université de toliara - Thèses malgaches en ligne
Transcription
université de toliara - Thèses malgaches en ligne
UNIVERSITÉ DE TOLIARA FACULTÉ DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES DÉPARTEMENT D’ETUDES FRANÇAISES Formation doctorale pluridisciplinaire : Option Sociolinguistique LES TRACES LINGUISTIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DE LA SUBORDINATION DE LA FEMME A TOLIARA Thèse de Doctorat ès Lettres présentée par : Hery-Zo RAVOLOARIMANANA Sous la direction de : Monsieur Roger Bruno RABENILAINA Professeur Titulaire Année Universitaire 2005 – 2OO6 1 SOMMAIRE SOMMAIRE 1 RESUME 3 LES TRACES LINGUISTIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DE LA SUBORDINATION DE LA FEMME A TOLIARA 3 REMERCIEMENTS 5 AVANT- PROPOS 14 INTRODUCTION GENERALE 17 PREMIERE PARTIE 27 LES DIFFERENTES ANALYSES DE LA LANGUE 27 INTRODUCTION 28 CHAPITRE 1 29 1. 1. LES DONNEES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE 29 CHAPITRE 2 39 1.2. LES SYSTEMES DE SIGNES CHAPITRE 3 39 1.3. LES APPROCHES SOCIOLINGUISTIQUES 52 CONCLUSION 64 DEUXIEME PARTIE 65 LE POUVOIR DE LA LANGUE CHAPITRE 1 65 2.1. LE STATUT DE LA FEMME PAR RAPPORT A L’HISTOIRE 67 CHAPITRE 2 90 2.2. LA FEMME ET LES DIFFERENTS PARLERS A TOLIARA CHAPITRE 3 90 2.3. LES FEMMES ET LE DROIT A LA PAROLE 118 CONCLUSION 130 TROISIEME PARTIE 131 LES DIFFERENCES ENTRE PARLER DES HOMMES ET PARLER DES FEMMES 131 INTRODUCTION 132 CHAPITRE 1 134 3.1. LA SITUATION DE COMMUNICATION 134 1 2 CHAPITRE 2 147 3.2. LA DISSYMETRIE SYNTAXIQUE 147 CHAPITRE 3 170 3.3. LA DISSYMETRIE SEMANTIQUE 170 CONCLUSION 183 QUATRIEME PARTIE 184 LES USAGES LINGUISTIQUES SUR LES DROITS DE LA FEMME 184 INTRODUCTION 185 CHAPITRE 1 187 4.1. LE MOUVEMENT FEMINISTE ET SES PROBLEMES CHAPITRE 2 187 4.2. LE DISCOURS FEMINISTE 201 CHAPITRE 3 218 4.3. LA POSITION DE LA FEMME DANS LES DROITS COUTUMIERS ET JURIDIQUES 218 CONCLUSION 228 CONCLUSION GENERALE 229 ANNEXES 236 GLOSSAIRE 292 REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE 310 INDEX DES AUTEURS 319 TABLE DES MATIERES 322 2 3 RESUME LES TRACES LINGUISTIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DE LA SUBORDINATION DE LA FEMME A TOLIARA C’est une thèse de doctorat en linguistique sur le langage et la condition féminine à Toliara. Il s’agit d’une tentative d’approche sociolinguistique de la condition féminine. Le but de ce travail est de présenter l’analyse de certaines relations entre la structure sociale, l’usage du langage et les comportements qui en découlent. L’étude comportera quatre parties : La première repose sur des fondements théoriques divers et parfois opposés. Mais ce que nous souhaitons, c’est de présenter les diverses approches, bases de nos travaux, qui ont toutes un point commun : l’appréhension du langage en tant que produit social, dans les communications sociales qui tissent la vie de tous les jours. La deuxième s’efforcera de dégager l’image et le statut de la femme tels qu’ils sont reflétés par la langue, il s’agit d’analyser les unités lexicales qui servent à désigner la femme en vue de mettre en évidence à travers les implications sémantiques le statut de la femme dans la société considérée : le Sud-Ouest malgache. Ceci ne signifie pas que les unités les plus grandes que les lexèmes ne seront pas considérés, au contraire, elles permettront de dégager une isotopie sémantique qui confirmera ce qu’a démontré l’analyse lexicale. La troisième insistera sur les différences entre le parler des femmes et celui des hommes en mettant l’accent sur « la condition féminine » plutôt que sur le « sexe », à partir du concept d’énonciation ; nous tenterons de dégager les différents cas où la femme peut être sujet d’énonciation et les autres où elle est uniquement objet de l’énonciation. C’est dans ce deuxième cas qu’on verra que la plupart 3 4 du temps, la femme qui parle est simplement le locuteur d’un énoncé produit par les hommes. La quatrième partie prendra appui sur un corpus de textes juridiques qui révélera les droits civiques et politiques à l’égard des femmes. Nous verrons que même dans ce niveau où il est question de justice et d’égalité, on remarquera que la situation de la femme est peu enviable ; nous révèlerons, grâce à des études menées au sein des associations féminines et féministes, des valeurs qui leur assurent une égalité de chance. Le cadre théorique et méthodologique qui concerne la première partie de ce travail, reposera, en principe, sur trois approches : d’un côté, l’approche lexicale l’approche variationniste et et sémantique, l’approche de interprétative. l’autre, Nous expliquerons les raisons de ces choix dans l’introduction. Nous avons intitulé cette première partie : Les différentes analyses de la langue. Pour ce qui est du plan du cadre pratique, ce travail sera groupé sous trois grandes parties, dont chacune est intitulée : Le pouvoir de la langue. La différence entre parler des hommes et parler des femmes. La langue et les usages linguistiques sur les droits de la femme. Ce travail de recherche nous renseignera certainement sur la langue et la condition féminine de notre époque. 4 5 REMERCIEMENTS 5 6 A Dieu, qui m’a donné la force de continuer mes études, qu’Il soit ainsi loué ! 6 7 A notre directeur de thèse : Monsieur Roger Bruno RABENILAINA, Professeur Titulaire, Professeur de Linguistique à la F.L.S.H. d’Antananarivo, Université d’Antananarivo, Professeur de Linguistique à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Formation Doctorale Pluridisciplinaire, Université de Toliara, Directeur des Etudes à l’Ecole Supérieur de l’Information et de la Communication (ESIC), Saint- Michel, Amparibe, Nos remerciements les plus sincères pour le grand honneur que vous nous faites en acceptant d’être notre Directeur de Thèse. 7 8 Au Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université de Toliara, Monsieur Marc Joseph RAZAFINDRAKOTO, Notre profonde reconnaissance à votre égard pour avoir vivement concouru à l’instauration de la formation doctorale interdisciplinaire au sein de l’Université de Toliara. 8 9 A Monsieur Jean RIEL, Directeur de la Formation Doctorale Pluridisciplinaire, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université de Toliara, Nos remerciements les plus sincères pour avoir contribué à l’instauration de la formation au sein de l’Université de Toliara. 9 10 A Monsieur Jean Marie BEMIARANA, Directeur du Département d’Etudes Françaises, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, UNIVERSITE DE TOLIARA, Pour ses sincères encouragements pour réaliser ce travail. 10 11 A ma chère famille qui m’a soutenue jusqu’à la fin de mon parcours universitaire : mon cher PHILIPPE, ma fille TIANA, mes deux garçons AMI et LALAINA. 11 12 Que tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à l’ élaboration de cet ouvrage trouvent ici toute ma gratitude et ma profonde reconnaissance. 12 13 Nos remerciements chaleureux et sincères s’adressent particulièrement au Président et aux membres du Jury qui nous font le grand honneur d’être juges de notre travail. 13 14 AVANT- PROPOS En adoptant et proclamant la « Déclaration universelle des droits de l’homme », l’Assemblée Générale des Nations Unies n’ignorait pas que le respect et la mise en application de ce texte ne pouvaient aller sans difficulté, en raison de l’interprétation que chacun des pays groupés en son sein en donnerait. Cette constatation demeure valable, chaque fois qu’il s’agit pour la communauté internationale de chercher à assurer de manière efficace la protection de la dignité de l’homme. Elle n’a donc cessé et ne cesse de rechercher les meilleurs moyens permettant à chaque individu d’exercer effectivement les droits qui lui sont reconnus par la dénommée Déclaration. C’est dans cet esprit que, s’agissant de la promotion de la condition de la femme, a été créée dès 1946 la Commission de la Condition de la Femme au sein de l’Organisation des Nations Unies. Cette commission a adopté une série de conventions dont la plus importante est sans doute la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’égard des femmes . Cette Convention a été adoptée par l’Assemblée Générale en 1979. Sur le plan international, c’est ce texte qui, le premier, a reconnu de manière explicite et proclamé le rôle de la femme dans son développement . Il est stipulé dans son préambule que « le développement complet d’un pays, le bien-être du monde et la cause de la paix, demandent la participation maximale des femmes, à égalité avec les hommes dans tous les domaines ». En son article premier, le sens de l’expression « discrimination à l’égard des femmes » est précisé en ces termes : « toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe, qui a pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la 14 15 reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par les femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme, des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et civil ou dans tout autre domaine ». Suite à ce travail de la commission, l’année 1975 a été proclamée Année Internationale de la Femme, et, de 1975 à 1986, la Décennie des Nations Unies pour la Femme. Des conférences ont été tenues dans divers endroits du monde : à Mexico (1975), à Copenhague (1980), à Nairobi (1985), à Beijing (1995). Des efforts ont été fournis par la Communauté internationale pour parvenir à l’égalité des droits de l’homme et de la femme. Et il est apparu que le principe de cette égalité a considérablement progressé en peu de temps, et que l’on pourrait être tenté de penser que l’élimination légale de la discrimination a été dépassée et que « l’égalité » se traduit de manière concrète, dans les faits. Cependant, bien que la Constitution et la législation de la plupart des pays garantissent le principe de la non-discrimination pour des raisons de sexe, aucun changement réel ne se fait sentir dans la condition des femmes, et on est contraint d’admettre que les lois à elles seules ne suffisent pas à apporter ce changement. Il est devenu un lieu commun de dénoncer la discrimination de la femme et son état de dépendance par rapport à la toute puissance phallocratique. Dépassant la polémique, on se demande si, finalement, la spécificité de la femme est objectivement reconnue. En effet, dans de nombreux pays, la législation a supprimé les lois discriminatoires mais les traditions, difficiles à changer du jour au lendemain, continuent à être suivies inconsciemment ou même parfois de manière consciente et réfléchie. Nous estimons en conséquence qu’avant d’examiner minutieusement la situation de la femme malgache par rapport au 15 16 contexte culturel et linguistique - le vif sujet de notre travail -, il n’est pas sans intérêt de faire une brève incursion dans le domaine de l’histoire afin d’en faire ressortir des vérités à propos du vécu quotidien des femmes (dont notre propre expérience). 16 17 INTRODUCTION GENERALE Buts et méthodologie Puisque les femmes représentent plus de la moitié de la population malgache, qu’elles assument une part importante dans le développement de notre pays, nous entendons aller à la découverte du langage relatif à la condition de la femme, travailler sur la langue, la culture, l’organisation sociale et la situation politique des femmes malgaches. Ainsi, il convient d’abord de définir quelques concepts essentiels de la linguistique et de mettre en évidence leurs rapports dialectiques. Les mots langage, langue et parole sont souvent employés l’un pour l’autre. Le langage humain, en tant que faculté de communication, se révèle à travers les langues, dont l’acquisition, elle, est strictement culturelle. Le dichotomique Langue / Parole est concept central chez SAUSSURE. Il est parti de la nature multiforme et hétéroclite du langage pour montrer que « la langue est un pur objet social, ensemble systématique de conventions nécessaires à la communication ». (Saussure, F. de, 1982 : p.37). Et Roland BARTHES disait que « la langue, c’est le langage moins la parole». (Barthes, R., 1964 : p.93). En effet, la langue est une institution sociale, un système de valeurs. L’individu ne peut à lui seul, ni la créer, ni la modifier ; elle sert à définir une communauté linguistique. Mais tous les différents systèmes qui font appel à la langue ne sont utilisables et interprétables que si l’on prend en compte à chaque instant le statut des locuteurs en présence. Et pour saisir le langage dans sa totalité, il faut, à côté de la langue posée comme norme sociale implicite, faire une place à la parole. SAUSSURE avait insisté sur la dichotomie langue / parole en montrant que la langue, c’est le social, alors que la parole c’est l’individuel, ayant en son centre le sujet énonciateur comme être pris dans des rapports sociaux. Mais 17 18 l’énonciateur est aussi un individu animé par des motivations qui sont à la fois conscientes et inconscientes. La parole n’est pas seulement un outil, elle est tantôt lieu de défoulement, tantôt lieu de refoulement. Souvent, on parle pour ne rien dire, ou on dit le contraire de ce qu’on veut réellement dire, ou encore ce que l’interlocuteur sait déjà. On s‘exprime parfois pour toutes sortes de raisons étrangères à l’acte d’informer, pour marquer un pouvoir, par exemple. Le locuteur s’implique et implique les autres dans ce qu’il dit. Ainsi, la parole n’est pas seulement un outil, elle est une forme d’action, un moyen d’agir et de s’affirmer comme un être social, un lieu de jouissance ou de souffrance. Le rapport de l’individu avec la langue passe par sa relation avec la société. Parmi les paramètres de la variation, classe sociale, groupe ethnique, âge, profession, région, etc., il convient de faire sa place à la différenciation sexuelle. Ce travail constitue donc une tentative d’approche sociolinguistique de la condition féminine. La variation fondée sur le sexe y sera privilégiée, mais il importe de souligner que l’analyse devra tenir compte des autres facteurs. La discrimination sexuelle, aussi grande soit-elle, ne saurait être assimilée aux différentes formes de la discrimination sociale, car la femme n’a pas d’existence sociale séparée. Elle vit dans la même société que l’homme, une société qu’elle partage avec l’homme. L’objet de ce travail est de : - mener des recherches sur l’identité sociale des participants engagés dans le processus de la communication, - déterminer l’environnement social dans lequel des événements linguistiques concernant le sujet prennent place, - évaluer les jugements socialement différenciés que les locuteurs portent sur les formes de comportement linguistique, - procéder à une analyse synchronique et diachronique des parlers ou dialectes sociaux relatifs au thème, 18 19 - envisager des solutions ou des variables à appliquer pour résoudre les problèmes. Par ailleurs, ce travail s’occupe également de la linguistique. Intérêt théorique et intérêt pratique en sont inséparables ; ceci dit, la réflexion se porte naturellement sur les problèmes linguistiques, entre autre les problèmes phonétiques, morphosyntaxiques, lexicaux et sémantiques. C’est dans la partie pratique que nous étudierons tout ce qu’on a pu recueillir sur le terrain, tandis que la partie théorique mettra en exergue les différentes approches avec lesquelles nous mènerons les analyses. Dans le cadre global de cette analyse du langage et de son usage, notre préoccupation est de lier trois niveaux : le contexte social, le niveau sémantique et le système lexical. Nous partons du fait qu’un système social ou linguistique, représente des potentialités de comportements ou de significations. Les considérations théoriques, évidemment, précèderont la partie pratique ; elles nous semblent nécessaires dans la mesure où elles balisent la voie de recherche et circonscrivent un champ conceptuel qui constitue une sorte de grille. Les différentes parties dans les considérations théoriques Pour pouvoir mener à terme ce travail, d’une part, il ne faut pas négliger les données de la linguistique, qui étudie des faits anthropologiques que sont le langage et les langues, leur évolution dans le temps, leur système de fonctionnement. Aussi, avons-nous concouru à ne pas couper les ponts entre les linguistes qui s’occupent de la communication sociale, dans leurs diversités. Nous prendrons appui, dans ce cas, sur les analyses du signe, de F. de SAUSSURE, en passant par R. JAKOBSON à R. BARTHES, etc. Nous croyons énormément que ces différentes analyses permettront de mieux appréhender cette recherche sur la condition féminine et le langage. D’autre part, avec les perspectives sociolinguistiques, les travaux de LABOV ont fait apparaître l’absolue nécessité de considérer, 19 20 en premier lieu, la réalité des productions langagières et non des constructions savantes. C’est ainsi qu’en s’inspirant de la sociologie traditionnelle est née la sociolinguistique variationniste, qui tente de corréler des manières de parler avec des catégories sociales traditionnelles : profession, âge, sexe, lieu de résidence. Brillamment illustrée par LABOV, cette approche a pour but de faire émerger des variables ou des marqueurs en corrélation avec des données linguistiques. Voici ce que ENCREVE a remarqué à propos de cela, lorsque LABOV a mené des enquêtes sur des groupes d’adolescents noirs à Harlem : « les fonctions sociales de la langue réapparaissent : communication, mais aussi distinction, discrimination, domination, ségrégation, lutte, résistance, bref, des fonctions liées à l’ensemble des rapports sociaux dans une société de classe » . (Encrevé, 1976 : p. 33) La sociolinguistique labovienne apparaît comme une discipline faisant de la langue à travers ses variations, le reflet de la structuration sociale de ses locuteurs, révélée par des manières de parler, de se tenir, de vivre, etc. Les résultats des enquêtes démontrent l’importance de la pression sociale qui pèse sur le locuteur (la norme légitime), de la fonction identitaire (conflictuelle ou non) jouée par les variantes en usage dans le parler de chaque groupe social ou même de chaque individu, et enfin, des rapports sociaux qui s’expriment directement, non seulement au sein de chaque sociolecte mais aussi lors des contacts entre sociolectes contigus . C’est en considérant ces différents critères, que nous avons choisi l’approche variationniste. Cependant, cette dernière, même en rendant compte des fonctions assurées par la variabilité linguistique dans le domaine de la communication sociale, ne résout pas pour autant tous les problèmes qui se posent. C’est pourquoi nous avons ajouté une autre approche, dite « interprétative » aux termes de laquelle GUMPERZ et HYMES prônent le recours à des méthodes empiriques, pour déterminer dans quelle mesure les caractéristiques propres à un 20 21 groupe sociolinguistique sont réellement partagées par tous les locuteurs constituant le groupe en question, objet de l’observation. GUMPERZ et HYMES, en tant qu’ethnographes de la communication, conscients au plus haut point de l’importance du contexte pragmatique, ont orienté l’étude du langage en tant que phénomène cognitif : ils l’ont portée sur le terrain et ils en ont observé le fonctionnement dans son milieu naturel. Ils se sont intéressés à l’étude des pratiques langagières en tant qu’éléments dynamiques de la vie en société. C’est là, en effet, un point de contact entre deux disciplines qui s’occupent des fonctions (tant expressives et esthétiques que référentielles) du langage. La démarche qui leur a permis de découvrir les modalités de la parole est dite « ethnométhodologique», et c’est ce que nous utilisons aussi pour pénétrer le réseau de communication clos des enquêtés avec qui nous devons partager nécessairement une certaine compétence linguistique et socioculturelle (la culture et l’histoire). Les différentes parties de l’analyse pratique Il est temps de définir les différentes parties de ce travail, qui marque une étape dans l’étude des pratiques langagières et la condition féminine dans le Sud-Ouest de Madagascar. Effectivement, nous nous posons des questions : « Quelle image de la femme nous renvoie la langue ? Dans quelle mesure reflète-t-elle le statut de la femme dans la société ? ». Il faut admettre que la langue commune, la langue dominante, est avant tout celle des hommes. Cette langue essentiellement masculine exprime à la fois « l’amour et le mépris » envers la femme. La place de la femme dans cette langue n’est-elle pas le reflet de sa place dans la société ? Si la parole signifie pouvoir, est-ce que prendre la parole se traduit par prendre le pouvoir ? Ou bien la parole des femmes s’apparente-t-elle davantage à la puissance qu’au pouvoir ? Ce sont les réponses à ces questions que nous essaierons de trouver. 21 22 Nous ne cessons pas de dire que la première partie repose sur des fondements théoriques. Les démarches portent d’abord sur la linguistique, à propos de l’analyse du signe, l’étude des fonctions de la communication, la sémantique, etc. et ensuite sur la sociolinguistique avec les tenants de ce courant, tels que J. FISHMAN, W. LABOV, J. GUMPERZ, D. HYMES…Certes, à propos des analyses linguistiques, l’accent est mis sur les divers travaux linguistiques, mais nos exposés y conservent un caractère de généralités, une sorte de synthèse de nos lectures scientifiques. Nous ne prétendons pas en faire un manuel de linguistique. Dans la deuxième partie, d’une part, nous tenterons de constituer une vision globale de la question en intégrant les données des historiens et des anthropologues ; d’autre part, à partir d’études interculturelles, nous considérerons la différenciation linguistique liée au sexe : une sorte de critique sociale relative à la langue et au statut de l’homme et de la femme. Notre objectif est surtout de mettre en exergue les valeurs linguistiques qui fondent la place et le rôle de la femme dans la société et la famille, ainsi que leur impact sur le développement. Dans une communauté linguistique coexistent des variantes sociales et régionales : registres, niveaux de langue, parlers, argots, jargons divers s’entrecroisent et se superposent. Ce qui nous amène à entreprendre le troisième volet de ce travail, qui s’étend sur les différences entre le parler des femmes et des hommes habitants la zone de recherche, la ville de Toliara. L’originalité de cette entreprise et son mérite, sont sans doute, de les avoir placés sur le terrain idéologique. Il apparaît donc essentiel ici, de mettre l’accent sur « la condition féminine » plutôt que sur « le sexe », c’est-à-dire adopter un point de vue social plutôt que psycho - biologique. De ce fait, nous prenons position dans la controverse nature/culture. Les femmes au sein d’une même communauté, partageant en apparence avec les hommes le même code, parlent-elles réellement comme eux ? Y a-t-il une différence entre le parler des hommes et celui 22 23 des femmes ? Comment parlent-elles ? Et comment se parlent-elles ? Ou encore, que dit-on d’elles ? Par le biais des enquêtes et grâce aux réponses obtenues des questionnaires, nous nous sommes attachée à trouver non seulement des différences de registre lexical, liées à des traits culturels (rôles sociaux, division de travail, tabou…) ou encore à des traits naturels (voix, timbre, intonation, débit…) mais aussi des différences d’ordre syntaxico-stylistique : (propension aux constructions interrogatives ou interro-négatives, choix des mots cheville du discours, etc.) D’autres observations portent sur la performance verbale (aptitude au bilinguisme par exemple). Dès l’instant où l’on admet l’existence d’un code féminin et d’un code masculin distinct se pose le problème de la transgression qui, en général, est plus mal toléré de la part des femmes que de celle des hommes. Et on peut même se demander si les femmes se permettent aujourd’hui de parler comme les hommes. Si l’idée émerge que les femmes ont quelque chose à dire et qu’elles peuvent ou veulent le dire « autrement », il s’agit d’établir et de légitimer la différence. C’est dans cette optique que nous travaillerons sur la langue du mépris : les qualificatifs injurieux envers les femmes, les expressions de mélioration et de péjoration, la dénotation, la connotation, etc. Ces derniers temps, l’étude des « forces d’inertie à l’égalité des genres à Madagascar » a acquis une acuité et une importance exceptionnelles. Refuser la dévaluation de la langue des femmes, c’est refuser la structure sociale qui dévalue les femmes. Faut-il donc apprendre à parler comme les hommes ou au contraire valoriser un discours féminin, le revendiquer comme égal ou différent ? Pour ce faire, l’accent sera porté dans la quatrième partie de notre étude sur l’analyse du statut juridique de la femme : les règles coutumières, le principe d’égalité posé par le droit positif malgache, etc. Tout cela révèlera le rôle ou la place de la femme dans la société et reflètera souvent la mentalité « attardée » des usagers de la langue. 23 24 Choix du sujet, du terrain et les obstacles rencontrés La première raison de cette étude était de satisfaire notre curiosité intellectuelle. Nous sommes consciente que le propre de l’esprit humain est de produire des connaissances, qu’il existe par conséquent un champ d’exploration, où nous sommes appelée à évoluer et où nous sommes attendue pour apporter également notre contribution, en tant que patrimoine intellectuel, aussi modeste soit-elle. La seconde raison, c’est que tout en étant concernée par la problématique de genre, nous ressentons des sentiments d’insatisfaction en relevant des inégalités persistantes - surtout dans cette partie Sud de Madagascar - à l’avantage des hommes, par des aspects dont certains sont visibles, d’autres plus subtiles. Ainsi, nous estimons qu’il nous appartient de trouver les éléments susceptibles d’appréhender les relations femme-homme et d’apporter des solutions idoines aux problèmes de développement de notre pays. . C’est dans cet esprit que nous avons choisi de mener cette recherche sociolinguistique endogène pour la promotion de la condition féminine dans la ville de Toliara. Mais c’est une partie qui représente un tout, c’est-à-dire que grâce à notre langue qui se comprend du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, malgré les différents parlers, ce terrain d’analyse représente à la fois toute l’île. En effet, les mécanismes du sous-développement correspond à y sont l’extension partout spatiale présents, d’une mais formation cette sociale région bien caractérisée au reste du pays. Certaines femmes, encore soumises à la pratique de la polygamie, réduites au silence, y perpétuent la lutte contre la pauvreté et continuent à être un obstacle au progrès du pays. Aussi, doivent-elles être associées étroitement aux décisions à tous les niveaux et dans tous les domaines de la vie locale et nationale en matière économique, sociale, culturelle et politique. Etant seule à faire le terrain mais soutenue par des informateurs (voir corpus), nous avons effectué, avec ces derniers, cette démarche sur des études microsociolinguistiques et macrosociolinguistiques. La 24 25 microsociolinguistique prend le sujet parlant comme point de départ. Elle opère au niveau de l’individu parlant et le situe dans un groupe d’appartenance. C’est en étudiant ses pratiques et ses représentations que l’on voit comment la situation macrosociolinguistique est vécue. Les deux approches se complètent. Comme il s’agit de travailler sur des groupes sociaux, la recherche ne relève pas uniquement du domaine de la sociolinguistique. Nous devons parler de l’économie, la sociologie, l’anthropologie, l’ethnologie, la psychologie sociale. Les données obtenues de ces différents systèmes, aident à contribuer à l’élaboration de ce travail. En effet, la dimension sociale du langage est une expérience quotidienne ; elle est inséparable du pluralisme culturel, dont toute science est témoin ; le langage est ainsi investi, de part en part, de valeurs économiques et sociales. Par conséquent, l’approche pluridisciplinaire est automatiquement imposée par la nature des problèmes. Or, les obstacles sont nombreux : le choix de terrain est important, car des paramètres scientifiques en dépendent. Déjà les données de base indispensables aux recherches sont difficilement accessibles - soit parce qu’elles sont confidentielles, soit parce qu’on ne peut les localiser, ou inexistantes, par exemple les données sur la démographie linguistique - ou encore dépassées, comme certaines statistiques sur la population. Mais le plus difficile est, d’une part, sur le terrain de recherche, la compréhension du milieu social et humain dont la population est foncièrement à tradition orale, et d’autre part, le choix et la bonne volonté des personnes ressources qui permettent de mener les entretiens, surtout qu’il s’agit de propos sur les femmes. Pendant certaines entrevues, nous ne prenons pas note devant les enquêtés pour ne pas les frustrer. Nous ressentons que par les temps qui courent, la bonne volonté ne suffit pas pour mener une véritable politique de recherche ; il faut monnayer parfois, c’est-à-dire 25 26 apporter quelque chose (un peu de sucre, du rhum ou même de l’argent), pour les satisfaire. En tout cas, il faut admettre que la recherche à Madagascar n’assure pas encore pleinement son rôle d’outil de développement. Le corpus Il est manifeste que la langue reflète l’environnement social d’un groupe humain : sa culture, ses moeurs, sa vision du monde ou sa mentalité. Pour illustrer la diversité possible des conditions d’emploi qui caractérise l’usage de la langue, il est essentiel que le corpus se prête à de multiples lectures ; nous avons donc pensé, en premier lieu, à mener des enquêtes qualitatives appuyées sur des questionnaires et des entretiens auprès des hommes et des femmes issus de différentes ethnies de Madagascar, mais habitant les zones de recherche. La langue que nous avons adoptée pour y parvenir est le malgache officiel ; mais puisque nous sommes dans une zone où différents parlers, tels que Vezo, Masikoro, Tandroy, Tanôsy, Bara, Betsileo, Ambaniandro, Mahafaly, Tañalana, etc., se côtoient, ce sont les variantes ainsi collectées qui constituent la base de cette recherche. Les entretiens et les questionnaires ont porté sur le sujet essentiel de la recherche, c’est-à-dire la manière avec laquelle on parle des femmes. Elles ont permis à partir d’études interculturelles de considérer la différenciation linguistique liée au sexe. Nous avons aussi recueilli des textes grâce à des interviews : des proverbes, des tapasiry, des chants et des expressions s’adressant aux femmes. Les documents ainsi obtenus, quoique parfois hétérogènes, ne sont pas à négliger. 26 27 PREMIERE PARTIE LES DIFFERENTES ANALYSES DE LA LANGUE 27 28 INTRODUCTION En vue de la partie pratique, nous pensons d’abord baser notre travail sur trois théories essentielles mises en interactions le long de la recherche: celles de l’approche lexicale et sémantique, la sociolinguistique variationniste et interactionniste. Mais même si nous avons choisi ces trois domaines théoriques, il est difficile de borner avec rigidité le champ des investigations qui portent sur le langage, notamment, concernant la femme dans son contexte social. Plusieurs domaines voisins se trouvent joints au recensement de travaux relevant de telles problématiques, entre autre la psychologie sociale, la sociologie et l’anthropologie. Ainsi, cette première partie sera constituée de trois chapitres dans lesquels nous mettrons en exergue les différentes méthodes pour mener les analyses : Au premier chapitre, nous soulignerons les données de la linguistique structurale : la valeur dichotomique de Langue / Parole, les différentes fonctions de la communication. Au deuxième chapitre, nous parlons de systèmes de signes Le troisième chapitre vise à expliciter les apports des sociolinguistes variationnistes et interactionnistes. 28 29 CHAPITRE 1 1. 1. LES DONNEES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE Pour pouvoir avancer dans notre travail, il est nécessaire de connaître les contenus de ce chapitre : l’analyse du concept dichotomique Langue et Parole, les fonctions de la communication et l’analyse sémantique. Adoptons pour commencer une définition très approximative de la notion de Langue. 1.1.1. Langue versus Langage Pourquoi parlons-nous ? Pourquoi communiquons-nous au moyen de langues ? Les langues que nous maîtrisons, nous les avons apprises et nous avons pu les apprendre pour plusieurs raisons : - ce sont des outils de communication que la vie en société nous impose ; - ce sont des systèmes de signe et de règles de combinaison de ces signes que notre cerveau a la capacité de mémoriser et de manipuler ; - elles se manifestent physiquement par des sons que notre constitution biologique nous permet de produire (appareil phonatoire) et de percevoir (appareil auditif). Les langues sont donc liées directement à des prédispositions sociales, psychiques et physiologiques des êtres humains. On appellera langage la faculté humaine de communiquer des idées au moyen de la langue. Le langage par opposition à la langue est intimement lié aux aspects sociologiques, psychologiques, physiologiques et même physiques de l’utilisation de la langue. 29 30 1.1.2. Langue et Parole A première vue, une langue semble permettre la désignation du réel, alors qu’en réalité, tout est plus complexe, parce que certains mots sont intraduisibles dans une autre langue. En fait, aucune langue ne copie le réel. Les raisons, c’est d’abord parce que la perception de ce réel est immédiate, intuitive, globale, alors que la langue est linéaire : on ne peut tout dire à la fois, ensuite parce que le mot constitue toujours une abstraction. Loin de refléter le réel à la façon d’un miroir, les langues le découpent, l’interprètent, le disent différemment. Les différences entre les langues sont sensibles déjà au plan de l’expression phonique. Ainsi, on constate facilement que, pour un même concept (signifié), l’expression phonique (signifiant) change d’une langue à une autre. C’est dans cette optique qu’il est nécessaire de définir les différences entre langue et parole, parce que en linguistique structurale, parler, c’est combiner entre eux des signes, éléments caractérisés par l’association d’un signifiant (suite de sons), et d’un signifié (sens lié au signifiant). • Langue En linguistique, le concept dichotomique de Langue / Parole est central chez SAUSSURE. La langue est à la fois une institution sociale et un système de valeurs : c’est la partie sociale du langage ; l’individu ne peut à lui seul, ni la créer, ni la modifier ; elle est essentiellement un contrat collectif, auquel, si l’on veut communiquer, il faut se soumettre en bloc ; de plus, ce produit social est autonome, car on ne peut le manier qu’à la suite d’un apprentissage. Comme systèmes de valeurs contractuelles, elle résiste aux modifications de l’individu seul et par conséquent, elle est une institution sociale. Toute langue s’enrichit des apports de ses locuteurs, qui la recréent consciemment ou qu’ils se trompent. On peut dire même qu’une langue évolue grâce au contact de ses usagers de tous les niveaux. 30 31 La langue est aussi un extraordinaire musée de l’imaginaire, de la pensée non scientifique, des préjugés. Elle est même la vie des communautés linguistiques qui l’utilisent, leur passé, leur sensibilité, leur pratique particulière, leur mémoire collective. Perdre sa langue, pour un peuple, est donc une terrible aliénation. • Parole C’est ici que se posent un certain nombre de questions. Quel est le rapport entre Langue et Parole ? Qu’est-ce qui fait l’objet de cette description ? La réponse qu’apportait Saussure à ces questions était fortement influencée par les théories psychologiques et sociologiques de DURKHEIM, et nous n’entrerons pas dans ces détails. Il suffit d’avoir posé le problème et introduit les termes saussuriens. Le rapport entre Langue et Parole est très complexe et controversé. Mais nous pouvons dire que tous les membres d’une même communauté linguistique, c’est-à-dire, tous ceux qui parlent une langue donnée, produisent, en parlant cette langue, des énoncés qui, en dépit des variations individuelles, peuvent être décrits au moyen d’un système de règles et de relations : en un certain sens, ils ont les mêmes caractéristiques structurelles. Les énoncés constituent des exemples de parole, sur lesquels le linguiste se fonde pour construire la structure commune sous-jacente : la langue. C’est donc la langue, le système, qui fait l’objet de la description linguistique Langue et parole ne tirent évidemment leur pleine définition que du procès dialectique qui unit l’un et l’autre. Langue et parole sont dans un rapport de compréhension réciproque ; d’une part, la langue n’existe que dans la masse parlant ; on ne peut manier une parole que si on la prélève dans la langue ; mais d’autre part, la langue n’est possible qu’à partir de la parole. Face à la langue, institution et système, la parole est essentiellement un acte individuel de sélection et d’actualisation. Elle est constituée d’abord par les combinaisons grâce auxquelles le sujet 31 32 parlant peut utiliser le code de la langue en vue d’exprimer sa pensée personnelle ; ensuite, par les mécanismes psycho-physiques qui lui permettent d’extérioriser ces combinaisons. Cet aspect combinatoire de la parole est évidemment très important : il implique que la parole est constituée par le retour de signes identiques ; c’est parce que les signes se répètent d’un discours (ou parole étendue) à l’autre et dans un même discours que chaque signe devient un élément de la langue. La parole correspond aussi à un acte individuel et non à une création pure. Historiquement, les faits de parole précèdent toujours les faits de langue : c’est la parole qui fait évoluer la langue, et génétiquement, la langue se constitue dans l’individu par l’apprentissage de la parole qui l’entoure. Par la relation Langue / Parole en linguistique, on indiquera que l’utilisation du langage par un seul individu, s’appelle idiolecte ou le jeu entier des habitudes d’un seul individu à un moment donné (Jakobson, R. 1963 : p. 54). Mais JAKOBSON a contesté plus tard l’intérêt de cette notion. Selon lui, le langage est toujours socialisé, même au niveau individuel, car en parlant à quelqu’un on essaie toujours plus ou moins de parler son langage, notamment son vocabulaire. Néanmoins, nous retiendrons que le langage est un idiolecte pur pour un aphasique ; de même pour le style propre d’un écrivain ; enfin, on peut définir comme idiolecte, le langage d’une communauté linguistique, c’est-à-dire, un groupe de personnes interprétant de la même façon tous les énoncés linguistiques, qui n’est autre que l’écriture. L’étude du langage est rattaché à plusieurs disciplines, mais ce qui nous est important, c’est de savoir l’analyse interne de la langue la seule retenue par Saussure- et son analyse externe, c’est-à-dire l’étude de ses usages concrets, dans une société et dans une époque donnée. Dans la mesure où nous abordons de front ces points-là, l’étude des registres de communications permet une clarification. 32 33 La fonction de la langue est de communiquer des idées au moyen de messages. L’intégration de la linguistique à la sémiotique, « nouvelle discipline qui englobe une théorie générale des signes et de leurs caractères communs » nous fait accepter une autre fonction du langage qui inclut l’ensemble de ses utilisations dans le contexte d’une société. Il s’agit des différentes fonctions du langage dans la communication ou sémiologie ; d’ailleurs, ce terme désigne « la discipline qui se donne pour objet l’ensemble des systèmes de communication », qu’ils soient linguistiques ou non. 1.1.3. Fonction représentative et fonction expressive du langage K.BÜHLER prétendait que le langage n’a pas seulement une fonction représentative : transmission volontaire d’une information, grâce au code linguistique, qui associe au signifié la « représentation » du signifiant, mais aussi une fonction expressive : transmission involontaire de certains renseignements sur les caractéristiques socio-culturelles du locuteur ( origine sociale, place dans le milieu social, profession, éducation, etc.) et sur la situation de communication (code familier ou soutenu, etc.) (Bühler, K.1934 : p.32). Le langage n’assurerait pas seulement dans ce cas sa fonction principale, la communication, mais serait en même temps un signe de reconnaissance. Cette analyse rejoint la conception de certains sociologues pour qui le vêtement, le logement ou le mode de loisir, en plus de leur fonction première, nous permettent quotidiennement de nous « étiqueter » les uns aux autres. L’un des disciples de SAUSSURE, C. BALLY, a également souligné l’importance de cet effet « d’évocation de milieu » : les expressions employées dans un milieu spécial symbolisent ce milieu ; si donc le parleur, qui lui est étranger, emploie telle ou telle de ces formes, il évoque ce milieu par une sorte de figure résultant du contraste avec son milieu propre » (Bally, C. 1932 : p.199). C’est pour cette raison que nous affirmons ce que nous venons de dire : 33 34 « le langage n’assurerait pas seulement sa fonction principale, mais serait en même temps un signe de reconnaissance ». Toujours dans cette optique, A. MARTINET a mis au premier plan la nécessité d’utiliser, en l’intégrant à une linguistique fonctionnelle, un modèle de la communication explicite mais asociologique. Selon lui, la caractéristique principale du langage est d’être un instrument de communication. Il définit le terme communication comme « transmission de l’expérience d’une personne à une autre » (Martinet, 1962 : p.36). Il continue encore : « il est bien naturel que nous supposions au moins en théorie, que tous les utilisateurs ont en commun les faisceaux d’habitudes articulatoires et les réactions vocales qui constituent globalement ce que nous appelons une langue » (ibid. p.147). Dans un domaine connexe, pour un sémiologue dont l’inspiration est voisine de celle de MARTINET, PRIETO ne considère comme phénomènes de communication que « des faits perceptibles associés à des états de conscience » (Prieto, 1966 : p.94). De plus, cette volonté du locuteur doit être reconnue comme telle par l’interlocuteur : le modèle symétrique exclut toute opacité. Ce cadre d’analyse permet de traiter des systèmes non-linguistiques- « depuis l’affiche jusqu’au code de la route, depuis les numéros d’autobus ou de chambres d’hôtels jusqu’au code maritime international des signaux par pavillons » (Mounin, G. 1970 : p.11). Une telle orientation sémiologique diffère considérablement de celle plus féconde et plus complexe qu’avait adoptée Roland Barthes et qui traite de significations relativement indépendantes de choix intentionnels. (Nous verrons cette analyse plus tard). A la suite de BÜHLER, l’étude de l’utilisation du langage comme moyen d’expression personnelle ou comme instrument d’action sur autrui a été remise en question. MARTINET, contestant cette direction, met au premier plan la fonction référentielle : le langage sert d’abord « la compréhension mutuelle » (Martinet, A. 1960 : p.13) et les fonctions d’élaboration mentale, d’expression individuelle ne constituent qu’un phénomène restreint ; les « sociétés répriment par la raillerie le solliloque » 34 35 (Ibid.). Bien plus, « ceux des énoncés qui ne visent pas à la communication », sont à éliminer de l’investigation linguistique, car ils sont calqués sur « les énoncés communicatifs et n’offrent rien que nous ne saurions retrouver » (Ibid. p.185). Pour MARTINET, « il est réellement sans importance que la façon de parler d’un individu soit ou non physiquement identique à celle d’un autre, pourvu que les éventuelles divergences possibles n’aboutissent jamais à troubler la transmission spontanée et naturelle de l’expérience » (Martinet, A. 1962 : p.152). C’est en s’appuyant sur de tels phénomènes qu’à l’aide d’un schéma devenu célèbre, JAKOBSON distingue six facteurs essentiels dans un processus de communication. 1.1.4. Les six fonctions du langage selon R. JAKOBSON La fonction du langage est de communiquer des idées au moyen de messages. Ceci implique un objet ou une chose ou un référent dont on parle , un émetteur qui adresse au récepteur un message, en utilisant un code ; l’échange d’information se fait dans un contexte donné, par l’intermédiaire d’un canal ; soit : CANAL CONTEXTE EMETTEUR MESSAGE RECEPTEUR CODE Chacun des facteurs peut théoriquement varier indépendamment des autres, et, chaque fois, la communication sera modifiée. Ainsi, le contenu du message varie selon les facteurs suivants : le contexte, la personne qui parle ou l’émetteur, le public visé, le caractère des messages, la technique de la communication, la langue utilisée, etc. Dans la pratique concrète, il y a, bien entendu, interdépendance des facteurs distingués par JAKOBSON. L’intérêt de cette analyse tient 35 36 aux fonctions linguistiques qu ‘elle permet d’isoler. Toutes les formes linguistiques, en effet, n’ont pas le même rôle dans la communication. Selon que l’accent est mis sur tel ou tel facteur, la fonction correspondante prédomine. On a ainsi : − l’émetteur, fonction expressive − le récepteur, fonction conative − le message, fonction poétique − le canal, fonction phatique − le code, fonction métalinguistique − le contexte, fonction référentielle. La fonction expressive ou émotive définit les relations entre le message et l’émetteur ; elle désigne les moyens dont dispose l’émetteur pour se mettre en valeur ; exemple : parler de soi à la troisième personne. La fonction référentielle définit les relations entre le message et l’objet auquel il réfère ; le problème fondamental étant de formuler à propos du référent une information vraie, c’est-à-dire, objective, observable et vérifiable. La fonction référentielle et la fonction émotive sont les bases à la fois complémentaires et concurrentes de la communication, si bien qu’on parle souvent de la « double fonction du langage » : l’une est cognitive et objective, l’autre affective et subjective. Elles supposent des types de codage très différents, la seconde ayant sa source dans les variations stylistiques et dans les connotations. La fonction conative ou injonctive concerne la manière dont le récepteur influence le message, toute communication ayant pour but d’obtenir une réaction du récepteur ; exemple : les formes de politesse. La fonction poétique ou esthétique est définie comme la relation entre le message et lui-même ; dans les arts, le référent qui est le 36 37 message, cesse d’être l’instrument de la communication pour en devenir l’objet. La fonction phatique a pour but d’affirmer, de maintenir ou d’arrêter la communication. Lorsque le locuteur dit : « pardon, vous m’écoutez ? », c’est pour vérifier si le circuit fonctionne. Cette fonction joue un rôle très important dans tous les modes de la communion : rites, cérémonies, discours, conversations familiales, etc. On répète les mêmes mots, les mêmes gestes, d’où une communication absurde, insupportable pour l’étranger, mais euphorique pour celui qui participe ou celui qui est concerné. La fonction métalinguistique a pour but de définir le sens des signes qui risquent de n’être pas compris du récepteur. Cette fonction réfère donc le signe au code d’où il tire sa signification. Elle comprend tous les procédés d’enrichissement du code : exemple de la synonymie. Les diverses fonctions, telles qu’on vient de les définir, sont concurrentes ; on les trouve mêlées en proportions diverses dans un même message ; l’une ou l’autre domine selon le type de communication. Plus un code est signifiant, plus il est contraint, structuré, socialisé et inversement. Or le contenu d’information d’un message et la redondance (ou perte d’information) qui en est le corollaire sont des propriétés objectives et mesurables. Plus la redondance est forte, plus la communication est signifiante, fermée, socialisée et codifiée ; plus elle est faible, plus la communication est informante, ouverte et individualisée et décodifiée. Cette structuration ou codification du système pose le problème des rapports du récepteur avec la communication du double point de vue du message et de l’émetteur. En effet, le récepteur qui reçoit un message doit le décoder, c’est-à-dire en reconstruire le sens à partir de signes dont chacun comporte des éléments de ce sens, c’est-à-dire des indications concernant les relations de chaque signe avec les autres. Mais l’intérêt 37 38 du récepteur doit être précisé, grâce à l’attention qu’il donne pour le référent, objet du message. L’émetteur, en vertu du même principe, se conforme étroitement aux règles d’un code de communication : à telle situation, tel registre et tel niveau de langue. En s’appuyant sur de tels phénomènes - dont nous trouverons plus loin l’utilisation, dans la partie concernant les discours de la lutte féministe, à titre d’exemple, certains linguistes affirment le caractère systématique, non seulement du langage, mais de ses usages sociaux. Et c’est de cette manière que nous continuerons à considérer le langage en tant que faculté humaine de communiquer des idées au moyen de la langue. Dans le chapitre suivant, l’analyse des signes permettra de mener une réflexion sur le lexique, lequel occupe une très grande partie de la recherche. 38 39 CHAPITRE 2 1.2. LES SYSTEMES DE SIGNES Dans le Cours de la Linguistique Générale, SAUSSURE définit la langue comme « système de signes », et ces deux notions (système-signe) ont été au départ de la réflexion structuraliste sur le lexique. 1.2.1. La langue comme systèmes de signes La théorie générale des signes a été conçue dès le début du siècle dernier. Elle a surtout, dès l’abord, retenu l’attention des logiciens sous le nom de sémantique générale ou sémiologie. La sémiologie a été conçue par F. de SAUSSURE comme « la science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale » (Saussure, F. de, 1981 : p. 33). Mais ce n’est que plus tard que SAUSSURE a commencé à recevoir un début de réalisation au point qu’en 1964, R. BARTHES a constaté « qu’en raison de son caractère extensif (puisqu’elle sera la science de tous les systèmes de signes), la sémiologie ne pourra être traitée didactiquement que lorsque ces systèmes auront été reconstitués empiriquement » (Barthes, R. 1964 : p. 92). Ainsi, pour insister sur la diversité des fonctions du langage, la linguistique propose d’autres finalités plus urgentes, entre autre l’analyse sémantique. Mais avant d’entrer entièrement dans cette description, il est nécessaire de commencer par l’étude du système de signes . 39 40 1.2.2. L’analyse en signes Pour la linguistique structurale, parler, c’est combiner entre eux des signes, éléments caractérisés par l’association d’un signifiant (suite de sons) et d’un signifié (sens lié au signifiant). Comment s’opère la segmentation d’un énoncé en signes ? En prenant appui sur l’intuition et le savoir commun à tous les locuteurs, résultant des multiples opérations linguistiques inconscientes faites depuis l’enfance ; mais surtout, par une procédure précise qui se révèle nécessaire dans les cas complexes : la commutation. On découpera comme signe tout segment ayant un signifié et pouvant commuter avec un autre, au même point de la chaîne parlée. Dans une phrase comme Finaritra i Soa, on isolerait en première approximation trois signes : Finaritra (faly / sambatra / salama), i (ilay, ikala), Soa (Vao, Noro, etc.). Cet exemple volontairement simplifié, pourrait laisser croire que « signe » et « mot » désignent deux réalités identiques. Mais il n’en est rien ; parfois ces deux unités se confondent matériellement, elles relèvent de définitions d’ordre différent. Le signe est la plus petite unité de signification. Le signe est indécomposable, sinon en phonèmes dépourvus de sens. Le mot correspond à un signe ou à plusieurs. Si le principe de l’analyse en signes paraît très simple, son application réserve des difficultés souvent insurmontables: il n’y a pas toujours correspondance bi-univoque entre signifiant et signifié, c’està-dire à un signifiant et à un seul correspond un signifié et un seul. • La notion de valeur Le signe s’inscrit dans le double fonctionnement syntagmatique et paradigmatique du langage. Saussure souligne les caractères différentiels des éléments de la langue : c’est en se différenciant les uns des autres que ceux-ci trouvent leur identité. Ceci est vrai pour le signifiant [fary], canne à sucre, qui se comprend par opposition à [vary], 40 41 riz, mais aussi pour le signifié. On peut lire dans le dictionnaire qu’un fary est une canne à sucre 1 (Abinal et Malzac, 2000). C’est le système qui donne au signe sa valeur (Barthes, R. 1964 : p. 113). La comparaison inter-langue le montre clairement : le mot français mouton, pour reprendre l’exemple de Saussure, a une valeur plus large que l’anglais mutton (viande de boucherie) puisque à côté de celui-ci existe sheep ( animal vivant). Cette notion de valeur insiste sur le statut relationnel du signe : le signifié n’est que la mémorisation de tous les emplois, ou la zone commune à toutes les oppositions dans lesquelles entre ce signe : tsara, belle est employé par différence avec soa, belle, fanjaka, jolie, meva, mignonne, kongoroty, laide,…en une confrontation souvent implicite. La valeur d’un signe se décompose en deux opérations, confondues dans l’usage : déterminer sa place par rapport à d’autres dans les séries paradigmatiques et connaître ses combinaisons possibles avec d’autres éléments de la langue (contraintes syntagmatiques). C’est en ce sens que la langue est un système de signes. • Les unités lexicales Pour le linguiste structuraliste, entre la phrase et le phonème, seul le signe est une unité correspondant à une définition simple et rigoureuse (plus petit élément porteur de signification). D’où sa tentative de n’opérer qu’avec lui. Mais au contraire, les locuteurs se réfèrent spontanément à une autre unité : le mot. Toute la controverse autour du « mot » tient en cette contradiction : la forte existence psychologique et sociale de cette notion, et la difficulté à en rendre compte dans une analyse scientifique de la langue. Le signe occupe une place déterminée dans la hiérarchie des niveaux d’analyse. Mais, en tant qu’unité de segmentation de l’énoncé, il recouvre des éléments hétérogènes pour l’usager et différents par leur 1 Entrée fary : saccharum officinale, Abinal et Malzac, 2000. 41 42 comportement linguistique. Certains linguistes, entre autre B. POTTIER, ont proposé de l’appeler lexie. Elle correspond à un signe ou à un groupe de signes ayant une cohésion sémantique et un comportement syntaxique global défini par des règles. Dans cette perspective, le problème du mot n’est pas résolu, mais il est relativisé. C’est une unité hybride, une lexie d’un type particulier, pourvue d’un certain degré d’autonomie syntaxique consacré par la grammaire et l’écriture. Mais avec les lexies, nous sommes confrontés à toute une gamme de réalités linguistiques présentant des degrés fort divers d’autonomie et de cohésion. On tente alors de différencier la lexie complexe du syntagme ou groupe grammatical dont les éléments lexicaux sont commutables. Les critères les plus couramment utilisés sont alors : - la variabilité lexicale plus grande dans le syntagme : par exemple, Madio ny efitranon-dRasoa, la chambre de Rasoa est propre, où on a Madio / ny efitranon- / dRasoa. - la séparabilité des éléments dans le syntagme : par exemple, Madio / ny efitranon-dRasoa, - la spécificité des marques syntaxiques dans la lexie ; nous soulignons cette spécificité par le déterminant de nom propre de personne, par exemples : « Ra… » dans le premier exemple et la marque de possession : « n-… » dans le second exemple : Manadio ny efitranony i Soa, Soa nettoie sa chambre et Madio ny efitranon-dRasoa, la chambre qui appartient à Rasoa est propre, - la possibilité de remplacer une lexie complexe par un seul mot : par exemple, mijanona ela par milona dans Aza mijanona ela ao anaty rano ao / Aza milona 2 ao : traduction littérale : ne restez pas longtemps dans l’eau. Ces critères ne doivent pas être pris comme ayant une valeur absolue. Par ailleurs, l’opposition entre lexie et syntagme est relativisée par le passage progressif d’un lien ressenti comme purement syntaxique 2 Entrée : lona. Abinal et Malzac, 2000, p.412. 42 43 à un lien nettement sémantique ou, si l’on veut, d’une combinatoire plus libre à une combinatoire plus figée : par exemple , zazamena vava nilaozandreniny maty teo am-piterahana remplacé par takalo 3 kely, traduction littérale : le bébé survivant à sa mère morte en couches. La perspective n’est plus alors la recherche des unités mais celle des critères de différenciation ; de même qu’en syntaxe, on s’intéresse moins à l’identification des catégories qu’au repérage des règles de fonctionnement. • La motivation Tout signe, linguistique ou non, est conventionnel : il ne peut fonctionner que par un accord - souvent implicite - entre les membres d’une communauté, y compris le cas de signes motivés ou d’indices naturels utilisés en fonction de signes. La notion de convention, en particulier de convention implicite, reste relative ; la convention a des degrés ; elle peut être plus ou moins forte, plus ou moins unanime, plus ou moins contraignante. Plus la convention devient vague, plus la valeur du signe varie avec les différents utilisateurs. Cette convention, d’autre part, a un caractère statistique, elle dépend du nombre d’individus qui la reconnaissent et l’acceptent dans un groupe donné. Plus la convention est large et précise, plus le signe est codifié. Dans Structures étymologiques du lexique français (Guiraud, 1967), GUIRAUD examine un grand nombre de termes qui lui semblent s’ordonner en champs de relation forme-sens, par exemple, les racines phoniques B / F et P / F qui correspondent souvent à une idée de « gonflement » (baffrer, bouffer, s’empiffrer, etc.). Ces recherches récentes expliquent que certains signes soient ressentis, rétrospectivement, comme plus « naturels », plus « expressifs ». Mais dans la langue, le signe est de plus arbitraire : il n’y a aucun rapport entre signifiant et signifié en dehors de la convention qui fonde leur rapprochement. Pour l’essentiel, la langue se construit sur un stock 3 Entrée : takalo. Ibid. p.649. 43 44 de signes arbitraires. Des règles multiples, intéressant la forme, le sens et leur mise en correspondance engendrent, au moyen de ses signes de 4 base, un lexique riche et structuré. Prenons l’exemple de manolaka , détourner, différent de olaka, détour, différent de mañolana 5, détourner, dans l’exemple : fañolanana ajà tsy ampy taona, détournement de mineur : ces mots ou groupe de mots appartenant au système établi, consacrés par les dictionnaires, ou au système potentiel, sont compréhensibles par tout le monde dans un contexte donné à condition que les signes de base soient connus. Le lexique n’est donc pas un stock inorganisé de signes arbitraires. Il est déterminé par des règles (morphologiques, sémantiques…) formant système. Il importe de bien distinguer ce système, riche en possibilités non réalisées, de la norme qui en limite l’exercice en imposant un usage socialement consacré. Tout changement lexical procède d’une motivation, qu’il s’agisse d’une création consciente ou d’une évolution spontanée. La motivation est une relation naturelle entre le signifiant et le signifié ; une relation qui est dans leur nature : leur substance ou leur forme ; elle est analogique dans le premier cas, homologique dans le second. L’analogie peut être métaphorique ou métonymique selon que le signifiant et le signifié ont des propriétés communes qui permet de les assimiler ou sont associés par un lien de contiguïté dans l’espace, dans le temps (cf. les différentes métaphores sur la femme, dans « Dissymétrie sémantique, troisième partie, chapitre deux ».) L’analogie comme la convention a des degrés ; elle est plus ou moins forte et immédiatement évidente. Sous sa forme la plus complète, l’analogie est une représentation. Mais la valeur iconique de la représentation prend en général une forme plus schématique ou même abstraite. 4 5 Entrée olaka, détour, équivoque. Abinal et Malzac, 2000. Entrée olana, torsion. Ibid. 44 45 Moins la motivation est forte, plus contraignante doit être la convention et, à la limite, elle peut seule assurer le fonctionnement du signe dans lequel il n’y a plus aucune relation sensible entre le signifiant et le signifié. Le signe est dit alors immotivé et arbitraire. Pour l’essentiel, la langue se construit sur un stock de signes arbitraires. De même, la métaphore est très florissante dans la langue populaire, mais le champ métaphorique n’y est pas le même que dans la langue littéraire. Les deux grandes sources de l’enrichissement lexical sont, d’un côté, la langue populaire, de l’autre, les langues de spécialités. Quand le terme est intégré à la langue commune, la motivation peut s’effacer, sans que cesse pourtant d’être vivant le modèle qui l’a créé et qui continue à produire d’autres signes. Dans la pratique, nombreux sont les systèmes, où un signifiant peut référer à plusieurs signifiés et où chaque signifié peut s’exprimer au moyen de plusieurs signifiants. C’est le cas des codes poétiques dans lesquels la convention est faible, la fonction iconique développée et le signe ouvert. Il est temps de voir, comment, en fonction du sens à transmettre, se fait l’organisation formelle du lexique. A l’inverse, le sens, distribué à travers ces unités lexicales, connaît ses propres lois de structuration. 1.2.3. L’analyse sémantique Le mot, au sens de lexème, est l’unité fondamentale de la syntaxe et de la sémantique. Le mot est un signe à deux composantes, que nous appellerons forme et sens. Dans l’antiquité, SOCRATE et par la suite, PLATON ont formulé le rapport entre les mots et « les choses » auxquelles ils référaient, qu’ils signifiaient. Selon eux, la relation sémantique qui relie les mots aux « choses » est celle de nommer : la forme d’un mot signifiait des « choses » par l’intermédiaire du concept associé à cette forme dans l’esprit des sujets parlants ; ainsi, ce qui constitue la signification du mot est ce concept (Lyons, J. 1970 : p. 31O). 45 46 1.2.3.1. La référence Il est utile d’introduire ici le terme « référé » pour désigner les choses en tant qu’objets nommés ou signifiés, par les mots. Nous dirons que la relation qui relie les mots et les choses (leurs référés) est celle de la référence ; et que les mots réfèrent aux choses (plutôt qu’ils ne les signifient ou ne les nomment). Dans un énoncé, tout concourt à la signification : les sons et leurs variantes, l’intonation, les formes syntaxiques, l’enchaînement du discours. Mais selon B. POTTIER et A. J. GREIMAS, il faut déterminer ce qui est élément constant de sens et ce qui est élément variable selon les occurrences de discours. Ce peut être un mot, comme reny, mère ou un syntagme lexical, tel que renitohatra, échelle. A la limite, le sens global de l’énoncé est conçu comme résultant de l’addition de ces significations partielles, qui permettent d’établir le niveau sémantique du contenu ou isotopie du discours, qui sont examinés comme des éléments immanents, des paradigmes de sens. En réalité, la correspondance entre énoncé et sens est beaucoup plus complexe et médiatisée, mais il est vrai que le lien au « monde » (objets, notions, événements) passe par les unités lexicales, par un mécanisme qui associe le signe ou groupe de signes, à une réalité extralinguistique. Cette relation entre le signe et ce qu’il désigne constitue sa référence. La référence ne se confond pas avec le signifié : par exemple, raokemba, femme âgée , somondrara, jeune fille, sont deux expressions ayant la même référence, vehivavy, femme, mais distinctes par leurs emplois, leur valeur socio-linguistique. La référence est plus directement sensible dans certains mots dont la fonction est essentiellement spécifique, comme dans les domaines des sciences et techniques : par exemple, fanabeazana aizana, planing familial ; fimailo, condom. Pour d’autres signes, la référence est davantage marquée par des signifiés contextuels; dans ce cas, la référence ne peut pas s’étudier par rapport au mot, mais par rapport à 46 47 l’une de ses « acceptions » : renivola, le capital ; renim-pianakaviana, mère de famille ; renim-panalahidy, serrure . L’unité porteur de sens n’est pas le signe isolé mais le signe à l’intérieur du système. Tout signe appartient à un ensemble ou à plusieurs par rapport auquel se détermine sa valeur exacte. L’ensemble de ces termes, substituables à un même point de l’énoncé et présentant à la fois des ressemblances et des différences de sens, constitue un paradigme sémantique. Les relations entre signes sont générales et complexes ; mais il faut signaler les cas, tels que l’hyperonyme (des termes spécifiques vers les termes génériques), par exemple : ny voninkazo, les fleurs et l’hyponyme (la liaison entre un terme générique et les termes spécifiques correspondants), par exemple : ny raozy, la rose par rapport à fleur. Ces remarques autour de la valeur ont montré que les rapports entre éléments de la langue ne sont pas assimilables à des liens logiques : synonymie, antonymie, etc., qui sont constamment traversées par des effets de sens, des contraintes de discours. Tout ceci s’explique par la fondamentale polysémie des mots : ceux-ci ont plusieurs sens et peuvent entrer dans des contextes variés ; d’autres mots tendent à la monosémie. Mais les mots les plus courants ont au contraire une multitude de sens : soit qu’ils appartiennent à plusieurs champs sémantiques, soit qu’ils aient une élasticité comme le verbe manao, faire. La sémantique concerne la signification et ses variations : nous lui emprunterons les concepts de dénotation, connotation, monosémie, polysémie, hyperonymie et hyponymie. 1.2.3.2. Dénotation et connotation Le linguiste danois HJELMSLEV a le premier introduit la distinction entre la dénotation et la connotation ; l’analyse a été reprise par R. BARTHES, qui en a généralisé l’usage. 47 48 La dénotation est le rapport normal entre signifiant et signifié, entre ce que HJELMSLEV appelle « le plan de l’expression et le plan du contenu ». P. GUIRAUD dit qu’il est « constitué par le signifié conçu objectivement et en tant que tel » (Guiraud, P. 1977 : pp. 35-36). Les connotations expriment des valeurs subjectives attachées au signe du fait de sa forme et de sa fonction. Il y a connotation lorsque la signification elle-même prend, à un niveau supérieur, un autre sens ; la relation signifiant-signifié devient elle-même le signifiant d’un signifié supplémentaire ; on a le schéma : Connotation Niveau 2 Niveau 1 Signifiant Signifiant Signifié Signifié Dénotation Dans tous les cas où la manière de s’exprimer au niveau 1 produit une signification supplémentaire, en quelque sorte parasite (niveau 2), HJELMSLEV parle de langue « connotative », en ce sens qu’elle permet de produire, en plus du sens « dénoté », un sens « connoté ». Un mot argotique, poétique, scientifique, etc. connote le signifié qu’il exprime ; de même un hypocoristique, une construction affective. Un uniforme dénote pour une association féminine, un groupe, le mouvement et sa fonction ; il connote la participation, l’engagement et l’autorité qui leur sont attachés. Se référant à l’ouvrage linguistique de J. DUBOIS, sous l’entrée de « dénotation », nous pouvons observer la définition suivante : « … la dénotation est l’élément stable, non subjectif et analysable hors du discours, de la signification d’une unité lexicale » (Dubois, 1973). Toujours selon l’ouvrage ci-dessus, « la connotation est constituée par ces éléments subjectifs ou variables selon les contextes. ». La notion de connotation bénéficie d’une étude privilégiée en sémiotique textuelle. 48 49 Elle permet la lecture plurielle d’un texte. R. BARTHES, dans l’introduction de S / Z, signale qu’ « interpréter un texte, ce n’est pas lui donner un sens, c’est au contraire apprécier de quel pluriel il est fait » (Barthes, R. : 1970, p. 11). Dénotation et connotation constituent deux modes fondamentaux et opposés de la signification ; et bien qu’elles se combinent dans la plupart des messages, on peut distinguer ces derniers selon qu’ils sont à dominante dénotative ou connotative : les sciences appartiennent au premier type, les arts au second. Selon BARTHES, un système connoté est un système dont le plan d’expression est constitué lui-même par un système de signification ; les signifiants de connotations, que l’on appellera des connotateurs, sont constitués par des signes (signifiants et signifiés réunis) du système dénoté. Quant au signifié de connotations, il a un caractère à la fois général, global et diffus : c’est un fragment d’idéologie ; ces signifiés communiquent étroitement avec la culture, le savoir, l’histoire (Barthes, R. 1964 : p. 131). On peut représenter aussi un sens lexical comme étant un ensemble structuré d’autres sens lexicaux. C’est ainsi qu’il faut préciser que lorsqu’un sens est inclus dans un autre, nous dirons qu’il en est une composante. Il est aussi de ce fait une composante de la définition de la lexie correspondante, par exemple, njarahy est une composante de la définition de vehivavy. (cf hypéronymie et hyponymie). 1.2.3.3. Hyperonymie et hyponymie Si on considère les sens lexicaux comme des ensembles, quatre types de relations sémantiques-lexicales peuvent logiquement exister : Identité de sens, par exemple : somondrara, jeune fille = vehivavy, femmes ; 49 50 Intersection de sens, par exemple entre somondrara, jeune fille et njarahy vieille femme, l’intersection ( ∩ ) est vehivavy, femmes ; Inclusion de sens, par exemple, rasazy, sage femme ⊂ (inclus dans) vehivavy, femme ; Disjonction de sens, entre raokemba, vieille femme et nofy, rêve, ∅ aucune liaison de sens. Le but de cette première section est avant tout de démontrer qu’il est pertinent de considérer qu’un sens contient d’autres sens. En fait, l’inclusion, l’identité de sens, etc. sont les relations sémantiques sur lesquelles se fondent de façon directe ou indirecte toutes les autres relations sémantiques fondamentales. Chaque lexie se positionne dans le réseau lexical de la langue en fonction de ces relations. On dit que la lexie L1 est un hyperonyme de la lexie L2 si son sens est inclus dans le sens de L2 et si L2 peut être considérée comme un cas particulier de L1. La lexie L2, quant à elle, est appelée hyponyme de L1. Il est intéressant de remarquer que si L2 est un hyponyme de L1, l’ensemble des référents possibles de L2 est inclus dans celui des référents possibles de L1 en contrepartie, le sens de L1 est lui, inclus dans celui de L2. La relation d’hyperonymie-hyponymie est transitive et permet donc de construire une hiérarchie sémantique des lexies. En général, on ne lie pas les relations d’hyperonymie et d’hyponymie qu’avec des lexies appartenant à la même partie du discours (Lyons, J. op. cit. p.310). Enfin, le vocabulaire de toute langue comporte un certain nombre de susceptible systèmes d’être lexicaux, décrite en dont la fonction structure de sémantique rapports de est sens paradigmatiques et syntagmatiques ; ce sont là des rapports entre des unités lexicales et non pas entre les sens indépendamment déterminés de celle-ci. 50 51 Cette dernière constatation est d’une importance capitale sur le plan théorique et méthodologique. C’est ce que Saussure a développé, tout en insistant que tout élément linguistique a sa place dans un système où tout se tient, sa fonction, sa valeur, provenant des rapports qui le lient aux autres éléments du système. Maintenant, nous allons considérer les approches sociolinguistiques, entre autre l’approche variationniste et celle de l’ interactionniste. 51 52 CHAPITRE 3 1.3. LES APPROCHES SOCIOLINGUISTIQUES A travers cette étude, nous découvrirons différentes approches menées par J. FISHMAN, W. LABOV, HYMES, J. GUMPERZ et d’autres. 1.3.1. Origine et tendance C’est depuis plus d’une trentaine d’années, plus exactement vers 1964, que la délimitation rigoureuse entre l’ethnolinguistique, la sociolinguistique, la sociologie du langage et la linguistique sociale va se préciser. Ces différents courants mettent l’accent sur un thème unificateur : le langage, où on trouve côte à côte les noms de W. LABOV, de GOFFMAN, BERNSTEIN, HYMES et GUMPERZ. Mais c’est sans doute dans les travaux de J. FISHMAN que l’on se rapproche le plus de la définition des différents codes linguistiques dans les champs d’activités variés de la vie sociale. Le code : langue, registre, variété de langue, ou une quelconque façon de parler stabilisée et reproductible, qui est choisi, vaut alors par son association fonctionnelle stable à différentes catégories et finalités sociales. J. FISHMAN se propose d’appeler « sociologie du langage ou sociolinguistique », l’activité tendant à découvrir, à travers les données linguistiques, des faits non-linguistiques relevant des sciences humaines et de faire de la linguistique sociale un champ particulier de la sociolinguistique. Il étudie dans des situations souvent multilingues les problèmes ayant trait à la standardisation linguistique, au maintien des langues minoritaires, à la liaison entre le développement économique et social, d’une part, la politique langagière, de l’autre. C’est dans la perspective de l’élucidation de ces associations fonctionnelles que FISHMAN, après avoir insisté sur la constance de la variation linguistique, définit l’objet de la sociologie du langage ou 52 53 sociolinguistique, lorsqu’il pose la question : « Qui parle, quelle variété de langue, à propos de quoi, avec quels interlocuteurs et quand ». Puis il les différencie en assignant à la sociolinguistique la tâche de « découvrir quelles lois ou normes sociales déterminent le comportement dans les communautés linguistiques défini par rapport à la linguistique ellemême » (J. Fishman, J. 1971 : pp. 18-19). A tout cela, la sociologie du langage ajouterait l’effort pour déterminer quelle valeur symbolique ont les variétés linguistiques pour leurs usagers. Ainsi, il délimite un autre niveau, celui des actes de parole, des rôles et des situations. La situation forme le maillon intermédiaire qui réunit les participants, et voit se dérouler leur discours - ce qui la rattache à la microsociolinguistique-, mais elle participe également, par des règles de conduite qu’elle impose, à une réalité sociale plus vaste- qui l’intègre à la macrosociolinguistique. FISHMAN groupe les situations en domaines, par exemple, les écoles, le travail, la famille, etc., qui dictent chacun leurs normes et leurs langues. FISHMAN propose ainsi une construction des domaines d’analyse qui va, en quelque sorte, de haut en bas ; dans un mouvement descendant, il passe du général au particulier, de l’évolution de toute une communauté linguistique à l’acte de langage individuel. Le but de la sociolinguistique indique qu’elle doit rendre compte des « conduites » linguistiques en tant qu’activités sociales, c’est-à-dire des groupes sociaux en locuteurs collectifs au sein d’une communauté linguistique ; mais la sociolinguistique se propose surtout de partir de la parole et, avec elle, du sujet parlant. Ce sujet est inscrit dans un contexte social, celui dans lequel il vit et parle. La sociolinguistique est la linguistique de la parole. 53 54 1.3.2. La sociolinguistique variationniste Si les linguistes, de SAUSSURE à CHOMSKY, ont volontairement écarté de leurs descriptions les variations linguistiques, c’est qu’il leur a semblé qu’un certain degré d’idéalisation des données était nécessaire dans l’état actuel de la théorie linguistique. Mais sans entrer dans une discussion de la validité ou non d’une telle démarche méthodologique, il faut admettre que la réalité est tout autre. Aux différentes variables sociales : l’âge, le sexe, la profession, l’origine géographique…correspondent des variations linguistiques régulières. Il est possible de dégager un système de co-variations entre les différents groupes dont la société est composée et les différentes variétés de langue : l’hétérogénéité linguistique renvoie à l’hétérogénéité sociale. Une attitude s’avère ainsi importante pour décrire les différentes variétés coexistant au sein d’une communauté linguistique, ainsi que les rapports de force que ces variétés entretiennent entre elles. La sociolinguistique, dès son apparition est étroitement liée aux actes de langage ou la logique des conversations. W. LABOV, dès ses premiers travaux, rend compte de la langue d’une communauté linguistique à travers l’étude de la structure des variations qui s’y retrouvent. MARCELLESI et GARDIN résument ainsi la vision qui sous-tend le projet labovien : « l’ensemble des performances d’une communauté linguistique constitue deux dimensions : sociale et stylistique : (…) les réalisations linguistiques des variables sont correliées (…) avec la position sociale de ceux qui parlent et avec les conditions de production des discours qu’ils tiennent » (Marcellesi et Gardin, 1974 : p.144). Aujourd’hui, on qualifie l’approche labovienne de linguistique variationniste, mais les liens qui existent entre la variation linguistique et la diversité sociale doivent être précisés, parce que pourquoi ne pas parler de sociolinguistique variationniste plutôt que de linguistique variationniste ? En décrivant le modèle de LABOV, LAKS propose une réponse : « Trois concepts clés forment le soubassement théorique de cette conception (…) : le changement linguistique, l’hétérogénéité des 54 55 pratiques linguistiques et corrélativement des grammaires qui les modélisent, l’existence d’une variation réglée et contrainte par le système linguistique lui-même (la variation inhérente) » (Laks 1992 : p.35). On remarquera que ces trois concepts proposent une caractérisation théorique minimale de la langue. En d’autres termes, la variation sociale, et pour LABOV aussi, la sociolinguistique, au sens étroit de description de cette variation sociale, n’est qu’une partie de la linguistique variationniste. • La communauté linguistique Cette nouvelle méthode ne prend pas comme point de départ un code (langue ou dialecte), mais ce que HYMES appelle une communauté linguistique, « speech community » : un groupe de sujets parlant qui possèdent en commun des ressources verbales et des règles de communication. Rejetant la fameuse équation de WHORF selon laquelle il existe une correspondance exacte entre la langue et la culture, HYMES insiste sur le fait que l’inventaire des pratiques de communication d’un groupe socio-culturel peut inclure plusieurs langues et plusieurs dialectes, ainsi que des éléments de comportement non-verbal. Etre membre d’une communauté linguistique, c’est communiquer avec un certain nombre d’individus et parler une langue commune à une partie de cette communauté. Les communautés linguistiques ne poseraient aucun problème d’identification, elles coïncideraient avec des groupements humains géographiquement et / ou socialement définis par l’usage commun d’une langue. Par ailleurs, le premier classement des variétés synchroniques au sein d’une communauté linguistique fut élaboré par FISHMAN et N. DITTMAR 6. Ils étudièrent des types régionaux de parlers communs ou dialectes. Puis des volumes d’ouvrages clefs étaient publiés par BOAS, MEILLET, BERNSTEIN, GUMPERZ, HYMES et d’autres. Ces ouvrages 6 Dittmar, N., 1976: Sociolinguistics: a critical survey of theory and application. Arnold, Great Britain, p.128. 55 56 embrassaient des perspectives à la fois anthropologiques, linguistiques et sociologiques. La préoccupation centrale de cette discipline est la diversité linguistique ; sa tâche essentielle est d’effectuer une description systématique de la covariance entre structure linguistique et structure sociale, donc le langage est considéré comme une activité socialement localisé, et dont l’étude se mène sur le terrain. Mais ce travail soulève des problèmes plus complexes qu’il n’y paraît. Tout d’abord, dans une même aire géographique, peuvent coexister plusieurs dialectes ou parlers, ou même plusieurs langues correspondant à des groupes ethniques différents. D’autre part, dans la plupart des cas, il n’existe pas de frontières nettes entre les parlers. Le passage d’un parler à un autre se fait de façon insensible. La distribution des parlers régionaux n’est pas simplement fonction de la distance géographique mais plutôt de facteurs sociaux, culturels ou religieux. Les parlers ne représentent pas seulement des éléments géographiques mais symbolisent aussi des valeurs sociales. Un autre point important est à souligner dans les objectifs de la sociolinguistique appliquée : contribuer au développement de la sociolinguistique théorique et aider à résoudre des problèmes sociaux où se trouve directement impliqué le langage 7. Il convient d’établir une interrelation entre « planification du changement social et planification du changement linguistique », ce qui peut signifier : « développer des variétés linguistiques de façon à les rendre opérationnelles dans des environnements nouveaux, dans des relations de rôles nouvelles… » (Ibid.) C’est pour cette raison que tous les chercheurs qui se disent sociolinguistes, tels que LABOV, HYMES, FISHMAN, GUMPERZ ou R. SHUY, sont profondément marqués d’un libéralisme humaniste qui leur fait proclamer dans leurs recherches mêmes une attitude qui se veut progressiste. Dans l’article intitulé The Scope of Sociolinguistics, HYMES déclare : « Si la linguistique doit contribuer, comme elle pourrait le faire, au 7 Fishman, J., 1970: in a Brief Introduction. 56 57 dépassement des nombreuses inégalités de langage et de capacité qui existent aujourd’hui, il faut qu’elle soit en mesure d’analyser ces inégalités. En particulier, une linguistique pratique, ayant ce but, se doit d’examiner non seulement les outils linguistiques et les types de communautés linguistiques, mais aussi les individus et la structure sociale » (Hymes, 1974 : p.204). Il développe ce point de vue humaniste en précisant que « pour que la linguistique puisse faire ce qu’elle peut pour le bien-être de l’humanité, il lui faut aller de l’avant et considérer les communautés linguistiques non seulement sous l’angle des règles de langage mais aussi sous l’angle des relations de pouvoir, oppressives ou non, qui se manifestent dans le rapport entre capacités individuelles et occasions de s’en servir» (Ibid., p.205). Ainsi consciente au plus haut point de la tâche assignée par les premiers tenants de ce courant, nous avons aussi décidé de nous engager dans cette direction. C’est pour cela que nous avons décidé de remettre en cause la relation homme et femme au sein d’une communauté linguistique et le rapport qu’ils entretiennent individuellement et socialement avec le langage qu’ils mettent en oeuvre. C’est aussi la raison pour laquelle, nous nous sommes demandé, par exemple, si les femmes vivant une relation d’inégalité sociale dans notre zone de recherche utilisent le même langage que les hommes, car il est évident que la radio,- installée dans chaque foyer, y introduisant quotidiennement le malgache officiel ou le parler régional,- les écoles, les services sociaux et les associations se sont développés, accroissant les contacts sociaux. Pourtant, les différences linguistiques peuvent persister et se creuser. Donc, il est nécessaire, selon notre opinion, de faire certaines recherches entre la structure sociale, l’usage du langage et le comportement qui en découle. Mais revenons aux chercheurs américains et danois qui, ayant axé leurs investigations sur les préoccupations sociales et humanistes qui constituent la base de leur thématique idéologique, n’ont pas négligé de puiser de nouvelles sources d’inspiration dans divers domaines, tels que la communication verbale. 57 58 • Les variétés et les registres de langue Les travaux de LABOV sur la stratification sociolinguistique appellent une autre remarque : quel que soit le niveau socio-culturel, tous les locuteurs d’une communauté possèdent plusieurs variétés ou registres de langue. Personne ne s’adresse de la même façon à sa femme, son employeur ou son médecin. Le choix d’une variété indique les droits et les devoirs des interlocuteurs entre eux. Chaque institution, famille, justice, administration exige la compétence d’un registre particulier et cette compétence dépend de la formation reçue par l’individu parlant. C’est ce que HYMES appelle compétence de communication, qui fait pendant à la notion de compétence linguistique développée par CHOMSKY : « pour communiquer, il ne suffit pas de connaître la langue, le système linguistique ; il faut également savoir comment s’en servir en fonction du contexte social » (Hymes, 1973 : p.118). En effet, on ne parle pas de la même façon à divers interlocuteurs, dans divers endroits, ou selon les diverses intentions que l’on peut avoir. Sans la connaissance des règles sociolinguistiques qui gouvernent le choix des structures linguistiques par rapport aux structures sociales, la connaissance de la langue reste entièrement abstraite, détachée de la réalité. GUMPERZ et HYMES ont donc entrepris dans une démarche typiquement ethnographique, l’observation des faits de langage dans leur contexte naturel. Ainsi, D. HYMES et J. GUMPERZ, issus directement de l’anthropologie anglo-saxonne, ont pris comme point de départ la situation de communication ; ils s’efforcent de traiter non pas le code linguistique, mais l’activité de langage. C’est dire qu’ils ont des rapports plus étroits avec la théorie des actes de parole qu’avec la linguistique structurale et surtout générative. La sociolinguistique interactionniste Dans l’introduction d’un ouvrage intitulé « Directions Sociolinguistics, the Ethnography of Communication », in Gumperz indique le fil conducteur de la nouvelle sociolinguistique : une approche interactionnelle du comportement verbal, qui consiste à se 58 59 centrer sur la dynamique des échanges verbaux. Gumperz et Hymes soulignent le fait que, dans une situation de communication, les participants ont le choix entre diverses façons de parler et que leur choix se fait en fonction du contexte. Le langage s’adapte constamment aux dimensions sociales de la situation, aux participants, au but de la conversation, au déroulement de l’action. Les choix linguistiques se font aussi en fonction des présupposés culturels et de l’expérience personnelle des participants. 1.3.3. Les relations interpersonnelles Il y a une multitude de parlers et le choix que l’on effectue, a un sens social qui se trouve transmis aux auditeurs. Ces derniers vont à leur tour opérer un choix dans leur inventaire linguistique en fonction, entre autres choses, de leurs rapports interpersonnels. Dans cette direction, le chercheur doit donc s’intéresser aux phénomènes d’interaction sociale, à l’instar de la sociolinguistique interactionniste. Il doit se concentrer sur « la compétence de communication » et la nature des règles sociolinguistiques qui gouvernent nos façons de parler. Par rapport au courant français, le courant américain s’attache nettement plus au caractère mouvant de la production verbale, c’est-àdire qu’en plus de l’aspect dynamique de la communication mis en relief par l’emploi de la notion d’actes de parole, HYMES et GUMPERZ étudient le sens contextuel des expressions verbales. D’après HYMES et GUMPERZ, c’est la notion d’acte de parole, unité minimale de l’analyse, que l’on doit utiliser comme point de départ dans l’analyse. L’acte de parole tend à désigner des types de comportement dont la fonction est évidente, comme les salutations, les insultes, etc. Ils précisent que le processus d’échange linguistique est centré sur le locuteur. Pour en rendre compte, ils construisent un modèle qui énumère les deux phases de ce procès : 59 60 - Dans un premier temps, le locuteur perçoit des indices et les transforme en stratégies de comportements appropriés (Gumperz, 1971 : p. 291). - Dans un second temps, les stratégies de comportement issues de la première phase sont à leur tour transformées en symboles verbaux appropriés (Ibid.). Dans leur analyse, ils mettent en évidence le niveau de nonconscience propre aux productions linguistiques. Les conversations qu’ils analysent leur montre à quel point les comportements linguistiques sont liés aux phénomènes de relations interpersonnelles. Il s’avère que l’utilisation de la langue standard, par exemple, dans des moments d’intimité est l’indice d’une attitude de distance vis-à-vis des valeurs communes. Il s’avère également que le passage de la langue régionale à la langue standard se fait à un niveau qui n’est pas celui de l’intention des locuteurs. Et c’est dans cette perspective que Gumperz déduit la possibilité d’étudier un niveau spécifique de l’utilisation du langage qui apparaît dans les relations face à face. Il s’achemine donc vers une sociolinguistique interpersonnelle, pour laquelle il va développer peu à peu des méthodes d’analyses minutieuses . 1.3.4. L’analyse interprétative Ayant fortement interactions sociales, mécanismes de la conscience GUMPERZ dynamique va du caractère s’appliquer conversationnelle à mouvant des découvrir les et surtout de l’interprétation du message. La compréhension du monde ne dépend pas seulement de l’existence de structures rationnelles ; elle passe aussi par l’interprétation de la réalité que font les acteurs sociaux, qui jouent un rôle actif dans la construction du monde. De même, la compréhension d’un message passe nécessairement par l’interprétation que fait l’auditeur des structures verbales dont s’est servi l’émetteur. Or cette interprétation dépend en 60 61 grande partie des circonstances immédiates de la situation, ainsi que d’une foule de présupposés de nature individuelle ou socio-culturelle. GUMPERZ signale que les règles sociales qui gouvernent la communication ne sont pas fixes : elles changent au gré des circonstances (Gumperz, 1972). C’est seulement en présence d’un auditeur en fonction de ses réactions qu’un sujet parlant décide d’utiliser telle ou telle forme de langage pour lui faire comprendre ses intentions. Les règles doivent aussi s’adapter aux circonstances historiques de la situation : s’il s’agit d’un premier entretien avec quelqu’un que l’on ne connaît pas, ou au contraire d’une conversation intime avec une personne proche. Dans le premier cas, il faudra mesurer l’étendue des connaissances en commun, des présupposés culturels et individuels qui pourraient faire obstacle à la compréhension ou à l’acceptation du message. Dans le second cas, il faudra au contraire procéder à un certain nombre d’ellipses et de sous-entendus, tout en étant prêt à les rectifier si l’auditeur trouve le message par trop difficile malgré une grande partie d’expérience en commun. Mais c’est dans la conversation ordinaire que le caractère changeant des relations interpersonnelles se manifeste le plus (Gumperz, 1976). Dans ce cas, il convient d’adopter une perspective résolument interactionniste et de considérer ce type de discours comme le résultat de stratégies qui se font et se défont à mesure que se déroule l’interaction. GUMPERZ déclare que « l’analyse de ce phénomène nonstatique exige des méthodes différents et peut-être plus indirectes pour l’étude du sens : il faut le considérer comme le résultat d’une dynamique des énoncés et des réponses tels qu’ils se produisent dans la conversation » (Gumperz, 1977 : p. 191). Imitant la conception ethnométhodologique selon laquelle une conversation est une entreprise collective qui se trouve soumise à des contraintes de nature socio-culturelle, Gumperz a démontré que la conversation ordinaire a sa propre structure et sa propre dynamique. Les rapports qui existent entre cette dynamique et les présupposés socioculturels produisent le véritable sens du message. C’est ainsi que la 61 62 même expression n’a pas forcément le même sens au milieu et à la fin d’une conversation, et que seule une personne ayant le bagage socioculturel nécessaire saura décoder le message. Prenons l’exemple de l’expression : eo ty aminao è ! : traduction littérale : là, où vous êtes !, qui sert à clore une conversation ou notamment une visite. Un étranger qui ne connaît pas cette expression pourrait interpréter le message verbal d’une façon erronée. Mais celui qui a l’habitude de l’utiliser sait bien que le locuteur qui emploie l’expression est sur le point de partir, c’est en quelque sorte un au revoir. C’est GUMPERZ ce se phénomène propose d’inférence d’examiner en conversationnelle utilisant non que seulement l’ethnométhodologie, mais aussi certaines idées de GRICE et de AUSTIN. A cet effet, GUMPERZ suggère que l’on se serve de la notion de « contextualisation », qu’il définit de la façon suivante : « c’est le procédé par lequel nous évaluons le sens du message et les structures séquentielles de la conversation par rapport à certains aspects de la structure superficielle du message, que nous appellerons indices de contextualisation » (contextualisation cues, en anglais) (Gumperz, 1977 : p. 199). Il souligne aussi la présence des indices qui permettent de mesurer ce qu’on peut appeler la synchronie interactionnelle. Les mouvements du locuteur et les réponses de l’auditeur sont synchronisés, de manière à suivre une sorte de rythme, expérimentalement observable (un signe de la tête, un mouvement oculaire, un geste de la main, etc.). Il y a aussi des phases d’asynchronie lorsque la conversation se passe entre des locuteurs d’origines socio-culturelles nettement différenciées, (rires à contretemps, faux départs dans les échanges linguistiques, etc.). Ce décalage initial pourrait se limiter aux premières prises de contact. Chacun semble d’ailleurs pouvoir repérer au cours de la conversation, les moments de synchronie et ceux au cours desquels elle ne s’établit pas, et d’en délimiter les bornes. L’origine de ce décalage tient aux différences entre les normes d’interaction de chacun des deux participants. Tout leur échange serait 62 63 marqué par cette incompréhension qui s’exprime tout aussi bien par les structures intonatives ou grammaticales que par les éléments paralinguistiques. Enfin, soulignons que l’objectif des sociolinguistes variationnistes et interactionnistes est de déterminer des théories interdisciplinaires qui se veulent à la fois synchroniques et diachroniques. Alors que la sociolinguistique prend en ces formes, du caractère social de la production du sens, l’analyse du discours interpelle les disciplines interprétatives, afin qu’elles prennent au sérieux la dimension formelle du langage, qui contraint et limite constructivement les productions du sens. 63 64 CONCLUSION Cette première partie répond à nos préoccupations et à nos besoins qui ont le souci et l’intention de bien déterminer les démarches théoriques avant de s’engager dans les pratiques. Pour cela, nous avons essayé de synthétiser des fondements théoriques divers, mais qui se complètent et s’éclairent réciproquement. Dans tous les cas, c’est le problème de notre rapport au langage qui se trouve posé. Pour nous, ce qui compte surtout, c’est de proposer un état suffisamment cohérent de la théorie pour pouvoir donner lieu à des applications dans les différentes parties qui suivent. Ainsi cette première partie présente une double utilité : − Elle constitue une sorte d’introduction aux travaux à réaliser. − On peut y revenir comme à un aide-mémoire, qu’on développera davantage au fur et à mesure que s’effectueront les nombreuses études partielles au niveau de la recherche. Cela étant, nous n’hésiterons donc pas de passer aux parties pratiques. 64 65 DEUXIEME PARTIE LE POUVOIR DE LA LANGUE 65 66 INTRODUCTION Cette deuxième partie sera essentiellement axée sur le problème du pouvoir linguistique qui constitue un élément clé pour asseoir le pouvoir politique d’un pays quelconque ; le soulever, c’est se poser des questions sur la distribution du pouvoir au sein de la société et l’emprise de celui-ci sur le développement social, politique et culturel. Ainsi, l’importance de ce travail s’articule autour de trois chapitres : Le chapitre 1 détermine l’environnement et le statut de la femme tuléaroise, afin de mieux comprendre leurs comportements par rapport à la langue et les effets que ceux-ci produisent sur la société. Le chapitre 2 étudie les différents niveaux d’analyse linguistique qui soulignent les différentes manières avec lesquelles on s’adresse aux femmes : comment celles-ci évoquent le glissement du pouvoir matrimonial vers celui du patriarcat. Le chapitre 3 présente les raisons pour lesquelles les femmes ont perdu le droit de parler en public. 66 67 CHAPITRE I 2.1. LE STATUT DE LA FEMME PAR RAPPORT A L’HISTOIRE Avant de déterminer la langue qu’on utilise dans la zone de recherche, nous allons d’abord parler des différentes communautés linguistiques dans cette zone. Ce chapitre nous permettra alors de définir la population de Toliara et ses origines, son environnement économique et social. Puis nous essaierons de situer la place et le rôle des femmes du Sud-ouest par rapport aux différentes sociétés successives malgaches, telles que la société traditionnelle dominée par le système matriarcal suivi du patriarcat et la société du temps moderne du 19è et 20è siècles. A la fin, pour illustrer la situation sociale des femmes en question, nous apporterons quelques chiffres qui méritent réflexion. 2.1.1. La population tuléaroise et ses origines Zanahary, le Créateur, grâce à sa générosité intarissable, nous offre un environnement très riche : les êtres humains, tout ce qui les entoure et les concerne. Les végétaux, les animaux, les faunes et les flores marines et terrestres, le sol, le sous-sol, les énergies diverses, l’air, la lumière, l’oxygène, la pluie, l’eau, etc., tout cela existe à Toliara, dans le monde matériel, autour de nous, et conditionne notre vie et notre culture. Grâce à notre intervention intelligente, nous créons notre civilisation, nous avons le pouvoir de la transformer et, parfois, la détruire. Nous sommes à la fois bénéficiaires et seuls maîtres de notre environnement. Pour cette raison, une étude à part est nécessaire pour comprendre la structure sociologique de notre milieu : les 200.000 habitants environ qui composent la population actuelle de la ville de 67 68 Toliara, constituent un ensemble hétérogène de groupes humains et d’activités économiques. Grande richesse et grande pauvreté matérielles se côtoient. Ville en pleine extension urbaine, elle donne l’impression que c’est la campagne et le style rural qui s’imposent à elle. C’est ce phénomène du « monde rural qui vient s’installer en ville », qui la démarque des autres villes et qui inspire bon nombre de chercheurs, dont nous faisons partie. B. KOTO affirme que : « L’installation des ancêtres des premiers habitants remonte très probablement aux XVI-XVIIè siècles. Ils sont constitués de Masikoro, de Vezo et de quelques descendants de groupes Vazimba plus anciens. Vezo et Masikoro dispersés dans l’ensemble du Sud-Ouest (les premiers de Lavanono à Morondava, les seconds entre les fleuves Fiherenana et Mangoky), forment les noyaux les plus importants des habitants de la ville de Toliara. Ils constituent moins de 20 % de la population urbaine actuelle, tandis que 82 % de la population sont composés d’immigrants dont 62 % se sont installés en ville depuis 1980 seulement. Les groupes arrivés avant cette date étaient des Merina, des Betsileo, des Tanôsy, des Indopakistanais » (KOTO, B. 1995 : p.26). Ces diverses ethnies ont bougé sans cesse au cours des siècles. Un mouvement de migration, plus ou moins intense, s’est effectué du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, des plateaux du Centre aux côtes ou inversement. Des raisons économiques pour les uns, des problèmes sociaux pour les autres, ont déterminé et déterminent encore actuellement ces déplacements. Ce phénomène de migrations intérieures a provoqué et provoque encore naturellement un brassage des diverses ethnies et une interpénétration des moeurs et des coutumes, lesquelles tendent ainsi à une certaine uniformité. Du point de vue économique, les Indopakistanais monopolisent les grands alimentaires, réseaux de collectes commerce de (tissus, produits), tandis quincailleries, que certains denrées Merina occupent des postes administratifs ou bien exercent une activité commerciale de transport et hôtelière. Les Betsileo et Tanôsy pratiquent 68 69 la riziculture près des grands fleuves. D’importantes minorités des originaires gardent le petit commerce de la rue et les petites épiceries, ainsi que des gargotes, ou d’autres activités informelles : mpanao kinanga, marchands ambulants. Les Mahafaly et Tandroy étaient faiblement représentés dans l’espace urbain et dans les environs immédiats de Toliara jusqu’à la fin des années 70. Mais à partir de 1980-1981, on a assisté à leur mouvement migratoire massif. Ils fuyaient les sécheresses meurtrières et répétées qui s’étaient abattues sur leur région d’origine. Les Tandroy se sont donné et continuent à se donner à l’activité de transports urbains : près de 4500 pousse-pousses circulent en ville Les Mahafaly et Tañalana, groupes de lignages très proches les uns des autres, se sont par contre installés dans les environs de Toliara surtout sur les bords de la R.N. 7, à la lisière de la forêt, et se sont dédiés au charbonnage ainsi qu’à la culture du maïs. Ainsi, la population est en croissance vertigineuse, ce qui suffit pour comprendre que la plupart des habitants actuels de la ville de Toliara appartient à des groupes récemment arrivés pour des raisons et dans des circonstances différentes. Toliara est dominé par un climat semi-aride. Les précipitations annuelles sont faibles. L’eau constitue le problème majeur de l’ensemble du pays, surtout dans l’Androy et la sécheresse qui sévit souvent, ayant comme corollaire la famine, plonge la région dans une profonde crise sociale et économique. Malgré la présence de l’eau sous des formes diverses, sources, rivières, lacs, étangs, puits ou vovo, celleci n’est pas satisfaisante, car les hommes, pour vivre n’ont pas seulement besoin d’eau à usage domestique, mais aussi de bonnes précipitations pour leurs cultures. La population urbaine représente 20 à 25 % de l’ensemble des populations du Sud. On comprend donc bien l’importance de la vie rurale ; d’autre part, la quasi-totalité de la vie économique dépend de 69 70 l’agriculture. Les performances économiques restent faibles. On constate un net progrès du développement humain qui, cependant, cache des disparités importantes entre milieu urbain et rural. 75 % de la population peuvent être considérés comme pauvres, dont une très grande majorité vit dans les zones rurales. Effectivement, le contact inévitable avec la modernité se passe parfois dans des conditions défavorables. Le faible niveau d’éducation et d’information harmonieusement des jeunes l’information ne et leur les permet pratiques pas d’intégrer véhiculées, sans distinction de publics, par les médias. De ces bouleversements, associés au manque de communication entre parents et enfants, résultent souvent une perte des valeurs traditionnelles positives, qui sont fortement concurrencées par les valeurs d’introduction plus récentes. L’analphabétisme est en hausse et concerne non seulement les adultes, hommes et femmes, mais également les enfants du groupe d’âges de 10-14 ans, dont environ 60 % sont analphabètes. Il faut donc s’attendre, dans les années à venir, à voir une importante partie des jeunes adultes rester en marge des circuits économiques, auxquels ils seront incapables de s’intégrer, faute d’aptitudes. Au vu de la situation économique et sociale ainsi décrite, des politiques et programmes régionaux, tant dans le domaine économique que social et environnemental sont mis en place. Dans ce contexte, notre contribution à la réalisation d’une réelle promotion de la femme se justifie. Ce rappel de l’environnement naturel est important, car celui-ci influe directement sur les comportements socio-économiques des groupes humains. En effet, la dynamique des différentes sociétés ethniques dépend des types d’activité de production ainsi que des types de relation que les hommes entretiennent avec le milieu naturel, la 70 71 nature des activités de production étant tributaire des femmes dans les comportements et les pratiques socio-économiques. Maintenant, il est temps de décrire la place et le rôle de la femme malgache en général. Ceux-ci seront étudiés à deux niveaux : d’abord à travers l’histoire, du temps traditionnel au moderne ; puis au niveau de la famille. Tout au long de l’analyse, les termes qui caractérisent le statut de la femme dans la dialectique historique de la société malgache sont écrits en italique. 2.1.2. La femme par rapport aux différentes sociétés successives A travers les mythes, il est possible de retrouver une image de la société. Les mythes sont des faits sociaux et culturels, plus que des documents sociologiques ou historiques. Assez nombreux sont les récits mythiques malgaches ayant trait à la femme. Dans les différentes ethnies, ces récits répètent, plus ou moins fidèlement, les mêmes thèmes, les mêmes motifs, concrétisant ainsi l’unité de la culture malgache. Les récits pourront légitimer l’état des choses en général et le statut des femmes en particulier, à une période considérée, à un moment voulu. Mais au fur et à mesure que les époques ont changé, la femme a perdu, dans le pouvoir patrimonial, d’une part, la place politique dont elle a pu jouir durant le pouvoir matrimonial et d’autre part, le droit à la parole. 2.1.2.1. Dans la société traditionnelle La place de l’oralité est très importante dans la société traditionnelle. D’après la légende, la femme serait d’origine divine. Les récits oraux présentent la femme comme un don de Dieu, un présent céleste. Celui-ci lui a donné la vie, ny aina, pour qu’elle puisse la transmettre à toutes les générations humaines. 71 72 • La femme, vadiben-Janahary Les différentes formes sociales du peuple malgache ne permettent pas réellement de situer d’une manière précise la place et le rôle de la femme dans la société traditionnelle. Toutefois, cette société dominée par le matriarcat valorise le rôle et l’image de la femme. Vadiben-Janahary, épouse de Dieu, selon les mythes, elle est génitrice et mère universelle du monde naturel et du genre humain. Ces mêmes mythes identifient le Ciel à Dieu, ou à son fils, tandis que la Terre est identifiée à la Femme : soit à la fille de Dieu, soit à son épouse. Reny, mère, vady, épouse , anaka ampela, fille, la femme jouit d’un droit illimité à la parole. Par son essence ou son origine divine, la femme est supposée posséder la qualité sacrée par excellence : ny Hasina, la vertu, qui la rend, soa, bonne et tsara, belle , différentes des autres mortels. On parle du caractère sacré du genre humain, ny hasin’ny olombelona, et du caractère sacré de la femme, ny hasin’ny vehivavy, mais on n’entend jamais parler du hasin’ny lehilahy. On dit toujours ampela soa, ou ampela fanjaka, jolie fille, mais jamais lehilahy tsara tarehy, littéralement beau garçon. Cependant, le mâle, particulièrement, porte en lui la force, ny herin-dehilahy, la virilité . L’union de la Femme avec Dieu a donné naissance au Soleil , ny masoandro, à la Lune, ny volana ou fanjava. C’est pourquoi nous attribuons toujours aux parents l’expression ny masoandro amam-bolana. A cette époque, la femme est sur un pied d’égalité avec l’homme par rapport au droit à la parole, parce que même si la femme ne porte pas en elle la force physique, qui est plutôt attribuée à l’homme, elle détient le privilège d’être mère , loharano nipoirana, source originelle. 72 73 • La femme, loharano nipoirana, source originelle Dans ces mythes, la fille de Dieu, andriambavilanitra, littéralement : princesse du ciel, représentation mentale de la femme, est toujours associée à l’origine du riz, de l’agriculture par excellence, miteraka, féconde, mamokatra, fertile et productive et, parce qu’elle a le pouvoir de donner à manger, elle détient aussi le pouvoir politique et économique. Elle est associée également à l’eau qui est sacrée : l’eau et la femme sont sources de vie, de régénération sur tous les plans de l’existence : loharano nipoirana, niavia, source originelle. Dans le conte intitulé La mère Rangonala 8, il est dit que, cette femme, dès la naissance de son enfant, se baigne avec de l’eau froide, parce qu’elle et l’eau ne font qu’une : elle est retirée de l’eau. Les femmes sont dotées d’intelligence et de persévérance, c’est pourquoi dans les légendes des jeunes filles, telles que Sohitika 9 et Soafara, 10 elles osent défier des monstres, par goût du jeu, de l’aventure, et en venir à bout grâce à leur ingéniosité mais aussi leur audace. Selon RAMAMONJISOA et RAZAFINDRAIBE, la légende de Fatima, une femme retirée des eaux du fleuve de Mananjary par les hommes d’Andriambahoaka et devenue sa femme, est très connue chez les Bara-Tanala de la région d’Ivohibe, notamment dans le clan qui porte le nom de zaza rano. Les membres de ce clan croient que leur ancêtre commun était le fils de Fatima, qualifiée par l’épithète zaza rano, fille des eaux ; après s’être disputée avec Andriambahoaka, elle est retournée dans l’eau avec ses deux enfants, laissant le troisième à son père (Ramamonjisoa, S. et Razafindraibe, G. 1976 : p.8). Dans le livre de contes recueillis par SABATIER, l’histoire véridique et mythique de Ranoro 11, une sirène dont la vie et la mort 8 Voir corpus, p. 267. Voir corpus, p. 265. 10 Voir corpus, p. 263. 11 Voir corpus, p. 260. 9 73 74 dépendaient totalement du sel ou sira, la femme est doublement associée au sel et à l’eau qui s’imbriquent étroitement. Le père de Ranoro s’appelle Andriantsira. Il habite au fond de la rivière avec le peuple des Eaux. Andriambodilova, un prince terrien, tombé amoureux de Ranoro, lui a juré de contrôler sa parole et de ne pas prononcer le mot sira, sel. Mais un jour, fâché contre sa femme, Andriambodilova l’a appelée Fille du sel. A ce mot, sans même embrasser ses enfants, Ranoro court vers la rivière et plonge ; elle ne reviendra jamais plus sur terre (Sabatier, R. 1979 : pp. 34-37). Nous venons d’assister au pouvoir de la langue : un seul mot proféré par inadvertance a fait basculer le monde d’une femme, à cause d’un homme qui n’a pas pu tenir parole. Mais nous allons encore continuer à suivre la participation de la femme dans la sphère politique traditionnelle . En effet, dans la langue malgache, le mot masina, synonyme de masira, salé ou sacré ainsi que le terme ranomasina ou eau salée, la mer, sont liés à la fécondation et peuvent se rapporter, soit au sperme ou aux sécrétions vaginales, soit au liquide amniotique où baigne l’enfant à naître. Mais ranomasina dans sa seconde acception signifie eau sacrée. L’intimité de relation entre la femme, l’eau, la fécondité et le sacré se trouve soulignée, d’ une part, dans le cas d’Andriambavinoro à laquelle s’identifient l’Amour et la Beauté et, d’autre part, dans le mythe d’ampelamananisa, littéralement : femme à écailles, la sirène, devenue mythe idéologique auquel s’agrippent tous les lignages Vezo actuels. Nous pouvons trouver ce tapasiry dans Zatovo naho ty ampelanosendrano 12, Zatovo et la sirène. En somme, la femme était assimilée à l’un des principes primordiaux à l’origine de l’univers, du naturel et du genre humain et identifiée à tous les éléments indispensables à la vie, à la production et à la reproduction sociales comme l’Eau, le Sel, le Riz, l’Agriculture. 12 Voir corpus, p. 257. 74 75 C’est dans cet ensemble de conceptions et d’images qui reflète la domination du matrilignage ou du système matrilinéaire que tous les domaines de la vie sociale, comme la naissance, l’amour, l’union conjugale, la maternité, la stérilité, … prennent sens. 2.1.2.2. Du système matriarcal au patriarcat Cette partie nous permettra de suivre comment, du système matriarcal, le pouvoir est devenu celui du patriarcat. Cette période précoloniale a gardé certains aspects positifs pour les femmes ; c’est qu’elle révèle la survivance de l’égalité entre hommes et femmes héritée des temps reculés ; mais lorsque les rôles ont été distribués selon le sexe, dans la famille et dans la société, cet équilibre entre les genres n’est plus gardé. C’est ce que nous allons trouver dans les parties suivantes. • Ny anaran-dray, le patrimoine paternel Selon le R. P. CALLET, la notion malgache de Fanjakana, le pouvoir d’Etat, a pour racine : zaka, qui signifie la parole ou le dire du pouvoir. Et la diffusion de cette parole par le biais du kabary, le discours, est une des préoccupations du pouvoir- en général - pour maintenir l’ordre. Le kabary ou texte oral, qui fait partie des textes de Droit, constitue l’ossature des sources juridiques pendant l’Histoire des rois, Ny Tantara ny Andriana. L’organisation politique était fondée sur cette base de diffusion de la parole. Ainsi, les gouverneurs s’appelaient solom-bavan’ny mpanjaka, littéralement : les remplaçants de la bouche du roi. Ils ont pour fonction principale de transmettre la parole royale au moyen des kabary, et c’est ainsi qu’ils avaient installé la suprématie des hommes , ny fanjakan-dehilahy, en s’attribuant la parole (R. P. Callet, 1974 : p.18.) De même, l’acquisition de terres à cultiver par conquête ou par défrichement progressive de de grands la espaces famille à forestiers dominante entraîne patriarcale. l’instauration Les rizières aménagées et les terres conquises ou défrichées deviennent de grandes 75 76 sources de richesses avec les récoltes provenant des cultures du riz sur brûlis ou les produits exclusivement obtenus au moyen de la cueillette et de la chasse. La référence aux terres, aux maisons et aux tombeaux des ancêtres paternels, anaran-dray, littéralement : le nom du père, devient prédominante sur le plan socio-économique. Le anaran-dray représente le domaine ancestral, important tant du point de vue matériel que du point de vue source originelle. Grâce à cela, la souveraineté du père devient un fait d’ordre social. Cette autorité paternelle lui a conféré l’autorité linguistique, car celui qui détient le pouvoir social détient également le pouvoir linguistique. En outre, parce que le territoire, le sol se présentent comme la possession la plus importante, dans la société traditionnelle, elle est étroitement liée au pouvoir des hommes. Aussi, le pouvoir politique l’utilise-t-il avec la hiérarchie sociale, la femme et le Tanindrazana, terre des ancêtres. L’endogamie trouve sa raison d’exister : la raison profonde des mariages est sans doute le désir de conserver dans la famille les biens de celle-ci, en ne changeant pas de mains l’héritage , lova tsy mifindra. Par ailleurs, dans le nouveau contexte des guerres de conquêtes entreprises par les différents roitelets, du 16ème au 19ème siècle, la femme devient une monnaie d’échange ou firaka atakalo, littéralement : plomb à échanger, entre deux familles, deux clans ou deux royaumes. Donc la femme est utilisée pour représenter le pouvoir royal et entretenir l’idéologie monarchique. Ainsi, sur les hautes terres centrales, au début du 19ème siècle , le fanjakan-dehilahy, système patrilinéaire, est déjà fortement institutionnalisé à travers les kabary et les ordonnances royales. L’homme est reconnu comme le chef exclusif et incontesté de la famille. D’autre part, la pratique du kitay telo an-dàlana ou de la tierce partie attribuée à la femme lors du partage des biens à l’occasion du divorce fut entérinée sur le plan institutionnel. Des raisons économiques et militaires sont 76 77 invoquées pour la justifier. Dans le mariage, l’époux seul est le maître. Mais cette domination sur la femme ne s’arrête pas là. • La femme subordonnée au mari et réduite au silence Avec les migrations successives arabes et musulmanes au cours de l’histoire, l’influence arabe et musulmane à Madagascar est généralement importante. DJAOVELO-DZAO affirme qu’ « elle se manifeste en particulier dans les domaines de l’écriture , « ny sorabe», du calendrier « fanandroana », l’art de la divination, des interdits du porc et de l’alcool » (Djaovelo-Dzao, 1996 : pp.89-94). L’une des formes concrètes de l’influence arabe ou musulmane dans certaines régions du pays est l’affirmation extrême de la supériorité et de l’autorité exclusive de l’homme au foyer. Ainsi, la scène familiale la plus typique et la plus courante des rapports entre l’homme et la femme porte sur les comportements des deux partenaires autour des repas. Masinavy, une femme mahafaly d’Ampanihy Ouest, avec qui nous avons lié conversation raconte : « Quand une femme Mahafaly apporte de la nourriture à son mari, elle s’agenouille à terre devant lui et tenant l’assiette entre ses deux mains, la dépose doucement à ses pieds ; une fois qu’elle lui a remis son repas, elle le quitte rapidement mais sans tourner le dos, afin de ne pas le voir manger et elle ne mange à son tour que si celui-ci est rassasié … » 13, tandis que « pour la femme Masikoro, elle assiste au repas de son mari et l’évente jusqu'à ce qu’il finisse de manger et ce n’est que lorsqu’il termine qu’elle mange à son tour » 14. Dans ces représentations, les femmes pourraient ne pas sentir qu’elles sont en train d’accomplir un acte servile. Le silence total de la femme en présence du mari au sein du ménage constitue également un autre signe de l’influence de l’islam. C’est le cas des femmes Tandroy ou Bara qui ne doivent pas parler en public à 13 14 Conversation avec Masinavy à Ampanihy-Ouest. Selon l’information de Rambesy, une Masikoro de Maromiandra. 77 78 moins que l’époux l’y invite ou lui adresse la parole. La vie des hommes et des femmes au sein de ces sociétés est régie par des lois qui laissent transparaître une certaine inégalité de genre. Les femmes, non seulement jouent le rôle d’épouse, mais elles sont également les servantes. Plus tard, nous reviendrons encore sur cet assujettissement plus ou moins inscrit au niveau social et familial. • La femme soumise à la pratique de la polygamie Au 16ème siècle, la polygamie était déjà une pratique bien établie et généralisée dans toute l’île. La question est de savoir si c’est la culture arabe ou la religion islamique ou même d’autres cultures qui l’ont importée dans l’île. Ce qui est sûr, c’est que l’influence arabomusulmane a beaucoup contribué à l’instauration de la polygamie à Madagascar, tout comme le système patrilinéaire a favorisé son enracinement et son extension. Le terme fampirafesana, action de faire des rivales, la polygamie, est un mot verbal dérivé du radical rafy, substantif désignant la rivalité et du préfixe factitif m amp - qui signifie « faire faire ». Le radical rafy a deux acceptions : - un ennemi, un adversaire, un antagoniste, un rival, un concurrent ; - les diverses femmes d’un même mari dans la polygamie, les rivales. D’où l’idée exprimée de faire des rivales, d’épouser plusieurs femmes. En effet, mampirafy découle du verbe simple mirafy, le préfixe mi- se lie avec le radical rafy, qui donne le sens de « être ou se mettre dans l’état de ». Donc mirafy signifie, celles qui sont en relation de rivalité ; mpirafy reny : dont les mères sont en état de rivalité, c’est-à-dire coépouses d’un polygame. En effet, l’histoire malheureuse de Mosa dans Ndaty nampirafe roe 15 montre que l’esprit de rivalité entre les coépouses ne troublent pas uniquement les femmes, mais tous les membres de la famille en général : enfants et adultes. 15 Voir corpus, p. 248. 78 79 La situation de la polygamie est fréquente à Toliara et s’explique généralement par le désir de procréer et d’assurer la pérennité du groupe de descendance. Les femmes, hiérarchisées, portent le nom de : - Vadibe, littéralement : grande épouse, épouse principale, ou vady matoa, la femme aînée ou vady voalohany, voaloham-bady, première femme. - Vady masay : la seconde femme ou les secondes femmes . - Vady kely : la petite femme ou la dernière femme. Nous avons également l’expression : ny lehilahy tsy mba valy, ainsi divers qualificatifs se réfèrent surtout à la femme, car elle est l’épouse (vady) mais pas l’homme : vady andrana, épouse à l’essai ou vady amonto, épouse à l’extérieur ; vady vita fomba, épouse sanctionnée par le dot offert par le mari ; vady vita soratra, épouse par l’état civil ; vady vita eglizy, épouse par le mariage religieux. Par ailleurs dans le conte intitulé La sagesse de l’ogresse 16, « les filles sont créées pour devenir épouses ». L’initiative de prendre d’autres femmes peut aussi bien venir du mari que, parfois, de la femme. R. P. CALLET témoigne que « le mari négocie avec l’ancienne femme pour obtenir son consentement et débattre le taux du " taha," cadeau de compensation et du " iso-pandriana", indemnité de lit. Les parents de la première femme déclarent l’impossibilité pour eux de s’y opposer, puisqu’il s’agit de "fanjakandehilahy", suprématie du mâle. L’ensemble de cette entrevue s’appelle "fampitahana", action de faire voir » (R.P. Callet, 1809 : p.320). On emploie aussi l’expression tsindriana, qu’on presse ou ce qu’on ajoute à la femme initiale et que l’on utilise dans les expressions tsindry fe, pression cuisse, c’est-à-dire concubine de son maître ou généralement une femme côtière concubine du fonctionnaire allant 16 Voir corpus, p. 272. 79 80 tsindrin-tsakafo, ce servir dans les provinces, comme dans l’expression qu’on prend après le repas comme fruits, le dessert. Ainsi dans le mariage, l’homme est reconnu comme chef exclusif et incontesté de la famille. Quant au mariage, on ne peut admettre que deux personnes règnent à égalité ; l’époux seul est le maître. Il est temps de connaître l’attribution des qualités et des vocations propres aux femmes dans la société moderne. 2.1.2.3. L’image de la femme vazaha comme modèle L’arrivée des missionnaires chrétiens et des colons n’a pas changé le statut social de la femme. Bien que considérée comme épouse, vady, la femme a toujours été classée à un degré nettement inférieur à l’homme. Politiquement, la femme est éliminée ; culturellement, soit elle n’a pas du tout accès à l’école, soit on lui réserve les écoles ménagères et autres établissements spécifiques. La société bourgeoise marchande naissante du 19ème siècle adopte un mode de vie confortable et même luxueux, et réserve à la femme un rôle et une image dépendants de l’homme. La femme devait 17 être l’ornement du foyer, haingo sy ravaky ny tokantrano , littéralement : ornement et parure du foyer, stéréotype et expression qui perdurent jusqu’à l’heure actuelle. Mais même l’évangélisation chrétienne forge de nouvelles références culturelles, images et normes de conduite importées de la société anglaise et française du 19ème siècle : elle justifie l’état d’infériorisation de la femme par rapport à l’homme, établit le système de la séparation des sexes, limite le rôle et l’image de la femme à celui de vehivavy ao an-tokantrano, la femme au foyer en tant que vady, épouse et reny, mère . La prise de parole de la femme en compagnie ou en public continue à être interdite. 17 Voir corpus, p. 256. 80 81 A mesure qu’elle s’installe, la colonisation impose la vision occidentale du monde, y compris la suprématie de l’homme. Dans les nouveaux rapports avec l’administration, seuls les hommes sont soumis aux impôts, hetra isan-dahy, littéralement : impôt par tête d’homme et aux corvées ; il est donc considéré normal qu’en échange, eux seuls bénéficient des quelques droits réservés aux indigènes. C’est dans l’enseignement que la discrimination est la plus flagrante. L’enseignement destiné aux filles est limité. Au bout de quelques années d’étude, soit elles abandonnent l’école, soit elles suivent des cours d’enseignement ménager. La qualité de l’enseignement dispensé aux filles n’a pas été considérée comme une priorité. Au 20ème siècle, par le travail des missionnaires catholiques et protestants, les dirigeants de l’oeuvre coloniale, pénétrés et convaincus de la supériorité masculine, forgent pour la femme malgache l’image centrale de la ménagère, mpikarakara tokantrano reléguée au foyer en tant qu’épouse et mère prolifique pour les besoins de l’exploitation coloniale. La supériorité de la femme française, vazaha, civilisée, blanche, parlant le français, ayant les cheveux courts, bory volo et ne portant pas le lamba, mitena akanjo, tels étaient les référents culturels et les images modèles que l’éducation française s’est efforcée d’implanter. Nous tenons à faire cette remarque, qu’il est strictement interdit pour les femmes du Sud de couper leurs cheveux, mibory volo, parce que c‘est uniquement pendant le deuil d’un membre très proche dans la famille que la femme le fait. Mais avec le temps, cela a changé et malgré la réticence des adultes, la femme ne suit plus cette règle de conduite. Finalement, c’est celle qui applique la coupe de chevelure des garçons , manao kopy garçon qui est vivement désirée. En outre, avec la colonisation s’instaure aussi la répartition sexiste des tâches entre femmes et hommes, qui élimine la femme de toutes les sphères de décision et du domaine politique et qui la réduit au 81 82 silence. Certes, elle apprend à lire et à écrire, mais c’est la fonction de « femme de chambre » qui lui est accessible. On lui enseigne la couture, les divers travaux d’aiguilles, le tricot, le crochet et des règles de savoir-vivre. Elle ne doit pas choquer ses semblables ni par ses paroles, ni par ses gestes et son attitude, ni par sa façon de s’habiller. En d’autres termes, il s’agit de procéder à une acculturation totale de cette élite féminine pour qu’elle soit francisée dans sa vision du monde, dans son langage et dans son comportement. La femme se définit aussi par les caractéristiques de l’idéal féminin de type anglo-saxon, qui signifie : - opposition fondamentale des deux sexes. Les qualités tenues pour idéalement féminines sont relatives au souhait de l’homme. La femme est faite, conçue spécialement pour les désirs du sexe opposé. - l’épanouissement de la femme est conditionné par son statut d’épouse et de mère. De ce fait, la femme devient le modèle de la famille et du voisinage ; elle doit alors faire preuve de modestie et de réserve. Elle doit veiller continuellement sur ses paroles et ses gestes, afin de ne pas scandaliser son alentour. 2.1.2.4. La situation après l’indépendance Après 1960, deux phases sont à considérer : • de 1960 - 1972 : les acquis apparents, tels que l’indépendance, le droit de vote aux femmes n’ont profité qu’aux hommes du pouvoir et à leurs auxiliaires, car tout semblait concourir dans le fond à entretenir et à maintenir la force de travail et le rapport de production existants, et non à être un moyen de libération et d’intégration de la femme dans le processus national. La politique, dans sa version « moderne » a été encore un domaine typiquement masculin, où les femmes tenaient une place décorative d’animatrices, en particulier dans les grandes manifestations des partis qui se succèdent au pouvoir. Tout au long de ces étapes historiques, la femme malgache a subi plus que toute autre, toutes les formes de violence et les agressions. 82 83 Depuis des générations, elle a été réduite à tout faire sans avoir rien appris et elle continue à se taire. • à partir de mai 1972 : la femme a participé massivement au mouvement estudiantin comme pour montrer la volonté délibérée de manifester sa présence. La dernière étape de cette période qui a suivi ces événements aboutit à la Révolution Socialiste malgache, dont la 18 charte du livre rouge, Ny Boky mena . Ceci dénonce l’exploitation de l’homme par l’homme. La femme y est considérée comme le moteur du développement et constitue l’un des cinq piliers de la révolution, andrin’ny tolom-piavotana. L’éducation est théoriquement accessible à tous, garçons et filles. L’institution du service national obligatoire pour les bacheliers, filles et garçons, en 1975, contribua certainement à renforcer les principes d’égalité entre les sexes. La formation militaire dispensée, l’émancipation des filles envoyées parfois loin de leur famille, furent autant d’opportunités pour elles de s’affirmer et de vivre l’égalité. Aujourd’hui, même si Madagascar continue à éliminer toutes formes de discrimination aux dépens des femmes, il reste encore beaucoup à faire, surtout dans le domaine juridique pour appliquer la loi. Il faut noter que ce sont ces images, ces référents culturels et ces stéréotypes discréditant la femme qui prédominent actuellement. Nous avons dit auparavant que la langue incarne la coercition, les pressions du groupe. La langue favorise non seulement la reproduction des idées, des émotions, des habitudes communes, mais surtout la perpétuation des différentes formes d’inégalités à travers ses signes et ses structures. Leurs influences interviennent dans le subconscient individuel, automatisent l’acceptation de l’infériorisation de la femme et peuvent freiner ou paralyser les élans et les mouvements pour réduire les inégalités. Ainsi la condition fondamentale de la femme est d’être 18 D. RATSIRAKA, 1975, Ny boky mena, le Livre rouge, Charte de la révolution socialiste malagasy, Imprimerie d’ouvrages éducatifs, 119 p. 83 84 subordonnée à l’homme. La division sexiste de travail s’implante et le confirme. La femme est systématiquement éliminée de toutes les sphères de décision, participe à peine au niveau des sphères politiques et militaires et continue à ne pas avoir le droit de prendre la parole dans certains milieux. Cette fois-ci, nous allons entrer dans la deuxième étape de notre description à propos de la femme au niveau de sa famille. Nous ne sommes pas certaine de rendre fidèlement ici les réalités et les valeurs vécues par toutes les femmes et leurs familles, mais nous sommes toujours consciente que notre objectif est de mieux appréhender la réalité grâce aux mots, aux termes que nous recueillons. Il se peut qu’ils révèlent des idées préconçues ou des stéréotypes dépassés ou récents, mais c’est l’importance d’un travail sociolinguistique. Nous commençons l’analyse par des données statistiques. 2.1.2.5. Analyse et données statistiques sur la femme à Toliara Avant de continuer la description de la femme tuléaroise au sein de la vie familiale, il est sans doute nécessaire de connaître quelques données significatives sur la situation de la femme dans notre zone de recherche. Nous les avons recueillies au bureau de la Population, de la Condition féminine et de l’Enfance, à Toliara, en mars 2004 19. • Femmes chef de ménage Nombre de femmes chefs de ménages à Toliara : 23876, c’est- à- dire 20% environ des femmes chefs de ménage à Madagascar (477 560). Répartition par secteur d’activité : − Primaire : 59,4 % − Secondaire : 26,5 % − Tertiaire : 11,0 %. 19 Informations collectées par le Conseil d’Orientation et de Suivi du Dinika sy Rindra ho an’ny Vehivavy, 2000.. 84 85 • Niveau d’instruction - 52 % des femmes de 15-49 ans ont fréquenté l’école, seules 20 % ont atteint au moins le niveau secondaire. - 36 % des jeunes filles de 6-15 ans et 11 % des jeunes filles de 16-20 ans fréquentent actuellement l’école. • Fécondité La femme tuléaroise donne naissance, en moyenne, à 6,2 enfants au cours de sa vie, c'est-à-dire plus que la moyenne nationale (5,3 pour l’ensemble des femmes à Madagascar : enquête démographique de la santé, ou E.D.S., 1997). - 48 % des adolescentes entre 15-19 ans sont déjà mères ; - 40 % de ces adolescentes sont enceintes pour la première fois. Le document écrit par G. BELONCLE, intitulé Sept priorités pour développer Madagascar (Beloncle, G., 2003 : p.10) note qu’une adolescente enceinte sur trois a eu recours à l’avortement, de plus, elles risquent d’être marquées à vie par ces actes. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui, quatre enfants sur dix sont mis au monde par des adolescentes sans ressource. De plus, elles vont rester handicapées par ces maternités précoces dans la mesure où les grossesses hors mariages sont plus ou moins acceptées et, plus encore, parce que la grande majorité de ces adolescentes ne dispose d’aucune ressource. Si rien n’est fait, ce nombre ne fera qu’augmenter au cours des années à venir, puisque 50 % de la population malgache a moins de 15 ans ; ce qui signifie que sur une population de 16 millions d’habitants, on compte aujourd’hui 4 millions de petites filles, qui demain seront adolescentes et risquent d’être mère-célibataires, miteraka tsy manam-baly ! • Etat matrimonial Le célibat est moins fréquent : 18% - 68 % des femmes sont en union. - La moitié des femmes du Sud sont en union à 16,9 ans (âge médian). 85 86 - L’âge médian des premiers rapports sexuels se situe à 15,4 ans. Une fille qui, à 15 ans, n’avait pas encore eu une relation sexuelle était considérée par ses amies comme anormale, tsy mahasaky lahy, littéralement : qui n’ose pas faire l’amour avec un homme. Mais 80% d’entre elles expliquaient qu’elles avaient « couché » , nipaka, niray (ce sont les termes employés) pour éviter que leur copain ne les quitte et avouaient qu’elles n’avaient ressenti aucun plaisir ! Le mariage civil ne concerne que 1/3 des couples mariés. Le mariage coutumier concerne la grande majorité de la population. • Emploi 65 % des femmes du Sud exercent une activité surtout à prédominance ménagère. Cette situation est d’ autant plus accentuée que le niveau d’instruction de la population féminine est très bas et ne dépasse pas 52,4 %. Si telles sont, dans leurs grandes lignes, les données concernant la situation sociale de la femme à Toliara, où nous n’avons pas manqué d’introduire notre point de vue, la place et le rôle de la femme dans la famille ne sont que le reflet de son statut dans la société globale. 2.1.2.6. La femme actuelle dans la vie familiale Objectivement, elle occupe une place centrale dans la vie familiale. Elle assure la reproduction physique du lignage par la maternité ; elle est responsable de l’éducation des enfants, mais comme dans toute société lignagère, celle-ci est assumée en partie par la famille au sens large du terme : raza, dadivavy, grand-mère, kelireny, tantes , renilahy, oncles maternels. Toutefois, au delà de la puberté, l’éducation des jeunes filles relève totalement de leur mère. C’est également à travers la femme que se transmettent certaines valeurs essentielles de la société. La promotion sociale et économique 86 87 de l’homme se réalise aussi en grande partie à travers elle. La valeur de la femme est estimée et appréciée à travers la réussite sociale de son mari, mais elle reste effacée et paraît se satisfaire de rester dans son sillage. Cela explique aussi pourquoi certaines femmes éprouvent de la fierté à être l’épouse d’un polygame. L’homme dirige la famille, alors que la femme ne dirige que sa maisonnée, où elle exprime son importance. Même pour un polygame, ce qui se passe dans la maisonnée ne concerne que les deux époux seuls : sopiera milomboky, littéralement : soupière couverte. Cette importance de la femme est particulièrement reconnue dans certaines pratiques coutumières, telles que les funérailles, le mariage et la maternité. Enfin, elle est omniprésente et s’avère essentielle dans tous les secteurs des activités de production. Malgré le niveau d’instruction des femmes relativement faible en milieu rural, la tendance à la scolarisation des jeunes filles paraît plus marquée en milieu urbain, sans montrer intérêt et persévérance pour aller plus loin. C’est la raison pour laquelle, les jeunes filles se marient tôt ou deviennent deziemo ou toroaziemo biro, deuxième ou troisième bureau, pour gagner leur vie ou pour obtenir des présents : fitafiana, vêtements, ravaky, bijoux, fanaky, meubles. La femme légitime reçoit, elle aussi, des cadeaux, car le mari a eu des torts envers elle. Dans ce jeu, la femme est en position d’éternel demandeur, mpangataka, l’homme de pourvoyeur, mpamatsy. Les jeunes filles de la campagne, elles-mêmes, espèrent aujourd’hui être demandées en mariage par des hommes de la ville ; elles sont lasses de la pauvreté et répugnent à rester à la campagne. Les hommes de la ville, d’ ailleurs les préfèrent, car elles sont plus obéissantes, semble-t-il, moins libres. La femme assure la garde de l’argent liquide, mais l’homme doit toujours en avoir sur lui. Elle gère les réserves de vivres et l’argent des courses, vola bazary. La femme qui travaille à l’extérieur de sa maisonnée gère les revenus de son mari et ses revenus à elle. Chez les couples qui s’entendent, les décisions sont précédées de concertation. Actuellement, les hommes apprécient que la femme travaille à 87 88 l’extérieur de sa maisonnée, car elle apporte des revenus fixes dans le ménage. Le nombre d’emplois domestiques : mpanasa lamba, lavandière , mpiasavavy an-trano, bonnes, prend également de l’importance. Les travaux domestiques : ntsaka rano, quêtes de l’eau, toto vary naho tsako, pilonnage du paddy et du maïs, fahandroa sakafo, cuisson des aliments, sasa finga naho valany, vaisselle, sasa lamba, lessive, fikarakara ajà, soins aux enfants, occupent une fraction importante du temps des femmes. Concernant les troupeaux de boeufs, de chèvres ou de moutons, considérés comme la principale richesse du Sud, leur entretien, leur gestion et leur conduite sont une affaire essentiellement masculine. La femme ne peut pas prétendre à l’appropriation d’un troupeau. Même dans le cas d’un taha, où l’homme offre un boeuf pour se faire pardonner et pour réparer les torts causés à sa femme, le boeuf offert ne revient pas à la femme concernée, mais intègre tout simplement le troupeau de sa famille. Ainsi, en quelque sorte, la femme est un moyen pour obtenir une richesse. Enfin, pour résumer ce chapitre, nous constatons que les problèmes connus et vécus par les femmes en général et, en particulier, celles de la région de Toliara sont divers et nombreux : le système de valeurs traditionnelles qui leur accorde un statut d’inférieures sociales est encore à l’oeuvre et agit dans l’affermissement de leur position seconde et subordonnée. Le silence est l’ordinaire des femmes. Le silence est un commandement réitéré à travers les siècles par les religions, les systèmes politiques et les manuels de savoir-vivre. Mitsina avao lie fa anovo ty hahasoa anao, littéralement : tais-toi et fais ce qui est bénéfique pour toi, conseille-t-on aux jeunes filles à marier, pour leur éviter de dire des sottises ou de commettre des impairs. Mais tout cela peut changer, si les institutions scolaires et religieuses veulent joindre leurs efforts pour une éducation ouverte aux problèmes des jeunes et des femmes. Les relations de travail se ressentent encore de cette nonacceptation du travail de la femme ; au sein de son foyer, les travaux de ménage ne sont certes pas l’apanage exclusif des femmes, les hommes 88 89 peuvent y concourir, mais cela laisse à désirer… ; rien que cela : la politique, la direction et l’administration se constituent comme domaines spécialement masculins. Ainsi le silence continue, la femme n’a pas le droit de se prononcer et continue à se taire. Le chapitre suivant consiste à décrire la femme dans le cadre linguistique. Il s’agit de répertorier les différences lexicales qui entrent en jeu dans la répartition des rôles et des pôles d’intérêt des hommes et des femmes, et de les soumettre à des analyses synchroniques et diachroniques. 89 90 CHAPITRE II 2.2. LA FEMME ET LES DIFFERENTS PARLERS A TOLIARA Par la présence de la femme au foyer, c’est elle, en particulier, qui apprend à ses enfants et surtout aux filles, grâce à la langue maternelle, tenin-dreny (RABENILAINA, R. B. 2000 : p.93), à se conformer aux normes sexuelles et sociales dictées par le système. Par conséquent, c’est la femme qui assure la transmission de la langue. C’est elle qui initie l’enfant, grâce à des jeux, des comptines 20, des chants 21, à savoir compter sur ses doigts et à être en contact avec son monde naturel. Mais ce sont les hommes dans les domaines d’activités, spécifiquement masculins, en général, qui maintiennent l’usage de la langue des ancêtres, où la ségrégation sexuelle et la répartition des rôles occupent une place importante. Il est temps de définir comment parle la femme ? Et que disent les hommes à propos de la femme ? Qu’entend-on par langue des femmes et langue des hommes ? Quel rôle jouent la langue et la culture dans la promotion de la femme ? Si loin que soit poussée la différenciation, nous pensons qu’il n’existe pas de cas où l’on puisse parler de langues distinctes, car on a toujours affaire à des variantes ou sociolectes d’une langue commune avec compréhension mutuelle. On peut parler simplement de répertoires différents lorsqu’on fait entrer en jeu essentiellement des différences lexicales, dues à la répartition des rôles et des pôles d’intérêt des hommes et des femmes. Toutefois, puisque l’originalité de cette étude repose sur les problèmes que la langue implique - la langue considérée comme un élément de différenciation entre groupes humains-, nous allons d’abord rappeler les approches avec lesquelles on 20 21 Voir corpus, p. 246. Voir corpus, p.247. 90 91 mènera les analyses ; puis nous parlerons de la situation linguistique globale de la région de Toliara. Nous nous efforcerons de classer les données collectées ici et là selon des critères typologiques : différences phonétiques, morpho-syntaxiques, lexicales et syntaxiques. 2.2.1. Les approches de la description de l’objet « langue » Nous nous attachons à préciser qu’en somme on adopte deux approches pour décrire les langues ou les variétés de langues en question : • Par un biais linguistique G. MOUNIN a repris les termes de L. HJELMSLEV en soulignant que « la langue ne peut exister que lorsqu’une communauté linguistique s’approprie une substance, en la transformant en forme, par exemple le contrat social » (Mounin, G., 1963 : p. 6). Puis on s’accorde à effectuer à l’intérieur de la communauté linguistique, d’une part, un découpage culturel, arbitraire, de la substance phonique en unités discrètes s’opposant par des traits définitoires, qui confèrent à certains sons le statut de phonèmes, non pas sons, mais « classes de sons », ce qui montre bien leur caractère culturel et abstrait. D’autre part, le découpage, la catégorisation de la substance de l’expérience de la réalité en signifiés structurés différentiellement, pour finalement associer des combinatoires de « segments de sons » et de « segments de réalité », pour en faire des signes. Ils sont, eux-mêmes, assemblés en phrases faisant émerger des sens plus complexes, et constituant des signes plus étendus. De cette manière, la phonologie, la morphologie, la syntaxe, la sémantique, etc. ne sont qu’autant de manière d’explorer comment une langue parvient à produire du sens et des significations en associant des catégories de sons et d’univers d’expérience en signifiants et signifiés. 91 92 • Par une approche sociolinguistique Au sein d’une communauté linguistique, des systèmes de signes font partie de l’univers culturel des locuteurs dans la mesure où ceux-ci sont utilisés concrètement, intériorisés et font l’objet de représentations quant à leur valeur sociale. Soulignons également que la langue peut représenter une dimension sousjacente à l’ensemble des processus décrits plus haut et concerne un aspect relevant d’une « anthropo-linguistique », surtout lorsque la communauté linguistique est multilingue ou multi-dialectale (ce qui est le cas de notre pays). Ces façons de voir la langue se rencontrent donc chez les locuteurs dans un même et unique fonctionnement anthropo-linguistique, par le biais de la faculté de représentation ou faculté symbolique. C’est le symbolique qui permet de découper la substance du réel (signifiant ou signifiés), de faire émerger des signes, de leur donner un statut social, de les associer et de les combiner. C’est le symbolique qui associe à des signifiants une valeur sociolinguistique, en utilisant les signes linguistiques pour définir les registres, l’identité des intervenants, etc. Maintenant, pour avoir plus de précision sur le volet linguistique, il ne nous paraît pas superflu d’apporter une explication sur la situation des langues en contact dans la région de Toliara. 2.2.2. La situation linguistique à Toliara La situation linguistique à Toliara représente ce qui se passe dans toute l’île, c’est-à-dire que l’unité linguistique de Madagascar n’exclut pas l’existence de variétés régionales et / ou ethniques. En se fondant sur des critères phonétiques et phonologiques, on classe généralement ces variétés en deux groupes : - le groupe occidental, c’est-à-dire les variétés parlées par les ethnies vivant dans l’Ouest et le Sud de l’île. - le groupe oriental, composé des variétés parlées par les ethnies du Centre et de l’Est. 92 93 Toliara fait partie du premier groupe linguistique, qui comprend notamment le bara, le mahafaly, le masikoro, le sakalava du Nord, celui du Sud, le tanôsy, le tañalana , le vezo . Il n’est pas inutile de signaler que cette classification en deux groupes n’est pas absolue. La population malgache voyage beaucoup, toutes les variétés parlées par les deux groupes sont ainsi représentées à Toliara. Mais la question primordiale n’est pas celle de savoir le nombre de parlers, il nous paraît plus important de cerner les affectations fonctionnelles de ces variétés ainsi que les jugements et les attitudes des locuteurs à leur égard. Les variétés régionales et / ou ethniques sont, elles, associées aux situations formelles informelles relevant des et familières, coutumes et ainsi traditions qu’aux situations ethniques. Critère d’appartenance à un groupe (ethnique, régional ou social), l’emploi de ces variétés a par ailleurs une connotation d’authenticité, de familiarité et de spontanéité. Une variété régionale se présente donc comme langue maternelle pour le locuteur qui l’utilise oralement à la maison et dans la communauté linguistique où il vit. Le malgache officiel, quant à lui, en tant que langue nationale, langue de travail, des institutions de l’Etat, langue de littérature écrite, langue d’enseignement et langue enseignée, fonctionne comme Norme par rapport à laquelle sont évaluées les autres variétés du malgache. Le français, langue héritée de la colonisation, est venu se superposer à une situation originellement malgache. Rarement langue maternelle, le français est par contre langue officielle secondaire, langue d’enseignement, parfois, dans certaines classes primaires, obligatoire dans le second cycle du secondaire et dans l’enseignement supérieur. Cette langue est par ailleurs profondément enracinée dans le monde des affaires et dans les grands médias. C’est à travers ces situations de langues que nous allons définir ce qu’est un parler. Ni variétés régionales ni parler ne peuvent se définir 93 94 comme langue. Le terme parler est moins utilisé, peut-être, parce que c’est un terme plus récent. Mais c’est une langue particulière d’une région ; il y a signe d’appartenance et intercompréhension entre les locuteurs. Selon J. DUBOIS, « le parler est une forme de langue utilisée dans un groupe social déterminé ou comme signe d’appartenance à ce groupe social…Le parler est un système de signes et de règles de combinaison défini par un cadre géographique étroit. Une langue ou un dialecte étudiés en un point précis sont étudiés en tant que parler» (Dubois, J., 1973 : p.385). Nous terminerons ce panorama des acceptions par la définition de R. B. RABENILAINA qui considère que « le parler est un aspect de la culture et de la conception du monde malgache, dans chaque région. C’est l’une des couleurs locales que tout Malgache originaire d’une autre région doit s’efforcer d’épouser, si du moins il désire s’intégrer aux habitants de la localité » (Rabenilaina, R. B. 1990 : p.151). C’est le cas de notre champ d’étude. Nous allons alors dégager la spécificité des parlers des hommes et des femmes étudiés dans notre zone de travail, selon les différents niveaux d’analyse. A ce propos, nous estimons que nous aurons fait un pas en avant, si nous parvenons à donner une vision à la fois plus nuancée et plus proche des réalités vécues par les communautés linguistiques en question. 2.2.3. Les différents niveaux d’analyse L’objet de cette partie est de définir des variations linguistiques dues au sexe. Nous pensons que les sociétés traditionnelles nous en offrent encore de nombreux exemples, grâce à nos coutumes ou nos moeurs. A défaut de pouvoir expliquer leur apparition, on peut tenter de les interpréter de façon unitaire. Nous nous efforçons, dans un premier temps, de classer toutes les données collectées ici et là, selon des critères typologiques : analyse phonétique, morpho-syntaxique, lexicale, syntaxique. Nous avançons quelques explications relatives à chaque niveau d’analyse. Dans une attitude non-comparative, le parler est étudié en lui-même ; mais puisqu’il est continuellement en contact avec d’autres variétés de langue, nous faisons parfois 94 95 des références à un autre parler. Ainsi dans cette étude, nous adoptons l’attitude à la fois comparative et non-comparative. 2.2.3.1. Niveau phonétique La phonétique est la branche de la linguistique qui étudie les sons du langage, du point de vue de leurs qualités physiques. D’un côté, elle décrit comment les sons sont produits. C’est ce qu’on appelle phonétique articulatoire ; le fonctionnement des organes de la phonation dans la production des énoncés y est considéré. De l’autre, elle étudie les propriétés physiques des sons du langage par des instruments de mesure : c’est la phonétique acoustique. Phonétique articulatoire et phonétique acoustique permettent de classer les sons du langage en consonnes et voyelles. Les parlers malgaches n’ont pas les mêmes systèmes vocaliques. C’est ce que nous essayons de montrer dans les exemples suivants : Chez les Tsimihety et certaines personnes originaires de cette région, mais habitant Toliara, il existe une différence phonétique entre parler des hommes et parler des femmes. La prononciation sert à définir l’identité sexuelle. La transgression est sanctionnée socialement, car l’homme qui parle comme une femme passe pour un homosexuel. Les parlers malgaches n’ont pas les mêmes systèmes vocaliques. Pour le parler tsimihety, on a les voyelles suivantes : [i], [e], [a], [u], []כ. [i, e] sont appelés voyelles d’avant ou voyelles antérieures, parce qu’elles se réalisent avec la partie antérieure de la langue. [u, ]כsont appelées voyelles d’arrière ou voyelles postérieures . [a] est appelé voyelle médiane ou centrale parce qu’elle se réalise avec le milieu de la langue. [i] et [u] sont les voyelles les plus fermées. Elles ont la plus petite aperture. [e] et [ ]כsont des voyelles d’aperture moyenne. Elles sont mifermées. [a] est la voyelle la plus ouverte. Elle se réalise par une aperture maximale. 95 96 Il ne s’agit ici que d’un rappel succinct, que nous allons illustrer : [a] []כ [e] [i] [u] Antérieur Central Postérieur Ainsi, les femmes tsimihety prononcent [a] et [u] bien séparément dans l’exemple de aomby [aumbi ], le zébu, tandis que les hommes prononcent la voyelle [ ]כpour la réalisation de ômby, [כmbi]. La raison de cette différence est sans doute : - pour les femmes, parce qu’elles sont les gardiennes de la langue, elles maintiennent la prononciation initiale. Pour les Tsimihety, le zébu est un animal de valeur ; on en offre en sacrifice à Zanahary, dieux et aux Raza, ancêtres, pour épurer tout acte maléfique. C’est donc un animal sacré, purificateur, qui a une valeur cultuelle ; par la langue maternelle, tenin-dreny, les femmes transmettent non seulement la valeur culturelle mais aussi la pureté de la langue. Mais le zébu est aussi une source de richesse. Nous avons évoqué que concernant les boeufs, la conduite, la gestion et l’entretien des troupeaux sont une affaire essentiellement masculine. Par le commerce de ces animaux, les hommes se déplacent et les langues en contact subissent une modification. Les hommes ne prononcent plus le mot aombe comme les femmes le font. - pour les hommes, d’une part, la réalisation des deux syllabes [a], [u] (diérèse) est ramenée à la production d’une seule voyelle []כ (synérèse). C’est la raison pour laquelle ils réalisent ainsi : ômby [כmbi]. D’autre part, il y a aussi l’assimilation des deux voyelles [a] et [u] en []כ. En somme, la différence relèverait du conservatisme linguistique chez les femmes, tandis que la prononciation mâle est une marque de supériorité et de contact avec les communautés linguistiques exogènes. 96 97 Chercher un indicateur de différenciation entre parler des hommes et parler des femmes n’est pas facile, malgré les recherches que nous avons menées. 2.2.3.2. Niveau morpho-syntaxique C’est le deuxième niveau d’analyse, qui a pour objet d’étude la description de la structure interne des mots et l’étude des règles qui régissent cette structure. Les mots que nous passons en revue concernent toujours les variantes qui gèrent la relation homme-femme. Dans les discours prononcés à l’occasion d’une noce, le père de l’épouse, ou son tuteur, glisse quelques belles paroles pour conseiller qu’en cas de divorce, la manière employée par le mari pour déposer sa femme mametraka, ou la renvoyer, soit égale à sa manière de la faire monter mampakatra, ou épouser une femme. L’épouse est montée au domicile de son mari. D’où le nom donné aux noces fampakaram-bady, action de faire monter ou action d’épouser. L’époux ou le mari est appelé ny mpampakatra, celui qui fait monter et l’épouse ny ampakarina, celle qu’on fait monter, qu’on prend pour épouse le jour de noce. Nous avons ainsi les mots suivants dérivés, respectivement, de petraka, dépôt et de akatra, montée : mametraka ; mampakatra ; mpampakatra ; ampakarina. Nous allons analyser morphologiquement, l’un après l’autre, chacun de ces termes. Man-petraka : la nasale dentale de man- et la consonne initiale du radical s’assimilent réciproquement et disparaissent pour laisser place à un troisième élément qui contient au moins un de leurs traits communs ; c’est ce qui se produit dans la préfixation de man- aux mots commençant par les consonnes / f, v, p, l, r, z, /. Exemples: man + l (leha) = mand: mandeha; man + p (petraka) = mam: mametraka. M- amp - akatra: l’infixe -amp- se distingue des autres en ce qu’il ne s’affixe jamais aux mots radicaux mais aux dérivés verbaux en m-, plus 97 98 spécialement ceux qui sont en m-, ma-, mi-, man-, mana-. Ils s’insèrent après l’élément initial m-. C’est ce qu’on trouve dans : Mampisotro < m-amp -i -sotro : faire boire Mampandova < m-amp-an-dova : faire hériter Mampakatra < m-amp- akatra : faire monter L’infixe - amp-, dans ces exemples, exprime le factitif, en tant qu’un agent fait faire l’action à un autre (Rabenilaina, R. B. 1996 : pp. 27-31). On y parle de sujet extérieur à propos du premier agent et de véritable sujet à propos du second agent. Ainsi, dans le terme mpampakatra, celui qui fait monter : mp + amp + akatra, le préfixe mp- est employé pour former le nom d’agent et l’infixe -amp- signifie l’existence d’un agent qui exécute l’action commandée. Le verbe faire monter signifie qu’il y a un agent se trouvant à un endroit inférieur ou se trouvant au même niveau que celui qui lui fait faire l’action de monter. L’agent en question ou le second agent, dans le thème du mariage, est la femme. Le terme mampakatra est essentiellement cet acte d’intégration de la femme, valorisée par son passage d’un lieu à un autre ou bien du foyer parental à celui de son mari et de son groupement familial. Ampakarina : 0/- amp- akatra-ina : c’est l’agent à qui on fait faire l’action de monter, c’est la femme. L’analyse de ces termes précise donc le comportement psychologique et social de celui qui parle et qui, en même temps, exécute l’action. Le mariage est le système social qui attribue à la femme la place la plus importante de sa vie et dans la relation sociale. C’est un grand honneur pour les parents que leur fille soit demandée en mariage, car c’est l’acte important qui rehausse sa valeur. Par ailleurs, elle a de la chance, car d’après les réponses obtenues pendant les entretiens, les chances de se marier diminuent à mesure que l’âge avance. Et c’est honteux de rester vieille fille, lany zara, lany tandrify, littéralement : qui ne trouve pas à se marier ; pour se moquer d’elle, les gens disent même qu’elle vieillit debout, (traduction littérale), antitse am-pijoroa, antitse am-pitovoa. Ainsi, pour ne pas être la risée des autres, les 98 99 parents souhaitent que leur fille se marie jeune, même avec un homme plus âgé qu’elle. Mais de son côté, un homme qui ne trouve pas de femme ou qui ne daigne pas en chercher, n’est pas normal. Il devient la risée des femmes et de la société en général. C’est pour cette raison que l’homme en choisit une, deux et même plus. Dans Zatovo malainkanambaly 22, ce sont les femmes qui se donnent, puisque le jeune homme ne décide pas de se marier, ce qui n’est pas logique dans cette société. Mais le mariage est aussi un acte qui souligne la condition subordonnée de la femme par rapport à l’homme, parce qu’une femme mariée n’est plus libre d’agir à sa guise. La fonction du mariage consiste d’abord à procurer des enfants au couple : anam-balian-kiteraha. Dans les familles très traditionalistes, on pratique le mariage à l’essai : les jeunes habitent en couple dans la maison même des parents. Si la femme est féconde, le mariage est conclu, sinon elle retourne chez elle. Le mariage coutumier est encore très fréquent dans la région de Toliara, tandis que les mariages civils et religieux commencent à être pratiqués, de par l’influence des églises chrétiennes. Actuellement, se marier à l’église confère un prestige, surtout le mariage en blanc, mariazy korôny. 2.2.3.3. Le niveau lexical Ce sous-chapitre nous permettra de déterminer s’il existe une différenciation de genre dans la langue, en tant que variable sociolinguistique. C’est dans le lexique que les différences sont les plus manifestes, car c’est bien le domaine qui autorise le maximum de variation sans mettre en danger l’intercompréhension entre sousgroupes de locuteurs. Notre recherche nous permettra de trouver des mots différenciés selon le sexe. Ainsi, on pourrait les considérer comme sous-système d’une langue commune, car si la norme est sociale, l’application 22 en est individuelle. Ce qui est intéressant est de Voir corpus, p. 269. 99 100 déterminer comment « je » m’adresse différemment à « vous », selon que vous êtes un homme ou une femme. La question qui se pose alors, c’est : « est-ce qu’on peut parler de différence absolue ? ». Nous effectuerons premièrement l’analyse des pronoms personnels de la deuxième personne ; deuxièmement, nous étudierons les termes désignant la structure des parentés ; la troisième subdivision sera l’étude des noms propres de personne. La langue malgache s’oppose aux langues indo-européennes par l’absence d’expressions morphologiques des notions de personne et de nombre, l’absence de conjugaison et de déclinaison. (Rabenilaina, R. B., 1996 : Introduction). En effet, aucun marqueur de genre grammatical n’existe en malgache, c’est une langue épicène. Par conséquent, nous utilisons les marqueurs de genre « sexuel » : lahy, pour le sexe masculin et vavy, pour le sexe féminin. Par exemple : Zazalahy, garçon Zazavavy, fille De même, avec les animaux, le générique peut être affecté du déterminant désignant le sexe : on a, par exemple, ny omby, le boeuf : ny ombilahy, le taureau ; ny ombivavy, la vache . Les locuteurs d’une langue à genre, comme le français, sont constamment confrontés aux difficultés de l’accord grammatical. Des problèmes se posent pour eux lors du choix de pronoms de reprise dans les emplois génériques et indéfinis. Mais en malgache, comment pourrions-nous maintenir les distinctions qui dénotent l’identité sexuelle ? • Les pronoms personnels de la deuxième personne Dans les différentes variétés régionales et les parlers en présence à Toliara, les pronoms personnels de la deuxième personne du singulier peuvent nous aider à différencier celui qui parle dans la situation de communication. Ils présentent plusieurs variantes. En plus des mots ianao, rehe, ise ou -nao, - ?o, iha, ihe qui sont à la fois masculins et féminins et qui signifient « tu, toi, ton, ta, te », on peut utiliser indry, ly, kene, gea, aky, ikala, etc., pour s’adresser au genre féminin de rang égal ou inférieur et letsy, ise, ialahy, koahe, pour le genre masculin également 100 101 de rang égal ou inférieur. Il n’y a interaction que dans le choix sentimental du locuteur, c’est-à-dire dans l’affectivité, où ise ou bien lie, gea peut être employé soit avec une femme soit avec un homme ; par exemple : Ao gea mba vitao asako oo, s’il te plaît, termine mon travail. A cause du pronom gea, on sait immédiatement que le locuteur s’adresse à une personne du genre féminin. La sélection des pronoms de la deuxième personne doit donc tenir compte de deux facteurs : sexe et statut relatif. Prenons ces exemples : Masoko rehe, tombo?ao raho ou bien masoko ianao, tongotrao aho, tu es mes yeux, je suis tes pieds. Dans cet exemple, trois schémas sont possibles : hommes entre eux (H-H), femmes entre elles (F-F) ou hommes et femmes mêlés (H-F, F-H), parce qu’il s’agit de rehe ou ianao. Mais si on dit : Masoko lie iha, tombokao lie raho ou bien masoko aky indry, tongotrao aky izaho, tu es mes yeux, je suis tes pieds, on sait tout de suite qu’on s’adresse à une femme avec lie, aky et indry. Le sujet parlant est de genre masculin ou féminin, tandis que celui à qui on s’adresse est toujours de genre féminin. Le sexe du sujet dont on parle ou à qui l’on s’adresse ne relève pas du système grammatical et vaut par conséquent en ce qu’il relève de l’interaction verbale, parce que c’est le genre du locuteur qui nous est important en tant que variable sociolinguistique. Ainsi, l’emploi du pronom itena se justifie lorsque les femmes en colère s’adressent entre elles, ou bien entre intimes pour se tutoyer. Exemples : Mangina itena r’ity a! Tais-toi donc ! (La ferme !) Il existe aussi, dans les différents parlers malgaches entendus à Toliara, des mots pour souligner la politesse : Rañandria, roandriaña, rangahy, nahoda etc., pour s’adresser aux hommes et Roakemba, njarahy, rakemba, ramatoa, sevake, etc. pour les femmes . Dans le parler merina, Tompokolahy sy tompokovavy , Messieurs et mesdames, (mesdames et messieurs dans l’ordre social français), s’appliquent à la communauté toute entière. Mais pour éviter de prononcer directement les noms des morts, il y a le tabou linguistique et on place Ratompokolahy, ou Ratompokovavy 101 102 devant ceux-ci, même pour un enfant mort. L’erreur et la transgression sont stigmatisées. vady L’expression navelan-dR…, veuve d’un tel… est uniquement employée pour les femmes. On ne dit pas : Ingahy Ranaivo, vady navelan-dRavao , monsieur Ranaivo, veuf de Ravao. De même pour l’expression mananotena, qui s’occupe de soi-même, ne s’applique qu’au genre féminin. On dit alors vehivavy mananotena : vehivavy maty vady, une veuve, mais jamais lehilahy mananotena. C’est dans le lexique que les différences sont les plus manifestes, parce que c’est bien le domaine qui autorise le maximum de variation sans mettre en danger l’intercompréhension entre sousgroupes de locuteurs. A part les différents exemples que nous venons d’étudier, la différenciation selon le sexe du locuteur est manifeste dans les structures de parenté et avec certains noms propres de personne, mais nous rencontrerons d’autres exemples au fur et à mesure que nous continuons les explications. • La structure des parentés Les liens de parenté de sang sont exprimés, en général, en fonction du sexe des locuteurs en présence. Ma soeur porte un nom différent selon que je suis un homme (H) ou une femme (F), anabavy (HF), rahavavy (F- F). Chez les Tandroy, pourtant, on utilise uniquement le terme rahavavy quel que soit le genre du locuteur, c’est-à-dire homme et / ou femme. Selon que je suis plus jeune ou plus âgé, on a trois termes pour désigner un lien de parenté qui indique la même personne : -Plus âgée : -matoa, ou bien talañolo. Exemples : lahimatoa (frère aîné), vavimatoa (soeur aînée). -Médian : -aivo, ou bien -ivo. Exemples : lahiaivo (frère cadet ), vaviaivo (soeur cadette ). 102 103 -Moins âgée : fara-, Exemples : faralahy (le dernier ou le benjamin), faravavy (la dernière ou la benjamine). Dans les liens de parenté par alliance, on ne trouve pas de distinction de sexe pour les locuteurs : -Sexes différents : zao-bavy, belle-soeur (H-F) -Mêmes sexes : zao-bavy, belle-soeur (F-F). Ce type de différenciation est commun à nombre de sociétés et nous remarquons que hommes et femmes de parenté de sang définissent leurs relations différemment. Tandis que pour les parentés par alliance, la relation de sexe opposé ou de même sexe se définit par le même terme ; la parenté de sang se situe donc à part, car c’est sur elle que pèse le tabou de l’inceste. Nous continuerons cette analyse de différences dans le lexique avec l’étude des noms propres de personnes. • La formation de noms Les variations des lexiques dans la formation des noms sont également intéressantes, dans la mesure où elles nous renseignent sur le genre de la personne ; c’est ce que nous allons voir immédiatement. Le nom situe la personne dénommée dans le réseau des us et coutumes de la société, de l’époque et du milieu géographique et social auxquels elle appartient. Donner un nom, comme le dit Clémentine F.-N. MADIYA: « C’est dire qui est la personne nommée (…), c’est situer par rapport au temps, aux événements, aux comportements ; c’est rattacher la personne aux choses et aux êtres, visibles et invisibles (…), c’est communiquer, converser, dialoguer avec les autres, envoyer des messages, informer sur ce qu’on a longtemps gardé sur le coeur (…), c’est éloigner le porteur du nom des forces maléfiques » (Madiya, C., 1991 : p. 11). Depuis la nuit des temps et même jusqu’à maintenant pour certaines personnes de la brousse dans la région de Toliara, quand un enfant vient au monde, on ne lui donne pas tout de suite un nom, mais on l’appelle par un sobriquet qui rappelle le sexe du nouveau-né : 103 104 Kisy > k + isy, ou bien Nisi’e > n + isi + ’e , si c’est une fille ; (isy : la vulve, l’organe de la reproduction femelle ) ; Reboto ou Voto, si c’est un garçon (voto : l’organe mâle). Et la maman d’appeler sa fille ainsi : Nao kisy, ndeso bakao ndraiky finga ambony latabatra io, ma fille, apporte-moi l’assiette qui est sur la table. Pour préserver le bébé des maléfices ou des mauvaises circonstances et pour exorciser le sort malencontreux, on l’appelle souvent par le nom d’un animal ou par des mots qui traduisent les souillures ou les saletés. Par exemples : Retay, ou bien Tatay, la merde. Pelaraty, une moche petite fille. Parfois, on utilise tout simplement le mot Kolo, le bébé, jusqu’à ce qu’on trouve l’avancement de l’état physique ou mental du bébé, c’est-à-dire jusqu’à un an et demi ou deux ans. Et à ce moment-là, on consulte le devin , ny ombiasy, pour connaître le destin de l’enfant et lui donner un premier nom. Il porte désormais un anaram-binta, le nom selon l’astrologie ; s’il s’agit d’un garçon, c’est le père qui doit choisir, et, pour une fille, la mère. Mais ce premier nom sera bientôt remplacé dès que l’enfant fera ses premiers pas ou sera circoncis. Dans un cas comme dans l’autre, le choix de l’appellation n’est pas dû au hasard. Nous reparlerons encore de cela plus tard. Généralement, les anthroponymes, même appartenant à des ethnies différentes, peuvent être d’origine divinatoire, religieuse et païenne (selon le nom du fétiche). Ils peuvent dériver du nom du chef de la famille ou de la caste, ou se composer d’une partie de celui du père, le patronyme, comme chez les Valohery, par exemple, où le fils devient Valoherindraza et le petit fils , Valoherivelo. Ils peuvent aussi provenir des numéros d’ordre des enfants dans la famille, comme Sambany, la première ; Ifaharoa, Inivo, la médiane ; Farambony, la dernière, etc.; des métaphores imagées, des qualificatifs, des noms communs, des noms d’animaux, de plantes ou de déités. Les noms rappellent aussi la position de l’enfant par rapport à l’ordre de la 104 105 postérité, c’est-à-dire s’il est un fils, une fille, un petit-fils, une petite fille ou un neveu, etc. ; par exemple, Zanadravaomaria, la fille de Vaomaria ; Izafinikamia : la petite fille de Kamia. Les noms féminins se distinguent ainsi par l’emploi des mots zana, fara, ampela ou vavy, zafy, etc. Prenons les exemples suivants : Sambanampela, Ifaravavy, Zanakiniavo, Ivonia, etc. D’habitude, les noms sont simples, uniques sans prénoms, formés d’un seul mot : Amboarane, par exemple ; ou composés, comme Mahavisoa, permettant d’appeler la personne de différente manière, telle que Maha, Avy, ou Soa. La diffusion et le triomphe du christianisme contribuèrent également à la montée des noms et prénoms du calendrier et à leur introduction dans des terroirs lointains. L’ouverture des écoles oblige aussi les parents concernés par l’avenir de leur progéniture à inscrire les noms et prénoms dans les registres de l’état civil. Ainsi s’installa le système de nom de famille, mais cette attitude ne fut développée qu’au sein des Malgaches considérés comme des vazaha, ayant une place sociale ou socioéconomique éminente dans la société. Les noms de famille deviennent héréditaires. D’ailleurs, c’est rare que les enfants aient leurs noms inscrits dans l’état civil, car le mariage légal des parents est peu fréquent. C’est le mariage coutumier qui est considéré comme légitime. Mais l’acte essentiel est la remise de tandra. Actuellement, la transmission des noms n’est pas exigée par la loi, mais si on veut porter un prénom différent de ce qui a été déclaré à l’état civil au moment de la naissance, on peut le mettre sur une pièce officielle, à la condition de le faire précéder de la mention « dit ou dite », par exemple : Toandrene ?e Sely, dite Edmondine . Enfin, l’acculturation a introduit dans le répertoire anthroponymique des catégories linguistiques étrangères, telles que des 105 106 emprunts ou des calques. Par exemple, ‘Zany Labely’ (Jeanne Labelle), Aliny (Aline). Généralement, les noms indiquent les circonstances de la naissance : Avisoa, bienvenue, par exemple, rappelle un événement particulier ayant eu lieu avant la naissance ou pendant la grossesse, ou au moment même de la naissance, qui finit bien. Manahira, celle qui a créé des problèmes lors de son arrivée ou Ndalana, née en cours de route, peut-être pour l’hôpital. Parfois, le nom évoque l’état social et psychologique de son entourage ou des événements historiques ; par exemple : Kirizy, née au moment d’une crise financière au sein de la famille ; Nilaisany, que le père a abandonné juste avant sa naissance. Enfin, le nom reflète le souhait ou le désir des parents pour l’enfant : le mot en lui-même est réputé avoir ses vertus : le nom exercera, croit-on, une influence sur celui qui le porte. Pour comprendre les raisons du choix d’un anthroponyme, il faut connaître les sentiments des concepteurs, parce que ce choix pourrait être guidé par une raison spéciale. La forme des noms dépend des facteurs culturels et géographiques. La plupart des noms masikoro et mahafaly portent les préfixes formatifs de nom propre « Re- » et « E- », tels que Ezoentsoa, Esoavoatse. Dans les noms Tandroy, on rencontre souvent le terme «raza- », ancêtres, qui souligne leur présence constante, leur intervention continuelle et leur liaison étroite avec la famille. Voyons les exemples suivants : Tanandraza, les mains des ancêtres ; Tahindraza, bénie des ancêtres , Efalendraza, ce qui est défendu par les ancêtres, etc. Parfois les noms sont liés à la croyance selon laquelle des ancêtres ou esprits incarnés défunts peuvent se réincarner dans de nouveaux corps humains. Et les explications de nos informateurs disaient que ce sont les gens qui apprécient les cultes de possession rendus aux ancêtres royaux qui sont surtout sujets à cette incarnation. Le fait de porter le nom du défunt constitue alors un aspect religieux, symbolique ou sociologique. Nous avons pris comme exemples les noms 106 107 suivants : Tilike, (= visite ) ; Soandro Nipoliany (= le beau jour de son retour ) ; Vonjendraza, celle à qui les ancêtres a rendu visite. Ces différents types et formes de noms témoignent d’ores et déjà que les noms peuvent apporter des indices sur l’origine du ou de la dénommé(e), son milieu socio-culturel, les comportements de ceux qui ont donné le nom. Mais ce qui est important vis-à-vis de la coutume malgache, en général, c’est la valeur fondamentale de la vie en rapport étroit avec le destin et même la fatalité. C’est pourquoi, chacun pense que chaque individu, chaque événement et chaque action peuvent entraîner une maladie, voire la mort ; seulement leurs effets varient d’un individu à l ‘autre, d’une action à l’autre et d’un événement à l’autre. Ainsi, il est de coutume à Toliara de consulter le dire du devin lors d’une naissance et de connaître la conjonction des astres. Le devin en tire des déductions qui auront des répercussions sur le destin de l’enfant. Son nom doit, par conséquent, être choisi en fonction de cette conjonction. Ainsi, dans la société tandroy, on donne le nom Haova, pour une fille née sous le signe du Bélier, Alahamaly ; Sana, sous le signe de Jupiter, Asaoro ; Tema, sous le signe du Lion , Alahasade, etc. Les noms des garçons sont choisis différemment . Chez les Masikoro et les Vezo, l’enfant né sous le signe du Cancer, Asarata, dénommé Mosa, si c’est un garçon et Misa, si c’est une fille, sous la conjonction du samedi, a un destin redouté, car il risque de nuire à son entourage. On remarque aussi la même croyance chez les Ambaniandro pour les enfants nés sous le signe du Sagittaire , Alakaosy ; ces enfants sont même sujet à être supprimés à la naissance. Mais par le rite de conjuration, il appartient au devin de dévier le mauvais sort. Ainsi donc, la femme a sa place dans la cosmogonie. Sa présence et sa participation sont nécessaires dans l’organisation communautaire et villageoise ; et cela retrouve son explication et son appui dans le dynamisme de la divination (sikidy). En effet, selon E. Fitahia, un historien chercheur, dans la figure du sikidy tanôsy, la femme a sa place 107 108 dans le sikidy, le 14ème rang, le sely ; celui du mbiasa, le devin, est le 10ème. Ensemble, ces deux rangs donnent le Haky, le Zañahary et c’est la raison pour laquelle la femme et le devin sont les personnes les plus proches et les plus écoutées par le Zañahary. La première porte en elle la vie ; le second joue le rôle d’intercesseur. Quant à l’influence du christianisme, nous la retrouvons à chaque pas. Elle a pour résultat de bouleverser l’anthroponymie de la tradition, populaire, formée d’un seul terme plus ou moins long, sans prénom. Ce changement se reflète aussi dans le choix des prénoms, qui sont soient des noms d’un personnage célèbre de la Bible, soient des noms de saints pour placer l’enfant sous la protection d’un patron céleste. Le nom de Marie, modèle de toutes les femmes, est devenu un emprunt accepté, comme dans les exemples suivants : Mariaraozy, Ravaomaria, etc. Parfois, ce nom prend le devant des prénoms pour en créer un autre. Cet usage amène peu à peu la coutume de donner plusieurs prénoms de baptême à un enfant, Marie Thérèse de l’Enfant Jésus, Marie Sophie Adrienne Ra… Il faut aussi souligner l’intérêt linguistique que présentent les noms propres de personnes. C’est une manière de garder historiquement la langue. Comparés à des fossiles ou à des couches de sédiments lexicaux, ils permettent de reconstituer des formes et des types de lexies utilisés autrement ailleurs. Le changement de valeur éprouvé par les noms propres au cours de leur histoire n’est pas moins suggestif au regard de la sémantique. Depuis la malgachisation, environ quelques dizaines d’années, la passion pour les prénoms malgaches s’est développée, comme pour rattraper le temps perdu. Ils reflètent presque tous la courtoisie mêlée d’amour, tels que Tiana, Malala, Lalaina, etc. Certains rappellent la joie d’une naissance comme Ravo, Todisoa, ou Zay, le fait d’avoir une soeurette. La grâce et la beauté sont aussi les thèmes des noms féminins comme Soa, et ses composés : Mazavasoa, Soanome, etc. 108 109 La couleur a inspiré les prénoms féminins tels que, Vony, Imanga, Imavo, etc. Il est difficile de marquer une coupure nette entre ces noms de fleurs et ces noms de couleurs. Les diminutifs des noms féminins se forment principalement par le maintient seulement des deux premières ou dernières syllabes : Madeleine devient soit Mada, soit Lène ; Berthine dans ce cas change en Tine, ou Bery. Enfin, les noms des femmes peuvent passer aux enfants quand la mère est seule à assurer la direction du foyer et surtout lorsque le grand-père maternel ne veut pas donner son nom aux petits enfants. On trouve dans ces cas des matronymes. Les noms de l’enfant et celui de sa mère se ressemblent si bien qu’on appelle la maman par le nom de l’enfant en ajoutant Nene ou Renin’..., ou encor e Maman’i... ; par exemple : Nene Tsitohatse, la mère Tsitohatse ou Renindretsitohatse ou finalement Maman’Itsito la maman de Tsito, diminutif. Parlons maintenant des surnoms. Les surnoms sont fréquemment donnés dans les villages, non seulement pour remédier à des homonymies gênantes, mais aussi pour satisfaire un esprit populaire, mêlé de plaisanterie et de malice. En effet, la signification du mot ne veut-il pas dire anaram-bosotra > anarana + vosotra ou anaran-kizaka, un nom pour faire rire ou pour amuser ? Cet état d’esprit se retrouve surtout dans d’autres groupes sociaux que la famille, en particulier dans les usines, dans les ateliers et dans les écoles. Les surnoms sont donnés librement et leur durée est variable. Les femmes sont souvent maîtresses dans cet art. Elles remplacent les noms par des nouveaux sobriquets au cours de la vie d’un individu et les fixent avec une solidité telle qu’ils deviennent héréditaires et sont repris par les descendants. Parfois, les surnoms ont tendance à éclipser le véritable nom de l’individu. Nous avons remarqué, grâce aux surnoms rencontrés, qu’ils sont généralement péjoratifs ou ironiques ; ceux qui en sont l’objet, cherchent à s’en libérer, mais ils y parviennent rarement et ils finissent par le subir, voire par l’accepter. Parfois la voix publique tâtonne, 109 110 hésite entre deux ou plusieurs surnoms. Certaines personnes en reçoivent, soit simultanément, soit successivement. Après leur cinquième fille, un couple s’attendait à avoir un garçon mais ils furent déçus. Ils ont reçu le surnom de Marovavy, puis de Maroanaka, mais ces surnoms sont passés jusqu’à leur vieillesse pour devenir Babanimaro et Nenenimaro. La grande majorité des surnoms actuels sont des mots déformés. Ils se substituent peu à peu au nom ou prénom pour le remplacer exactement dans son emploi, en se vidant de son contenu véritable, par exemple : Mademoiselle, devenu : Madé ou Mozely. Comme les noms communs : métonymie, métaphores, adjectifs substantivés, ils sont tous à l’origine des surnoms. Pour les mondains ou les intellectuels, les surnoms ne sont qu’un jeu d’esprit, superficiel et passager, tandis que le sobriquet populaire garde l’individu, en général, pour ne plus le lâcher. C’est ce qu’on rencontre avec le ‘anara-takihotsy’ dans la région de Toliara. Il s’agit des noms ou surnoms villageois : takihotsy, c’est la manière de parler de quelqu’un indirectement, qui a probablement un rapport avec le terme bara takihitsy ou takahotsy, qui désigne un genre littéraire proche du mythe ; tandis que tahihitsy, signifie : qui veut se montrer intelligent. Ce qui nous permet de déduire que le fait de donner un anara-takihotsy à une personne demande une intelligence pour cacher ou ne pas révéler la vérité, en détournant l’attention de la personne visée et en faisant porter le nom à une tierce personne. Ils sont précieux à étudier, car ils reflètent encore, à très peu près, la mentalité de la communauté villageoise. Très souvent, le anara-takihotsy est rempli de la haine et de l’ironie que l’on ressent envers une personne autre que celle qui porte le nom ou le surnom. C’est un surnom qui peut devenir un vrai nom, à partir d’une anecdote vécue par la personne qui donne le nom. Une femme enceinte, abandonnée par son mari, a donné le nom Nilaisany à sa fille, à cause de sa déception. Ce nom est un anara-takihotsy, l’enfant a été surnommée ‘Laisa’ plus tard. Sambieto rappelle une dispute entre rivales, jamais résolue ; par conséquent, la seconde femme qui 110 111 veut être considérée et respectée comme la première, insiste pour avoir sa place. Chacune garde ses opinions, mais l’enfant a subi le nom toute sa vie. Dans Viro’e, le nom est significatif : radical : viro : tea lela, tea resake, une commère, il s’agit encore d’une haine entre rivales et celle qui se sent mortifiée par sa rivale fait porter sa rancoeur par le nom de son enfant. De tels faits, dont nous n’aurions pu retrouver la genèse exacte sans connaître particulièrement l’anecdote prudente. originaire, Faut-il doivent rappeler que nous le rendre ‘pourquoi’ de nombreux surnoms contemporains nous échappe. Mais nous affirmons que la simple lecture de ces noms ou prénoms permet de repérer la différenciation sexuelle de leur propriétaire. Avant de terminer ce chapitre, nous tenons à préciser que les capacités linguistiques d’un individu dépendent directement de son expérience psychologique et sociale. En effet, les habitudes linguistiques d’un groupe culturel déterminent sa vision du monde et les cultures se font sentir à travers les usages de la langue, c’est ainsi que nous avons remarqué morpho-syntaxique, les différenciations lexical ; nous au niveau continuerons phonétique, avec le niveau syntaxique. 2.2.3.4. Le niveau syntaxique Dans cette partie, nous revenons encore une fois au problème du genre. Nous avons vu que notre langue n’a pas de genre grammatical ; c’est une langue épicène. Comment fonctionne t-on alors dans la structure de la phrase? Dans quelle mesure cette inexistence du genre influe-t-elle sur les représentations symboliques collectives? Dans les langues indo-européennes, du point de vue strictement grammatical, le genre constitue un système de classification des noms. Il se manifeste sur le plan syntaxique par des phénomènes d’accord. On peut dire, sans crainte de se tromper, que dans l’immense majorité des langues actuelles, selon BRUMANN et WUNDT, « les genres grammaticaux 111 112 sont au nombre de trois : le masculin, le féminin et le neutre ». (Brumann, K. 1903 : p.361 et Wundt. 1912 : p. 21). Le masculin désignera, par définition, les mâles et par extension, les êtres conçus comme mâles. Le féminin, de son côté, désignera, par définition, les femelles, et par extension, les êtres conçus comme femelles. Quant aux êtres laissés sans détermination, MEILLET note qu’ils seront du genre neutre ou plus exactement, ils seront sans genre, n’étant ni masculins ni féminins. (Meillet, A.. 1937 : p. 190). Qu’en est-il pour notre langue malgache ? Le genre grammatical, catégorie nominale par le jeu de phénomènes d’accord sur d’autres classes syntaxiques, n’existe pas dans notre langue. Et pourtant, il faut se poser des questions sur le rapport de la langue à la réalité : le genre est-il le reflet d’une vision de l’univers ? • Le genre sexuel Le genre est perçu et vécu par les locuteurs, comme renvoyant à l’ordre « naturel » des choses. Nous attachons tous, plus ou moins consciemment à certains objets ou notions un symbolisme, lahy, mâle ou vavy, femelle, même s’il n’y a pas de correspondance avec le genre. Interrogeons donc le langage et les faits : le P. MALZAC en énumère un certain nombre dans son dictionnaire à l’entrée lahy 23 : - Lahim-panalahidy, le pêne des serrures, - Lahin-jiro, mèche des bougies, des lampes, - Vailahy, clou ou furoncle avec tache blanche, - Apongalahy, long tambour fait d’un tronc d’arbre, - Vatolahy, longue pierre dressée au bord d’une route ou sur une hauteur pour commémorer une personne. - etc. 23 Entrée lahy : R.P Malzac, 2000 : p. 371. 112 113 Certains noms évoquent une idée de force, de grandeur ou de spéciale résistance : par exemple, ny masoandro, le soleil ; nous disons pour personnifier le soleil : Ingahibe masoandro, le vieux soleil. Des noms présentent quelques analogies avec l’organe propre de la femme. Nous consultons toujours le dictionnaire du P. MALZAC à 24 l’entrée vavy : - Vavin-kazo : pièce qui porte la rainure ou la mortaise. D’autres sont envisagés comme donnant naissance, par prolifération, à des êtres de même espèce. Prenons l’exemple d’un bon nombre de substantifs précédés des mots caractéristiques reny ou renibe. Nous les donnons tout formés : - Renitohatra, les deux pièces latérales d’une échelle (les marches sont dites zana-tohatra), - Renivola, le capital (de même zana-bola, intérêt d’une somme) - Renivohitra, la capitale, le chef-lieu - Renirano, la rivière, etc. Qui n’a jamais imaginé, en dehors de toute théorie linguistique que les choses avaient un sexe ? D’où vient ce sentiment largement diffusé par les poètes lorsqu’ils disent : ny voaly maintin’ny alina, les voiles sombres de la nuit. Qui peut bien porter un voile, n’est-ce pas les femmes ? Et lorsque dans nos proverbes, nous disons vorondolo nitera- boromanga 25 littéralement : un hibou ayant engendré un oiseau bleu, c’est que nous faisons allusion à une personne d’une grande beauté mais née ou issue d’une mauvaise source. En effet, ce symbolisme sexuel reste très fort, d’autant plus fort que la distribution des genres est plus « logique », donc plus signifiante. 24 25 Entrée vavy : R. P. Malzac, op. cit. Voir annexe, p. 276, n° 17. 113 114 La question qui se pose, comme pour le problème plus général des rapports langue-pensée, est bien celle-ci : « est-ce que nous percevons le feu, ny afo, par exemple, d’essence masculine et l’eau, ny rano, d’essence féminine ? ou bien sont-ils classifiés ainsi, parce qu’il s’y rattache des valeurs symboliques qui seraient liées aux structures mentales et sociales et aux valeurs culturelles ? Qu’ils soient simples locuteurs ou linguistes, les sujets parlants ne sont pas neutres, ne sont pas objectifs vis-à-vis de leur langue. En ce qui concerne donc notre langue, qui est une langue épicène, « sans accords grammaticaux », tous ces systèmes sont fondés sur l’opposition vavy / lahy. A vrai dire, la question du genre constitue un faux problème, parce que ce système fonctionne et véhicule des notions et une idéologie qui sont indubitablement liées au statut social de l’homme et de la femme, ainsi qu’ « aux stéréotypes masculin et féminin que sécrète toute société ». Ainsi, genre et sexe sont intimement mêlés dans l’esprit des locuteurs. Le genre se révèle essentiellement comme support des représentations symboliques collectives. En effet, les locuteurs d’une langue à genre, comme le français, sont constamment confrontés aux difficultés de l’accord grammatical. Les irrégularités, les dissymétries, notamment dans la formation des noms d’agents, sont sources d’hésitations, de gêne et d’incohérences dans l’accord. C’est dans cette perspective que nous aborderons d’abord les problèmes des noms génériques en malgache. En fait, la langue n’est pas un instrument parfait, ses disfonctionnements peuvent être révélateurs de conflits psychologiques et sociaux. Même si notre langue est indifférente au genre grammatical, nous devons préciser de quel genre il s’agit dans son fonctionnement. La notion des noms d’agent est source d’incompréhension, si on ne fait pas attention au choix de pronoms de reprise dans les emplois 114 115 génériques et indéfinis. Le problème est qu’une différenciation insidieuse se fait dans l’esprit des locuteurs sur la base des « rôles masculins et féminins » dans la société. Dans l’exemple de : Maty ilay mpivarotena…, littéralement : la prostituée a rendu l’âme…, il n’y a pas d’ambigüité, parce qu’on comprend tout de suite qu’il s’agit d’une femme. Ces professions étant généralement considérées comme féminines, bien que leur nom ne comporte aucune marque formelle de genre. Et si nous disons : nandalo ilay mpivaro-kena, littéralement : le boucher est passé, on comprend également qu’il s’agit d’un homme, puisque très souvent, le métier de « boucher » est masculin. Mais pourquoi pas une femme ? Rien dans la phrase ne montre que cela peut être féminin. Ainsi, les noms d’agent conférant du prestige ou qui sont réservés aux hommes doivent être précédés de Ramatoa ou ilay vehivavy si on ne veut pas rencontrer des problèmes de distinction. Ces noms peuvent être suivis par le terme vavy. Voyons les exemples suivants : Nandalo ilay ramatoa mpivaro-kena ou bien ilay mpivaro-kena vavy no nandalo teo. Le deuxième exemple sonne mal et semble être dépréciatif : ilay ramatoa mpivaro-kena est un langage soutenu, tandis que ilay mpivaro-kena vavy est relâché. L’expression ilay vehivavy peut être employée partout, c’est-àdire avant ou après le nom, mais Ramatoa ou Madama sont condescendants et suggèrent l’amateurisme. Cependant, par rapport à ramatoa, madama prend une valeur d’euphémisme constituant une fausse marque de respect ; l’effet atteint est donc inverse de l’intention apparente. Prenons les exemples suivants : n ifankahita zahay sy Ramatoa mpitsabo, nous nous sommes rencontrées, moi et Madame docteur ; n ifankahita zahay sy ilay mpitsabovavy, nous nous sommes rencontrées, moi et le médecinfemme (traduction littérale). Le suffixe -vavy vise à l’objectivité. On se réfère à une différence biologique et non sociale, et c’est subtilement dépréciatif par rapport à Ramatoa ou Madama. 115 116 Dans l’exemple suivant : Nitsangana hiteny ilay vehivavy mpisolovava fa nasaindRamatoa mpitsara nipetraka, l’avocate s’est levée pour parler mais Madame le juge lui a dit de s’asseoir, les registres de l’oral et de l’écrit visent quasiment les mêmes objectifs. L’écart entre ces deux registres est à peine sensible. Cependant, nous avons aussi à signaler une incidence intéressante, qui ne constitue qu’un paradoxe apparent : Efa ela no tsy niasa ramosenay fa niteraka! Notre institutrice n’a pas enseigné depuis longtemps, car elle a accouché : Ramose qui est la traduction en malgache de Monsieur précédé du préfixe de nom Ra-, est un emprunt du français, mais la signification s’est rétrécie pour traduire l’instituteur dans la classe primaire ; puis il s’est élargi de nouveau pour dire tout ce qui joue le rôle d’enseignant, et tout ce qui est de genre masculin âgé. Dans l’exemple que nous venons de donner, il s’agit d’une femme, madamo- ramose. La position dominante du masculin dans la langue est perçue comme un reflet de la position dominante des hommes dans la société. Donc, sans être des locuteurs français, nous nous heurtons aussi au problème du genre des noms d’agents et des substantifs de qualité. A l’heure où les femmes commencent à prendre une haute responsabilité, nous devons toujours préciser pour les titres. Exemples : Ramatoa ben’ny tanàna, Madame le Maire. Ramatoa Ministra, Madame le ministre… Et lorsqu’il s’agit de l’épouse, on doit encore beaucoup plus de précision pour qu’il n’y ait pas de confusion. Exemples : Ramatoa vadin’ny mpitandrina, Madame l’épouse du pasteur au lieu de Ramatoa mpitandrina, Madame le pasteur (qui exerce la profession). La femme qui n’a pas d’autre statut que celui d’épouse sera toujours définie par rapport à son mari. 116 117 Ce long chapitre nous a permis d’aborder, grâce aux différentes analyses phonétiques, morpho-syntaxiques, lexicales et syntaxiques, l’étude des communautés avec les échantillons représentatifs des langues, sans qu’on puisse parler pour autant de langues véritablement distinctes. Les différences existent certes, mais ce n’est qu’au niveau des registres. L’origine de ces différences est variée et, dans de nombreux cas, inconnue. Dans les pages qui suivent, des travaux concrets, ayant des aspects sociologiques, vont nous décrire successivement la relation des femmes avec le hazomanga, le tabou linguistique la politesse et le multilinguisme. 117 118 CHAPITRE III 2.3. LES FEMMES ET LE DROIT A LA PAROLE Nous avons dit dans le premier chapitre que petit à petit, le droit de parler publiquement a été ôté à la femme. Mais, on se pose de questions si les femmes sont effectivement silencieuses, à quel moment peuvent-elles exprimer leurs idées ou leurs désirs ? Dans le présent chapitre, nous aurons le dessein de découvrir l’un après l’autre le rôle de la femme vis-à-vis du hazomanga, du tabou linguistique, de la politesse et du multilinguisme. 2.3.1. La femme et le hazomanga Le « hazomanga » existe couramment parmi les populations de tout le Sud-Ouest de Madagascar et concerne le système traditionnel des sociétés bara, tandroy, sakalava, masikoro, mahafaly et tanôsy. Partout où le hazomanga existe, le lignage est à dominante patrilinéaire. Le mot hazomanga désigne le poteau cérémoniel qui symbolise l’unité sociale de descendance de ceux qui y font leurs cérémonies. Ayant le sentiment de ne faire qu’un, ses membres se réunissent pour des motifs strictement lignagers : célébrations des rites, réconciliations, sanctions, etc. Ils ont le sentiment de leur cohésion car ils respectent un seul chef, le mpitankazomanga ou mpisoro, détenteur du hazomanga, dont le pouvoir est rituel. L’autorité infaillible du mpitankazomanga revient à la personne de sexe masculin la plus âgée de la vieille génération du lignage. C’est lui qui met le lignage en communication permanente avec la surnature. Les différentes fonctions remplies par le mpitankazomanga, en tant que sacrificateur, excluant la femme de ce rôle, ne sont considérées par qui que ce soit comme un acte discriminatif. Aucune femme n’a jamais pu être et ne sera jamais mpitankazomanga. L’attribution de cette fonction à 118 119 un homme est naturelle aux yeux de tous. Ce système conditionne et enserre, en quelque sorte, l’épanouissement et la personnalité individuelle. Et l’individu en tant qu’individu singulier doit s’y immerger et ne peut développer sa personnalité sans y participer. L’interdiction du rôle du mpisoro, sacrificateur, prêtre, au sexe féminin et l’attribution exclusive des responsabilités sacerdotales aux hommes sont autant de moyens visibles et invisibles pour accroître l’infériorisation de la femme. Ainsi, c’est l’ensemble de la structure sociale elle-même, en tant que forme particulière du système patrilinéaire et les différents éléments et niveaux de son fonctionnement qui servent à la fois de soubassement et d’instrument permettant aux disparités de se reproduire, se renforcer et perdurer. L’éducation familiale, transmise surtout par la femme ellemême, inculque aux enfants, dès leur plus jeune âge, la supériorité masculine et la soumission féminine, naturelle et automatique. Tenues depuis des générations sous le pouvoir de ces stéréotypes, qui restent relativement vivaces dans beaucoup de familles et dans certaines zones rurales, les femmes, dans leur rôle de mères et d’éducatrices, perpétuent, sans le savoir, cette disparité. Et c’est ici qu’il y a donc lieu de dire que le contenu du langage est étroitement lié à la culture d’un peuple, culture dont l’évolution conduit à la transformation progressive subie par son parler. L’environnement de la femme repose également sur une dualité dans laquelle elle s’acharne à maintenir l’équilibre, impossible sans doute, car c’est également un milieu entouré d’interdits et de tabous linguistiques. 2.3.2. La femme et le tabou linguistique En général, le tabou a un rôle régulateur, conservateur. En même temps, grâce à sa fonction d’exclusion, il valorise les individus qui n’y sont pas soumis, par exemple les sorciers, ny mpamosavy, par rapport au reste de la tribu, ou bien les hommes par rapport aux femmes, etc. 119 120 Dans la société primitive, le tabou s’appuie sur la nécessité de maintenir un ordre social hiérarchisé. Alors peut-on parler de tabou linguistique dans nos sociétés ? Si l’on prend le mot au sens large, oui, nous avons des tabous, dans la mesure où la société stigmatise certains mots qui font honte ou qui font peur, par exemple : tout ce qui est obscène, qui comprend pêle-mêle : l’érotique, le scatologique, la mort, la maladie, tout ce qui est connoté péjorativement et que la société polie ne veut pas entendre, et contre quoi elle se prémunit grâce à l’emploi de l’euphémisme. Les « parties honteuses » assorties des maladies tout aussi honteuses en bénéficient tout particulièrement. Ainsi, le gynécologue demande : « êtes-vous mariée ? » pour ne pas dire : « avez-vous eu des relations sexuelles ? ». Les termes fandrindram-piterahana, la planification familiale ou bien fanabeazana aizana, espacement de naissance sont appliqués surtout aux femmes et insistent positivement sur le fait d’avoir des enfants, alors qu’il s’agit de ne pas en avoir ; mais il serait indécent de dire : « liberté de faire l’amour sans risque ». Toutefois, les milieux traditionnalistes et certains hommes montrent une certaine résistance envers la contraception, car ils craignent que cela n’accorde aux femmes une liberté de mauvais aloi et ne les encourage à la débauche. Le tabou procède essentiellement d’une peur ancestrale et profonde dans l’inconscient des hommes. Dans les sociétés vezo et tandroy, il y a des mots dont l’emploi est prohibé. On recourt alors à des figures stylistiques pour exprimer les réalités qu’ils désignent. Les termes voto, latake, tabory, pénis, suscitent le mécontentement et révèlent un manque de bienséance devant un public, alors on utilise filahiañe, tandis que pour les femmes, au lieu de dire isy, fory, on emploie, fiheñarañe, vulve ; le malgache officiel emploie les noms génériques : filahiana et fivaviana pour dire la sexualité. 120 121 • L’euphémisme L’euphémisme permet de parler de ce qui est innommable et socialement inacceptable de façon détournée, c’est-à-dire en parlant d’autre chose. C’est ainsi que certaine maman apprend à son fils les mots bibikely, bibity, littéralement : la petite bête, pour désigner son appareil génital, et avec une petite fille, elle utilise les mots zavatra, la chose, ou bien patsa, crevette, pour la vulve, c’est peut-être à cause de son odeur nauséabonde, quand c’est nécessaire de se laver. C’est pourquoi elle dit : nao lie, mba sasao patsanao zao …, littéralement : ma fille lave ta crevette. Les femmes manifestent particulièrement leur crainte de tout ce qui touche à la sexualité et aux fonctions corporelles par l’usage de l’allusion, de l’euphémisme et du sous-entendu. Ce qui touche moins les hommes. Les tabous, dans nos sociétés, sont plus ou moins forts, plus ou moins respectés. Leur transgression entraîne des sanctions qui varient d’un groupe social à un autre, d’une époque à l’autre, d’un contexte à un autre. Les vocabulaires obscènes sont tabous dans certains dictionnaires, entre autre celui des R. P. ABINAL et MALZAC ; même les termes comme mangery, chier et mamàny, uriner, ne s’y trouvent pas. Cependant, avec l’évolution des mentalités, certains mots se fraient peu à peu un chemin dans les dictionnaires courants et, en même temps, dans la « bonne » société. Chez les Tandroy, nous citerons certains mots qu’on utilise pour s’adresser aux personnes âgées respectables dans le but de ne pas les minimiser et ne pas attirer l’attention directement, fiasiñe, littéralement : le respect, lorsqu’on parle des différentes parties de leur corps : − añ’ate : añ’arofo, les entrailles − amany : ari-rano, l’urine 121 122 − handriñe : laharañe, le front − fitombenana: fiambesarañe, le siège, la fesse − loha : ambone, la tête − maso : fihaino, les yeux − oroñe : fiantsonañe, le nez − soñy : fivimby, les lèvres − tañane : fitañe, les mains − tay : fiamontoñe, la selle − vatañe : fañova, le corps − vava : falie, la bouche − volo : maroy, les cheveux − volom-boto / volon’isy : volom-bitike, les poils − nify : fihitsike, les dents − tomboke : fandia, les pieds − etc. Les tabous affectent les femmes quand il s’agit de parler de ce qui est innommable et socialement inacceptable de façon détournée, c’est-à-dire en parlant d’autre chose. C’est ainsi, qu’au lieu de dire directement : ndao lie hisasa an-drano añe, littéralement : allons-nous laver au bord de l’eau, elles emploient le mot hantsaka, hila rano, littéralement : chercher de l’eau, ce qui sous-entend faire sa toilette. Cela connote à la fois des idées positives et négatives, selon la perception de l’homme. D’une part, c’est aux femmes qu’incombe, au premier chef, la production vivrière et les corvées de bois et d’eau. L’eau représente la vie, la propreté. C’est la femme qui est responsable de l’efficacité de son foyer ; chercher de l’eau est une des tâches domestiques qu’elle doit assumer journalièrement pour faire la cuisine, pour laver les linges, pour faire sa toilette, ses petits besoins - tout ce qu’on ne dit pas ou ce qu’on ne montre pas devant tout le monde - bref, elle assure le bien-être d’elle-même et de son entourage. 122 123 D’autre part, aller chercher de l’eau est un moyen pour les femmes de régler les comptes entre rivales, par exemple. C’est là-bas qu’on manifeste ouvertement les disputes qu’on n’ose pas exprimer devant les hommes et ce sont les seuls moments valables aux yeux des hommes pour s’absenter du village et pour mener leurs propres affaires, entre femmes. C’est là-bas qu’elles osent rire aux éclats pour se moquer des hommes ou de leurs rivales , manao fara-hehy, ou bien mitohàke, rire aux éclats. C’est un dogme établi depuis Freud que les femmes répugnent naturellement à l’obscénité, et plus généralement à la grossièreté, à l’injure. JESPERSEN (1976) considère également que la langue forte et l’usage de l’argot sont des caractéristiques sexuelles secondaires de l’homme. Il est indéniable que l’argot et la langue verte sont de création essentiellement masculine. L’humour sexuel ou scatologique est pratiqué par les hommes, entre hommes et souvent fortement sexiste. La femme en est souvent la cible et la victime. Pour FREUD (1905 : pp 156-161) selon T. REIK, la plaisanterie de l’homme orientée vers la femme est une forme de viol : viol verbal destiné à préparer l’assaut physique, sexuel. Les femmes ont appris à réprimer leur agressivité et à manifester leur angoisse autrement. Le fait pour une femme de raconter des blagues cochonnes serait une tentative inconsciente et hostile de parodier les hommes et, parfois, c’est une espèce de masochisme (Reik, T. 1954 : pp3-15). Dans la communication directe, l’expression obscène n’est pas tolérée de la part des femmes. Il est certain qu’on recherche beaucoup plus la correction de langage chez les petites filles que chez les petits garçons. Le gros mot qu’on tolère dans la bouche du petit mâle est mal venu dans la bouche de sa soeur. Il se produit donc un conditionnement dès l’enfance, qui contribue à différencier profondément les registres masculins et féminins. 123 124 L’idée soutenue par les psychanalystes, les sociologues et les linguistes que la femme répugne « naturellement » à l’expression grossière et obscène semble reposer sur une certaine image sociale de la femme. « Les hommes, écrit Shulamith FIRESTONE, ont le droit de blasphémer et d’injurier le monde entier parce que ce monde leur appartient. Mais que le même juron sorte de la bouche d’une femme ou d’un enfant, c’est-à-dire d’un homme inachevé, à qui le monde n’appartient pas encore, et on crie au scandale » (Firestone, S. 1970 : pp75-76). Actuellement, ce langage euphémisé semble être de moins en moins compris, sinon méconnu par la majorité des jeunes qui manifestent leur liberté en écrivant des injures et des images agressives dans les toilettes réservées aux femmes. Qui les ont faits ou écrits ? Ces graffiti, particulièrement révélateurs, dans leur anonymat, montrent une expression libre et non entravée par les tabous sociaux. En somme, il est donc évident que les femmes qui ont mieux intériorisé les tabous verbaux sont surtout des femmes de la « bonne société », modernes ou traditionalistes, des femmes bien élevées et polies. • La femme et la politesse Les femmes, en effet, sont dressées à être des dames. Les tabous verbaux, le maniement de l’euphémisme et le langage châtié font partie des structures de la politesse. Les femmes sont censées être plus polies que les hommes, lesquels ne sont censés être polis qu’en présence des dames. A l’intérieur de toute société coexistent, si ce n’est différente langue, du moins différente variété auxquelles sont attribuées des fonctions précises et complémentaires. La fonction de cette politesse est de réduire les frictions et les conflits, de masquer les antagonismes, les désapprobations ou le désaccord. En d’autres termes, la politesse est liée à l’incapacité de s’affirmer, de dire ouvertement ce qu’on pense, de réclamer son dû, de donner des ordres. 124 125 Le registre de la prière et de la requête polie est infiniment plus pratiqué par les femmes, selon LAKOFF (Lakoff, R. 1975 : pp. 56-57). Voici par exemple, en parler vezo, plusieurs manières de dire : mangina ! tais-toi ! , en allant du moins poli au plus poli : - Mamantsy ! la ferme ! - Mintsina tse ! tais-toi, donc ! - Mangina azafady ! tais-toi, s’il te plaît ! - Tsy afaka ny hangina va iha! est-ce que tu ne peux pas te taire ! - Afaka mangina va iha ! est- ce que tu peux te taire ! - Azon’ iha atao ve ny mangina! est-ce que tu peux te taire! - Azafady, azon’iha atao ve ny mangina!, s’il te plait, est-ce que tu peux te taire! Les femmes utilisent la formule la moins polie souvent dans la colère ou pour s’adresser aux enfants. De même, elles utilisent un éventail de schémas intonatifs plus large que celui des hommes. Particulièrement « féminines » sont les intonations qui indiquent : - la soumission : ndao moa ! va donc ! ; eny ary e ! bon ! ; - l’incertitude: asa…, peut-être…; - la quête d’approbation : sa ahoana ? ou bien qu’en dis-tu ? ; - la surprise : ndray kaky amin-draineniko ianao ô ! mon père et ma mère ! nene ê, maman ; mate raho aba ! je suis morte mon père ! (traduction littérale). -l’enthousiasme un peu niais : avia aty, ikala belelo ratsy keliko ‘ty !, littéralement : viens ici, ma petite morveuse !; - ainsi que les intonations « bêtifiantes » utilisées pour parler aux petits enfants : ntsô..., mate raho, taine ! , mmm, je suis morte mon bébé !, (traduction littérale). Pour éviter le langage affirmé, l’assertion, les femmes utiliseraient également davantage de constructions modales, exprimant le doute et l’incertitude : angaha ? ah, bon ? izany ve ?, est-ce que c’est cela ?; mba marina hoe ? sûr ? ; ah, to va zao !, est-ce que c’est vrai ?. D’une 125 126 façon générale, la pression sociale dans le sens de ce jeu de la politesse s’exerce plus sur les femmes que sur les hommes. • La femme et le purisme Une autre caractéristique que l’on attribue aussi aux femmes et qui est liée à la langue polie et châtiée, est le purisme. Nous avons dit auparavant que les femmes sont plus conservatrices par rapport à la langue que les hommes. Elles attacheraient plus d’importance à la correction du discours, à la norme. Elles ont même, d’après les enquêtes, une tendance à l’hypercorrection, c’est-à-dire à l’assimilation excessive du modèle dominant. Le statut social des hommes repose essentiellement sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils sont ; celui des femmes, sur leurs apparences. Purisme et pruderie, ce sont bien ces deux facteurs qui 26 inspirèrent les Précieuses , lorsqu’elles cherchèrent à régenter la diction, l’orthographe, la prononciation, la pureté de la grammaire française. Mais ce fut alors le règne de l’euphémisme et de la métaphore. Cependant, si l’on veut bien s’interroger sur la signification sociale du phénomène des Précieuses, on peut y voir l’une des premières tentatives faites par des femmes pour prendre la parole, pour s’attribuer un pouvoir sur la langue, pour se faire une place dans la société patriarcale, pour avoir leur mot à dire. Purisme va de pair avec conservatisme et académisme. Donc, à cause de nous, les femmes, la langue n’évoluerait pas, elle entrerait au musée. En général, les femmes sont considérées comme les préservatrices de la langue et de la culture. C’est d’ailleurs ce que nous 26 Note sur les Précieuses : selon Le Petit Larousse, Grand format, 2004, le terme « Précieuse » est relatif à la préciosité. Préciosité : tendance au raffinement des sentiments, des manières et de l’expression littéraire qui se manifesta en France au début du XVIIè siècle…Affectation dans les manières, le langage, le style. Au mot préciosité s’attache, de nos jours, une signification péjorative. Il évoque l’affectation dans les manières, la subtilité excessive, le manque de naturel, alors que être précieux, à son temps, c’est pratiquer un langage choisi, capable de rendre compte de la gamme infini des impressions ressentis. (Voir Les Précieuses ridicules de MOLIERE, 1659). 126 127 avons expliqué dans l’analyse phonétique, à propos de l’exemple tsimihety, pour la conservation de a et o dans aombe. Et pourtant, sans nous la langue mourrait, puisque nous la transmettons à nos enfants et puisque, selon une autre conception courante, c’est grâce au conservatisme « inné » des femmes que se maintiennent beaucoup de langues condamnées par l’évolution socioéconomique. Nous croyons alors que les femmes ne sont les artisanes de la conservation linguistiques qu’en raison de leur statut social. 2.3.3. Les femmes et le multilinguisme La langue de la maison est avant tout celle de la mère, celle des femmes, c'est véritablement la langue maternelle , tenin-dreny, selon le Pr. R. B. RABENILAINA. Le père, le plus souvent, est au moins bilingue, car en plus de la langue de la maison, il pratique une autre langue associée au pouvoir dans la communauté, celle qui lui permet de gagner son pain et se faire une place dans la société. Mais les femmes, même en dehors de leur foyer - nous observons le cas des femmes rurales de Toliara -, sont souvent confinées dans des tâches subalternes qui n'exigent pas le recours à une langue étrangère. Certaines paysannes ne sortent jamais de leur commune, généralement isolée, alors que les hommes sont contraints d'aller gagner de l'argent au loin et deviennent forcément bilingue. Ce sont donc les hommes qui ouvrent la voie à la glottophagie, ce processus d'absorption d'une communauté linguistique par une autre que Louis-Jean CALVET a décrit dans Linguistique et colonialisme (1974). Le conservatisme linguistique des femmes vient du fait de leur moindre mobilité. Elles sont les dernières à s'accrocher à leur langue, à leur culture, donc elles sont les dernières atteintes par le multilinguisme; c'est vérifié un peu partout. Et ce qu'on oublie trop facilement, c'est que partout dans le monde, on rencontre des sociétés de type patriarcal et dans ces sociétés, la place de la femme est à la maison; elles sont exclues de toute éducation, de 127 128 l'école, donc de la langue du pouvoir. Qu'on change alors les conditions d'existence des femmes et on s'aperçoit que la situation peut s'inverser. Pour le cas des citadines, lorsqu'elles ont un emploi, les professions qui sont ouvertes aux femmes impliquent un contact étroit avec la langue au pouvoir : le malgache officiel, ou le français ; les femmes sont mpitaiza zaza, bonnes d'enfants ; mpiasa vavy mpikarakara tokantrano, femmes de ménage ; mpivarotra, vendeuses ; mpitsabo mpanampy, infirmières ; mpampianatra, institutrices ; mpitsara, juges ; dokotera mpitsabo, médecins ; profesora, professeurs, etc. Elles apprennent ainsi davantage la langue dominante. On retrouve là le schéma « langue de la maison / langue d'emploi » inversé. D'une part, il semble que les femmes attachent plus d'importance à l'instruction que les hommes, et singulièrement à l'éducation de leurs filles. Selon S. LIEBERSON : « le degré de multilinguisme est sensiblement égal chez les garçons et les filles de moins de quinze ans ; puis l'écart se creuse de plus en plus avec l'âge » (Lieberson, S. 1971 : pp.231-264). Elles ont donc tendance à intérioriser la norme dominante. Dans les situations de contact entre différents parlers - le malgache officiel considéré par bien de locuteurs comme étant le parler merina -, on a pu constater que les femmes, une fois sorties de l'isolement, tendent vers le parler le plus prestigieux, peut-être parce que la promotion sociale est pour elles plus vitale. Elles modifient parfois leurs accents en mimizy, manao izy, dire izy selon les Tandroy, pour se moquer de ceux qui imitent le parler merina. D'autre part, les femmes se retrouvent dans bien des cas chefs de famille : presque 20 % du nombre total des femmes à Madagascar (23 876, selon les statistiques sur les femmes tuléaroises) 27. Le père étant chômeur, mort ou disparu de la circulation, cas très fréquent, c’est la femme qui prend la relève. Par désir de statut social pour elles et pour 27 Cf. : section : Analyse et données statistiques sur la femme à Toliara, p. 84. 128 129 leur famille, elles apprennent la langue étrangère par une attitude de défi. Dans les régions de grande pénétration touristique, tels que Ifaty, Saint-Augustin, Bezaha, etc., ce sont les femmes qui perdent plus facilement la langue. L'exode rural touchant plus la population féminine que les hommes, ce sont les femmes qui assurent le contact avec les vahiny, (les étrangers), soit qu'elles trouvent du travail, des petits boulots, soit qu'elles se prostituent. On observe souvent "un modernisme" plus grand chez les femmes jeunes et "évoluées" que chez les hommes et un plus grand désir d'intégration dans la communauté étrangère. Ainsi, ce sont les hommes qui se retrouvent promus au rang de gardiens de la langue. Les témoignages divergents sur le multilinguisme et le conservatisme linguistique nous prouvent que c'est bien la situation sociale qui en est la cause et non la "nature féminine". L'âge, le degré d'instruction et d'urbanisation jouent donc un rôle important et tout est fonction de situations spécifiques : prestige social de la langue, isolement relatif, accès au monde du travail. Le conservatisme n'a rien à voir avec le sexe. Ce qui est sûr, par contre, c'est que la femme continue à jouer un rôle important dans la transmission de la langue, car c'est elle qui a, le plus souvent, la charge des enfants. 129 130 CONCLUSION Nous avons amplement démontré que les relations entre variétés de langue et différenciation de genre sont caractéristiques des différentes sociétés dans notre zone de recherche. En général, la stratification sociale, c’est-à-dire l’ordre hiérarchique au sein des groupes repose sur des valeurs et des critères variables selon les cultures, tout autant que selon les réalités socio-économiques. Mais des strates intermédiaires complexes qui, par le jeu de leurs relations mutuelles interfèrent : force traditionnelle / force moderne ; monde urbain / monde rural. Cette stratification est également basée sur le système de séniorité dans la famille, ny maharay aman-dreny, les castes sociales , ny mpitankazomanga ou religieuses , ny mpisoro, le genre , ny mahalahy sy mahavavy et enfin, les classes d’âge, ny fizokiana. Les inégalités sont perçues en terme de prestige et de pouvoir beaucoup plus qu’au niveau des richesses détenues, ny raim-pianakaviana Ainsi, à ce schéma s’ajoute un schéma socio-culturel dont les valeurs les plus manifestes sont perçues à travers les comportements linguistiques, pour désigner une situation linguistique caractérisée, visible dans les différentes situations de la communication. C’est la raison pour laquelle aucune femme ne prononce un discours, car la langue appartient à celui qui a le pouvoir : ny filoha, un chef ; ny raimpianakaviana, un mari ; bref, l’homme par rapport à la femme. Nous savons très bien que la langue appartient aux hommes surtout depuis le temps du patriarcat. Ils ont le monopole de la langue forte, de l'argot, ils respectent moins les tabous verbaux. On prouve aisément que les femmes répugnent "naturellement" au langage grossier, qu'elles sont plus polies que les hommes. Là encore, la position socialement inférieure des femmes, qui les amène à être moins assertives, moins agressives est sans doute en cause. Les femmes sont plus conservatrices que les hommes. C'est vrai tant que les femmes restent à la maison. La conservation des langues menacées est directement liée aux structures socio-économiques et à la prise de conscience sociale et politique. 130 131 TROISIEME PARTIE LES DIFFERENCES ENTRE PARLER DES HOMMES ET PARLER DES FEMMES 131 132 INTRODUCTION La différenciation linguistique entre hommes et femmes ne saurait s'étudier dans un cadre abstrait. Il est indispensable de prendre en compte tous les facteurs qui entrent en jeu dans la communication et qui constituent l'interaction verbale. D’une part, l'interaction verbale s'insère dans le cadre plus large de la communication, à la fois verbale et non verbale. D'autre part, le code linguistique fonctionne en conjonction avec d'autres codes tels que mimique, code gestuel, comportement, etc. Il faut donc élargir le champ d'analyse afin d'établir des corrélations entre tous les traits qui servent à la démarcation sexuelle, que ces traits soient « naturels » ou « culturels ». Ainsi, nous allons définir le comportement langagier des hommes et des femmes, c'est-à-dire, les attitudes que ces derniers adoptent vis-à-vis du langage, les registres linguistiques, l'activité verbale en tant que mode d'expression, etc. Cette troisième partie sera constituée de trois chapitres, dont les contenus seront : la situation de communication, la dissymétrie syntaxique et la dissymétrie sémantique. Dans le premier chapitre, nous définirons ce qu’est une situation de communication : à quoi cela peut-il servir dans l’analyse de la langue des hommes et des femmes ? Quels rôles jouent les interlocuteurs dans la compétence linguistique ? Le deuxième chapitre nous amène aux différents stéréotypes et métaphores avec lesquels on désigne les femmes : certains sont mélioratifs ; d’autres sont péjoratifs. 132 133 Le troisième chapitre mettra en exergue ce que les dictionnaires disent à propos des femmes : comment dénote-t-on les femmes et comment la communauté linguistique les connote-t-elle ? 133 134 CHAPITRE I 3.1. LA SITUATION DE COMMUNICATION L’objet de ce chapitre est de nous faire comprendre que l’acte de parole renferme plusieurs réseaux de communication dont certains sont nécessaires à définir, entre autre, l’énonciation, de nature sociale. Il nous appartient de l’étayer dans les sous-chapitres qui suivent. 3.1.1. La notion d’analyse de discours Dès le début, nous aimerions définir ce qu’est le discours et son univers pour mieux nous orienter vers l’objectif de notre recherche. « Le discours, selon E. BENVENISTE , est une énonciation supposant un locuteur et un inter-locuteur et chez le premier l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » (Benveniste, E. 1966 : p.242). Le discours suppose au moins deux personnes, l’une transmettant un message qui sera reçu par l’autre. Ces protagonistes du discours, l’émetteur et le récepteur, peuvent être proches, c’est-à-dire dans l’espace, face à face, au téléphone, ou éloignés dans le temps. Une autre définition nous permettra de mieux avancer dans la compréhension, le commentaire et l’explication de la théorie ; selon S. MOIRAND : « on appelle situation du discours l’ensemble de circonstances au milieu desquelles se déroule un acte d’énonciation (qu’il soit écrit ou oral). Il faut entendre par là à la fois l’entourage physique et social où cet acte prend place, l’image qu’en ont les interlocuteurs, l’identité de ceux-ci, l’idée que chacun se fait de l’autre (…), les événements qui ont précédé l’acte d’énonciation (Moirand, S. 1992 : p.11) 134 135 En effet, l’énonciation est le produit de l’interaction d’au moins deux individus socialement organisés et, même s’il n’y a pas un interlocuteur, on peut substituer à celui-ci le représentant moyen du groupe social auquel appartient le locuteur : le mot s’adresse à un interlocuteur ; il est fonction de la personne de cet interlocuteur ; il variera selon qu’il s’agit d’un homme ou d’une femme du même groupe social ou pas, selon qu’il est lié ou non au locuteur par des liens sociaux plus ou moins étroits (mari, père, frère, etc.). Par ailleurs, la situation de la communication ou du discours est un univers où se mêlent des éléments linguistiques et extralinguistiques. Ces éléments peuvent être intérieurs ou extérieurs aux sujets parlants. C’est ainsi que l’accent est mis sur l’environnement spatio-temporel, où se déroule l’échange. La conversation entre mari et femme se déroule différemment à la maison que sous un tamarinier pendant le kabary, le palabre. Les rapports psychologiques des interlocuteurs : âge, sexe, rang social… Tous jouent un rôle important : le bruit ou le silence, l’objet du discours à tenir, etc. Les hommes entre eux et les femmes entre elles adoptent des registres différents qui sont un reflet de rôles ou de centres d'intérêt différents. Les domaines traditionnels de la femme étant le foyer, les enfants, la cuisine, la couture, etc. et ceux des hommes, les différents métiers dits d'hommes, tels que garder les boeufs, bêcher la terre, pratiquer des sports, faire de la mécanique, etc. Cela détermine des compétences lexicales différentes, c'est-à-dire une différence dans les stocks de vocabulaire disponible. Les femmes sont dressées à se taire partout dans les sociétés malgaches traditionnelles. Mais elles peuvent être toutes puissantes à l'intérieur des ménages restreints, tokantrano, tandis que dans la sphère villageoise publique, elles occupent une position subalterne; elles ne font qu'écouter. Et avant d'envoyer la mariée dans son nouveau foyer, le porte-parole de la famille prononce un discours qui lui rappelle qu'une femme qui sait écouter, sait retenir un homme. Donc, les hommes ont le contrôle total du discours. Ny 135 136 akohovavy tsy maneno alohan'ny akoholahy, la poule ne doit pas chanter devant 28 le coq ou encore : Aza manao akohovavy maneno, ne fait pas la poule qui chante. Et pour se moquer d’une femme qui parle trop en présence des hommes, on dit : ampela mikeokeo, en la comparant à une poule qui caquette. Il est très fréquent dans notre société tuléaroise de voir les hommes qui ont tendance à dominer dans la conversation mixte. Voici ce que ZIMMERMANN et WEST ont dit à propos de cela : "Les hommes refusent aux femmes un statut d'égalité dans l'échange verbal. Ils ne respectent pas leur droit à la parole et ne leur laissent pas le choix des sujets de conversation. On peut donc considérer que le contrôle par les hommes des macro-institutions dans la société trouve un écho dans le contrôle, sinon total, du moins partiel, de microinstitutions telles que la conversation" (Zimmermann, D. et West, C. 1975: p. 115) Ce qui nous paraît, au moins au niveau de l'expérience personnelle, correct. Dans une classe d'élèves ou d'étudiants mixte, nous avons souvent constaté le manque d'assertion des filles; les garçons, même en minorité ont tendance à monopoliser la parole. Le même phénomène s'observe dans toutes les assemblées mixtes, politiques, syndicales ou autres. Les prises de parole des hommes sont à la fois plus fréquentes, plus longues, et surtout plus influentes, car les femmes ont appris à laisser la parole aux hommes. Mais ce schéma d'inégalité peut se reproduire entre femmes qui ont le verbe facile et celles qui ne l'ont pas. Dans toutes les cultures du monde, la sagesse populaire nous assure, par la voix des proverbes, que les femmes parlent infiniment plus et infiniment moins bien que les hommes. En voici un échantillonnage: 1. C'est un don de Dieu qu’une femme silencieuse. (La Bible). 2. Il y a mille inventions pour faire parler les femmes, mais pas une pour les faire taire. (France). 28 Voir corpus, p. 289. 136 137 3. Les hommes parlent, les femmes jactent (Espagne,). 4. Les paroles de l'homme sont comme la flèche qui va droit au but, celles de la femme ressemblent à l'éventail brisé. (Chine). 5. La femme a les cheveux longs et la langue encore plus longue. (Russe). 6. Quand la femme ne sait plus que répondre, c'est que la mer est vide. (Tchèque). 7. Si ton épouse ne parle pas beaucoup, offre-lui une petite servante à moitié sourde. (Malgache). A travers ces proverbes, les hommes sont reconnus comme ayant le don de la parole. Ils savent s’exprimer et trouvent les mots pour dire ce qu’ils pensent. Ils tournent sept fois la langue avant de se prononcer, tandis que les femmes s’expriment à tort et à travers. Si on donne la parole aux femmes, elles en profitent et n’arrivent plus à tenir leur langue. En somme, les hommes parlent peu par rapport aux femmes mais à bon escient. Ainsi, l'opinion selon laquelle les femmes abusent de la parole semble donc universellement partagée. Les hommes n’abusent de la parole que « si et seulement si » ils ne sont pas dans leur état normal. C’est ce que nous trouvons dans La mère Rangonala, où le pauvre pêcheur a amèrement regretté le départ de la belle Sanera. 29 3.1.2. La femme et l’expression orale Mais qu’est- ce donc que l’expression ? L’expression orale est une activité commune à tous les êtres normaux. Elle est ordinaire, certes, mais elle n’est pas un phénomène simple. Elle implique une compétence discursive, pour l’organisation du discours ; et une compétence stratégique réalisable grâce à l’utilisation des palliatifs de la voix. Ainsi, la question qui se pose est : « est-ce que les femmes ont l’intelligence et le raffinement pour participer à la catégorie de l’expression, cette catégorie générale, de rang supérieur, qui englobe l’acte de parole, l’énonciation ? ». 29 Voir corpus, p. 267. 137 138 Une autre question, plus simple, plus grossière s’ajoute à cela : Pourquoi les hommes trouvent-ils les femmes bavardes? Dans le discours masculin, on dit que : miketsoketso, mibasivava ny ampela, la femme bavarde tandis que miady hevitra, manadihady ny lehilahy, mandinika, l'homme discute . Le verbe "bavarder" 30 sous-entend des choses futiles, alors que "discuter" 31 annonce quelques choses de sérieux. La parole doit être signifiante, voire fonctionnelle, celle de la femme est insignifiante, donc inutile. Et s'il est vrai que la femme se réfugie dans le bavardage futile, c'est qu'elle n'a pas accès à autre chose. La logorrhée est une manifestation d'impuissance, c'est parler pour parler. Tout se passe alors comme si l'excès de paroles, le bavardage, devient un substitut de pouvoir, une compensation à l'absence de pouvoir. On peut dire qu'il s'agit d'un moyen de compenser la frustration entraînée par l'absence de pouvoir. La maîtrise de la parole, de la parole signifiante, assertive, fonctionnelle, est donc un instrument d'oppression mâle comme elle est l'instrument d'oppression de la classe dominante. Pour continuer plus loin l'analyse, il paraît nécessaire de faire une évaluation critique du rapport au langage des hommes et des femmes. A titre d'exemples, nous rapportons ci-dessous quelques réactions que les interviewés nous ont confiées. Ce sont des réponses données par des hommes et des femmes, interviewés séparément à propos de ce qu’ils pensent des femmes : 1- Be resakey ñ’ ampela. Miresake, miresake, zao avao ro raha hain-drozy atao, ñy mimentsomentso noho mihehihehe avao tontoloñ’ andro. Les femmes parlent trop. Elles causent, elles causent, c'est tout ce qu'elles savent faire. Elles jacassent et elles rient toute la journée. (Homme chef de famille, 52 ans, Ankililoaka.) 2- Tsy azo inoa kahe ty ampela naho tsy ho tea volañe. Siloke naho tsy mivolañe ndraike andro reke. Mitoka namañe hivolaña ?e. Il est inconcevable qu'une femme ne soit pas bavarde. Elles sont malades si elles ne papotent pas dans une journée. Elles invitent même 30 31 Entrée bavarder : RAKOTONAIVO F. 2003 : p. 81. Entrée discuter : op. cit. 138 139 des amies si elles ne trouvent personne pour pérorer. (Homme chef de famille, 47 ans, Mangily). 3- Sambe ama ty tandrife aze naho misy fivoriañe : ty lahilahy añilae, ty ampela añilae, sambe mana ty safàe. Ty lahilahy manao debà : ndraike politike, ndraike zaka hafa, ty hasarota-mpiaiñane ty manahirañ’aze ; ty ampela mirehake ty trañoe, ohatre ty fanake, na ty fitaizañ' ajaja, naho lamody. Chacun se trouve de son côté lorsqu'il y a une réunion : les hommes, d'un côté, les femmes, de l’autre, car chacun a son discours. Les hommes font des discussions : soit politiques, soit autre chose, la cherté de la vie, mais les femmes parlent de sujets divers: à propos du ménage, ou concernant l'éducation des enfants et la mode… (Zana, une mère célibataire, 34 ans, Saririake). 4- An-tanà eo reo mitabake, na mirehake an-tranon'ny namany ao... Miasa mandilatra ny lahilahy ty ampela hananikizao; ny lahilahy vozaka baka antonda añy, le mitoboke an-trano ao, fa ty ampela mbo mandeha mantsaka, naho mbo manao kinanga…Tsy tratra an-trano sasy rozy; vasa naho tsy nanambaly raho, tsy nangalake ampela mahavita teña manao io, fa mampamarahy! Au village, elles font des masques de beauté, bavardent chez l'une ou l'autre. Maintenant, elles travaillent plus que les hommes qui de retour des champs restent chez eux, alors que les femmes ressortent pour chercher de l’eau et surtout font encore du commerce…On ne les voit plus à la maison, si j'étais célibataire, je ne pourrais épouser une femme indépendante sans devenir jaloux! (Enindraza, un homme marié, 47 ans, Andranovory). Des complètent locutions ce et tableau des expressions pour parler des de la langue femmes : courante resa-behivavy, littéralement : propos de femme, désigne tout propos absurde, c'est-àdire naturellement sans signification, mais du coq à l'âne et dans le but de parler de quelqu'un ou de parler d’un rien. On dit aussi manao lamone, littéralement : échanger en petite monnaie. C'est ce que les 139 140 commerçants font lorsqu'ils n'ont pas assez de monnaie à rendre, ils vont par- ci, par- là pour en trouver. Les femmes en font de même pour se griser de commérage ; manao resake tsy vitavita, des bavardages à n’en plus finir ; manisy traka, littéralement : ajouter de la brède. Pour ne pas rester dans la simplicité de la conversation, ni proche de la vérité, on grossit le sujet de conversation ; matavy vola, littéralement : donner du goût à la conversation ; manisy sira, littéralement : saler ; manao resaka anjorony : littéralement : mener une conversation à part, dans son coin. D’une manière générale, l’expression orale est constituée d’une forme et d’un fond. Le fond exprime directement ce que le locuteur énonce comme idée. La forme, elle, veille à suppléer ce que dit le locuteur. Autrement dit, un locuteur se sert du langage pour exprimer réellement ce qu’il a envie de dire. Plutôt que de parler pour ne rien dire, il use à bon escient de cet instrument de communication avec le seul but de se faire comprendre. Ainsi, il doit exprimer son message avec des idées originales qui épousent naturellement les informations fournies et les sentiments à exprimer. Pourtant, H. RANJATOHERY (1992 : p. 40) dans son poème intitulé, Ny ranomasom-behivavy, pense que les femmes ne sont pas assez qualifiées pour se faire comprendre. Elles ne savent pas définir clairement l’essentiel de leurs propos. Elles ne font que pleurer lorsque leur désir n’est pas réalisé : Ny ranomasom-behivavy: Vetivety dia mitobaka Rehefa injay ianao tsikariny Ho tsy miraika firy loatra Amin’ny resa-boro-dambany, Amin’ny resa-boninkazony, Amin’ny resa-tsaka keliny... ....................................... Ranomaso mahasosotra. 140 141 Traduction Les larmes des femmes, Rapidement débordent Lorsqu’elle t’aperçoit Non ému Des causeries à propos de ses chiffons, Des bavardages à propos de ses fleurs, Des récits à propos de ses chatons… ……………………………….. Des larmes ennuyantes. A l’opposé des hommes donc, selon ce poème, les femmes ne peuvent pas et ne s’attendent à rien pour changer leur vision du monde ou leurs rapports avec le discours et le langage. Elles y voient une thématique limitée et souvent répétitive. En revanche, nous constatons généralement que, dans notre société, à Toliara, les hommes usent des paroles mielleuses, du langage fleuri, des mots d’esprit, des baratins, des boniments, des injures et même des agressions verbales, pour maintenir les relations sociales ou pour parvenir à leur but. Ceci n’est pas pour dire du mal d’eux, car nous, les femmes, nous ne pouvons pas vivre sans eux, mais c’est pour souligner qu’il faut assurer une bonne argumentation et une cohérence du discours, si on cherche à être entendu. Par conséquent, il faut faire preuve d’une prise de conscience du vrai fonctionnement du système langagier pour bien communiquer. 3.1.3. La compétence communicative La compétence communicative n’est qu’une partie de la compétence linguistique. Effectivement, la compétence linguistique dénote une aptitude spécifiquement individuelle à reconnaître et à comprendre une infinité de phrases jamais entendues auparavant. La compétence linguistique ne prend pas le contre-pied de la compétence 141 142 communicative : au contraire, elle la complète. La compétence communicative relève d’une organisation fonctionnelle des moyens linguistiques. Elle implique les capacités de perception, d’interprétation et de compréhension du sujet parlant. En d’autres termes, les spécialistes parlent de « la compétence » tout court pour désigner la compétence linguistique et de la « performance » pour la compétence de communication. De toutes les façons, elles sont toutes les deux, indissolublement liées. R. DASCOTTE l’a souligné en ces termes : « La performance sans un minimum de compétence ne permet pas d’initier l’enfant aux tournures essentielles de la langue. La compétence sans la performance nous entraîne vers le dogmatisme et le formalisme… » (Dascotte, R. 1968 : p. 44). C'est un fait bien connu que les filles apprennent à parler plus tôt et mieux que les garçons. A partir de 18 mois, elles font moins de fautes de grammaire que les garçons et sont plus aptes à construire des phrases complexes; elles articulent mieux et ont plus d'aisance verbale. Mc CARTHY (1953 : pp.155-160) estime que l'environnement de la petite enfance et la relation à la mère jouent en faveur des filles, qui ressentent moins d'insécurité, sont plus souvent en contact avec le modèle à suivre (la mère) et verbalisent davantage dans leurs jeux. Nous avons comme exemple une petite fille de 4 ans qui joue au tantara et qui imite la voix et le geste de sa mère tout au long de son récit. Le jeu du tantara, l'histoire ou le récit consiste à choisir un caillou qu'on tape sur un autre caillou ou sur le sol tout en improvisant un récit et mimant le personnage qu'on invente. Mais d’après les psychologues, l’aphasie, la dyslexie sont plus répandue chez les mâles de tous âges. Il n'existe pas, par contre, chez les garçons comme chez les filles, de différences significatives pour ce qui concerne la fluidité, qui se caractérise par l'absence de formes "bouche-trou", telles que aah, eeh, hmm, aan; les expressions: nao…, dis… ; enteo…, regarde… ; hainao moa…, saistu… ; fantatrao…, connais-tu … ; hitanao…, as-tu vu… ; etc. et les phrases laissées en suspens. 142 143 Il y a des emplois rituels, ludiques, esthétiques, conventionnels, qui sont tous codifiés comme éléments du comportement social. Certains modes de discours étaient surtout auparavant réservés aux femmes, le fait de raconter des histoires ou inventer des contes pour les enfants, ny fitantarana angano. C'est la raison pour laquelle chez les Betsileo ou les Merina, ny anganom-bavy antitra, les contes des bonnes femmes se passent toujours auprès du foyer, le soir, pour garder les enfants éveillés, lorsque le souper tarde. Le récit rituel ou épique est le plus souvent une forme d'expression masculine, de même, bien sûr, que le langage cérémoniel, lors du savatsy, la circoncision ou du mariage ny tandra, ny fandeo. Il est déshonorant et interdit pour les femmes de prendre la parole à la place des hommes. Le discours, ny kabary en Imerina ou chez les Betsileo , ne s'ouvre que depuis peu aux femmes avec leur phraséologie spécifique ; mais le kabary, une sorte de débat public ou de tribunal à l'ombre du tamarinier appartient au fokonolona, l'organisation sociale de base la plus répandue dans toute l'île. Parmi les formes mineures de discours, le mot d'esprit, le calembour, le badinage, sont aussi fortement monopolisés par les hommes. Que reste-t-il donc aux femmes? Encore une fois essentiellement le bavardage et le commérage d'où elles ont un certain mal à sortir. • Les thèmes et le contenu du discours La forme du discours est affectée par son thème. La division des rôles et des tâches débouche sur une division des compétences, entre autres linguistiques. Forme et thème sont en interaction constante. On n'adopte pas le même registre selon qu'on fait un exposé politique, ou selon qu'on prononce un discours officiel. Le choix du registre est également lié aux circonstances: réunion publique ou informelle, à caractère officiel ou privé. Là le sexe, la division par classe d'âge et classe sociale sont encore pertinents. Cependant la 143 144 différenciation sexuelle est constamment soulignée: "les bonnes femmes sont incapables de parler politique", sous-entend : elles sont incapables de penser politique. Elles ne savent que parler des chiffons (ce qui est une expression masculine), souligne qu'elles sont incapables de penser à autre chose. Revenons au poème de H. RANJATOHERY qui précise que les thèmes du bavardage féminin sont composés de : … resa-boro-dambany, (bavardage à propos de ses chiffons) …resa-boninkazony, (…à propos de ses fleurs) …resa-tsakakeliny… (…à propos de ses chatons…) La pensée étant étroitement liée au langage, donc qui ne sait pas dire ne sait pas penser ; se cantonner dans ce langage-femme tel qu'il nous est assigné par la société, c'est accepter d'être définies par ce langage-femme. • Les principes de la forme Pour énoncer un procès dans une situation donnée, il convient de prendre en compte certaines précautions, notamment des précautions vocales ; une speakerine de télévision règle différemment sa voix en énonçant le journal télévisé ou si elle bavarde avec une collègue de travail. Comme l’intonation, le volume de la voix doit être expressif ; de même, l’articulation doit être claire. Les voix féminines manquent d’autorité mais elles prennent aussi des connotations péjoratives : les voix perçantes, mikiakiake, haut, perchées évoquent l’institutrice dans les classes primaires. La voix est aussi un indicateur essentiel de l’âge et du sexe. Pour un jeune garçon qui change de voix au seuil de la puberté, on dit vaky feo, littéralement : avoir la voix cassée ; s’il ne rencontre pas cette expérience dans sa vie, il gardera toute la vie une voix de fille, et sera probablement la risée de ses entourages en tant que lahilahy manao feon’ampela, littéralement un homme avec une voix de femme. Or la voix 144 145 est un élément de séduction, elle change au fur et à mesure que le jeune garçon grandit. Il aura une voix grave, be feo, littéralement : grosse voix. On se moquera de lui s’il garde une voix de fausset, kely feo, qui normalement appartient aux femmes. Donc, l’écart de hauteur entre voix d’hommes et voix de femmes, une caractéristique résultant de la puberté, peut être renforcée par les valeurs culturelles qui s’y rattachent : les femmes pérorent, mikaramentsona, les hommes rugissent, mitrerona. Quand les femmes chantent, en alto ou en soprano, miantsa, les hommes suivent en voix de basse, mibeko, tandis que les autres membres du groupe chantent et dansent en même temps, mibanaike, mitsinjake (Tandroy). Une autre caractéristique de la voix féminine se réalise par le rire aigu féminin mikakakaka ou mitohake ; les gestes et les expressions faciales devraient naturellement être adaptés aux sentiments à exprimer. Le regard maintient aussi le contact lors d’une interaction verbale en face à face ; il assure un rôle crucial ; c’est pourquoi les tresseuses de nattes connaissent bien le proverbe : Toy ny mason’ny mpandrary : mijery ny an-kazony, mandinika ny an-dalan-drambony 32, comme les yeux de la tresseuse : ils regardent de deux côtés à la fois : elle est consciencieuse et attentionnée à ce qu’elle fait. Dominer ce paramètre du discours revient à dire que l’on a maîtrisé la compétence de la communication orale. Mais GUMPERZ a puisé de nouvelles sources de travail en précisant que la compréhension du monde ne dépend pas seulement de l’existence de structures rationnelles ; elle passe aussi par « l’interprétation » de la réalité que font les acteurs sociaux, qui jouent un rôle actif dans la construction du monde. De même, selon cet ethnologue de communication, la compréhension d’un message passe nécessairement par l’interprétation que fait l’auditeur des structures verbales dont s’est servi l’émetteur. Or cette 32 interprétation dépend en grande partie des circonstances Voir annexe, p. 276, n°15. 145 146 immédiates de la situation, ainsi que d’une foule de présupposés de nature individuelle ou socioculturelle. Prenons l’exemple de l’expression : fa gege, qu’on traduit littéralement par « c’est fou, ou c’est beau » ; mais ceux qui utilisent la langue comprennent que cette expression est une ironie : on l’emploie lorsqu’on dit le contraire de ce que l’on pense. Par rapport à ce qui est normal, gege ou gaigy, fou ou stupide, celui qui a perdu la raison, pris comme normal, extraordinaire et fantastique même. Les jeunes s’adressent entre eux en disant : « fa gege pozinao toy, koahe ! », traduction littérale : tu te mets en trente et un ! C’est justement sur cette perspective, qui peut apporter un renouveau à l’étude du sens, que nous allons passer à l’analyse de la dissymétrie syntaxique concernant la relation homme-femme. 146 147 CHAPITRE II 3.2. LA DISSYMETRIE SYNTAXIQUE La langue est l’indicateur de mouvements sociaux, économiques et politiques. Elle permet de nous montrer la manifestation linguistique de phénomènes sociaux et parle de la réalité sociale. L’observation des communautés ou des groupes linguistiques permet de définir les limites et les conflits à l’intérieur de la langue. La variable sexe est inséparable, qu’on le veuille ou non, d’autres variables telle que niveau d’instruction, âge, catégorie d’activité. De l’interaction de ces variables émergeront des registres relatifs aux hommes ou aux femmes et qui créent la dissymétrie dans la langue. Qu’entend-on par dissymétrie ? L‘égalité entre l’homme et la femme devrait-elle se refléter dans la langue ? Et si c’est le contraire, d’où viennent les résistances ? Ce chapitre va nous permettre de décrire les stéréotypes, les métaphores et les axiologies contenus dans les variétés régionales à Toliara pour pouvoir répondre à ces questions. 3.2.1. Les stéréotypes à propos de vavy / lahy Le stéréotype est un ensemble de traits censé de caractériser ou typifier une certaine représentation. Disons que le stéréotype est simplificateur, généralisateur, positif ou négatif voire contradictoire. La fonction des stéréotypes est d’occulter la réalité en opérant des simplifications confortables, car les stéréotypes sont loin de correspondre à la réalité. La dualité rend le stéréotype très remarquable, car la confrontation favorise les attitudes discriminatoires. En effet, tel milieu, tel groupe social est représenté par tel type d’expression. Ces stéréotypes peuvent être de langage, de comportement, de vêtements, etc., selon les besoins de la typologie sociale ; ils permettent le raccourci, et évitent de présenter les personnages qu’on peut relier à un archétype connu. Les stéréotypes 147 148 sont donc forcément schématiques et tendent vers l’exagération. Ils contiennent de l’humour et il suffit de forcer un peu le trait pour tomber dans la caricature. C’est un des éléments qui créent et affirment « la dissymétrie ou la non correspondance à la réalité » dans la langue. Le message codé en langage stéréotype se double d’un métalangage, il dénote l’appartenance sociale du locuteur, son niveau culturel et son idéologie. Or, il y a un conflit entre ce qu’on pense du langage féminin et ce qu’il est réellement. Selon JESPERSEN, les femmes ont une fâcheuse tendance à laisser les phrases en suspens, car elles commencent à parler sans avoir réfléchi. De même, les hommes excellent aux jeux de mots, car ils sont sensibles aux allitérations et aux assonances, alors que les femmes ne savent pas en faire et ne les comprennent pas. Elles apprennent plus vite les langues étrangères, mais elles sont des mauvaises linguistes. Cette rapidité en elle-même est un handicap, car elle empêche d’approfondir la réflexion. Les femmes font un usage immodéré de l’hyperbole et des intensifs, car elles ont toujours tendances à exagérer (p.241, op. cit.). En somme tout cela est naturel et inné ! Ce n’est pas étonnant si le 33 proverbe dit : Basin’angalisy, ka ny feon-dreniny ihany no feon-janany , traduction littérale : semblable au coup de feu d’une arme anglaise, le premier coup ressemble au reste. (se dit du caractère héréditaire de la mère à sa fille). Chacune des caractéristiques attribuées aux femmes, à tort ou à raison, est susceptible de recevoir une interprétation sociale. L’opposition entre les stéréotypes masculin / féminin correspond au schéma domination / soumission dont on nous fait croire qu’il est ancré dans la nature. Les mêmes clichés reviennent toujours dans les différentes représentations que l’on se fait du langage : l’homme est actif, créatif , lehilahy miasa, mamelona, miandry la femme est passive, conservatrice, vehivavy velomina. L’homme est libre et hardi, la femme est prude et timorée ; elle s’attache au concret, à l’homme les grandes idées ; 33 Voir annexe, p. 276, n°10. 148 149 l’homme a de l’humour, la femme en est dépourvue ; l’homme réfléchit, la femme bavarde. Ce qui explique que, de tout temps, les femmes ont été traitées comme des mineures et des attardées. Les hommes sont condescendants et ont tendance à parler aux femmes comme on parle aux enfants. D’ailleurs, nous disons : Manao akory ny fahasalaman’ny ankizy ?, littéralement : comment vont les enfants ?, ( ce qui sous-entend : madame et les enfants). La femme fait partie des enfants, en somme elle n’a pas son indépendance, elle est toujours, mineure ; dans certaines sociétés, elle a le même niveau social que les enfants. Ce qui nous oblige à se poser de questions : cette situation cesse-t-elle avec l’accès des femmes à l’enseignement ? Quand est-ce qu’enfin va-t-on la considérer comme majeure ? Le préjugé, en tout cas, a la vie dure. Nous venons de dire que le stéréotype est une forme de caricature. Or, on ne peut caricaturer que ce qui existe où un véritable dressage s’effectue dès le plus jeune âge pour accentuer les différences sexuelles et pour supprimer toute ambiguïté. Ce dressage est évident dans le domaine du comportement, de l’habillement. « Tsy ho sarin-dahy na ho sary ampela aja ao », littéralement : que l’enfant ne soit ni image d’homme, ni image de femme. (Littérairement : pour que l’enfant ne soit ni garçonnet, ni femmelette). Le langage au même titre que d’autres codes tout aussi signifiants dans la communication, tels que code gestuel, mimique, façon de marcher ou de s’asseoir, tous contribuent à la formation de l’identité sexuelle. Les enfants s’identifient tout d’abord à leur mère, sans distinction de sexe. Ils apprennent à parler, essentiellement avec elle. Dans leurs jeux, ils commencent déjà à se distinguer : les petites filles imitent leur mère, elles jouent aux poupées, milalao saribakoly, ou à faire la dînette, manao kinahandro, na tsikoninkonina, ou à être une petite ménagère, manao tamaboha na tsikitraño, etc. 149 150 Les petits garçons apprennent à parler « homme » en même temps qu’ils s’identifient au père. Ils encourent la réprobation sociale s’ils transgressent la barrière sexuelle dans le langage comme forme de comportement. Rien de tel pour les petites filles qui continuent de parler « femme ». Le langage n’est qu’un élément dans un ensemble plus vaste de codes de comportement. Les transgressions sont généralement mal vues : les femmes sont traitées « d’hommasses », fihetsin-dahy, et les hommes « d’efféminés », fihetsik’ampela. Cependant, la transgression est plus grave venant des hommes, parce que la place d’un homme dans la société est supérieure à celle de la femme. C’est donc une manière de se rabaisser mijotso, mirorotra, s’il s’exprime comme une femme. La femme qui se comporte ou qui s’exprime comme un homme est de mieux en mieux acceptée. C’est ainsi qu’on exhorte les femmes à 34 se comporter comme les hommes ho vehivavy sahy, mitomban-dahy, littéralement : être une femme audacieuse, qui se comporte comme un homme. L’inverse n’est pas vrai, car aucune expression n’existe dans notre langage pour le dire : sahià mitombam-bavy, soyez forte (ou faible ?) et comportez vous comme une femme, bien qu’un mouvement s’amorce pour légitimer la composante « féminine » chez l’homme (dans le domaine vestimentaire, en particulier) : actuellement, les hommes portent des boucles d’oreilles, lehilahy mikiviro. Cependant, cette mode unisexe encourt la réprobation des couches sociales les plus conservatrices. Cet écart entre registres d’hommes et de femmes se retrouve aussi dans des domaines variés. C’est ce que nous allons suivre dans l’étude des métaphores. 34 Voir corpus, p. 275. 150 151 3.2.2. La métaphore sexuelle Originairement conçue dans la tradition aristotélicienne, la métaphore était une figure de l’art oratoire et poétique. La métaphore constituait alors un moyen utilisé par les locuteurs ou les auteurs éloquents afin de donner forme à leurs pensées, avec l’idée sous-jacente qu’il est toujours possible d’exprimer autrement, ou de remplacer l’expression métaphorique par l’expression « propre ». Aujourd’hui, cette approche en terme de « substitution » a été revue et est plutôt considérée comme un procès suscité par la mise en relation de deux domaines. Plus exactement, il s’agit non d’une simple mise en relation, mais d’une structuration hiérarchique : on établit une relation entre deux domaines en appliquant certaines qualités choisies de l’un sur l’autre. Généralement, la dénomination métaphorique est enracinée dans l’expérience physique mais aussi dans les expériences culturelles et les relations sociales. Un nouveau concept est ainsi structuré par une expérience plus concrète et plus fondamentale. En somme, du point de vue cognitif, selon LAKOFF et JOHNSON, « la métaphore constitue une sorte de superposition de deux domaines ou expériences. La métaphore fournit des schémas qui organisent notre interaction avec le monde. Mais aucune métaphore n’est ni " complète", ni " objective ", ni " neutre" » (Lakoff, G. et Johnson, M., 1985, p. 137), car chacune découpe son objet selon des plans ou des options déterminées. Par ailleurs, une métaphore ne peut être ni fausse ni vraie, l’important est de reconnaître qu’elle ne donne qu’une image partielle de la communication et véhicule une image spécifique qui sert à mettre en relief certains aspects de la langue. En ce qui concerne notre étude, nous allons décrire les différents éléments qui « métaphorisent » la femme dans notre langue, qui est essentiellement un moyen de communication et d’expression. Ainsi, dans ce domaine, nous devons comprendre les systèmes qui gèrent notre environnement où, la répartition de l’univers entre éléments d’essence mâle, d’une part et éléments d’essence femelle, d’autre part, semble être une constante dans l’humanité. Par exemple, à un niveau 151 152 très simple et concret y répondent les pièces mâles et femelles des assemblages électriques : les prises mâles et femelles. La dichotomie vavy, femelle / lahy, mâle ; malemy, passif / mahery, marisika, actif ; misaina, raisonnable, rationnel, ara-tsaina, / tsy misaina irrationnel, tsy ara-tsaina gouverne notre vision de monde. Prenons comme exemples les mots suivants qui se prêtent à une interprétation en termes de symbolisme sexuel, lequel peut être différent selon son propre mythe ou ses valeurs culturelles : - Le jour / la nuit - Le feu / l’eau - Le ciel / la terre - La vie / la mort Selon le mythe tandroy et dans la plupart des représentations populaires, la mort, lolo, est vue sous l’aspect d’une vieille femme hideuse, qui crée la peur, et c’est aux femmes , mavokasaoty, qu’il appartient de pleurer les morts. La peur de la nuit est liée à la peur de la femme devenue sorcière, mpamosavy, qui enfourche son balai ou prépare ses infâmes potions ensorceleuses tambavy, aoly, littéralement faite par les femmes, nataom-behivavy. Ainsi, la femme a un visage de ténèbres : elle est le chaos d’où tout est issu et où tout doit un jour retourner. Mais de nouveau ici l’ambivalence joue : si la femme est associée à l’idée de la mort, elle l’est aussi à la fécondité. Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest de notre île, la lune, ny volana, belle, traîtresse, faible, instable, maléfique présente plusieurs caractères et est associée à la féminité. Ainsi, elle alimente non seulement les rêves des poètes mais aussi les superstitions populaires : son pouvoir est perçu comme inquiétant, mystérieux, le plus souvent néfaste. Elle agit sur la santé, sur les humeurs, sur le temps, les marées, etc., alors que le soleil, ny masoandro, principe d’énergie mâle, qui devient symbole de la force virile, est toujours positif. L’identification de la terre, ny tany à une femme se retrouve dans toutes les cultures et à toutes les époques. Terre-mère, tany reny, 152 153 (littéralement), la patrie tanin-drazana, tany nihaviana, terre nourricière tany mamelona. La terre-mère engloutit dans son sein les ossements, ny taolambalo, de ses enfants. Ce sont les femmes qui tissent la destinée humaine ; mais ce sont elles qui en tranchent les fils. Elle est à la base de nombre de croyances, de rites et de superstitions. Les mines que contient le ventre de la terre sont assimilés à un utérus, c’est-à-dire à la matrice de la Terre-mère, et les minerais à des embryons : zaza an-kibon-dreniny // harena an-kibon’ny tany. La terre est donc la matrice, la source, le giron, le refuge, l’origine et la fin de toute vie. C’est la symbolisation de la patrie ou de la nation par une femme. Mais la fécondité de la femme n’est regardée que comme une vertu passive. Elle est la terre et l’homme la semence. Le ciel, lui, est synonyme de Dieu-père, Zagnahary-Ray, puissant, autoritaire et fécondant. C’est lui qui envoie la pluie pour féconder la terre. Mais la pluie en tant qu’« eau », élément-mère, souligne son caractère féminin et maternel. Or, en devenant violente, l’eau, ny rano, change de sexe. Le flot déchaîné est masculin. On peut en rapprocher la domination de l’océan sur la mer, du fleuve sur la rivière, du ruisseau sur la source. Si la mer est une femme, l’océan ne peut être que mâle. Les poètes en sont si convaincus qu’ils ont fait de la mer une perfide et de l’océan un cruel. C’est le sexisme du langage. Mais ce qu’on veut mettre en relief, c’est que le féminin est associé à l’idée de faiblesse et le masculin à l’idée de force. Les oiseaux, tels que les vorondolo, les hiboux ou les chouettes étant nocturnes sont relatifs à la sorcellerie, ils sont donc amis des sorciers ou des sorcières mpamosavy ; tandis que la colombe, ny domoina ou ny voromailala, les pigeons sont des oiseaux de paix et d’amour. Ils sont symboles du Saint-Esprit et de la virginité, chez les chrétiens. Il apparaît ainsi que la tendance anthropomorphique de l’homme le pousse universellement à sexualiser la nature et la réalité qui l’entoure. Il profite, chaque fois que c’est possible, des structures 153 154 linguistiques pour justifier et rationaliser cette attitude et donner un fondement concret aux représentations symboliques. C’est l’exemple du terme vatolahy, littéralement : pierre mâle, pierre levée. Lors de la circoncision, famorana ou savatra, l’eau puisée à la source, un élémentmère change de sexe lorsqu’elle est réservée spécialement pour symboliser la force de l’homme et on l’appelle ainsi ranomahery, littéralement : eau forte. Finalement, nous avons aperçu que dans une langue qui n’a pas officiellement de genre, le filtrage des valeurs symboliques est infiniment plus net puisque non occulté par l’automatisme de l’accord grammatical, les locuteurs sont plus libres de faire jouer la métaphore sexuelle . Nous allons suivre une autre étude qui, toujours dans le cadre de la dissymétrie au niveau du langage des hommes et des femmes, porte sur les termes « axiologiques » : les termes dévalorisants / laudatifs, valorisants. 3.2.3. La dichotomie mélioration / péjoration La structuration du domaine lexical sert à qualifier, manondrotra et à dénigrer les femmes mikizaka et cela fait d’elles et de leurs corps, métaphoriquement, la source inépuisable des injures et des jurons. Nous avons dit auparavant que les hommes manient plus que les femmes « la langue verte ». Ils sont donc davantage nos oppresseurs - même si cela peut aussi se passer entre femmes -, et qu’ils disposent généralement d’un registre de mépris infiniment plus étendu vis-à-vis de l’opprimée, c’est-à-dire nous, les femmes. En effet, les hommes ont des milliers de mots pour désigner les femmes : leur vertus, leur valeur et leurs mérites, d’un côté, mais toute une immense majorité en péjoratifs, donc leurs défauts, d’un autre. Nous notons également que les mots empruntés par l’oppresseur à l’opprimée ou désignant celle-ci, sont souvent détournés de leur sens originel, déformés, dépréciés, connotés péjorativement. Tantôt, on les 154 155 adopte en les déformant, par exemple le terme sekatsy qui désigne et s’emploie pour une vache stérile. Quand il s’agit d’une femme, on dit momba ou betsiteraky, néanmoins on peut utiliser sekatsy vis-à-vis de la femme, lorsqu’on la mésestime, mais ne jamais utiliser betsiteraky pour une vache. Comment désigne-t-on un homme stérile ? Le mot n’existe pas, parce que l’inverse n’est pas vrai dans notre société- (du Sud). Jamais un homme ne peut être stérile , c’est toujours la femme qui l’est ; par conséquent, la femme stérile souffre énormement, car elle doit supporter le mépris de la société et la raillerie de sa rivale. Voyons ce que ce poème intitulé Ny senton’Ikalamomba 35 en dit : Katsaka niteraka an-tehezana Rakalamomba, voky nibaby ny tsy naloaky ny kibo, fola-damosina amin-janak’olona; torovana amin’ny an’ny sasany, miongo-bolo amin’ny tsy an’ny tena, …………………………………. Traduction Rakalamomba est comme une tige de maïs, Qui engendre en ses côtes, Elle est rassasiée en endossant Ce que son ventre n’a pas produit, Elle a le dos courbé avec l’enfant d’autrui ; Brisée de fatigue avec ce qui appartient aux autres, Elle perd ses cheveux pour ce qui n’est pas à soi, ... 35 Voir corpus, p. 274. 155 156 Ici, l’auteur ne fait que reproduire le langage acerbe que la société adresse aux femmes stériles. La péjoration de la femme est omniprésente dans la langue, à tous les niveaux. Dès l’enfance, chacun apprend que certains mots sont porteurs de prestige, alors que d’autres évoquent le ridicule, la faiblesse, la honte. L’homme se sent conforté, soutenu, approuvé dans ses aspirations en tant que akoholahim-bohitra, « coq du village », lehilahy tsiriritim-behivavy eo an-tanàna, littéralement : homme désiré par les femmes du village, selon RAKOTONAIVO 36. La fille se sent très vite coincée dans son rôle de : - vantotr’akohovavy, poule ou poulette, pour une jeune fille dodue et désirable, ayant l’âge de puberté, - akohovavy maneno, poule caquetante, littéralement : une poule qui chante, pour une femme très bavarde et qui s’exprime avant les hommes. Normalement, c’est le coq qui chante ; une poule qui chante présente un danger, on la tue ; - reny akoho manatody lava, mère-poule ou poule pondeuse, pour désigner une femme qui engendre chaque année. Elle peut être une oie, gisavavy, lorsqu’elle ne sait rien, vehivavy donendrina sady bado, ou vorontsiloza vavy, une dinde , tsy misaina, maivan-doha, qui ne réfléchit pas . Toutes les espèces femelles peuvent prendre un sens péjoratif. Les oiseaux et la volaille, en particulier, constituent la métaphore fondamentale de la femme. Il s’agit là de deux poids, deux mesures. Ce qui est qualité chez l’un est défaut chez l’autre : - un homme est un brillant causeur : lehilahy mahay miresaka, mamarotra am-pitsanganana, littéralement : qui vend debout ; 36 - une femme est un moulin à paroles, tranon-dresaka, basivava ; - un homme est discret, mahatam-bava ; - une femme est pipelette, mivatsavatsa ; - un homme est pacifique, milamina, tsy tia romoromo ; - une femme est hystérique, ampela gegy, tia aly. Rakotonaivo, François, Rakibolana Frantsay-Malagasy, 2003. 156 157 Selon une dichotomie bien établie, dans la société malgache en général, la femme ne peut jouer que l’un des deux rôles suivants : celle qu’on respecte et celle qu’on consomme, c’est-à-dire - en tant que reny, mère, kitapo nifonosana, littéralement : sac qui a enveloppé, l’image de la cavité utérine ; nisotro ny rano tsy tiana, celle qui a bu l’eau qu’elle n’a pas - désirée, ni appréciée, fola-damosina, celle qui a le dos courbé, en tant que mère, qui a éduqué, mpikarakara tokantrano, en tant que ménagère, qui s’occupe du ménage; - enfin, en tant que « pute », mpivaro-tena, objet de consommation, réel ou imaginaire. Elle a donc pour modèle : - Marie, Mère de Dieu et - Eve, créature vaincue par la tentation, source de tous les péchés. Ce double statut s’exprime dans un lexique d’une diversité et d’une étendue inouïes. Bien qu’utilisés également en partie par les femmes, il est de création presque entièrement masculine. On dit parfois « le sexe » pour désigner la femme ; c’est elle qui est la chair, ses délices, ses dangers. Elle est une idole, une servante, la source de la vie, une puissance des ténèbres ny herin’ny maizina. Elle est artifice, bavardage et mensonge. Elle est la guérisseuse, mpitsabo, manome aoly et la sorcière , mpamosavy. Elle est la proie de l’homme, elle est sa perte. Elle est tout ce que l’homme n’est pas et qu’il veut avoir, sa négation et sa raison d’être. Aucun homme ne consentirait à être une femme, mais tous souhaitent qu’il y ait des femmes. Vis-à-vis des hommes, elle est toujours définie comme « l’autre » , ty sasany, ty ilany. Elle s’accomplit sans trêve dans le passage de la haine à l’amour, du bien au mal, du mal au bien. Sous quelque aspect qu’on la considère, c’est cette ambivalence qui frappe d’abord. 157 158 Le corpus que nous présentons ci-dessous a été recueilli lors des enquêtes et des lectures ; d’un côté, certains mots et expressions désignent la qualité de la femme, la mélioration, d’un autre, ceux qui la déforment, la péjoration. Il s ‘agit de la femme en général pour toutes ces entrées. Elles sont considérées comme argotiques, familières ou soutenues. • La mélioration Stéréotype récurrente, la représentation de la femme revêt deux aspects contradictoires : l’un l’idéalise, l’autre la dénigre. C’est la représentation idéalisante de la femme que nous voudrions souligner par « mélioration » dans la présente partie. La mélioration avance une vision « idyllique » des femmes. Les composantes essentielles de cette vision édénique sont l’éternelle nature enchanteresse et fertile, pleine de douceur et d’atmosphère bienveillante. Ce sont des termes laudatifs : fanjaka, soa, bakobako, belles , de quelque type qu’elles soient ; manga, mainte le, ngalingaly, noire ou brune, mazava hoditra ; feno tsiky sy hehy, pétillante de malice et de gaîté ; elles ont les cheveux ondulés, olioly volo, frisés, ngita, crépus, ringitra, ou lisses, malama ; elles possèdent des traits de caractère ou de lignes de corps que nous qualifions de parfaits, soa vata, tsara bika, littéralement : avoir une bonne constitution. La mélioration traduit ainsi un portrait et une biographie affinés par de merveilleux atavismes. Termes d’hommage ou de reconnaissance, les mélioratifs sont marqués par la présence des adjectifs, des substantifs qui transmettent un jugement subjectif : - Akoho taman-trano, une poule domestiquée, femme au foyer, - Ampela hamotsontane, une femme d’une incomparable beauté, qui fait perdre la raison. (radical tandroy : motso + tane, qui signifie littéralement : fait perdre la terre ou le public). - Ampisafy, andriambavilanitra, femme respectée - Anabavy, soeur - Andriambavilanitra, (terme de respect) : mesdames, mesdemoiselles, - Andriambavy, (terme de respect) : madame, souveraine - Anjely, sarin’anjely (pour flatter) : un ange - Ineny, maman 158 159 - Loharano nipoirana, source de la vie, la mère - Mahery fo, l’héroïne - Maintile, mainte le, pour traduire la beauté d’une jeune fille ayant la peau bleue noire - Mibaby maky, une jeune fille aux longs cheveux tels que la queue du lémurien - Niankin-drindrin’irery, celle qui s’est adossée seule contre le mur, pour traduire la souffrance de la femme pendant le travail avant l’accouchement ; terme d’appréciation - Njarahy, qui vient de l’expression anjara ahy, qui signifie : celle qui m’appartient, mais à la longue il y a assimilation pour parvenir à ce terme, ma femme, la femme en général dans le parler masikoro, vezo - Ny aiko, ma vie, ma favorite - Ny ankizy, la femme et les enfants - Ombivavy be ronono (une femme qui a la taille assez large, épanouie ; une personne qui est généreuse), une vache laitière, masiaka be ronono, la mère nourricière. - Rakemba, la femme en général dans le parler tandroy. - Ramatoa, femme, la bonne - Sevaky, la femme en général dans les parlers masikoro et vezo. - Sombin’ny aina, une partie de ma vie, pour celle qu’on aime, femme ou fille adorée. - Somondrara, jeune fille, adolescente. - Tananjomba : femme mariée, au foyer, parler tandroy. - Tovovavy herontrerony : une jouvencelle, une tendre jeune fille. - Vinanto vavy, foza vavy, la bru (dans l’expression fozalahy natakalo foza vavy ). - Virijiny (terme de respect, d’adoration ), madio, masina, une vierge, une sainte, immaculée. - Voromailala, domoina (terme d’affection pour appeler celle qu’on aime), la colombe. - Voromanga, un oiseau qui chante bien, une femme ayant une belle voix. 159 160 - Vorombola, un oiseau au beau plumage, celle qui est très belle physiquement. - Zana-javatra (métaphorique) : une nymphe, pour désigner une femme d’une beauté inouïe. - Zanaka vavy, fille. - Zandrivavy, frangine, soeur cadette. - Zazavavin-drano (pour flatter celle qui a de longs cheveux, ou celle qui sait bien nager) : une sirène. • La péjoration On ne cesse de crier que les femmes sont vaines et coquettes ; des défauts peuplent son monde. Ce sont ces reproches qu’on reconstitue dans la « péjoration », des caractères dépreciatifs qui viennent encore compléter et parfois modifier le portrait de la femme. - Amato, du terme amante : maîtresse, deuxième bureau. - Ampela katraka : une femme comparée à une charrette, que tout le monde, même un broussard, peut posséder ; une fille facile. - Ampelam-bantotsy, ampela lany asa fa mandany andro miresaky, tea vola, mavo vava, lava lela : une commère. - Antitra am-pitsanganana, lany zara, une vieille fille qui ne trouve pas de mari. - Basin’ariary fito, ts’isy mpanontany, qui coûte peu, qui ne vaut rien. - Be zesta, be pôzy, be angeso: une mijaurée, une pimbêche. - Bele be toko : qui ne coûte pas cher mais qu’on peut avoir à un prix dérisoire, le prix d’un tas de patate douce. - Bôbon vorona, ampela katraka, une fille facile, une fille légère - Daba loaka : une dévergondée. - Deziemo biro : deuxième bureau, maîtresse . - Fotsy antsy (littéralement : lame sans manche), momba, tsy manantaranaka : une femme stérile. - Fotsy varavarana, lava lia, lava hana, tia mitety tranon’olo : une mégère. - Janga, vehivavy janga, mpivaro-tena, fatritra, manidina, mi-roll, kôksa, makorely, jiromena, kalalijaky, makotipa, une prostituée. 160 161 - Kitapo latsaka, tsy virjiny sasy, une fille déchue et abandonnée par celui qui l’a déflorée. - Kitse, sipa, pasy, bokaka, une petite amie, un flirt. - Kongoroty, tarehe : une femme très moche. - Lolo, tarehe, tarehin-tsoavaly: laideron, horrible. - Malangy, jefijefy, minafonafoky, mangily : une mégère. - Maro anaka, manao tera-bitro, reny anaka : une mère avec beaucoup d’enfants. - Mazava alina, mpivaro-tena : belle de nuit. - Mémé, rabôfy, ‘fa soara, anti-bavy : une vieille femme. - Miangentsana, mihanta : une pimbêche. - Misy foza, taksy vody, mpitety lehilahy, une prostituée. - Mpandeha an-tsambo, makorely, une prostituée qui fréquente les bateaux. - Mpanoratoraky torgape, mpivaro-body, une prostituée. - Nôfa, vorondolo, tarehe, une horrible vieille femme. - Ny vehivavy, ianareo vehivavy : une donzelle. - Papozy, paoa, somondrara : une jeune fille. - Piraty, mpaka vadin’olo, danzy, makôsa : une voleuse de mari. - Rabôfy, raneny, rafotsy,’ fa soara: une vieille. - Ramavo, mpamosavy, ranenitoa, une sorcière. - Rañitse, serifa, sakaiza : une petite amie. - Sakafom-bahiny, fotsimbarim-bahiny : une passe, une fille que les étrangers prennent pour passer le temps. - Sakay kely rano, masiaka sady kizintina, kintonkintonina: méchante, chipie. - Sexy-girl, prostituées uniquement dans les boîtes de nuit; femme attirante 37 - Sipa, spin, ajà, likely, rasỳ : petite copine, petite amie. - Soavaly tapa-kofehy, manidina : une jument. - Tsibororoty, tsy mihorira : une prostituée. - Vadikely, serifa, deziemo biro : la maîtresse. 37 Voir corpus, p. 253. 161 162 - Zaza mila vola, kôksa, makorely : une pute, une putain. Un grand nombre de ces mots désignent clairement les prostituées. La quasi- totalité des noms se rattache au type « Eve », c’est-à-dire, à la seconde catégorie. Même des mots en apparence innocents comme ny vehivavy peuvent prendre un sens péjoratif. La femme qui ne cadre pas dans cette classification, la femme hors du commun, n’est pas n’importe qui. Elle peut être : vehivavy mahery fo, une héroïne, ou olo-masina, une sainte, ou vehivavy miendri-dahy, une virago . La femme résume la nature en tant que reny, mère , vady, épouse et hevitra, idées; ces figures tantôt se confondent, tantôt s’opposent et chacune d’elles a un double visage. La fertilité magique de la terre, de la femme, apparaît comme plus merveilleuse que les opérations concertées du mâle. La mère est la racine enfoncée dans les profondeurs du cosmos et qui pompe les sucs ; elle est la fontaine d’où jaillit l’eau vive qui est aussi un lait nourricier, une source chaude, une boue faite de terre et d’eau, riche de forces régénératrices. Chez nous, à Toliara, l’accouchement est entouré des plus sévères tabous ; en particulier, ny tavony, le placenta, doit être soigneusement enterré, car quiconque s’en emparerait tiendrait la destinée du nouveau-né entre ses mains ; celui qui l’emmène pour l’enterrer ne doit pas se retourner, sinon le bébé serait atteint de strabisme. La souillure de la naissance rejaillit sur la mère. Et impose à l’accouchée des rites purificateurs. Et dans beaucoup de campagnes ; la cérémonie des relevailles maintient cette tradition. La femme est parfois définie par des qualités physiques : elle est belle, soa, ou moche, ratsy et morales : c’est une sainte, masina ou une poison, poizina. Dans les deux cas, c’est le pôle négatif qui est le plus représenté. 3.2.4. La femme et les locutions méprisantes L’immense majorité des mots qui désignent la femme sont violemment péjoratifs et portent des connotations haineuses. Elle se 162 163 sent fondamentalement moche, au physique comme au moral, ce qui est pour le moins paradoxal dans une société qui oblige les femmes, avant 38 tout, à être belles : mais ce proverbe la dénigre : jejo reny ka botry anaka , traduction littéraire : à femme coureuse et de mauvaise vie, enfant chétif. Ce proverbe se disait des femmes qui passaient beaucoup de temps à s’occuper de leur beauté pour aller courir et laissait sans soin leurs enfants. Lorsque la femme reste tout le temps à la maison et met rarement les pieds dehors, sa famille ou ses amies lui adressent des railleries et l’appellent vali-karany, l’épouse d’un indien, parce que la séparation de la femme de la vie sociale ou publique, en vivant en réclusion, est un trait caractéristique de la plupart des sociétés indopakistanaises ou musulmanes. Certains justifient cette réclusion, car ils disent que la place de la femme est à la maison, non à l’extérieur. Mais la femme qui aime sortir et passe son temps à jacasser est dite fotsy varavarana, la porte blanche : traduction littérale La maman elle-même n’échappe pas à la dépréciation. Elle se voit traiter de mère lapine, mpanao tera-bitro ou de akoho mpanatody lava, poule pondeuse, ou bien reny akoho, la mère poule. Elle est ainsi considérée comme le nid d’où sort la couvée. Les mots désignant la grossesse sont le plus souvent crus et déplaisants. La femme a avalé un ballon, nitelina baolina ; certains jeunes pour se moquer d’elle s’exclame parfois ainsi : jereo fa mibontsina !, regarde, elle enfle ! , ou bien d’une manière grossière, on s’adresse à elle sans hésitation : bikina kay ity ! Tu t’es fait engrosser ! Comme un homme, allant à une lutte, ou à quelque voyage difficile, où il emmène une sagaie, la femme enceinte est dite manday lefo, littéralement : porter une sagaie. Et lorsqu’elle accouche, elle casse son oeuf, vaky atody, nahavototse : elle est libre ; vaky vilany tany, ayant le pot ou la marmite cassée. 38 Voir annexe, p. 276, n°5. 163 164 Quelle gêne spontanée, gêne qui se camoufle souvent en ricanement, éprouvent les enfants, les jeunes garçons, les hommes devant le ventre d’une femme enceinte, les seins gonflés d’une nourrice. Pour un adolescent, cette gêne envers sa mère pourrait continuer : il se décontenance, rougit si, en se promenant avec ses camarades, il rencontre sa mère, ses soeurs, quelques femmes de sa famille. L’irritation du garçonnet quand sa mère l’embrasse et le cajole a le même sens : il la renie, pour montrer qu’il est invulnérable. Pourtant, la fillette encore impubère n’enferme pas de menace, elle n’est l’objet d’aucun tabou et ne possède aucun caractère sacré. C’est du jour où elle est susceptible d’engendrer que la femme devient impure. Au jour de sa première menstruation, ny fotoa, ny fadi-mbolana, elle demeurait confinée pendant tout le temps de ses règles. Les tabous menstruels sont un peu moins sévères, mais ils demeurent rigoureux : elle ne doit pas servir à manger. Dans certaines sociétés, les vertus attachées à la menstruation sont ambivalentes. D’une part, elle paralyse les activités sociales, fait faner les fleurs, tomber les fruits, fait aigrir le lait… ; mais elle a aussi des effets bienfaisants. Les menstrues sont utilisées dans les filtres d’amour, ny aoly lahy, paraît-il. Toute cuisinière sait qu’il est impossible de réussir une mayonnaise si elle est indisposée ou simplement en présence d’une femme indisposée. L’oeuf tourne, mibaliky ty atoly. Mais les pouvoirs maléfiques du sang menstruel sont plus singuliers. Il incarne l’essence de la femme. Et c’est pourquoi, son écoulement met en danger la femme elle-même. La mère apprend à sa fille à ne pas jeter le petit linge, ny voro-damba, ny salaka sur le sentier ou dans la brousse. Une méchante personne pourrait faire de vilaines choses avec. Utilisé dans une mauvaise intention, selon les anciens, le sang pourrait rendre le mariage stérile. En vérité, ce n’est pas ce sang qui fait de la femme une impure, maloto, mais plutôt il manifeste son impureté ; il apparaît au moment où la femme peut être fécondée ; quand il disparaît, elle redevient généralement stérile. 164 165 Lorsque les termes ordinaires paraissent trop faibles pour exprimer ce qu’on voudrait dire, on se sert de mots qui, à les prendre à la lettre, vont au-delà de la vérité et représentent le plus ou le moins pour faire entendre quelque excès en grand ou en petit. DUMARSAIS le dit ainsi : Ceux qui nous entendent rabattent de leur expression ce qu’il faut en rabattre, et il se forme dans leur esprit une idée plus conforme à celle que nous voulons y exciter, que si nous nous étions servis de mots propres…( Dumarsais, 1971 : p. 131-132). Ainsi, tous les qualificatifs féminins peuvent prendre un sens défavorable. Les mots les plus innocents peuvent être détournés de leur sens propre afin de qualifier la femme de m…Ces procédées tiennent de l’euphémisme et de la métaphore. L’euphémisme, nous le savons, sert à masquer la réalité, mais une fois implanté dans l’usage, il finit par se substituer complètement au mot qu’il est censé remplacer, d’où un changement de sens qui nécessite le recours à un nouvel euphémisme. Un euphémisme casse l’autre ; mais il a également une valeur de provocation et de dérision. GUIRAUD en dit plus sur cela : « L’euphémisme, qui a soi-disant pour fonction de protéger la pudeur, en fait, la compromet en détournant de leur sens des expressions innocentes et qui en deviennent d’autant plus choquantes. Il constitue une provocation. De même que l’hyperbole habille la jeune fille en putain, l’euphémisme déguise la putain en jeune fille, voire en petite fille » (Guiraud P. 1971 : p.110). Le mépris se déguise dans son acception habituelle. Il n’y a pas de limite au détournement. La dérision se cache même dans les mots exagérément laudatifs. Les proverbes suivants en font preuve lorsque les femmes essaient de surpasser les hommes : 39 - Toy ny reny hao, ny vavy indray no malaza, comme la mère-pou, c’est la femme qui a le plus de célébrité. 40 - Rafotsibe naka rafy ka naka loza ho an’ny tenany, la vieille femme, en allant chercher une nouvelle femme (pour son mari qu’elle aime, puisqu’elle le respecte), a attiré le malheur sur elle-même. 39 Voir annexe, p.276, n° 11. 165 166 41 - Tsara tarehy petaka orona, voatondro iray no tsininy, une belle ayant le nez aplati, c’est un mal infime qui lui fait défaut, et pour narguer les filles, les garçons disent ainsi : tsara tarehy petaka orona, voa tamin’ny pirofiliny, ce qui signifie, une belle ayant le nez plat, c’est son profil qui fait défaut. Le mépris se manifeste le plus souvent ouvertement par le jeu de l’hyperbole négative, de la métonymie et de la métaphore, en considérant les femmes comme : Un objet : sandoky maro mpamoha, un panier couvert, ouvert par bien des gens ; Fotsim-barim-bahiny, grains de riz pour les étrangers Une mocheté: voretra, une souillon tsy vanona, la salope maivan-doha, une écervelée ; Une dépravée : kalalijaky, une coureuse, bele be toko, érotique. Par métonymie, elle se réduit à un « con », ny mahavehivavy, ou à un « cul » , vody, (la partie pour le tout). D’autres métaphores, enfin, situent la femme comme marchandise : - comme nourriture : les seins sont comparés à des oranges ou mandarines, voasary ; les joues à des mangues mûres, manga masaka ; les fesses à des feuilles de laitue, ravin-daisoa, etc . Une jolie fille est appétissante : soa, matavy vinta, maram-binta, attirante . - comme un objet de commerce, le commerce amoureux : bele be toko, un gros tas de patates douces. Dans nos sociétés de consommation, la femme est un bien de très faible valeur, cela souligne aussi l’aliénation totale de la prostituée 40 41 Voir annexe : op. cit., n° 16. Voir annexe : ibid. , n° 12. 166 167 à celui qui fait d’elle une esclave méprisée. Mais plus elle est nommée de façons diverses, plus sa place est importante dans la société. Dans le langage comme dans la réalité, on a fait des rapports de commerçants la base de tous les autres rapports humains. Ainsi, dans le domaine de l’érotisme et de la prostitution, la femme objet, indispensable et désirée, est en même temps niée. L’importance de cet objet se signale par la multiplicité de ses appellations. Le sexe de la femme n’est que le lieu de la consommation de ce plaisir. Il se réduit donc à un con, c’est-à-dire à rien. Sa spécificité, sa différence sont niées. Du même coup, c’est la sexualité féminine qui est niée. L’étrange institution du deuxième bureau, deziemo biro, est une polygamie honteuse qui n’ose pas dire son nom. L’épouse légitime est censée ignorer tout de la maîtresse, ny amato, que son mari entretient au su et au vu de tous. Mais cette maîtresse elle-même, réduite à de basses intrigues pour essayer de se maintenir, ne bénéficie d’aucun droit, d’aucune reconnaissance. Le deuxième bureau est pour les femmes, une sérieuse dégradation de leur statut par rapport à la polygamie traditionnelle. Là au-moins les co-épouses, ny mpirafy, jouissaient toutes d’un statut honorable et reconnu, et leurs droits étaient réglés par la coutume. Selon GUIRAUD (1978 : p. 113) : « On voit combien tout se tient dans ce système, en particulier l’extrême dévalorisation de la femme. Son aliénation est une conséquence de sa passivité ». Elle-même découle de la métaphore fondamentale qui, au sein du système linguistique, fait du coït la forme exemplaire de l’action. Un grand nombre d’injures ayant pour référent la femme ou le sexe féminin est applicable aux hommes. Voici un échantillon du répertoire d’injures s’adressant aux femmes : Relatifs aux animaux et composés de ikala : - ikala kisoavavy, espèce de truie . 167 168 - ikala alika maty, espèce de chien abattu, ou mort, une charogne. - ikala vorondolo, vieille chouette. Relatifs au thème de laideur physique et morale : - ikala mpamosavy antitra, vieille sorcière. - anti-bavy ratsy fanahy, vieille salope. - kala trotraka, la maudite ou la malheureuse. Par ailleurs, alourdie par les maternités, redevenue stérile, elle perd son attrait érotique, inactive, ampelam-bantotsy, elle redevient jeune fille psychologiquement non pas physiquement, vantotsy. Alors, on dit qu’elle est flétrie, ‘fa malazo, fanée, comme on dirait d’une plante qui manque d’eau. Et l’expression anti-bavy est plus péjorative que vavy antitra. En elles, se retrouve la figure inquiétante de la mère, reny, tandis que les charmes de l’épouse, vady, sont évanouis, enlaidis : kongoroty. Le maquillage, makiazy et les bijoux, firavaka servent à rattraper cette pétrification du corps et du visage. La fonction de la parure est très complexe, son rôle le plus habituel est d’achever la métamorphose de la femme en idole. : ravaka no haingo sady sampy, (traduction littérale : parure, ornement et idole, fétiche. Le rôle de la parure est à la fois de la faire participer plus intimement à la nature et de l’en arracher. Elle se parfume, manisy ranomanitra, afin d’exhaler un arôme comme la rose et le lis. Elle peint sa bouche, manao lokomena, ses joues, mitabaky, pour donner la solidité immobile d’un masque. Ses yeux sont cernés de mascara , manja-maso ; les cheveux en nattes, talivolo, ou en boucles, miolam-bolo, la rendent désirable. La voilà parée, mihamy, sophistiquée . A cause de sa beauté, la femme est décrite comme une ensorceleuse, mandraikiraiky, une enchanteresse, qui fascine l’homme et l’envoûte. Contrairement à cela, l’emploi fréquent de l’expression vavy antitra, vieille femme, est plus injurieux que celui de lahy antitra, vieil homme. La vieillesse étant impardonnable chez une femme. La vieille 168 169 femme, Rafotsibe ou rakembabey, la laide ne sont pas seulement des objets sans attraits, elles suscitent une haine mêlée de peur. Dans les contes, on parle fréquemment de lahy antitra tsara fanahy, un vieil homme affable, mais rarement de vavy antitra tsara fanahy, une vertueuse vieille femme. Enfin, une autre tactique consiste aussi à attaquer l’honneur de l’homme à travers sa femme, sa mère, sa soeur : - resim-bavy ! ou tindrin’ampela, vaincu ou gouverné par une femme - manam-baly anabavy !, se marier avec sa soeur. L’injure sexuelle est strictement à sens unique. C’est un jeu essentiellement masculin ; les hommes la manient entre eux ou contre les femmes. Pour l’homme, la consommation de la femme est associée à l’idée de performance. D’où l’angoisse fondamentale de celui qui désire ce qu’il a peur de se savoir posséder. La langue se fait le reflet de cette angoisse. Les uns et les autres ont tout à y perdre, car les deux rôles extrêmes imposés à la femme, d’être mère et d’être putain, ne laissent aucune place pour le développement d’une personne vraie, d’une personne tout simplement humaine. Ce chapitre plus ou moins long nous a permis de vivre les malheurs d’être femme. Les comportements sociaux et les traditions ont laissé leurs empreintes sur la langue. Pourtant, ce qui est grave, ce n’est pas tellement la dissymétrie en soi, puisque la langue en comporte d’autres, mais le fait qu’elle joue toujours dans le même sens, c’est-àdire au détriment de l’image et du statut de la femme. D’ailleurs, nous allons encore le voir, par le jeu des connotations, dans la dissymétrie sémantique. 169 170 CHAPITRE III 3.3. LA DISSYMETRIE SEMANTIQUE Lorsqu’on parle de sémantique, tout mot associe une composante dénotative, c’est-à-dire « la signification du mot », selon le dictionnaire, à une composante connotative ou bien « les différentes valeurs de ce mot présentant des appréciations morales, sociales ou esthétiques » et enfin, une composante associative présentant « des relations de complémentarité, d’analogie et d’antonymie ». Ainsi, le champ associatif de « femme » comprendrait, par exemple, les mots suivants : maternité, féminité, enfant, mari, foyer, etc. Normalement, la valeur dénotative seule figure dans le dictionnaire. Les connotations se cachent dans les exemples d’emploi ; quant aux associations, elles apparaissent dans les analogies, les synonymes, les métonymies ou les synecdoques et les antonymes. Pour mieux appréhender les analyses, nous allons passer, successivement, en revue ces trois composantes constitutives du mot « femme ». Nous gardons toujours la signification que nous avons donnée au terme « dissymétrie » en tant que « la non correspondance à la réalité ». Nous allons parler de la dénotation, de la connotation et de l’association, pour la mise en évidence de cet aspect de la dissymétrie sémantique. 3.3.1. La dénotation La notion de dénotation est souvent employée pour décrire le sens des mots. En logique, c’est l’extension d’un signe ; tandis qu’en linguistique, Selon KERBRAT-ORECCHIONI, la dénotation d’un signe désigne « le plus souvent l’ensemble des traits de sens qui permettent la dénomination et l’identification d’un référent. C’est l’ensemble des traits distinctifs à fonction dénominative » (Kerbrat-Orecchioni, C. 1983 : p.12) 170 171 Se présentant comme une autorité indiscutable en tant qu’outil culturel, YAGUELLO précise que le dictionnaire joue un rôle de fixation et de conservation, non seulement de la langue mais aussi des mentalités et de l’idéologie : « C’est le rôle du dictionnaire de situer pour la communauté linguistique les rapports des mots aux autres mots, les enchaînements et les déviations de sens, les liens de synonymie et d’antonymie. Il fait mention aussi de la polysémie, explicite les relations entre ses dérivés, sens propres et sens figurés, et situe les mots dans des contextes afin de préciser les niveaux de langue, la variété des sens et des fonctions . Enfin, il assigne aux mots un caractère d’archaïsme, de néologie ou de mot d’emprunt. C’est donc une tentative pour cerner la place du mot dans un système, c’est-à-dire relativement aux autres signes et non pas par rapport à une réalité extra-linguistique» (Yaguello, M. 1981 : 112). Ce qui signifie qu’on ne peut enregistrer ou introduire n’importe quel mot dans n’importe quel dictionnaire, car il y a des dictionnaires spécifiques à certains lexiques, par exemple les dictionnaires de néologismes ou les dictionnaires de l’argot ou de la langue verte. A Madagascar, il y a à peu près une dizaine de dictionnaires, selon R. B. RABENILAINA : malgache-français, français-malgache ; malgache-malgache ; malgache-anglais…(Rabenilaina, R. B. 2001 : pp 25-31). Ainsi, nous nous sommes livrée à un modeste travail de comparaison des dictionnaires, centré sur les mots de notre sujet de recherche, c’est-à-dire le mot « femme » et ses aires sémantiques. Mon but est de cerner les dissymétries dénotatives et de vérifier comment les dictionnaires en rendent compte. Nous allons premièrement prendre les définitions de Narivelo RAJAONARIMANANA. 42 - Makorely : ? - Mama : mère (manière affectueuse de s’adresser à une personne qui a un ou plusieurs enfants). 42 Rajaonarimanana Narivelo, 1995, Dictionnaire contemporain Malagasy-Français, Paris, Karthala. 171 172 - Renibe : grand-mère. - Renikely : nouvelle femme du père, belle-mère, marâtre. - Renim-pianakaviana : mère de famille. - Renin-janaka : mère biologique, mère des enfants (d’un homme célibataire ou d’un homme divorcé. - Renin-jaza : matrone, mère de la mariée dans un mariage. - Reny : mère ; fig. : centre, source. - Vavy : femelle, femme, genre féminin. - Vehivavy : (vavy) n. femme, fille. Comme définitions, nous ne trouvons ici que la traduction en français de chaque mot, et ces définitions à caractère biologique restent, de ce fait, fondées sur la capacité de reproduction, classant définitivement la femme comme génitrice. Le mot makorely ne se trouve pas dans ce dictionnaire ; cet ostracisme lexicographique n’est pas nouveau, car c’est la société qui l’a sécrété. Un autre dictionnaire, celui du Révérend J. Richardson 43 a attiré aussi notre attention, et nous avons choisi quelques définitions, telles que : Janga: a prostitute - Manangy: (tangy), a name given to a whoremonger or a prostitute. (see: janga and rangy) - Neny: mother, mamma; a nurse. It is frequently heard as Ineny. - Rangy: a mate, a companion. - Reny anaka: the mother of a child; an appellation given by the father to the mother of a child. - Reny: a mother, the female parent of all living things; also much used figuratively in the sense of author of, originator of various things. - Vaviana (v. pass.) to be made to have a companion as a guard, or as a helper in case of need. 43 Révérend J. Richardson, 1885, A New Malagasy-English Dictionary. 172 173 - Vaviana or vavena: (v. pass.) to be made womanish in manners or dress. - Vavy : a female, feminine. Ces définitions sont un peu plus étoffées par rapport aux précédentes mais pour certaines entrées, on retrouve à peu près les mêmes choses, c’est-à-dire que la composante sémantique y est représentée par des traductions ou des définitions. RAMINO 44 montre une face fortement marquée par une idéologie bourgeoise, teintée de morale chrétienne du 19ème siècle. C’est un dictionnaire monolingue malgache, qui s’adresse donc précisément aux malgachophones. D’ailleurs, il disait ceci dans sa préface : « Avy amin’ Avaradrano Tsimiamboholahy, izaho izay manoratra, sy manazava ity, ka araka izay heviny aminay Avaradrano no nanazavana azy. Traduction littérale : « Je suis originaire d’Avaradrano Tsimiamboholahy, moi qui écris et explique ceci, et c’est selon la signification pour nous à Avaradrano, que je l’ai expliqué ». « … Ny fiteny rehetra momba ny ankasarotana na ny momba ny lehilahy na momba ny vehivavy dia tsy mba fiteny aseho masoandro akory, fa fampahalalan-teny araky zay fantatry ny Ntaolo no voalaza amin’ity Dikisionary ity ; ka tsy azo aseho akory eo anatrehan’ny olom-pady, indrindra ny mamaky azy mafy avy hatrany… » : traduction littérale : Tous les mots concernant le sexe, masculin ou féminin, ne sont pas à dire en public, mais ce sont les expressions connues par les anciens qu’on trouve dans ce dictionnaire ; donc, on ne peut pas le dire devant les personnes prohibées, surtout le fait de les lire tout haut ». Et voyons ce que nous avons recueilli : - Reny : n. izay niteraka ny tena. - Reny anaka: vehivavy vady niterahana. - Vavy: a. tsy lahy, namana. - Vaviny, ambaviny: vadiny, ny idiran’ny andahiny.( amin’ny rafitra). 44 Ramino, 1934, Dikisionary Malagasy-Malagasy. 173 174 - Vavivavy : raha miteny na manao zavatra tsy marisidrisika tsara… - Mikovavy : mihaketraka, tsy mitomban-dahy . - Fivaviana: famantarana fa vavy. - Vehivavy : tsy lahy fa vavy . - Madama: n. ramatoa, ineny (fr. Madame). - Sakaiza: namana mifankazatra. - Misakaiza: miray toa hivady; mihavana. - Vazo: vehivavy sakaiza fa tsy vady. Dans ces trois dictionnaires, le terme femme a été défini et influencé fatalement par les stéréotypes culturels et les contraintes sociales. Certaines définitions sont tautologiques, circulaires, puisque à vavy, on trouve : tsy lahy , qui n’est pas mâle et pour vehivavy, qui n’est pas masculin mais féminin : tsy lahy fa vavy. C’est la conséquence du fait que les signes ne se laissent définir que par et relativement à d’autres signes dont ils sont solidaires dans le système autonome de la langue. Sous des apparences assez distinctes, on sent bien que ces dictionnaires disent à peu près la même chose sur un certain nombre de points et qu’ils se complètent sur d’autres. Ceci suggère que la tradition lexicographique malgache continue à perpétuer la tradition culturelle. Notons enfin que nous avons également consulté le dictionnaire 45 Français-Malgache de F. RAKOTONAIVO , où nous avons trouvé cinq définitions pour l’entrée homme : 1) n. m. : olombelona 2) taranak’olombelona 3) olona, 4) lehilahy, rangahy… 5) vady Nous les traduisons successivement par : 1. l’être humain, 45 Rakotonaivo François, 2003, Raki-bolana frantsay-malagasy. 174 175 2. l’espèce humaine, 3. l’individu, 4. l’homme ou le monsieur, 5. le mari ou l’époux Et nous déduisons que la femme en tant qu’espèce humaine est incluse dans homme, c’est-à-dire que selon notre point de vue, l’homme a détourné à son profit le mot qui désignait l’espèce. Cette identification de l’homme pour désigner l’être humain et l’espèce humaine en général est le résultat d’une mentalité sexiste et le moyen par lequel elle survit. Donc, l’être humain est un homme jusqu’à preuve qu’il est aussi une femme. L’homme est l’hyperonyme et la femme et les différentes lexies qui la désignent sont l’hyponyme. L’homme est générique et la femme est spécifique. Et si l’être humain (=homme) en question n’est manifestement pas une femme, les dictionnaires ne sont évidemment pas responsables du double sens de olona = homme avec les différentes expressions citées suivantes : olona tsara sy mendrika, homme de bien ; olona azo itokiana, homme de confiance ; olon’ ny finoana, homme de foi ; olona lali-tsaina, homme d’esprit ; olona mitana ny teniny, homme de parole, etc. Si la femme fait partie de la notion de homme, individu ou espèce humaine, alors elle est incluse dans la définition de homme tout en étant exclue. Dans l’espèce humaine, être représentant les sexes masculins et féminins, l’homme reste la référence de base ; et la principale dissymétrie sémantique provient, bien entendu, de la valeur générique du mot olona, homme . Ainsi, le dictionnaire, fait par des individus est le reflet de l’usage de toute communauté, si bien que le rôle du lexicographe ou de l’auteur du dictionnaire est forcément ambigu. Son rôle est de réaliser un instantané de la langue à un moment donné de son histoire en se fondant sur l’usage moyen le plus acceptable, le plus répandu, dont il se fait juge. Or, la communauté linguistique n’est pas homogène. Le lexicographe le mieux intentionné, le plus dépourvu de préjugés sociaux, ne pourra 175 176 éviter de faire des choix arbitraires, choix liés à la dimension du dictionnaire et au public visé. Le lexicographe est investi de la tâche redoutable de trancher entre ce qui se dit et ce qui ne se dit pas ou plutôt, dans certains cas, ce qui ne doit pas se dire. Mais il faut encore préciser que le dictionnaire se fait le reflet des tabous, des préjugés, des divisions sociales de la classe qui le sécrète. 3.3.2. La connotation En général, tous les mots sont codés culturellement. Ce codage reflète les attitudes sociales ou individuelles des locuteurs vis-à-vis du référent. Cette attitude rejaillit sur le mot lui-même, qui est alors perçu comme déplaisant, grossier ou au contraire, beau, agréable, investi d’une valeur esthétique, poétique, moralement ou idéologiquement positive. La connotation est donc une espèce de parasitage du signifié à la fois par le référent et le locuteur, puisque le jugement social sur les mots rejaillit sur le locuteur qui les emploie. En logique, selon encore KERBRAT-ORECCHIONI, la connotation est la compréhension d’un signe, c’est-à-dire l’ensemble des traits qui composent son signifié. En linguistique, la connotation d’un signe, ce sont les valeurs sémantiques additionnelles (Kerbrat-Orecchioni, C. 1983, p.12) : indications sociolinguistiques comme le niveau de langue..., ou idiolectales (par exemple, les valeurs affectives, métaphoriques, péjoratives ou mélioratives dont un mot est entouré dans un énoncé, et par lesquelles il est relié à d’autres) - qui sont intégrées au sens de façon variable selon les linguistes. Selon l’exposé de R. BARTHES dans ses travaux de sémiologies des années 1960 : « un système connoté est un système dont le plan d’expression est constitué lui-même par un système de signification (Barthes, R.1964, repris en 1985, p. 77). Pour illustrer la définition de femme, qui n’est autre que vehivavy, F. RAKOTONAIVO, continue aussitôt après avec une citation d’Alfred de VIGNY : « car la femme est un être impur de corps et d’âme , fa ny vehivavy dia voahary maloto vatana sy fanahy ». Est-ce que l’illustration est 176 177 choisie intentionnellement pour souligner le caractère impur de la femme, en raison notamment de ses fonctions naturelles, la menstruation et l’accouchement, ou bien à cause de sa ressemblance avec Eve, la responsable du péché originel ? Une autre facette de la femme est révélée : l’impureté, tandis que l’homme est pur. Il suffit de poursuivre la lecture au-delà de la définition proprement dite pour qu’apparaissent des connotations subitement ou grossièrement dépréciatives pour les femmes, laudatives pour les hommes. Et ceci n’est pas le fruit du hasard, car la dissymétrie entre l’aire sémantique « homme » et l’aire sémantique « femme » est un fait de langue avant d’être un fait de dictionnaire. Ainsi, le rôle du lexicographe dans l’expression et la propagation de l’idéologie et la nature sociale de la lexicographie sont de nouveau mis en évidence ici. La connotation, c’est aussi la valeur symbolique qui s’attache à certains mots. Elle se trouve ainsi souvent à la base des métaphores. Nous avons assez donné d’exemples illustrant cela dans les chapitres précédents, mais cela ne nous empêche pas de souligner la fréquence des métaphores motivées par les qualités anthropomorphes de la femme qu’on attribue au monde qui nous entoure : - les seins sont comparés à des oranges, - les yeux ronds à des billes, - les joues à des belles pommes à croquer, etc. La connotation est une détermination, une relation, une anaphore, un trait qui ont le pouvoir de se rapporter à des mentions antérieures, ultérieures, ou extérieures, à d’autres lieux du thème. En effet, d’une part, elle est l’ensemble des valeurs symboliques et idéologiques des associations d’idées, l’ensemble des émotions, des appréciations, des jugements de valeur que suscitent les mots ; d’autre part, elle fait évoluer la dénotation et constitue un moteur de l’évolution de la langue, du changement de sens des mots. 177 178 Enfin, faisant une sorte d’irruption de la parole dans la langue, qui ne comprendrait que la dénotation ou valeur conceptuelle exprimée dans le signifié, la connotation peut refléter des différences ou des conflits sociaux et remet une fois de plus en cause l’homogénéité supposée de la langue. La connotation peut donc aller et venir, suivant en cela l’évolution de la société et des mentalités. Nous avons déjà cité assez d’exemples dans les sous- chapitres mélioration et péjoration. A partir de cette analyse, nous pouvons affirmer que les connotations viennent : - du contexte socio-culturel : ces connotations sont presque figées, par exemple, dans la culture du riz, le repiquage, ny manetsa, donne un second sens dans « ny manetsa be mbola ho avy », qui signifie qu’ « il y aura encore une grande partie à venir ». - du contexte psychologique, qui ne peut être isolé artificiellement du contexte socio-culturel, nous avons l’exemple du proverbe graines « tarana-boanjo, d’arachide, pieds foto-boanemba », de lentille ; ce traduction qui littérale : sous-entend une ressemblance de forme et de couleur, donc telle mère, telle fille. C’est la femme idéale, soumise et respectueuse que la belle famille espère trouver en sa bru, donc devant un problème, on compare la fille à sa mère. L’étude du sens connoté conduira donc à retrouver le mode de vie d’une personne au-delà des mécanismes langagiers. La circulation des significations nous amène à des associations d’idées qui déterminent les valeurs de sens contenues dans le mot. Nous tenons à préciser ici que pour continuer l’analyse, nous optons à laisser l’étude sur la métonymie et la synecdoque. Mais parmi les relations qui organisent la configuration d’un champ sémantique, rappelons qu’il y a aussi l’antonymie, ce que nous allons donc étudier maintenant. 3.3.3. L’antonymie Chaque mot porte des relations qu’il entretient avec les autres mots de la langue. Dans ce qui suit, nous allons examiner les 178 179 antonymies, notamment en ce qui concerne les relations homme-femme, dans le but de déterminer les mécanismes de leur production et d’en tirer des conclusions sur leur nature. L’antonymie recouvre, soit des significations contradictoires, opposées par une relation de disjonction exclusive ; par exemple : manam-bady, marié / mpitovo, célibataire ; ny velona, les vivants / ny maty, les morts , soit les réciproques, par exemple : ny mpampianatra, le maître / ny mpianatra, l’étudiant, soit les contraires ou antonymes proprement dits, qui sont placés aux extrêmes d’une échelle de gradation implicite, comme dans les exemples suivants : mahery, fort / malemy, faible ; maiva, leger / mavesatra, lourd . Pour structurer le champ sémantique à partir de critères linguistiques formels, J. DUBOIS (Mounin, G. 1972 : p. 68-69) a mis en évidence d’autres procédures ; ainsi, ce qu’il nomme oppositions, ce sont des « couples antonymiques » qui ne sauraient être confondus avec les contraires des dictionnaires. Mais ce sont aussi des constellations d’oppositions autour d’un même mot ; (les exemples sont choisis selon notre compréhension) : fampivoarana / fanovàna, (développement / changement), fampivoarana / fandraisan’andraikitra (développement / prise de responsabilité), soit des séries d’oppositions parallèles : manana / mahantra (riche / pauvre), ny marina / ny diso (ce qui est vrai / ce qui est faux). L’existence d’une relation d’opposition entre termes est établie, soit par une marque formelle, celle de la négation, - tsy (ne… pas). Prenons les exemples : ny tsy mahafantatra / ny mahafantatra (celui qui connaît / celui qui ne connaît pas) ; ny mihira / ny zara fa mihira, (celui qui chante / celui qui chante à peine), soit enfin par des analyses de contextes qui font la preuve de l’usage antonymique : manohana ny tolona ho an’ny vehivavy ve izy sa tsia ? (Est-il pour ou contre la lutte pour la condition féminine ?) Jean DUBOIS rend ainsi compte de la polysémie du vocabulaire politique et social, à partir de la distribution des mots et de leur 179 180 contexte énonciatif. Il utilise aussi des « commutations qui font ressortir les oppositions ou les identités », comme dans les exemples suivants : ny masoandro amam-bolana, qui signifie littéralement : le soleil et la lune, deux forces inégales ou en oppositions ; ny tafita sy ny niangaran’ny vintana, traduction littérale : les chanceux et les malchanceux, soit par des analyses de contextes qui font preuve de l’usage antonymique, tel que na ririnina na fahavaratra, en hiver comme en été. Toujours dans cette direction, selon CRUSE (Cruse, D. A. 1986 : p. 35), on peut distinguer trois catégories d’antonymies. Premièrement, les polaires, qui sont gradables, par exemple : malalaka, large / tery, serré. Deuxièmement, les complémentaires, ny atsimo sy avaratra, le nord et le sud, ou encore ny zaza amim-behivavy, les femmes et les enfants, qui sont en opposition mais qui en même temps se complètent. Troisièmement, les inverses, ny mahiratra, les voyants et ny tsy mahiratra, jiky, les nonvoyants. Mais les antonymies ne sont pas une catégorie simple. Certaines paires antonymiques semblent plus fortement opposées que d’autres. Ainsi, selon CRUSE, milalao, jouer / miasa, travailler sont des antonymes relativement faibles en raison du manque d’une échelle unidimensionnelle claire qui sous-tendrait leur opposition. De la même façon, deux antonymes sont d’autant meilleurs que l’opposition épuise une plus grande proportion d’éloignement de leur sens . Rano, eau / afo, feu, sont ressentis comme des antonymes par certains locuteurs, mais dans des contextes où ils représentent un choix binaire. L’antonymie peut donc être considérée comme une relation prototypique, où en réalité les relations sémantiques sont semblables aux concepts selon le type du mot, selon la comparaison de similarité possible et selon le contexte. Les renvois analogiques et antonymiques sont donc très révélateurs, lorsque nous entendons ny lehilahy mahery fo, l’homme héroïque, par rapport à ny vehivavy fanaka malemy, la femme fragile. Ces 180 181 renvois analogiques ne sont pas le fruit du hasard, parce que malgré la lourde responsabilité qui incombe à la femme, il ressort des rapports d’inégalités et de subordination qui apparaissent aussi bien dans la division hiérarchisée du travail que dans les relations entre les hommes et les femmes. Seuls les hommes fondent les structures de domination et exercent le contrôle de la richesse. La propriété de la terre et l’élevage des troupeaux surtout sont transmis en ligne masculine. Lorsqu’on considère l’homme comme mahery fo, héroïque, matanjaka, viril, la dissymétrie est accusée bien au-delà de la réalité de la langue et aggravée par le fait que les mots laudatifs pour les femmes sont largement dépassés par les mots péjoratifs. Seuls sont laudatifs ceux qui ont trait à la beauté, à l’aspect extérieur , ampela fanjaka lahy e, une jolie fille, dis ! Sady taviny no volony, elle est à la fois la graisse et la chevelure : traduction littérale, mais qu’on peut considérer comme la signification de la beauté physique et morale de la femme. On peut aussi restituer le réseau d’antonymies à partir d’un certain nombre d’oppositions. Par exemple, la femme est vouée à la servitude, à l’univers des sens, de la sensation mais aussi de l’imagination, des tourments, de soupçon et de jalousie. Elle est condamnée à la passivité féminine, olon’ny fo, littéralement : qui raisonne avec le coeur, passion qui la prive d’énergie et l’affaiblit, fanaka malemy, meuble fragile, pleurnicharde. (Rappelons le poème de H. RANJATOHERY). De plus, nous tenons à signaler que les femmes sont considérées comme domestiques, mpanampy ; rarement en tant que, filoha, chefs ou présidentes. Néanmoins, sans être esclaves des hommes, elles ne sont pas leurs égales sur tous les plans. La relation devenue mythique entre la passivité et la féminité ou l’activité et la virilité s’établit sous le masque d’une « loi sociale », attribuant aux hommes le rôle de « hommes », vatan-dehilahy, guerriers, mpiady ou soldats , vata-miaramila et aux femmes le rôle de mpanompo, domestique, ou aide, mpanampy. 181 182 Il se dégage indéniablement de nos lexiques un ralent de sexisme, même involontaire. Nous ne pouvons pas nous empêcher de voir la réalité en face, donc ces clichés ou ces stéréotypes sont témoins de la dissymétrie lexicale et sémantique. En d’autres termes, la valeur d’un mot ou d’une expression ne s’explique pas seulement par son sens universel et général, mais par ses combinaisons habituelles avec d’autres mots. Et on ne sait pas avec précision ce que le mot isolé représente, car les réalités essentielles dans une langue sont déterminées dans les interactions des mots, selon leur contexte. Dans le même ordre d’idées, T. de MAURO, a écrit que « deux individus parlent toujours des langues différentes, car mis à part le cas exceptionnel d’une coïncidence parfaite et totale entre deux patrimoines linguistiques personnels, même les mots qui paraissent extérieurement communs par des ressemblances phoniques ou par un voisinage grossier de dénotation sont en réalité des mots de signifié différent, puisque insérés dans des réseaux différents de rapport… » (Mauro, T. de. 1964 : p. 130-131). Ainsi, cela ne nous étonnera pas si les hommes et les femmes vivant dans un même milieu social, perçoivent et utilisent des parlers différents. En effet, le langage peut perdre, dans son usage, toute ou du moins une partie de sa signification primitive, ce qui oblige les participants de l’interaction à faire beaucoup d’attention pour certains événements même minimes, arrivant à un lieu ou à un moment. S’il y a donc dissymétrie sémantique, c’est parce que le contexte en dépend : en d’autres termes, les conditions sociales, économiques, politiques et esthétiques déterminent le sens d’un mot. 182 183 CONCLUSION Au terme de cette troisième partie, nous pouvons souligner que les hommes et les femmes peuvent adopter des registres différents au sein d’une même communauté linguistique, car cela représente un reflet de rôle et de centres d’intérêt différents. La femme est considérée comme bavarde : elle parle pour des sujets sans importance, alors que les hommes réfléchissent. Même si notre langue ne représente pas de genre grammatical, le genre sexuel ou naturel est perçu et vécu par les locuteurs. La tendance anthropomorphique de l’homme le pousse à sexualiser la nature et la réalité qui l’entoure. Ainsi, des stéréotypes et des métaphores à propos de la femme sont omniprésentes dans la langue ; malgré la définition donnée par les dictionnaires, un grand nombre de connotations sont liées aux significations dénotatives, qui peuvent à leurs tours créer des significations différentes. La notion de signification n’est donc pas simple, car un mot a toujours une valeur sociale plus ou moins rationnelle ou affective. Cette dissymétrie sémantique entre hommes et femmes se fait sentir également dans les antonymies. Est-ce qu’on peut conclure alors que hommes et femmes utilisent des parlers différents ? Tant que le phénomène de différenciation reste social, on peut s’attendre à une atténuation des différences de langage entre hommes et femmes au fur et à mesure que les femmes accèdent à la même éducation et aux mêmes carrières que les hommes. Une espèce de nivellement linguistique effacerait peu à peu les différences et les dissymétries, qu’elles soient dues à la situation sociale, à l’âge, au sexe, si les efforts des instances linguistiques et des organismes d’éducation vont dans ce sens. C’est justement ces efforts féminins qui luttent pour l’amélioration de leur milieu et pour jouir pleinement de leur droit que nous allons suivre dans la dernière partie de ce travail. 183 184 QUATRIEME PARTIE LES USAGES LINGUISTIQUES SUR LES DROITS DE LA FEMME 184 185 INTRODUCTION Cette dernière partie concerne essentiellement la lutte et l’engagement de la femme pour exprimer leurs droits et leurs valeurs sociales. Il s’agit alors d’un discours socialement marqué, qui s’aventure dans un domaine idéologique, glissant et difficile. En effet, le discours féministe peut se ramener à un stéréotype, d’où caricature facile. Les questions qui se posent sont celles-ci : « quel langage peut décrire les revendications d’une spécificité féminine pleinement assumée dans le domaine culturel et social ? En transgressant les barrières sexuelles et les tabous, parce qu’elles ont osé prendre la parole, les femmes peuvent paraître contribuer à leur libération, mais ce faisant, ne se retrouvent-elles pas coincées dans un système qui reste sexiste ? Qu’est-ce qu’il faut faire dans ce cas ? Nous pensons que c’est par la revendication de leurs droits uniquement, en appelant les hommes à y participer qu’elles peuvent s’en sortir. La meilleure manière de prouver que les femmes méritent d’être écoutées, est de s’unir d’abord entre elles et d’utiliser le même langage pour revendiquer leurs droits. C’est l’analyse de ce langage féministe que constitue l’objet d’étude de cette dernière partie. Nous essaierons également de déterminer les motivations qui les poussent à adhérer à un mouvement associatif féministe, ainsi que les blocages que telles associations peuvent rencontrer. Il serait important pour pouvoir guider l’investigation, de continuer à nous intéresser à la nature sociale des femmes - ce que nous avons toujours fait d’ailleurs, à leur psychologie et de voir leur participation à la vie sociale, culturelle et politique. En effet, les femmes vivent actuellement dans un certain type d’époque et de milieu qui définit leurs rôles et les modèles de leur comportement appropriés à des règles et des normes venues de l’extérieur d’elles- 185 186 mêmes et de leur culture. C’est la conséquence de la mondialisation. En dépit d’elles-mêmes, elles ne doivent pas uniquement se conformer aux modèles d’enseignements hérités ; elles doivent surtout s’adapter aux circonstances. Elles ne s’appuient plus sur des expériences selon les situations qui leur sont familières, facilitant les échanges et les interprétations cohérentes, dans lesquelles elles se sentent plus ou moins mal à l’aise ; elles doivent faire face à un troisième millénaire qui attend d’elles une pleine participation avec une vision nouvelle de leurs devoirs, - devoirs vis-à-vis d’elles-mêmes, de leurs familles et de leur nation. Nous proposons alors d’étudier les points suivants, qui doivent être mis en relief dans notre analyse : - Chapitre 1, le mouvement associatif et les problèmes rencontrés, - Chapitre 2, le discours féministe, - Chapitre 3, le rôle de la langue vis-à-vis du principe d’égalité. Nous avouons que cette dernière et quatrième partie paraît plus difficile à traiter que les deux précédentes. Mais grâce à des lectures plurielles, autres que les manuels linguistiques, la richesse intellectuelle de certains ouvrages plutôt sociopolitiques et juridiques, nous a permise de mettre en lumière la complexité du travail. Par ailleurs, ces ouvrages constituent le fond de notre étude et orientent son sens final. Nous allons commencer cette analyse. 186 187 CHAPITRE 1 4.1. LE MOUVEMENT FEMINISTE ET SES PROBLEMES Nous assistons actuellement à un large mouvement de revendication d’une spécificité féminine pleinement assumée dans le domaine culturel en général. Les femmes sont à la recherche de leur identité. Cependant, chez nous, à Madagascar et moins encore à Toliara, le mouvement féministe n’est pas assez virulent par rapport aux autres mouvements féministes étrangers ; néanmoins, depuis près de trois décennies, cela devient de plus en plus important. C’est dans cette optique que nous avons délibérément choisi à étudier ce thème, qui se divise en trois sous-chapitres. Nous commençons d’abord par l’étude des transformations actuelles du rôle et de la place de la femme, raisons des différentes associations féminines ; puis dans le deuxième chapitre, nous allons découvrir quelles sont les différentes associations et leurs problèmes, et enfin, nous découvrirons les droits de la femme et le principe d’égalité des droits. 4.1.1. Les transformations souhaitées à l’égard du statut actuel de la femme La femme souhaite que certaines conditions soient améliorées : • Vis-à-vis de son foyer Suivant les études que nous avons menées jusqu’ici, les représentations sociales de la femme tournent autour de deux pôles qui sont le mariage et la maternité. A quelques exceptions près, ces représentations se constatent d’une ethnie à l’autre, nous avons par 187 188 contre ressenti une légère différence entre femme rurale et urbaine, du moins au niveau des valeurs et des cadres de référence. Objectivement, la femme occupe une place centrale dans la vie des sociétés du Sud-ouest. En effet, son rôle est important dans la reproduction du système social global, car c’est elle qui assure la production physique du lignage par la maternité, c’est elle qui assure également les conditions de viabilité de cette production en étant responsable de la nourriture, de la santé de la famille ; son rôle n’est pas négligeable dans la reproduction sociale en général, parce qu’elle est responsable de l’éducation des enfants ; certaines valeurs essentielles de la société se transmettent à travers elle. La promotion sociale et économique de l’homme se réalise aussi en grande partie grâce à ses compétences. Cependant la femme doit enfanter jusqu’à l’épuisement de sa capacité, même si elle ne souhaite plus avoir d’enfant. Certes elle est source de vie et de richesse, surtout si elle engendre beaucoup de garçons. Pourtant lorsqu’ on parle de limitation de naissance, ce sont les hommes qui n’acceptent pas les premiers. C’est dans cette optique que les filles mères ou mères célibataires, ny ampela miteraka tsy manam-baly, ne sont pas rejetées par leur groupe et leur progéniture. Elles s’y intègrent avec toutes les bénédictions des parents et avec tous leurs droits. On les incite même à engendrer avant le mariage pour montrer que c’est une fille apte à continuer le lignage. Les représentations que nous venons d’évoquer n’ont été bouleversées ni par le christianisme, ni par l’éducation scolaire. Etre mariée est un prestige social, surtout pour une jeune fille ; mais ce n’est pas une raison pour qu’elle s’y engage très jeune, ni à être la concubine d’un homme ayant l’âge de son père. Si les jeunes filles s’engagent dans ce chemin, ce sera une menace pour la génération future, comme ce proverbe le dit : « aza mamono reny toa vary ratsy 46 », traduction littérale : ne tue pas la mère comme les mauvaises semences de riz, 46 Voir annexe, p.276, n°7. 188 189 c’est-à-dire que notre société doit préparer la sémence si on souhaite avoir une bonne récolte. Tout cela mérite donc un grand changement ; et c’est pour cette optique que certaines femmes bougent et se mettent ensemble pour dénoncer ces mauvaises habitudes qu’il faut exterminer. • Vis-à-vis de l’éducation L’éducation à la maison ne peut rien faire à l’influence de l’extérieur, où la morale est des plus laxistes. Une mère déplorée a dit que les petites filles deviennent adultes avant l’âge, kely antitse. Les classes les plus difficiles pour les filles comme pour les garçons sont celles qui vont de la classe de 5ème à la classe de première. Le problème concerne surtout le domaine de la sexualité. De l’ordre de la tradition, certains parents n’osent pas aborder ce sujet, considéré comme entouré d’interdits. Par conséquent, la petite fille a très tôt des relations sexuelles. Par ailleurs, peu de femmes ont été initiées à la maternité par leur mère ou un membre de leur famille. On dit toujours : mahamenatra, cela fait honte. C’est pour préparer les jeunes filles à ces problèmes que l’association, telle que le F.T.K. (Fikambanan’ny Tokantrano Kristiana), Associations des Ménages Chrétiens, est organisée. Dans les régions où la fréquentation scolaire est élevée, les filles sont bien représentées au primaire et au secondaire ; certes certains progrès ont été enregistrés dans toutes les régions de Toliara, mais il reste beaucoup à faire, car dans les pays où les ressources et les équipements scolaires sont difficiles à parvenir, les inscriptions sont peu nombreuses. Les familles doivent choisir entre un garçon et une fille pour envoyer un enfant à l’école. C’est le plus souvent la fille qui perd son avantage. L’égalité des sexes n’est pas du tout considérée et cela demande encore un grand effort de la part des femmes. C’est la deuxième raison de se mettre en mouvement : revendication de la même éducation scolaire pour les garçons et les filles. Le contexte de crise pousserait également certains parents à fermer les yeux sur la conduite de leurs filles, qui passent à la charge 189 190 des hommes mariés. Les parents ne savent ainsi quoi dire et faire, vu l’ampleur du non respect de la vie, avec la pénétration accélérée de l’influence occidentale à travers les livres, les films et pour les plus avancées par l’intermédiaire des internets ou les vidéos. Ainsi, la prostitution n’est plus cachée, car cela s’affiche même devant les membres de la famille qui sont faly, interdits, tels que le père et les frères. Cela prend des proportions alarmantes. Les jeunes filles et les adolescentes errent, mirenireny, mirendra, parce qu’elles ne fréquentent plus l’école ; en outre la ville de Toliara elle-même s’appelle Toliara tsy miroro, la ville qui ne dort pas. La nuit, elles fréquentent les boîtes de nuit, mamonjy boaty. Le phénomène de l’appétit à la vie pousse les jeunes filles à épouser des vazaha âgés, qui l’emmènent à l’étranger. Ainsi, elles peuvent envoyer de l’argent pour faire vivre la famille restée ici. • Vis-à-vis de la vie publique Des femmes pourvoient à leur propre existence , mahavelon-tena, lorsqu’elles n’ont pas de problèmes matériels et qu’elles sont en mesure de gâter leurs parents. Les femmes ayant réussi leur vie, tafita, n’oublient pas par contre les malchanceuses, niangaran’ny vintana dans les oeuvres de bienfaisance ou les activités bénévoles. En milieu rural, les modèles des femmes dans ce registre sont les agents dans les services administratifs, les sages-femmes, les institutrices ; en milieu urbain, être juges, avocates, enseignantes et doctoresses symbolisent la réussite. Récemment, les femmes agents de polices ont augmenté de nombre. L’Etat a recruté beaucoup de femmes dans ce service. Parmi les nombreux avantages qu’offre un enseignement de qualité est la sécurité qui s’attache à un travail rémunéré. Or, les femmes sont trop souvent reléguées dans des emplois précaires et mal payés. Bien que leurs places dans les emplois non agricoles rémunérés aient augmenté, elles restent une petite minorité dans les emplois salariés. Des projets de promotion de petites unités de production viennent d’ouvrir ses portes ces dernières années, sous les auspices du Ministère de la Population. L’espoir de chacun ou plutôt les femmes 190 191 repose sur le secteur informel, cette planche de salut, car c’est un projet ayant pour cible les femmes. Les activités des femmes en milieu rural recouvrent principalement l’agriculture et l’élevage, les activités artisanales, les activités de vente à petite échelle, kinanga, le petit commerce des épiceries, dokany et gargotes, varotra hani-masaka, les emplois dans les services administratifs en tant qu’employées et secrétaires, mais rares en tant que cadres. En ville, les activités artisanales de production d’aliments cuits, vendus aux coins des rues et dans les marchés, tels que les sambos, les yaourts faits maison, les brochettes de viande, les manioc tranchés appartiennent à la majorité des femmes. Le petit commerce d’achat et de revente kivalibalika, complète des activités qui sont les activités de survie et d’appoint aux revenus familiaux. Le nombre d’emplois domestiques : lavandière, mpanasa lamba, bonnes , mpiasa an-trano prend également de l’importance. Mais les femmes, qui travaillant dans les entreprises ou services administratifs déplorent le manque de temps pour prodiguer soins et affection aux enfants, ou suivre l’éducation de ceux-ci. Elles se plaignent de la difficulté des avancements et des promotions dans les lieux de travail, l’exploitation envers les employées par les chefs, ny sefo, dans les sociétés privées. La participation féminine à l’activité économique se caractérise par la faiblesse d’accès des femmes chefs de ménage aux productifs, les difficultés féminines d’accès aux services financiers et au crédit, leurs prédominances dans les catégories socioprofessionnelles subalternes et les emplois peu qualifiés, les discriminations au niveau de l’embauche, du salaire et de la sécurité de l’emploi, leur forte proportion dans le secteur non structuré ou informel. Ainsi, en l’état actuel des inégalités entre les sexes, la nation se prive d’une grande partie de la force productive et du potentiel humain dont elle dispose. Le manque à gagner économique dû aux inégalités en 191 192 capital humain et en capital productif à l’encontre des femmes constitue donc un obstacle à la sécurité alimentaire, au bien-être des populations et à la réduction de la pauvreté. Il faut que ces inégalités disparaissent, car gagner sa vie de façon productive et satisfaisante procure à l’individu les moyens d’acquérir des biens et services. • Vis-à-vis de la vie politique Les stéréotypes sexistes sur la spécificité et la différence de chaque sexe expliquent l’inaptitude de la femme à s’impliquer dans le domaine politique exclusivement réservé aux hommes en raison de leur intelligence « supérieure ». Aussi, la plupart des hommes et des femmes trouvent-ils « naturelle et justifiée » la mise à l’écart des femmes du domaine politique et de ses sphères de décision. Un grand nombre de femmes elles-mêmes se considèrent comme congénitalement inaptes à y accéder et à croire que l’on ne doit rien tenter pour changer la situation. Bien que les femmes malgaches aient acquis le droit de voter et d’être élues le 29 avril 1959 avec l’avènement de l’indépendance, elles ont été quasiment systématiquement absentes du sous-représentées processus dans la électoral et quasi-totalité sont des institutions locales et nationales. A toutes les élections présidentielles qui ont lieu, une seule femme s’est portée candidate en 1993. Au niveau gouvernemental, depuis l’indépendance, le nombre de femmes ministres et secrétaires d’état n’a pas dépassée une dizaine. Aucune d’entre elles n’a été présidente, ni du Sénat, ni de l’Assemblée nationale ; il en est de même dans les partis politiques et les syndicats. Elles continuent à être écartées des grandes décisions dès que les processus de négociation et d’occupation des postes de responsabilité au plus haut niveau se met en marche. En privant les femmes du pouvoir d’expression et de décision dans les différentes instances de la vie politique nationale constitue, qu’on le veuille ou non, une grave entorse au respect des principes fondamentaux de la démocratie et un obstacle au développement. Aussi, les femmes doivent-elles être associées étroitement aux décisions à tous 192 193 les niveaux et dans tous les domaines de la vie nationale et locale en matière économique, sociale, culturelle et politique. Tous ces problèmes que nous venons de citer incitent aux femmes de contribuer à des mouvements associatifs qui, selon elles, procèderont à une accélération de la promotion effective de l’égalité du genre dans les prochaines années. Le sous-chapitre qui suit nous présente la participation active des femmes dans ces mouvements. 4.1.2. Les mouvements féministes Certaines femmes, conscientes qu’on a besoin de leurs efforts, s’intègrent dans des groupes ou des associations féministes. L’accent y est mis sur l’amélioration de leur statut social, économique et politique. On les considère comme « activistes et défenseuses » des droits de la femme, faisant partie des femmes « libres », vehivavy afaka, qui aspirent à un avenir dont le contour semble obscurci par l’acuité des problèmes du moment, mais qu’elles continuent d’envisager avec optimisme. Leurs efforts doivent tendre à surmonter les différentes formes de crises qui affectent leur environnement : déficit alimentaire, malnutrition, dégradation des moeurs, sécheresse, crise de logement, sous administration, etc. Elles doivent comprendre, afin d’en trouver des solutions, le sens des profondes mutations qui sont en train de s’opérer : nouveaux rapports politiques, urbanisation, crise des valeurs sociales, alphabétisation accrue, évolution du niveau technologique. En effet, elles ne veulent pas y aller seules ; elles font appel à toutes et à tous qui aimeraient également contribuer à cette lutte, c’est la raison pour laquelle elles s’intègrent dans des associations ou des groupes. Nous proposons d’analyser les motivations qui poussent les femmes à adhérer à un mouvement associatif. Nous fonderons notre analyse sur les expériences qu’il nous a été donné dans le cadre de nos enquêtes sociolinguistiques ou de vivre en tant que membres de ces associations. Nous parlons de ces associations, parce que les femmes ont été longtemps laissées pour compte, parce que le développement du pays 193 194 entier ne peut se faire sans elles, qui sont d’ailleurs supérieures en nombre par rapport aux hommes et parce qu’elles sont, le plus souvent, les plus démunies parmi les démunis dans notre pays. Selon R. RAHANIVOSON et J. RAMANANTENASOA, le terme « mouvement associatif » désigne « les différentes formes d’associations dont le but est d’oeuvrer ensemble quelle que puissent entre les appellations que ces associations se sont données ou qui ont pu leur être attribuée : coopérative, précooperative, association, groupement, etc. » (Rahanivoson, R. Ramanantenasoa, J.1989 : p.138). Ces associations en question peuvent être, soit quasispontanée, soit impulsée par un organisme non gouvernemental (O.N.G.), soit rattachée à un mouvement politique. La question qui se pose est celle de savoir pourquoi les femmes adhèrent-elles au mouvement associatif ? Depuis quelques décennies, tout particulièrement depuis la Décennie de la Femme (1975-1985), des organismes internationaux, nationaux, gouvernementaux ou non, différents partis politiques, exhortent les femmes à se grouper pour constituer une force. La journée du 8 mars leur a été attribuée. 47 Malgré cela, omby indray mandry tsy indray mifoha , des zébus qui dorment ensemble ne se réveillent pas au même moment, c’est-à-dire qu’il y a des femmes qui traînent et ne comprennent pas qu’on lutte pour elles. Ces dernières ne ressentent pas les problèmes de la même manière, ou bien elles savent presque toutes qu’elles sont les cibles de la discrimination, selon le genre, et elles en souffrent d’une façon disproportionnée, mais elles ont peur. Elles appréhendent que s’aligner sur les normes masculines, c’est-à-dire aller au devant d’eux et prendre la parole à la place des hommes, est réellement interdit, surtout dans un milieu tel que nous vivons à Toliara. Cependant, la sous-estimation de la bonne volonté des femmes qui font partie des associations ou des groupes féministes ne les arrête pas de tirer sur la sonnette d’alarme pour stimuler leurs soeurs ; elles espèrent qu ‘elles seront une source d’enrichissement 47 pour les générations présentes et futures. Et Voir annexe, p. 276, n ° 13. 194 195 évidemment, elles n’ont pas manqué à demander aux hommes d’avoir également leurs droits de parler politique. Devenues militantes, mpitolona, elles ont du mal à se faire entendre de leurs amis masculins, qui considèrent comme normal d’être leur porte-parole. Vis-à-vis des hommes donc, elles doivent être emmurées. Pourtant, en ce début du troisième millénaire, les membres des associations féministes pensent innover leurs pratiques : non plus comme des automates, elles créent elles-mêmes le mouvement de l’histoire. Elles ne se perdent pas dans les grandes théories savantes des économistes, démographes et penseurs. Elles réclament plutôt le droit à l’information et à l’éducation pour elles-mêmes, pour les hommes qui acceptent leur lutte et pour les jeunes autour d’elles, afin de ne pas plonger les enfants auxquels elles donnent la vie, dans la pauvreté. Il ne s’agit pas seulement d’un discours creux et vidé de sens, mais d’une prise de conscience et de responsabilité sur le plan national. Il ne s’agit pas non plus de refuser les structures d’organisation, qui elles sont nombreuses et difficiles à démêler ; ce qui n’exclut pas une remise en question du type de société dont on est à la fois le produit et le support en tentant de sortir de certains modèles culturels, idéologiques, principes dominants. Ce qui suppose des risques et des exigences. Pour illustrer la lutte juridique de la femme, nous avons recueillis des textes 48, redigés par des femmes, revendiquant des changements au niveau des lois qui nous concernent. 4.1.2.1. Les différentes sortes d’associations féminines L’association peut être de type coopératif, regroupant des femmes dont le souci majeur est d’augmenter les revenus nettement insuffisants de leur famille. La plupart d’entre elles n’ont encore exercé aucun métier jusqu’à leur adhésion. Très souvent, le matériel utilisé au sein de l ‘association appartient aux membres et le capital de départ est constitué de cotisations. La démarche du groupe est autant économique 48 Voir corpus, p. 280. 195 196 qu’idéologique, parce que les femmes veulent à la fois faire des échanges d’expériences, mifanakalo traikefa et de productions, vokatra. • Dans les sphères confessionnelles et religieuses L’association des femmes au sein des paroisses et des églises regroupe des femmes d’un certain âge : les Dorkasy (associations des femmes des paroisses protestantes), les Zanak’i Masina Maria (association des Femmes des paroisses Catholiques), les Fikambanan’ny Tokantrano Kristiana (association des Foyers Chrétiens), etc. Elles ont l’habitude de réserver un jour par semaine à la couture, à la vannerie afin de se procurer de l’argent. Elles se réunissent également pour prier, lire des journaux ; elles visitent des malades et entretiennent les églises. Elles organisent des ventes, lavanty, ou des ventes expositions, varotra fampirantiana, des représentations théâtrales, des séances de vidéo lorsqu’elles ont besoin d’argent pour une oeuvre précise. Certaines d’entre elles donnent des renseignements sur la vie en société, la tenue du ménage, les soins aux enfants, l’ensemble de l’enseignement sur le savoir vivre : fahaiza-miaina. En matière de vie associative, les femmes sont enclines à s’engager plus naturellement dans les associations caritatives dont l’objet s’apparente ou renforce leurs rôles en tant que femmes, par exemple : les activités culinaires, les soins des personnes adultes ou handicapés, les prières, etc. que dans celles des retombées de pouvoir économique ou social. Par ailleurs, les femmes tendent à percevoir l’aberrance du fait que dans les associations admettant des membres mixtes, les hommes restent souvent à la tête et les femmes ne sont que des simples membres. • Dans le sphère politico- administrative La majorité des femmes qui adhèrent dans un sphère politique sont fonctionnaires, donc des intellectuelles, avara-pianarana, telles que des médecins, ingénieurs, adjoint administratifs, etc. Elles participent aux votes, à la vie du fokontany ; elles interviennent surtout 196 197 dans les tâches d’assainissement et d’hygiène, de reboisement ; les femmes sont souvent exécutantes, quasiment jamais au niveau de la décision et du pouvoir. Elles n’ont pas été formées comme les garçons ou les hommes à affirmer leur personnalité à convaincre. L’association opère surtout en milieu urbain et rural. Les activités portent sur l’enseignement du savoir-vivre aux femmes, la promotion d’hygiène publique par le maintien de la propreté de la maison, de la cour, du quartier, la sensibilisation de la population à la création des latrines et évidemment, l’association dépend de l’idéologie politique, donc elle propose de s’appuyer dans leur stratégies pour faire face à la crise économique qui paralyse le développement du pays. L’association organise également les femmes lors des campagnes en vue d’élection pour conscientiser le peuple. Mais le plus important, c’est leur cohésion pour revendiquer la valorisation du statut juridique, dont leur pleine jouissance contribue au développement du pays. • Dans les milieux des organismes non gouvernementaux Volamahasoa 49 est un des exemples de projets ayant entrepris de cibler les femmes dans la ville de Toliara. Ce projet permet aux femmes de s’organiser entre elles pour avoir des financements. Son but est d’aider les défavorisées urbaines à mieux gérer par rapport aux difficultés de la vie quotidienne. Les femmes entre elles doivent montrer une certaine confiance. L’impact de ces associations, sans être extraordinaires, n’est pas négligeable. Les moments des réunions leur permettent de se retrouver ensemble pour discuter entre elles. D’ailleurs, les mouvements associatifs contribuent à faire monter les femmes dans l’estime des hommes. De plus, la situation économique, la paupérisation, l’individualisme, l’esprit de concurrence, phénomènes particulièrement flagrants chez les citadines, poussent un nombre croissant de femmes à rechercher du travail ou une activité d’appoint. 49 Rafitra Fampisamboram-bola aty atsimo andrefan’i Madagasikara : Bezaha, Ankililoaka, Sakaraha, Tuléar-Mahavatse, Tanandava-samangoky, Behompy-Miary ; [email protected] 197 198 Ces associations concernent aussi bien la production agricole, vivrière ou industrielle que la confection de vêtements au marché, zaitra an-tsena, ou la prestation de services. Les femmes membres, ny mpikambana, viennent des différentes couches sociales : épouses de paysans, femmes sans travail (chômeuses), petites artisanes, mpanao asa tanana, femmes de gendarmes ou de militaires, vady zandary na vady miaramila et femmes cadres issues des associations des femmes médecins ou juristes, etc. 4.1.2.2. Les problèmes au sein des associations Des graves problèmes peuvent se présenter au sein des associations féminines, tels que le manque de formation au niveau de l’éducation. On constate que l’éducation donnée aux jeunes filles ne les prépare pas L’objectif a à l’entreprise été d’être d’un mère projet de à famille, caractère économique. non être pas femme entrepreneur. Ce problème se passe aussi au niveau de scolarisation. Le nombre de femmes scolarisées est encore très bas ; la plupart d’entre elles ne sont pas spécialisées techniquement en dehors de la couture, ny zaitra, le tissage, ny tenona, la cuisine, ny ketrika, et les petites productions vivrières, famokarana madinika, qui sont peu rémunérateurs ; ce qui limite l’activité des femmes en matière de gestion. Par conséquent, il manque de formation en matière de gestion autre que celle du budget familial ; de plus, la méthode de gestion est très peu transparente au sein des associations. Enfin, l’accès aux informations est limité, voire inexistant. Certes les moyens d’informations existent, mais ils ne répondent pas aux besoins des femmes, parce qu’ils traitent en priorité du travail masculin. De plus, les femmes ne savent pas où s’adresser soit pour mettre en place des projets viables, soit pour résoudre des problèmes rencontrés en cours de projet. 198 199 Sur le plan financier, d’une part, les membres sont généralement pauvres, pour dégager des surplus de leur budget familial ; d’autre part, les membres ne peuvent pas constituer le fonds de démarrage de l’association. Les financements sont rares et il faut avoir la confiance des bailleurs de fonds qui, d’ailleurs s’y intéressent peu. Ainsi, les activités dans les associations ne sont pas considérées comme rentables socialement, contrairement à d’autres activités plus prestigieuses au sein du Fokonolona, de la Croix Rouge ou des communautés religieuses. Sur le plan technique, il est difficile pour les femmes de s’introduire sur un marché organisé, quant aux exigences des clients pour la qualité et la conformité des produits, d’où les réseaux d’approvisionnement et de commercialisation sont faibles. En outre, les femmes sont tiraillées entre les tâches ménagères, la garde des enfants en bas âge et le travail pour le groupe d’autant plus que les conjoints pensent qu’elles perdent leur temps à se réunir, lany andro mivory avao. Dans ce cas, le problème de disponibilité en temps doit être considéré. En guise de synthèse, à partir de ces problèmes, nous constatons qu’il existe trois types de freins ou blocages pour la réussite des associations féminines : les freins dus à la situation socio-économique globale à savoir l’insuffisance de structure éducationnelle, difficulté de communication, manque de financement ; les freins relatifs à la situation personnelle de la femme, telle que les tâches ménagères qui sont exclusivement réservées aux femmes qu’elles travaillent ou non à l’extérieur ; les blocages au sein des associations elles-mêmes, car il manque de confiance entre les femmes Nous avons montré de façon caricaturale que ce n’est pas la volonté de s’organiser qui manque aux femmes. Mais il n’empêche que si les problèmes évoqués sont communs à toutes les femmes, celles des classes aisées peuvent y trouver des solutions, ce qui n’est pas le cas des femmes les plus démunies. Donc, d’après les expériences vécues par 199 200 les femmes dans le cadre du mouvement associatif, certaines ont été un échec, d’autres ont apporté un mieux-être aux femmes et à leurs familles. Il économiques, faut, sans par conséquent, lesquelles la créer les participation bases de la sociales et femme au développement et au mouvement associatif ne serait qu’un vain mot. Nous prolongeons cet intérêt sur l’étude de l’association féminine par l’analyse de l’usage linguistique au sein des groupes ou associations luttant pour les droits de la femme. Il est temps de connaître comment on parle au sein de l’association ou du groupe féministes. 200 201 CHAPITRE 2 4.2. LE DISCOURS FEMINISTE Cette partie va souligner la complexité des relations entre le discours féministe et la réalité. En effet, le discours féministe et non plus féminin nous emmène dans un espace engagé, ce qui signifie que le terme « féministe » est socialement marqué. L’initiateur des recherches de linguistique sociale appliquées au vocabulaire politique est sans contexte J. DUBOIS, même si l’on peut dire que G. MATORE a été sur ce point à l’origine des recherches en sociologie du langage. Ainsi, dans ce deuxième chapitre, nous allons tour à tour procéder au rappel des méthodes utilisées par J. DUBOIS ; puis nous étudierons les différents registres linguistiques qu’on peut rencontrer dans un discours féministe ; enfin, dans le dernier chapitre, nous parlerons des droits de la femme et des usages linguistiques à cet égard. 4.2.1. Les méthodes d’analyse linguistique du discours politique On peut dire que les méthodes d’analyse et des faits sont nécessairement multiformes et changent avec le corpus lui-même, mais nous nous contenterons de mener cette analyse avec la méthode de J. DUBOIS. En effet, selon ce chercheur, l’énonciation devient un acte dynamique continu qui rend compte de la créativité du sujet parlant, lequel, à tout instant, modèle son propre énoncé, « en assume plus ou moins le contenu, prend ses distances avec lui, comme devant tout objet en voie de réalisation… L’énonciation est définie comme l’attitude du sujet parlant en face de son énoncé, celui-ci faisant partie du monde des objets. Le procès d’énonciation, ainsi envisagé, sera alors décrit comme une distance relative mise par le sujet entre lui-même et son énoncé » (Dubois, J. 1969 : pp. 100-110). 201 202 Dans le corpus 50 à étudier que nous avons choisi le message communiqué est plus ou moins pris en charge par le locuteur. La distance est maximale, car il s’agit d’un discours politique. Le sujet considère alors son énoncé comme partie d’un monde distinct de luimême. Il identifie le je d’énonciation à d’autres je dans le temps et l’espace et cette identification peut être partielle ou totale. Le je réel disparaît pour s’identifier à tous les je dans le temps et l’espace, c’est-àdire que le je tend à devenir le il formel, énonçant des vérités universelles. Dans ce cas, la communication est d’abord un désir de communiquer. Le texte est médiateur de ce désir. Cela revient à poser que le discours n’est qu’une tentative de saisie de l’autre ou du monde. Là encore, le repère se fait par des unités discrètes du discours, celles qui traduisent le mieux cette tension, laquelle se matérialise par la présence d’une série de formes verbales impliquant une volonté d’agir, de faire pression sur l’autre. Les plus caractéristiques étant la fonction conative ou injonctive et les performatifs. Pour le sociolinguiste américain GUMPERZ, un énoncé à « valeur performative » s’accompagne d’une phrase supérieure, une « hypersentence », virtuelle dans la réalisation de surface, mais bien réelle dans la structure profonde. Ainsi, la phrase ry vehivavin’ny taona roa arivo, vehivavy manana tombam-bidy, femmes de l’an deux mille, femme actuelle, femme de valeur, s’accompagnerait de la phrase implicite : « j’affirme que... ». appelle à l’action, telle que : ndeha hiara-mientana On fait ho amin’ny fampandrosoana, collaborons pour le développement. On lance des mots de passe comme, vehivavy ankehitriny, femme d’aujourd’hui ; on énonce les buts à poursuivre avec l’aide des modalités, des impératifs, des verbes au futur, etc. Certains énoncés sont donc caractérisés par une force »illocutionnaire » distincte de leur sens. La communication n’a qu’un but : obtenir une réaction du récepteur. L’injonction peut 50 Voir corpus, p. 289. 202 203 s’adresser soit à l’intelligence soit à l’affectivité du récepteur et l’on trouve à ce niveau la même distinction objectif-subjectif, cognitifaffectif qui oppose fonction référentielle et fonction émotive. Du premier cas relèvent tous les programmes opérationnels qui ont pour but d’organiser l’action en commun. Du second cas, les codes sociaux et esthétiques ont pour but de mobiliser la participation du récepteur. Cette force illocutoire, qui établit un lien entre le locuteur et le ou les récepteurs, est marquée également par le jeu des pronoms isika, nous, on, qui définissent justement ce rapport comme dans l’exemple suivant : ho tratrantsika ny tanjona raha miray hina isika, nous atteindrons les objectifs, si nous nous unissons, où le locuteur s’inclut avec les interlocuteurs ou les récepteurs dans le nous sujet du futur injonctif pour faire appel à l’action. Le discours féministe enseigne aux femmes qu’elles doivent mettre ensemble leurs efforts, elles doivent s’unir avec des hommes, partisans de leur lutte, pour mener à terme leur combat. D’ailleurs notre civilisation depuis la nuit des temps nous a enseigné que « Izay mitambatra vato, izay misaraka fasika », 51 ce qui littéralement signifie : « ceux qui s’unissent, ressemblent à une pierre, mais ceux qui se séparent, ressemblent au sable ». Les femmes qui participent aux groupes féministes ne sont plus, par conséquent, celles que les hommes disent : mihentsea avao le ampy kahe ! , « Sois belle et tais-toi ! » Ce n’est plus les femmes avec leur murmure, takoritsiky, et leurs chuchotements , bitsibitsiky qui courent dans la maison. Ce n’est plus les femmes qui s’insinuent dans les villages, mpilaza volana alohan’ny Abibo, littéralement : diseuse de bons mots avant Abibe, faiseuses de bonnes et mauvaises réputations qui circulent dans la ville, mêlées aux bruits du marché ou de la boutique, enflées parfois dans ces troubles et insidieuses rumeurs. Non, ce n’est plus ces femmes qui font la joie des hommes, parce qu’elles sont les vraies femmes dont on redoute les caquets ou la 51 Voir annexe, p. 276, n° 14. 203 204 radiotrottoir, radio babaky, ni les femmes maivan-doha, littéralement : à la tête légère, qui manque de jugement et de discernement. La tête renvoie à des réalités intellectuelles et à des valeurs morales, donc à des réalités abstraites. Les groupes féministes revendiquent la différence, la spécificité, en même temps que l’égalité des droits. Elles croient que c’est la bonne attitude à prendre. C’est le discours qui fait mal aux oreilles de certains individus. C’est d’ailleurs ce que font tous les mouvements de revendications des minorités opprimées. Mais il faut préciser que cette différence soit nettement posée comme culturelle. La référence à la spécificité féminine donne raison à ceux qui, depuis des siècles, s’en servent pour justifier notre statut d’infériorité. Ainsi, il faut vraiment que l’image culturelle féminine soit à l’égal de l’image culturelle masculine. Il faut bâtir et imposer des modèles culturels féminins sur une spécificité féminine qui aient une valeur universelle dans un monde partagé avec les hommes. C’est pour cette raison que nous étudions le discours féministe, nous donnant l’occasion de savoir les différents registres utilisés dans les réunions ou les débats menées par « les pro » féministes. Mais nous y avançons avec prudence, car comme tout domaine idéologique, c’est un terrain glissant, difficile à caractériser sans porter des jugements. • Présentation du corpus Selon la méthode utilisée par J. DUBOIS, les textes à analyser ne sont pas systématiquement dans leur totalité, mais dans la partie utile, c’est-à-dire dans la suite qui permet d’éclairer les conditions d’emploi des mots dans le discours. Nous avons en quelque sorte pratiqué cette méthode tout le long de cette recherche, mais ici, nous voulons être encore plus explicite. C’est dans cette optique que nous avons recueilli trois textes concernant la lutte menée par les femmes militantes : d’une part, quelques thèmes réservés pour la célébration de 204 205 la journée internationale de la femme, de l’an 2000 à 2005 et un discours prononcé lors de la célébration de la journée internationale de la femme ; d’autre part, quelques passages tirés de la pièce théâtrale de L. de G. RAKOTONANDRASANA, intitulée Ambohibehivavy 52. Concernant les différents thèmes consacrés pour la journée internationale de la femme : en l’an 2000, l’intitulé était : Fanomezandanja ny zo sy ny satan’ny vehivavy, valorisation du statut juridique de la femme. L’année suivante, c’ était : Fiaraha-mientan’ny lehilahy sy ny vehivavy ho amin’ny fampandrosoana, collaboration de l’homme et de la femme pour le développement ; en 2003, on a choisi : Vehivavy malagasy miatrika ny fanarenana ny toe-karen’ny fiaraha-monina, femme malgache face au redressement économique de la communauté ; pour l’année 2004, hommes et femmes sont invités à jouir ensemble cette journée par le thème portant sur Vehivavy sy lehilahy miombon’ezaka amin’ny fampandrosoana tsy misy tombo sy hala, ensemble pour le développement l’homme et la femme ont un mérite égal. Enfin, l ‘année dernière, on a décidé pour Ny vehivavy mpiray ombon’antoka feno amin’ny fampandrosoana ny fiaraha-monina, femme partenaire à part entière du développement de la communauté. Les textes sont des messages qui interpellent : par les idées qu’ils contiennent, par leurs aspects informatifs et injonctifs, on sent immédiatement qu’ils jouent aussi le rôle de slogans. La lecture de ces thèmes exhorte celui qui lit à prendre parti, à se décider, à se disposer. Pour pénétrer ces textes, il faut les évaluer grâce aux différentes fonctions de la communication (fonction référentielle, expressive, conative, phatique, métalinguistique et poétique). Mais pour vérifier ses possibilités d’occurrence dans un contexte donné, il est nécessaire d’étudier ses rapports avec les autres types d’unité linguistique dans le texte. Sur l’axe paradigmatique, le choix des mots est déterminé par son apparition qui, lui aussi peut apparaître dans le même contexte. Les termes fampandrosoana / fanarenana / fandraisan’andraikitra peuvent 52 Voir corpus, pp 285-288. 205 206 se substituer, car ils se trouvent dans le même contexte ; de même pour les verbes miatrika / miombon’ezaka /miara-mientana. Ces termes constituent le champ lexical du « développement » et de « l’union ». De ce point de vue, l’emploi systématique de ces mots évoque l’importance de la lutte et la participation de tout un chacun. Sur l’axe syntagmatique, la redondance souligne le rapport des mots du même niveau qui apparaissent à ses côtés : ces termes sont répétés chaque année ; ils sont associés aux mots vehivavy et lehilahy, eux-mêmes répétés chaque année. L’usage des phrases courtes, claires, frappe les lecteurs des slogans. Les rapports paradigmatiques et syntagmatiques sont ici pertinents, car ils tiennent compte de l’importance des thèmes qu’on lance chaque année. Cela se justifie fonctionnellement puisqu’il s’agit d’attirer l’attention de celui qui lit ou écoute le message. Ici, l’invariant est la situation. Destiné à servir pour une étude comparative, ce type de corpus se constitue par la « mise ensemble de plusieurs textes » dans une même situation. Le but est de voir les termes fortement récurrents de cet ensemble d’énoncés, par exemple les mots : développement, union, ensemble, collaboration, homme et femme, etc. Cette méthode a permis d’un côté, de tirer des conclusions sur les rapports entre les éléments du lexique, car on a ainsi le paradigme des unités qui peuvent être substituées au mot choisi. De l’autre, la éléments structuration du syntagmatique vocabulaire : conditions est une d’emploi combinaison dans la des phrase, problèmes des stéréotypes. Chaque mot perd dans la combinaison une partie de son sens propre et les termes s’opposent les uns aux autres ou bien à un terme zéro. La méthode de J. DUBOIS est illustrée par l’utilisation plus systématique des règles de l’analyse du discours. Nous avons aussi pris en compte un discours prononcé par une militante de la région de Toliara 53 lors de la célébration de la journée internationale de la femme ; la raison du choix, c’est dans le but de voir 53 Voir corpus, p.289. 206 207 comment s’adresse-t-on aux femmes, comment elle s’engage à éveiller ses soeurs dans cette lutte qu’elle a délibérément choisi. Ce que nous aimerions souligner ici, c’est la difficulté de la communication orale : pour des raisons matérielles, psychologiques, sociologiques, culturelles et parfois physiologiques. Il est rare qu’un échange puisse être entièrement libre par rapport au temps et au lieu. L’intervention est souvent minutée. Il y a un invariant temps dont il faut tenir compte. L’invariant de lieu est coercitif ; l’auditoire est le référent situationnel. Le niveau de langue est prouvé par les perspectives culturelles de la locutrice. Elle cite même des énoncés bibliques ; les lexiques et les syntaxes sont distincts, choisis. Donc la fonction référentielle est très importante ici, mais la fonction expressive aide aussi l’auditoire à suivre l’intervention, à apprécier : le débit, le timbre de la voix, les gestes et même les arrêts à chaque ponctuation donne de l’importance à ce qu’elle dit. L’opinion de la locutrice, ses sentiments, ses jugements personnels se reconnaissent à travers ce qu’elle énonce, même si elle ne le dit pas directement. (Le je n’y paraît pas directement). Mais elle y apporte des informations objectives. Evidemment, la fonction conative y est prépondérante, car il s’agit de convaincre l’auditoire. Elle transparaît aussi à travers la bonne organisation du message : plan cohérent, transitions, bonne structuration. Ces qualités facilitent la compréhension du discours, donc l’adhésion à la thèse de l’oratrice. En ce qui concerne la troisième catégorie de corpus, les textes sont des extraits du premier, troisième et neuvième actes de la troisième partie d’Ambohibehivavy. Il s’agit d’u groupe de femmes en pleine discussion pour avoir leur droit : celui d’être égal à l’homme. L’importance de ce texte, c’est la place de la lutte féminine dans les oeuvres écrites d’une part et l’analyse de la communication interpersonnelle du groupe en question, de l’autre. 207 208 • L’analyse de discours féministe Ces trois sortes de textes soulignent le langage utilisé par des groupes expérimentaux socialement marqués. Les indicateurs linguistiques retenus y sont diversifiés : la structure syntaxique et l’organisation logique du discours, le nombre de pauses, la nature des hésitations, ou bien encore le lexique utilisé. Le sujet parlant s’inscrit en permanence à l’intérieur de son propre discours (par le je, par exemple), y inscrit l’autre (le tu) ; mais aussi, il met l’accent sur le facteur référentiel ou de situation (le il), répondant ainsi aux trois grandes fonctions du langage : - la fonction expressive (relative au je), - la fonction conative (relative au tu), - la fonction référentielle, (relative au il). Ainsi, dans les thèmes réservés aux journées du 8 mars, l’usage du registre élaboré est lié au contexte de communication. Le locuteur est absent de ces textes ; par contre, le contexte normatif (« regulative, selon GUMPERZ) est marqué par l’emploi du code linguistique contrôlé par la norme ou par une autorité sévère, où le code renvoie au code luimême .Prenons l’exemple : Ry vehivavy malagasy, ... Cette interpellation souligne le destinataire ; c’est aussi un code autonyme, qui a pour fonction de définir le mot important dans le message. La composition du Kabary pour le 8 mars est fort simple, d’ordre logique et linéaire. Après avoir salué l’auditoire, la locutrice souligne d’abord les rôles assignés aux femmes en dénonçant les stéréotypes avec lesquelles on a l’habitude d’utiliser à leur égard : fanaka malemy, meubles fragiles, akohovavy maneno, poules caquetantes, etc. Par ailleurs, elle souligne aussi l’évolution de la société dans la considération de la femme, en tant que aina, vie ; fivoy, rames ou fañary, balanciers. Ces exemples montrent que la femme joue un rôle important au foyer et dans la société en générale. 208 209 Dans le texte concernant les femmes combattantes d’Ambohibehivavy, nous étudions des actes de langage. Cette définition réflexive offre par ailleurs un bon exemple de fonction métalinguistique, centrée sur l’énoncé qu ‘elle explicite. Pour cela, on doit distinguer trois types de discours, ou plutôt trois modalités d’énonciation qui peuvent éventuellement se combiner entre elles : - un acte locutoire : qui affirme en toute objectivité, par exemple : « Arivovavy tsy maty indray alina ! », mille femmes ne meurent pas en une nuit. - un acte illocutoire, tel que : « Faly mahalala anao Madama ! », Heureux de vous connaître, madame ! - un acte perlocutoire : obtenir par la parole un effet sur le récepteur ; le démagogique ou bien le discours comique remportent l’adhésion de l’auditoire, par exemple : « He ! voan’ny angatra ê ! (misy mibitsibitsika...). He ! voan’ny fiangarana ê ! Atteint par la maladie vénérienne ! (quelqu’un souffle...) Victime de partialité ! La phrase que prononce ici l’une des femmes semble une simple affirmation locutoire, mais le jeu de mots entre angatra, maladie vénérienne et fiangarana, partialité, souligne l’effet de l ‘analphabétisme de la femme : qui ne sait ni écrire, ni lire, ne sait pas, non plus, s’exprimer correctement. Les fonctions conative et poétique ou, si l’on préfère, les dimensions illocutoire et perlocutoire sont ici simultanément engagées. Ainsi les énoncés pris en considération affirment la plurifonctionnelle du contexte pragmatique. Le narrateur ne participe pas à la narration. Il fait intervenir en outre la dichotomie langue littéraire/langue orale. Cette dernière implique forcément la présence d’un locuteur pour créer le dialogue. Le récit ne correspond pas au compte rendu fidèle d’événements qui auraient eu lieu, mais à l’invention de situations issues de la compétence imaginative du narrateur, ce qui implique un énoncé restreint pour ce texte. 209 210 Comme nous l’avons dit dans les explications précédentes, l’énonciation se fait par un jeu extrêmement complexe entre diverses références : ce mécanisme de l’énonciation joue sans que le locuteur en soit conscient. C’est pourquoi, l’analyse paraît souvent compliquée. En conséquence, quatre rubriques doivent être distinguées : - l’événement rapporté qui renvoie au procès de l’énoncé, - l’acte de discours qui renvoie au procès de l’énonciation, - les protagonistes du procès de l’énoncé, - les protagonistes du procès de l’énonciation. Les catégories qui impliquent une référence au procès d’énonciation sont les embrayeurs, qui sont la personne, le temps, le mode et le testimonial, où le locuteur rapporte un procès sur la base du rapport fait par quelqu’un d’autre, ou par lui-même, en d’autres temps et lieux. Par exemple : Rasoa : « Averiko indray : Aleo ho avy zay ho avy, fa ataoko manavy ! », Je répète encore : qui viendra, verra, je le rendrai malade ! Dans cette phrase, le procès de l’énoncé est : Aleo ho avy zay ho avy, fa ataoko manavy!, qui viendra , verra, je le rendrai malade ! ; le procès de l’énonciation-énoncé est : Averiko indray, je répète encore ; le procès de l’énonciation (implicite) est : Averiko (izao, maintenant et eto, ici, sous-entendus). Les deux -ko, je, dans averiko et ataoko s’opposent dans le temps et dans l’espace, en plus il y a un autre embrayeur : indray, encore. Grâce à ces exemples, nous constatons que tout phénomène d’énonciation résulte de la situation de dialogue, d’allocution où le locuteur établit, par le discours, une relation avec l’allocutaire. Cette tension se matérialise par la présence d’une série de formes verbales impliquant une volonté d’agir, de faire pression sur l’autre. Nous l’avons dit déjà que les plus caractéristiques sont les injonctifs, les performatifs, les verbes de modalités, et les factitifs. 210 211 La théorie de l’énonciation s’est donc constituée par le dégagement successif de différentes classes d’embrayeurs définis à partir des grands axes de références que sont les je, ici, et maintenant et permettant au sujet d’énoncer et de s’énoncer à travers elles. • Les différents registres féministes Nous avons précédemment souligné que l’étude du corpus conduit par J. DUBOIS a permis d’éclairer les conditions d’emploi du mot-clé ou du mot pivot dans le discours. Mais pour un texte long, la démarche est différente. L’analyse du discours pose ainsi le problème difficile des rapports entre la langue, l’individu et la société, selon la discipline de la sociolinguistique. On tentera d’établir des corrélations entre le comportement verbal et le comportement extra verbal. L’analyse sera fondamentalement comparative puisqu’elle jouera sur l’étude d’une ou des variables concomitantes contrôlées par rapport à un variant choisi. Ainsi, en étudiant des ouvrages féminine, nous avons remarqué que le code portant sur la condition féministe emprunte aux sciences sociales certains termes dont l’usage récurrent débouche sur un acte idéologique. Par exemple : ny hetsiky ny vehivavy, le dynamisme de la femme ; ny fanararaotana ataon’ny lehilahy, l’exploitation de la femme par l’homme ; ny rafitra, la structure ; ny lamina, la dialectique ; ny fandraisana andraikitra, la prise de responsabilités, etc. L’emploi des mots tolona, lutte, combat, hetsika, mouvement, dénote la lutte contre l’injustice, c’est qu’un mouvement de défense des femmes se définit par opposition à quelque chose de si bien installé en position dominante que ça n’a pas de nom, que ça n’en a pas besoin. Qui aurait l’idée de parler de tolona ho an ’ny lehilahy, la condition masculine ? Souvent, des registres militants sont empruntés ou inspirés des différents mouvements contestataires, tels que : ny fanafahana ny vehivavy, la libération de la femme ; ny fanoherana ny tsindry hazo lena, la lutte contre 211 212 l’oppression ; ny ady amin’ny fanaporetana ny vehivavy, la lutte contre la domination ; ny herim-pamoretana, la force de répression , la revendication... Parmi les emprunts au jargon ; ny fanavakavahana, la discrimination ; ny fitakiana les revendications politico-syndicales, on peut encore citer : ny fifandraisan’ny vondrom-behivavy, la coordination des groupes de femmes ; ny sehatra na vondron’ny mpiara-mitolona, le lieu ou la plate-forme de lutte ; ny hetsiky ny tsirairay, la mobilisation unitaire ; ny firotsahan’ny tsirairay, l’intégration de chaque membre ; ny tambazotra, le réseau ; ny tobipamaharana, la base, ny paikady, la stratégie, etc. L’absence du terme firahavaviana, analogue à firahalahiana, fraternité ou solidarité, montre que la dissymétrie de la langue est ressentie comme une lacune jusque dans l’usage des termes ayant une connotation idéologique. Et parce que notre monde évolue, il est également nécessaire de trouver des termes relatifs aux nouvelles circonstances qui nous entourent, c’est-à-dire qu’il faut penser à créer des mots nouveaux ou néologies. En effet, il n’est pas possible de dire ny firahalahian’ny vehivavy, la fraternité des femmes, ainsi on a recourt à ny firaisankinan’ny vehivavy, la solidarité des femmes. Très souvent, les femmes utilisent des proverbes qui soulignent le fihavanana, l’amitié et le firaisankina, la solidarité, dans leur discours : Mpirahavavy (mpirahalahy) mianala, zaho tokiny, izy tokiko, deux soeurs s’en vont en pleine forêt : je suis sa force, elle est mon soutient (qui est en quelque sorte une parodie de : mpirahalahy mianala…). De même dans hazo tokana tsy mba ala, un arbre ne correspond pas à une forêt, cette idée de solidarité est fondamentale. Enfin, l’une des techniques de lutte consiste à répondre au mépris par le mépris, notamment par l’inversion des connotations. Normalement, ny lehilahy est investi de connotations flatteuses dans notre société globale, alors que ny vehivavy est souvent péjoratif. Mais dans le discours féministe, cela peut être l’inverse. En effet, on ne peut pas refuser de voir la réalité en face, i sary ampela ay, est une injure plus grave lorsqu’elle s’adresse à un garçon ou à un homme. De même, à cause de sa force, 212 213 l’homme d’action, viril, peut être raillé par les femmes : manao boto fôrisa, mpanao forosé, ce qui évoque la force et l’autorité. Mais cela paraît sans gravité, car la situation est due, en partie, à la faiblesse de la femme. Maro maso, littéralement : beaucoup de regards, coureur de jupon ou akoholahim-bohitra, coq du village soulignent encore leur pouvoir au détriment de l’image et du statut de la femme. 4.2.2. Le rapport entre la langue et les idéologies La langue se nourrit des idéologies, en même temps qu’elle les véhicule et les entretient. En parlant d’idéologie au service de la lutte féminine, c’est en partie présenter et évaluer « les codes » qui y transparaissent, les « thèmes » qui y sont développés et les « thèses » qui y sont défendues. Les thèmes ou les thèses y font consciemment le porte-parole du groupe. Ils incarnent l’idéologie du mouvement. Les femmes malgaches, dynamiques et avides de responsabilités politiques, sont redevables à la sensibilité collective de leurs temps. Même si nous croyons que les idées des femmes sont autonomes, originales, librement développées, elles dépendent en grande partie du système économique de notre pays et de notre milieu socio-économique ; leurs idées, leur idéologie, sont une sorte de reflet psychique de ces conditions objectives de leur existence, avec toutes les déformations, toutes les erreurs que cela comporte : il s’agit donc non d’une simple réplique à peu près identique au réel, mais d’une représentation de ce réel. Pourtant, nous y avançons avec beaucoup d’attention et de tolérance. L’idéologie est toujours au service d’une lutte. Pour BAKHTINE, le signe est par excellence l’arène où se déroulent les conflits idéologiques, où s’affrontent les accents sociaux contradictoires. Voilà ce qu’il a dit : « c’est le mot, signe idéologique par excellence, qui reflète le plus finement les moindres variations sociales » (Bakhtine, I970 : p. 31). Les conflits entre groupe dominant et groupe dominé se manifestent par des tensions dans l’usage linguistique. Evidemment, dans le domaine de la langue comme dans les autres, le discours de l’idéologie dominante, contrôlé par la classe qui y 213 214 domine, tend à préserver l’organisation sociale dont il est issu. Les différents groupes en conflit dans la société se tirent la langue entre eux ; chacun vise à redéfinir ou à conserver la valeur des mots, à les confisquer, en quelque sort, pour les mettre au service de son idéologie. Il n’est donc guère étonnant que certains mots à fort contenu idéologique soient diamétralement connotés opposée, selon différemment, l’utilisateur. sinon Mais, de en tant façon que chercheur, nous nous occupons de notre information sur l’idéologie et accumule des données dans ce domaine. Ainsi, l’expression : miaro ny zon’ny vehivavy, protéger le droit de la femme, ne veut pas dire la même chose, selon un partisan ou un adversaire de la condition féminine. Un mot contient par conséquent des valeurs idéologiques divergentes. D’autre part, la même réalité ou le même concept sont désignés par des mots différents selon qu’on est membre de la même association ou non, c’est-à-dire que l’on voit les choses de l’intérieur ou de l’extérieur. Ce qui est en cause, c’est le droit de nommer : comment on se nomme soi-même et comment on nomme l’autre. On peut étudier les rapports entre la langue et la dynamique du mouvement luttant sur la condition féminine sur deux plans : tout d’abord sur le plan interne, celui ou celle qui est de l’intérieur, partisan(e) et féministe virulent(e), puis sur le plan externe, la relation entre féministes et ceux vis-à-vis de l’idéologie dominante, largement sexistes, c’est-à-dire sur le plan du conflit entre groupe interne et groupe externe. Le mouvement féministe en tant que mouvement marginal, minoritaire, se caractérise par le militantisme et un haut niveau de conscience idéologique. Il s’oppose à la grande majorité pénétrée d’une idéologie sexiste silencieuse, parfois inconsciente mais également réactionnaire. En effet, si le discours de l ‘idéologie dominante est directement relié à l’organisation sociale, politique et économique, de 214 215 même, de son côté, le discours tenu par les féministes s’appuie sur les catégories de la langue, les réconforte par là même et est la source de nouvelles catégories idéologiques. L’idéologie constitue effectivement un instrument de modelage à l’intérieur des systèmes de communication et de représentation symbolique d’un individu. La solidarité et la cohésion à l’intérieur du groupe exigent l’élaboration d’un code commun spécifique qui permet de se démarquer de ceux qui sont à l’extérieur. La formation d’un registre féministe sert avant tout l’identité et la conscience du groupe : choix et maniement de mots-clés qui sont autant de signaux. Par exemple, les femmes d’une association féministe s’interpellent soit avec le terme : rahavavy, soeur, ou ny namana Ranona ..., l’amie une telle...., soit directement avec le prénom ; sans être vulgaire ni impolie, chaque partisane est égale aux autres, sans toutefois oublier que chacune doit respect et confiance en leurs amies. A l’intérieur du code que constitue la langue, on peut donc distinguer un sous code féministe dont chacun des signes fonctionne comme un signal, un signe de ralliement, analogue en cela aux différents critères, tels que : ny fitondrana marika, le port d’insignes, na fanamiana, ou le port d’uniformes, na folara, ou foulard, ou à l’utilisation de mots de passe, ny teny baiko ou de formules, des mots d’ordre ou de geste de reconnaissance. Par exemple, au temps de la première et deuxième république, les femmes et le groupe interne de l’association politique féministe, relative au pouvoir utilisent le terme kamarady, camarade, ou zokibe, grande soeur. Le discours féministe constitue ainsi un double message : au message proprement dit, par exemple, la lutte pour l’envoi de toutes les jeunes filles à l’école, au moins jusqu’à l’obtention du diplôme de C.E.P.E. et le message d’identité en tant que membre d’une association qui se superpose au premier. Ce message peut d’ailleurs dominer le véritable message puisque le choix du registre suffit à provoquer une réaction de l’auditoire social. En même temps, le code féministe est un 215 216 facilitateur de communication à l’intérieur du groupe, puisqu’il se fonde en principe, sur un consensus des utilisatrices (-teurs), consensus qui s’érige en grande partie contre les conventions qui ont cours dans le groupe extérieur. Le code féministe renforce la solidarité et la cohésion du groupe interne. Cependant, les conflits de tendance à l’intérieur du mouvement se reflètent eux-mêmes dans le code. On peut identifier les féministes de telle ou telle tendance par leur langage. Ce qui montre que le langage du groupe est très significatif. Le code féministe utilise l’art de parler en public et de la manière la plus efficace. Le seul but est de convaincre aussi bien celles qui sont déjà à l’intérieur que celles de l’extérieur du groupe. D’ailleurs selon GUIRAUD : « l’idéologie n’est rien d’autre que le code qui sous-tend et intègre les autres » (Guiraud, P. 1971 : p. 112). L’instrument du code féministe comme de tous les partis politiques est la rhétorique. C’est un ensemble de techniques de persuasion : les règles pour le choix des idées, des arguments, des exemples ; les règles pour la mise en valeur et pour la représentation de ces idées. Faisant de larges emprunts aux marxismes, à la psychanalyse, aux sciences sociales, économiques et politiques en général, il a cependant une certaine spécificité, parce qu’on peut le rattacher globalement au langage des contestataires ou gauchistes. Pour conclure ce chapitre, il est bon de souligner que la langue et le discours sont reflets du monde : reflet du monde dans ses catégories, reflet du monde dans ses inventaires lexicaux. Et sur ce point par monde, il faut entendre non seulement la réalité sensible mais également l’histoire. L’analyse des droits coutumiers, d’une part et l’étude du principe d’égalité posé par le droit positif, de l’autre, vont clore cette recherche sur la condition féminine. Mais nous tenterons de montrer que les fonctions d’une langue dans la communication sont irréductibles à 216 217 celles qu’elle remplit en tant qu’attribut de catégories et de finalités sociales définies en termes d’institution. 217 218 CHAPITRE 3 4.3. LA POSITION DE LA FEMME DANS LES DROITS COUTUMIERS ET JURIDIQUES La position de la femme, en quelque lieu qu’elle se trouve, comme la position d’un membre quelconque d’une société ne peut découler que de l’agencement social et économique de cette société. Ainsi, ce dernier chapitre va nous permettre de savoir le principe d’égalité posé par les droits, autres que ceux que la nature a donné à la femme. Si l’on veut préciser la question juridique sur les droits de la femme, nous devons faire des investigations dans le domaine de la sociologie. Au surplus, il s’agit pour nous de définir la position de la femme dans le droit coutumier malgache, d’un côté et sur les lois positives qu’elle peut avoir, de l’autre. Ainsi, ce chapitre porte sur la description des devoirs et des droits de la femme dans la société déterminerons les principes d’égalité de traditionnelle ; puis nous droits dans les rapports sociaux actuels. 4.3.1. La subordination de la femme en droit coutumier La division sexuelle du travail, née de l’idéologie patriarcale a entraîné une institutionnalisation de l’inégalité de condition entre l’homme et la femme. 218 219 • La femme et le droit coutumier Le droit coutumier pose ainsi le principe de la subordination de la femme à l’homme. Aujourd’hui encore, dans les milieux traditionnels malgaches, on considère la femme comme inférieure à l’homme. A Toliara, plusieurs groupes coutumiers se trouvent en contact tous les jours et présentent des variations culturelles originales. Les règles coutumières laissent persister des institutions différentes du Droit écrit comme la polygamie, le formalisme du mariage, les régimes matrimoniaux et les successions. Le lévirat, la répudiation et la polygamie marquent cette infériorité traditionnelle de la femme par rapport à l’homme. Le contenu du lévirat ou vady entin-doloha implique qu ‘une veuve devient obligatoirement l’épouse du frère de son mari. Le mariage est considéré, dans ce cas, comme une alliance entre deux familles, au-delà de l’union des deux êtres. Cette pratique tend à disparaître et lorsqu’elle survit, le consentement des intéressés est requis. Chez les Bara, le frère de l’époux décédé peut exercer un droit de préemption sur la veuve et celle-ci devient automatiquement sa femme. Ny fandroaham-bady, ou la répudiation est une coutume connue encore par beaucoup d’ethnies, telles que les Bara, les Betsileo, les Sakalava. Selon G. GRANDIDIER, elle consiste pour le mari à pouvoir se débarrasser de sa femme très simplement en prenant à témoin le Fokonolona et les parents de la femme (Grandidier, G. 1932 : pp 153207). Ny famporafesana, la polygamie est chose courante à Toliara. Mais le mari ne peut épouser une autre femme sans le consentement de sa première épouse, ny vady be. Cette dernière a droit à un cadeau en compensation. Ce cadeau consiste en argent, en boeufs ou en rizières pour apaiser l’indignation de la première femme. La stérilité de la femme est une des raisons qui incite l’homme à prendre plusieurs 219 220 épouses. Dans les régions christianisées ou pour des raisons économiques, cette institution tend à disparaître. Pour les Tsimihety, le misintaka, ou le retour de la femme chez sa famille peut être précédé du mitsivala-mandry, littéralement : se coucher en travers. Le mitsivala-mandry consiste pour la femme à réfuser tout rapport conjugal avec son mari. C’est un avertissement dont use la femme vis-à-vis de son mari avant de se mettre en état de misintaka, c’est-à-dire rentrer chez ses parents. Et cet acte ne peut pas être considéré comme une cause de divorce pour le mari, car ce sont les droits de la femme tsimihety. Le mari procède au fampodiana, c’est-à-dire à la réintégration de l’épouse au domicile conjugal en lui faisant un cadeau. Mais il n’est pas obligé. C’est surtout pour le bien des enfants que les couples acceptent de se réintégrer, selon le proverbe : mitomany an-dreniny, te hinono, mitomany an-drainy, te ho babena, quand un enfant demande sa mère, c’est qu’il veut têter ; quand il demande son père, c’est qu’il veut être porté sur son dos. Ce qui souligne le besoin des enfants à vivre avec leurs parents. En principe, les deux époux se doivent fidélité à l’un et l’autre. Mais lorsque la femme est prise en flagrant délit d’adultère, elle est présumée irresponsable et c’est le complice qui doit dédommager le mari en lui donnant des boeufs. Ainsi, le système traditionnel malgache accorde une grande importance au rôle maternel, familial et conjugal. • Les régimes matrimoniaux et la gestion du patrimoine conjugal Pour les Merina, à la rupture du lien conjugal, le kitay telo andalana ou partage par tiers, consiste à donner au mari les deux tiers des biens acquis durant le mariage et le tiers seul revient à la femme. Pour les Vezo, Bara, Betsimisaraka et Sakalava, c’est surtout le mizara mira, le partage par moitié qui est pratiqué. 220 221 Le régime sans partage concerne surtout les Tanôsy, Tandroy et Mahafaly. En cas de séparation, tous les biens reviennent au mari. Il a toutefois la faculté de laisser certains biens à sa femme, s’il le désire. Chez les Mahafaly, la femme ne peut récupérer ses biens personnels en cas de séparation, que si les biens qu’elle a apportés se trouvent en nature dans le ménage et à condition que les époux n’aient pas d’enfants. Si l’épouse Tandroy a eu des enfants de son mari, elle reçoit une donation, fandeo, qu’elle doit restituer si les enfants n’ont pas survécu. Cette donation constitue un bien propre à la femme. • Les droits successoraux de la femme En matière successorale, chaque région a ses règles. Mais, dans un grand nombre de coutume, la règle est que les époux n’héritent pas l’un de l’autre et que, sauf stipulation contraire dans les testaments, le conjoint ne peut prétendre à l’administration des biens des enfants. On favorise, en général, le garçon qui hérite des biens immeubles, tels que les terrains, les maisons, les rizières, tandis que les filles n’ont droit qu’aux biens meubles. Chez les Tandroy, les filles sont évincées par les héritiers mâles : elles n’héritent que s’il n’y a pas de garçons dans la famille. Les Tsimihety excluent également les femmes au profit des hommes. Aujourd’hui, la société malgache est en pleine mutation. Elle vit à la fois les changements apportés par le monde moderne et les croyances fortement ancrées dans les valeurs traditionnelles. Ce paradoxe est vécu dans les milieux urbains où le principe d’égalité entre les deux sexes semble acquis. Mais un désir de domination de l’homme sur la femme subsiste encore dans les rapports entre époux. La mise en place du Droit positif, en 1960, a donné à la femme malgache le pouvoir de revendiquer une condition juridique égale à 221 222 celle de l’homme. Les lois nouvelles ont prohibé la polygamie, la répudiation et le lévirat, et établi l’égalité des sexes. 4.3.2. Le principe d’égalité posé par le droit positif malgache Si les règles du Droit positif posent le principe d’égalité entre l’homme et la femme et si le Parlement malgache a ratifié en décembre 1988 (art. 15 de la Convention), la situation réelle n’est pas encore celle de l’égalité complète. L’inégalité des chances dans l’accès à l’éducation et à la formation, l’inégalité dans les recrutements et les rémunérations, les entorses aux congés de maternité persistent toujours. Le législateur a amélioré la condition juridique de la femme mariée en lui accordant la pleine capacité juridique et en prévoyant l’égalité entre époux 54. Mais aucune réglementation n’a pris en compte les femmes engagées dans les unions coutumières non enregistrées, celles vivant en concubinages ou les mères célibataires. Selon la Constitution de 1975, le fitovian-jo ou l’égalité de tous les citoyens est garantie par l’Etat. Selon les articles 59 et 60 de l’ordonnance sur le mariage, le mari et la femme ont tout le pouvoir pour tous les actes relatifs aux charges du ménage. Non seulement, ils doivent y contribuer en fonction de leur capacité respective mais, en plus, ils sont solidairement responsables. Les régimes matrimoniaux sont régis par la loi 67-030 du 18 Décembre 1967 55. Le kitay telo an-dalàna ou le partage par tiers, qui lèse tout particulièrement la femme, a subi une modification selon la loi n° 90-014. Selon cette institution, elle doit se contenter de recueillir le tiers des biens communs acquis pendant le mariage, alors qu’elle a contribué de manière affective à acquérir et accroître cette masse 54 55 Voir corpus, p.277. Recueil des Lois Civiles, 1987 : Imprimerie d’ouvrages éducatifs, Antananarivo, pp 181-185. 222 223 patrimoniale commune. Cette loi est remplacée par celle du partage par moitié ou zara -mira. Selon la Constitution de 1975, l’égalité de tous les citoyens est garantie par l’Etat. Ce dernier s’engage à lever tout obstacles d’ordre économique ou social et à permettre le développement de la personne humaine et la participation de tous les travailleurs à l’organisation politique, économique et sociale. Ainsi, la femme jouit de tous les droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens malgaches. L’article 14 de la Constitution de 1992 garantit à la femme les mêmes droits civiques et politiques que l’homme. Elle peut exercer son droit de vote à toutes les élections et dans tous les référendums publics et être éligible à toutes les charges électives. La Convention encourage la participation des femmes à la vie publique et politique du pays. Elle lui assure dans son article 7, le droit de prendre part à l’élaboration de la politique de l’Etat et à son exécution. L’article 8 ajoute que la femme peut représenter le gouvernement à l’échelon international et participer aux travaux des organisations internationales. La femme a les mêmes droits que l’homme pour l ‘accès à l’éducation, à l’instruction et à la formation professionnelle. Comme tout individu, la femme a le droit à la propriété individuelle, à la protection de la famille, au travail et à l’emploi ainsi qu’à la liberté d’entreprendre. En droit pénal, l’infraction d’adultère, mijangajanga, est consommée pour la femme mariée dès qu ‘il y ait en relation sexuelle volontaire. Mais l’homme marié n’est punissable que lorsqu’il a entretenu une concubine au domicile conjugal ou en tout autre lieu d’habitation où son épouse aurait le droit d’être reçue. 223 224 L’adultère de la femme est réprimé par un emprisonnement de trois mois à deux ans, peine également applicable à son complice ; il appartient au mari d’arrêter l’effe t de cette condamnation, s’il consent à reprendre sa femme. Nous pensons que le devoir de fidélité est l’essence du mariage. Cette obligation est cependant plus stricte à l’égard de la femme. On l’a vu en effet que l’adultère de la femme est un délit puni plus sévèrement que celui du mari, puisque l’adultère de l’époux n’est punissable que dans le cas où il a entretenu une concubine au domicile. Et le meurtre commis par le mari sur l’épouse et son complice, surpris en flagrant délit d’adultère au domicile conjugal, est excusable. La polygamie est prohibée par la loi, mais c’est la bigamie qui est sanctionnée pénalement. Dans le cas de femme chef de famille, il peut résulter de trois situations : reny miteraka tsy manam-baly, mères célibataires, misarabaly, mères divorcées et mananotena, celles qui sont veuves. La notion de chef de famille ne s’applique donc à la femme que si le mari est défaillant : incapable, hors d’état de manifester sa volonté ou décédé. Etant juridiquement capable, la femme peut alors accomplir tout acte nécessaire à l’intérêt de sa famille. Le principe d’égalité de l’homme et de la femme s’étend au droit de propriété foncière. La femme a le droit à la terre. Mais la réalité est différente. En l’état actuel du Droit, la femme peut devenir propriétaire de terre par voie successorale, par testament, par mariage ou par le biais de la réforme agraire. Dans la pratique coutumière, nous avons dit que les règles de succession favorisent plutôt les hommes que les femmes. Cette situation tend à se perpétuer surtout que le testateur a la liberté de disposer de ses biens conformément au principe du masi-mandidy (du terme masina, sacré et mandidy, légitimer, disposer), lequel lui donne toute disposition. 224 225 Ainsi, la femme a le droit et le devoir d’agir efficacement sur la société, dont elle est membre vivant et agissant, mpandray anjara mavitrika, car de la bonne administration de cette société dépendent son bonheur et sa vie. Nier cet argument serait abaisser l’idéal de l’humanité à un état inférieur, où les hommes seraient tout et les femmes rien. Si on refuse à la femme le principe d’égalité, elle est réduite à l’impuissance, ce qui paraît une criante injustice. Il faut donc prendre des mesures pour atténuer l’influence des coutumes sur le mode de vie et sur l’état d’esprit des malgaches, afin de rendre effective la reconnaissance des droits de la femme. C’est dans cette optique que nous continuerons l’analyse dans le domaine de la langue, dont le rôle peut assurer la mise en application du principe d’égalité. • Le principe d’égalité et le rôle de la langue L’unité du peuple malgache est attestée par son parler et son mode de pensée communs. La possession par les Malgaches d’une langue comprise du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, aplanit beaucoup de difficultés qui peuvent surgir parfois à la suite de la diversité des ethnies. La langue est le produit de toute une série d’époques au cours desquelles elle se cristallise, s’enrichit, se développe et s’affine ; la langue est liée directement aux activités productrices de l’homme. Voilà la raison essentielle pour laquelle la langue, plus précisément son vocabulaire, est dans un état de changement à peu près ininterrompu. Le développement de l’industrie, de l’agriculture, du commerce, des transports, de la technique et de la science exige de la langue qu’elle enrichisse son vocabulaire de nouveaux mots et de nouvelles expressions nécessaires à cet essor. Elle perfectionne, en effet, non seulement son vocabulaire, mais aussi son système grammatical. De même, les divers groupes sociaux sont loin d’être indifférents envers la langue. Ils s’attachent à l’utiliser dans leurs intérêts, à lui imposer leur vocabulaire 225 226 particulier. Ces mots ou expressions sont empruntés, soit à la langue nationale, soit à des parlers, des jargons. C’est dans cette optique que WHORF et SAPIR ont soutenu l’idée d’un lien étroit entre « langue et vision du monde », d’ailleurs connue comme « l’hypothèse SAPIR-WHORF », elle tentait sous sa forme extrême de démontrer que la langue conditionne la vision du monde. Pour la résumer on cite souvent une phrase de Whorf qui indique un déterminisme linguistique extrême : « Nous disséquons la nature selon les lignes tracées par nos langues maternelles » (Whorf, 1956 : p.252). En effet, la langue la plus proche de l’individu est celle de la langue maternelle, qui lui permet de trouver un terme précis ou du moins son équivalence pour désigner un concept. • La création lexicale et le principe d’égalité de droits Le lien entre la langue, plus particulièrement le lexique, et la culture est irréfutable. Le lexique est la partie la plus mouvante du langage : celle où les locuteurs peuvent intervenir en tant que créateurs conscients, celle qui doit se plier aux changements du monde extérieur. Le renouvellement lexical comporte des créations ponctuelles venant désigner telle ou telle réalité. A partir d’éléments préexistant dans la langue, des termes nouveaux, considérés comme des néologies, sont construits en vue de mener la lutte contre l’inégalité de droits, tsy fitovian-jo. C’est dans ce but que le mot miralenta, littéralement : égalité de droits, est inventé. Par ailleurs, au lieu de dire ny lehilahy sy vehivavy, l’homme et la femme séparément, on utilise le terme miralenta, qui désigne l’un et l’autre ensemble, c’est-à-dire le genre. La création lexicale, la néologie, témoigne l’écart existant au niveau socioéconomique et politique. Il est apparu que la langue est un instrument de communication. Pour promulguer les lois ou les décrets concernant le principe d’égalité, la femme souhaite vivement leur traduction en messages simples, dans une langue ou un parler proches d’elle, du contenu des lois et des statuts de la femme pour une meilleur réception et compréhension de celle-ci. Mais cela n’est pas facile, car pour faire intérioriser totalement une idéologie, il faut éliminer tout ce qui la contredit dans la langue 226 227 elle-même et surtout dans la conscience. Or, s’il est évident que l’homme a besoin de nommer pour concevoir et intégrer la réalité, le fait d’effectuer l’opération inverse, c’est-à-dire, « dé-nommer » afin d’annihiler une réalité reconnue et approuvée est profondément difficile. En effet, en ce qui concerne la condition féminine, ce n’est pas uniquement la langue qu’il faudrait modifier, il y a, d’un côté, des coutumes qui ne méritent plus d’être suivis et de l’autre, la mentalité qui, devrait être changée. Et nous savons qu’inventer quelques mots ou expressions est déjà un problème, comment modeler la langue à sa guise ou en faire l’agent unique d’une action politique féminine ? Comment s’attendre à un changement de mentalité même lorsque la langue suit l’évolution des structures sociales ? La langue est souvent en retard sur les structures sociales, car les structures mentales la tirent en arrière. 227 228 CONCLUSION Pour définir la lutte féminine et féministe et pour nous prononcer sur cette épineuse question, nous ne prétendons pas avoir tout présenter en quelques pages ; mais dans la présente partie, nous croyons avoir souligné l’importance de ce mouvement, surtout par rapport à l’étude sociolinguistique. En effet, la langue est l’objet d’un investissement affectif qui ne se traduit pas seulement au niveau individuel, mais aussi en terme collectif : loin d’être un objet d’étude, donnant lieu à des recherches sereines, elle est l’objet de prises de position et de polémiques, parfois violentes. L’existence au sein de notre société des mouvements ou des associations féministes, auxquels nous avons consacré cette étude, en raison de l’importance du rôle qu’ils jouent pour restituer le droit de la femme, souligne que les femmes sont conscientes de leur situation. Une telle lutte n’apporte pas uniquement un grand changement socioéconomique, mais elle permet et accélère l’évolution de la langue. L’apparition combinée des nouvelles situations de communication (l’acception de la femme à prendre la parole, même dans les milieux les plus exigeants) et la multiplication des échanges linguistiques résultent à la création des expressions et locutions nouvelles relatives au principe d’égalité de droit. A lutte idéologique, terrain idéologique. Ensemble, nous ne croisons pas les bras, nous gardons conscience des limites de l’action possible. 228 229 CONCLUSION GENERALE Au terme de ce travail, nous pouvons affirmer que, abandonnant l’univers à deux dimensions de l’université, fait de livres et de blocnotes, nous nous sommes allée sur le terrain pour appréhender « les discours vivants, dans le contexte de leurs situations réelles, concernant la problématique de la condition féminine ». Et nous pouvons conclure que la condition féminine et l’usage de la langue posent un problème très épineux, car de tout temps, la femme a été laissée en dehors de toute préoccupation au niveau social et économique. Non seulement elle a été exclue de la parole publique et de son espace social, mais elle est aussi considérée comme un être inférieur et subit de ce fait, le poids de cette ségrégation, évidemment aliénant et écrasant. Tout ce qui la touche est affecté d’un signe négatif. Dès la première partie, nous avons souligné que l’histoire s’est faite sans elle, car l’histoire a été celle de l’homme et de tous les hommes. En même temps, l’homme lui a ôté le droit de la parole. En effet, les origines de cette discrimination sont lointaines. Sur le plan métaphysique, la femme est coupable, diso, meloka et les différentes religions clament sa condamnation : elle est responsable du pêché originel pour le christianisme, fotrotry ny fahotana ; pour la religion musulmane, elle est impure, tsy madio et doit se couvrir la tête et la face pour ne pas avoir honte, afa-baraka. Le fait de porter le voile, baraka, est une solution imposée aux femmes musulmanes ; son impureté l’isole du monde. Toute sa vie est conditionnée, car son infériorité naturelle, immuable est indiscutable. Mais au départ, la femme jouissait d’une responsabilité égale à celle de l’homme. Elle est loharano nipoira, la source originelle. Toutefois, avec les changements des activités productives, sa situation devenue marginale la maintient dans la 229 230 subordination, mpanampy ou aide. Et sa condition sous tous ses aspects entraîne la domination des hommes, ny lahy no lohan’ny vavy. Elle est devenue un être exploitable et punissable par la famille, l’époux, le père et l’employeur. A chaque changement de situation, la langue en tant qu’institution sociale et système de valeur témoigne des différentes étapes. Elle accomplit une tâche d’assujettissement dans l’abnégation, ce qui permet d’assurer sa docilité, fandeferany, son silence, ny fanginany et sans penser à sa nature, elle est prise pour un objet, un deuxième bureau, deziemo biro. Au plan social, sa situation reste complexe ; elle est à la fois un élément biologique par sa fonction de reproductrice , miteraka et un élément économique, car elle est aussi productrice, mamokatra, en participant à la production au même titre que l’homme. Par ailleurs, la femme reste l’objet du lien social qui rassemble dans une même société deux lignées différentes. A cet égard, elle fait office d’objet d’échange, firaka atakalo, au même titre que la monnaie dans les rapports sociaux. Le rôle de la femme est généralement lié au principe de l’exogamie, qui marque une nécessité des rapports sociaux entre les différents lignages. Mais cela n’empêche pas l’existence de lien au principe de l’endogamie, lova tsy mifindra. Par conséquent, la parenté s’établit en ligne paternelle. Mais il existe également la parenté maternelle, où l’oncle maternel, ny renilahy, a un droit de protection sur les enfants de sa soeur, ny zanak’anabavy. Vis-à-vis du mari, la grande qualité exigée est la soumission, ny fileferana. La femme dépend étroitement de son mari qu’elle doit respecter et servir. Vis-à-vis de sa belle famille, elle doit obéissance, fankatoavana. En dehors de cette responsabilité d’épouse et de mère, elle doit assumer l’éducation de ses enfants. Elle est responsable de sa progéniture. En outre, il ressort aussi des rapports d’inégalité et de subordination dans la division hiérarchisée du travail. Pour la femme 230 231 rurale, la répartition des travaux selon les sexes commence très tôt (vers l’âge de cinq ans) et augmente au fur et à mesure que l’enfant grandit. Les garçons, à partir de cinq à six ans commencent déjà à aider leur père à conduire et garder les boeufs. En milieu urbain, les groupes de femmes instruites ressentent, grâce au travail, des sentiments d’autonomie accrue et d’affirmation plus accentuée de leur personnalité vis-à-vis de l’homme, alors que les groupes de femmes de faible niveau d’instruction se satisfont davantage de l’allègement des problèmes d’argent du ménage. Par ailleurs, la participation et la réussite des femmes dans les activités productives ou rémunératrices ont éliminé chez les femmes et les hommes certains préjugés sur les capacités au travail des femmes, mais ont épargné d’autres stéréotypes sur les rôles de l’homme et de la femme. En effet, l’émergence d’hommes au foyer tend à être davantage tolérée par les conjointes concernées elles-mêmes que par les autres femmes qui de l’extérieur, y trouvent une dégradation inacceptable de l’homme, resimbavy, tindrin’ampela, et en imputent la responsabilité à la femme pour les comportements humiliants de celle-ci à l’endroit de son conjoint. Quoi qu’il en soit, la femme est consciente qu’elle reste pour l’homme un élément indispensable. Sur le plan politique, en termes de participation effective, la femme se sent insatisfaite de la situation actuelle, à cause d’une faible représentativité en nombre dans les instances de décision dans toutes les sphères : communautés, associations, administrations régionales et nationales, élections, partis politiques. Par conséquent, elles se désintéressent et s’excluent des réunions du Fokonolona en assimilant ces dernières à des affaires d’hommes, aferan-dehilahy. Par contre, les hommes imputent aux femmes le manque d’habileté à exposer leurs idées du fait de leur faible niveau d’instruction, sinon leur manque d’audace à prendre la parole. En tant que chef de famille, il faut toujours préciser : vehivavy loha-pianakaviana, femme chef de famille, qui laisse entendre que c’est 231 232 l’homme qui occupe normalement cette position légale, quoique beaucoup de femmes aient, seules, la responsabilité de leurs enfants. Ainsi, la femme reste fortement déterminée par les préjugés et les stéréotypes sur les rôles de genre et elle demeure marquée par un manque de confiance en elle-même et entre elles-mêmes. Nous avons noté que ce sont ces images et ces stéréotypes discréditant la femme qui prédominent son univers. La langue incarne la coercition et la pression du groupe. La langue favorise, non seulement la reproduction des idées, des émotions, des habitudes communes, mais surtout la perpétuation des différentes formes d’inégalités à travers ses signes et ses structures. Leurs influences interviennent dans le subconscient individuel, automatisent l ‘acceptation de l’infériorisation de la femme et peuvent freiner ou paralyser les élans et les mouvements pour réduire les inégalités. Sur le plan linguistique, la différenciation sexuelle peut affecter le niveau phonétique, morphologique, syntaxique, lexical et conversationnel. En effet, il peut être abrupt et surprenant d’affirmer qu’une femme ne parle pas comme un homme. Il s’agit là comme dans les variations sociales, régionales, d’un comportement éminemment culturel. Le sexe exerce une grande influence sur le langage, mais la variation sexuelle est rarement une variable pure. Très souvent, elle entre en interaction avec d’autres variables, telle l’origine sociale ou régionale. Pour marquer cela, nous avons répertorier les différences lexicales qui entrent en jeu dans la répartition des rôles et des pôles d’intérêt des hommes et des femmes, et de les soumettre à des analyses synchroniques et diachroniques. Il n’y a pas de tabou linguistique proprement dit pour les femmes malgaches ; rien n’interdit au femmes de donner dans un registre vulgaire, argotique ou obscène ; rien n’interdit aux femmes de raconter des blagues « cochonnes », mais il n’empêche qu’en général, les propos crus, verts, triviaux, les gros mots sont plutôt l’affaire des hommes. La femme n’ose pas, ou ne s’identifie pas à celui ou ceux qui 232 233 les manient. Quand elle se risque sur ce terrain, ou ce sont des femmes de mauvaise vie, fatritran’olona, kalalijaky, ou elles en sortent affectées d’un indice masculin : « ça fait mec, ce n’est pas féminin ». De toute façon, il s’agit pour les femmes, au sens littéral du terme, d’un langage emprunté. Dans un autre domaine, on observe que les femmes ont une attitude différente des hommes vis-à-vis de la langue. Elles auraient tendance à adopter une attitude plus puriste que les hommes et à parler un sociolecte (niveau de langue) plus élevé que les hommes issus du même milieu socioculturel. Là où les ouvriers tireront fierté de leur langue populaire, les femmes chercheront à éliminer de leur langage l’accent et les autres marques sociales. Ainsi, les femmes seraient davantage soucieuses de correction, ce qui les entraînerait parfois à l’hypercorrection : tendance à vouloir en faire trop, à faire mieux. Les femmes seraient plus ambitieuses et adopteraient plus volontiers les manières linguistiques propres à la position sociale qu’elles souhaitent atteindre. De même, dans la prise de parole, dans la conversation, hommes et femmes se comportent différemment. Une idée reçue veut que les femmes soient d’intarissables moulins à paroles. Elles bavardent, caquettent, jacassent, …, là où les messieurs discourent ou discutent. En revanche, dès que l’on est dans l’ordre de discours sérieux, il semble bien que la logorrhée dont on gratifie les femmes devienne plutôt l’apanage du sexe masculin. Ainsi, nous n’avons pas considéré le langage comme un simple instrument ; mais plus que cela, le langage est plutôt une habitude, un monde d’activité standardisé de l’organisme humain. Ce n’est pas non plus une institution : quelle que soit la signification que l’on mette sous ce terme, ce serait en faire un simple produit statique et son analyse risquerait de s’écarter loin des activités humaines. Pour tout dire, selon notre conception, le langage constitue le rouage indispensable de toute activité humaine concertée. D’une simple 233 234 communion phatique, comme JAKOBSON la définit, à des phrases anodines, des mots sans grande signification ou des récits sans cesse répétés, que ce soit autour du foyer le soir, ou dans notre propre vie quotidienne, le langage sert à renouer sans cesse un lien social. Donc tous les mots simples ou difficiles que nous avons recueillis, désignent la problématique de la femme et concourent à former et à maintenir les normes et les valeurs sociales et économiques. Nous sommes intimement persuadée qu’une société forme un tout cohérent et nous accentuons les modes d’intégration sociale ; mais nous avons aussi essayé de localiser les situations de conflit ou de différences. Les limites linguistiques sont tout aussi apparentes que les limites sociologiques. Notre analyse s’est attachée constamment à contextualiser les énoncés, les formules et les mots ; nous devons à les localiser et décrire leur emploi. La signification d’un mot est parfois réduite à la situation qui le voit naître contextualisation. et Nous la traduction avons délimité a été ainsi un processus successivement de son contexte verbal, c’est-à-dire, l’entourage immédiat du mot et de l’énoncé, les conditions immédiates dans lesquelles a lieu l’acte de parole ou bien situationnel. De même, nous avons essayé de reproduire la réalité sociale dans sa globalité physique et non physique, c’est-à-dire que nous avons décrit le milieu culturel. C’est d’une telle approche que nous avons mené notre interrogation sur le statut du langage concernant la femme dans sa problématique. Nous affirmons que « dire, c’est faire », et, nous considérant comme un élément utile pour lutter au principe d’égalité, nous pensons que, par le biais de cette recherche, nous avons participé à cette lutte. Notre action n’est qu’une goutte d’eau pour compléter ce qui existe déjà et ce qu’il faut encore apporter, car nous constatons que la subordination de la femme continue à subsister à Toliara. Si on refuse à la femme le principe d’égalité que souligne la néologie miralenta, la femme sera reduite 234 235 à l’impuissance ; elle continue à être moins que rien. Ce qui paraît une criante injustice. Il faut donc éliminer tout ce qui ne permet pas à la femme de jouir de son droit et de sa valeur, en tant qu’être humain. Nous faisons appel aussi à toutes les femmes de respecter elles-mêmes, c’est-à-dire de donner de la valeur à leur corps, à leur esprit, surtout à leur âme et à tout ce qu’elles font. Une vraie émancipation commence par le respect de soi-même et des autres : on ne croise pas seulement les bras ; on garde conscience des limites de l’action possible. Ainsi, nous pourrons libérer les femmes de la subordination. 235 236 ANNEXES 236 237 TABLE DES ANNEXES TABLE DES ANNEXES 237 CORPUS 239 METHODE D’ENQUETE 240 QUESTIONNAIRE 243 NANKAIZA I MARIGIRITY ? 246 INONA NO ATO ? 247 NDATY NAMPIRAFE ROE 248 NY RANOMASOM-BEHIVAVY 251 SEXY- GIRL 253 SADY RAVAKA NO HAINGO 256 I ZATOVO NAHO TY AMPELANOSENDRANO 257 RANORO 260 SOAFARA (Conte) 263 TRIMOBE ET SOHITIKA (conte) 265 LA MERE RANGONALA 267 ZATOVO MALAIN-KANAMBALY 269 LA SAGESSE DE L’OGRESSE 271 SENTON’I IKALAMOMBA 273 AKORY NO HITOMBAN-DAHY? 274 PROVERBES 276 LE STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME 277 RECUEILS DE TEXTES RELATIFS A LA VALORISATION DU STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME 280 AMBOHIBEHIVAVY 285 Fizarana fahatelo 285 Fisehoana voalohany 285 Fizarana fahatelo 286 Fisehoana Faha Valo 286 Fizarana fahatelo 287 Fisehoana Fahasivy 287 KABARY 8 MARSA 289 GLOSSAIRE 292 237 238 REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE 310 INDEX DES AUTEURS 319 TABLE DES MATIERES 323 238 239 CORPUS 239 240 METHODE D’ENQUETE Je présenterai dans ce corpus, les modalités de mes enquêtes, questionnaires, entretiens et observations qui ont permis de recueillir les différentes données sur les traces linguistiques et socio-culturelles de la condition féminine, dans le sud-ouest, notamment à Toliara, en tenant compte des spécificités de chaque individu contacté. L’enquête L’enquête a permis de : - recueillir des informations sur les pratiques coutumières et les attitudes langagières des ethnies en contact à Tuléar. - identifier et préciser à la fois les différents clichés, stéréotypes et images socio-culturels inhibiteurs, concernant la femme de la région. - clarifier et analyser l’évolution des mécanismes d’infériorisation de la femme dans l’anthroponymie féminine. - émettre quelques recommandations en vue de l’amélioration de la situation et de l’atténuation des disparités de genre. L’enquête par questionnaire Pour mener les enquêtes, nous avons établi un questionnaire, dans le but de rassembler des données de types socio-biographiques sur les individus enquêtés et de capter les informations- clés sur le vécu des hommes et des femmes à Toliara et leurs aspirations. Les réponses des participants permettent ainsi de définir clairement les concepts de force d’inertie et de culture dans l’optique de notre travail. Certaines questions sont classiques dans ce type d’enquête comme l’âge, le lieu de naissance, le lieu d’habitation, la profession. D’autres qui ont été construites spécifiquement portent sur l’individu lui-même, la langue maternelle, c’est-à-dire la langue de la mère mais aussi la première langue apprise ou acquise. 240 241 Bien que dans la majorité des familles, la langue première du père soit la même que celle de la mère et qu’elle soit déclarée par l’individu comme étant la langue maternelle, ce n’est pas vrai pour tous. Le déroulement de l’enquête J’ai tenu à effectuer l’enquête moi-même ; ce qui présenterait des avantages majeurs même si cela devait prendre beaucoup de temps, que de laisser à quelqu’un d’autre le soin de faire passer les questionnaires. Mais l’aide d’autres personnes a permis d’avancer dans les meilleurs délais, de faire les transcriptions et les études des réponses obtenues. L’enquête a duré à peu près deux ans. J’ai commencé depuis 2003. Mais je ne le faisais pas tous les jours. On sait depuis les pionniers de la socio-linguistique, notamment depuis les travaux de W. Labov (1976), que les résultats de toutes enquêtes sont influencés par la personnalité de l’enquêteur et une part de l’enquêté, son statut social et le lieu où celle-ci se déroule. Interroger des individus sur leurs pratiques langagières et leur coutume à propos de la femme et surtout l’inégalité de genre peut paraître incongru, mais c’est la seule manière d’avancer. Du reste, cette méthode m’a permis d’observer les réactions des locuteurs (femmes et hommes). De plus, ma présence lors des enquêtes était la seule manière pour moi de connaître les langues ou parlers en contact et la variation des lexiques utilisés par les locuteurs. Au terme de mes enquêtes, au mois de décembre 2005, j’ai pu recueillir quelques centaines de questionnaires complets. Ce n’est que quelques grains de poussières par rapport à la population de la ville de Toliara. J’ai choisi en priorité d’enquêter des mères de familles, des mères célibataires, des jeunes filles et des hommes. Etant femme moi-même, il m’est plus facile de m’adresser aux femmes qu’aux hommes, cela n’empêche pas qu’ils étaient sincères et respectueux. 241 242 Les entretiens Malgré les renseignements précieux apportés par les questionnaires, ceux-ci ne peuvent que fournir des réponses lacunaires et tranchées et n’ont pas la richesse des entretiens. Ils permettent d’étudier les attitudes et les discours langagiers des sujets, y compris dans leur ambivalence, à propos de la femme. Par ailleurs, les adultes opéraient des choix linguistiques lorsque je souhaitais connaître leur point de vue sur la transmission linguistique et culturelle. Aussi, me suis-je limité à quelques familles dans différents quartiers, ce qui me permettait d’interroger même les enfants et les jeunes. Les entretiens que j’ai eu la gratitude d’avoir avec certaines personnes, telles que la veuve du défunt Monja Jaona, ses deux filles Hangy et Fokonontsoa, ou bien avec M. Fitahia E. et sa famille, des connaisseurs en la coutume Tanôsy, les personnels de la maison de culture de Toliara, tout cela a permis l’avancement de mon travail. Je tiens donc à remercier et reconnaître tous ceux qui ont apporté, de loin ou de près, leur soutien à l’élaboration de mes recherches. 242 243 QUESTIONNAIRE Nom : Prénom : Age : Lieu de naissance : Profession : Lieu et durée d’occupation des domiciles successifs (en année, dans l’ordre) : Ville ou province d’origine des parents : Quels parlers utilisez-vous : - à la maison ? - avec les amis ? - à l’extérieur de la maison ? (Les réponses doivent réfleter les habitudes du sujet enquêté ; il évitera de se laisser influencer par les remarques des entourages.) Est-ce le premier idiome que vous ayez parlé étant enfant ? Oui ? Non ? Sinon quel a été cet idiome ? Parlez-vous une langue étrangère ? Comment l’avez-vous apprise ? Dans votre parler tout à fait naturel et familier, avez-vous des lexiques distincts pour homme et pour femme ? Lesquels ? Donnez des exemples. Est-ce que la stratification sociale en classes d’âge hiérarchisées a des influences sur la communication linguistique ? Comment se manifeste-t-elle ? Est-ce que dans votre société (ou à la maison), les rôles sociaux sont répartis en fonction de la dichotomie sexuelle ? Dans quelles situations de communication, la femme ne pourra-t-elle pas intervenir ? (Donnez des exemples). Qu’est-ce qui est tabou ou interdit pour la femme ? Et pour les hommes ? Est-ce que le rang social joue une très grande influence sur la communication ? Comment ? Est-ce que la femme peut être chef de famille ? 243 244 Par quels langages désigne-t-on les différentes catégories de femmes : fillette ; jeune fille ; femme mariée ; vieille femme ; fille mère ; mère célibataire ; femme restée célibataire ; veuve ? Quelles règles de politesse utilisent les femmes pour s’adresser entre elles : - de supérieure à inférieure ? - d’égale à égale ? - d’inférieure à supérieure ? Quel langage utilisent-elles envers les hommes ? leur mari, leur fils, leur père, autres personnes du sexe masculin ? Les langages suivant les lieux : comment s’adresse -t-on aux femmes : - à la maison ? - chez autrui ? - dans la rue ou sur le chemin ? - au marché ? - dans une boutique ? - dans un lieu public administratif ? - dans un lieu religieux ? - sur une place publique : par exemple : sous l’arbre à palabres ? Les langages suivant le temps de communication : - pendant le loisir ? - pendant le repas ? - à la nuit tombée ? - pendant la nuit ? - pendant les fêtes (genres de fêtes). Utilise-t-on des invectives ? - des mots de plaisenteries ? - des insultes ? - autres ? Les types de discours vis-à-vis des femmes : - le discours conventionnel et contraignant ? - salutations (arrivée, départ, rencontre, retour d’un voyage) ? - excuses, remerciements (préventives et corrections) ? - réponses à ces remerciements ? 244 245 Expérience professionnelle (fonction, activités exercées, responsabilités assumées, réalisations concrètes) ? Avenir : quelle est la conception féminine vis-à-vis de l’avenir ? Loisirs : distraction préférée, lecture, autres… ? Avez-vous des ambitions ? Quelles sont-elles ? Faire parler le sujet enquêté sur ses réussites, voire ses échecs ? Essayer d’appréhender ses situations conflictuelles. Approfondir ces problèmes si c’est en rapport avec l’émancipation de la femme. Conception des horaires de travail. Quels sont les traits caractéristiques qui personnalisent les femmes le mieux ? Note : Pour être bien mené dans le temps imparti, l’enquête demande une préparation qui tient compte : - des informations à réunir - des aptitudes à observer - des faits à mettre en évidence. 245 246 NANKAIZA I MARIGIRITY ? Nankaiza i Marigirity? O e! Oe! Oe! Nankaiza I Marigirity? Oe! Oe! Sakaiza! Ao anatin’ilay trano kely, Oe! Oe! Oe! Ao anatin’ilay trano kely Oe! Oe! Sakaiza. Hangalako vato iray, Oe! Oe! Oe! Hangalako vato iray Oe! Oe! Sakaiza. Vato iray ve de mba ho ampy? Oe! Oe! Oe! Vato iray ve de mba ho ampy? Oe! Oe Sakaiza! Hangalako vato roa, … (hatramin’ny folo). 246 247 INONA NO ATO ? Inona no ao anatin’ilay haron-kely? - Atody! Inona no ao anatin’ny atody? - Vorona ! Nankaiza ny vorona? - Nanidina! Tratrako e! Tratrako e ! 247 248 NDATY NAMPIRAFE ROE Teo ty ndaty nampirafe roe. Valy bey ty raike, valy masay ty raike. Le sambe niterake iareo roroe naho fa niela bey : raike ty ana i valy bey y, roe ty ana i valy masay y. Ie re mboe tsy bey loatse ty ana i vale bey y, le nimate am’zao re. I Mosa ty anara i ana’e y. Talily fa masika. Ie re mboe tsy hereñe i andro y, fa naleveňe avao i fate y. mahafereñaiňe avao ty Mosa. Mandeha miarake sarake iereo am’i rañe e rey. Mandeha afara avao re. Le tokave i rañe’e rey am’izao re : - « Ndao Mosa. » - « Ndao », hoa re. Ie re noly iareo, le nandeha afara avao re. Le milailay aloha am’izao i rañe’e rey. Le mandeha avao re, le mitoka am’izao : - « Lomailay ty ajaja fa hanjó rene. Lomailay ty ajaja fa hanjó hane. Lomailay ty ajaja fa hanjó rano. » - « Ay o Mosa roy, ay o Mosa toy. » Manao izao ka ty aman-drene’e aňe. Ie re niavy an-tanaňe ao iareo, le nizilike am’izao ajaja manan-drene rey. Ie re le ho nizilike i fo’e y, lehe vonotre’e tafatora-draty le nigaine am’i traño ahandrefañe y. Le manao izao am’izao i zoke’e rey: -« Hatao’o akore o zai’ay o atao’o hoe io o ? » 248 249 « Lehe heje’areo, hoa re, amboaro’areo traño ho fitoboha’areo ama’e. » Le nitañy am’izao i ajaja rey. Le tsy nimea’e haneňe ty Mosa fa nañendaza’e bararaoke. - « Ingo, hoa re, ty hena’o fa faly azo o haneňe raty o. » Le nitsiňe avao ty Mosa. - « Lehe tsy hane’o, hoa re, le vonoeko rehe. » Ie nihariva, niavy am’izao ty raeiareo. Le nisalakaeiareo telo lahy am’izao. Le tsy nivolaňe raha maro am’izao iareo fa le nitalily i Mosa natafatoran-dreneiareo y. - « O aba ? » - « Oa », hoe ty rae’e. - « I Mosa natafatora i vali’o y naho nizilike an-traňo ao, le tsy nimea’e haneňe aby fa nañendeza’e bararaoke avao ; lehe tsy nihane i Mosa i bararaoke y, le ho vinono’e ty Mosa. » - « Mitsiña avao nareo, hoa re, fa mbe ho treako naho maraiñe. » Le nitsine avao iareo. Ie re nihamaraiñe mañeno akoho, le nifoha am’zao i rangahe y. - « Ho aia ihe o koahe ? » hoe i vali’e y. - « Izaho, hoa re, hipay i ose y fa nisy nahamotsoaňe. » Le nandeha am’izaoi rangahe y, nanganike ambony kile añe. Le mandeha miarake sarake am’izao ajaja rey. Le mandeha am’izao ka ty Mosa. Talily fa masika ... Isake hariva ty Mosa mandeha an-kibory añe miroro añe. San’andro san’andro ty Mosa atafatora i rakemba y avao, le tsy mea’e haneňe, fa mea’e bararaoke avao. 249 250 Ie re niantoandro, le natao’e hoe izao ka. Le niakatse moramora avao i rangahe y te boake ambone aňe, le azo’e i lefoňe y, le tinombo’e am’izaoi vali’e y, le nimate. « Soa ihenane o, hoa re, samba tsy manandrene nareo, am’izay tsy sahiraňe raho. » Le nalae’e ty rae i ampela y, le nitantarae’e ami rae’e rey am’izao ty raha natao’e am’i ajaja rey. « Aleveňo, hoe ty rae’e, fa zoton-tro’e zay, fandrea-nalaha’e tsy maharare ty pa’e ; zoton-tron-dRekamisy nanambalia’e Ambaneandro. » le nandeseiareo am’izao i anaiareo y naleveiareo aňe. Ie zao. Hangy, Janvier 2004. 250 251 NY RANOMASOM-BEHIVAVY Ny ranomasom-behivavy: Tsy hainy tanana rehefa Nony injay ka hifandao, Misy oroka tsy vita! Ny ranomasom-behivavy: Tsy ahiana dia mijoy Rehefa injay ianao variana, Sendra mba tsy mahatsiaro Ny hamerina ireny Teny mamy tiana ho heno Nanazarana ny sofiny Isaka ny tafahoana! Ny ranomasom-behivavy: Vetivety dia mitobaka Rehefa injay ianao tsikariny Ho tsy miraika firy loatra Amin’ny resa-borodambany, Amin’ny resa-boninkazony, Amin’ny resa-tsakakeliny... Ny ranomasom-behivavy: Lasa riaka mahasafotra Rehefa injay ianao tsy taitra Rehefa injay ianao tsy rototra Toy ny hoe tsy tia intsony... Ny ranomasom-behivavy: Ranomaso tsisy farany, Ranomaso tsy hita fototra 251 252 Ranomaso mahasosotra! Ranjatohery Harilala, Edisiona Lova, 1992, p.40. (Fifaninanana Loka ny Avana Ramanantoanina, 1991). 252 253 SEXY- GIRL Zaza niara-kely teny Ambondrona Niara-nanary fako fony bodo Niara-nisondrotra, naira-nitombo Niara-nitsiry koa ny fitia Ka niaraka nibalady Tafakatra avobe ny mari-pana Dia nifanao dina hiara-dia Samy nivetsovetso fa hivady Maraina dia efa ateriko an-tsekoly Mifampiandry raha hody ny hariva Fa fito ambin’ny folo taona tsara indry Nanaraka andry zalahy tany Amnésia Nanomboka teo indry no tia nandihy Nanaraka andry zalahy Indra Nanaraka andry zalahy Calédo Nanaraka andry lerony Caveau Dia nananika samirery Papillon Dia niaraka taminao ny Sinoa Dia niaraka taminao ny Karàna Dia Vazaha be koa taty afara e ! Lasan-dry lerony ny akamako Lasan-dry lerony ny fananako Novetavetaim-bazaha koa ny anjarako Fa lasany dia tsy haveriny eto intsony Fa lasany dia nasidiny any ambony Izaho indray no noraisina teto ry’reto an ! Fa sexy-girl, hoy aho, sexy- girl ! Dia tsy tsaroanao ve retsy Ianao natosiko tamin’ny kalesy taloha 253 254 Ankehitriny aho efa voa ka zesitiavanao Mercèdes Dia tsy tsaroanao ve Isika sy ianao nifanolotra voan-tsinefo Tetsy Ambodifilao Ankehitriny ianao tsy misotro raha tsy Fresh Zaho tsy mahatakatra CD an’i Mariah Carey Hanambazako anao ve ry sipa Fa raha tia ahy ianao dia Gorisagorisa revena Ary aza asiana fanazavana ara-tsiantifika F’efa arako ny toetranao fa toetran’alika Ary aza asiana taratasy, Manazava mankany an-trano Tsy vakiko akory Fa tonga aho dia hatory F’efa koboko ianao, Koboko ianao tamin’ny fahita lavitra Efa koboko mikarama clips-na tarika hafa Efa koboko ianao manao mannequin’i Agence TOTEM En plus-n’izany kilalaon’ny Vazaha fa sexy-girl Efa koboko ianao ni-defilé teny amin’ny Somaco Efa arako sahady fa miandry ho kôtin’ny Vazaha Tsy nahalala menatra intsony F’efa babon’ny vola ny fony Koa raha any amin’ny Vazaha ny vola Dia raha tsy Vazaha tsy midola Raha any amin’ny Sinoa ny vola Dia raha tsy Sinoa tsy midola Fa sexy-girl! Tsy miandry anao intsony hoy izy, i Samoela F’efa dila ny ela sy ela Fa ny lasa tsy hiverina intsony, na dia naratra ny fony Fa ny ho avianao no antsoiny tody Dia varatra sy ozona Tsatok’antsy sy poizina 254 255 No indray hianjera aminao iny Ho valin’ny fahiny Hanafaka tsiny sy ho tambin’ianao virijiny. SAMOELA 255 256 SADY RAVAKA NO HAINGO « Hono ho’aho ry Neny, nahoana moa ianao no dia varian eo ampanaovan io sakôsy rofia io foana? Mba jereo ange ty ianao e, efa mila tsy hahavatra mikarakara tena intsony. Heverinao ve fa mba hisy avenira tsara ho anay raha misaraka ny tokantranonareo Ray amandreninay? “Aza miteniteny foana eo ianao ry Rindra a. Mazava ho’azy retsy fa hitsinjovako ny ho avinareo no anton’izao a!” “ Na dia izany aza, ny toro-hevitro dia izao: manamboara vatana. Asio vernis ny hoho, hosory lokomena ny molotra, aza fonosina folara lava izao ny volo. Heim, hilaozan’ny omby mihahaka eo moa fa ataovy ihany…” “Efa antitra izao ve aho retsy vao hoe: vernis e, lokomena e…” …………………………. “Niaina tao anaty fahadisoan-kevitra foana nandritra zay taona maro izay isika, ry Noro. Vao teo I Rindra no niresaka tamiko fa tsara raha mba mahavatra tena isika fa tsy ho toy ny haron’I Rainitabebaka ka hidonàka eo tontolo andro. Tsy mbola folara ve izao iny an-dohandry iny amin’izao ora izao? “Eisy, ny fotoana hanenjehana kômandy aza tsy misy, ka aiza no hikarakarako ny vatako?” “Amboary ho’aho ny vatana, amboaro dia ho hitandry ny vokany… Aza hadino mihitsy retsy ry Noro, fa ny vady jerijery.” “Mbola eo ny vernis, ny poudre, ny lokomena, ny maquillage .Fa tsy ny vatanao ihany anie no amboarina ry Noro fa ny ato antokatranonao koa ê. Ndao ange ho entiko mitety ny tranonay indry ê, hatrato amin’ny efitranonay ka hatrany amin’ny douche”. 256 257 I ZATOVO NAHO TY AMPELANOSENDRANO Teo ty Zatovo naho ty ampelanosendrano. Nandeha ty Zatovo. Le nitrea’e am’izao naho ampelanosendrano ro indroy .Le liniñe’e avao ty hiakara’e. Ie re niela amà… le nandeha mbañ’olotse eo am’izao re. Le nitsepahe i Zatovo am’izao re. Le nañontenea’e am’izao ty Zatovo: - « Inoñe o, ho are, raha itsepaha’o ahy o?” - “Ho valiko”, hoe ty Zatovo. - “Tsy hai’o raho” , hoa re - “Haiko”, hoe ty Zatovo. - “Ie zao, hoa re, naho miroro raho tsy fohazeñe, naho homañe homañe an-traño ao avao, tsy homañe añ’aloke ey, tsy mañororoke hane’ondaty fa ty ahy avao.” - “En, hoe ty Zatovo, tanteko aby zao.” - “A andao ito”, hoe i ampelanosendrano y. Le nandeha am’izao iareo an-tana i Zatovo añe. Ie re le niela bey añe amà … le nivesatse am’izao i ampela y. Talily fa masika … le niterake ampela re, le natao an-traño re, le naakatse. Ie re nibeibey i ana’e y, le nihentea i Zatovo am’izao o raha alaiña’e ho fohazeñe o. Le niroro añ’aloke ey re, le finoha i Zatovo, le tsy naharey. Le natsinga i Zatovo am’izao ty hile’e. Eheo’e naho lavake bey ty ankile’e ao. “Heite! hoa re. Toe intoañe avao o raha alaiñe ho fohazeñe o.” Le nandeha am’izao ty Zatovo an-tonda añe. Le ninofie’e am’izao re te finoha naho vaho hinente ty hile’e. Ie re niavy ty Zatovo, le nikopoke avao re, le nitoka hozao am’izay: “Malailay raho aba, malailay. Andrarako anao ty hileko sokafenao . Andrarako anao ty fakako sokafenao. Malailay raho aba, malailay raho ene. 257 258 Andrarako anao ty hileko sokafenao. Andrarako anao ty fakako sokafenao.” Le nanao hozao am’izay ty Zatovo: “Nirey i ampela y avao izaho nanokake ty hile’e y, ie anoa’e hozao o. “Ie i ampela y niela añe amà… le nifoha ie ndaty nandre y, le nandeha nilay mban-drano eo, le kanao nitsere le an-drano añe. Le avy le nijoñe añate rano añe am’izao. Le norihe i Zatovo naho i an’e rey am’izao re. Ie re nitrea’e ty Zatovo le natao’e hozao am’izay : - « Trea’o raho Zatovo? » hoa re. - “Treako”, hoe ty Zatovo. - “Trea’o raho Zatovo?” - “Treako”, hoe ty Zatovo. Le nibalike mbaman-dry Zatovo eo am’izao re, le niakatse te boake ampo rano ao .Le nitambetambeze i Zatovo am’izao: “Indao rehe koahe, hoe ty Zatovo, fa tsy ataoko ka ty afara, naho mbe ataoko le lia’e tsy mete rehe eneke. Le nandeha am’izao iareo noly an-tanaiareo añe. Isake isan’andro i ampela y, le atao’e avao ie tsy mañororoke ty hane i Zatovo y. Isake isan’andro le manao hozao. Ie re nisy andro fara’e, naho fa niela toboke ama’e eo i vali’e y le nihinente’e am’izao ka I raha heje y ampela y. Le nifanta’e ka naho fa nifoha re. Le nanao hozao re : Malailay raho aba, malailay. Malailay raho ene, malailay. Andrarako anao ty hileko sokafenao, Andrarako anao ty fakako sokafenao. Malailay raho aba, malailay. Le nandeha am’izao ty Zatovo niakatse añ’ala añe la nirehake am’i ana’e re am’izao re: “Ry mboako, hoa re, naho fa tsy trea’areo eto raho, hasoa tsy ho paiae’areo fa handeha”. “Izahay, hoe i ana’e rey, tsy mete am’izay, tsy engañe eto irery”. Le tsy nahoa’e zay fa le nandeha an-drano añe re. Le nañorike añe am’izao ty ry Zatovo miroanake. Naho nitrea’e le nanao hozao re : 258 259 - « Trea’o rahoZatovo ? » - « Treako », hoe ty Zatovo. - « Trea’o raho Zatovo? » - “Treako”, hoe ty Zatovo. Ie re le nilavitse amà… le nibalike te boake añe, le nanao hozao fara’e : « Veloma rehe Zatovo. Inge ty rano manintsiñe afitsezo o anantikañe o. Ambeno soa fa izaho tsy hihereñe sasa” .Le naporitsa’e i rano y, le nandeha am’izao re. Le noly ty ry Zatovo nameloñe i ana’e rey. Raconté et rédigé par Hangy, Octobre 2004. 259 260 RANORO Cette histoire est très ancienne : elle se passe au temps des Vazimba, les ancêtres des Malgaches et des Zazavavindrano, les filles de l’eau, qu’on raconterait encore sur les rivières. Andriambodilova se reposait un jour au bord de la Mamba. Tout à coup, au milieu de la rivière, il aperçoit une jeune fille, assise sur un rocher. Elle est tellement belle qu’il reste sans voix ; il la regarde sans oser bouger ni parler : ses cheveux sont si longs qu’ils trempent dans l’eau ; elle rêve, et ses grands yeux regardent vers la Forêt Bleu, où se trouve aujourd’hui Tananarive. Andriambodilova veut lui montrer son admiration : il se met à chanter avec une jolie voix très douce, et son chant monte vers le ciel bleu. La Belle aux longs cheveux l’écoute un moment, puis elle plonge dans la rivière. Andriambodilova est tout triste et l’appelle longtemps, les yeux fixés sur le rocher...Mais elle ne revient pas. Pendant plusieurs jours, le jeune revient à la même place, à la même heure : la Fille des Eaux est là, fidèle à ce rendez-vous. Mais toujours, quand il l’appelle, elle disparaît. Alors, il imagine une ruse : un matin, il la voit dormir sur le rocher. Sans bruit, il nage entre deux eaux pour aller jusqu’à elle, et saisit une des longues mèches qui flotte sur l’eau comme une algue souple. Elle ouvre de grands yeux étonnés et veut plonger ; mais Andriambodilova ne lâche pas la mèche, et elle ne peut plus bouger. Il monte alors sur la roche à côté d’elle. - Je ne me sauverai pas, dit-elle, et sa voix est aussi douce que son regard. Mais ne tire plus sur mes cheveux, tu me fais mal. Que veux-tu ? 260 261 - Dis-moi quel est ton nom. Je ne peux pas vivre sans toi. Veuxtu être ma femme ? - Je m’appelle Ranoro. Mon père est Andriantsira, le Seigneurdu-Sel. J’habite au fond de la rivière avec le peuple des Eaux, dans des grottes où l’eau n’entre pas. C’est le plus beau pays du monde. Mais moi aussi je t’aime, et je veux bien rester sur la terre. Si j’ai plongé plusieurs fois, c’était pour voir si tu allais revenir. Car on est malheureux lorsque l’amour n’est pas partagé. Emmène-moi dans ta case. Je serai ta femme, mais pour cela, tu dois me promettre une chose. - Parle, dit le jeune homme. - Jamais tu ne diras le mot sel devant moi. Andriambodilova promet. Tout heureux, il emmène sa fiancée dans sa belle case à la sortie du village. En marchant, Ranoro relève ses cheveux pour qu’ils ne traînent pas dans la poussière. Les années passent. Ranoro et Andriambodilova sont heureux ; ils ont beaucoup d’enfants... Malheureusement, mon histoire n’est pas finie ! Un matin, Andriambodilovadécide d’aller travailler dans son champ toute la journée. Avant de partir, il dit à Ranoro : - N’oublie pas d’attacher le veau, sinon il ira vers sa mère, et nous n’aurons plus de lait ce soir. Ranoro est très étourdie :elle attache le veau par la queue, puis elle rentre à la maison pour faire son ménage. Le veau se débat, réussit à se détacher et court vers sa mère boire tout son lait. Quand Andriambodilova revient du champ, il aperçoit de loin le veau qui joue auprès de la vache. Il se met dans une grande colère : - Tu n’es bonne à rien, crie-t-il à sa femme. Tu seras toujours une Fille du Sel ! 261 262 A ce mot, Ranoro sans même embrasser ses enfants, court vers la rivière et plonge. Andriambodilova va l’appeler au bord de l’eau, mais elle ne revient pas. Sa peine est trop grande ; il rentre chez lui et pleure sans arrêt. Ses enfants, qui ne voient plus leur mère, se mettent aussi à pleurer. A la fin, leur père se met en colère et leur crie : - Mais taisez-vous donc Enfants-du-Sel ! Cela n’arrange pas les choses, car Ranoro ne reviendra jamais plus sur terre. On raconte pourtant qu’Andriambodilova et ses enfants la voyaient souvent en rêve : elle leur donnait des conseils. Les gens du pays la voyaient souvent aussi et elle leur disait : - Si vous ne m’oubliais pas, je continuerai à vous protéger et si vous venez à la Maison de pierre où je me suis cachée, je vous aiderai. L’endroit où Ranoro s’est jetée dans la rivière est devenu sacré. Sa Maison de pierre se trouve au village d’Andranoro, près de Tananarivo. C’est une grotte pleine d’eau, près d’un grand rocher où elle a posé son lamba avant de disparaître. Beaucoup de gens passent par là, et lui demandent son aide. On dit qu’elle les conseille toujours. R. SABATIER, 1979, in Contes de Madagascar, Nathan, Paris, pp. 3437. 262 263 SOAFARA (Conte) Une petite fille nommée Soafara partit un jour cueillir de brèdes. A l’ouest du village, coulait une grande rivière infestée de caïmans. L’enfant arriva tout près de l’eau. Elle voulut traverser la rivière. Un caïman s’approcha d’elle et lui dit : « Monte sur mon dos ; je te passerai de l’autre côté ». La fillette, sans méfiance, accepta l’offre du caïman Ravoaimena. Arrivé au milieu de la rivière, le caïman plongea complètement Soafara dans l’eau et l’entraïna dans un trou. Or, la demeure du caïman n’est pas dans l’eau mais dans la terre sèche. Soafara avait perdu connaissance. Ravoaimena la crut morte et il partit inviter tous ses parents à un grand festin. Pendant ce temps, Soafara reprit connaissance. Elle creusa la terre au-dessus de sa tête et elle se mit en sûreté. Ravoaimena rentra quelques heures après, suivi de toute sa famille. En voyant le trou vide, les invités se fâchèrent. Ils se jetèrent tous sur Ravoaimena et le couvrirent de morsures. Ravoaimena s’en alla laver ses plaies et se chauffer au soleil sur un banc de sable. Cependant, Soafara ne pouvait sortir de son trou. Elle aurait bien voulu faire prévenir ses parents. Elle dit à Ratsimilaho le papango : « Vole jusqu’à la maison de mes parents. Dis-leur de venir ici tout de suite ». Mais le papango refusa de faire la commission. Le takatra et le goaika refusèrent aussi d’aller pr évenir les parents de Soafara. Le vorondreo vint à passer. Il vit la petite Soafara au fond de son trou. D’un coup d’aile, il se rendit auprès de ses parents. En arrivant à la maison il cria : « Soafara a été prise par le caïman ! Vite, il faut sauver Soafara ! » 263 264 Le père de Soafara, sa mère et sa soeur aînée partirent vers la rivière, guidés par le vorondreo. Ils creusèrent la terre et tirèrent Soafara de son trou. Ils furent tout heureux de la trouver vivante. Ils demandèrent à l’oiseau vorondreo : « Que veux-tu pour ta récompense ? » Et l’oiseau répondit : « Je ne demande qu’une chose : la vie ». La demande de l’oiseau fut acceptée. Et depuis ce jour-là, les chasseurs ne tuent plus les vorondreo. R. Carle, 1952, Joies et travaux de l’île heureuse, Hachette, Paris, pp. 94-96. 264 265 TRIMOBE ET SOHITIKA (conte) Sohitika volait des oranges dans le champ de Trimobe. Celui-ci la surprit, courut après elle, mais il ne put l’atteindre. Le lendemain et les jours suivants, les vols continuèrent. Un jour, Trimobe se cacha dans les saonjo. Et la voleuse fut prise. « Tu as volé toutes mes oranges, lui dit Trimobe, je te mangerai. » Il rammassa alors une grande quantité de saonjo et les mit avec Sohitika dans une soubique. Et il partit vers la maison pour faire cuire les saonjo et Sohitika dans la même marmite. En chemin, Sohitika ouvrit la soubique et fit tomber un saonjo. Au bruit, Trimobe tourna la tête, puis continua sa route. Un peu plus loin, Sohitika fit tomber un autre saonjo. Trimobe ne tourna même pas la tête. Enfin, à l’entrée du village, Sohitika se laissa tomber de la soubique. Et elle s’enfuit. Trimobe arriva à la maison. « Tiens, dit-il à sa femme, j’ai attrapé la voleuse d’oranges. Tu la feras cuire avec les saonjo. » On ouvrit la soubique. Mais il n’y avait plus que des saonjo. Le lendemain, Trimobe se cacha dans les goyaviers. Et, de nouveau, il saisit la voleuse. Il attacha solidement les mains et les pieds de Sohitika, la mit dans un sac et la porta chez lui. Il dit à sa femme : « Va puise de l’eau ; j’irai chercher du bois et nous ferons cuire Sohitika. » Ils partirent chacun de leur côté. 265 266 Après leur départ, leurs deux enfants rentrèrent. Ils virent le sac, et, par curiosité, l’ouvrirent. Sohitika avait détaché ses cordes. Elle bondit hors du sac et saisit les deux enfants. Elle les lia avec les cordes et les mit à sa place dans le sac. Puis elle s’enfuit à toutes jambes. Longtemps après, Trimobe et sa femme rentrèrent, apportant l’eau et le bois. Trimobe alluma le feu. L’eau fut bientôt bouillante. Trimobe prit le sac et se disposa à le jeter dans la marmite. Les enfants se mirent alors à pousser des cris. Trimobe ouvrit aussitôt le sac et les délivra. « Un grand malheur vient d’être évité, dit-il à sa femme. Nous allions tuer nos propres enfants ! » Cependant, Sohitika continuait à voler les oranges de Trimobe. Celui-ci décida de préparer une ruse. Il apporta avec lui des entrailles de boeuf et un crochet de fer. Arrivé au milieu du champ, il fit rôtir les entrailles. Alléchée par la bonne odeur, Sohitika s’approcha et demanda : « Que fais-tu rôtir ? Cela sent bien bon ! - Ce sont mes propres intestins, répondit Trimobe. J’avais grand faim. Avec ce crochet, je les ai tirés de mes entrailles. - Est-ce bien vrai, répondit Trimobe, et il donna un morceau d’intestin à Sohitika. - Que c’est bon ! dit celle-ci. - Eh bien ! Fais comme moi ! Reprit Trimobe. Fais chauffer au rouge le crochet de fer, tu le plongeras ensuite dans ton ventre pour en retirer les entraille. » Sohitika fit rougir le fer. Cependant, elle hésitait à s’en servir. « Veux-tu que je t’aide ? » Elle jeta le crochet par terre et disparut dand la forêt. On ne la revit plus jamais dans le pays. R. Carle, 1952, Joies et travaux de l’île heureuse, Hachette, Paris, pp. 116-121. 266 267 LA MERE RANGONALA (Conte Tsimihety) Immédiatement après la naissance de son enfant, la mère Rangonala se baigne avec de l’eau froide. Pourquoi ? Cette histoire l’explique. Un homme pêchait à la ligne. Il retira une maille qui contenait tout ce qu’une femme riche apporte normalement en mariage. Il jeta une seconde fois son hameçon dans l’eau et, hop ! voilà au haut de la ligne une femme qui frétille, une femme jeune, jolie et d’une éblouissante gaîté. - Ca alors ! dit notre homme, éberlué. - Je viens ici pour être votre épouse, répondit la dame. - Parfait, dit notre heureux pêcheur. - Seulement, ne dit jamais que j’ai été pêchée à la ligne, recommanda la nouvelle épouse. Si tu le racontes à quelqu’un, je reviendrai dans l’eau et je t’abandonnerai pour toujours. L’homme promit de tenir sa langue et emmena sa femme dans le village. Le ménage fut heureux. Cinq enfants naquirent. L’homme s’enrichit beaucoup. Il eut deux mille boeufs, cent hectares de rizières, beaucoup de manioc. Par malheur, il prit l’habitude de boire trop d’alcool. L’ivresse enfante l’oubli ; notre riche père de famille se mit à vanter la beauté de sa femme et, surtout, son adresse jamais égalée. « Toi, dit-il, un jour à l’un de ses amis, quand tu manies ton hameçon, tu attrapes des carpes, mon hameçon à moi m’a livré ma belle Sanera ». Sanera a tout entendu. Elle a pris par la main trois de ses enfants et s’est retournée au fond des abîmes pour ne plus jamais revenir. L’ivresse passe. L’homme s’affole. Adieu, la belle Sanera ! De ce temps date la coutume : aussitôt après la naissance de son enfant, la mère Rangonala se baigne dans de l’eau froide, en souvenir de la belle Sanera. Quant aux hommes, autrefois, ils ne prenaient jamais d’alcool. 267 268 Attention jeunes gens, …soyez moins bavards, mesurez bien vos paroles, réflechissez à ce que vous dites. Autre recommandation : Sanera n’aime ni la médisance, ni la calomnie : tâchez donc d’être modestes !… 268 269 ZATOVO MALAIN-KANAMBALY Teo ty Zatovo malain-kanambaly. I Zatovo o anake raike naho, le tambetambezeñe avao hanambaly. Sehanka ty ana’e tsy misy hafa. Le nangalan-drene’e ampela boake avaratse roe vave. - “Ingo mboako ty vali’o”, hoe ty rene’e -“Hejeko o raike o, hoa re, fa kedekede ty maso’e, tsy mahatrea ty laletse ama ty haneko. Hejeko ka o raike o, fa kedekede ty taña’e, tea haron-korobo”. Le nimeañe añombe roe am’izao iareo haneseañe aze. Le nandeha am’izao. “A vaho hanao akore avao ihe o mboako, hoe ty rene’e, ie tsy hanmbaly o? Izay anio mboako ty fombantikañe, ie ihe avao ro hanjary vazaha tsy hanambaly o?” Le nandeha indraike re nangalake ampela telo vave boake atimo. - “Ingo ka mboako ty vali’o.” - “Hejeko, hoa re, o raike o fa kele tomitse, tea lia-lefa. Hejeko o raike o fa betomboke, tsy evaen-tori-hana. Hejeko ka o raike o fa gadon-doha, tsy mañore iondana.” Le añombe telo ka ty nenteñe nanese iareo. Le natao’e hozao aby i zoron-tane valo y. Ie re niavy ty boake atiñana, le nandeha am’iareo ze anakajaja zay. Le nampihereñeñe am’izao ajaja y. - “Mihereña rehe kisy fa hahoa’e v’ihe o.” - “Eñhe eñ, tsy ajali’areo raho ndre t’ie heje’e fa tsy mandeha ama te ho tea’e raho.” - “A mandeha a’re koahe ho mpitintiñe o hana o, fa tsy vaho ihe ro ho tea’e, izahay ho heje’e.” Ie re niavy ao, le i ajaja y ty nitea’e. Le tsy nisy nitea’e am’izao ampela bey rey fa I anakajaja y avao ty nitea’e. Le nionine am’izao aby i ampela rey. “Hejeko o raike o fa be maso, tsy mahay kiromadotse. Hejeko o raike o fa be soñe, tsy mañore tsikelo. Hejeko o raike o fa be 269 270 oroñe tsy mañore kitoke.” “Io ry gea ty asy ty ondaty. I tikañe nihamiñe le niheje’e, fa i anakajaja mitafitratra y ty nitea’e.” Le atao hozao am’izao ty toka aze: - “Manambalia manambalia rehe Ratsimamangafalahy e e” - “Aia hoe vao Valalanampanga o ampela ho valieko o?” - “Manao akore vao nokotainao o ampela ahandrefañe ey o naho valienao e e?” Le nengae’e am’izao i ajaja y. Ie zao. Tsy taliliko fa talily ty taolo. Andronono Marie Jeanne. Février 2005. 270 271 LA SAGESSE DE L’OGRESSE (Conte Tsimihety) La famille des ogres n’a jamais eu bonne réputation. C’est là ce que pense l’homme. La vérité, pourtant, est quelquefois tout autre. Zatovo était un jeune homme très beau : chevelure bien bouclée ; les yeux assez grands ; le nez bien placé, légèrement aquilin ; les dents petites, blanches, au complet ; l’allure très distinguée. Zatovo avait vingt ans, il voulait se marier mais il était bien hésitant. Un jour qu’il chassait des sangliers (1), il se trouva par hasard à côté d’un parc à boeufs. Une jeune fille trayait une vache (2). C’était la petite Mizamiza, renommée dès sa naissance, dont on parlait dans tous les environs et que plusieurs jeunes gens désiraient fort connaître ; mais, jusqu’alors, c’était un personnage irréel, sorti des contes de fée, que personne n’avait encore effectivement vu. Zatovo a aperçu Mizamiza et Mizamiza a vu zatovo. Deux beautés, deux coeurs. Zatovo s’éprit de Mizamiza et Mizamiza s’éprit de Zatovo. L’ogresse, mère de la jeune fille, était sortie de grand matin, selon ses habitudes pour chercher du miel. - Jeune homme, où vas-tu ? demande Mizamiza. - C’est pour t’aimer que je suis ici, répondit Zatovo. - Mais ma mère te tuera, ajouta la fille. - Je mourrai, mais du moins je t’aurai vu, répliqua Zatovo. - Fuis ou tu mourras. - Non, plutôt mourir que de te quitter. - J’ai pitié de toi. Si tu m’aimes vraiment, jeune homme, promets que tu m’aimeras pour toujours. - Je te le promets. - S’il en est ainsi, fuiyons, car ma mère est méchant. Elle te tuera. Zatovo et Mizamiza ont fui. Ils ont marché, marché, marché. Rien ne les arrête. Pendant ce temps, la mère ogresse rentre au logis qu’elle trouve vide. Les boeufs ne sont plus gardés et Mizamiza est absente. Bientôt, 271 272 elle sent l’odeur de l’homme : « Mizamiza est enlevée », s’écrie-t-elle et sans chercher d’autres indices, elle se met aux trousses des fuyards…Elle courut, elle courut…et les deux jeunes gens fuyaient toujours… L’ogresse rattrapa les amoureux. Elle saisit Mizamiza par sa chevelure et zatovo par l’épaule… - Que faites-vous ? demanda-t-elle. - J’aime ce garçon, répondit Mizamiza. - J’aime votre fille, soupira Zatovo. - Nous fuyons de peur que vous ne nous sépariez, bégayèrent ensemble les deux enfants… - Je vous plains, Zatovo. Si tu aimes vraiment, va trouver les parents de celle que tu aimes et demande- leur sa main. Les filles sont créées pour devenir épouses. Si j’ai tué les jeunes gens qui sont venus chez moi, c’est parce que je savais ce qu’ils cachaient dans leur coeur fourbe. Quand à toi, tu as l’âme sincère, je ne t’aurais pas fait de mal. Et toi, ma fille, tu n’as qu’un tort, c’est de n’avoir pas déclaré l’éveil de ton coeur à ta mère : je t’aurais laiss é faire ton choix…Mais n’allongeons pas les discussions. Vous vous aimez vraiment ? -Oui. - Alors mariez-vous, je vous bénis. L’ogresse a raison. Rabearison, 1994, Contes et Légendes de Madagascar, TPFLM. 1) Un jour qu’il chassait des sangliers : En général, cette chasse se fait loin des villages. Une jeune fille trayait une vache : Il n’est pas dans les habitudes des femmes 2) Tsimihety de traire les vaches. Mais c’est curieux qu’on en parle beaucoup dans les contes. 272 273 SENTON’I IKALAMOMBA Katsaka niteraka an-tehezana Rakalamomba, voky nibaby ny tsy naloaky ny kibo, fola-damosina amin-janak’olona; torovana amin’ny an’ny sasany, miongo-bolo amin’ny tsy an’ny tena, misambo-balala ho an-janak’olona, manabe takolaka ny an’ny sasany? Mpanefy tokan-tena Ka sady mifofotra no mively vy; Vavan-dambo Ka sady mitrongy no mihinana; omby mahia tsy lelafin’ny namany, olon’ory tsy havan’ny manana!… hazo tokana an-kadilanana ka tsenain-drivotra irery ary hanao fatim-balala, ka ho faty nianik’ahitra irery ary ho faty mangina toy ny otrikafo. (Fitenin-drazana), in Ny Reniko, ny teniko, UPEM, Antananarivo, 1995, p62. 273 274 AKORY NO HITOMBAN-DAHY?56 Izato ianao sombinaiko Famelona ho fanondratondraka Fiahy sy natao ho fanahy… Ka akory no tia vikina avo, Nahoana no tia tolotolotra? Tsy alefitra,tsy ahafihafy… Izato ianao ho’aho rahavako: Fitandro sy fanajanaja Ka akory no be fisaiky, Nahoana no be fijoro Tsy azon’ny tsy anoarana?… Setriny: Indrisy Ralalan’ny fo!… Tsy nisy mpiahy fony kely ho’aho: Nitandro ny ampitsoko ho lava; Kamboty velon-dray, Ka zatra nihary tsy fidiny… Indrisy Ratian’ny fanahy!… Kely nizaka ny mafy ho’aho: Dindonin’ny faitry ny lasa; Antaonany niari-pery, 56 Une des formes du poème traditionnel malgache qui est le Hainteny généralement d’appel et de réponse. 274 275 Ka folaky ny fanompotompoana Ianao re no misikina, Ianao no aza mety ho vasa! Fa n’inona holatry ny lasa, Akory, aho, no hitomban-dahy? Voary 57 57 RASOLOARIVONY, Théis Faraniaina, dit Voary, 1994, Sandra-kalo Poèmes, Edition du Centre Culturel Albert Camus, Antananarivo, pp.40-41. 275 276 PROVERBES 1. Bibilava fahaenina nitera-pahafito, ka manatombo refy noho ny reniny. 2. Ohatra ny momba: tsy misy manao azy reny. 3. Toy ny ray aman-dreny, ny iray niteraka, ny iray niampofo. 4. Toy ny iray tam-po samy hafa ray, ka samy manana ny azy. 5. Janga reny ka kamboty anaka. 6. Mitomany an-dreniny, te hinono, mitomany an-drainy, te hobabena. 7. Aza mamono reny toa vary ratsy. 8. Raha miara-mitoetra ny vantony sy ny reniny, raha taitra, dia ny vantony ihany no mitsambikina. 9. Sitrapon-dRalakamisy no nanambadiany Ambaniandro. 10.Basin’angalisy, ka ny feon-dreniny ihany no feon-janany. 11.Toy ny reny hao, ka ny vavy indray no malaza. 12.Tsara tarehy petak’orona, voatondro iray no tsininy 13.Omby indray mandry tsy indray mifoha. 14.Izay mitambatra vato, izay misaraka fasika. 15.Toy ny mason’ny mpandrary: mijery ny an-kazony, mandinika ny andalan-drambony. 16.Rafotsibe naka rafy, ka naka loza ho an’ny tenany. 17.Vorondolo nitera-boromanga. 276 277 LE STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME • EGALITE DES DROITS ET RESPONSABILITES DES PARENTS POUR TOUTES LES QUESTIONS SE RAPPORTANT A L’ ENFANT COMMUN ( art.64 /Ord.62.089 ) • LES REGLES REGISSANTS LE DIVORCE PLACENT L’HOMME ET LA FEMME SOUS UN REGIME D’ EGALITE LA FEMME NE PEUT ETRE REPUDIEE (art. 66 à 107 de l’Ord. 62.089) A LA DISSOLUTION DE LA COMMUNAUTE CONJUGALE : • LES EPOUX PLACES SOUS LE REGIME LEGAL SE PARTAGENT PAR MOITIE LE RELIQUAT DE LA MASSE ACTIVE DES BIENS COMMUNS( art. 40 nouveau de la loi 67 030 du 18 Décembre 1967 modifiée par la loi 90 014 du 20.07.90 ) • DROITS POUR LA FEMME DE QUITTER TEMPORAIREMENT LE DOMICILE CONJUGAL POUR DES MOTIFS GRAVES : DROIT AU « MISINTAKA » (art. 55 de l’Ord 62 089) • CHACUN DES EPOUX PEUT ETRE CONTRAINT EN JUSTICE À CONTRIBUER AUX CHARGES DU MENAGE (art 60 de l’Ord 62 085) : • LE MARIAGE NE PORTE PAS ATTEINTE A LA CAPACITE JURIDIQUE DES EPOUX ( art. 56 de l’Ord 62.089 du 1 Octobre 1962 , modifiée par la loi 90.013 du 20 Juillet 1990 et par la loi n°98.023 du 25 Janvier 1999 ) • L’HOMME ET LA FEMME SONT SOUMIS AUX MEMES OBLIGATIONS RESULTANT DU MARIAGE. (Obligation de 277 278 cohabitation, de fidélité, de secours, d’assistance : art. 52 de l’Ord 62.089) • LE MARI EST CHEF DE FAMILLE (art 53 de l’Ord. 62.089), MET LA FEMME AU CONCOURS, A LA DIRECTION MORALE ET MATERIELLE DE LA FAMILLE ( art 53 .al.3 ) • LES EPOUX FIXENT D’UN COMMUN ACCORD LA RESIDENCE COMMUNE (art. 54 nouveaux de l’Ord. 62.089) • DROIT LEGAL DE L’HOMME ET DE LA FEMME AUX PENSIONS DE VEUVAGE (décret n°89 094 du 12-06-89) • CODE DE LA NATIONALITE : la transmission de la nationalité est différente, pour l’enfant métis né dans le mariage , selon que c’est son père ou sa mère qui est étranger ; LA FEMME MALGACHE QUI A EPOUSE UN ETRANGER NE PEUT TRANSMETTRE SA NATIONALITE A SES ENFANTS QU’APRES EN AVOIR FAIT LA DEMANDE ( Ord. N° 60.064 du 22 Juillet 1960 portant code de la nationalité) La transmission de la nationalité par la mère devrait être également automatique. • LE DROIT DU TRAVAIL ; a) CONGE DE MATERNITE : b) ALLOCATIONS PRE ET POSTNATALES : (Ord. 62-078 du 29 sept. 1962, art. 141-156) • LA FEMME MALGACHE QUI A EPOUSE UN ETRANGER NE PEUT TRANSMETTRE SA NATIONALITE A SES ENFANTS 278 279 QU’APRES EN AVOIR FAIT LA DEMANDE (Ord. N° 60.064 du 22 Juillet 1960 portant code de la nationalité) • LOI DE 1920 REPRIMANT LA PROPAGANDE ANTICONCEPTIONNELLE 279 280 RECUEILS DE TEXTES RELATIFS A LA VALORISATION DU STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME Le préambule de la Constitution du 18 Septembre 1992 fait sienne la Charte Internationale des Droits de l’Homme, comprenant la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes, ratifiée par l’Assemblée Nationale Populaire le 19 Septembre 1988. Par cet acte, Madagascar reconnaît que les droits fondamentaux des femmes sont des droits inaliénables, dont la pleine jouissance contribue au développement rapide de leur pays. La condition de la femme est actuellement et de plus en plus un thème d’investigation et de réflexion tant sur le plan international, que national et régional. Il est vrai qu’à l’orée du 21ème siècle, la levée de toutes les formes de discrimination à son égard et l’application effective de ses droits sont des conditions sine qua non pour lui assurer de manière effective et durable, une réelle promotion et garantir sa participation équitable dans la conduite des enjeux du développement de la région. Ainsi, les femmes cherchent à : - Renforcer l’information sur ce point auprès des administrations concernées. Exemple : la délivrance de passeport et la sortie d’un enfant mineur du territoire sont encore soumises à l’autorisation du père. C’est pourtant l’autorisation des deux parents qui devrait être exigée. L’intérêt des participants s’est porté longuement sur le mariage coutumier, qui concerne la grande majorité de la population, le mariage civil ne concernant que 1/3 environ des couples mariés. De cette réflexion sont issues les deux recommandations suivantes : - Mener des actions d’information de façon à faire appliquer effectivement les dispositions du mariage légal au mariage coutumier : 280 281 - Vulgariser les dispositions légales relatives au mariage coutumier, de façon à favoriser sa fonction de défense des intérêts de l’épouse. Des propositions de loi plus précises devront être mises à l’étude sur le mariage coutumier. - Faire connaître l’existence d’un cahier de doléances au niveau de chaque tribunal, où les plaignant(e) s peuvent exposer leurs problèmes par rapport à l’état d’avancement de leur dossier. - Une circulaire du Ministère de la Justice serait nécessaire, pour fixer les barèmes concernant les montants des pensions alimentaires. Pour les fonctionnaires, supprimer l’impôt perçu sur la pension alimentaire, car celui-ci est actuellement doublement imposé (une retenue est déjà effectuée à la source) - Vulgariser les dispositions légales relatives à l’abandon de famille (peines d’emprisonnement prévues en cas de récidive dans le refus de payer la pension alimentaire). - Réactualiser les montants de l’amende prévus par la loi (actuellement de 5 000 à 200 000 F) de façon à rendre l’amende plus dissuasive. - Introduire dans la législation la possibilité de divorcer par consentement mutuel, et ce dans l’intérêt supérieur des enfants. - Soutien à apporter au projet de loi soumis à l’Assemblée Nationale par Elyette Ramanandraibe, concernant le rang du/de le conjoint(e) dans l’ordre de succession ( le/la faire passer du 8è au 3è rang ) - Faire connaître au grand public la possibilité de léguer ses biens à son/sa conjoint(e) par testament. - Faire connaître au grand public les dispositions légales concernant l’égalité des droits des fils et des filles en matière de succession. - Faire connaître ces dispositions non seulement au grand public, mais également aux agents des administrations, publiques et privées. En effet, ceux -ci persistent à exiger, par exemple l’autorisation du mari, pour la femme qui veut ouvrir un commerce. Ces dispositions semblent aujourd’hui dépassées, en ce qu’elles ne reconnaissent pas explicitement l’existence des 27% de femmes chefs 281 282 de ménage recensées au niveau national et les rôles multiples qu’elles assument. Faire connaître la loi, en insistant sur le contenu de l’aliéna 3. Le message pourrait être formulé : « Manan-jo ny vehivavy handray anjara amin’ny fitantanana ny vola sy ny fananana ao an-tokatrano ». Recommandation pratique : la mère célibataire est chef de famille de facto, elle doit l’être aussi de jure. De même que le livret de famille est remis aux époux lors du mariage civil, de même les mères célibataires, à la déclaration de naissance de son premier enfant, doit se voir remettre un livret de famille. Un projet de loi est en préparation depuis 1960 sur la tutelle : projet à relancer, de façon à mettre fin aux situations absurdes engendrées par la tutelle automatique du père. Exemple 1 : La veuve doit obtenir du tribunal une ordonnance de tutelle pour pouvoir faire valoir le droit de ses enfants à la pension d’orphelins. Exemple 2 : Même si c’est la mère qui ouvre un compte à la caisse d’épargne pour son enfant mineur, et qui l’alimente, seul son père, étant le tuteur, peut effectuer des retraits sur ce compte. Il convient de se rappeler à tous les organismes employeurs, en particulier les ministères , que les époux ne sauraient être affectés à des endroits éloignés l’un de l’autre , et qu’ils sont à égalité devant la loi, l’affectation de l’époux ne déterminant pas forcément celle de l’épouse . L’application effective du droit de la femme aux pensions de veuvage (qui date quand même de plus de dix ans ) reste à exiger ; dans la pratique en effet , la veuve continue à ne percevoir que la moitié de la pension de son mari défunt , sous prétexte que ce n’est pas elle qui a travaillé. L’allocation de veuvage devrait par ailleurs être payée immédiatement après le décès de l’un des époux, et le secours correspondant à trois mois de salaire, déjà en vigueur chez les fonctionnaires, institué pour les employés du secteur privé. 282 283 CODE DE NATIONALITE La transmission de la nationalité est différente, pour l’enfant métis né dans le mariage, selon que c’est son père ou sa mère qui est étranger ; La transmission de la nationalité par la mère devrait être également automatique. LES DECLARATIONS DE NAISSANCE : En faire connaître au grand public les avantages Diffuser la disposition légale selon laquelle n’importe qui, du moins pas nécessairement un médecin ou sage-femme, peut faire déclarations de naissance. Porter le délai légal de 12 à 20 jours après la naissance, avec possibilité, dans les zones reculées, pour le président du fokontany de procéder à des déclarations collectives auprès de la commune. Généraliser les opérations « jugement supplétif », avec imprimés prêts à remplir et audiences foraines. EDUCATION OBLIGATOIRE Instituer « dina » au niveau des communes pour sanctionner les parents qui retireraient leurs enfants de l’école avant l’âge de 15 ans (scolarisation obligatoire de 6 à 15 ans). CONGE DE MATERNITE A uniformiser dans les secteurs public et privé (6 semaines, plus de 3 mois après l’accouchement, sauf en cas de complications). Pour les employés du secteur privé, un réajustement du simple au double est exigé. Des allocations seraient intégralement prises en charge par le CNaPS. 283 284 Une loi sur le harcèlement sexuel et le viol est actuellement en préparation au Ministère de la Justice. Les participantes à l’atelier régional préconisent un alourdissement significatif des peines en matière de viol. FEMMES EN INFRACTION Instituer le principe d’amnisties régulières le 8 Mars de chaque année à accorder à des détenues, sous certaines conditions. Abolir le mandat de dépôt pour les femmes enceintes, sauf, exceptionnellement, en cas de crime flagrant. Instituer la possibilité pour les femmes enceintes de servir des peines de substitution. VIOLENCE CONTRE LES FEMMES Femmes battues, y compris violence domestique : Instituer le principe selon lequel le fait pour un homme de battre une femme est automatiquement circonstance aggravante. Les traitements cruels et la torture, exercés par un agent de l’administration ou par toute autre personne ayant autorité sur une femme ou une fillette, doivent être considérés comme un crime, et non plus comme un simple délit. Ratifier la Convention Internationale sur les traitements cruels, inhumains et dégradants. 284 285 AMBOHIBEHIVAVY Fizarana fahatelo Fisehoana voalohany 58 (…) Rasoa: - Averiko Foloalimbavy! indray: Arivovavy tsy “Miaramila maty isika indray ireto! halina! Mpitolona! Mianefitra ka mpirahavavy mifampahatoky na inon-kidona, na inon-kiantra! Aleo ho avy zay ho avy! fa ataoko manavy!... - (mifandimby miteny, arahina horakoraka): -Izahay mahavita! Ny volonay ngita! Tsy maintsy tafita! Veloma Ibalita! (mihamafy hatrany ny horakoraka sy ny hinjakinjaka, arahina kiakiaka…) Ambohibehivavy! tsy mivazivazy!... 58 RAKOTONANDRASANA , L. de G., Ambohibehivavy, Antananarivo, p. 35. 285 286 Fizarana fahatelo Fisehoana Faha Valo 59 (...) Vehivavy iray hafa. - Hevi-behivavy anefa izany rehetra izany, aoka kely, aoka kely! Hevi-dravina! Vitan’ny lela miakatra sy feo mikarantsana fotsiny eto. Volana an-tenda: tsy re ako, tsy re migoboka. Kabarin’ny kely feo re e, ka na mitrena sy miantso avo aza, tsy mahataitra tsy mahataka-davitra. Aoka kely, hoy aho!... Vehivavy iray. - Izay indrindra manko, izay indrindra!...Manaratsy tena toa omby hantsika isika indraindray. Totofana fotsiny tsy hiseho masoandro ny hevi-baovao tokony hivoarana, tsy asiana hasiny kely akory. Tsy manitra tsy mamerovero satria hevi-behivavy. Maivana, misavoana tsy misy dikany satria hevi-behivavy, mova tsy rano andamosin’ny kanakana, sira iray tanana arotsaka anaty ony. Kabarin’ny kely feo marina tokoa angaha, ka tsy misy akony am-potosofin’ny mpahalala, na dia dradradradraina aza! Vehivavy roa maika dia maika. -Ka ahoana e? Ahoana tokoa lahy? adihevitra tsy misy fiafarany inty izy! Na hilefitra isika ireto ka hanome vahana an-dry zareo. Na handroso ho mpandresy na hisy fatiolona aza eto Ahoana? (…) 59 Op. cit. p.53. 286 287 Fizarana fahatelo Fisehoana Fahasivy 60 (…) Vehivavy iray: - Marina ve izany, sa tsy marina e? Sao mamazivazy anay eto fotsiny : mampandry adrisa amin’izay tsy ifanarahana !… Ratalata: - Heee ! Marina re, tompoko ô ! Randriambavilanitr’ô !, marina re ! Haihaihaihay ! aoka re … Ka na talata na alarobia, na alakamisy, na zoma, na asabotsy,… na andro inona na andro inona : tsy maintsy ezahina ny fanajana ny zonareo vehivavy, loharanon-taranaka … Na lohataona, na ririnina, na fahavaratra tsy maintsy ezahina e !… Ary ! heeee !… ho porofon’izany, ao, heeee ! misy taratasy nentiko avy any … Vehivavy : - Avy any amin’ny Foibe? Ratalata: - Ee, avy any. Zahao anaty sakaosiko ao ! (misy mizaha ka mahita ilay taratasy…) Vehivavy iray: - Izahay ireto angaha misy mahay taratasy akory, ka hoe afaka hamantatra izay voarakitr’iny ! Sa misy mahay ianareo ireo, na dia kely ihany aza? Samy mandà ny rehetra: - …Noho ny tsy fampitoviana zo aminareo lehilahy e ! Rehefa mahay manoratra ny anaran’ny tena sy manao sonia, dia “ouste”, tsy avela hanohy ny fianarana intsony. Ny hay aza, hadino ! - He ! voan’ny “angatra” e ! (tiany ho lazaina : “voan’ny fiangàrana”) -(misy mibitsibitsika manoro azy ny marina). Eny e, voan’ny fiangàrana. Na samy zanaky dada sy neny izao aza : ny lahy avela hanohy fianarana, ny vavy najanona, voailikilika, he ! Ratalata: - Misy mahay mamaky teny sy manoratra izany amin-drizareo ireto? (mantsy ireo Lehilahy mifatotra) - Asehoy azy ho vakiny ! - Mba vahao kosa ny fatorany e ! 60 Op. cit. p.57. 287 288 (manala fatotra ny lehilahy iray, mampitsangana azy ary manome taratasy…) Lehilahy iray afa-patorana, mamaky mafy.Ramatoa isany eto Ambihibehivavy ô ! Atsaharo amin’izay re, Tompokovavy, ny famolahanareo ny lehilahy eto Amoronala sy ny manodidina e. Mifona re, mivalo ho azy ireo izahay manao sonia eto ambany. Toky no homenay anareo, fa hanova tanteraka ny fomba sy ny toetra ratsy nitondràny anareo izy ireo. Tsy hanaraka be fahatany ny nentindrazana efa konka sy ilaozan’ny toetrandro,… mandroso amin’ny erantany. Hanaja anareo tanteraka izy ireo. Ho tia anareo marimarina, tsy ho tahak’izay taloha izay intsony ! Ho porofon’izany, samy manome ny anarany, ny fonenany ary ny soniany avy ny tsirairay aminay, miray feo ary miantoka ny maro hafa. Manome toky koa fa hitarika araka izay tratry ny herinay ireo tsy tonga saina mba hanatrarana izany toa tanjona izany eo amin’ny fiarahamonina sy ny Tanindrazana. Eny, hampanana zo aman-kasina anareo anatrehan’ny velona, noho maha “Vehivavy” loharanon-Taranaka anareo. Atsaharo re, tompoko ! - Miangàvy izahay./. (…) 288 289 KABARY 8 MARSA ANDRO IRAISAM-PIRENENA HO AN’NY VEHIVAVY Teny faneva : Ny vehivavy tompon’antoka feno amin’ny fandraisana andraikitra ho fampandrosoana ny faritra. Voalohany indrindra dia faly miarahaba antsika rehetra tratran’izao 8 Marsa izao, izay fotoana sarobidy loatra ho antsika vehivavy, satria andro iraisam-pirenena ho antsika. Koa natokana ity andro ity mba hitodihana tanteraka amintsika, hijerena akaiky ny momba antsika, hitarafana ny ezaka ataontsika, ary izany dia aoka ho raisintsika ho fampaherezana koa eo amin’ny tolona isan’andro atrehintsika. Koa dia isaorana manokana eto ny tompon’andraikitra mahefa eto Madagasikara raha mba isan’ny mankalaza izany koa ny eto an-tanindrazana. Ndeha ary hotomorintsika akaiky io faneva io izay ahofahofa mandritra ity fankalazana ny andron’ny 8 Marsa ity. FIVOARANA TEO AMIN’NY FIHEVERANA NY VEHIVAVY • Fiheverana ny vehivavy teo aloha: Tarafina eo amin’ny teny entina iantsoana azy ny fiheveran’ny fiarahamonina ny vehivavy. Ny malaza indrindra dia ny hoe: Fanaka malemy Fanaka : zavatra, toy ny tsy manana aina (seza, latabatra...) machine fakana taranaka, tsy manan-kevitra, natao hanompo, mirefarefa amin’ny tany tokoa ny fiheverana azy. Malemy : entina anamafisana ny tsy fiheverana azy : tsy manan-kery hanohitra, azo anamparam-pahefana, resy an’ady, tsy mahazo miteny. Nokilasiana hitovy amin’ny zaza : nokapohina raha vao mampiaka-peo na mba miana-kendry. Tena olona tsy ilain’ny fiaraha-monina tokoa. Ka araka ity ohabolana malagasy ity hoe : « naniry zaza ka tera-dahy », zany hoe ny hanan-janaka lahy no tena iriana, fa ny vavy tsy dia heverina loatra. Koa tsy ilaina ve raha izany ny fisian’ny vehivavy eto an-tany? Moa ve dia izany marina? 289 290 • Ny fiheverana azy ankehitriny : Noho ny toe-draharaha ara-politika sy ara-ekonomika, vokatry ny ady lehibe, dia nisy rivotra nitsoka avy any ivelany ka tonga hatraty Madagasikara : tsy maintsy nandray andraikitra ny vehivavy. Teo am-pandraisana izany andraikitra izany no nahatsapany na tsy rariny rehetra nihatra taminy, dia ny nanosihosena ny zony. Heverina ho toy ny sambo iray ny tokantrano iray : tsy maintsy mandray fivoy ny vehivavy mba hahatody izany sambo izany. Ny olona mivoy anefa dia tsy maintsy olona afaka amin’ny fanagejana rehetra. Afaka, libre, na ny sainy na ny tanany. Vokany: tsy rendrika ny sambo, tafita ilay sambo. Hamafisin’ireto teny entina ilazana ny vehivavy ireto izany: - avy ao amin’ny Baiboly: Eva = aina. - mpanampy sahaza: tsy mahavita irery ny lehilahy, mila mpanampy izy ary mpanampy sahaza azy (antonona azy), afaka mifameno aminy. - taolan-tehezana: taolana no nentina namoronana azy. Mazava ho azy fa tsy malemy izy fa manana ny tanjaka ilaina ho enti-miatrika ny fiainana (mitaiza, miatrika problème maro, fiterahana). - fañary ny vehivavy : ny lakan’ny Vezo no misy fañary mba hiarovana azy tsy hivadika. Fañary tokoa ny vehivavy ao an-tokantrano ao. Mandrindra ny fiarahamonina, miantoka ny équilibre, elanelam-panahy : vehivavy mpisolovava na mpanelanelana amin’ny zanaka samy zanaka, na ray sy zanaka ; ny vehivavy no mpampianatra voalohany : mampianatra miteny, mampianatra ireo karazan-toetra alain-tahaka.... ; vehivavy dokotera : mahatsikaritra voalohany raha vao misy ny tsy salama ao an-tokantrano, mpikarakara ; vehivavy mpanolo-tsaina ny zanaka sy ny vady ; vehivavy mpampitony raha vao misy misamboaravoara dia mamonjy mamono ny afo malaky. Vokany : mirindra ny fiaraha-monina ao an-tokantrano ao. - fiandra ny vehivavy: hita taratra ety ivelany izany toe-tsaina sy toe-po feno fitiavana ananany izany. Hany ka na inona na inona andraikitra tazoniny, dia vitany an-tsakany sy an-davany. Mirehareha ny vadiny manana azy ka miteny hoe: “vadiko iny”; mibitaka ny zanany manondro azy ka mirehaka hoe: “reniko iny”; faly ireo anadahiny mitsinjo azy ka loa-bava hoe: “anabaviko iny”. Mampiandra ny ankohonany, mampandroso ny fireneny sy ny fiaraha-monina. Koa mifalia, matokia, 290 291 mandrosoa, aza matahotra, raiso ny fivoy, ampitomboy ny fahaiza-manao. Mahery ianao, matanjaka isika ara-tsaina sy ara-po. Ny fahalemena ara-batana? Io indrindra no herinao satria hoy ny Soratra Masina: “ny heriko dia tanterahina amin’ny fahalemena. Raha hainao ny mitantana io fahalemenao io dia ho lasa hery lehibe ho anao izany : malemy paika, miteny mora raha mananatra, miteny malefaka raha miady hevitra, miteny feno fitiavana raha manatontosa ny asa antom-pivelomana ety ivelany. Nefa indro kely, takela-by fanairana : Satana dia fahavalontsika hatrizay ka hatrizao. Tsy tiany ny tokantrano hilamina, ny fiaraha-monina hirindra ary ny firenena handroso. Noho izany, maro ireo vehivavy voafitaka ka indro fa mihady lavaka handevenana ny taranany, ary mandray marteau hamotehana ny tokantranony. Ambaran’ireto voambolana manaraka ireto izany : - “akohovavy maneno”: be resaka ary mampiasa hafetsena mamoafady hanindriana ny vadiny; - “janga reny ka botry anaka” : vehivavy jejo na janga, tsy mihevitra ny amin’ny fidiram-bola fa ny haingo no mahazo laka; - “tsy refesi-mandidy”, hadino tanteraka ilay andraikitra maha-vady, mahareny, ka indro mamarotra ny zanany mba hahitana vola. Potika ny tokantrano, kizo fara, mihemotra ny firenena. Tsy ilay vehivavy miantoka ny fampandrosoana ny firenena intsony! Baranahiny sy goragora ny fikarakarana ao an-tokantrano ao. Indro fa hilentika ilay sambo. Ry vehivavy malala, mijanona kely, mieritrereta, misaintsaina! Fehiny: aoka ho fanaka miaina, sarobidy, manome endrika ny tokantrano. Aoka ho climatiseur hanome hatsiatsiaka raha midofaka ny tsy ahafaha-miaina ny rivotry ny fahasahiranana, hanome hafanana kosa raha mamanala sy mahangoly ny rivotry ny fankahalana sy ny ady. Amin’izay dia mahate-hody ny tokantranontsika raha lavitra azy, mahate-honina ny akanintsika raha ao anatiny. Mme RAMAHA Noeline, Mpampianatra, EF II, Betania Filohan’ny Fikambanam-behivavy Loterana, Fileovan Betania. 291 292 GLOSSAIRE Aferan-dehilahy, affaires d’ hommes Agn’ate, entrailles Akatra, le fait de monter Akoho taman-trano, poule domestiquée, femme au foyer Akohovavy maneno, femme bavarde qui s’exprime avant les hommes Aky, tu, toi Alahamaly, nom de mois Alahasade, nom de mois Alakaosy, nom de mois Alika maty, espèce de chien abattu Amany, urine Amato, maîtresse, deuxième bureau Amboarane, nom de personne Ampakarina, l’épouse Ampela gegy, tia aly, femme hystérique Ampela hamontsotane, femme d’une beauté incomparable, qui fait perdre la raison Ampela katraka, une fille facile Ampela mikeokeo, une femme qui bavarde Ampela soa , ampela fanjaka, jolie fille Ampelamananisa, femme à écailles Ampelam-batotsy, une femme qui n’est plus mariée et qui habite avec ses enfants ou seule Ampisafy, andriambavilanitra, femme respectée Anabavy, soeur Anaka ampela, fille Anambalian-kiteraha, littéralement on se marie pour avoir des enfants Anaram-binta, nom selon l’astrologie Anaram-bosotra, anaran-kizake, surnom Anara-takihotsy, surnom 292 293 Andriambavilanitra, littéralement : princesse du ciel Andriambavy, souveraine Andrin’ny tolom-piavotana, pilier de la révolution Angaha, est-ce cela ? Anganom-bavy antitra, conte récité par une vieille femme Anjely, sarin’anjely, une ange An-tanà, au village Anti-bavy ratsy fanahy, vieille salope Antitra am-pitsanganana, lany zara, vieille fille Antitse am-pijoroa, antitse am-pitovoa, vieille fille Ao gea mba vitao asako oo, s’il te plaît, termine mon travail Aoly, tisane médicinale Apongalahy, un tambour Ara-tsaina, miasaina, rationnel, raisonnable Asaoro, nom de mois Avisoa, bienvenue Aza manao akohovavy maneno, ne fait pas la poule qui chante Babanimaro, nom de personne Bakobako, mignonne Baraka, voile, honte Basin’angalisy, ka ny feon-dreniny ihany no feon-janany, littéralement comme le fusil anglais, le bruit de la fille ressemble à celui de sa mère Basin’ariary fito, ts’isy mpanontany, qui coûte peu Be feo, voix grave Be resaky gn’ampela, des femmes qui bavardent Be zesta, be pôzy, be angeso, une mijaurée, une pimbèche Bele be toko, qui ne coûte pas cher Betsiteraky, qui ne peut pas avoir d’enfants (vache, chèvre) Bikina kay ity !, tu t’es fait engrosser Bôbon vorona, ampela katraka, fille facile Boky mena, livre rouge Bory volo, littéralement : cheveux coupés court Daba loaka, une dévergondée 293 294 Deziemo, toroaziemo biro, deuxième, troisième bureau, maîtresse Dokotera mpitsabo, médecin traitant Efalendraza, nom de personne Enteo, regardez Ezoentsoa, Esoavoatse, nom de personne Fa malazo, flétrie, fanée Fahandroa sakafo, la cuisson du repas Fahanginany, son silence Famorana, savatra, circoncision Fampakaram-bady, les noces Fampirafesana, polygamie Fampitahana, le fait de se montrer Fanabeazana aizana, espacement de naissance Fanandroana, divination Fandeferany, sa modestie Fandrindram-piterahana, planification familiale Fanisanandro, calendrier Fanjakana, Etat Fanjakan-dehilahy, pouvoir des hommes Fanjava, lune Fantatrao, savez-vous ? Fara hehy, un éclat de rire Faralahy, le dernier Farambony, nom de personne Faravavy, la dernière Feno tsiky sy hehy : souriante Fiasigne, lorsqu’on parle des différentes parties du corps Fihegnaragne, vulve Fikarakarà aja, soins des enfants Filahiagne, sexe masculin Filahiana, sexe mâle Filoha, Chef Firaka atakalo, monaie d’échange 294 295 Firavaka, bijoux Fitantaragne angano, le fait de raconter des histoires Fitombenana, fesse Fivaviana, sexe femelle Fizokiana, le plus âgé Fokonolona, la communauté Fola-damosina, qui a éduqué si bien qu’elle a le dos courbé Fototry ny fahotana, source du pécher Fotsim-barim-bahiny, une pute Fotsy antsy, lame sans manche, femme qui reste stérile Fotsy varavarana, femme qui aime sortir et passe son temps à jacasser Fozalahy natakalo fozavavy, une crabe mâle en échange à une femelle Gea, tu, toi Gisavavy, oie Hainao moa, connais-tu? Haingo sy ravaky ny tokantrano, parure et ornement du foyer Haky, ah bon ! Handrigne, front Haova, nom de personne Harena an-kibon’ny tany, richesse du sous-sol Hazomanga, le poteau sacré Hetra isan-dahy, littéralement impôt par tête d’homme Hila rano, chercher de l’eau Hitanao, voyez-vous ? Ho vehivavy sahy , une femme qui ose ( courageuse) Ialahy, toi Ianao, vous Ifaharoa, nom de personne Ifaravavy, nom de personne Iha, toi Ihe, toi Ikala kisoavavy, espèce de truie Ikala trotraka, la maudite, la malheureuse 295 296 Ikala, la fille Imanga, nom de personne Imavo,nom de personne Indry, tu, toi Ineny, maman Ingahibe masoandro, le vieux soleil Ingahy, monsieur Inivo, nom de personne Ise, tu, toi Iso-pandriana, littéralement : indemnité de lit Itena, toi Izafinikamia, nom de personne Jejo reny ka botry anaka, femme coureuse et de mauvaise vie ; c’est l’enfant qui est chétif Kabary, discours Kalalijaky, une coureuse Kelireny, tante Kely feo, voix aïgue Kene, toi Kirizy, crise Kisy, petite fille Kitay telo andalana, littéralement : trois paquets de fagot , le tiers Koahe, toi Kolo, bébé Kongoroty, enlaidie Lahiaivo, frère cadet Lahimatoa, frère aîné Lahim-panalahidy, une pène de serrure Lahin-jiro, une mèche Lahy antitra, vieil homme Lahy, masculin Lailahy manao feon’ampela, un homme qui a la voix d’une femme Laisa, nom de personne 296 297 Lalaina, nom de personne Lamba, un coupon de tissu que la femme malgache porte Lany tandrify, littéralement celle qui n’a pas eu ce qui lui revient Lany zara, littéralement celle qui n’a pas eu sa part Lehilahim-bohitra, « coq du village » Lehilahy mahay miresaka, homme qui sait parler, bon orateur Lehilahy mamarotra am-pitsanganana, littéralement un homme malin qui vous vend même debout Lehilahy miasa, homme qui travaille Lehilahy mikiviro, un homme qui porte des boucles d’oreilles Lehilahy tsara tarehy, beau garçon Lehilahy tsiriritim-behivavyeo an-tanàna, littéralement un homme désiré, envié par les femmes du village Lehilahy, rangahy, l’homme, le mari Letsy, toi Lie,toi Loha, ambone, tête Loharano nipoirana, source originelle Lokomena, rouge aux lèvres Lolo, la mort Lova tsy mifindra, littéralement : héritage qui ne change pas de main Ly, toi Madamo ramose, institutrice Madé, mademoiselle Mahalahy, ce qui fait mâle Mahatam-bava, un homme discret Mahavavy, ce qui fait femelle Mahavisoa, nom de personne Mahery fo, héroïne Mahery, dur Maivan-doha, écervelée Makiazy, maquillage Malala, chéri 297 298 Malama , lisses Malemy , mou Maman’i Tsito, maman de Tsito Mamantsy, la ferme ! Mamany, faire pipi Mamelona, nourrit Mametraka, répudier, déposer Mamokatra, fertile, productive Mampaka, faire monter Mampakatra, épouser, se marier Mampandova, faire hériter Mampirafy, qui pratique la polygamie Mampisotro, faire boire Manadihady, réfléchir Manahira, qui crée une difficulté Mananotena, veuve qui s’occupe de soi-même Manao ahoana ny fahasalaman’ny ankizy, comment va la santé de la femme et des enfants Manao fihetsi-dahy, hommasse Manao fihetsik’ampela, effeminé Manao kinahandro na tsikoninkonina, fait la dînette Manao kopy garçon, littéralement : qui a les cheveux courts comme ceux des garçons Manao lamoné, échanger des pièces de monaie Manao resake an-jorone, bavarder en aparté Manao resake tsy vitavita, qui parle trop Manao tamaboha na tsikitragno, joue la petite ménagère : Manday lefo, femme enceinte : Mandeha, marcher : Mandraikiraiky, ensorceleuse, qui fascine Manga, mainty le, ngalingaly, noire ou brune, pleine de beauté Mangery, faire caca Mangina azafady, tais-toi s’il te plaît 298 299 Mangina itena r’ity a, Tais-toi donc ! La ferme ! Mangina, tais-toi Manisy sira, traduction littérale : mettre du sel Manisy traka, traduction littérale : ajouter des brèdes ; mentir Manja-maso, fard Manondrotra, qualifier, Maram-bita, attirante: Mariaraozy, Marie Rose : Mariazy korôny, littéralement mariage à l’église portant une couronne : Marisika, actif : Maroanake, qui a beaucoup d’enfants Marovavy, qui a beaucoup de filles Masiaka be ronono, méchante mais généreuse Masina, masira, salé Maso, fagnente, yeux Masoko aky indry, tongotrao aky izaho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds Masoko ianao, tongotrao aho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds Masoko lie iha, tombokao lie raho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds Masoko rehe, tombo ?ao raho, Tu es mes yeux, je suis tes pieds Matavy vola, un bon parleur Mate raho aba, littéralement:je suis mort père Matoa ou taolanolo, aînée Maty ilay mpivaro-tena, la prostituée est morte Mavokasaoty, femme pleureuse des morts Mazava hoditra, le teint clair Mazavasoa, nom de personne Mba marina hoe, n’est-ce pas vrai? Mbiasa, le devin Miady hevitra, discuter Miantsa, chanter Mibaby maky, aux longs cheveux comme la queue d’un lémurien Mibanaike, chanter et danser Mibasivava, bavarde 299 300 Mibeko, chanter Mibontsina, qui gonfle ; en état de grossesse Mihamy, se parer Mijotso, mirorotra ,se rabaisser Mikakakaka, rire aux éclats Mikaramentsona, pérorer Miketsiketso, bavarde Mikiakiake, crier fort Mikizaka, ironie Milalao saribakoly, joue à la poupée Milam-bolo, cheveux enroulés Milamina, tsy tia romoromo, homme pacifique Mimizy, dire izy, imiter le parler merina Mirafy, rival Misa, nom de personne Misotro ny rano tsy tiana, qui a bu de l’eau qu’elle n’apprécie pas Mitabaky, mettre du maquillage Mitena akanjo, littéralement : qui ne porte pas de lamba Miteraka tsy manam-bady, littéralement : qui a accouché sans être mariée, mère célibataire Mitohake, rire aux éclats Mitomban-dahy, littéralement une femme qui se comporte comme un homme Mitrerona, gronder, rugir Mitsigna tse, tais-toi donc Mitsinjake, danser Mivatsavatsa, femme pipelette Momba, manan-taranaka, femme stérile Momba, qui ne peut pas avoir d’enfants (femme) Mosa, nom de personne Mpamatsy, pourvoyeur Mpamosavy antitra, vieille sorcière Mpamosavy, sorcière 300 301 Mpampakatra, l’époux Mpampianatra, instituteur(trice) Mpanampy, aide Mpanao kinanga, marchand ambulant Mpanao tera-bitro, akoho mpanatody lava , femme qui accouche chaque année Mpanasa lamba, lavandière Mpangataka, demandeur Mpiasavavy an-trano, bonne Mpikarakara tokantrano , femme de ménage Mpikarakara tokantrano, bonne, ménagère Mpirafy reny, mères rivales Mpisoro, le prêtre Mpitaiza zaza, bonne d’enfants Mpitan-kazomanga, le sacrificateur Mpitsabo mpanampy, infirmière Mpitsabo, mpanome aoly, guérisseur Mpitsara, juge Mpivarotena, prostituée, pute Mpivarotra, vendeuse Nahavototse, accouchée Nao kisy, ndeso bakao ndraiky finga ambony latabatra io, ma fille, apporte-moi l’assiette qui est sur cette table Nao, eh, dis Nataom-behivavy, préparé par une femme Ndalana, qui est né en route Ndao moa, allons-y Nene tsitohatse, mère tsitohatse Neninimaro, nom de personne Ngita, frisés Niankin-drindrina irery, qui s’est adossée seule contre le mur, qui a enduré seule la souffrance pendant le travail et l’accouchement Niavia, origine 301 302 Nify, fihitsike, dents Nilaisany, abandonné Niteraka, féconde Njarahy, femme Ntsaka rano, à la recherche d’eau Ny afo, le feu Ny aiko, ma vie Ny aina, la vie Ny anaran-dray, le patrimoine paternel Ny ankizy, la femme et les enfants Ny domoina, la colombe Ny fandeo, sorte de fiançailles Ny fotoa, fadim-bolana, les règles Ny hasin’ny lehilahy, le caractère sacré de l’homme Ny hasin’ny olombelona, le caractère sacré du genre humain Ny hasin’ny vehivavy, le caractère sacré de la femme Ny hasina, la vertu Ny herin’ny maizina, la puissance des ténèbres Ny mahavehivavy, vody, la vulve Ny masoandro amam-bolana, le soleil et la lune Ny masoandro, le soleil Ny mpirafy, les rivales Ny ombiasy, le guérisseur Ny rano, l’eau Ny ranomasom-behivavy, les larmes de femme Ny sira, le sel Ny sorabe, l’écriture arabe Ny tantaran’ny Andriana, l’histoire des rois Ny taolam-balo, les ossements Ny tavony, placenta Ny voaly maintin’ny alina, les voiles sombres de la nuit Ny volana, la lune Ny voromailala, le pigeon 302 303 Olioly volo, les cheveux ondulés Olo-masina, une sainte Olom-belona, être humain Olon’ny finoana, homme de foi Olona azo itokisana, homme de confiance Olona lalin-tsaina, homme d’esprit Olona mitana ny teniny, homme de parole Olona tsara sy mendrika, homme de bien Olona, individu Ombilahy, taureau Ombivavy be ronono , femme généreuse Ombivavy, vache Omby, boeuf Orogne, fiantsonagne, le nez Pelaraty, fille moche Petraka, le fait de déposer Poizina, poison Profesora, professeur Rahavavy, soeur Raim-pianakaviana, père de famille Rakemba, femme Ramatoa Ben’ny tanàna, madame le maire Ramatoa Ministra, madame le Ministre Ramatoa mpitandrina, madame Pasteur Ramatoa vadin’ny mpitandrina, madame l’épouse du pasteur Ramatoa, femme, une bonne Ramose, instituteur Ranandria, mots de politesse pour s’adresser aux hommes Rangahy, monsieur Ranomahery, littéralement eau forte, eau utilisée pour la circoncision Ranomanitra, parfum Ranomasina, eau sacrée Ranomasina, eau salée ou mer 303 304 Raondriana, monsieur Ratompokolahy, le défunt Ratompokovavy, la défunte Ravaka no haingo sady sampy, parure, ornement et idole Ravaomaria, nom de personne Ravo, content Raza, dadivavy, grand-mère Reboto, nom de personne Rehe, elle, lui Renibe, grand mère Renilahy, oncle Renim-pianakaviana, mère de famille Renin-janaka, mère biologique Renin-jaza, matrone Renirano, rivière Renitohatra, échelle Renivohitra, capital, chef lieu Renivola, capital Reny akoho manatody lava, pour dire une femme qui accouche chaque année Reny kitapo nifonosana, mère, sac qui a enveloppé faisant allusion à la cavité utérine Reny, mère Resa-behivavy, commérage Resim-bavy,vaincu par une femme Retay, tatay, qui est la merde Ringitra, crépus Roakemba, mots de politesse pour s’adresser aux femmes Sa ahoana, n’est-ce pas ? Sambanampela, cousin ou cousine germain(e) Sambe ama, chacun Sambieto,nom de personne Sana, nom de personne 304 305 Sasa finga naho valany, faire la vaisselle Sasa lamba, faire la lessive Savatsy, circoncision Sekatsy, vache stérile Sely, nom de personne Sevaky, la femme en général Soa vata, tsara bika, bonne constitution Soa, belle Soa, jolie Soandro nipoliany, beau jour de son retour Soanome, nom de personne Soavaly tapa-kofehy, manidina, un jument sans bride, une prostituée Sofina, fihaino, oreille Sogny, fivimby, lèvres Solombavan’ny mpanjaka, littéralement : remplaçant de la bouche du roi Sombin’ny aina, une partie de ma vie, adorée Somondrara, jeune fille, adolescente Sopiera milomboky, littéralement : soupière couverte Tagnane, fitagne, mains Taha, cadeau Tahihitsy, qui se montre intelligent Tahindraza, nom de personne Taine, chéri Talivolo , cheveux tressés Tambavy, tisane Tanandraza, nom de personne Tanan-jomba, femme mariée Tandra, cérémonie Tanin-drazana, tany nihaviana, patrie, terre des ancêtres Tanindrazana, terre des ancêtres Tantara, histoire Tany mamelona, terre nourricière Tany reny, terre mère 305 306 Tapasiry, conte Taranak’olombelona, espèce humain Tay, fiamontogne, les selles Tea vola, mavovava, lava lela, commère Tema, nom de personne Tenin-dreny, langue maternelle Tiana, nom de personne, aimé Tilike, visite Toandrene ?o, comme ta mère Todisoa, bienvenue Tokantrano, ménage, foyer Tomboke, fandia, pieds Tompokolahy, messieurs Tompokovavy, mesdames Totovary naho tsako , pilonnage de riz et de maïs Tovovavy herotrerony, une tendre jeune fille, dans sa jeunesse Toy ny mason’ny mpandrary : mijery ny an-kazony, mandinika ny andalan-drambony, littéralement comme les yeux de la tresseuse : ils regardent des deux côtés à la fois Toy ny reny hao, ny vavy indray no malaza, comme les poux, c’est la femelle qui est célèbre Tranon-dresaka, basivava, femme moulin à parole Tsara, bonne Tsialika, littéralement, qui n’est pas un chien Tsindriana, littéralement : qu’on presse Tsindrin-tsakafo, littéralement : qui presse le repas, dessert Tsindry fe, littéralement : presse cuisse Tsy ara-tsaina, tsy misaina, ne raisonne pas Tsy ho sarin-dahy na ho sary ampela aja ao littéralement que cet enfant ne soit ni image d’homme ni d’image de femme, ni garçonnet ni femmelette Tsy mahasaky lahy, littéralement : qui n’ose pas encore faire l’amour avec un homme 306 307 Tsy vanona, salope Ty sasany, ty ilany, l’autre Vadibe, vady voalohany, voaloham-bady, vady matoa, première femme Vadiben-janahary, grande épouse de Dieu Vadikely, dernière femme Vady masay, deuxième femme Vady navelan-dR…, veuve d’un tel Vady, épouse Vady, l’époux, l’épouse Vahiny, étranger Vailahy, furoncle Vaky feo, voix cassée Vaky vilany tany, accouchée Vali-karany, femme qui ne sort pas de chez elle Valoherindraza, nom de personne Valoherivelo, nom de personne Valohery, nom de personne Vantotr’akohovavy, poulette Vatagne, fagnova, corps Vatolahy, pierre levée Vava, falie, bouche Vaviaivo, soeur cadette Vavimatoa, soeur aînée Vavin-kazo, rainure Vazaha, français Vazo, chéri Vehivavy ao an-tokantrano, femme au foyer Vehivavy donendrina sady bado, littéralement une femme analphabète Vehivavy mananotena, veuve Vehivavy maty vady, veuve Vehivavy miandry ho velomina, la femme qui attend pour être nourrie Vehivavy miendri-dahy, une virago Vehivavy vazaha, femme étrangère, très souvent, une française 307 308 Vinantovavy, fozavavy, la bru Virijiny, madio, vierge Viro,e, nom de personne dans le texte Voasary, oranges Vola bazary, argent pour la nourriture Volo, maroy, cheveux Volom-boto, volon’isy, volom-bitike, poil du pubis Vonjendraza, secours des ancêtres Vony, nom de personne dans le texte Voretra, souillon Vorodamba, salaka, petit linge Vorombola, oiseau au beau plumage Vorondolo nitera-boromanga, littéralement un hibou qui a engendré un bel oiseau Vorondolo, hibou, chouette Vorondolo, hibou, vieille chouette Vorontsiloza vavy, tsy misaina, maivan-doha, littéralement dinde qui ne réfléchit pas Vovo, puits Zagnahary Ray, Dieu le Père Zaka, parole Zana-bola, intérêt Zanadravaomaria, nom de personne Zana-javatra, une nymphe, femme d’une beauté inouïe Zanakiniavo, nom de personne Zana-tohatra, marche Zandry vavy, soeur cadette Zany labely, Jeanne Labelle Zaobavy, belle soeur Zay, nom de personne dans le texte Zaza an-kibon-dreniny, littéralement enfant dans le ventre de sa mère Zaza mila vola, kôksa, makorely, un pute Zaza rano, littéralement : fille des eaux 308 309 Zazalahy, garçon Zazavavin-drano, une sirène, femme aux longs cheveux et qui sait bien nager Zazavavy, fille 309 310 REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE 310 311 ANDRIANJAFY, Danielle, 1994 : Madagascar : Kabarin’ny Viavy, Notre Librairie n° 118, JuilletSeptembre, Clef, Paris. BAKHITINE, Mikhail, 1978 : Le marxisme et la philosophie du langage. Editions de minuit, Paris. BALLY, C., 1932 : Linguistique générale et linguistique française. Ernest Leroux. Paris. BARTHES, Rolland, 1964 : Eléments de sémiologie. Communication n° 4, Edition du Seuil, Paris. 1970 : S/Z, Essai. Edition du Seuil, Paris. BAUDELOT, Christian, ESTABLET, Roger, 1992 : Allez les filles !, Seuil, Paris. BEAUJARD, Philippe, 1998 : Dictionnaire malgache dialectal-français, dialecte tañala, Sud-est de Madagascar avec recherches étymologiques. L’ Harmattan, Paris. BEAUJARD, Phillippe, 1983 : Princes et paysans : un espace social du Sud-Est de Madagascar, L’Harmattan, Paris. BELONCLE, Guy, 2003 : Réunir les conditions d’une maternité responsable, in Sept priorités pour développer Madagascar. Foi et Justice, Antananarivo. BENVENISTE, Emile, 1966 : Problème de la Linguistique Générale. Edition Gallimard, Paris. BERNARD, Alain, 1978 : Essai sur la Tradition de la Société Mahafaly, vers les rapports marchands. Orstom, Paris. BORGOMANO Madeleine, 1994 : Les femmes et l’écriture-parole, Notre Librairie, n° 117, AvrilJuin . Clef, Paris. BOURDIEU, Pierre, 1984 : Ce que parler veut dire, L’économie des échanges linguistiques. Fayard, Paris. BRUMANN, K., 19O3 : Kurze Vergleichende Grammatik der indogern. Sprachen, Berne. BUHLER, K., 1970 : Essais sur le langage. Edition de Minuit, Paris. CALLET, (P), 1981 : Tantaran’ny Andriana, Imprimerie nationale, tome I sy II, Tananarive. CALVET, Louis-Jean, 1974 : Linguistique et colonialisme. Payot, Paris. 1979 : Langue, Corps, Société. Payot, Paris. 311 312 CHEMAIN Degrange Arlette, 1980 : Emancipation féminine et roman africain. Les nouvelles éditions africaines. CHOMSKY, N., 1975 : Reflections on Language. Random House, New York, trad. fr/se 1977, Maspero, Paris. COHEN, Marcel, 1971 : Matériaux pour une sociologie du langage. Editions Maspero, Paris. COUSINS, W. E., 1963 : Fomba malagasy. Imarivolanitra, Antananarivo. D’ALMEIDA Irène Assiba, 1994 : Femme ? Féministes ? Misovire ? Les romancières africaines, Notre Librairie n°117, Avril-Juin. Clef, Paris. DAHLE sy SIMS, (J), 1975 : Anganon’ny Ntaolo, Imprimerie Luthérienne, Antananarivo. DASCOTTE, R., 1968 : L’expression écrite. Edition l’Ecole, Paris. DOMENICHINI RAMIARAMANANA, B., 1982 : Du Ohabolana au Hainteny, langue, littérature et politique à Madagascar. Karthala, Paris. DUBOIS, J., 1969 : Enoncé et énonciation. Langage 3, Paris. 1971 : Eléments de Linguistique française : syntaxe. Larousse, Paris. DUBOIS, J., 1970 : Eléments de linguistique française : syntaxe. Larousse, Paris. DUBOIS, Jean, 1973 : Dictionnaire de linguistique. Larousse, Paris. ENCREVE, P., 1976 : Présentation: Labov, linguistique, sociolinguistique. Edition de Minuit, Paris. 1977 : Présentation : linguistique et sociolinguistique. Langue française, Paris. EYA-NEHMAN., 1991 : Développement et droits de l’homme en Afrique. Pubsud, Paris. FAIRCOUGH, Norman, 1989 : Language and Power. Longman, U.K. and New York. FAUROUX Emmanuel, 1989 : Aombe 2, le Boeuf et le riz dans la vie économique et sociale Sakalava de la vallée de la Maharivo. Era, éditeur scientifique, Madagascar. 1999 : Comment enquêter en milieu rural malgache sans questions ni questionnaires ? La methode « A+ » (Approche pluridisciplinaire d’une unité sociale). 312 313 FEE Sarah, 2003 : Fisike ty maha-ondaty, C’est l’habit qui fait l’homme, Thèse Langues Orientales. 1977 : Femmes seules - la solitude de la femme dans la société d’aujourd’hui. Ed. Priveat, Toulouse. FIELOUX Michel, LOMBARD Jacques, 1987 : Femmes, terre et boeufs, Aombe 1, Elevage et société. Era, Madagascar. FISHMAN, Joshua A., 1964: Language maintenance and language shift as a field of inquiry, in Linguistics. 9. 1965 : Who speaks what language to whom and when? in La linguistique, 2, pp.67-88, repris dans Pride et Holmes, 1972. 1970 : Sociolinguistics: a brief introduction. Newbury House, Rowley, Mass trad. fr/se, Labor-Nathan, Bruxelles-Paris. 1971 : Sociolinguistique, Langues et Culture. Nathan, Paris. GARDIN, B. , MARCELLESI J.-B, 1974 : Introduction à la sociolinguistique, la linguistique sociale. Larousse Université, Paris. 1980 : Sociolinguistique, approches, théories, pratiques, tom.2, P.U.F. GOFFMAN, E., 1975 : Replies and responses. Working Paper, Universta di Urbino, Italie. 1977 : Relations in public. Harper and row, New York, trad. fr/se 1973, édition de Minuit, Paris. GRANDIDIER, G., 1932 : A Madagascar: anciennes croyances et coutumes, J. Soc. Africanistes, tome II, fasc. II, Madagascar. GRANGER Gilles Gaston, 1979 : Langages et épistémologie. Editions Klincksieck, France. GREIMAS, 1976 : Sémiotiques et sciences sociales. Nathan, Paris. GUERIN, Michel, 1977 : Le défi, l’Androy et l’appel à la vie, Ambozontany Fianarantsoa. GUIRAUD, Pierre. 1965 : Le français populaire, Collection Que sais-je ? P. U. F. 1968 : Langage et Théorie de la Communication, in Le langage, dir. par Martinet A. , La Pléiade, Gallimard, Paris. 313 314 1970 : Structure étymologique du lexique français, Larousse, Paris. 1979 : Les jeux de mots, Que sais-je ? P.U.F. GUMPERZ, J-J et Hymes, 1972 : Directions in Sociolinguistics : the ethnography of Communication. Holt, Rinehart and Winston, New York. GUMPERZ, J-J, 1964, Linguistic and Socal Interaction in Two Communities, in Gumperz et Hymes 1960. 1974 : The sociolingistics of interpersonal communication. Working Papers and prepublications,Università di Urbino, Italie. 1976 : Language, Communication and Public negotiation, in Anthropology and the public interest: fieldwork and theory, Academic Press, New York. HAGEGE, Claude, 1985 : L’homme de paroles. Fayard, Paris. HARRIS Zellig, 1976 : Notes du cours de syntaxe. Seuil, Paris. HERIQUE Emmanuel, 1997 : Les mots de l’oubli : les interjections, in Les mémoires des mots, Actualité scientifique, Actes du colloque de Tunis, 25-26-27 Septembre, AUPELFUREF. HERZLICH, C., 2002 : Réussir sa thèse en sciences sociales. Nathan, Paris. HJEMSLEV, L ., 1943 : Prolégomènes à une théorie du langage. Trad. fr/se 1966, Edition de Minuit, Paris. HOERNER, Jean Michel, Géographie régionale du Sud de Madagascar, Collection Tsiokantimo, série recherche n°5, C.U.R. Tuléar. HYMES, D., 1972 : Models of the interaction of language and social life. ( version révisée de Hymes, 1967), in Gumperz et Hymes, 1972. 1974 : Foundations in Sociolinguistics : an ethnographic approach. University of Pennsylvania Press, Philadelphia. IRAM, 1998 : Regard du Sud, Des sociétés qui bougent, une coopération à refonder. L’Harmattan, Paris. 314 315 JAKOBSON, R., 1963 : Essais de linguistique générale. Edition de Minuit, Paris. 1970 : La linguistique, in Tendances principales de la recherche en sciences sociales et humaines. Unesco, Mouton, La Haye, Paris. Journal Officiel de La République Malgache, 1995 : Antananarivo, Imprimerie Nationale, 25 Décembre. JESPERSEN, Otto, 1976 : Nature, évolution et origine du langage, Edition française, Paris. KEENAN, Elionor O., 1996 : Norm-makers, norm-breakers: uses of speech by men and women in a malagasy community, in: The matrix of language. Contemporary Linguistic Anthropology, Westview Press, Boulder, Colorado. KERBRAT-ORECCHIONI, C., 1983 : La connotation, 2ème Ed., Presses Universitaires de Lyon, Lyon. La Bible, 1951 : Version Synodale, 3è édition, Société Biblique de France, Paris. LABOV, William, 1978 : Le parler ordinaire. Les Editions de Minuit, Paris. LAKOFF, G. et JOHNSON, M., 1985 : Les métaphores dans la vie quotidienne. Les Editions de Minuit, Paris, trad. fr/se par M. Defornel de Metaphors we live by, Chicago, London, 1980. LAKS, B., 1992 : La linguistique variationniste comme méthode in Langages 108. LANDERCY et RENARD, 1996 : Aménagement linguistique et pédagogie interculturelle, Didier Erudition, Paris. LARS Vig, 1994 : Sur la femme malgache, 2è édition. Teza boky, Madagascar. LE PETIT LAROUSSE, 2004 : Grand format. Edition Larousse, Paris. LIZIN Anne-Marie, Femmes d’Europe et du Tiers Monde. Quelle solidarité ? Labor, Bruxelles. LYONS, J., 1970 : Linguistique générale. Larousse, Paris. LYONS, John, 1970 : New Horizons in Linguistics, Penguin Books, England. MALINOWSKI, B., 1930 : Magie d’amour et de beauté, in La vie sexuelle des sauvages du nord de la Mélanésie, Payot, Paris. 315 316 MALLET, Robert, 1961 : Mahafaliennes. Gallimard, France. MANCINI, Jean Gabriel, 1967 : Prostitution et proxénétisme. PUF, Paris. MARCELLESI, J. B. et GARDIN, B., 1974 : Introduction à la sociolinguistique, Collection Langue et Langage, Larousse, Paris. MARINA, Yaguello, 1981 :Alice au pays du langage, pour comprendre la linguistique. Seuil, Paris. 1992 : Les mots et les femmes. Payot, Paris. MATORE, G., 1968 : Histoire des dictionnaires, Larousse, Paris. MAURO, T. de, 1969 : Une introduction à la sémantique, Paris. MEILLET, A., 1931-1936 : Linguistique historique et linguistique générale, Champion et Klincksieck, Paris. 1937 : Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes, Paris. MERITENS de, Guy, Veyrières de, Paul, 1967 : Le livre de la sagesse malgache, Proverbes, Dictons, Sentences, Expressions figurées et curieuses. Editions maritimes et d’outremer. MOIRAND, Sophie, 1992 : Enseigner à communiquer en langues étrangères, Hachette, Paris. MORIER, H., 1981 : Dictionnaire de poétique et de rhétorique. PUF, Paris. MOUNIN, Georges., 1971 : Introduction à la sémiologie, Edition de Minuit, Paris. 1972 : Clefs pour la Sémantique, Edition Seghers, Paris. POTTIER, Bernard, 1973 : Le langage, Encyclopédie du savoir moderne. Retz, Paris. PRIETO, L., 1968 : Le langage, P.U.F., Paris. R. P. ABINAL et MALZAC, 1973 : Dictionnaire Français-Malgache. Nouvelle Edition Maritimes et d’Outre Mer, Paris. 1988 : Dictionnaire Malgache-Français. Edition Ambozontany, Fianarantsoa. RABENILAINA, Roger Bruno, 2000 : Ny Teny sy ny Fiteny Malagasy, S.M.E., Antananarivo. 316 317 1996, Le verbe malgache, constructions transitives et intransitives, Greslet, AUPELF/UREF, Montreal. RAHARINJANAHARY, Lala et RAZANABAHIHY, Victorine, Un pays où il est interdit aux femmes d’éclater de rire, pp 296-309, in Raki-pandinihana, Editées par N. J. Gueunier et Solo Raharinjanahary, Madagascar. RAJAONA Siméon, Structure du malgache. Etudes des formes prédicatives, Université Paris I, Sorbonne, Thèse doctorat d’Etat, Ambozontany, Fianarantsoa. 1993 : Ny zava-kanto vita amin’ny teny na ny sarin-teny eo amin’ny fomba filazanjavatra, Ambozontany, Fianarantsoa. RAJAONARIMANANA, Narivelo, 1995 : Dictionnaire du malgache contemporain, MalgacheFrançais, Français- Malgache. Karthala, Paris. RAJEMISA-RAOLISON, Régis, 1985 : Rakibolana malagasy. Ambozontany, Fianarantsoa. RAKOTO Ignace, 1974 : Cahier du Centre d’Etudes des coutumes, Université de Madagascar. RAKOTONAIVO, François, 1996 : Rakibolana frantsay-malagasy, Dictionnaire françaismalgache. Ambozontany, Fianarantsoa. RAKOTONANDRASANA, L. de G., 1996 : Ambohibehivavy, Tantara an-tsehatra, 1er Trimestre, Imprimé par SIMP, Antananarivo. RAMAMONJISOA Suzy Andrée, RAZAFINDRABE, Georgette, 1976 : La femme malgache avant la colonisation. Direction de la recherche scientifique et Technique, Antananarivo. RAMAMONJISOA, Suzy, 2002 : Le cycle de la vie, fécondité et mariage, in Madagascar. Fenêtres, aperçus sur la culture malgache, Africa-Madagascar. RAOLIMALALA Bakolinirina, Ruffine, 1989 : Tsimihorirana, mémoire de maîtrise, lettres malgaches, Université de Tuléar. RAVAOSOLO, Jeanne, 2000 : Une cérémonie traditionnelle masikoro : le Fisa, la phase prérituelle, Talily. Madagascar, Université de Tuléar, n° 7, 8, 9. RAVELOMANANA, R. Jacqueline, 1985 : La femme et la politique avant 1896 à Madagascar. Ministère de la Culture et l’Art Révolutionnaire, Madagascar. 317 318 RAVOLOLOMANGA, Bodo, 1991 : Pour la beauté et la santé de l’enfant à naître, chez les Tañala d’Ifanadiana, Madagascar, in S. Lallemand dir., La grossesse et la petite enfance en Afrique et à Madagascar, L’Harmattan, Paris. 1992 : Etre femme et mère à Madagascar, L’Harmattan, Paris. REY-DEBOVE, J., 1973 : Lexique et dictionnaire in Le langage, sous la direction de B. Pottier, Denoël, Paris. ROCHE, Christian, 1993 : Le Langage, Les notions philosophiques. Bordas, Paris. RÖSLER, Augustin, 1889 : la question féministe, examinée du point de vue de la nature, de l’histoire et de la révélation. Perrin, Paris. SARA, M. Evans, Les Américaines, histoires des femmes aux Etats-Unis, traduit de l’américain par Brigitte Delorme. Belin, Paris. SAUSSURE, Ferdinand de, 1982 : Place de la langue dans les faits humains, in Cours de Linguistique générale. Payot, Paris. SIMONE de Beauvoir, 1976 ; Le deuxième sexe, tome 1. Gallimard, Paris. SONGUE, Paulette, 1987 : La prostitution en Afrique noire.L’Harmattan, s.d., Paris. STARENKYJ, Danièle, 1983 : Les cinq dimensions de la sexualité féminine. Orion, Paris. TALIZY, Maevalande Annie, 2001, L’évolution du parler vezo et son contact avec la langue française. Mémoire de Maîtrise. Madagascar, Université de Tuléar. TSIMILAZA Alphonse, 1981 : Phonologie et morphologie du Tsimihety, Université Nancy 2, Thèse doctorat 3è cycle, France. TURSHEN, Meredeth, Twagiramariya, Clotilde, 2001 : Ce que font les femmes en temps de guerre, genre et conflit en Afrique, santé, sociétés et cultures. L’Harmattan, Paris. VALENSIN, Albert, 1925 : Traité de droit naturel, t.2, L’ordre humain, Action populaire. Paris, Spes. WAAST, Roland, 1974 : Les concubins de Soalala, in Cahier du Centre d’Etudes des Coutumes, Université de Madagascar. 318 319 INDEX DES AUTEURS 319 320 D I T T M A R .............................54 . . B E N V E N I S T E .................134 . D U B O I S ....................202, 207 . D U M A R S A I S ..................165 D J A O V E L O - D Z A O ............75 D U B O I S ..48, 92, 180, 181, 202, KERBRAT-ORECCHIONI....171, 205, 212 D U R K H E I M ..........................31 177 K O T O ..................................... 67 . M A T O R E ..........................202 E . R A B E N I L A I N A ..............172 . Richardson ............................173 K L E N C R E V E .............................20 L A B O V 20, 22, 51, 53, 54, 55, 57 : : RAKOTONAIVO .................138 F FIRESTONE ...........................123 LAKOFF .........................124, 151 L A K S ...................................... 53 L I E B E R S O N .......................127 F I S H M A N ............22, 51, 52, 55 A Abinal................................40, 120 F I S H M A N ..............................54 FREUD....................................122 M A D I Y A ..............................102 A U S T I N .................................61 B B A K H T I N E .........................215 B A L L Y ...................................34 B A R T H E S .... 17, 19, 39, 47, 49, 177 B E L O N C L E ..........................83 B E R N S T E I N ...................51, 54 B O A S ......................................54 B R U M A N N .........................110 B Ü H L E R ..........................33, 35 G C A R T H Y ..............................142 C H O M S K Y ......................53, 57 C R U S E .................................181 C R U S E , ................................181 D DASCOTTE............................142 M A R C E L L E S I .................... 53 M A R T I N E T .....................34, 35 G O F F M A N ............................51 M A U R O ................................183 G R A N D I D I E R , ..................220 M E I L L E T .............................. 54 G R E I M A S ..............................46 M E I L L E T .............................110 G R I C E .....................................61 M O I R A N D ...........................134 G U I R A U D .............48, 166, 168 Molière, ...................................125 GUIRAUD ................................43 M O U N I N ............................... 89 G U I R A U D : ........................217 G U M P E R Z ....21, 22, 51, 54, 55, P 57, 58, 59, 60, 61, 145, 209 PLATON .................................. 45 C CALVET.................................127 Malzac .......................40, 111, 120 G A R D I N .................................53 H C A L L E T ...........................73, 77 M P O T T I E R .........................41, 46 P R I E T O ................................. 34 H J E L M S L E V ..................48, 89 H Y M E S ....21, 22, 51, 54, 55, 56, R 57, 58 R A B E N I L A I N A .................. 92 J R A B E N I L A I N A . ...............126 R A H A N I V O S O N ...............195 J A K O B S O N ......32, 35, 36, 235 R A J A O N A R I M A N A N A ..172 J A K O B S O N ..........................19 R A K O T O N A I V O .......156, 175 JESPERSEN....................122, 148 R A K O T O N A I V O , .............178 J O H N S O N ...........................151 RAKOTONANDRASANA ...........................................206 320 321 R A M A M O N J I S O A .............71 R A M A N A N T E N A S O A ...195 R A M I N O ..............................174 R A N J A T O H E R Y .......144, 182 RANJATOHERY....................140 RATSIRAKA............................81 R A Z A F I N D R A I B E .............71 REIK .......................................122 S S A B A T I E R ............................72 SAPIR .....................................227 S A U S S U R E .........17, 34, 39, 53 S A U S S U R E , .........................19 S H U Y ......................................55 SOCRATE ................................45 V V I G N Y .................................178 W W E S T ....................................136 WHORF ..................................227 W U N D T ................................110 Y Y A G U E L L O .......................172 Z Z I M M E R M A N N ................136 321 322 322 323 TABLE DES MATIERES SOMMAIRE 1 RESUME 3 LES TRACES LINGUISTIQUES ET SOCIO-CULTURELLES DE LA SUBORDINATION DE LA FEMME A TOLIARA 3 REMERCIEMENTS 5 AVANT- PROPOS 14 INTRODUCTION GENERALE 17 PREMIERE PARTIE 27 LES DIFFERENTES ANALYSES DE LA LANGUE 27 INTRODUCTION 28 CHAPITRE 1 29 1. 1. LES DONNEES DE LA LINGUISTIQUE STRUCTURALE 29 1.1.1. Langue versus Langage 29 1.1.2. Langue et Parole 30 1.1.3. Fonction représentative et fonction expressive du langage 33 1.1.4. Les six fonctions du langage selon R. JAKOBSON 35 CHAPITRE 2 39 1.2. LES SYSTEMES DE SIGNES 39 1.2.1. La langue comme systèmes de signes 39 1.2.2. L’analyse en signes 40 1.2.3. L’analyse sémantique 45 1.2.3.1. La référence 46 1.2.3.2. Dénotation et connotation 47 1.2.3.3. Hyperonymie et hyponymie 49 1.3. LES APPROCHES SOCIOLINGUISTIQUES 52 1.3.1. Origine et tendance 52 1.3.2. La sociolinguistique variationniste 54 1.3.3. Les relations interpersonnelles 59 1.3.4. L’analyse interprétative 60 CONCLUSION 64 DEUXIEME PARTIE 65 323 324 LE POUVOIR DE LA LANGUE 65 INTRODUCTION 66 2.1. LE STATUT DE LA FEMME PAR RAPPORT A L’HISTOIRE 67 2.1.1. La population tuléaroise et ses origines 67 2.1.2. La femme par rapport aux différentes sociétés 71 successives 71 2.1.2.1. Dans la société traditionnelle 71 2.1.2.2. Du système matriarcal au patriarcat 75 2.1.2.3. L’image de la femme vazaha comme modèle 80 2.1.2.4. La situation après l’indépendance 82 2.1.2.5. Analyse et données statistiques sur la femme à Toliara 84 2.1.2.6. La femme actuelle dans la vie familiale 86 CHAPITRE II 90 2.2. LA FEMME ET LES DIFFERENTS PARLERS A TOLIARA 90 2.2.1. Les approches de la description de l’objet « langue » 91 2.2.2. La situation linguistique à Toliara 92 2.2.3. Les différents niveaux d’analyse 94 2.2.3.1. Niveau phonétique 95 2.2.3.2. Niveau morpho-syntaxique 97 2.2.3.3. Le niveau lexical 99 2.2.3.4. Le niveau syntaxique 111 2.3. LES FEMMES ET LE DROIT A LA PAROLE 118 2.3.1. La femme et le hazomanga 118 2.3.2. La femme et le tabou linguistique 119 2.3.3. Les femmes et le multilinguisme 127 CONCLUSION 130 TROISIEME PARTIE 131 LES DIFFERENCES ENTRE PARLER DES HOMMES ET PARLER DES FEMMES 131 INTRODUCTION 132 CHAPITRE I 134 3.1. LA SITUATION DE COMMUNICATION 134 3.1.1. La notion d’analyse de discours 134 3.1.2. La femme et l’expression orale 137 324 325 3.1.3. La compétence communicative 141 CHAPITRE II 147 3.2. LA DISSYMETRIE SYNTAXIQUE 147 3.2.1. Les stéréotypes à propos de vavy / lahy 147 3.2.2. La métaphore sexuelle 151 3.2.3. La dichotomie mélioration / péjoration 154 3.2.4. La femme et les locutions méprisantes 162 CHAPITRE III 170 3.3. LA DISSYMETRIE SEMANTIQUE 170 3.3.1. La dénotation 170 3.3.2. La connotation 176 3.3.3. L’antonymie 178 CONCLUSION 183 QUATRIEME PARTIE 184 LES USAGES LINGUISTIQUES SUR LES DROITS DE LA FEMME 184 INTRODUCTION 185 CHAPITRE 1 187 4.1. LE MOUVEMENT FEMINISTE ET SES PROBLEMES 187 4.1.1. Les transformations souhaitées à l’égard du statut actuel de la femme 187 4.1.2. Les mouvements féministes 193 4.1.2.1. Les différentes sortes d’associations féminines 195 4.1.2.2. Les problèmes au sein des associations 198 4.2. LE DISCOURS FEMINISTE 201 4.2.1. Les méthodes d’analyse linguistique du discours politique 201 4.2.2. Le rapport entre la langue et les idéologies 213 CHAPITRE 3 218 4.3. LA POSITION DE LA FEMME DANS LES DROITS COUTUMIERS ET JURIDIQUES 218 4.3.2. Le principe d’égalité posé par le droit positif malgache 222 CONCLUSION 228 CONCLUSION GENERALE 229 ANNEXES 236 TABLE DES ANNEXES 237 CORPUS 239 325 326 METHODE D’ENQUETE 240 QUESTIONNAIRE 243 NANKAIZA I MARIGIRITY ? 246 INONA NO ATO ? 247 NDATY NAMPIRAFE ROE 248 NY RANOMASOM-BEHIVAVY 251 SEXY- GIRL 253 SADY RAVAKA NO HAINGO 256 I ZATOVO NAHO TY AMPELANOSENDRANO 257 RANORO 260 SOAFARA (Conte) 263 TRIMOBE ET SOHITIKA (conte) 265 ZATOVO MALAIN-KANAMBALY 269 LA SAGESSE DE L’OGRESSE 271 SENTON’I IKALAMOMBA 273 AKORY NO HITOMBAN-DAHY? 274 PROVERBES 276 LE STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME 277 RECUEILS DE TEXTES RELATIFS A LA VALORISATION DU STATUT JURIDIQUE DE LA FEMME 280 AMBOHIBEHIVAVY 285 Fizarana fahatelo 285 Fisehoana voalohany 285 Fizarana fahatelo 286 Fisehoana Faha Valo 286 Fizarana fahatelo 287 Fisehoana Fahasivy 287 KABARY 8 MARSA 289 GLOSSAIRE 292 REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE 310 INDEX DES AUTEURS 319 TABLE DES MATIERES 323 326 327 TRADUCTION Où donc est passée Margueritte ? Où donc est passée Margueritte ? Oe ! Oe ! Oe ! Où donc est passée Margueritte ? Oe ! Oe ! Mon amie ! Dans la maisonnette Oe ! Oe ! Oe ! Dans la maisonnette Oe ! Oe ! Mon amie ! J’enlèverais une pierre Oe ! Oe ! Oe! J’enlèverais une pierre Oe! Oe! Mon amie Une pierre est-elle suffisante ? Oe! Oe! Oe! Une pierre est-elle suffisante ? Oe! Oe! Mon amie J’enlèverais deux pierres ? (On continue jusqu’à dix).- 327 328 TRADUCTION QU’Y A-T-IL DANS LE PANIER ? Qu’y a-t-il dans le panier ? - Un œuf ! Qu’y a-t-il dans un œuf ? - Un oiseau ! Où est donc parti l’oiseau ? - Il s’est envolé ! Je l’attrappe ! Je l’attrappe ! 328 329 TRADUCTION LE BIGAME Il y avait un bigame, qui épousait deux femmes: une première et une seconde épouses. Longtemps après, elles ont eu chacune des enfants. La première en a un et la seconde en a deux. La première femme mourut alors que son fils était encore petit. L’enfant s’appelait Mosa. On continue rapidement l’histoire. On l’a enterrée, sans attendre une semaine, parce que ça fait pitié de voir Mosa. Il accompagna ses amis qui gardaient les veaux. Il marchait derrière eux et ses camarades l’appelaient ainsi : - « Allons-y, Mosa » - « Allons », répondit-il. Lorsqu’il rentrait, il marchait toujours derrière, ses amis couraient devant. Il continua seul et chantait : - « L’enfant courut pour retrouver sa mère. L’enfant courut pour avoir de quoi manger. L’enfant courut pour avoir de l’eau. » - « C’est Mosa par ci, c’est Mosa par là. » Les enfants qui ont encore leur mère faisaient pareil. Lorsqu’ils arrivèrent au village, les enfants qui ont leur mère rentraient tout de suite dans la case. Mais lorsqu’il voulait y entrer, la femme l’assenait de coups qu’il se fût projeté violemment contre le mur, du côté ouest de la case. Alors ses aînés disaient : - « Que faites-vous à notre frère cadet ? » - « Si vous n’êtes pas content, dit-elle, bâtissez une autre case où vous pourrez habiter avec lui. » 329 330 Les enfants pleuraient. Elle n’a rien donné à manger à Mosa, mais elle lui a rôti un crapaud. - « Voilà ta viande, car notre mauvais repas t’est interdit.» Mosa se taisait. - « Si tu ne mangeais pas ça, je te battrais. » Le soir, leur père rentrait. Les trois garçons venaient à sa rencontre. Ils n’ont pas tout raconté, sauf l’histoire de Mosa jeté par leur mère. - « Pardon père ? » - « oui, repondit-il. » Ta femme a poussé Mosa lorsqu’il voulait entrer dans la case avec nous et elle l’a privé de repas, mais elle lui a rôti seulement un crapaud ; Mosa n’a pas mangé et elle a failli le tuer. » - « Taisez-vous, dit-il, mais je l’attraperai un de ces jours. » Ils se taisaient. Le lendemain, de bon matin, l’homme se leva. - « Où allais-tu ? demanda sa femme. - « Je vais chercher une des chèvres qui est perdue. » - Puis l’homme partit, il grimpait en haut d’un tamarinier. Les enfants gardaient aussi les veaux. Mosa les accompagnait. On continue l’histoire... Chaque nuit, Mosa allait au tombeau et y dormait. Tous les jours, la femme battait Mosa et ne lui donnait pas à manger, sauf un crapaud. A midi, elle le traitait de la même façon. Puis l’homme descendit lentement de l’arbre, prit sa sagaie et donna un coup à sa femme qui mourut. - « Bien fait pour elle, dit-il, comme ça, vous tous, vous n’avez plus de mère et je n’aurai plus de problème. » 330 331 Puis il partit chercher le père de la femme. Il raconta à celui-ci tout ce qu’elle avait fait aux enfants. - « Enterrez-la, dit le père, car elle l’a voulu ; un lit qu’elle a choisi ellemême, ne lui fera pas mal ; c’est la volonté de Rekamisy d’avoir épousé un Ambaniandro. Et la famille emportait le corps et l’enterrait chez eux. C’est fini. 331 332 TRADUCTION LES LARMES DES FEMMES Les larmes des femmes : Qu’elles ne peuvent pas contenir Au moment de se quitter, Pleins de baisers infinis ! Les larmes des femmes : Négligées et qui coulent Quand tu es préoccupé, quand tu ne te souviens pas de répéter ces mots doux qu’on voudrait entendre pour avoir habitué leurs oreilles chaque fois qu’on se rencontre ! Les larmes des femmes, Qui débordent rapidement Lorsqu’elles t’aperçoivent Non ému De leurs causeries à propos des chiffons, De leurs bavardages à propos des fleurs, De leurs récits à propos des chatons… Les larmes des femmes Deviennent des torrents inondants Lorsque tu n’es pas empressé, Lorsque tu es indifférent Comme si toi, tu n’aimes plus… Les larmes des femmes : 332 333 Des larmes infinies, Des larmes sans fondement, Des larmes ennuyantes. 333 334 TRADUCTION Enfants, nous étions ensembles à Ambondrona Nous jetions ensemble les ordures, quand nous étions innocents Nous avons grandi ensemble. Et nous flânions ensemble Tout le monde est parvenu à un haut niveau Nous nous étions promis de vivre ensemble Chacun envisageait de se marier Le matin, je l’amenais à l’école Nous nous attendions pour rentrer ensemble le soir Quand tu avais juste dix-sept ans Tu suivais les gars à Indra Tu suivais les mecs au Caledo Tu suivais les mecs au Caveau Puis tu montais seule au Papillon Puis les Chinois sortaient avec toi Et les Indiens sortaient avec toi Puis les grands vazah aussi plus tard Les mecs ont eu ma petite amie Les mecs ont pris ma propriété Les Vazah ont souillé ma part Puisqu’ils l’ont emmenée et l’ont fait voler très haut Et on m’a laissé tomber là Puisqu’elle est une sexy-girl, dis-je, une sexy-girl Ne te souviens-tu pas Que nous nous sommes offert des grains de jujubes à Ambodifilao ? Maintenant, tu ne bois que du Fresh Je ne peux pas me permettre d’avoir un CD de Mariah Carey 334 335 Pour te reconquérir, ma chère Mais si tu m’aimes, apprécie Gorisagorisa Et n’avance aucune explication scientifique Car je me suis rendu compte que tu as un caractère de chien Et ne m’envoie aucune lettre, aucune lettre d’explication à la maison Je ne lirai pas Je dormirai immédiatement Car je t’ai vue, je t’ai vue à la télé Je t’ai vue travailler les clips d’autres groupes Je t’ai aperçue faire le mannequin à l’Agence Totem En plus, tu es sexy-girl Je t’ai vue défiler à la Somaco Je savais déjà que tu voulais être courtisée par les Vazah Tu n’avais plus de pudeur Son cœur est esclave de l’argent Puisque c’est chez les Vazah qu’il y a l’argent, Elle ne sort qu’avec les Vazah Si l’argent est avec les Chinois Elle ne sort qu’avec les Chinois Puisqu’elle est sexy-girl Je ne l’attendrai plus, même si son cœur est blessé Mais la vengeance va frapper ton avenir Alors ce sera tonnerre et malédiction Coup de poignard et poison Qui vont tomber d’un seul coup sur toi En revanche du passé Pour balayer les torts et comme punition Du non respect de ta virginité. SAMOELA 335 336 336 337 PARURE ET ORNEMENTATION A LA FOIS « Dis-moi, maman, pourquoi es-tu toujours absorbée par la confection de ces sacoches en raphia ? Regarde-toi, tu n’arrives presque plus à te soigner le corps. Penses-tu qu’il y aura un bel avenir pour nous, si jamais, vous, nos parents, vous vous séparez ? » « Ne dis pas de bêtises, Rindra. Il est clair que la raison de tout ça, c’est pour prévoir votre avenir ». « Même si c’est pour cette raison, voici mon conseil : soigne ton corps , mets du vernis sur tes ongles , mets du rouge à tes lèvres, ne couvre pas tout le temps tes cheveux avec un foulard . Heim, l’autre va t’abandonner là, dis ! » Est-ce que c’est dans mon état d’une vieillesse pareille, que je vais encore mettre du vernis, du rouge aux lèvres ? ( ----------) « Noro, nous avons vécu dans l’erreur depuis des années. Dis donc, Noro, n’est-ce pas un foulard que tu as encore sur la tête à cette heure-ci ? » « Oui, mais le temps pour finir les commandes n’est pas suffisant, comment veux-tu que je m’occupe de mon corps ? » « (---) Je te dis de soigner ton corps, soigne-le et tu verras les conséquences. (----)N’oublie jamais, Noro, que nous, les épouses, on nous admire (---). Il y a encore le vernis, la poudre, le rouge à lèvres, le maquillage. Mais ce n’est pas seulement ton corps que tu dois soigner, il y a aussi ton foyer. Viens je t’emmène visiter ma maison à partir de notre chambre à coucher jusqu’à la douche ». (-----------) 337 338 TRADUCTION ZATOVO ET LA SIRENE Il était une fois Zatovo et la sirène. Zatovo s’en allait et il apercevait une sirène là-bas au loin. Il attendait jusqu’à ce qu’elle revînt. Longtemps après, elle venait à la rive. Zatovo l’attrapa. Et elle demanda à Zatovo : -« Pourquoi m’as-tu attrapée ? » -« Pour être ma femme », répondit Zatovo. -« Tu ne me connais pas ? » dit-elle. -« Si, je te connais », répondit Zatovo. -« Si c’est ainsi, dit-elle, il ne faut pas me réveiller quand je dors ; quand je mange, je reste à la maison, je ne mange pas dehors ; je ne vanne pas à la brise le repas d’autrui, mais le mien uniquement. » -« ah, bon, dit Zatovo, j’arrive à respecter tout ça ». -« Allons-y alors, s’exclama la sirène. Puis ils partirent au village de Zatovo. Longtemps après…La femme tomba enceinte. On continue l’histoire rapidement…La femme accoucha, on s’occupa d’elle à la maison, on l’a fait sortir. Lorsque son enfant commença à grandir, Zatovo chercha la raison pour laquelle elle ne voulait pas être réveillée. Elle dormait à ce moment-là à l’ombre. Zatovo l’a réveillée, mais elle n’a pas entendu. Puis Zatovo a écarté son aisselle. Et ce qu’il a vu, c’est un grand trou sous son aisselle. Voyons, dit-il, c’est pour ça qu’elle ne voudrait pas être réveillée. Et Zatovo s’en allait au champ. 338 339 Mais elle a rêvé qu’on l’a réveillée et qu’on lui a écartée l’aisselle. Quand Zatovo fut de retour, elle s’enfonça sous la couverture et elle cria ainsi : « Je suis mécontente, père, mécontente. Je t’ai interdit d’ouvrir mon aisselle, tu l’as fait quand même. Je t’ai interdit de bouger mes cuisses, tu l’as fait quand même. Je suis mécontente mon père, je suis mécontente ma mère. J’ai interdit d’ouvrir mon aisselle, tu l’as fait quand même. Je t’ai interdit de bouger mes cuisses, tu l’as fait quand même. Et Zatovo se demanda : » est-ce que cette femme m’a entendu ouvrir son aisselle, pour parler ainsi ? Et quelques instant après, elle s’est réveillée comme si elle avait tout entendu ; elle se dirigeait en courant vers le fleuve.et ne se retourna que dans l’eau. Elle s’enfonça directement dans l’eau. Puis Zatovo et son enfant l’ont suivie. Quand Zatovo l’a vue, elle parla ainsi : -« Tu m’as vue Zatovo ? » dit-elle. -« Oui, je t’ai vue », répondit Zatovo. -« Tu m’as vue Zatovo ? » -« Oui, je t’ai vue. » répéta Zatovo. Puis elle revint vers Zatovo, elle sortit de l’eau. Zatovo l’a consolée ainsi : « reviens, mon amie, je ne ferai plus ça dorénavant, si je le refais, tu n’accepteras plus » …Puis ils sont rentrés ensembles au village. Mais chaque jour, sa femme ne vanne pas à la brise le repas de Zatovo. Tous les jours sont pareils. Alors un jour, lorsque sa femme eût vécu longtemps avec lui, il a de nouveau regardé ce que sa femme détestait. Mais elle savait, car elle s’est réveillée. Et elle disait : « Je suis mécontente… » Puis Zatovo s’en allait dans la forêt. Et elle s’adressait à son enfant : « Mon chéri, dit-elle, si vous ne me voyez plus ici, le mieux c’est de ne pas me chercher, car je m’en vais ». « Nous, 339 340 répondit l’enfant, nous n’acceptons pas ça ; tu ne nous laisses pas seuls ici. » Mais elle ne s’occupait pas de ça, elle s’en allait dans le fleuve. Et Zatovo et leur enfant la suivirent. Lorsqu’ils l’ont vue, elle disait : « Tu m’as vue Zatovo ? » … Et lorsqu’elle s’éloigna…elle revint et lui dit pour la dernière fois : « Au revoir Zatovo. Voici de l’eau froide pour bénir notre enfant. Garde-le bien, car je ne reviendrai plus jamais. » Et elle fait jaillir de l’eau en s’en allant. Enfin, Zatovo rentra et éleva leur enfant. 340 341 TRADUCTION UN JEUNE HOMME QUI NE VEUT PAS SE MARIER Il y avait Zatovo qui détestait se marier. Zatovo est un fils unique, et on le priait de se marier. Parce qu’il n’y avait que lui comme fils, il n’y en avait pas d’autre. Donc sa mère avait pris pour lui deux femmes originaires du nord. -« Voici tes femmes, mon fils, dit sa mère. -« Je n’aime pas l’une, dit-il, car elle a de si petits yeux, qu’elle ne puisse voir les mouches sur mon repas ». -« Je n’aime pas non plus l’autre, car elle a des petites mains dont elle fouille le lait caillé. » Puis il a donné deux zébus pour les ramener. Et elles s’en allaient. « Qu’est-ce qu’il t’arrive pour ne pas te marier, mon fils, demanda sa mère. C’est comme ça notre coutume, tu ne vas pas être un vazah pour ne pas te marier ? » Alors elle est de nouveau partie pour chercher trois femmes originaires du sud. -« Voici, prends-les comme épouses, mon fils ». -« Je n’aime pas l’une, dit-il, car elle a des petits pieds, elle aime rentrer chez elle. Je n’aime pas, non plus celle-là, car elle a des grands pieds, elle ne mérite pas de mettre des sandales. Je n’aime pas également celle-ci, car elle a une grande tête, elle ne se tient pas sur un oreiller. » Trois zébus aussi pour les ramener. On faisait de même pour les quatre coins du monde. Quand celle qui venait de l’est s’amena, ce n’était qu’une enfant. On la faisait rentrer chez elle : 341 342 -« Rentre chez toi, petite, à quoi vas-tu lui servir. » -« Eh bien qu’est-ce que ça vous fait même s’il me déteste, car je ne viens pas pour qu’il m’aime. » -« Va pour porter ses sandales, tu n’es pas la première à être aimée, alors qu’il nous déteste ». Mais ça y est, c’est la fillette qu’il aime. Aucune de ces femmes âgées n’a été aimée, mais c’est l’enfant uniquement qu’il a choisi. Alors il disait aux autres femmes : »Je n’aime pas celle-là, car elle a de gros yeux, elle ne sait pas faire des grimaces. Je n’aime pas cette autre, car a les lèvres épaisses, elle ne sait pas travailler les vans. Je n’aime pas cette dernière, car elle a un gros nez, elle ne sait pas fumer une pipe » «Voila comment l’homme nous respecte. Nous nous sommes parées, pourtant il nous déteste, mais c’est cet enfant habillé jusqu’à la poitrine qu’il aimait ». C’est pour cela qu’on chantait ainsi : -« Marie-toi, marie-toi Ratsimamangalahy e e » -« Où est donc Valalanampanga , la femme à qui je me marie ? » -« Pourquoi emmerdes-tu la femme originaire de l’ouest avec qui tu ne te marie pas ? » Enfin, il a quitté l’enfant. C’est tout. Ce n’est pas mon récit mais celui des ancêtres. 342 343 TRADUCTION LE SOUPIR D’IKALAMOMBA Rakalamomba est comme une tige de maïs, Qui engendre en ses côtes, Elle est rassasiée en endossant Ce que son ventre n’a pas produit, Elle a le dos courbé avec l’enfant d’autrui ; Brisée de fatigue avec ce qui appartient aux autres, Elle perd ses cheveux pour ce qui n’est pas à soi, Attrappe des sauterelles pour l’enfant d’autrui, Engraisse les joues de ceux des autres ? Comme un forgeron solitaire Elle agite le soufflet et bat le fer à la fois ; Comme le museau du sanglier Qui fouille la terre et mange en même temps ; Comme une vache maigre que ses compagnes ne lèchent pas, Un malheureux que les riches ne considèrent pas, Un arbre seul au bord du ravin Que seul le vent affronte Elle mourra comme la sauterelle, Qui meurt seule en grimpant un brin d’herbe Qui meurt seule comme un feu couvé sous la cendre. 343 344 TRADUCTION COMMENT SERAI-JE REDUITE A IMITER UN GARCON ? O ma bien-aimée Que je préfère voir vivre Que j’aime protéger, étant une âme Pourquoi aimez-vous sauter si haut Pourquoi cette passion d’offrir Insoumise, illimitée… O vous, mon amie : Que l’on choie et que l’on respecte… Pourquoi tant de doutes Pourquoi tant d’allures Bien accessibles ?… Réponse : Hélas ô ! chéri de mon cœur ! Personne ne s’est occupé de moi depuis mon enfance : J’espérais de longs lendemains heureux : Car étant orphéline de nom Je suis habituée à travailler malgré moi… Hélas ô ! Adoré de mon âme !… Dès l’enfance je peinais Sous le poids du passé Des années durant j’ai tout subi Et je fus brisée en servant. Prenez courage Soyez intelligent ! Quelles que soient les cicatrices du passé Comment serai-je réduite à imiter un garçon ? 344 345 TRADUCTION i.Un serpent long de six toises qui en met au monde un de sept : ce dernier a une toise de plus que sa mère. (Se dit des enfants qui surpassent leurs parents). ii.Semblable à la femme stérile : personne ne l’appelle mère. iii.Comme le père et la mère : l’un a enfanté, l’autre a tenu sur ses genoux. (donc ils ont tous deux droit à la reconnaissance). iv.Comme les enfants d’une même mère, mais de père différent, ils ne se ressemblent pas. v.A mère adultère, enfant négligé (chétif). vi.Quand un enfant demande sa mère (en pleurant), c’est qu’il veut têter ; quand il demande son père, c’est qu’il veut être porté sur son dos. vii.Ne tuez pas votre mère comme du « mauvais riz ». (On appelle mauvais riz, les tiges qui montent en épis trop vite, après quoi des rejetons paraissent qui font périr les premières plantes ou plante-mère.) viii.Si les jeunes et la mère s’assoient ensemble, quand quelque chose survient subitement, c’est toujours les jeunes qui sursautent. ix.C’est la volonté de Ralakamisy de se marier avec un Ambaniandro. x.Semblable à un fusil anglais, le coup de feu de la mère ressemble à celui de la fille xi.Comme la mère pou, c’est la femelle qui est devenue célèbre. xii.Une belle ayant le nez aplati, c’est un mal infime qui lui fait défaut. xiii.Les bœufs qui dorment ensemble ne se lèvent pas en même temps. Ceux qui s’unissent ressemblent à une pierre, ceux qui se séparent ressemblent au sable. 345 346 Une chouette qui a enfanté un oiseau bleu. Comme les yeux de la tresseuse, ils regardent de deux côtés à la fois. 346 347 TRADUCTION AMBOHIBEHIVAVY TROISIEME PARTIE Premier acte (…) Rasoa: -“Je répète: Nous sommes des soldats ! Militantes ! Des militaires ! Mille femmes qui ne meurent pas en une nuit ! Nous traversons le désert, si bien que nous soyons des sœurs qui ont confiance en l’une et l’autre, quoiqu’il arrive. Que sera sera ! Je le rendrai malade !... -(elles se succèdent à prendre la parole, suivi de cris) : -Nous pouvons le faire ! Nos cheveux sont crépus ! Nous réussirons ! Au revoir Ibalita ! (le vacarme et la danse continuent à s’intensifier, suivis de cris...) Ambohibehivavy ne plaisante pas ! 347 348 TRADUCTION Huitième acte (…) Une autre femme : - Tout ça n’est qu’idées de femmes; attendez un peu, attention !... : idées superficielles! D’une langue pendue et d’une voix criarde ; une voix restée au fond de la gorge : ni écho, ni resonnance. Un vrai discours d’une voix fluette, que même si on rugit, cela ne surprit personne, cela ne porte pas loin. Arrêtez, disje ! Une femme :- Justement, nous dénigrons souvent nous-mêmes, comme une vache maigre. Nous couvrons tout simplement les idées nouvelles qui nous permettent de progresser, sans donner la peine de les valoriser. Ni parfum, ni ar ome, puisque ce « n’est qu’idées de femmes ». Légères, frivoles, insensées, comme l’eau qu’on déverse sur le dos du canard, comme une poignée de sel jetée dans le fleuve. C’est tout à fait le discours d’une voix fluette, il n’y aura pas d’écho jusqu’aux oreilles des connaisseurs, même avec des cris perçants. Deux femmes, très pressées : – Alors ? C’est comment ? Ce n’est qu’une discussion sans fin ! Soit nous progressons et nous vaincrons, soit il y aura un carnage. Alors ? 348 349 TRADUCTION Neuvième acte (...) Une femme :- Est-ce vrai ou non ? Est-ce que vous vous moquez seulement de nous : Vous voulez seulement nous amadouer pour des raisons inconcevables. Ratalata : -Si ! C’est vrai, mesdames. Réellement, arrêtez. Donc, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, ou samedi, n’importe quel jour : il faut faire des efforts pour respecter le droit de la femme, source originelle. Printemps, hiver, été, il faut faire un effort ! Et comme preuve, j’ai emmené une lettre du ... Femme : - Du pouvoir central ? Ratalata : - Oui, cherchez dans mon sac ! (quelqu’un cherche et voit la lettre...) Une femme : - Mais aucune d’entre nous ne sait lire, pour déchiffrer le contenu ! Ou bien, est-ce que parmi vous, il y en a qui arrive même un petit peu ? Tout le monde nie : - ... A cause de l’inégalité par rapport aux hommes ! Quand vous savez écrire votre nom ou signer, c’est « ouste «, on ne vous permet pas de continuer les études. Si bien que ce que l’on ait appris, on l’oublie ! A cause du « parti » ! (ce qu’il veut dire : c’est « la partialité ») – (quelqu’un murmure pour lui souffler la vérité). – Oui, à cause de la partialité, même si on est à la fois enfants de même père et mère : on permet au garçon de continuer, alors que la fille s’arrête, rejetée. Ratalata : - Quelqu’un sait lire donc parmi eux ? (s’adressant aux hommes qui sont liés). – Montrez- la leur pour être lue ! – Déliez les liens ! (on délie un des hommes, on l’aide à se tenir debout et on lui donne la lettre) L’homme libéré lit à haute voix : Mesdames d’Ambohibehivavy ! Arrêtez maintenant, mesdames, de dompter les hommes d’ Amoronala et ses environs. Nous vous supplions, nous nous repentons pour eux, nous qui signons en bas. Ils vous donneront leur promesse, ils changeront complètement les mauvaises 349 350 manières dont ils vous ont conduites. Ne plus continuer à suivre bêtement les coutumes vieillottes et dépassées par les événements ... Les événements mondiaux progressent. Ils vous respecteront entièrement. Ils vous aimeront désormais, mais plus comme auparavant ! Comme preuve, que chacun de nous donne son nom, son adresse, sa signature et porte garantie des autres. Nous promettons aussi que nous dirigerons les inconscients de toutes nos forces pour atteindre les objectifs sociaux et nationaux. Certainement, c’est pour donner droit et vertu aux femmes parmi les vivants, puisque vous, les Femmes, vous êtes la source originelle. 350 351 TRADUCTION Journée internationale de la femme Thème : femme partenaire à part entière du développement de la région. Premièrement, je suis heureuse de vous saluer tous en cette date importante du 8 Mars, réservée pour la journée internationale de la femme. Ainsi, nous consacrons ce moment pour se tourner entièrement vers nous les femmes, étudier de près ce qui nous concerne, évaluer les efforts que nous avons effectués ; que tout cela nous réconforte dans la lutte que nous menons chaque jour pour affronter la vie. Nous remercions aussi les autorités administratives, puisque nous célébrons aussi cette date. Voyons de près ce thème, que nous portons haut comme un drapeau qui flotte durant la célébration du 8 Mars. EVOLUTION DE LA CONSIDERATION DE LA FEMME. • la considération de la femme dans le passé. On considérait la femme à travers les stéréotypes que la société utilise. Les plus usités sont : Fanaka malemy, meubles fragiles : les meubles sont des objets fragiles, sans vie, comme les chaises, les tables. Machine à engendrer des postérités, sans idées, elle est faite pour servir ; cette considération est très terre à terre. Fragile : pour renforcer la non considération de la femme, car elle n’a pas la force de combattre, on peut en abuser ; vaincue, elle n’a pas le droit de parler. Elle fait partie de la classe des enfants. Elle est battue dès qu’elle ose élever la voix ; on dit qu’elle se prend pour un sage. C’est l’individu que la société n’a pas beaucoup souhaité, comme ce proverbe le montre : « ayant souhaité un enfant, on a eu un fils ». On n’a donc pas attendu la venue de la femme sur cette terre. • la considération actuelle. Vu les situations politiques et économiques, dûes à la deuxième guerre mondiale, un vent a soufflé de l’extérieur et est arrivé à Madagascar. La femme a dû prendre des responsabilités. C’est grâce à cela qu’elle a compris l’injustice 351 352 qu’on lui a infligée. On compare le foyer à un bateau : il faut que la femme prenne les rames pour que le bateau arrive à destination. En outre, celui ou celle qui rame doit être libre de toute entrave, soit son esprit, soit ses mains. Résultat : le bateau ne coule pas, il arrive à bon port. Des termes qui désignent la femme renforcent ces idées. Dans la Bible, Eve signifie « la vie ». - aide convenable : l’homme ne peut se suffire à lui seul, il a besoin d’aide, une aide efficiente, à sa mesure et qui le complète. - os costal : elle a été créée à partir de l’os costal de l’homme. Il est donc clair qu’elle n’est pas faible, car elle a la force d’affronter la vie (éduquer, résoudre des problèmes, enfanter) - Elle est un balancier. Les pirogues vezo ont des balanciers pour les stabiliser et éviter le naufrage. Certainement, les femmes ressemblent aux balanciers pour son foyer. C’est elle qui coordonne la vie familiale et y assure l’équilibre. - Elle prend le rôle d’avocat : elle intercède entre les enfants et le mari ou entre le père et les enfants. - Elle éduque. - Elle est médecin : c’est elle qui ressent en premier ce qui ne va pas et elle soigne. - Elle est conseillère auprès du mari et des enfants. Elle joue un rôle apaisant : si les vents et les marées montent, c’est elle qui rassure tout le monde. Résultat : la vie familiale reprend son cours normal. - Femme de valeur. Son tempérament et ses sentiments pleins d’amour se reflètent à l’extérieur, si bien qu’ elle assume correctement la responsabilité qu’elle détient,. Son mari est fier d’elle et dit : « c’est ma femme ! ». Ses enfants sont heureux et s’exclament : « c’est maman ! » ; ses frères l’admirent et avouent : « c’est notre sœur ! ». Elle donne de la valeur à sa famille. Elle apporte du progrès à son pays et à la société. Donc, soyez heureuses et ayez confiance. Avancez, n’ayez pas peur, prenez les rames, multipliez vos capacités ; vous êtes fortes, nous sommes fortes, selon nos tempéraments et nos caractères. 352 353 La faiblesse physique ? C’est justement notre force, puisque voici ce que l’Ecriture sainte dit : « Ma force s’accomplit par la faiblesse ». Si vous arrivez à gérer cette faiblesse, cela deviendra une force inestimable pour vous : devenir aimable, savoir parler avec tendresse lorsque vous donnez des conseils ; parler avec modération lorsque vous discutez ; s’adresser avec gentillesse quand vous effectuez vos occupations à l’extérieur de votre foyer. Mais attention, panneaux de signalisation : Satan est notre ennemi de toujours. Il n’aime pas que notre foyer vive en paix, que la société réussisse et que la nation progresse. En conséquence, nombreuses sont les femmes piégées et les voilà qui creusent le trou pour enterrer leur progéniture et prennent le marteau pour démolir leur foyer. Les locutions suivantes le disent : - « une femme qui caquette » : en tant que commère, elle utilise tout pour assujettir son mari ; - « mère prostituée, enfants chétifs » : femme folâtre, libertine qui ne pense pas à économiser mais à dépenser pour la mode ; - « femme autoritaire » : qui oublie sa responsabilité en tant que femme et mère ; et la voilà qui vend ses enfants pour trouver de l’argent. Le foyer tombe en ruine, les enfants sont misérables, la nation régresse. Ce n’est plus la femme responsable du développement. Toutes ses occupations au foyer sont négligées et mal faites. Donc, le bateau coule. Chères femmes, arrêtez un instant, réfléchissez et méditez. Conclusion : Soyez des « meubles » valeureux et luxueux qui donnent la vie. Soyons des « climatiseurs » pour donner, d’une part, de la fraîcheur, quand l’air de la cherté de la vie s’élève et que la difficulté ne permet plus de souffler ; et d’autre part, de la chaleur, quand le vent de la haine et de la guerre gèle et engourdit. A ce moment-là, notre foyer donne envie de rentrer quand on est loin ; il donne envie d’y rester quand on est chez soi. 353