Délégation de service public

Transcription

Délégation de service public
Pages 61 à 75 COR_Mise en page 1 04/11/12 17:46 Page67
Délégation de service public :
Les règles de publicité
Les dispositions des articles L. 1411-1 et R. 1411-1 du Code général des collectivités
territoriales imposent à la personne publique qui entend passer une délégation
de service public de procéder à un appel d’offre dans au moins une publication.
1. L’origine de l’obligation de mise
en concurrence et de publicité
A. Une obligation découlant
du droit communautaire
En droit communautaire, il n’existe pas de règles
spécifiques aux concessions de service selon la jurisprudence Telaustria de la Cour de justice des
communautés européennes (CJCE) du 7 décembre
2000, C 324/98. L’obligation de mise en concurrence
découle toutefois des articles 12, 43 et 49 du traité
instituant l’Union européenne (après sa version
consolidée de Nice en 2001). Avec l’arrêt Parking
Brixen (CJCE, 13 octobre 2005, Parking Brixen GmbH,
C-458/03), le juge communautaire précise que désormais, du droit primaire, découlent notamment le
principe de transparence des procédures, d’égalité
de traitement avec une publicité adéquate et
l’application du principe d’impartialité dans la procédure.
B. L’application du principe en droit interne
L’obligation de publicité et de mise en concurrence
en matière de délégation de service public est issue
de la loi Sapin n° 93-122 du 29 janvier 1993 codifiée
à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités
territoriales (CGCT). Les délégations de service public
des personnes publiques sont donc soumises à une
procédure de publicité et de mise en concurrence
permettant la présentation de plusieurs offres
concurrentes. Ainsi, il doit y avoir insertion de l’avis
d’appel d’offre dans une revue habilitée à recevoir
les annonces légales et dans une revue spécialisée.
Il y a lieu également de noter qu’après que le délégataire a été choisi, un avis d’attribution de la délégation de service public doit être publié afin de permettre les éventuels recours.
Aux termes de l’article R. 1411-1 du
CGCT, seules les « caractéristiques essentielles » de la délégation doivent
faire l’objet d’une mesure de publicité. Il y a donc lieu de
noter qu’alors que l’avis d’appel public à la concurrence
ne mentionne pas la durée de la convention envisagée,
mais que cette information figure dans le dossier de
consultation remis à l’ensemble des candidats ayant répondu à l’avis, l’absence de précision sur ce point de
l’avis, « n’est pas regardée, dans les circonstances de l’esATTENTION
MARCHÉS PUBLICS
LES FICHES TECHNIQUES
DU JOURNAL DES MAIRES
pèce et compte tenu de la durée envisagée de douze ans,
habituelle pour ce type de délégation, en cause, comme
entachant d’irrégularité la procédure de passation du
contrat » (CE, 25 juillet 2011, Syndicat des eaux de l’Iffrenet, n° 231319, et CE, 28 juin 2006, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau de la moyenne vallée du
Gier, n° 288459).
2. Les supports et les exigences
de publicité des appels d’offre
La publicité doit être de nature à susciter plusieurs
offres concurrentes. En effet, l’article L. 1411-1 du
CGCT pose le principe d’une obligation d’insertion
dans deux publications, un journal d’annonces légales et une publication spécialisée. Le Conseil d’Etat
souligne également que les dispositions des articles
L. 1411-1 et R. 1411-1 du CGCT doivent être interprétées à la lumière des règles fondamentales du traité
instituant l’Union européenne.
A. Le choix du journal d’annonces légales
et d’une publication spécialisée
Le juge administratif précise que la liste des journaux
d’annonces légales est fixée par le préfet (TA Lyon,
27 septembre 1997, Compagnie européenne des
bains, n° 9304338). Mais la liste des journaux habilités à recevoir des annonces légales dressée par le
préfet n’est toutefois pas limitative. Elle peut notamment être complétée par des publications qui,
au plan national, peuvent être considérées comme
habilitées à recevoir de telles annonces (voir, en ce
sens, CAA Nantes, 18 juin 2004, Commune de Carnac,
n° 03NT014143).
Le Bulletin Officiel d’Annonces des Marchés Publics
(BOAMP) doit ainsi être considéré comme une publication habilitée à recevoir des annonces légales,
même s’il ne figure pas sur la liste des journaux habilités par les préfets par exemple (CE, 19 novembre
2004, Commune d’Auxerre c/ Sté SAUR, n° 266975).
Dans l’arrêt Commune d’Auxerre, le Conseil d’Etat a
considéré que l’exigence d’une double publicité, prescrite pour les procédures de passation, dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales,
ainsi que dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné, avait été
en l’espèce satisfaite. Mais, si Le Moniteur du bâtiment et des travaux publics constitue une publication spécialisée au sens des dispositions de l’article
www.journaldesmaires.com novembre2012 Journal des Maires

67
Pages 61 à 75 COR_Mise en page 1 04/11/12 17:46 Page68
LES FICHES TECHNIQUES
DU JOURNAL DES MAIRES
Délégation de service public : Les règles de publicité

des dispositions expresses de la directive 2004/18/CE
du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux,
de fournitures et de services.
L’arrêt Communauté urbaine de Bordeaux a donné
au Conseil d’Etat la possibilité de consacrer le principe d’une non-publication en vue de la passation
d’une délégation de service public ne présentant pas
d’intérêt transfrontalier et ne réclamant pas une publication bénéficiant d’une diffusion européenne (CE,
1er avril 2009, Communauté urbaine de Bordeaux,
n° 323585). La haute juridiction admet ainsi que le
support de référence puisse ne concerner que les
procédures de délégation lancées en France dans le
domaine concerné, à la condition toutefois que l’annonce ainsi faite soit insusceptible d’échapper à l’attention d’un opérateur raisonnablement vigilant.
L’intérêt de l’arrêt est donc de trancher la question
de savoir si seule une publicité dans un support bénéficiant d’une diffusion européenne peut être considérée comme adaptée à la passation d’une délégation susceptible d’intéresser des opérateurs implantés
sur le territoire d’autres Etats membres de l’Union
européenne. Cette jurisprudence a cependant été
très critiquée, mais il y a lieu de relever qu’il n’existe
pas, pour le moment, de directives en matière de
seuils européens pour la passation d’une délégation
de service public. Cela confirme ainsi que le principe
européen de transparence des procédures n’a qu’une
incidence très réduite sur les modalités de publicité
des délégations de service public.
Stéphane Brunella
Directeur général des services
R. 1411-1 du CGCT dans le cadre d’une délégation de
service public relative à la collecte des eaux usées,
il a été jugé, à l’inverse, qu’il n’était pas une publication spécialisée dans le secteur économique de la
gestion des marchés d’approvisionnement, contrairement au journal Les Echos (CE, 8 juillet 2005, société EGS, n° 277554). Toutefois, le juge administratif
estime que les journaux de la presse quotidienne régionale et l’hebdomadaire ne sont pas des revues
spécialisées correspondant au secteur économique
de l’équipement de la montagne, dès lors qu’il n’est
pas établi qu’il n’existe aucune revue dans ce secteur
(CAA Marseille, 21 octobre 2003, Préfet des Pyrénées
Orientales/Commune de La Llagonne,n° 00MA00574).
Lorsqu’il n’existe aucune publication spécialisée correspondant au secteur économique
concerné par le service public faisant l’objet
de la délégation envisagée, il appartient à la personne
publique de rechercher quelle autre publication, plus
générale, peut assurer une information suffisante des opérateurs économiques de ce secteur (CE, 8 juillet 2005,
Commune de Clichy-la-Garenne, n° 277554) et le juge de
constater la validité de la publicité dans deux journaux
habilités à recevoir des annonces légales. Mais l’insertion
dans un journal professionnel avec large diffusion mais
généraliste ne satisfait pas l’exigence (CAA Lyon, 19 avril
2001, Commune de Sainte-Foy-les-Lyon n° 97LY2400357).
A NOTER
B. L’obligation ou non d’une publicité au niveau
communautaire
Il n’existe pas d’obligation de publicité transfrontalière, donc communautaire. Le Conseil d’Etat a ainsi
confirmé « qu’aucun texte ni principe n’impose que
la délégation de service public d’une plage fasse l’objet d’un avis de publicité dans une publication relevant du niveau de l’Union européenne » (CE, 27 janvier 2011, Commune de Ramatuelle, n° 338285) et
a ajouté que le principe européen de transparence
des procédures n’a qu’une incidence très réduite sur
les modalités de publicité des délégations de service
public. Il n’existe donc pas d’obligations propres aux
délégations susceptibles de présenter un « intérêt
transfrontalier certain ». Mais, il est évident que
cela doit être interprété à la lumière des exigences
qui constituent le fondement des principes de nondiscrimination en raison de la nationalité et d’égalité
de traitement. A cet égard, le Conseil d’Etat met en
œuvre plusieurs critères : l’objet et les enjeux économiques de la délégation de service public, dont
son montant. Mais il en va toutefois différemment
dans le cas des concessions de travaux, comme le
précise l’ordonnance relative aux contrats de concession de travaux publics du 15 juillet 2009, en raison
68
www.journaldesmaires.com novembre 2012 Journal des Maires
RÉFÉRENCES JURIDIQUES

Traité instituant l’Union européenne, version consolidée
publiée au Journal officiel de l’Union européenne, n° C 83 du
30 mars 2010.
 Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil,
du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de
passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de
services, art. 56 et suivants. JO L 134 du 30 avril 2004.
 Loi relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures
publiques n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, JORF du
30 janvier 1993, p. 1588.
 Ordonnance n° 2009-864 du 15 juillet 2009 relative aux
contrats de concession de travaux publics, JORF du 16 juillet
2009, p. 11853.
 Code général des collectivités territoriales, partie législative
et réglementaire, art. L. 1411-1 et suivants et R. R. 1411-1 et
suivants.