Coûts de l`urbanisation pour les collectivités locales

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Coûts de l`urbanisation pour les collectivités locales
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Synthèse du Colloque MORECO
du 26 juin 2012
« L’impact des choix résidentiels et des mobilités pendulaires sur les
Coûts de l’urbanisation
pour les collectivités locales »
Colloque organisé et accueilli par la Région Rhône-Alpes
avec l’appui du réseau des Agences d’urbanisme UrbaCube
« La préoccupation majeure est de préserver les Alpes. »
« Pour construire l’Europe, il faut dépasser les frontières et faire du transfrontalier, du transnational. »
Bernard Soulage , Vice-président délégué à l’Europe et aux Relations Internationales, Région Rhône-Alpes
« L’étalement urbain concerne le logement, mais aussi les activités économiques. »
Jean-Louis Hélary, Directeur du CERTU
« Les coûts de l’habitat en centre sont plus forts qu’en banlieue en raison des coûts liés aux besoins d’équipements des villes. »
Alberto Grandi, élu de la Province de Mantova (Italie)
« L’arc alpin est une des régions les plus riches d’Europe, il faut faire durer et perdurer cet atout. »
Nicolas Evrard, Secrétaire général de l’Association des élus de Montagne
« Le « Finger Plan » de Copenhague est un plan de développement urbain intégrant transport, urbanisme et zones récréatives. »
Niels Ostergaard, ancien Directeur du service aménagement du territoire du Ministère de l’environnement danois
« Les zones de régénérations urbaines autour de nouvelles stations ferroviaires sont une nouvelle occasion de renforcer la
présence de fonctions résidentielles dans les centres urbains et de lutter contre l'étalement urbain. »
Giancarlo Leoni, Directeur de l’aménagement du territoire de la Province de Mantova (Italie)
« Les enjeux dans l’aménagement des « quartier gares » sont de densifier et soutenir la mixité fonctionnelle afin de favoriser les
déplacements courts et non motorisés ».
Thomas Prinz, Docteur au Centre de Recherche en nouvelles technologies ISPACE Studio (Autriche)
« Un modèle, c'est comme conduire une voiture en ne regardant que dans le rétroviseur. »
Bruno Faivre d’Arcier citant Alain Bonnafous, Docteur en Sciences Economiques et Professeur en aménagement de l'espace et
urbanisme à la Faculté de Sciences Economiques et de Gestion, Lyon 2, et membre du LET
Partners
Salzburg Institute for Regional Planning and Housing
Research Studio iSPACE
Munich - Department of Urban Planning
Institute for Mobility & Transport, TU Kaiserslautern
Urban Planning Institute of the Republic of Slovenia
Region Rhône-Alpes - Planning Department
Province of Mantua - Territorial Planning Department
Province of Belluno – Territorial Planning Department
Union of Mountain Municipalities of Piedmont Region
PACTE - University Joseph Fourier Grenoble
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Le programme INTERREG Espace Alpin et le projet MORECO
Les différents intervenants :
Emmanuelle Kerloc’h, point de contact national Espace Alpin
Daniela Bishof, chef de file autrichienne du projet
Co-financeur du projet MORECO, le programme Espace Alpin s’inscrit dans l’objectif de coopération territoriale de la
politique de cohésion européenne. Favorisant les échanges d’expériences et de bonnes pratiques sur un espace
regroupant plus de sept régions européennes, il favorise l’émergence de projets dont les axes de travail se
concentrent autour de trois priorités : la compétitivité et l’attractivité des territoires, l’accessibilité et la connectivité des
territoires, et la prévention des risques naturels. Pour plus d’informations sur le programme : www.alpine-space.eu.
Le projet MORECO a été sélectionné lors du troisième appel à projet en juillet 2011. Il est piloté par l’Institut
d’urbanisme de Salzbourg (Autriche), et les partenaires sont situés en Allemagne, Slovénie, Italie et France. Côté
français, la Région Rhône-Alpes et le laboratoire PACTE – Territoires sont partenaires. La Région est également
responsable des activités relatives à la gouvernance et au lobbying politique pour l’ensemble du consortium européen.
Contexte : les aspirations résidentielles et les choix de modes de transports se prennent actuellement de manière
individuelle, et sans tenir compte des coûts induits. L’étalement urbain progressant chaque année davantage dans les
Alpes, et la faible accessibilité aux transports en commun du aux handicaps naturels rend la question des stratégies
résidentielles et des comportements de mobilité primordiale à traiter.
Le projet MORECO, axé sur la notion de « coûts », est né d’un premier constat : l’existence d’un lien étroit entre les
frais de mobilité et les frais résidentiels. De nombreuses personnes rêvent d’une maison indépendante avec jardin
tandis que d’autres sont attirées par les prix plus faibles des zones périurbaines. D’importants inconvénients sont liés à
ces choix : les ménages ne tiennent pas compte des effets de long terme tels que les coûts de la mobilité. Un
accès réduit aux transports en commun dans les Alpes oblige les individus à utiliser un véhicule motorisé personnel
qui engendre pollution, embouteillages et augmentation des coûts des infrastructures.
Objectifs : améliorer la prise de conscience de l’opinion publique des coûts de la mobilité, ainsi que leur lien avec la
localisation résidentielle, favoriser une mobilité durable et une meilleure intégration des questions de transports
dans la mise en œuvre des projets urbains.
Le projet MORECO a pour ambition de mobiliser les acteurs concernés par ces thématiques, qu’ils appartiennent à la
sphère publique et politique (au niveau local comme national), ou à des groupes privés (experts, promoteurs
immobilier, banques, constructeurs…). In fine, le projet leur mettra à disposition de nouveaux outils garantissant une
information fiable afin de soutenir et d’éclairer leurs prises de décisions en matière d’orientations d’urbanisme, de
gestion de projets, de construction de réseaux de transports, etc.…
Livrables : production d’un référentiel/simulateur de coûts liés à la mobilité pour le particulier et la collectivité,
promotion d’un urbanisme polycentrique par le biais de visuels cartographiques, promotion de politiques régionales
plus intégratrices de ces questions, renforcement de l’utilisation des infrastructures existantes, promotion de la
densification autour des axes de transports.
Pour aller plus loin : www.moreco-project.eu – Premiers résultats disponibles dans l’encadré 1
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Clef de lecture
La synthèse du colloque comprend deux niveaux de lecture : le texte principal qui a pour ambition de rapporter les éléments
forts de la journée et des renvois vers des encadrés qui proposent des compléments au discours général.
Matinée :
Contextualisation de la problématique et mise en perspective avec les enjeux européens, présentation d’un outil calculateur
des coûts de l’urbanisation pour les collectivités (en extension et en densification)
Après-midi :
4 ateliers thématiques concomitants, restitution des échanges et clôture politique de la journée
Au cours de la première partie du colloque, des discours politiques ont permis d’aborder de nombreuses thématiques
et de dresser les premiers constats. Ceux-ci se sont articulés autour de l’actualité de l’étalement urbain en France et
des problématiques liées à une mobilité durable, aux coûts de la densité et à la nécessité d’une ambition politique forte
aux niveaux nationaux et européens.
Différents intervenants se sont exprimés sur ces thématiques :
Bernard Soulage, Vice-président délégué à l’Europe et aux Relations Internationales de la Région RhôneAlpes, a ouvert le colloque. Il est également Président du GIE Objectif Transport Public, organisme créé par le
Groupement des Autorités Responsables de Transport et l’Union des Transports Publics et ferroviaires (GARTUTP). Ancien Premier vice-Président du Conseil Régional chargé des Transports, Déplacements et
Infrastructures, il apporte son soutien et son intérêt aux débats ouverts par le projet MORECO, et propose de le
situer dans la perspective d’une intégration à une « stratégie macro régionale alpine » à l’échelle européenne,
débouchant sur des phases opérationnelles.
Jean-Louis Hélary est directeur du CERTU, Centre d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et
les Constructions Publiques basé à Lyon. Rattaché au Ministère de l’Egalité des Territoires et du Logement et
au Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, le CERTU contribue, par ses activités de
statistiques, d’enquêtes, d’études, d’expertises, d’expérimentation et d’innovation technologique, de production
de logiciels, de publication d’ouvrages techniques et méthodologiques, de formation et d’information, au
progrès des connaissances et des savoir-faire et à leur diffusion.
Nicolas Evrard est Secrétaire Général de l’Association Européenne des Élus de Montagne. Celle-ci a pour
principal objectif de coordonner l’action des collectivités territoriales de montagne au niveau européen, de
promouvoir une politique globale de développement durable des régions de montagne en Europe en défendant
une reconnaissance juridique et politique de ces territoires spécifiques.
Andrea Stanghellini (Union des Municipalités de Moyenne Montagne turinoise) et Alberto Grandi
(Développement Durable et Tourisme, Province de Mantova) ont apporté des éclairages sur la situation de
l’étalement urbain et les questions de mobilité durable dans leurs régions italiennes respectives.
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Premier constat : le phénomène d’étalement urbain est continu en France depuis plusieurs
décennies. Une situation partagée par nos voisins européens.
Que l’on soit favorable ou non à l’étalement urbain, le constat est fait que depuis l’après-guerre, l’étalement urbain n’a
jamais été interrompu en France et reste une tendance actuelle. Si la question de l’étalement urbain est souvent
envisagée dans le cadre d’approches centrées sur l’habitat, la mobilité ou encore le foncier, il est important de veiller à
considérer le phénomène dans sa globalité. Cette articulation et la prise en compte des enjeux propres à chaque
domaine d’intervention à l’échelle d’un projet global sont une nécessité de premier ordre.
Le projet MORECO a justement pour ambition de rendre plus évidentes les relations entre les différentes acteurs
impliqués dans ces questions, qu’ils appartiennent à la sphère publique et politique (au niveau local comme national),
ou à des groupes privés (experts, promoteurs immobilier, banques, constructeurs…).
Le problème posé par la périurbanisation n’est pas tant l’étalement urbain et le caractère insoutenable de la « ville »
qu’il fait advenir ; c’est l’absence, ou la grande faiblesse, du projet territorial qui la déploie et la gouverne ici et là, ou,
dit autrement, la défaite du politique qu’elle sous-entend. En se basant sur cette conviction, ce sont cinq scénarios
exploratoires qui ont été élaborés par un groupe d’experts et d’acteurs territoriaux réunis sous l’égide de la DATAR
depuis 2007 (voir Encadré n°2).
Le nord de l’Italie est également caractérisé par un phénomène ancien de « ville diffuse », lié à l’éparpillement de
l’habitat et des activités. La question de la ville diffuse pourrait être une forme de réponse à l’étalement urbain. En
effet, dès lors qu’il apparaît difficile de maîtriser les phénomènes d’étalement urbain, l’acceptation, la prise en compte
de ces phénomènes et l’organisation de l’étalement urbain peut représenter une esquisse de solution.
L’incroyable dissémination de l’habitat dans les Alpes a des conséquences extrêmement néfastes sur le paysage
alpin. Les espaces de montagne, fonds de vallées et bords de vallée ont connu depuis 100 ans des transformations
radicales. La question de la valorisation et de la préservation des ressources naturelles représente un enjeu très
fort. À travers cet enjeu on identifie le lien entre la ville, son développement et les zones qui les entourent.
La question de la compétitivité économique et des services à la population représentent également un élément clé
de la réflexion autour de l’arc alpin. Celui-ci reste l’une des régions les plus riches et compétitives d’Europe, dont le
taux d’emploi est plus élevé que dans le reste de l’Europe. Cet atout doit perdurer et deux éléments sont
fondamentaux pour cela : l’innovation et le respect de l’environnement. Les acteurs locaux doivent faire émerger une
réflexion sur les interactions entre les territoires, spécificités de l’économie (dont le coût d’impact environnemental
est absent) et accessibilité.
Les difficultés rencontrées par les régions du Nord de l’Italie dans le champ de l’investissement public dédié aux
transports (transport routier et autoroutier favorisé depuis 60 ans) est saisissant. En effet, un grand nombre de lignes
ferroviaires (compétence des Régions) ont été fermées car jugées peu attractives, et d’autres sont aujourd’hui sousutilisées, risquant également la fermeture en raison de la concurrence exercée par un système de bus extra-urbains
développé par les Provinces. S’il est nécessaire d’élaborer des réseaux transeuropéens de transport, se pose
également la question du maillage autour de ces réseaux, de la structuration du territoire autour de grands
corridors de transport dans un maillage pertinent et durable.
Les formes urbaines actuelles nous montrent que l’étalement urbain est contradictoire avec une mobilité durable : dans
un contexte d’étalement urbain il est extrêmement difficile d’adapter la question d’une mobilité durable aux aspirations
des individus souhaitant, où qu’ils habitent, bénéficier de transports publics dans leurs trajets quotidiens.
Les réflexions menées par le projet MORECO pourront émerger en tant qu’objet d’éclairage politique dans les années
à venir. Elles doivent s’inscrire dans la reconnaissance des particularités du territoire d’étude : l’arc alpin.
La montagne reste un objet politique qui se construit.
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Les coûts actuels des projets en zone urbaine et périurbaine : la densité comme solution
économique ?
Dans un contexte d’étalement urbain, il est important de prendre en compte les « coûts cachés » liés aux choix
résidentiels. Lorsque des ménages, en réponse à certaines aspirations choisissent d’habiter en zone excentrée,
l’acheminement de services (collecte des ordures ménagères, courrier, etc.) représente un coût considérable qu’il est
difficile de mesurer.
Peu de travaux ont été menés en France sur l’évaluation des coûts de l’étalement urbain pour la puissance
publique. On peut néanmoins observer une assez forte dispersion des dépenses à imputer aux opérations. Lorsque
l’on compare des opérations en faisant une réimputation des dépenses, on s’aperçoit qu’il y a différentes façons
d’attribuer des dépenses au compte des opérations selon qu’elles ont été prises en considération (ou non) par les
opérateurs. Par ailleurs, un certain nombre de normes techniques favorisent clairement l’isolement de l’habitation,
alors que nous pourrions aller vers une meilleure densité de ces opérations d’habitat individuel pur (assainissement,
alimentation en eau potable). De plus, il est important de préciser que la densité et la construction d’habitats collectifs
n’aboutissent pas nécessairement à des économies en matière de construction.
Nous avons souvent tendance à considérer la densification comme une solution aux effets néfastes de l’étalement
urbain. Or, la densité n’est ni une norme, ni un outil de projet, ni liée à une forme urbaine mais une valeur corrélée à
des contextes locaux. Elle renvoie à la question des projets eux-mêmes plus qu’à une vérité en soi.
En France, le modèle économique du logement favorise ce phénomène d’étalement urbain. Toute opération
d’aménagement repose sur un triptyque d’acteurs : les opérateurs privés, les collectivités et les propriétaires. Si le
foncier, il y a quelques années, était une variable d’ajustement dans les opérations d’aménagement, il représente
aujourd’hui entre 20% et 30% des coûts des opérations et jusqu’à 50% du coût de certains aménagements dans les
grandes villes. Les coûts élevés du foncier et de la construction, associés à un problème de solvabilité des
ménages, se traduisent pour ces derniers par des taux d’effort relativement importants lors de leur accès au logement
(notamment dans le cas de primo-accession).
Les taux d’effort consacrés à la mobilité sont également révélateurs. Le taux médian est de l’ordre de 15% : les coûts
liés à la mobilité représentent en moyenne 12,5% des revenus modestes et 10% des revenus moyens dans un
contexte de centre urbain. Pour des ménages situés en zone périurbaine, ces coûts représentent jusqu’à 20% des
revenus modestes et 16% des revenus moyens. Certains ménages subissent ce que l’on peut appeler une « double
peine » : contraints de s’orienter vers le périurbain s’ils souhaitent devenir propriétaires, ils supportent en
conséquence des dépenses de transport non négligeables.
Quelle gouvernance actuelle et à venir ? Vers une stratégie macro-régionale pour les
Alpes ?
La question des liens entre la montagne et la ville est un sujet à enjeux nationaux et européens. Afin de mobiliser les
États sur la nécessité d’aborder ces thématiques à l’échelle européenne, l’ensemble des territoires couverts par
l’Espace Alpin pourrait faire l’objet d’une politique globale d’aménagement foncier et d’aménagement des
infrastructures. La Directive Territoriale d’Aménagement a connu de nombreuses modifications apportées par des
préfets successifs, qui ont tenté de la rendre prescriptive pour les Schémas Directeurs d’Aménagement et
d’Urbanisme de l’époque. Malgré ces efforts, on constate qu’il n’y a toujours pas de planification urbaine, foncière
et d’aménagement dans les Alpes du Nord.
La question de la valorisation des atouts territoriaux dans les propositions de la Commission Européenne est
pourtant une priorité, et si la politique actuelle n’est pas une politique d’aménagement du territoire, elle est cependant
une politique régionale qui s’intéresse aux spécificités des territoires, à leurs atouts et handicaps. Les Alpes
constituent une nature particulièrement sensible qui doit être préservée par une volonté politique forte, et non abimée
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par une incapacité à articuler développement humain, activité économique, préservation de l’environnement et
agriculture.
Les régions alpines portent aujourd’hui des réflexions pour faire mettre en cohérence les politiques publiques au
niveau alpin entre les Régions, les États et l’Union Européenne. L’Arc alpin comme objet politique pourrait en effet
faire l’objet d’un projet de macro-région, permettant de valoriser et de travailler plus efficacement sur la particularité de
ces territoires et leur rôle dans le concert européen. Recentrée autour de quelques priorités thématiques, la macrorégion Alpes pourrait être le laboratoire d’une nouvelle gouvernance entre acteurs alpins institutionnels,
économiques et citoyens.
Le projet MORECO trouve un écho dans le débat européen actuel. La réflexion autour de l’avenir des Alpes doit
enrichir la vision d’un monde urbain diversifié et en interaction continue entre les petites et moyennes villes, ainsi que
les métropoles.
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« L’impact des choix résidentiels et des mobilités pendulaires sur les
Coûts de l’urbanisation
pour les collectivités locales »
Quatre Ateliers de travail ont permis d’ouvrir de véritables échanges entre les participants, sous l’égide des
animateurs. Ils ont porté sur les thématiques suivantes:
ÉQUILIBRE ET VIABILITE ECONOMIQUES
ANTICIPATION ET MAITRISE FONCIERES
URBANISME AUTOUR DES GARES
BOUGER AUTREMENT. MAIS A QUEL PRIX ?
Le témoignage d’Andrea DITTRICH WESBUER de l’Institut de Recherches für Landes – und
Stadtentwicklungsforschung gGmbH a contribué à une ouverture européenne par la présentation d’une approche
développée en Allemagne.
OUTILS -
CALCULATEURS DE COUTS, DES SOLUTIONS NOVATRICES POUR LA DEFINITION DE
PROJET URBAINS
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Atelier n°1: ÉQUILIBRE ET VIABILITE ECONOMIQUE DES PROJETS URBAINS
La table ronde était animée par Sonia GUELTON, Professeur des Universités à l’Institut d’Urbanisme de Paris. Pour
débattre, différents points de vue étaient représentés autour de la table : Christian DUPESSEY, Maire d’Annemasse et
conseiller régional ; Eric VERRAX, Vice-Président de la Fédération des Promoteurs Constructeurs et Arnaud
BOUTEILLE, membre de l’Association Des Études Foncières.
L’analyse économique globale des coûts d’urbanisation (budgets publics, fiscalité, coûts de la densité et de
l’aménagement) interroge les modalités de financement, de mise en œuvre et d’équilibre à long terme des
opérations. Comment mieux articuler la conception et les formes urbaines du projet aux paramètres économiques
locaux ? Quelles sont les réflexions à mener sur les coûts collectifs liés à la densité ? La lutte contre l’étalement urbain
implique une corrélation avec les coûts économiques sous-jacents. De nombreux travaux ont été menés sur l’étude
des coûts de l’étalement urbain en lui-même, notamment en lien avec la croissance des coûts de l’habitat et du foncier.
Il est important aujourd’hui d’inverser le regard et de s’intéresser à la densité en elle-même, d’identifier ses coûts :
quels sont-ils ? Pour qui ? Quand sont-ils payés ? Comment les anticiper, les réguler ?
Les projets d’aménagement interpellent plusieurs niveaux d’analyse qui ont trait à l’équilibre des coûts (entre
foncier, construction et équipement), à l’équilibre de ses bénéfices (vente, satisfaction individuelle ou collective) et à
l’évaluation de sa faisabilité. Ces interrogations sont alimentées par différents éléments de réflexion :
Les attentes, besoins et aspirations des usagers
L’intérêt porté par les ménages à la maison individuelle avec jardin est manifeste. Pour autant il est important d’en
considérer les coûts globaux, le prix à payer pour cette aspiration. Cette envie doit être confrontée au prix du foncier et
au marché d’enchère aujourd’hui en place. La logique qui guide les acquéreurs de logement ou vendeurs de terrains
est de maximiser les profits immédiats, une réflexion à plus long terme est difficile à introduire dans ce dialogue.
Les surcoûts de construction liés à la densité
Les politiques publiques influent sur la faisabilité des projets et peuvent représenter un frein pour les constructeurs.
Une inflation réglementaire peut conduire à une multiplication des obligations techniques des constructeurs et à une
augmentation conséquente de leurs coûts. Les règlementations en matière de parking, de logements sociaux ou
encore de mitoyenneté des constructions peuvent engendrer des surcoûts importants répercutés sur le prix des
logements. Eric Verrax précise que la moitié du prix d’un logement neuf est lié aux obligations décidées par la
puissance publique ayant pour conséquence qu’une « vraie partie du surcoût de la densité est liée à l’inflation
réglementaire ».
Selon Arnaud Bouteille, la faisabilité des projets serait également corrélée avec la possibilité de proposer une offre
optimale. Celle-ci repose sur un calcul qui compose avec la règlementation (densité maximale autorisée) et les coûts
de construction et aboutit à une densité optimale (voir Encadré n°3). Celle-ci varie de façon croissante avec les coûts
du foncier, c’est pourquoi plus les terrains sont chers, plus elle sera élevée. Identifier cette densité optimale permet de
proposer l’offre la plus compétitive.
A la recherche de la densité optimale
La densité est vectrice de surcoût pour les opérations : elle entraine des coûts et des prix du foncier élevés. Pour
réaliser des programmes, l’arbitrage entre le coût du foncier et le coût de construction se fait selon un seuil maximal de
densité qui n’est pas toujours élevé. Le programme le plus économique n’est pas nécessairement le plus dense. Ce
constat est un vecteur de périurbanisation.
Là encore, la puissance publique peut jouer un rôle et dispose d’outils de régulation. Il lui faut cependant allier ses
compétences avec celles du secteur privé, tout en répondant aux attentes et besoins des usagers. Elle bénéficie enfin
de l’atout de pouvoir porter une vision de long terme, sur un périmètre de réflexion plus large qui facilite les transferts
de charges (coûts et bénéfices). Ces équilibres recherchés entre l’intérêt général, les objectifs de la puissance
publique, l’intérêt immédiat du consommateur et l’équilibre de l’investisseur sont essentiellement possibles dans les
zones centrales.
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Une question en suspens : les « coûts cachés » en zone périurbaine
Premièrement, l’aide publique est souvent fléchée vers les zones chères (accession) au détriment des zones
périurbaines. Aussi cette répartition des aides apportées à l’investissement a conduit à favoriser l’accession au
logement pour les ménages à revenu moyen au détriment des ménages à faible revenu.
Deuxièmement, un débat a été soulevé autour de la notion des « coûts cachés » en zone périurbaine. La question
étant de savoir si les aides publiques apportées à l’investissement en zone urbaine (subventions ou ventes de foncier
à un prix inférieur au marché) ne seraient pas remplacées, en zone périurbaine, par des aides cachées et étendues
dans le temps, à savoir, la prise en charge par la collectivité des coûts liés à l’accès aux réseaux, à l’organisation du
ramassage d’ordures ménagères, à la création d’équipements publics (crèches) qui sont des coûts plus diffus, étendus
dans le temps et difficile à quantifier.
La place et le rôle de la puissance publique : Anticipation, impulsion, coordination du projet urbain
La perspective d’une vision stratégique du territoire par la puissance publique paraît pertinente. Une réflexion peut être
menée autour du projet urbain dans son ensemble, et non pas objet par objet. Cette vision globale permet d’affiner la
programmation (type d’habitat, équipements, …) tout en réalisant des économies d’échelles. Par exemple, un
équipement existant dans un quartier périphérique au secteur de projet, dont la fréquentation diminue, pourra
bénéficier de l’apport de la nouvelle population et satisfaire à leurs attentes sans pour autant que la collectivité
n’investisse dans un nouvel équipement.
D’autre part, la puissance publique peut s’inscrire dans un objectif de contrôle des prix du foncier afin de rendre
l’habitat en ville accessible aux classes moyennes et aux populations les plus défavorisées. Une maîtrise du foncier
ainsi qu’un maillage de transport en commun efficace et cohérent sont donc les piliers d’une collectivité
« aménageuse », comme l’explique Christian Dupessey, Maire d’Annemasse (voir Encadré n°4).
En résumé
L’analyse économique globale des coûts liés à l’urbanisation interroge plusieurs niveaux d’analyse :
-
les attentes, besoins et aspirations des usagers : le prix à payer pour accéder à son rêve
-
l’incidence des réglementations et de « l’offre optimale » dans les projets conduits
-
les surcoûts éventuels liés à la construction dense : enjeux au niveau de l’articulation et de la
concertation entre les compétences du secteur public et secteur privé
-
Les coûts « cachés » de la périurbanisation : fléchage des aides publiques et extension des réseaux
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Atelier n°2: ANTICIPATION ET MAITRISE FONCIERE
La table ronde était animée par Sylvie Duvillard, enseignante chercheuse à l'Université de Grenoble, Laboratoire
PACTE (partenaire du projet MORECO). Pour débattre, différents points de vue étaient représentés autour de la table :
Gérard LERAS, Conseiller spécial à la politique foncière de la Région Rhône-Alpes ; Jean-Claude MARTIN, Président
de l’Établissement Public Foncier (EPF) de Haute-Savoie ; Jean-Paul BRET, Président de la communauté
d’agglomération du Pays Voironnais ; Jacques NALLET, Maire de Saint-Denis-lès-Bourg ; Sybille THIRION, Directrice
CERF Rhône-Alpes.
Les dernières lois incitent à la compacité urbaine, obligent les collectivités à se fixer des objectifs de
consommation modérée des espaces naturels et agricoles pour l'urbanisation ; autant d'objectifs qui conduisent à
privilégier le recyclage des espaces déjà urbanisés à la construction en terrain vierge. Les dispositifs de planification,
SCoT et PLU, doivent donner des objectifs, des orientations et des moyens réglementaires pour aboutir à ce résultat.
Cependant, la conduite des projets et l'examen de la réalité de l'urbanisation montrent que les acteurs doivent
s'organiser de façon plus précise pour parvenir à atteindre les objectifs attendus. La table ronde oriente les débats
autour du rôle de chacun des acteurs présents et montre que certains aspects sont prépondérants :
L'anticipation foncière
Les témoignages des différents intervenants ont permis de dresser le constat suivant en réponse à l’enjeu de faire face
aux besoins « permanents » des collectivités en équipements, espaces publics, logements sociaux,…
D’une part, les communes disposant de terrains en propres de tailles significatives, préalablement acquis par diverses
opportunités, ont pu conduire des projets urbains exemplaires et dégager des marges financières nécessaires pour
financer des équipements.
D’autre part, les communes n’ayant pas eu recours à l’anticipation foncière doivent aujourd’hui faire face à des
difficultés quasiment insurmontables pour mettre en œuvre un projet. Cela est d’autant plus vrai que, pour répondre
aux exigences du développement durable (limiter l’extension urbaine en densifiant dans les secteurs desservis par les
transports en commun) la majorité des communes doit mettre en place des opérations de renouvellement urbain sur
des terrains partiellement urbanisés et pour lesquels le prix du foncier n’a fait qu’augmenter ces dernières années.
Face à ce constat, les collectivités ont la possibilité de mettre en œuvre une politique foncière qui peut se décliner à
travers différents outils prospectifs, règlementaires, …, mais également opérationnels. L’EPF est le principal outil
opérationnel des collectivités dans ce domaine pouvant porter du foncier jusqu’au démarrage des opérations.
Certaines collectivités comme la communauté d’agglomération du Pays Voironnais ont d’abord mis en place des plans
d'actions foncières afin de réaliser les objectifs du PLH en matière de logements sociaux, puis adhéré à un EPF afin de
bénéficier de son savoir- faire, d’une aide opérationnelle concrète et de sa capacité d’anticipation.
La négociation et le portage
Les élus sont souvent confrontés à la difficulté de conduire des négociations foncières avec des propriétaires qui sont
également des administrés, mais aussi des négociations avec des promoteurs ou opérateurs alors qu’ils ne sont pas
nécessairement formés pour cela (notamment l'évaluation d'un bien) et parfois dans une situation peu favorable
comme l'urgence d'agir pour lancer un projet sur un site stratégique.
Par ailleurs, le portage du foncier sur une longue période est important et difficile. Or ce temps est nécessaire à la
réalisation des différentes étapes pour l’émergence du projet qui doivent être réalisées sans bousculer les réflexions
préalables indispensables à la qualité des réalisations.
La bonne échelle d'intervention
Les SCoT peuvent donner des orientations en matière d'espaces dont la mutation ou la maitrise foncière doit être
lancée, cependant ils manquent de précision. Le PLU intercommunal, ou communal, est aujourd’hui l'outil idoine pour
identifier des secteurs à enjeux sur lesquels un EPF peut avoir de la réactivité soit en achetant au gré des
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opportunités, soit de façon plus volontaire. Ces secteurs à enjeux peuvent aussi être identifiés au niveau de
l'intercommunalité en collaboration avec les communes.
Les outils opérationnels
La Région Rhône-Alpes a souhaité accompagner les collectivités et prendre part à leurs efforts dans la conduite des
politiques foncières en créant le CERF, centre d'échanges et de ressources foncières, un outil unique en France dont
l'objet est de développer la culture, la connaissance et les savoir-faire autour du foncier dans les collectivités (en
direction des élus et techniciens) et de proposer du conseil et des espaces de dialogue entre les opérateurs privés et
les acteurs publics.
En matière plus opérationnelle, la Région participe financièrement aux EPF qui couvrent son territoire. Ces organismes
agissent pour le compte des collectivités locales en réalisant des acquisitions, des dépollutions éventuelles, portent le
foncier et le revendent aux collectivités avec une décote importante. Leur activité tend à se diversifier en direction du
conseil en amont des acquisitions et de la gestion des biens en attendant la revente aux collectivités.
Vers de nouveaux champs d'action ?
La mise en place de stratégies foncières ne concerne pas uniquement les espaces urbains.
Ainsi, l’acquisition des terrains agricoles dans certains secteurs, afin de pérenniser leur vocation agricole en ôtant la
forte pression à l’urbanisation dont ils font l’objet, peut être réalisée conjointement avec des partenaires tels que la
SAFER ou la Chambre d’Agriculture.
En résumé
La question de la gestion du foncier se traite sur plusieurs aspects :
-
Les besoins des communes, l’urgence des projets et les contraintes réglementaires et budgétaires
-
Le savoir-faire : des outils existent pour appuyer et accompagner les communes dans leur politique
foncière, tels que les EPF, le CERF, la SAFER pour les secteurs ruraux ou encore la Région par le biais
de sa stratégie foncière régionale
-
La gouvernance entre acteurs institutionnels (les communes) et privés (les propriétaires)
La maîtrise des coûts du foncier passe par une politique d’anticipation et d’accompagnement des communes,
depuis les phases de négociation et de portage, jusqu’aux opérations.
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Atelier n°3: URBANISME AUTOUR DES GARES
La troisième table ronde était animée par Roelof VERHAGE, maître de conférences en aménagement de l’espace et
urbanisme à l’Institut d’Urbanisme de Lyon et spécialiste de benchmarking européen. Pour débattre, étaient présents
autour de la table : Giancarlo LEONI, Directeur de l’aménagement du territoire de la Province italienne de Mantova ;
Thomas PRINZ, Docteur au laboratoire autrichien ISpace studio ; Niels OSTERGAARD, urbaniste du ministère de
l’environnement danois ; Catherine ARAUD-RUYANT, responsable du pôle « habitat, économie et société » de
l’Agence d’urbanisme de Saint Etienne ; et Juliette MAULAT, doctorante à Réseau Ferré de France (RFF).
À travers l’Europe, des objectifs communs sont fixés pour une meilleure articulation du développement urbain
autour des réseaux de transports en communs lourds. Il s’agit à la fois, de répondre par des modes de déplacement
non-automobiles à l’ensemble des besoins de mobilité générés par les rythmes de vie métropolitains et de favoriser la
densification urbaine autour de l’offre de transports publics existante ou programmée. Cependant, si l’intensification
urbaine semble évidente autour des grandes gares, il n’en est pas de même autour des gares périurbaines en dépit de
l’enjeu important de structuration du territoire. Par ailleurs, ces projets sont à la croisée des champs du transport et de
l’urbanisme : des échelles territoriales d’action et des acteurs différents qui ne partagent pas toujours les mêmes
visions et objectifs. Cet atelier a permis de présenter plusieurs expériences et de mettre en exergue quelques
conditions partagées par l’ensemble des intervenants et nécessaires à la bonne réussite de ces projets.
L’importance de la phase de diagnostic
Le programme de recherche/action « Bahn.Ville 2 » met en avant différents principes fondamentaux pour un
« urbanisme orienté vers le rail » (voir Encadré n°5). Dès lors, un important travail de diagnostic doit permettre
d’approfondir les différentes thématiques qui encadrent cette recherche de cohérence. La connaissance « fine » de la
gare (son fonctionnement, ses connexions, la politique de déploiement régionale, le fonctionnement ferroviaire,…) et
de son territoire d’implantation (aire d’influence, qualification de l’insertion urbaine de la gare …) participe à la définition
des enjeux et objectifs favorisant cette interaction et permet d’évaluer la pertinence d’urbaniser autour d’une gare. En
effet, toutes les gares ne présentent pas les mêmes opportunités et logiques de développement.
Les outils SIG sont un moyen complémentaire pour obtenir des informations et élaborer le diagnostic permettant
d’enclencher ou non une dynamique de projet urbain. Le laboratoire ISpace Studio (Autriche) a développé une
méthode d’analyses permettant de proposer des solutions répondant aux enjeux de la densification, tout en favorisant
la mixité fonctionnelle à proximité des gares, en encourageant les déplacements courts et non motorisés.
Articuler les échelles d’intervention
Par la multiplicité des compétences en jeu, le projet urbain autour d’une gare constitue une interface entre
différentes échelles territoriales : la commune, l’agglomération, le département, la région, l’Etat… L’ensemble des
interventions mettent en évidence que, par sa position sur des réseaux (ferroviaires et routiers), sa taille et l’offre de
transport proposée, la gare interroge un ensemble de politiques publiques dont les décideurs appartiennent à une
multitude d’institutions aux compétences éclatées. Aussi, la condition sine qua non à une bonne définition du projet
urbain est dans l’articulation des échelles d’intervention.
Co-construire le projet
L’exemple de la planification régionale du « Finger Plan » de Copenhague montre que la réussite de la mise en œuvre
concrète des orientations repose principalement sur une appropriation importante par l’ensemble des acteurs publics
et privés grâce à une élaboration partagée du document (voir Encadré n°6). Cette démarche de planification «topdown » (descendante) a permis également de mettre en évidence l’importance d’une gouvernance unique pour piloter
la mise en œuvre de la démarche d’urbanisation autour des gares secondaires.
En Italie, cette logique de co-construction (urbanisme négocié) est aussi au service de la coopération institutionnelle
et de la cohésion territoriale. Lors de l’élaboration de son plan provincial de coordination territoriale, la province de
Bologne a souhaité favoriser une organisation polycentrique du territoire en relation avec les nœuds de son système
de mobilité. Pour mettre en œuvre ces objectifs, la province de Bologne a développé des procédures de concertation
et de contractualisation : les accords territoriaux.
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Développer de nouveaux outils
Le programme de recherche / action « Bahn Ville 2 », par la définition de fiches d’actions grâce à une expérimentation
locale, a permis le développement de l’outil : observatoire des temps de parcours intermodaux et du foncier autour des
gares, qui constitue un outil d’aide à la décision.
En Italie (province de Bologne), afin de mettre en place une planification exemplaire et pour limiter les « réticences »
des acteurs publics et privés, les autorités locales ont expérimenté le mécanisme du droit de développement
transférable (TDR). Ce système organise un transfert de droit à construire entre une zone d’émission (secteur où les
terrains sont non constructibles ou à faible potentiel de construction) et une zone de réception (secteur ciblé où la
densité d’une opération urbaine pourrait être augmentée). Le recours à cet instrument permet aux collectivités de
répondre aux objectifs de protection de certaines zones naturelles, agricoles et patrimoniales, en favorisant
l’intensification urbaine sur des espaces stratégiques, tout en rendant ces mesures économes en argent public et plus
facilement acceptable par les propriétaires fonciers et promoteurs privés.
Les contextes urbains locaux sont très différents malgré des politiques d’aménagement qui tendent à s’uniformiser.
Aussi, selon Juliette Maulat, il ne faut pas oublier que l’on développe de nouveaux quartiers avant tout pour les
habitants et qu’il est parfois complexe de faire accepter les principes de la densification. Dès lors, de nouveaux outils
au service du développement urbain autour des gares mais aussi d’une meilleure concertation avec la population
doivent être mis en place.
En résumé
L’urbanisme autour des gares est un sujet partagé avec nos voisins européens. Cet atelier a favorisé les
échanges d’expériences et de bonnes pratiques autour des étapes et outils clés pour un projet urbain orienté
vers le rail :
-
Besoin d’un diagnostic fin du rôle de la gare et de son fonctionnement avec l’interface urbaine de la
ville : les outils SIG semblent ici très pertinents de part l’apport visuel global à l’échelle choisie
-
La gouvernance et les interactions entre les acteurs clés (transports, institutions…) et l’articulation des
interventions : exemple du Finger Plan de Copenhague (Danemark), des démarches négociées en Italie
-
La concertation de la population : exemple du projet Bahn ville 2
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Atelier n°4 : BOUGER AUTREMENT. MAIS A QUEL PRIX ?
La table ronde était animée par Bruno FAIVRE D’ARCIER, Professeur en Aménagement de l'Espace et Urbanisme à
la Faculté de Sciences Économiques et de Gestion de Lyon. Pour échanger, différents acteurs étaient présents autour
de la table : Josselin BERNEDE, Doctorant à l’Observatoire Social de Lyon ; Benjamin BÜTTNER, Géographe
chercheur à l’Université Technologique de Munich ; Olivier PETIOT, Chef du groupe Conception et gestion des
réseaux au CERTU et François GRUFFAZ, Élu aux bureaux de la Communauté d’Agglomération du Lac du Bourget et
de Métropole Savoie (syndicat mixte porteur du Scot).
Intermodalité, transports collectifs, modes actifs, covoiturage, autopartage, … Les initiatives ne manquent pas pour
proposer une alternative à l’usage de la voiture. Cependant, ces modes de transport ne garantissent pas la même
liberté que la voiture individuelle pour se déplacer, surtout dans les espaces périurbains où circuler et stationner ne
pose pas de problème particulier. De plus, ces offres alternatives peuvent avoir un coût pour la collectivité qu’il
convient de mesurer. Dès lors, peuvent-elles constituer un modèle économique pérenne pour tous les territoires ?
Le covoiturage, une solution naturelle par rapport à l’augmentation des coûts
Josselin Bernède présente l’enquête qu’il a menée auprès de ménages périurbains de la région lyonnaise par rapport
aux conséquences de l’augmentation du coût de l’essence sur leurs comportements de mobilité. Il en ressort d’abord
que la pratique du covoiturage apparaît souvent comme une solution naturelle, permettant de faire des économies
sans bouleverser fondamentalement les pratiques. Vu avant tout comme un moyen fonctionnel pour s’adapter, il
ne s’agit absolument pas de s’orienter vers des pratiques plus écologiques.
En revanche, l’usage des transports collectifs, lorsqu’ils existent, est vécu comme un pis-aller, voire comme une
régression par rapport au parcours résidentiel « idéal » voulu par les ménages. De la même manière, envisager un
déménagement, un « retour en ville », pour faire face à l’augmentation du coût de la mobilité est un sujet tabou : il
s’agirait pour le coup d’un sentiment d’échec complet par rapport au parcours que le ménage s’était dessiné au fil des
années.
Enfin, il apparaît que les ménages vulnérables par rapport au coût de l’énergie se sentent invisibles et non représentés
au sein de la société. Ils ont l’impression de ne pas être aidés par la collectivité et ressentent de la solitude par rapport
à leurs problèmes : ils les gèrent au mieux sans imaginer qu’ils sont loin d’être seuls à vivre le même type de
difficultés.
La vulnérabilité énergétique, une opportunité pour réorienter les politiques et les comportements ?
Autour des mêmes questions, le travail conduit par Benjamin Büttner dans la région munichoise consiste à modéliser
les conséquences prévisibles d’une augmentation brusque et forte du prix des carburants. Il s’agit d’abord de
caractériser le niveau de vulnérabilité des ménages des différentes communes au regard de leur exposition (ceux
qui « roulent » le plus), de leur sensibilité (ceux dont les revenus sont les moins importants) et de leur résilience (ceux
qui ont accès au moins d’emplois en une heure de route). Il se dessine ainsi des territoires plus ou moins concernés
par des difficultés prévisibles à faire face à l’augmentation du coût de l’essence : très naturellement, les communes les
plus éloignées de l’agglomération munichoise et dont la population est la moins aisée apparaissent comme les plus
concernés par ce problème.
Par la suite, la modélisation d’un ménage fictif, bâti à partir des données disponibles, qui décide de déménager de
Munich vers une ville périurbaine pour disposer d’un logement plus vaste, permet de mesurer les conséquences sur
son comportement de mobilité. Il en ressort que, malgré des changements de comportement prévisibles pour telle ou
telle activité (lieux d’achat, d’accès aux services, …), certains déplacements demeurent incontournables (lieu de
travail, équipement métropolitain, …) et ne peuvent être effectués en transports collectifs que si une offre adaptée est
proposée. Ces travaux permettent d’imaginer des recommandations pour influer sur la distribution spatiale des
équipements, des emplois et l’organisation du réseau de transports collectifs. Au final, une augmentation importante
du coût de l’essence apparaît plutôt comme une opportunité pour orienter les politiques et faire évoluer les
comportements individuels vers des pratiques plus durables.
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Modéliser pour comprendre et choisir
François Gruffaz explique en quoi le modèle multimodal développé par Métropole Savoie constitue un outil pertinent
pour mesurer les effets d’une nouvelle urbanisation comme de la mise en place d’une nouvelle offre de transports
collectifs. Il s’agit également, et peut-être surtout, de comprendre et donc de faire des choix. Qui plus est, il s’agit
aussi d’illustrer un propos, que ce soit auprès du grand public ou des différents partenaires institutionnels concernés.
Ce type d’outil est cependant onéreux (300 000 euros pour Métropole Savoie qui regroupe 220 000 habitants) et doit
bien être utilisé pour comparer des scénarios contrastés. Bruno Faivre d’Arcier cite Alain Bonnafous pour qui "un
modèle, c'est comme conduire une voiture en ne regardant que dans le rétroviseur". Si la route était droite derrière,
vous allez tout droit. Un modèle est construit sur des règles résultant des comportements passés. Il ne peut donc seul
anticiper des changements de comportements ou des changements de valeurs importants dans le futur.
Comportements, impacts et pistes de progrès
Olivier Petiot présente des éléments issus essentiellement des travaux menés par le CERTU sur les déplacements
dans le périurbain. On peut ainsi noter qu’au niveau national, 9 à 16% des habitants des territoires périurbains
habitent à moins d’un km d’une ligne de transports collectifs : difficile dans ce cadre d’imaginer un jour une
couverture totale des espaces périurbains. On peut également noter qu’avec la généralisation en cours du ticket de car
interurbain à 2€, on arrive à une situation où l’usager ne paie plus que 11% du coût de l’offre mise en place :
difficile là encore de penser que cette politique soit tenable dans la durée. Il faut aussi noter que les déplacements
dans l’espace périurbain contribuent pour 10% des émissions totales de gaz à effet de serre : l’enjeu est donc de taille
pour trouver des solutions alternatives. Parallèlement, 25% de la population française est considérée comme
« recluse », c’est-à-dire qu’elle affecte l’essentiel de son budget pour se déplacer et se loger : il s’agit là encore d’une
difficulté sociale qui est difficilement appréhendée mais qui pèse dans la population.
En analysant les comportements actuels, on constate que les possibilités de développer l’usage du vélo sont
considérables : aujourd’hui, la voiture devient largement majoritaire dans les déplacements de plus de 1 km alors que,
par exemple, la distance moyenne parcourue à vélo aux Pays-Bas est de 7 km ! Or, le développement de cet usage
nécessite uniquement des aménagements de la voirie certes coûteux mais sans aucune mesure avec les sommes
nécessaires à l’aménagement d’une autoroute ou bien l’exploitation d’un réseau de transports collectifs.
En complément, il s’agit de coupler les différents services et de les rendre lisibles par l’usager : mixer vélo,
covoiturage, voire autopartage, transport à la demande et transports collectifs apparaît comme le bon cocktail
permettant de répondre aux enjeux.
De la même manière et à plus long terme, l’enjeu d’un interfaçage plus fin entre politiques d’urbanisme et de transport
est central. L’exemple des contrats d’axe, qui sont en plein essor, est à retenir pour assurer la plus grande coopération
possible entre acteurs : celle-ci est nécessaire pour s’assurer, chacun dans son domaine de compétences, de la
conduite convergente des différents projets.
En résumé
Lutte contre la précarité énergétique des ménages, politiques de développement durable et de décongestion des
routes sont des sujets d’actualité. Bouleverser les pratiques des navetteurs et développer des solutions
alternatives à l’usage de voiture individuelle passe par une première phase d’analyse, de compréhension du
comportement et des besoins de mobilité des ménages, afin de proposer des services cohérents et efficaces.
Nécessité de coupler les modes de transports, les rendre visibles et économiquement accessibles pour les
ménages et viables pour les collectivités.
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OUTILS - CALCULATEURS DE COUTS, DES SOLUTIONS NOVATRICES POUR LA
CONSTRUCTION DE PROJETS URBAINS
Témoignage d’Andrea DITTRICH WESBUER du Institut für Landes – und Stadtentwicklungsforschung gGmbH (Institut
de Recherche), sur une approche développée en Allemagne
L’évolution démographique est un élément important qui pose les bases du contexte dans lequel s’inscrivent les
calculateurs de coûts. Les baby-boomers atteindront en 2030 l’âge de 65 ans, ce qui aura un impact fort sur la société
et sur la demande de logement. Ce processus va avoir des conséquences dramatiques dans certaines régions,
notamment en Rhénanie du Nord et dans certaines régions de France ou les marchés résidentiels seront fortement
perturbés. Tandis que de nombreux logements vont être libérés dans les 15 années à venir dû au vieillissement des
baby-boomers, les jeunes ménages ne seront pas assez nombreux pour occuper ces logements. Les villes
caractérisées par une forte proportion de résidants propriétaires ayant plus de 65 ans (telle la ville de Westfalica en
Rhénanie du Nord) vont connaître des bouleversements importants dus à ce phénomène. Cela va avoir un impact fort
sur les dépenses publiques : les zones résidentielles sont connectées à de nombreuses infrastructures qu’il est
difficile de réduire avec le déclin de la population. À titre d’exemple, la ville de Westfalica est traversée par un réseau
de 300 km d’égouts, entièrement financé par les utilisateurs. Alors que la population connaîtra un déclin de l’ordre de
20% entre 2010 et 2030, il est annoncé que dans le même temps, les coûts de production, de maintenance et de
renouvellement du réseau par utilisateur augmenteront de 50%. Ces inquiétudes se portent également sur la création
et l’entretien de rues municipales en Allemagne, qui sont financées très majoritairement par les habitants. Cela
implique pour les municipalités de porter une perspective de long terme sur l’évolution des coûts de ces
infrastructures. Le changement démographique est donc un « piège à coût » : alors que la tendance de l’utilisation
des infrastructures est à la baisse, les coûts de maintenance et de renouvellement de ces infrastructures sont à la
hausse. C’est pourquoi les municipalités souhaitent aujourd’hui bénéficier d’une illustration complète des coûts sur le
long terme lors de la planification de nouveaux quartiers résidentiels.
L’augmentation des coûts de la mobilité pour les foyers privés est également à prendre en compte. La distance
parcourue par chaque habitant pour effectuer ses trajets quotidiens représente un coût qu’il est possible de
déterminer.
Face à ces enjeux, les collectivités allemandes ont développé des outils destinés à mesurer ces couts et à orienter les
choix résidentiels et de planification des usagers et des collectivités locales en toute connaissance de cause. Le
calculateur de coûts « habitat et mobilité » appliqué notamment à la ville de Hambourg permet de constater
l’important écart de coûts entre les trajets effectués par des ménages résidant dans le centre de la ville et ceux
habitant en zone périurbaine. Ce scénario se base sur l’utilisation de la voiture individuelle : en considérant une
augmentation du prix des carburants dans les années à venir, les coûts de la mobilité seront également amenés à
augmenter et l’écart entre les ménages résidant en ville et en zone périurbaine sera davantage creusé.
D’année en année, le nombre d’outils calculateurs de coûts ne cesse d’augmenter. Ces calculateurs de coûts ont des
objets différents mais tous ont pour objectif d’alimenter une conscience commune des coûts de long terme. Ils
incluent de nombreux questionnements très variés, propres aux collectivités comme aux ménages. Les municipalités
portent souvent une vision de très court terme sur les coûts des infrastructures et ont des considérations isolées : elles
ne regardent pas l’évolution globale de tous les coûts dont elles ont la responsabilité.
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LES DIFFERENTS OUTILS CALCULATEURS DE COÛTS EXISTANTS
Objet
Caractéristiques
Financement et
Destinataire(s)
Accès /
Utilisation
Adresse internet
« Combien coûte la
croissance de ma
région ? »
Quels sont les coûts de construction
de nouvelles zones résidentielles ?
Quel impact sur le budget municipal ?
Qu’est-ce qu’un « développement
communautaire sain » en période de
changement démographique ?
Calculateur orienté sur le calcul de
densité et comparaison
d’emplacement d’infrastructures
Développé par le Ministère
Fédéral de l’Éducation et
de la Recherche
(Allemagne) en
collaboration avec la
Région Métropolitaine de
Hambourg
À destination des
collectivités
Gratuit, simple
d’utilisation,
en allemand
uniquement
www.was-kostetmein-baugebiet.de
Outil LEANkom :
« Les impacts
économiques du
développement de
zones résidentielles »
Stratégie de développement urbain
durable, comparaison de coûts et
avantages de différentes alternatives
de développement urbain
À destination des ménages
et des collectivités
Démonstration
gratuite,
logiciel payant,
complexe
d’utilisation
www.mit-zukunftrechnen.de
« La gestion de
portefeuilles
régionaux »
Base méthodologique et empirique
de la gestion de portefeuille d’une
collectivité.
Mesure de l’effet économique global
de l’utilisation des terres
(comparaisons des effets de
différents usages des terres). Outil
d’aide à la planification territoriale et à
la prise de décision politique
Institut d’urbanisme et des
transports urbains,
Université RWTH de
Aachen (Allemagne)
Programme de recherche
Refina, Ministère Fédéral
de l’Éducation et de la
Recherche (Allemagne)
« Certificats de
performance
énergétiques des
établissements »
Entrée énergétique : Optimiser la
planification urbaine grâce à une
comparaison des coûts énergétiques
selon les bâtiments et leur
emplacement.
Calcul des coûts énergétiques liés à
la construction, aux déplacements
des ménages, accès aux transports
en commun, etc.
Calcul de l’impact sur
l’environnement des différents projets
urbains (coûts globaux)
www.rpm.rwthaachen.de
www.empiricainstitut.de
Office du Gouvernement
de Basse-Autriche,
Bureau du gouvernement
provincial, Ministère de la
Planification Spatiale et de
la Politique Régionale
(Autriche)
www.energieauswe
is-siedlungen.at
www.raumordnungnoe.at
À destination des ménages
et des collectivités
Université des Sciences
Appliquées et des Arts de
la ville de Lucerne (Suisse)
« Les coûts
d’opportunité :
logement et mobilité »
Aider les ménages à déterminer le
coût de la vie, coût de l’habitat et coût
de la mobilité pendulaire lors de leurs
choix résidentiels dans la ville de
Hambourg
« Calculateur de
croissance saine »
Outil axé sur la croissance : Proposer
une perspective globale des impacts
des choix résidentiels.
Démontrer les avantages d’une
croissance saine pour les habitants et
l’environnement.
Université HafenCity de
Hambourg
À destination des ménages
Organisation
environnementale Sierra
Club (États-Unis)
À destination des ménages
www.hslu.ch
Gratuit, simple
d’utilisation,
en allemand
uniquement
Gratuit, simple
d’utilisation,
en anglais
uniquement
www.womorechner.de
www.sierraclub.org/
sprawl/density
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Les différents outils - calculateurs sont principalement utilisés pour répondre à des interrogations articulées autour de 4
thèmes : la densité (calcul de la relation entre densité des zones résidentielles et coûts) ; l’emplacement
(identification de zones « avantageuses » permettant une réduction des coûts pour la collectivité) ; le « piège » des
coûts de suivi et maintenance (aide à la prise en compte des coûts de long terme) ; les avantages financier dont
bénéficient les municipalités lors de la création de zones résidentielles (aide à leur évaluation, ces avantages n’étant
pas immédiats et diffus).
Ces outils se sont largement développés ces dernières années et sont aujourd’hui accessibles à tous. Cependant,
la plupart des municipalités appréhendent encore l’usage de ces calculateurs pouvant freiner leurs ambitions de
planification territoriale. Si l’usage de ces outils récents n’est pas encore courant dans les pratiques des collectivités,
on voit pourtant qu’ils permettent de diffuser des arguments solides en faveur d’un développement durable des
territoires. En proposant une échelle d’approche régionale, ils participent à la mise en œuvre d’une coopération
directe entre les différents acteurs régionaux pour une planification territoriale durable et harmonisée. L’échelle
régionale est la plus adaptée à ces outils qui permettent de mesurer les effets des différents scénarios de
développement urbain sur une aire géographique étendue et sur le long terme.
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Clôture du colloque
1. L’enjeu de maîtrise des coûts
La densité est vectrice de surcoûts : elle entraîne des coûts et des prix du foncier élevés. Pour réaliser des
programmes, l’arbitrage entre les coûts du foncier et les coûts de construction se fait selon un seuil maximum de
densité, généralement peu élevé. Ainsi, le programme le plus économique n’est pas nécessairement le plus dense. La
construction de parcelles en zone périurbaine (vecteur d’étalement urbain) est donc une solution plus économique que
des programmes urbains de forte densité.
Face à des coûts inférieurs en zone périurbaine, les ménages ont tendance à s’éloigner des centres urbains. Les
équilibres de vie évoqués au cours de la matinée intéressent le consommateur mais celui-ci effectue des choix en se
basant essentiellement sur une perspective de court terme et des critères de prix immédiat.
Les « coûts cachés » font l’objet d’extrapolations : ils sont en réalité méconnus et doivent faire l’objet de recherches
approfondies. Les modèles développés durant la matinée ont évoqué la présence de « coûts cachés ». Cette notion a
été approfondie lors de la table ronde de l’atelier n°1 : il s’est révélé que ces coûts sont mal connus, mal maîtrisés et
leur existence même est sujette à recherche.
L’intervention publique permet de réguler les coûts de la densité, de procéder à des rééquilibrages. C’est sur elle que
repose la vision globale, environnementale et de qualité de vie attendue des projets urbains. Pour cela, il est
nécessaire de marier les compétences entre les attributs de la puissance publique et celles des investisseurs, sans
oublier le point de vue du consommateur.
2. Des échelles multiples d’intervention
La Région est un acteur de la politique foncière durable. Elle joue le rôle d’accompagnateur de projets et fait appel à
deux outils : le CERF (Centre d’Études et des Ressources Foncières) créé en 2009 permet de fédérer des partenaires
publics et également des partenaires privés ; les EPFL (Établissements Publics Fonciers Locaux) invités à intervenir
conjointement avec les SAFER (Société d’Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) permettent d’être actifs sur
les espaces ruraux.
L’intercommunalité n’est pas l’unique échelle d’analyse politique pertinente. Les PLUi et la nécessité de changer
d’échelle sont des éléments régulièrement évoqués pour la mise en place de politiques vertueuses. On peut voir
cependant qu’au niveau communal, des pratiques intéressantes sont également possibles.
La négociation est la clé de voûte d’une maîtrise foncière. Il s’agit d’un travail difficile et de longue haleine pour
l’ensemble des acteurs concernés mais elle seule permet de rendre opérationnel l’ensemble des outils cités.
La maîtrise foncière et l’anticipation peuvent être pensées selon des secteurs ou selon une politique. Une commune
qui n’a pas de maîtrise foncière peut mener une politique active, notamment en agissant dans le domaine de
l’agriculture. Au contraire, une commune ayant une forte emprise foncière peut mettre en place une politique
d’anticipation via un certain opportunisme sur les acquisitions foncières de la commune. Cela permet à la municipalité
de mener des opérations d’aménagement vertueuses type Eco Quartiers.
Les baux emphytéotiques représentent un levier intéressant afin de permettre au foncier public de rester dans le
domaine public.
3. Quelle stratégie autour des gares ?
Alors que la structuration du tissu urbain autour des gares apparaît comme une ambition vertueuse répondant aux
objectifs du développement durable, les 40 dernières années ne sont pas allées en ce sens. Dès lors, de nouveaux
modèles doivent émerger autour de 3 niveaux : le diagnostic (connaissance de l’interaction gare / ville), la stratégie
d’action (quelle articulation des intérêts publics et privés afin de restructurer la ville autour de la gare ?) et la mise en
œuvre qui soulève des interrogations concrètes (sur les acteurs, la maîtrise foncière) auxquelles peu de réponses sont
apportées à ce jour. Une certitude réside cependant dans le fait que différentes politiques publiques doivent s’articuler
afin d’optimiser la densification autour des gares et d’inscrire ces projets dans des processus de régénération plus
vastes.
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Des exemples vertueux (Finger Plan de Copenhague, projet Bahn-Ville) apportent des premières solutions : À
Copenhague, un document de planification maintenu dans le temps permet d’interdire l’urbanisation des zones trop
éloignées des gares. La réglementation est alors un levier structurant.
Une approche négociée est privilégiée à Mantova (Italie). Un système permet de transférer du COS des zones ne
nécessitant pas d’être particulièrement développées vers des zones situées autour des gares. Ce système de transfert
de COS permet de rendre les zones des gares particulièrement attractives pour les investisseurs qui peuvent alors
réaliser des densités intéressantes.
4. Quelle réponse publique aux besoins de mobilité du périurbain ?
Lorsque l’on étudie le degré de vulnérabilité des habitants du périurbain face à une hausse du prix des carburants, il
est important de prendre en compte la diversité de ces populations. Entre une localisation de l’habitat choisi (recherche
de maison avec jardin) ou subie (coût foncier, de l’habitat), les situations sont contrastées. Deux échelles temporelles
d’études sont envisageables : les réactions de court terme à des évolutions immédiates (prix de l’essence) et les
réactions de long terme sur l’articulation entre ces localisations et les systèmes de transport alternatifs.
L’usager paye 80% du coût de sa voiture lors de ses trajets alors que dans le cas des transports collectifs, c’est la
collectivité qui va payer 80% de son coût. Quels qu’ils soient, les transports publics comme privés vont voir leurs coûts
augmenter dans les prochaines années. Cela peut représenter une force de régulation en lien avec les stratégies de
polarisation de l’espace au niveau du SCOT.
Sur le thème de la mobilité durable, une question est centrale : quelle est la durabilité d’une logique de couverture
spatiale des zones périphériques par les réseaux de transport dans le but d’offrir des alternatives à la voiture ? Il s’agit
d’une obligation morale pour les élus de permettre à chacun un droit au transport. Pourtant, il nous faudra hiérarchiser
les réseaux et trouver des leviers d’incitation afin d’encourager les habitants à changer de mode de transport. Il faut
pour cela favoriser des systèmes combinant plusieurs modes de transport (parc relais, vélo) afin de trouver un
équilibre entre le coût prohibitif d’une alternative complète en transport public et les inconvénients de conserver une
mobilité en voiture particulière.
Bilan de la journée par Gérard LERAS
Il est important de garder à l’esprit que les questions soulevées tout au long de cette journée relèvent d’une
problématique politique. Le projet MORECO correspond à ce mariage entre les données et la connaissance
techniques et l’émergence d’une volonté politique. Il contribue à déterminer les axes d’une action politique aujourd’hui
nécessaire. Le projet MORECO propose également une double approche axée sur les coûts de l’habitat et sur les
coûts de la mobilité qui sont au cœur des préoccupations des ménages. Cette particularité rend possible l’élaboration
d’une stratégie visant à affronter le problème de l’étalement urbain.
Ce phénomène soulève de nombreuses réflexions et il est notamment intéressant de s’attarder sur la question des
transports ferroviaires. La question de la contribution des transports ferroviaires à l’étalement urbain abordée au cours
de cette journée suscite certaines interrogations. D’une manière générale, on s’aperçoit que la densification autour des
gares atténue la menace d’une diffusion de l’habitat sur le territoire. Par ailleurs, la fermeture de lignes ferroviaires
serait une cause bien plus importante d’étalement urbain : la suppression des services et de la polarité qui se forme
autour des gares favoriserait de façon considérable ce phénomène. Il s’agit d’une menace qui concerne certaines
régions italiennes, comme nous l’avons vu, mais également un certain nombre de lignes ferroviaires en France et
notamment en Rhône-Alpes.
L’étalement urbain ne doit pas uniquement être observé sous l’angle de l’habitat. La multiplication des zones
industrielles sur des surfaces agricoles accentue la pression foncière et contribue à favoriser l’étalement urbain, tout
comme la création de zones de logistiques commerciales ou routières peut avoir des effets dévastateurs sur la vie de
certaines communes. L’étalement urbain est à considérer de manière intégrée dans son ensemble. Cela
nécessite de porter une vision globale et stratégique sur le territoire du secteur alpin tout en considérant sa diversité.
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Encadrés
Encadré n° 1 : Après un an d’existence du projet MO RECO, où en sommesnous aujourd’hui ?
La première phase de travail consacrée à l’échange d’analyses et d’expertises sur les thématiques de l’aménagement
du territoire, de la conception de l’habitat, des politiques de transports et de la gestion du foncier est désormais
achevée et disponible sur le site Internet du projet (www.moreco-project.eu). Cette première phase de diagnostic sur
l’espace de coopération européen a permis différents temps d’échanges entre les partenaires, favorisant ainsi le
partage d’analyse, d’expériences et de bonnes pratiques sur les thématiques abordées. Ce travail a permis d’obtenir
un éventail complet des forces, faiblesses, opportunités et menaces que subissent les zones géographiques
concernées (régions frontalières et alpines de l’Allemagne, Autriche, Slovénie, Italie et France).
Côté français, les productions de la première année de réalisation sont les suivantes :
des notes d’enjeux reprenant des éléments de diagnostic territorial sur chacun des dix sites pilotes du Sillon
Alpin, réalisées par l’Agence d’urbanisme de la région grenobloise (partenaire observateur du projet)
l’étude « Stratégies résidentielles, mobilité et coûts dans le Sillon Alpin », réalisée par un atelier d’étudiants de
l’Institut de Géographie Alpine de Grenoble
la publication d’un encart dans une lettre INSEE, portant sur les déplacements à l’échelle des ZTRA
le colloque sur l’impact des choix résidentiels et des comportements de mobilité sur les coûts de l’urbanisme
Sous la responsabilité de l'Université allemande de Kaiserslautern et de l'Institut d'Urbanisme de la République de
Slovénie, ce travail de diagnostic a permis à l'ensemble du partenariat européen de comprendre les grands enjeux de
chaque territoire partenaire du projet, et a jeté les bases de la suite du projet visant à développer les outils d’aide à la
prise de décision (tel diagnostic – tel besoin).
Actuellement, ces outils sont, pour certains encore au stade du développement, et pour d’autres en phase
d’expérimentation avec les sites pilotes. Côté français, l’adaptation du calculateur de coûts de Munich va être testée
sur les territoires d’Annemasse (à l’échelle de l’ARC), de Métropole Savoie (à l’échelle du SCOT), de la Communauté
de Communes du Grésivaudan, de la Communauté d’Agglomérations du Pays Voironnais et de la Communauté de
Communes du Sud Grésivaudan.
Les enseignements acquis de ces expérimentations, et les retours d’expériences sur leur utilisation seront par la suite
diffusés sous forme de «livres blancs» et accessibles à tous. Cette étape constituera la troisième phase du projet
MORECO, et permettra de formuler des recommandations sur les problématiques urbanisme – transports rencontrées
par les différents acteurs des territoires. Une partie lobbying politique viendra clôturer le projet à la fin du premier
semestre 2014.
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Smart locations for better liveability
Encadré n° 2 : Les scénarios prospectifs et priorit és stratégiques – DATAR
2040
On observe en France que 31% des logements construits en 2008 sont du collectif, 12% sont des logements
individuels groupés et 57% des logements individuels isolés. On observe également que seulement 25% de ces
logements ont été construits dans le cadre de procédures concertées (lotissements sous la forme de permis
d’aménager ou ZAC). Chaque année, la délivrance de permis de construire sous forme diffuse ou isolée augmente
progressivement, indiquant clairement le développement toujours d’actualité de l’étalement urbain.
Le futur périurbain n’est pas écrit. Ce qui peut l’être, c’est l’agenda politique à déployer dans telle ou telle circonstance.
Pour chacun des cinq horizons que nous avons construits et soumis aux débats, il nous a semblé plus pertinent de
proposer une stratégie qui accompagne tel ou tel futur, en le régulant, plutôt qu’en le contredisant. De notre point de
vue, il n’y a pas de mauvais horizon périurbain, il n’y a que des politiques inadaptées aux diversités périurbaines qui
s’annoncent. Dans vingt ans, le processus de périurbanisation et les problématiques des espaces actuellement
périurbains, ou devenus périurbains d’ici là, auront certainement encore évolué. Les cinq scénarios présentés ici
contiennent donc tous une part de « tendanciel » et une part de rupture. À vrai dire, ils sont déjà en partie à l’œuvre,
mais pas partout en même temps ou pas dans les mêmes combinaisons : un mini tour de France de quelques acteurs
territoriaux [1] montre d’emblée le potentiel de projets politiques que recèle le simple fait de reconnaître la diversité des
situations périurbaines. Reste à assumer et à déployer ce potentiel.
SCÉNARIO 1 : l’urbain compact l’emporte, digère le périurbain en le densifiant, et la périurbanisation s’arrête,
ou devient un phénomène secondaire. C’est en somme le « triomphe de Grenelle ».
Si, en 2040, le scénario de la ville compacte finit par s’imposer, en partie pour des raisons structurelles (coût de
l’énergie et de la mobilité, nouvelles valeurs collectives, contraintes environnementales), en partie grâce aux efforts de
politiques publiques dédiées, alors il conviendra, d’une part, d’accentuer la logique de la densification en renforçant la
légitimité et l’efficacité des normes et des règles de la ville compacte, le long des corridors de transports en commun,
et, d’autre part, de travailler à la cohésion sociale de la ville-territoire qui développera les mêmes travers ségrégatifs
que les villes des époques précédentes, sous peine de la rendre insupportable. Le territoire s’organisera à nouveau en
deux grands systèmes, l’urbain et le rural, qui appelleront chacun des politiques publiques spécifiques et fortes. Vis-àvis des villes unies à leurs périphéries, l’État devra tout faire pour réduire la fragmentation des pouvoirs locaux et
soutenir l’affirmation des pouvoirs d’agglomérations élargies. Vis-à-vis des campagnes, il devra soutenir l’agriculture
par tous les moyens, notamment réglementaires en interdisant toute transformation de terres agricoles en terrains
constructibles. Les politiques sectorielles les plus pertinentes promouvront des équipements et des services collectifs
puissants (nouveaux grands quartiers multifonctionnels denses, TC multimodaux), coûteux et négociés avec des
collectivités territoriales très intégrées (grandes agglomérations ou grands syndicats mixtes).
Les priorités stratégiques impliquées par ce scénario sont donc : l’urbanisation compacte, grâce aux pouvoirs
renforcés des agglomérations ; la politique ferroviaire de proximité (TER – RER) ; la « qualité de ville » d’une part et
celle de l’agriculture d’autre part.
SCÉNARIO 2 : la dispersion généralisée s’impose, grâce aux solutions techniques rendant les faibles densités
soutenables et l’accès au confort spatial désirable. C’est en somme la « surprise de l’abondance ».
Si, en 2040, de nouvelles solutions éco techniques en matière de mobilité, d’habitat et de production et consommation
d’énergie autorisent la poursuite de la dé-densification urbaine, alors il conviendra de faciliter la nouvelle
« urbanisation » des campagnes pour faire de cet élan d’aménagement un moteur de développement pour les
territoires. Inventer la qualité globale de cet espace de croissance diffuse permettra de le rendre accessible au plus
grand nombre et de promouvoir ainsi le confort spatial pour tous.
Toutes les régions de France (en Europe) seront concernées par l’accentuation du desserrement urbain, y compris,
voire surtout, celles qui sont aujourd’hui annoncées en déclin à vingt ans : l’espace appellera les glissements de
densité. Il s’agira de travailler avec les régions et les départements de l’ancienne « diagonale du vide », bénéficiaires
d’un renversement spatial alimenté par l’étalement, pour y développer des solutions d’aménagement à la pointe des
nouvelles possibilités éco techniques de l’habitat, de la mobilité, de l’accès aux services et à la consommation, du
travail à distance, etc. Le rôle de l’État sera d’abord dans le soutien financier aux solutions individuelles de
l’aménagement durable des territoires (matériaux nouveaux, maisons à énergie positive, voitures électriques, services
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Smart locations for better liveability
à distance, etc.) et dans leur promotion technique. L’action aménagiste proprement dite sera très décentralisée et
partenariale.
Les priorités stratégiques impliquées par ce scénario sont donc : l’ouverture du marché foncier, en partenariat publicprivé ; la mobilité individuelle durable ; l’innovation technologique soutenable pour les périphéries.
SCÉNARIO 3 : l’enjeu agri naturel est central et structure de nouveaux rapports villes-campagnes, et les
espaces intermédiaires, jadis périurbains, deviennent des conservatoires péri ruraux. C’est en somme la
« revanche des périphéries ».
Si, en 2040, l’espace périurbain se transforme en rivage organisé des espaces naturels protégés, alors il conviendra,
d’une part, de conduire une politique à très long terme de préservation environnementale pour anticiper les futurs
sanctuaires, organiser leurs abords et valoriser l’ensemble, et, d’autre part, de corriger les effets ségrégatifs de cette
logique en soutenant le maximum de projets péri ruraux pour faire de la nature un bien collectif précieux mais
accessible.
Le territoire sera une mosaïque d’entités « éconologiques » spécifiées par la mise en valeur de leurs ressources
environnementales et agri naturelles propres, dont leur agriculture de terroir. Chaque ville sera valorisée par son
chapelet d’espaces péri naturels de qualité, avec lesquels elle établira des partenariats de projets et de
développement. L’État devra apporter le cadre réglementaire et l’ingénierie indispensables à une certification crédible
des espaces, des produits, des matériaux, etc., et à une intervention publique foncière de long terme. Il contribuera au
financement solidaire de la conservation des espaces. Les priorités stratégiques impliquées par ce scénario sont
donc : la préservation des espaces non bâtis ; les projets et les politiques de territoires certifiés ; les solutions de
proximité dans tous les domaines.
SCÉNARIO 4 : l’inter territorialité organise l’ancien périurbain, entre les métropoles et entre les territoires, par
tous leurs sites et fonctions d’interface. C’est en somme le scénario de la « nouvelle frontière ».
Si, en 2040, le développement métropolitain conduit les grandes aires urbaines à valoriser les positions périurbaines
d’interface, d’intermédiation et de connexion entre elles, alors il conviendra d’organiser l’inter territorialité politique,
technique et citoyenne, c’est-à-dire les règles et modalités de partage de la décision et des compétences, et de
repérer les sites stratégiques de l’inter territorialité pour en organiser le développement exemplaire et raisonné, en
évitant une nouvelle concurrence des inter territoires.
Le territoire sera structuré par ses centres métropolitains tout autant que par de nouvelles polarités intermédiaires, aux
fonctions spécifiques (aéroports, gares TGV, grands espaces d’activités, pôles récréatifs, grands équipements, etc.),
qui ordonneront l’ex-périurbain. L’État restera l’acteur crucial pour conduire de grands programmes d’infrastructures
d’intérêt européen de circulation routière, ferroviaire, fluviale, aérienne, et donc permettre aux acteurs locaux d’inventer
de nouveaux carrefours, de nouvelles synapses. Il sera, sur un autre plan, l’acteur pivot pour organiser la coordination
des acteurs territoriaux, et pour énoncer les nouvelles règles du fédéralisme territorial.
Les priorités stratégiques impliquées par ce scénario sont donc : la coordination des acteurs territoriaux et l’articulation
des échelles et niveaux de compétence ; l’aménagement partenarial des sites d’interface ; la mobilité multimodale et
les sites d’interconnexion.
SCÉNARIO 5 : le périurbain est réquisitionné pour son intérêt écologique global par les villes qui dominent
leur région et équilibrent ainsi leur empreinte, dans un contexte de très fortes contraintes environnementales.
C’est en somme « l’après-catastrophe ».
Si, en 2040, les contraintes environnementales sont telles qu’elles rendent la vie en ville seule susceptible de garantir
des solutions collectives en termes de sécurité sanitaire et de gestion durable des ressources, alors il conviendra
de mettre les espaces libres périurbains au service du fonctionnement écologique global des territoires (eau, air,
biomasse, déchets, énergie, biodiversité, etc.). La nécessité s’imposera alors de réguler les rivalités entre les villesrégions qui convoiteront des périphéries de plus en plus lointaines.
Le territoire sera organisé en vastes régions urbaines, soumises à des fortes contraintes techniques et
environnementales, gérées par des consortiums publics-privés, et soucieuses de préserver leurs gisements
écologiques périphériques. Le rôle de l’État sera relativement (comme pour le scénario 1) secondaire par rapport à
celui des pouvoirs urbains, tant publics que privés. Si ceux-ci sont puissants, la fonction de l’État sera d’abord
régulatrice et pourvoyeuse de péréquations. Là où les agglomérations sont moins puissantes, il devra suppléer leur
action et intervenir directement dans la mise en exploitation écologique des périphéries urbaines.
Les priorités stratégiques impliquées par ce scénario sont donc : la maîtrise foncière des grandes périphéries
urbaines ; les équilibres écologiques des villes-territoires ; la constitution de pouvoirs publics/privés métropolitains.
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Encadré n° 3 : Coûts de construction et densité opt imale (A.BOUTEILLE)
« A priori, on s’attendrait à ce que la densité soit porteuse d’économies de concentration. Il n’en n’est rien. […] On
relève que le coût de construction d’un appartement est plus élevé de moitié, voire du double, par rapport à une
maison individuelle de même surface. Une explication de ce phénomène est due au progrès technique qui repose
essentiellement sur les composants de la construction et leur mise en œuvre. Les petites constructions utilisent des
techniques plus simples, accessibles aux artisans à faibles coûts fixes. Le renchérissement de la densité est dû
également à l’importance des parties collectives (couloirs, cages d’escaliers, ascenseurs, locaux communs, rampe
d’accès au sous-sol) non incluses dans la surface habitable.
Outre que la maison bénéficie des plus faibles coûts de construction par mètre carré, elle est avantagée par un certain
nombre de normes (relatives aux personnes handicapées, réglementation acoustique, règles de sécurité concernant
les ascenseurs). [ …] L’analyse montre que le cocktail de l’ensemble des normes « sécurité + confort + fiscalité » est
nettement plus avantageux pour la maison individuelle.
Les économies d’échelle sont annulées par l’augmentation des coûts fixes
Nous avons poursuivi nos analyses en incluant la totalité des coûts de revient : aménagement + construction + taxes +
frais financiers. Il en ressort que les économies liées à la densité sont annulées à chaque saut de coûts fixes, lorsqu’on
évolue vers un type de construction plus dense, du lotissement à la maison en bande, puis à l’immeuble collectif
(Castel, 2006). Non seulement les techniques de construction sont plus coûteuses, mais aussi les montages juridiques
et financiers. Il ressort que la relation entre la densité et les coûts d’aménagement et de construction n’est pas une
fonction linéaire, mais apparaît comme une fonction en escalier.
La densité optimale économiquement est rarement celle qui résulte de l’application des
règles d’urbanisme.
Pour finir nous avons étudié l'impact de la charge foncière pour chaque niveau de coûts fixes donné. Après avoir établi
que le prix foncier maximal que peut proposer le promoteur est une fonction du prix du marché immobilier, nous avons
montré que la relation entre le prix de revient du m² de plancher habitable et la densité, pour le coût foncier déterminé,
est une hyperbole (Bouteille, 2008). Par conséquent, les marches de la courbe en escalier sont incluses dans le
mouvement plus général d'une courbe descendante puis remontante. La densité optimale est obtenue au creux de la
courbe. Si le PLU permet davantage que cette densité, le constructeur n’a aucun intérêt à construire plus dense que la
densité optimale.
Nos derniers travaux réalisés en 2010 tiennent compte de la possibilité ou pas de phaser les opérations, ce qui a un
effet significatif sur le montant des frais financiers. Le découpage d’une opération réduit la charge financière. De plus,
la réduction de l’échelle des risques permet l’intervention d’opérateurs à coûts de structure plus réduits. Là encore,
l’opération qui se veut compacte ou intégrée réduit les possibilités de découpage. A l’opposé, l’étalement est porteur
de souplesse et de possibilités de phasage.
En conclusion, l’analyse des coûts d’aménagement et de construction, qui ne représentent pas moins de 60% à 80%
du coût total des opérations, fait apparaître nettement l’avantage concurrentiel des faibles densités. La loi Grenelle et
le nouveau PTZ+, veulent favoriser les constructions situées en agglomération, dans le but de réduire l’attrait de
l’étalement urbain, rien ne permet de dire, à ce jour, que cela sera suffisant pour inverser la tendance ».
A.BOUTEILLE, J-C.CASTEL
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Encadré n° 4 : Les orientations stratégiques d’une collectivité aménageuse :
l’exemple de la ville d’Annemasse (C.DUPESSEY)
« Je suis Maire d’une ville de 33 000 habitants, dans une agglomération transfrontalière de 900 000 habitants. Nous
sommes une région charnière, la rotule entre Rhône-Alpes et la Suisse, qui ont pratiquement la même superficie et le
même nombre d’habitants. Il s’agit de la deuxième agglomération de Rhône-Alpes, même si la majorité de sa
population est située côté suisse. Nous exprimons la volonté de construire une agglomération compacte mais
multipolaire, verte, dynamique, efficace et solidaire. Le cœur du projet d’agglomération est le lien entre urbanisme et
mobilité. En 2030, si les choses continuent telles qu’elles sont, nous aurons 200 000 habitants de plus et 100 000
emplois de plus. Il nous faut veiller à la bonne répartition de cette population et de ces emplois. La proximité de
l’emploi et du logement, ou du logement et des transports qui mènent à l’emploi est une problématique au cœur de
notre situation actuelle. Tous les jours, nous comptons 550 000 passages de la frontière. La question est de savoir
comment, autour des axes de transport en commun, va-t-on permettre aux gens de « vivre bien » ?
« Le CEVA est une colonne vertébrale de déplacement ferroviaire dans la région transfrontalière qui devrait fortement
contribuer à réduire le trafic automobile dans la région. Il permettra une desserte de type RER entre Genève et
Annemasse en passant par La Praille et Genève-Eaux-Vives. Il consistera en la construction d’une double voie
électrifiée de 16,5 km dont 2 km situés en France. La mise en service du projet dans son ensemble est prévue pour
2016. Le prolongement du projet CEVA en France a pour objectif de connecter les réseaux suisse et français, et de
prolonger les dessertes ferroviaires vers toute la Haute-Savoie, territoire en connexion étroite avec le bassin genevois.
La gare d’Annemasse accueille actuellement 300 000 voyageurs par an, en 2018 nous prévoyons le chiffre de 4
millions de voyageurs annuels. Nous bénéficierons d’un RER, d’un tramway, d’un réseau de bus à haut niveau de
service, pour une commune de 33 000 habitants c’est assez exceptionnel ! Nous ne sommes pas tous seuls pour cela.
La ville d’Annemasse sera pilote du projet et une ZAC intercommunale sera pilotée par la communauté
d’agglomération. Nous avons signé un projet d’agglomération en 2007, le prochain projet sera signé dans les
semaines qui viennent et définira notre orientation pour les cinq années à venir.
Se pose la question de l’aménagement des espaces publics autour de la gare, ou comment insérer la gare dans la
ville. Nous posons comme principe la densité aux abords du pôle d’échange. La nouvelle gare sera un lien entre le
nord et le sud de la ville et non plus une coupure. Un enjeu important est également celui du franchissement des voies.
Nous donnerons la priorité aux modes de transport doux, il n’y aura plus de voitures devant la gare, les parkings seront
déplacés. Différentes fonctions seront également attribuées aux bâtiments aux abords de la gare : habitats, bureaux,
commerces… L’objectif est d’être complémentaire de Genève, en particulier sur le tourisme d’affaire. Nous souhaitons
une cohérence dans la ville et l’agglomération française, et avec Genève.
Il est indispensable sur un tel projet urbain d’avoir une très forte implication de la puissance publique. C’est pourquoi
nous avons fait le choix d’une ZAC. Dans ce projet, l’anticipation foncière est fondamentale, tout comme le fait d’avoir
une vision globale du projet que l’on veut mener. En ce sens, il est particulièrement important qu’un travail rigoureux
soit effectué sur la programmation urbaine, qui permet d’être en accord avec les investisseurs et de définir un rythme
temporel d’aménagement avec eux. Nous devons donner aux acteurs privés la souplesse dont ils ont besoin pour
investir et un engagement entre public et privé est indispensable dans ce projet. »
C.DUPESSEY
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Encadré n° 5: The Copenhagen Finger Plan and Proxim ity to Station
Éléments de contexte
Le Danemark affiche une population de 5,7 millions d’habitants, dont 1/3 habite dans la région du Grand Copenhague
et est divisé en cinq Régions. Avec les tendances démographiques actuelles, dans le futur, deux d’entre elles
concentreront la majorité du développement du pays, dont la région du Grand Copenhague. Les déplacements
domicile-travail en direction de la capitale sont très nombreux, car une part importante de la population habite dans les
espaces périurbains et travaille dans la capitale. Dès lors, développer les moyens de transports alternatifs à
l’automobile individuelle est un enjeu capital qui structure l’ensemble des politiques de développement de la région
capitale.
L’État joue principalement le rôle de régulateur et définit de grandes orientations stratégiques de développement du
territoire national qu’il inscrit dans des directives et décrets nationaux. Ces grandes tendances sont basées sur des
programmes de recherches regroupant universitaires et techniciens. L’État est aussi l’autorité compétente pour la
gestion des trains.
Un document de planification au service de la cohérence urbanisme et déplacement
Le « Finger Plan » de Copenhague est un plan de développement urbain intégrant transport, urbanisme et zones
récréatives. Le premier « Finger Plan » de Copenhague date de 1947 et est issue d’une initiative privée d’une
association d’architectes et d’urbanistes. Il prévoyait le développement de l’agglomération de Copenhague sous la
forme d’une structure urbaine en « cinq doigts ». Ces cinq axes de développement sont structurés par axes de
transport en communs « lourds », les lignes de chemin de fer de banlieue, qui permettent l’extension de la zone
urbaine de la capitale vers l’ouest tout en renforçant l’attractivité de la polarité principale (plan mono central).
L’objectif n’était pas de construire de nouvelles villes, mais de renforcer des villes existantes et desservies par des
gares en y développant de nouvelles périphéries (concentration les logements, activités et services dans un périmètre
d’un kilomètre autour stations ferroviaires). Des espaces non-urbanisés « les cales vertes », situés entre les « doigts »
sont conservés à des fins agricoles et récréatives. Ils devaient être facilement accessibles pour les résidents des
zones urbaines. Le droit de construire était ainsi limité à 1 kilomètre autour des gares. Les autorités publiques se sont
ensuite appropriées ce principe et plusieurs versions du « Finger Plan » se sont succédées au cours de la deuxième
moitié du vingtième siècle, avec des principes qui étaient plus ou moins respectés selon les versions.
En 2007, un nouveau « Finger Plan » est adopté sous la forme d’une directive nationale avec l’objectif d’encadrer la
planification dans les 34 municipalités du « Grand Copenhague ». Ainsi, l’État décide de la vision stratégique du
territoire mais seules les municipalités sont en mesure de la mettre en œuvre de manière concrète au niveau local. Le
nouveau plan divise l’aire métropolitaine du Grand Copenhague en quatre zones géographiques :
Le centre urbain dans laquelle le développement urbain, d’importance régionale, doit être basé principalement
sur le renouvellement urbain et sur le développement des transports collectifs ;
Les doigts d’urbanisation (zones urbaines périphériques) pour lesquels l’urbanisation, d’importance régional,
doit se faire en fonction des transports collectifs et des infrastructures de transport existantes ou projetées ;
Le reste du Grand Copenhague dans lequel le développement urbain est d’importance locale et l’urbanisation
doit rester faible et se faire principalement au niveau des bourgs déjà existants ;
Les « intervalles verts » qui ne doivent pas être urbanisés. Ils sont réservés pour y implanter des activités
agricoles ou récréatives.
Il redéfinit le principe de localisation des grandes surfaces de commerces et de bureaux à proximité des nœuds de
transports publics et notamment des gares. Dès lors, tous les bâtiments de bureaux avec une surface de plus de 1 500
m² de SHON doivent s’implanter à moins de 600 mètres d’une gare. Cette limite a été choisie selon une étude danoise
qui montre qu’au-delà de cette distance, le taux d’usage du train diminue fortement pour aller travailler.
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Le concept du « Finger-Plan » de 2007 et ses quatre zones géographiques
Source : Niels Østergård, Colloque MORECO du 26 juin 2012, Région Rhône-Alpes / AURG.
Le projet Ørestad : un exemple de la mise en œuvre opérationnelle du «Finger Plan»
Le projet Ørestad qui est en cours de construction, montre bien la volonté d’urbanisation autour des dessertes ferrées
imposée par le « Finger Plan ». Il s’agit d’un nouveau quartier à usage mixte de logements, de bureaux et de
commerces, qui se développe autour d’une station de métro qui se situe sur l’axe Copenhague-Malmö. Le périmètre
d’urbanisation autour de l’arrêt de métro est un principe clé du projet. Le projet inclus des surfaces de parking minimes
car la majorité des gens se rendent sur le site en métro ou à vélo.
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Encadré n° 6 : Le projet de recherche / action Bahn .Ville 2
Qu’est-ce que Bahn.Ville 2 ?
Bahn.Ville 2 est un programme de recherche / action sur la ligne de Saint-Etienne / Firminy, qui fait suite à un premier
volet Bahn.Ville 1. L’objectif était de promouvoir un « urbanisme orienté vers le rail » au travers de trois composantes
principales : l’offre ferroviaire, la ville et la station. Le croisement de ces différentes composantes vise à sensibiliser et
familiariser les acteurs locaux à des approches transversales, accompagner l’action locale et développer des
connaissances et méthodes transposables sur d'autres territoires
Ainsi, pour atteindre ces objectifs généraux, le projet est construit à partir d’une série d’actions/recherches-actions.
Celles-ci envisagent chacune l’articulation transport / urbanisme sous un angle particulier dans le but d’apporter des
éléments de connaissances, de développer des méthodes et des outils et de les mettre en œuvre sur le terrain
d’expérimentation.
Bahn.Ville 2 est un programme européen franco-allemand, qui a permis de mettre en place diverses visites de terrains
et échanges à destination des élus et concernées et chercheurs impliqués par le projet. À ce titre, il regroupe de
nombreux partenaires : L’Etat et des partenaires locaux (Région Rhône-Alpes, Saint-Etienne Métropole, EPORA, EPA
de Saint-Etienne) assurent un financement partenarial, le CETE, l’INRETS, et l’Agence d’Urbanisme Épures
composent l’équipe technique tandis qu’un partenariat a été mis en place avec les collectivités et acteurs locaux sur
les questions de gouvernance.
Le site d’expérimentation
Le programme de recherche / action s’est focalisé sur la ligne ferroviaire de Saint-Etienne à Firminy, longue d'environ
15 kilomètres et desservant 7 gares (dont 4 très proches de la ville-centre) : Firminy, Le Chambon-Feugerolles, La
Ricamarie, Le Clapier, Bellevue, Carnot et Châteaucreux. Dans le cadre du Contrat de Plan État-Région, un
programme de modernisation des infrastructures ferroviaires s'est concrétisé en 2006 par l'électrification de la ligne,
l'augmentation des fréquences ainsi qu'un volet conséquent de réaménagement des gares et de modernisation des
haltes ferroviaires. Quelques chiffres : Une agglomération de 500 000 habitants, Saint-Etienne : 180 000 habitants,
une vallée urbanisée : 55 000 habitants
Bilans / actions
Treize actions, regroupées en quatre familles, constituent le corps du projet. Elles associent toutes les dimensions
déplacement et urbanisme et permettent de préciser trois questions majeures : Comment changer l'image du fer en
ville? Comment faire du train un mode de déplacement au service d'une ville de proximité? Comment aller vers des
projets intègres, urbains et
ferroviaires ?
Un ensemble de fiches de
présentation des 13 actions et des
enseignements par commune ont
été produits, ainsi qu’un guide
méthodologique
(l'observatoire
foncier / déplacement) et un rapport
scientifique final disponible sur
http://www.bahn-ville2.fr
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