1 PAROISSE PROTESTANTE DE SION Dimanche des Rameaux 20

Transcription

1 PAROISSE PROTESTANTE DE SION Dimanche des Rameaux 20
Eglise Réformée Evangélique du Valais - EREV
PAROISSE PROTESTANTE DE SION
pasteur François SCHLAEPPI
Dimanche des Rameaux 20 mars 2016
SI MES DISCIPLES SE TAISENT, LES PIERRES CRIERONT
1ère lecture : Zacharie 9 : 9-10
Danse de toutes tes forces, ville de Sion ! Oui, pousse des cris de joie, Jérusalem ! Regarde ! Ton roi vient vers toi. Il est
juste, victorieux et humble. Il est monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse.
À Éfraïm, il supprimera les chars de guerre, et à Jérusalem, il supprimera les chevaux. Il cassera les arcs de combat. Il
établira la paix parmi les peuples. Il sera le maître de la mer Morte à la mer Méditerranée, et du fleuve Euphrate à l’autre
bout du pays.
2ème lecture : Philippiens 2 : 5-11
Entre vous, conduisez-vous comme des gens unis au Christ Jésus.
Lui, il est l’égal de Dieu, parce qu’il est Dieu depuis toujours. Pourtant, cette égalité, il n’a pas cherché à la garder à tout
prix pour lui. Mais tout ce qu’il avait, il l’a laissé. Il s’est fait serviteur, il est devenu comme les hommes, et tous voyaient
que c’était bien un homme.
Il s’est fait plus petit encore : il a obéi jusqu’à la mort, et il est mort sur une croix ! C’est pourquoi Dieu l’a placé très haut
et il lui a donné le nom qui est au-dessus de tous les autres noms.
Alors tous ceux qui sont dans le ciel, sur la terre et chez les morts tomberont à genoux quand ils entendront le nom de
Jésus. Et tous reconnaîtront ceci : Jésus-Christ est le Seigneur, pour la gloire de Dieu le Père.
3ème lecture : Luc 19 : 29-40
Jésus arrive près de Bethfagé et de Béthanie, vers la colline appelée mont des Oliviers. Il envoie deux disciples en leur
disant :
Allez dans le village qui est devant vous. Quand vous serez entrés, vous trouverez un petit âne attaché.
Personne ne s’est jamais assis sur lui. Détachez-le et amenez-le ici.
Quelqu’un va peut-être vous demander : Pourquoi est-ce que vous détachez cet âne ?
Vous répondrez : Le Seigneur en a besoin.
Les deux disciples partent et ils trouvent les choses comme Jésus leur a dit. Ils détachent le petit âne, et les propriétaires
de l’animal demandent :
Pourquoi est-ce que vous détachez ce petit âne ?
Les disciples répondent :
Le Seigneur en a besoin.
Ils amènent l’âne près de Jésus, ils mettent des vêtements sur l’âne, et ils font monter Jésus dessus. Jésus avance, et
les gens étendent des vêtements sur la route devant lui.
Jésus arrive sur le chemin qui descend du mont des Oliviers. Alors toute la foule des disciples est pleine de joie. Et ils se
mettent à chanter la bonté de Dieu d’une voix forte. Oui, ils ont vu Jésus faire des choses extraordinaires ! Ils disent :
Que Dieu bénisse le roi qui vient en son nom ! Paix dans le ciel et gloire à Dieu au plus haut des cieux !
Quelques Pharisiens sont dans la foule. Ils disent à Jésus :
Maître, fais taire tes disciples !
Jésus répond :
Je vous le dis : si eux se taisent, les pierres crieront !
PREDICATION
Le 8 décembre 1987, un camion israélien écrase une
voiture palestinienne tuant quatre passagers. La radio
diffuse la nouvelle sans insister car il s'agit d'un
accident. Une rumeur fait surface selon laquelle il s'agit
d'un acte de vengeance commis par un parent d’un
Israélien poignardé deux jours plus tôt. Les Palestiniens
y voient un accident provoqué intentionnellement et un
meurtre prémédité. Le lendemain, pendant les
funérailles des victimes, la foule s'en prend à une
position militaire de l’armée israélienne au camp de
réfugiés de Jabaliya en lançant des pierres. Des coups
de feu sont tirés par les soldats, mais cela n'a aucun
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effet sur la foule. Des renforts sont appelés, mais ceux-ci se retrouvent sous un déluge de pierres et
de cocktails Molotov. Cet événement est considéré comme le début de la première Intifada.
Intifada, un mot arabe signifiant soulèvement. Et cette première Intifada a eu pour « surnom » guerre
des pierres. Si mes disciples se taisent, les pierres, elles, crieront !
Si je vous parle aujourd’hui de cette Intifada, ce n’est pas pour refaire ni pour juger l’histoire, mais
c’est bien parce que ce mouvement de soulèvement s’est justement traduit par une violence, par un
fait de guerre où les pierres ont parlé et même crié. Et lorsque les pierres se mettent à crier, ça fait
mal, forcément. Et en plus, cette Intifada a eu lieu à l’endroit même où Jésus a prononcé cette parole
prophétique : Si mes disciples se taisent, les pierres, elles, crieront !
Et il n’a pas fallu attendre ce mois de décembre 1987 pour que les pierres de Jérusalem se mettent à
crier. Souvenez-vous d’un autre épisode biblique, des personnes s’émerveillant de la beauté du
temple et de la solidité de sa construction ; le Christ a été clair : Les jours viendront où, de ce que
vous voyez, il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée (Lc 21 :6). Les pierres du temple,
effectivement, tomberont sous les assauts des légions romaines en l’an 70.
Et ça ne sera qu’un épisode parmi tant d’autres. Combien de constructions encore plus magnifiques
que le Temple, mais au final, combien de ruines ? Tout au long de l’histoire, les pierres ont crié dans
cette région, et les hommes et les femmes et les enfants aussi ont crié, ensevelis par ces pierres. Et
dire qu’une certaine étymologie fait de Jérusalem la Cité de la paix.
Si mes disciples se taisent, les pierres, elles, crieront ! Resituons tout cela dans son contexte ! C’est
assez simple.
Jésus et ses disciples se rendent à Jérusalem, montant de la ville de Jéricho. Là, il a guéri un
aveugle et il s’est invité chez Zachée, le collecteur des taxes. En conclusion de la discussion que
Jésus a avec Zachée, il raconte une parabole, l’histoire d’un homme de haute naissance qui va se
faire sacrer roi dans un pays étranger ; durant son absence, il confie la gestion de ses biens à ses
esclaves et au retour, il leur demande des comptes ; certains ont fait fructifier la fortune du maître
alors que l’un d’entre eux s’est contenté de conserver tel quel le capital qui lui avait été confié,
invoquant en guise de justification la dureté et la sévérité du maître.
Une histoire, donc, où il est question d’un maître qui s’absente, qui confie ses affaires à ses
serviteurs et qui ensuite leur demande des comptes… cela doit tout de même nous faire dresser
l’oreille. En plus, cette parabole est précédée de cette brève introduction : Il ajouta une parabole,
parce qu’il était près de Jérusalem et qu’ils imaginaient que le règne de Dieu allait se manifester à
l’instant même… (Lc 19 :11).
On sent que quelque chose de déterminant est en train de se nouer. Il y a cette montée à Jérusalem,
une montée qui n’est pas qu’une question d’altitude, mais aussi une question d’intensité, de tension.
Ce n’est pas anodin de monter à Jérusalem : c’est la capitale et c’est surtout le centre de la vie
religieuse, c’est là que bat le cœur du judaïsme ; monter à Jérusalem, c’est bel et bien se rapprocher
de Dieu. En plus, la Pâque approche, ce temps fort annuel où la foi juive se fait plus intense.
Ils imaginaient que le règne de Dieu allait se manifester. Qu’imaginaient-ils au juste ? Et qui étaientils ces ils ? Certes, le règne de Dieu allait se manifester, mais pas selon l’imagination ! Et cette
entrée dans Jérusalem, c’est déjà une manifestation du Royaume, première étape, premier épisode,
premier chapitre de ce qui va se réaliser pleinement une semaine plus tard, au matin de Pâques.
Quand on connaît la suite et le dénouement de l’histoire - et c’est notre cas - cette entrée dans la ville
sous les acclamations de la foule a quand même quelque chose de surprenant. Dernière
manifestation de liesse et de soutien envers Jésus avant que la foule retourne sa veste du tout au
tout. Et puis, quelle part de spontanéité dans ces acclamations, et quelle véritable compréhension
chez cette multitude de disciples ? Oui, multitude, foule… ce ne sont pas seulement les Douze qui
entourent le Maître ; nous avons vraiment affaire à un vaste élan populaire.
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Jésus est juché sur un ânon, monture assez dérisoire. On déroule devant lui un tapis rouge, mais ce
ne sont que des vêtements jetés sur le chemin, ou alors des rameaux. L’acclamation, elle, est plus
« structurée », elle a un aspect liturgique, c’est la citation du psaume 118 (v. 26) : Béni soit celui qui
vient au nom du Seigneur !, avec la précision que c’est d’un roi qu’il s’agit. La paix est invoquée dans
le ciel et la gloire dans les lieux très hauts ; voilà qui fait écho au chant des anges dans la nuit de
Noël. C’est comme si la boucle était bouclée.
L’évangéliste nous précise encore que c’est en raison de tous les miracles auxquels ils ont assisté
que tous ces disciples - en langage contemporain on pourrait parler de fans - se mettent à faire fête à
Jésus. Des miracles qui, chacun à sa manière, sont venus dire la proximité du Royaume de Dieu.
Et là au milieu, presque inévitablement, quelques rabat-joie, osons le dire, des pisse-vinaigre : les
pharisiens de service : Maître, fais taire tes disciples !
Ces manifestations de joie, ces acclamations, cet élan de soutien et de reconnaissance à l’égard de
Jésus, tout cela a un côté incorrect aux yeux des pharisiens, politiquement et religieusement
incorrect : le roi s’appelle Hérode et il n’est pas envisageable qu’un obscur prédicateur itinérant venu
de Galilée puisse accéder à une telle dignité. Maître, fais taire tes disciples ! - Si mes disciples se
taisent, les pierres, elles, crieront !
Et donc les pierres ont crié et elles continuent de crier. Qu’est-ce à dire ? Les disciples se seraient-ils
tus pour que les pierres aient dû, elles, s’exprimer ?
Certes, les disciples, à un moment donné, se sont tus ; on va le voir dans la suite de notre semaine
sainte. Cinq jours plus tard, lorsque Jésus priera dans la nuit, demandant au Père de lui épargner
l’épreuve de la mort, eh bien non seulement les disciples se tairont, mais en plus, ils roupilleront. Et
le vendredi, effectivement Pierre parlera, mais ce sera pour renier son maître.
Mais les disciples sauront aussi parler, et parler en bonne part. A la Pentecôte, ils témoigneront de
leur foi, et cela de manière très courageuse. Et tout au long des siècles, des hommes, des femmes,
des enfants continueront de se lever pour dire haut et fort leur foi, parfois même au risque de leur vie.
Aujourd’hui encore des chrétiens rendent témoignage au Christ, cherchant à parler plus fort que les
pierres.
Face à tant de violence, face à tant d’horreurs - parce que ce ne sont non seulement les pierres qui
parlent, mais les armes aussi ; la pierre n’est peut-être que l’arme du pauvre - face à cette histoire
qui ne cesse de se répéter, les légions romaines, les Croisades, l’Intifada, DAECH, nous pourrions
nous laisser gagner par le découragement ou, pire, nous laisser convaincre par les pharisiens de
toujours et nous contenter de nous taire.
Il faut continuer à parler, il faut continuer à dire que nous croyons en l’espérance, que nous croyons
que les miracles sont possibles, que nous croyons que les pierres n’auront pas le dernier mot, du
moins pas le mot de la guerre. Chaque fois que nous misons sur la parole, que nous misons sur
l’ouverture, sur le dépassement des crispations, eh bien nous disons que le Royaume des cieux est
proche et que les pierres peuvent aussi servir à construire des ponts, à construire des routes de
rencontre, à construire maisons accueillantes et pourquoi pas des églises ouvertes et lumineuses.
Amen.
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