Immersion au pays du Soleil levant
Transcription
Immersion au pays du Soleil levant
asie 26 février 2016 Immersion au pays du Soleil levant Par Serge Abel-Normandin Q uoi de mieux qu’une promenade au marché aux poissons de Tsukiji de Tokyo pour entamer un séjour au Japon ? Aussi populaire soit-il auprès des touristes (qui s’y rendent souvent dès l’aube), cet endroit n’est pourtant pas, a priori, une attraction touristique. Dans ce lieu très achalandé, les flâneurs et les photographes amateurs risquent même de se faire bousculer par ceux qui sont là, comme il se doit, pour travailler. Désolant ? Bien au contraire : cette ambiance survoltée ajoute un thrill et rehausse l’authenticité des lieux – qui sont très photogéniques à défaut d’être beaux. Dans la même veine, les produits de la mer exposés dans les étals ne sont pas toujours jolis ni ragoûtants. Mais ils sont impeccablement frais et – n’en doutons pas ! – succulents lorsque consommés en sushi, maki ou sashimi ! Cela dit, il faut savoir qu’une page d’histoire sera tournée d’ici peu, quand le plus grand marché aux poissons du monde déménagera ses pénates à Toyosu, dans de nouveaux lieux plus vastes et plus neufs. Sans doute seront-ils aussi foisonnants. Aussi charmants ? Le scepticisme règne… MES PROPRES SUSHIS ! Nous n’allions toutefois pas laisser ces considérations gâcher notre activité suivante : un cours de fabrication de sushis chez Yokiko, à deux pas des halles du marché. L’expérience m’a paru aussi intéressante qu’amusante. J’ai me suis même trouvé plus habile que prévu. Bon : j’admets que le look de mes sushis et makis laissait un peu à désirer, mais leur goût m’a semblé irréprochable quand je les ai enfin dégustés. De là à envisager une deuxième carrière dans un resto japonais, il n’y a qu’un pas… que je m’abstiendrai quand même de franchir ! Pourquoi pas un peu de shopping pour digérer et occuper le temps libre de l’aprèsmidi ? Justement, notre hôtel – l’excellent Grand Hyatt Tokyo – était voisin d’un luxueux centre commercial à Roppongi Hills. Devant la vitrine d’un salon de beauté canin, j’ai passé un long moment à observer les employées bichonner les petits chiens avec le même soin qu’elles auraient coiffé une vedette d’Hollywood. Puis je me suis mis à la recherche d’un Uniqlo. En vain… UNIQLO EN MÉTRO Quand j’ai appris qu’il me faudrait prendre le métro pour accéder à l’un de ces populaires magasins de vêtements de Tokyo, j’ai hésité. Avez-vous déjà vu un plan du métro de Tokyo ? On dirait l’œuvre d’un grand maître de la peinture moderne. À comparer, le plan du métro de Montréal fait figure de bonhomme allumettes ! Finalement, l’aventure s’est avérée beaucoup plus facile que prévu – merci aux nombreux Japonais qui se sont spontanément et très gentiment offerts pour m’orienter. Je suis donc parvenu sans peine au plus grand Uniqlo du monde, celui du district de Ginza, qui compte pas moins de douze étages ! Rassasié, je suis rentré à ma chambre du Grand Hyatt, vaste et décorée avec goût. Encore plus que la douche immense, la toilette m’a étonné. Dès qu’on s’en approche, le couvercle se soulève automatiquement. Et si on s’assoit, le siège est tout chaud… entre autres raffinements ! PERDU DANS LE BROUILLARD Le clou de la soirée aurait dû être la visite de l’observatoire Roppongi Hills City View, culminant à 250 mètres au-dessus du niveau de la mer. Un épais brouillard a cependant complètement bousillé cette idée ! Qu’à cela ne tienne, nos hôtes nous ont improvisé une visite au musée adjacent en guise de consolation. Le Mori Art Museum présentait une exposition d’un artiste contemporain japonais apparemment très renommé : Takashi Murakami. Pour être franc, sa notoriété ne s’était jamais rendue jusqu’à moi… Alors que je redoutais une expo un peu austère, quelle ne fut pas ma surprise de RockyLo(AirCanada) apprendàcuisinerla soupemisochezYokiko. 10 plonger dans un univers délirant, très près du manga, à la fois kitsch et sombre; ultramoderne en même temps qu’évocateur du folklore japonais ! Il paraît que les collectionneurs et les musées du monde s’arrachent les œuvres de Murakami à coups de millions. Paraît aussi que l’artiste a collaboré avec la maison Louis Vuitton et le rappeur Kanye West ! À défaut de pouvoir m’offrir un de ses tableaux monumentaux, je me suis procuré une carte postale à la boutique du Musée ! LOST IN TRANSLATION Ce soir-là, nous sommes allés souper au restaurant Ninja Akasaka. Soyons honnêtes : on ne va pas là pour la nourriture. Pas qu’on y mange mal, mais l’intérêt du Ninja (espion en japonais) est ailleurs. Il est dans le concept qui veut qu’on traverse un lugubre labyrinthe pour accéder à sa table; que les membres du personnel soient tous masqués; que tout le décor et presque tous des aliments soient noirs, même le riz ! Tout un contraste, quand même, avec l’élégant souper de bienvenue auquel on nous avait asie conviés la veille : un banquet gastronomique où chaque service surpassait le précédent en raffinement, tant dans le goût que dans la présentation, chaque petite portion étant judicieusement accompagnée de son saké. Des ninjas de Tokyo, nous allions passer, le lendemain, aux geishas de Kyoto. Mais pas avant d’aller boire un verre dans le quartier de Shinjuku, au bar du Park Hyatt de Tokyo. C’est dans ce chic hôtel, voyez-vous, qu’a été tournée une grande partie du film Lost in Translation, de Sofia Coppola, avec Bill Murray et Scarlett Johansson ! BELLES D’UN JOUR C. BELLES DE TOUJOURS Le trajet en train Shinkansen de Tokyo à Kyoto prend environ deux heures et demie. À notre arrivée, pas le temps de nous attarder dans la sublime et ultramoderne gare de Kyoto. Nous avons tout de suite mis le cap sur le restaurant Kiyomizu Jyunsei Okabeya, délicieusement spécialisé dans la cuisine du tofu. Bien sustentés, nous avons entrepris la visite du temple Kiyomizu. Indéniablement superbe, ce temple (qui englobe, en fait, plusieurs structures bouddhiques et shintoïstes) est également apprécié pour ses spectaculaires vues en plongée sur Kyoto. Il faut toutefois savoir que, victime de sa popularité, le site est perpétuellement envahi par une foule très compacte – on n’ose pas imaginer ce que ce sera en 2020, l’année des Jeux olympiques de Tokyo ! En déambulant sur ce site du patrimoine mondial de l’UNESCO, on constate qu’une étonnante proportion des visiteurs – et des visiteuses surtout – portent un kimono traditionnel. Elles sont certes ravissantes, mais pour l’authenticité, on repassera : le vêtement est habituellement loué pour quelques heures, le temps de mettre à profit sa perche à selfie ! JALOUX DE LA BEAUTÉ Après le temple Kiyomizu, un autre bain de foule allait nous être proposé, cette fois, à l’incontournable Temple du Pavillon d’or (Kinkaku-ji). Toujours incroyablement photogénique, cette élégante merveille dorée date, tenez-vous bien, de 1955. Seulement 1955 ? En fait, le temple original (et identique) avait été construit vers l’an 1400, mais il a été incendié en 1950, par un moine un peu fêlé. Il était jaloux de sa beauté, avance le célèbre Yukio Mishima dans un de ses romans... Nous avons soupesé cette hypothèse en mangeant une délicieuse glace au thé vert… puis sommes allés découvrir une attraction de la même couleur : la bambouseraie d’Arashiyama. Traversée par une allée, cette très populaire « forêt de bambous » n’est pas très grande, mais les bambous sont vraiment très hauts ! En soirée, nous avons, comme il se doit, arpenté le quartier de Gion. Chanceux, nous y avons même croisé quelques authentiques geishas et maikos (les apprenties geishas). Apparemment indifférentes, ces belles dames suscitent toujours beaucoup d’attention sur leur passage, les passants se pressant pour les photographier. Pour les voir en action, on peut assister au spectacle du Gion Corner, qui fait salle comble tous les soirs. J’ai trouvé le show intéressant, mais un peu hermétique, malgré les explications données en anglais avant chaque numéro. Le public, toutefois, semblait comblé. PARCE QU’ON EST EN 2015 ! Après s’être mêlé à tant de foules, quel contraste que notre visite au temple Shunkōin, où nos hôtes nous avaient concocté une expérience touristique axée sur la méditation ! Le calme après la tempête, quoi ! Nous avons été accueillis par Takafumi Kawakami, un sympathique moine parlant parfaitement anglais. Après nous avoir fait visité les lieux – très apaisants avec leur jardin de rochers –, il nous a souligné comment la méditation permet d’établir une connexion entre le corps et l’esprit. Puis, il nous a invités à passer de la théorie à la pratique : respirez profondément… expirez… Ce quart d’heure réparateur, passé en position du lotus, a été suivi d’une cérémonie du thé toute traditionnelle, pendant laquelle M. Kawakami à répondu à nos questions. Nous avons notamment appris que si le temple Shunkō-in respecte la tradition, il ne s’y enferre pas. Ainsi, il est même le premier temple bouddhiste Zen à célébrer des mariages entre conjoints de même sexe. Et quand nous lui avons demandé « pourquoi ? », le gentil moine nous a surpris en citant… Justin Trudeau ! « Parce qu’on est en 2015, comme le dit votre premier ministre », nous a-t-il répondu ! AU JAPON, COMME LES JAPONAIS ? Dernière étape – et non la moindre – de notre séjour au Japon : l’élégant ryokan Hanamurasaki, dans la préfecture d’Ishikawa. Comme la plupart de ces auberges typiquement japonaises, le Hanamurasaki est doté d’onsens. L’un de ces bains thermaux se trouve à l’intérieur de l’auberge et l’autre, sur le toit. Les deux ont leur charme. Dans les onsens, oubliez les maillots : on se baigne entièrement tout nu (femmes et hommes étant séparés). Ailleurs dans le ryokan, on porte une espèce de kimono appelé yukata. Et il faut impérativement attacher celui-ci du bon côté, au risque d’être la risée des lieux. Par ailleurs, sachez-le, jamais au grand jamais on ne marche avec ses chaussures sur les tatamis dans les chambres. Vous l’aurez compris : il y a plusieurs règles à respecter dans les ryokans. On vous remet d’ailleurs une liste de règlements à l’arrivée. Mais même après une lecture attentive, il est assez facile, pour un Occidental, de commettre des impairs. Ai-je l’air de me plaindre ? Au contraire, j’ai a-do-ré l’expérience, qui m’a semblé le summum de l’immersion nippone ! Ce reportage fait suite à une invitation de l’Office National du Tourisme Japonais (JNTO). Le transport aérien a été fourni par Air Canada. l ans 1980 • 2015 11
Documents pareils
Voyage de noces d`exception
- Ryokan de charme avec onsens privés à Izu
- Cérémonie de mariage traditionnelle à Kyoto
- Dîner en compagnie d’apprenties geisha
- 3 jours de détente sur les plages de Miyakojima
Jour 1 : DEPART ...
Japon impérial et spirituel
téléphérique du Mont Owakudani. Dans l'après-midi, transfert en voiture jusqu'à la gare
d'Odawara. Depuis Odawara, voyage en Shinkansen (train à grande vitesse) sans guide jusqu'à
Kyoto en 2e class...