oreiller. »
Trois zébus aussi pour les ramener. On faisait de même pour les
quatre coins du monde.
Quand celle qui venait de l’est s’amena, ce n’était qu’une enfant.
On la faisait rentrer chez elle :
341
342
-« Rentre chez toi, petite, à quoi vas-tu lui servir. »
-« Eh bien qu’est-ce que ça vous fait même s’il me déteste, car je ne
viens pas pour qu’il m’aime. »
-« Va pour porter ses sandales, tu n’es pas la première à être aimée,
alors qu’il nous déteste ».
Mais ça y est, c’est la fillette qu’il aime. Aucune de ces femmes
âgées n’a été aimée, mais c’est l’enfant uniquement qu’il a choisi.
Alors il disait aux autres femmes : »Je n’aime pas celle-là, car elle
a de gros yeux, elle ne sait pas faire des grimaces. Je n’aime pas
cette autre, car a les lèvres épaisses, elle ne sait pas travailler les
vans. Je n’aime pas cette dernière, car elle a un gros nez, elle ne
sait pas fumer une pipe »
«Voila comment l’homme nous respecte. Nous nous sommes parées,
pourtant il nous déteste, mais c’est cet enfant habillé jusqu’à la
poitrine qu’il aimait ».
C’est pour cela qu’on chantait ainsi :
-« Marie-toi, marie-toi Ratsimamangalahy e e »
-« Où est donc Valalanampanga , la femme à qui je me marie ? »
-« Pourquoi emmerdes-tu la femme originaire de l’ouest avec qui tu
ne te marie pas ? »
Enfin, il a quitté l’enfant.
C’est tout. Ce n’est pas mon récit mais celui des ancêtres.
342
343
TRADUCTION
LE SOUPIR D’IKALAMOMBA
Rakalamomba est comme une tige de maïs,
Qui engendre en ses côtes,
Elle est rassasiée en endossant
Ce que son ventre n’a pas produit,
Elle a le dos courbé avec l’enfant d’autrui ;
Brisée de fatigue avec ce qui appartient aux autres,
Elle perd ses cheveux pour ce qui n’est pas à soi,
Attrappe des sauterelles pour l’enfant d’autrui,
Engraisse les joues de ceux des autres ?
Comme un forgeron solitaire
Elle agite le soufflet et bat le fer à la fois ;
Comme le museau du sanglier
Qui fouille la terre et mange en même temps ;
Comme une vache maigre que ses compagnes ne lèchent pas,
Un malheureux que les riches ne considèrent pas,
Un arbre seul au bord du ravin
Que seul le vent affronte
Elle mourra comme la sauterelle,
Qui meurt seule en grimpant un brin d’herbe
Qui meurt seule comme un feu couvé sous la cendre.
343
344
TRADUCTION
COMMENT SERAI-JE REDUITE A IMITER UN GARCON ?
O ma bien-aimée
Que je préfère voir vivre
Que j’aime protéger, étant une âme
Pourquoi aimez-vous sauter si haut
Pourquoi cette passion d’offrir
Insoumise, illimitée…
O vous, mon amie :
Que l’on choie et que l’on respecte…
Pourquoi tant de doutes
Pourquoi tant d’allures
Bien accessibles ?…
Réponse :
Hélas ô ! chéri de mon cœur !
Personne ne s’est occupé de moi depuis mon
enfance :
J’espérais de longs lendemains heureux :
Car étant orphéline de nom
Je suis habituée à travailler malgré moi…
Hélas ô ! Adoré de mon âme !…
Dès l’enfance je peinais
Sous le poids du passé
Des années durant j’ai tout subi
Et je fus brisée en servant.
Prenez courage
Soyez intelligent !
Quelles que soient les cicatrices du passé
Comment serai-je réduite à imiter un garçon ?
344
345
TRADUCTION
i.Un serpent long de six toises qui en met au monde un de sept :
ce dernier a une toise de plus que sa mère. (Se dit des enfants
qui surpassent leurs parents).
ii.Semblable à la femme stérile : personne ne l’appelle mère.
iii.Comme le père et la mère : l’un a enfanté, l’autre a tenu sur ses
genoux. (donc ils ont tous deux droit à la reconnaissance).
iv.Comme les enfants d’une même mère, mais de père différent,
ils ne se ressemblent pas.
v.A mère adultère, enfant négligé (chétif).
vi.Quand un enfant demande sa mère (en pleurant), c’est qu’il
veut têter ; quand il demande son père, c’est qu’il veut être
porté sur son dos.
vii.Ne tuez pas votre mère comme du « mauvais riz ».
(On appelle mauvais riz, les tiges qui montent
en épis trop
vite, après quoi des rejetons paraissent qui font périr les
premières plantes ou plante-mère.)
viii.Si les jeunes et la mère s’assoient ensemble, quand quelque
chose survient subitement, c’est toujours les jeunes qui
sursautent.
ix.C’est
la
volonté
de
Ralakamisy
de
se
marier
avec
un
Ambaniandro.
x.Semblable à un fusil anglais, le coup de feu de la mère
ressemble à celui de la fille
xi.Comme la mère pou, c’est la femelle qui est devenue célèbre.
xii.Une belle ayant le nez aplati, c’est un mal infime qui lui fait
défaut.
xiii.Les bœufs qui dorment ensemble ne se lèvent pas en même
temps.
Ceux qui s’unissent ressemblent à une pierre, ceux qui se
séparent ressemblent au sable.
345
346
Une chouette qui a enfanté un oiseau bleu.
Comme les yeux de la tresseuse, ils regardent de deux côtés à
la fois.
346
347
TRADUCTION
AMBOHIBEHIVAVY
TROISIEME PARTIE
Premier acte
(…)
Rasoa: -“Je répète: Nous sommes des soldats ! Militantes ! Des
militaires ! Mille femmes qui ne meurent pas en une nuit ! Nous
traversons le désert, si bien que nous soyons des sœurs qui ont
confiance en l’une et l’autre, quoiqu’il arrive. Que sera sera ! Je le
rendrai malade !...
-(elles se succèdent à prendre la parole, suivi de cris) : -Nous
pouvons le faire ! Nos cheveux sont crépus ! Nous réussirons ! Au
revoir Ibalita !
(le vacarme et la danse continuent à s’intensifier, suivis de cris...)
Ambohibehivavy ne plaisante pas !
347
348
TRADUCTION
Huitième acte
(…)
Une autre femme : - Tout ça n’est qu’idées de femmes; attendez un
peu, attention !... : idées superficielles! D’une langue pendue et
d’une voix criarde ; une voix restée au fond de la gorge : ni écho, ni
resonnance. Un vrai discours d’une voix fluette, que même si on
rugit, cela ne surprit personne, cela ne porte pas loin. Arrêtez, disje !
Une
femme :- Justement,
nous
dénigrons
souvent
nous-mêmes,
comme une vache maigre. Nous couvrons tout simplement les idées
nouvelles qui nous permettent de progresser, sans donner la peine
de les valoriser. Ni parfum, ni ar ome, puisque ce « n’est qu’idées de
femmes ». Légères, frivoles, insensées, comme l’eau qu’on déverse
sur le dos du canard, comme une poignée de sel jetée dans
le
fleuve. C’est tout à fait le discours d’une voix fluette, il n’y aura
pas d’écho jusqu’aux oreilles des connaisseurs, même avec des cris
perçants.
Deux femmes, très pressées : – Alors ? C’est comment ? Ce
n’est qu’une discussion sans fin ! Soit nous progressons et nous
vaincrons, soit il y aura un carnage. Alors ?
348
349
TRADUCTION
Neuvième acte
(...)
Une femme :- Est-ce vrai ou non ? Est-ce que vous vous moquez
seulement de nous : Vous voulez seulement nous amadouer pour des raisons
inconcevables.
Ratalata : -Si ! C’est vrai, mesdames. Réellement, arrêtez. Donc, mardi,
mercredi, jeudi, vendredi, ou samedi, n’importe quel jour : il faut faire des efforts
pour respecter le droit de la femme, source originelle. Printemps, hiver, été, il faut
faire un effort ! Et comme preuve, j’ai emmené une lettre du ...
Femme : - Du pouvoir central ?
Ratalata : - Oui, cherchez dans mon sac !
(quelqu’un cherche et voit la lettre...)
Une femme : - Mais aucune d’entre nous ne sait lire, pour déchiffrer le
contenu ! Ou bien, est-ce que parmi vous, il y en a qui arrive même un petit peu ?
Tout le monde nie : - ... A cause de l’inégalité par rapport aux hommes !
Quand vous savez écrire votre nom ou signer, c’est « ouste «, on ne vous permet
pas de continuer les études. Si bien que ce que l’on ait appris, on l’oublie !
A cause du « parti » ! (ce qu’il veut dire : c’est « la partialité ») –
(quelqu’un murmure pour lui souffler la vérité). – Oui, à cause de la partialité,
même si on est à la fois enfants de même père et mère : on permet au garçon de
continuer, alors que la fille s’arrête, rejetée.
Ratalata : - Quelqu’un sait lire donc parmi eux ?
(s’adressant aux hommes qui sont liés). – Montrez- la leur pour être
lue ! – Déliez les liens !
(on délie un des hommes, on l’aide à se tenir debout et on lui donne la
lettre)
L’homme libéré lit à haute voix :
Mesdames d’Ambohibehivavy !
Arrêtez maintenant, mesdames, de dompter les hommes d’ Amoronala et
ses environs.
Nous vous supplions, nous nous repentons pour eux, nous qui signons en
bas. Ils vous donneront leur promesse, ils changeront complètement les mauvaises
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manières dont ils vous ont conduites. Ne plus continuer à suivre bêtement les
coutumes vieillottes et dépassées par les événements ... Les événements mondiaux
progressent.
Ils vous respecteront entièrement. Ils vous aimeront désormais, mais
plus comme auparavant !
Comme preuve, que chacun de nous donne son nom, son adresse, sa
signature et porte garantie des autres. Nous promettons aussi que nous dirigerons
les inconscients de toutes nos forces pour atteindre les objectifs sociaux et
nationaux. Certainement, c’est pour donner droit et vertu aux femmes parmi les
vivants, puisque vous, les Femmes, vous êtes la source originelle.
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TRADUCTION
Journée internationale de la femme
Thème : femme partenaire à part entière du développement de la région.
Premièrement, je suis heureuse de vous saluer tous en cette date
importante du 8 Mars, réservée pour la journée internationale de la femme. Ainsi,
nous consacrons ce moment pour se tourner entièrement vers nous les femmes,
étudier de près ce qui nous concerne, évaluer les efforts que nous avons effectués ;
que tout cela nous réconforte dans la lutte que nous menons chaque jour pour
affronter la vie. Nous remercions aussi les autorités administratives, puisque nous
célébrons aussi cette date. Voyons de près ce thème, que nous portons haut
comme un drapeau qui flotte durant la célébration du 8 Mars.
EVOLUTION DE LA CONSIDERATION DE LA FEMME.
•
la considération de la femme dans le passé.
On considérait la femme à travers les stéréotypes que la société utilise. Les
plus usités sont :
Fanaka malemy, meubles fragiles : les meubles sont des objets
fragiles, sans vie, comme les chaises, les tables. Machine à engendrer des
postérités, sans idées, elle est faite pour servir ; cette considération est très
terre à terre.
Fragile : pour renforcer la non considération de la femme, car elle n’a pas
la force de combattre, on peut en abuser ; vaincue, elle n’a pas le droit de parler.
Elle fait partie de la classe des enfants. Elle est battue dès qu’elle ose
élever la voix ; on dit qu’elle se prend pour un sage. C’est l’individu que la société
n’a pas beaucoup souhaité, comme ce proverbe le montre : « ayant souhaité un
enfant, on a eu un fils ». On n’a donc pas attendu la venue de la femme sur cette
terre.
•
la considération actuelle.
Vu les situations politiques et économiques, dûes à la deuxième guerre
mondiale, un vent a soufflé de l’extérieur et est arrivé à Madagascar. La femme a
dû prendre des responsabilités. C’est grâce à cela qu’elle a compris l’injustice
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qu’on lui a infligée. On compare le foyer à un bateau : il faut que la femme prenne
les rames pour que le bateau arrive à destination. En outre, celui ou celle qui rame
doit être libre de toute entrave, soit son esprit, soit ses mains. Résultat : le bateau
ne coule pas, il arrive à bon port.
Des termes qui désignent la femme renforcent ces idées.
Dans la Bible, Eve signifie « la vie ».
- aide convenable : l’homme ne peut se suffire à lui seul, il a besoin
d’aide, une aide efficiente, à sa mesure et qui le complète.
- os costal : elle a été créée à partir de l’os costal de l’homme. Il est
donc clair qu’elle n’est pas faible, car elle a la force d’affronter la vie
(éduquer, résoudre des problèmes, enfanter)
- Elle est un balancier. Les pirogues vezo ont des balanciers pour les
stabiliser et éviter le naufrage. Certainement, les femmes ressemblent aux
balanciers pour son foyer. C’est elle qui coordonne la vie familiale et y assure
l’équilibre.
- Elle prend le rôle d’avocat : elle intercède entre les enfants et le mari
ou entre le père et les enfants.
- Elle éduque.
- Elle est médecin : c’est elle qui ressent en premier ce qui ne va pas et
elle soigne.
- Elle est conseillère auprès du mari et des enfants. Elle joue un rôle
apaisant : si les vents et les marées montent, c’est elle qui rassure tout le
monde. Résultat : la vie familiale reprend son cours normal.
- Femme de valeur.
Son tempérament et ses sentiments pleins d’amour se reflètent à
l’extérieur, si bien qu’ elle assume correctement la responsabilité qu’elle détient,.
Son mari est fier d’elle et dit : « c’est ma femme ! ». Ses enfants sont
heureux et s’exclament : « c’est maman ! » ; ses frères l’admirent et avouent :
« c’est notre sœur ! ». Elle donne de la valeur à sa famille. Elle apporte du progrès
à son pays et à la société.
Donc, soyez heureuses et ayez confiance. Avancez, n’ayez pas peur,
prenez les rames, multipliez vos capacités ; vous êtes fortes, nous sommes fortes,
selon nos tempéraments et nos caractères.
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La faiblesse physique ? C’est justement notre force, puisque voici ce que
l’Ecriture sainte dit : « Ma force s’accomplit par la faiblesse ». Si vous arrivez à
gérer cette faiblesse, cela deviendra une force inestimable pour vous : devenir
aimable, savoir parler avec tendresse lorsque vous donnez des conseils ; parler
avec modération lorsque vous discutez ; s’adresser avec gentillesse quand vous
effectuez vos occupations à l’extérieur de votre foyer.
Mais attention, panneaux de signalisation : Satan est notre ennemi de
toujours. Il n’aime pas que notre foyer vive en paix, que la société réussisse et que
la nation progresse. En conséquence, nombreuses sont les femmes piégées et les
voilà qui creusent le trou pour enterrer leur progéniture et prennent le marteau
pour démolir leur foyer. Les locutions suivantes le disent :
- « une femme qui caquette » : en tant que commère, elle utilise tout pour
assujettir son mari ;
- « mère prostituée, enfants chétifs » : femme folâtre, libertine qui ne pense
pas à économiser mais à dépenser pour la mode ;
- « femme autoritaire » : qui oublie sa responsabilité en tant que femme et
mère ; et la voilà qui vend ses enfants pour trouver de l’argent.
Le foyer tombe en ruine, les enfants sont misérables, la nation régresse.
Ce n’est plus la femme responsable du développement. Toutes ses occupations au
foyer sont négligées et mal faites. Donc, le bateau coule.
Chères femmes, arrêtez un instant, réfléchissez et méditez.
Conclusion :
Soyez des « meubles » valeureux et luxueux qui donnent la vie. Soyons
des « climatiseurs » pour donner, d’une part, de la fraîcheur, quand l’air de la
cherté de la vie s’élève et que la difficulté ne permet plus de souffler ; et d’autre
part, de la chaleur, quand le vent de la haine et de la guerre gèle et engourdit. A ce
moment-là, notre foyer donne envie de rentrer quand on est loin ; il donne envie
d’y rester quand on est chez soi.
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