PROGRAMME détaillé 20161204
Transcription
PROGRAMME détaillé 20161204
BRÉSIL POPULAIRE, BRÉSIL SACRÉ ORCHESTRE LAMOUREUX Dimanche 4 décembre 2016 à 17h00 Théâtre des Champs-Elysées PROGRAMME Bruno Procopio, direction Saudades do Brasil op.67 (extraits) Darius Milhaud (1892-1974) _ Ouverture _ Corcovado _ Tijuca _ Paineras _ Laranjeiras Darius Milhaud est un homme à l’appétit insatiable de vivre et de composer. On lui reprochera d’ailleurs son éclectisme, on le dira incapable d’épouser un genre en particulier. Il puisera l’inspiration dans ses origines juives, la musique populaire brésilienne, le jazz américain mais aussi Bizet et Berlioz. Il y a derrière cette soif d’expérimenter, une envie plus viscérale d’essayer, sans peur de l’échec. Pourquoi faut-il choisir lorsqu’on peut tout essayer ? Sa musique, soumise à l’impulsivité de la composition, imite les sursauts de la vie. 1917-1918. Darius Milhaud accompagne Paul Claudel, ambassadeur de France au Brésil en qualité de secrétaire. La découverte de l’art musical populaire brésilien est un envoûtement qui marquera de manière indélébile la carrière du compositeur. Il compose ses Saudades do Brasil (« Souvenirs nostalgiques du Brésil ») à son retour en France, de 1920 à 1921. Cette suite de danses forme un regard, celui d’un compositeur âgé de vingt-cinq ans, qui dresse l’inventaire sensible de l’identité d’une ville et effleure pour la première fois, la musique traditionnelle brésilienne comme une parole naturelle dont il veut conserver l’essence. Cette suite de douze danses à l’écriture polytonale et contrapuntique reprend des rythmes de danses brésiliennes comme la samba ou encore la maxixe. Milhaud s’attèlera à une version piano avant de composer sa version pour orchestre. Il faut voir un quartier de Rio ou une ville brésilienne dans chacune de ces danses, où chaque note devient un pas foulant le sol brésilien. Darius Milhaud dira en 1923, qu’il voulait « que ces compositions soient vues non pas comme des reproductions de véritables danses mais comme une musique inspirée par les rythmes de la danse du Brésil ». Bachianas Brasileiras n°5 pour soprano et huit violoncelles Heitor Villa-Lobos (1887-1959) Eugénie Lefebvre, soprano 1. Ària (Cantilena) 2. Dança ( Martelo) La musique de Villa-Lobos est une passerelle entre le populaire et le savant, entre les œuvres européennes et un héritage populaire brésilien. A quatorze ans, il devient guitariste dans un groupe de musiciens guidés par l’improvisation de la rue. A dix-huit ans, il part explorer le Brésil et sa musique populaire. Il y trouvera d’incroyables richesses qui deviendront matière à création. A vingt ans, sa quête ethnomusicologique le conduit à sillonner les villages ; il gagnera sa vie au rythme de petits concerts. Son inspiration prend la teinte des musiques folkloriques qu’il récolte sur son chemin ; son « premier traité d’harmonie fut la carte du Brésil ». À ses découvertes, se mêlera son admiration pour de grands compositeurs européens comme Debussy, Wagner et Puccini. Dans les neuf suites composant ses Bachianas Brasileiras, Villa-Lobos associe avec subtilité des thèmes populaires brésiliens aux formes et techniques héritées de son prédécesseur baroque, Jean-Sébastien Bach. Ce dernier attisera tout au long de sa vie un certain goût du lyrisme que le compositeur brésilien accordera à l’identité de son pays natal. Cette cinquième Bachianas pour soprano et huit violoncelles est la plus connue de la série de Villa-Lobos. Son premier mouvement sera écrit en 1938 ; le deuxième, complètera le premier en 1945. La voix de la soprano s’élance comme on voudrait atteindre l’inaccessible. L’élan irrépressible de l’Ària créé des envolées où l’on retrouve l’influence d’un Bach tant admiré. Ce premier mouvement reprend le poème du parolier brésilien, Ruth V. Corrêa, dans lequel il rend hommage à la beauté d’un ciel nocturne. Puis, la Dança résonne sur des rythmes plus rapides, caractéristiques de l’embolada, une forme de musique traditionnelle du nord-est du Brésil. La soliste chante ensuite le poème de Manuel Bandeira, poète et écrivain brésilien, dans lequel le « chant [d’un oiseau] vient des profondeurs de la forêt, comme une brise adoucissant mon cœur ». Avec un peu d’imagination, la salle se transforme naturellement en forêt luxuriante où il est agréable de se frayer un chemin à travers les notes. Ce deuxième mouvement s’achève sur la reprise du thème initial de l’ Ària, à la manière d’une comptine que l’on fredonne pour se persuader que le souvenir d’une envolée ne se fane jamais. Garota de Ipanema (The Girl from Ipanema) Antônio Carlos Jobim (1927-1994) Paroles de Vinícius de Moraes (1913-1980) Avec les élèves de CM2 des écoles parisiennes Saint Merri Renard (4e) et Brancion (15e) 1962, Rio de Janeiro, dans un bar de Copacabana. La bossa nova ignore encore qu’elle s’apprête à accueillir un tube planétaire qui deviendra l’un de ses piliers. Antônio Carlos Jobim (Tom) et Vinícius de Moraes accompagnés de Joaõ Gilberto jouent publiquement Garota de Ipanema pour la première fois., Menina que pasa (de son nom d’origine), qui signifie « La fille qui passe », est rapidement adoptée par le grand public. Inspirée par une jeune femme dont la démarche sur la plage fait chavirer deux musiciens accoudés au bar du Veloso, Garota de Ipanema deviendra une ode envoûtante à cette inconnue. Au Brésil, des années 30 aux années 50 environ, la musique aborde des thèmes reflétant la dure qualité de vie de son peuple. Elle s’écoute souvent confinée dans des cabarets ou des boîtes de nuit. Certains compositeurs chercheront à tendre vers une modernité plus éclairée, moins sombre. Jobim jouera un rôle important à partir de la fin des années 50, en réconciliant la musique populaire et la musique savante de la première moitié du XXe siècle. Il est habité par le romantisme de la bossa nova ; sa modernité résidera dans la création d’un équilibre entre la base harmonique et le développement mélodique, auquel il associera un réseau complexe de relations et contrepoints aussi bien harmoniques, mélodiques que rythmiques. La musique jobinienne croise rythmes brésiliens, influences jazzistiques nord-américaines et l’inspiration de compositeurs européens comme Debussy. A la fin des années 50, début des années 60, elle deviendra sublimation de l’atmosphère citadine des beaux quartiers de Rio, alors emprunts d’une bohème permettant la rêverie. Garota de Ipanema, devenu un standard enivrant de la bossa nova, a fait l’objet d’innombrables adaptations parmi lesquelles le duo composé de Joaõ Gilberto et Stan Getz en 1964, dont la version est aujourd’hui encore, la plus célèbre et la plus reprise. On peut également citer Frank Sinatra en 1967 ou encore Amy Winehouse en 2011. L’inconnue d’Ipanema est devenue un succès intemporel et sans barrière que l’on s’offre en héritage. Missa Solemnis Pro Die Acclamationis Johannis VI (Rio de Janeiro, 3 avril de 1817) Sigismund Neukomm (1778-1858) Eugénie Lefebvre, soprano Fiona McGown, soprano Sacha Hatala, mezzo-soprano Mathias Vidal, ténor Arnaud Richard, baryton-basse Chœur philharmonique du COGE – Frédéric Pineau, direction Nous poussons ici une porte secrète, celle d’un Brésil sacré dont la cour rend hommage à un roi Portugais adoptif, ayant frôlé la condition d’orphelin de sol. Une dimension solennelle, presque céleste, se dessine. 1818, Rio de Janeiro. La ville est prête à reconnaître formellement l’accession de Dom Joaõ VI au trône du Portugal et du Brésil, lors de la cérémonie d’Acclamation, offrant ainsi une confirmation symbolique du pouvoir de la couronne portugaise. Pour l’occasion, on prévoit de jouer la messe de Neukomm, composée un an plus tôt en l’honneur du roi. Le projet sera finalement avorté. Le Brésil est à l’époque une source de mystère et de fantasme éloignée de l’Europe. Le déménagement de la Cour portugaise au Brésil en 1808 est la seule opportunité de l’histoire où la distance polie entre la métropole et les colonies se rompt. Ce voyage brise enfin la délicate membrane qui séparait le centre de l’empire de sa périphérie. Quand les membres de la royauté débarquent en Amérique, ils se présentent devant leurs vassaux coloniaux non comme des seigneurs féodaux mais comme des émigrés demandant secours. Les deux peuples accuseront alors un choc réciproque où l’exil provoque un déracinement et une prise de conscience des effets de la politique portugaise face au grand marché d’esclaves d’Amérique. Le domaine des arts et son évolution seront aussi particulièrement touchés par cette installation et par les missions artistiques ou scientifiques menées. Notre concert célèbre le bicentenaire de la mission artistique française de 1816 au Brésil, pour l’instauration d’écoles des beaux-arts dans cette région du monde. Eduqué très tôt à la musique, élève de Joseph Haydn - après avoir été celui de Michael, son frère - et voisin de Mozart à Salzbourg, la trajectoire du destin de Sigismund Neukomm paraît sensiblement prévisible. Il dira lui même dans des fragments d’autobiographie que ses “dispositions étaient précoces ; elles se développèrent rapidement”. Le 2 avril 1816, il embarque à Brest, à bord de l’Hermione en partance pour le Brésil. Il accompagne le duc du Luxembourg, chargé de rétablir les relations diplomatiques entre la France et le Portugal, fortement mises à mal au cours de l’époque napolénienne, obligeant la cour de Lisbonne à émigrer au Brésil. Il arrivera dans la baie de Rio le 31 mai 1816. Neukomm passera cinq ans au Brésil, jusqu’en1821. Il fuira les mouvements révolutionnaires brésiliens, tout comme le roi Portugais, un an avant l’indépendance du Brésil, proclamée en 1822. Ces cinq années constituent une période remarquable du travail du compositeur. C’est à Rio qu’il créera la moitié de son œuvre pour clavier ainsi que les premières pièces de musique savante inspirées de thèmes brésiliens. C’est à lui qu’est due l’une des premières, sinon la première symphonie composée au Brésil. Sources bibliographiques D’après : - Luciane Beduschi, septembre 2008 (partie historique sur le déménagement de la cour portugaise basée sur l’ouvrage de Patrick Wilcken, Empire Adrift, Lodon : Bloomsbury, 2005) - Luciane Beduschi, Tempus Perfectum « Le séjour de Sigismund Neukomm au Brésil », n° 2, février 2007 - Esquisse autobiographique de Sigismund Neukomm, communiquée par son frère Antoine à la rédaction de « La Maîtrise », journal de musique religieuse dirigé par J. d’Ortigue ; publiée dans les numéros du 5 nov. et 15 déc. 1858 et 5 mars 1859 (conservé à la BNF site Tolbiac) - www.musicologie.org - Guide de la musique symphonique, sous la dir. De François-René Tranchefort, Collection Les indispensables de la Musique aux éditions Fayard, 1986