Détermination du Coût Moyen Pondéré du Capital des activités
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Détermination du Coût Moyen Pondéré du Capital des activités
Détermination du Coût Moyen Pondéré du Capital des activités Terminaux Méthaniers d’Elengy Mai 2016 NERA Economic Consulting 1 rue Euler 75008 Paris, France Tel: 33 1 45 02 30 00 Fax: 33 1 45 02 30 01 NERA Economic Consulting Unter den Linden 14 10117 Berlin, Deutschland Tel: 49 30 700 150 601 Fax: +49 30 700 1506 99 www.nera.com 1. CONFIDENTIALITE Nous considérons que maintenir la confidentialité sur les données et projets de nos clients est essentiel pour leurs intérêts. NERA Economic Consulting applique rigoureusement des pratiques internes de confidentialité afin de protéger la confidentialité de toute information de nos clients. De la même manière, nos analyses et recommandations sont notre propriété ; par conséquent, nous attendons de nos clients qu'ils protègent nos droits sur nos propositions, présentations, méthodologies et techniques analytiques. En aucun cas ces matériels ne doivent être partagés avec des tiers, sans l'accord écrit préalable de NERA Economic Consulting. © NERA Economic Consulting 3 1. Synthèse ___________________________________________________________________ 7 2. Introduction________________________________________________________________ 9 3. Le rationnel d’une structure CMPC + prime spécifique ____________________________ 11 3.1. 3.1.1. 3.1.2. L’exploitation de terminaux méthaniers _________________________________________ 11 Une activité concurrentielle… ________________________________________________________ 11 …Soumise aux aléas du marché _______________________________________________________ 11 3.2. La spécificité de l’exploitation des terminaux méthaniers au regard des autres activités régulées ___________________________________________________________________________ 13 3.3. Le retour d’expérience de la régulation __________________________________________ 17 3.4. Estimation du coût d’une prime d’assurance contre le profil asymétrique des retours espérés et traduction en prime au-delà du CMPC ________________________________________ 20 4. 5. Quantification de la prime spécifique à l’exploitation de terminaux méthaniers régulés __ 22 4.1. Quantification de la prime à l’aide de la théorie des options réelles ___________________ 22 4.2. Approche historique et évolution des risques depuis 2012 ___________________________ 24 Analyse et proposition de CMPC pour la période ATTM5 __________________________ 28 5.1. Valeurs historiques de CMPC régulé dans les infrastructures gazières ________________ 28 5.2. Mise à jour de l’estimation NERA du CMPC _____________________________________ 29 5.2.1. 5.2.2. 5.2.3. 5.2.4. 5.2.5. 5.2.6. 5.2.7. 5.3. Taux sans risque et inflation __________________________________________________________ 30 Taux sans risque réel _______________________________________________________________ 35 Coût de la dette ____________________________________________________________________ 35 Prime de risque de marché ___________________________________________________________ 37 Bêta ____________________________________________________________________________ 39 Gearing et traitement de l’impôt sur les sociétés __________________________________________ 41 Passage du réel au nominal___________________________________________________________ 43 Proposition NERA pour le CMPC ______________________________________________ 45 Glossaire ATRD 5 : Tarif péréqué d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GrDF destiné à entrer en vigueur en 2016 pour une période d’environ quatre ans er ATTM 4 : Tarifs d’utilisation des terminaux méthaniers régulés en vigueur depuis le 1 avril 2013 pour une période d’environ quatre ans ATTM 5 : Tarifs d’utilisation des terminaux méthaniers régulés destinés à entrer en vigueur en 2017 pour une période d’environ quatre ans BCE : Banque Centrale Européenne CMPC : Coût Moyen Pondéré du Capital CRE : Commission de Régulation de l’Energie ETM : Exploitants de Terminaux Méthaniers INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques IS : Impôt sur les sociétés FMI : Fonds Monétaire International MEDAF : Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers OAT : Obligation Assimilable du Trésor OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques VAN : Valeur Actuelle Nette 5 Liste des tableaux Tableau 1 : Valorisation de la prime (%) ................................................................................................................24 Tableau 2 : Risques identifiés par la CRE en 2012 pour justifier la prime spécifique pour l’exploitation des terminaux méthaniers et leur évolution...................................................................................................................25 Tableau 3 : Décisions de la CRE et propositions du Consultant ...........................................................................29 Tableau 4 : Moyenne des OAT françaises ...............................................................................................................31 Tableau 5 : Taux sans risque nominal .....................................................................................................................31 Tableau 6 : IMF, PWC and ECB Inflation Forecasts ............................................................................................33 Tableau 7 : Inflation et taux sans risque réel ..........................................................................................................35 Le Tableau 8 compare notre estimation du coût de la dette (et le spread en résultant) avec celui du consultant de la CRE et notre estimation datée de juin 2015. ..................................................................................................36 Tableau 9 : Actualisation des valeurs de coût de la dette.......................................................................................37 La prime de risque de marché est le surplus de rémunération qu’un investisseur peut attendre au-delà du taux sans risque (soit la différence entre le rendement du marché et le taux sans risque). Il est communément estimé en utilisant une moyenne historique longue du rendement de marché. Le Error! Reference source not found. Tableau 10 montre ces moyennes pour différentes géographies en utilisant les dernières données disponibles. .................................................................................................................................................................37 Tableau 11 : Moyenne du rendement de marché (1900-2015) ...............................................................................37 Tableau 12 : Prime de risque de marché et rendement total du marché ..............................................................38 Tableau 13 : Échantillon de comparables pour le bêta ..........................................................................................40 Tableau 14 : Bêta de l’actif .......................................................................................................................................41 Tableau 15 : Proposition de CMPC NERA .............................................................................................................46 Liste des graphiques Graphique 1 : Terminaux GNL en Europe ...........................................................................................................12 Graphique 2 : Clients des terminaux GNL en Europe ...........................................................................................13 Graphique 3 : Asymétrie des Retours Espérés .......................................................................................................14 Graphique 4 : Distribution asymétrique des retours escomptés des ETM régulés..............................................16 Graphique 5 : Prévision de demande de gaz en Europe.........................................................................................27 Graphique 6 : Evolution des OAT 10 ans................................................................................................................30 Graphique 7 : Coût de la dette pour les sociétés notées A .....................................................................................36 6 1. Synthèse NERA a été mandaté par Elengy pour effectuer une revue détaillée des paramètres du CMPC pour la période tarifaire ATTM5 afin de déterminer le niveau de CMPC applicable (à environnement régulé inchangé) pour l’exploitation des terminaux méthaniers (TM). Notre rapport s’articule autour d’un principe de construction de la juste rémunération du capital des exploitants de terminaux méthaniers régulés suivant deux composantes, d’une part le CMPC qui a trait aux caractéristiques du secteur du transport du gaz régulé auquel s’ajoute une prime qui a trait au profil de risque spécifique, asymétrique en l’occurrence, auquel fait face un exploitant de terminal méthanier régulé. En effet, les terminaux méthaniers ne partagent pas les caractéristiques des monopoles naturels régulés comme le transport de gaz et font face d’une part à des risques de sous-recouvrement à court et long terme importants, mais de par la régulation, avec notamment le principe de plafonnement des tarifs, ils font face également à l’impossibilité de surperformer. Au final la distribution (en termes probabilistes) des retours attendus ou espérés des exploitants de terminaux méthaniers régulés ne suit plus un profil de risque standard, soit une distribution normale et symétrique, mais montrent un profil asymétrique de risque. Ce profil asymétrique (avec une plus grande chance d’obtenir des retours inférieurs à l’espérance de gains que de retours supérieurs) réduit la valeur de l’investissement. Cela a pour conséquence qu’un investisseur neutre au risque ne demanderait pas les mêmes conditions de rémunération du capital entre deux investissements dont l’un aurait un profil asymétrique de risque à la baisse et l’autre un profil symétrique. Cette condition justifie une structure de rémunération du capital suivant les deux composantes. La prime requise pour atteindre le niveau d’équivalence entre les deux investissements comparés (celui d’un investissement dans un réseau de transport de gaz et celui dans un terminal méthanier régulé) peut être comprise comme la rémunération supplémentaire nécessaire pour que l’investisseur puisse s’assurer contre les probabilités de retours très inférieurs à l’espéré, ce qui permettrait de restaurer la symétrie des risques. La prime est donc égale à la valeur d’une prime d’assurance ou en termes d’instrument financier à la couverture de ce risque par une option de vente. La théorie financière nous permet de quantifier cette valeur de prime en valorisant la prime d’assurance par analogie avec la valorisation des options de vente (put) qui consiste à acheter le droit de vendre son actif à une valeur donnée. Nous montrons que l’application au cas de l’exploitation des terminaux méthaniers aboutit à une valorisation de la prime entre 2,2% et 2,7%. Ainsi, une valeur de 2% est une approche conservatrice mais justifiée de la prime au-delà du 7 CMPC permettant de rendre l’investissement dans les terminaux équivalent à un investissement dans un réseau régulé plus classique. Nous discutons également de l’évolution éventuelle des risques identifiés précédemment par la CRE pour justifier une prime de 2% octroyée dans le cadre de l’ATTM4. Comme attendu, puisqu’il s’agit de risques de long terme, ceux-ci n’ont pas évolué significativement, et s’ils ont évolué, c’est plutôt à la hausse en raison des perspectives d’approvisionnement en gaz auprès de terminaux méthaniers de plus en plus défiées par de nouvelles sources d’énergie, la baisse attendue et souhaitée par la Commission européenne de la demande de gaz et les incertitudes au regard de l’approvisionnement de la France en termes de gaz gazeux . Cette analyse des risques nous amène à conclure que la prime, justifiée il y a 4 ans, semble devoir a minima être maintenue pour les investissements futurs. Nous avons également poursuivi l’analyse du CMPC de référence, soit celui du réseau de transport de gaz. Nous discutons chacun des paramètres, mis à jour en avril 2016 et proposons une valeur centrale de 7,14%. Cette valeur prend en compte une méthodologie corrigée de passage du nominal après impôts au réel avant impôts. En dehors de cette correction qui nous semble justifiée, la valeur centrale du CMPC est de 6,45% en réel avant impôts. Ainsi, au final nous considérons que la valeur de 7,14%+2% ; soit 9,14% en valeur réelle avant impôts est une valeur justifiée, raisonnable et conservatrice de rémunération du capital pour les exploitants de terminaux méthaniers régulés. 8 2. Introduction NERA a été mandaté par Elengy pour effectuer une revue détaillée des paramètres du CMPC pour la période tarifaire ATTM5 afin de déterminer le niveau de CMPC applicable (à environnement régulé inchangé) pour l’exploitation des terminaux méthaniers (TM). La CRE utilise l’approche MEDAF (utilisant les GRT comme comparables) pour calculer la rémunération du capital raisonnable pour un opérateur TM, dans les conditions de marchés : La méthode retenue pour évaluer le taux de rémunération de base des actifs est fondée sur le coût moyen pondéré du capital (CMPC), à structure financière normative. En effet, le niveau de rémunération de l’opérateur doit, d’une part, lui permettre de financer les charges d’intérêt sur sa dette et, d’autre part, lui apporter une rentabilité des fonds propres comparable à celle qu’il aurait pu obtenir, par ailleurs, pour des investissements comportant des niveaux de risque comparables. Ce coût des fonds propres est estimé sur la base de la méthodologie dite du « Modèle d’évaluation des actifs financiers » (MEDAF). 1 En 2012, la CRE a ancré le taux de rémunération de capital sur le CMPC réel avant impôts décidé dans le contexte du transport de gaz en choisissant « le maintien de la prime spécifique à l’activité d’exploitation des terminaux méthaniers à son niveau actuel, soit 200 points de base ». Elle a justifié sa décision d’une part par le « besoin de visibilité nécessaire aux prises de décisions d’investissements ou d’engagements à long terme » et d’autre part par les « risques spécifiques de l’activité d’exploitation des terminaux méthaniers par rapport à une activité de réseau. En effet, les terminaux méthaniers sont des installations concentrées sur un site unique, ne sont pas en monopole et dépendent d’un nombre limité de clients. En cas de défaillance technique ou d’accident rendant tout ou partie de l’installation indisponible, ou de défaillance d’un souscripteur de capacités, il existe un risque que la perte de revenu soit importante et ne puisse pas être compensée par d’autres installations ou d’autres clients. En outre, la pérennité de l’activité de chaque site sur le très long terme, à l’issue des contrats de souscription de capacités actuellement en portefeuille, n’est pas assurée. » NERA souscrit à cette approche et s’attachera dans le présent rapport à exposer les principes théoriques justifiant la structuration de la rémunération du capital en CMPC + Prime spécifique, eu égard aux spécificités de l’exploitation des terminaux méthaniers en France (section 3), à déterminer le niveau de prime spécifique à accorder à l’exploitation des terminaux méthaniers (section 4), et à conduire l’analyse du CMPC raisonnable à contexte de régulation identique (section 5). Cette mise à jour conduit à un CMPC réel avant IS de 7,14% pour l’activité terminalling. Notre analyse permet également de confirmer le caractère raisonnable d’une prime spécifique de 2% telle qu’actuellement octroyée aux exploitants des terminaux méthaniers (ETM). 1 Décision CRE ATTM 4, p. 14 9 Cette analyse se fonde sur les données de marchés connues en mars-avril 2016, l’expertise de NERA dans la détermination de CMPC en contexte régulé à des fins de tarification, une analyse des pratiques françaises et européennes en matière de régulation d’infrastructures de réseaux et vient compléter le rapport produit par NERA en juin 2015 pour Engie sur la «Détermination du Coût Moyen Pondéré du Capital des activités régulées d’Engie pour les tarifs ATRD5, ATRT6 et ATTM5 ». Elle s’appuie également sur les conclusions du rapport du consultant commandité par la Commission de Régulation de l’Energie. Il convient de noter que NERA n’a pas estimé nécessaire, à la lumière de ces éléments, de faire évoluer la méthodologie retenue dans son rapport de Juin 2015. 10 3. Le rationnel d’une structure CMPC + prime spécifique 3.1. L’exploitation de terminaux méthaniers L’activité GNL est une activité concurrentielle et non monopolistique, à ce titre la contrainte de régulation devrait être plus faible, afin notamment de s’assurer que le taux de rémunération plafond imposé ne soit pas un obstacle à l’investissement. 3.1.1. Une activité concurrentielle… Comme le souligne la CRE, l’exploitation des terminaux méthaniers n’est pas une activité monopolistique : les terminaux méthaniers européens GNL se font concurrence entre eux et sont concurrencés par les pipelines. Ainsi, contrairement aux activités transport et distribution, qui sont par nature des activités monopolistiques, la régulation peut être plus souple puisque les opérateurs sont encadrés par le marché et non uniquement par le régulateur. Le CEER (Council of European Energy Regulators) appelle d’ailleurs à « éviter les mesures qui puissent suggérer une interférence avec les fondamentaux du marché » 2. 3.1.2. …Soumise aux aléas du marché Les opérateurs de terminaux méthaniers sont dépendants des arbitrages liés aux prix du gaz et du GNL, qui sont le principal élément jouant sur l’activité GNL, comme le souligne également le CEER, avec pour conséquence une sensibilité plus grande des revenus des terminaux méthaniers. La prise de risque est donc bien plus importante que pour les activités régulées de réseaux, malgré la présence de contrats à long terme. 2 GNL role in Security of Supply A regulatory perspective, 17 mars 2015 11 Graphique 1 : Terminaux GNL en Europe 3 D’autant qu’en cas de perte d’un client, l’impact ne peut pas être automatiquement répercuté sur les autres clients qui sont engagés dans des contrats de long terme (risque asymétrique) si l’assiette de souscription est réduite notablement. Or, l’activité terminalling est dépendante d’un faible nombre de clients. Bien que le risque de défaut soit faible, l’impact serait très important. Source : GIE, Analyse NERA 3 Pour le terminal El Musel en Espagne : ce dernier est indiqué en construction par GIE et Enagas, mais il est en réalité mis sous cocon. 12 Graphique 2 : Clients des terminaux GNL en Europe Source : CEER Status Review on monitoring access to EU LNG terminals in 2009-2013 , 22 octobre 2014 Enfin, les contrats de long terme sont d’une durée plus courte que la durée de vie des actifs, ce qui implique qu’il existe un risque volume important sur le long terme, bien qu’il soit limité à court terme. 3.2. La spécificité de l’exploitation des terminaux méthaniers au regard des autres activités régulées Une distinction essentielle entre les exploitants de terminaux méthaniers (ETM) des opérateurs de réseau tels que GRTgaz, qui sont également soumis à un régime régulatoire mais qui ne sont pas exposés au risque de volume est l’asymétrie des risques. En effet, ces derniers se trouvent dans une position plus proche d’un monopole naturel leur permettant de répercuter d’éventuels cas de clients défaillants sur les autres utilisateurs de réseau, assurant ainsi la stabilité des revenus. En revanche, les ETM sont plus fortement exposés à un risque commercial du fait d’une réelle possibilité de concurrence et d’une capacité limitée à traduire des baisses de volumes en une augmentation de prix pour les autres clients. Les ETM se trouvent donc dans une situation où les revenus autorisés sont plafonnés par les tarifs régulés, tandis que dans le cas d’une évolution défavorable de la demande pour les services de regazéification, il n’existe pas de plancher pour les revenus. Potentiellement incapables de répercuter la baisse de la demande sur le collectif de clients restant, les opérateurs prennent le risque de devoir supporter un sous-recouvrement. Le Graphique 3 illustre l’asymétrie des retours espérés. Notons que dans une situation de plafonnement régulé des revenus (« revenue cap »), les entreprises dont la distribution des revenus est plus dispersée sont désavantagées du fait que l’effet du plafonnement des retours positifs est plus important. 13 Graphique 3 : Asymétrie des Retours Espérés Note : Les surfaces A et B dans le graphique correspondent à la probabilité de retours supérieurs au plafond imposé par le régime de régulation. Le plafonnement conduit à une espérance de retours plus faible qu’en cas d’activité nonrégulée. Source: Illustration de NERA Cette situation d’asymétrie des retours se présente de façon similaire en comparant les terminaux régulés et non-régulés. Les terminaux méthaniers non-régulés (correspondant à la bleue foncée dans le Graphique 3) gèrent des volumes importants à risque en cas de sous-performance. La contrainte de capacité limite les opportunités de surperformance, mais l’opportunité d’accroître les prix en période de forte croissance de la demande donne l’opportunité de surperformer. Le risque commercial est alors élevé, mais il est couplé à un risque également élevé de dépasser les attentes commerciales. 4 Les risques commerciaux des terminaux méthaniers non-régulés sont généralement distribués de façon symétrique. Le risque de sous-performance est compensé par la perspective de générer des bénéfices plus importants en cas d’une évolution de marché particulièrement favorable. Pour les terminaux méthaniers régulés (ligne bleue claire dans le Graphique 3), les risques en volumes (sur- ou sous-performance) sont limités par le revenue cap, le plafond des revenus 4 En pratique, les terminaux méthaniers non-régulés peuvent négocier des contrats de long terme pour limiter leur exposition au risque en contrepartie de tarifs modérés ce qui rapproche leur business modèle des réseaux régulés. 14 autorisés. La régulation limite la capacité à obtenir des revenus supérieurs aux prévisions (car l’opérateur ne peut pas augmenter ses tarifs en période de demande croissante). Toutefois, la régulation ne protège pas l’opérateur du risque afférent à la non-reconduction des contrats après la période initiale. Elle ne protège pas non plus l’opérateur des risques de banqueroutes ou d’arbitrage des principaux clients les amenant à mettre fin à leurs contrats avant leur terme. C’est la raison pour laquelle la régulation des ETM a pour conséquence une réduction de l’espérance de retours par rapport au cas de non-régulation (cf. Graphique 3). Dans le cas des réseaux régulés, qui sont généralement soumis au même régime de revenue cap que les terminaux méthaniers régulés, le grand nombre de clients et la position plus proche d’un monopole naturel leur permettent de recouvrir leurs coûts même en cas de baisse de la demande ou si un client isolé s’avère insolvable. Par contre, les opérateurs de terminaux méthaniers ne disposent pas de cette capacité à résorber une baisse importante de la demande, principalement en raison de leur exposition à la concurrence et du nombre de clients plus faible. Un faible nombre de clients signifie que l’opérateur ne pourra reporter sur d’autres clients l’accroissement des charges liées au manque de revenus associés. On retient, pour les cas des terminaux méthaniers régulés, une asymétrie négative des retours espérés de l’activité liée principalement aux risques de pérennité long-terme : Au risque commercial associé à la non-reconduction des contrats de capacité (avant la fin de vie de l'actif) ; 5 Au risque de banqueroute ; 6 et Au risque de non-paiement/d’arbitrage. Notons également qu’il existe des risques plus importants afférant à la disponibilité des installations techniques : par comparaison aux réseaux de transport, par exemple, il y a une concentration du risque relativement élevée du fait qu’un incident ou accident technique met plus facilement en danger le bon fonctionnement de l’actif entier. Enfin, le risque lié à l’absence de pérennité de l’activité est majeur, et reconnu par la CRE. L’importance de ces risques est illustrée par exemple par le cas des Terminaux méthaniers américains qui du fait du développement du gaz de schiste se sont trouvés inutilisés quasiment dès leur mise en service. 5 Dans le cas d’Elengy, la construction de tarifs sur base de souscriptions connues deviendra notamment plus problématique après 2020 quand les capacités connues sur le terminal de Montoir, par exemple, ne seront plus des 2/3 du terminal (informations Elengy). 6 A noter, par exemple, que l’on peut observer une baisse générale des notations (S&P, Moodys,..) des expéditeurs clients des ETM en Europe. 15 Le compte de régulation (CRCP) ne peut fournir qu’une réponse très partielle à cette problématique du fait de l’absence d’une position proche d’un monopole naturel ; car en cas d’une baisse de la demande pour les services de regazéification, il sera difficile voire impossible de traduire la réduction de volume en des tarifs plus élevés que le marché ne sera pas prêt à supporter. Le Graphique 4 montre la manière dont la régulation des ETM induit une distribution asymétrique des retours escomptés du fait de la probabilité plus importante de revenus faibles. Les terminaux non régulés ont une distribution des retours davantage aplatie, car leur performance est plus aléatoire dans un environnement plus concurrentiel que les grands réseaux en monopole, donc un aléa de la demande plus fort. Mais elle est cependant symétrique dans le cas des opérateurs efficaces, qui ont les moyens d’adapter leur marketing aux marchés. En revanche, les réseaux régulés classiques ne sont pas exposés à cette forme de distribution asymétrique, notamment en raison de leur capacité à mieux absorber une baisse de demande (ce qui conduit plutôt à une distribution symétrique relativement plus étroite). L’utilisation du MEDAF (qui s'appuie sur l’hypothèse non vérifiée des retours espérés symétriques) induit une sous-rémunération des risques (même dans le cas où les données de marchés sur les terminaux cotés existeraient). 7 L’octroi d’une prime spécifique pour les ETM permet de compenser l’effet asymétrique induit par la régulation et ainsi de rétablir l’espérance de retours correspondant au cas d’une distribution symétrique. Graphique 4 : Distribution asymétrique des retours escomptés des ETM régulés 7 Ainsi explique l’économiste Hausman dans un contexte similaire de retours asymétriques induit par la combinaison de régulation de revenus et d’absence de situation proche d’un monopole naturel (transports ferroviaires) : „However, uncertainty matters when investment is sunk and irreversible. It matters because the effects of uncertainty in the railroad industry are asymmetric as we discussed above. A SARR [Stand Alone Railroad, the regulated utility - NDLR] would face this kind of asymmetric risk and asymmetric returns. Asymmetric risk and returns increases the required capital charges and SAC [Stand Alone Cost – NDLR] for a SARR. If the capital charges are not adjusted for asymmetric risk and returns, they will be understated by a significant amount as our simulations demonstrate. (…) An investor considering construction of a SARR would recognize this asymmetry, and would not go ahead unless revenues and profits were sufficiently high to compensate. In other words, the investor would not go ahead just because a routine extrapolation of today's traffic and revenues ``looks good.'' The investor would not go ahead just because the discounted value of the most likely future cash flows exceeds the required investment. Prospects have to be better than that. The greater the uncertainty, the more cautious the investor would be.” Hausman and Myers: Regulating the United States Railroads: The Effects of Sunk Costs and Asymmetric Risk, Journal of Regulatory Economics; 22:3 287-310, 2002 p. 298. 16 Source : Analyse NERA L’application de l’approche MEDAF, telle que mise en œuvre pour l’établissement du CMPC des réseaux de transport de gaz en France ne couvre pas cet élément d’asymétrie des risques. En effet, une hypothèse clé du MEDAF est que les rendements attendus d’un portefeuille ont une distribution symétrique, soit une distribution normale multivariée. 8 Or l’hypothèse de la symétrie des risques associés au recouvrement des coûts n’est pas vérifiée dans le cas précis des terminaux méthaniers régulés du fait de l’absence d’une position proche d’un monopole naturel et, par conséquence, de l’exposition aux risques commerciaux. Un ajustement de l’approche MEDAF est donc nécessaire pour apporter aux investisseurs dans les terminaux méthaniers un profil de risque et une espérance de revenus en adéquation avec la rémunération du capital proposée. La pratique du régulateur demande à être ajustée pour prendre en compte les éléments que le MEDAF ne peut pas couvrir (ou il doit être mis en œuvre des moyens pour restaurer la symétrie des risques). En cas de retours attendus asymétriques, la régulation ne peut se satisfaire uniquement de la méthode MEDAF. 3.3. Le retour d’expérience de la régulation Le cadre de régulation peut, dans une certaine mesure, atténuer la perception du risque asymétrique. Par exemple, la régulation peut contenir une clause explicite indiquant que le taux de rendement, qui est fixé « ex ante », est révisé de façon symétrique. Une telle clause stipule que le régulateur réduira le taux de rendement obtenu en cas de surperformance mais que cette action est couplée par un engagement à mettre en œuvre un mécanisme de soutien en cas de sousperformance. 9 Toutefois, le régulateur britannique des télécommunications, l'Ofcom, et autres régulateurs reconnaissent «qu’il est difficile d'assurer un traitement symétrique dans le scénario où aucune demande ne se matérialise – autrement dit l'échec total de l'investissement »10 8 Strictement c’est une condition suffisante (mais pas nécessaire). Une approche alternative consisterait à considérer une fonction d’utilité des investisseurs telle que l’utilité est proportionnelle au carré des retours (forme quadratique). Cela suppose que l’aversion au risque des investisseurs augmente avec les bénéfices attendus, ce que plusieurs études empiriques ont démontré être une hypothèse non-vérifiée. 9 Par exemple, le régulateur anglais des télécommunications, Ofcom, propose un système dans lequel les rendements sont ajustés pour un ‘pari équitable’. Cette approche essaie d’éliminer le risque asymétrique causé par la régulation et porté par l’investisseur. L’Ofcom envisage de définir un corridor symétrique autour d’un scenario de référence. L’investisseur porte le risque dans ce corridor. En cas de rendements au-delà du corridor le régulateur ajuste les prix. Voir : Ofcom (2006): ‘Regulatory challenges posed by next generation access networks’ 10 Ofcom (2006): ‘Regulatory challenges posed by next generation access networks’, Para’s 4.49-4.51, version originale : “it is difficult to achieve a symmetric treatment of outcomes in the scenario where no demand materialises - in other words the complete failure of the investment” 17 Quantifier exactement l'asymétrie du risque introduite par le plafond de revenus autorisés décidé par le régulateur, qui tronque la distribution des retours espérés de l’opérateur nécessite une modélisation détaillée du business modèle de l’opérateur, des espérances de performance dans le temps et la définition du plafond de revenus autorisés décidés par le régulateur dans le futur. En général, ces informations ne sont pas disponibles et il est effectivement impossible de les estimer avec un degré de confiance acceptable. A notre connaissance, aucun régulateur ne s'est jamais essayé à une telle modélisation. Alternativement, une extension du modèle traditionnel (MEDAF) peut être utilisée. Par exemple, Conine et Tamarkin (1985) ont étudié 60 fournisseurs d’énergie aux Etats-Unis sur une période de cinq ans, utilisant deux modèles différents pour calculer le taux de rendement attendu, l’un le modèle MEDAF, l’autre un modèle prenant en compte les paramètres du MEDAF auquel s’ajoute le profil du risque. Le taux attendu calculé par le MEDAF était de 15,81% tandis que le modèle incluant aussi l’asymétrie du risque aboutit à un rendement de 17,16%. La différence de résultats montre que les modèles standards peuvent sous-estimer significativement le taux réel demandé par des investisseurs considérant aussi l’asymétrie. Cependant, ces modèles sont plus complexes que le MEDAF standard et nécessitent des données et hypothèses supplémentaires. Cela les rend moins utiles dans un contexte régulatoire où la stabilité, l’objectivité et la prévisibilité sont importantes. Certains régulateurs ont choisi des approches plus ad hoc pour reconnaître explicitement l'impact potentiel du risque asymétrique. Ces régulateurs ont généralement ajusté les cashflows ou élevé le taux de rendement. En Europe, quelques régulateurs ont ajusté le CMPC pour tenir compte des risques asymétriques. L’Ofcom a par exemple pris en considération la limite supérieure de la fourchette plausible de la prime de risque dans sa décision sur le coût du capital de BT de 2005. Ce choix était effectivement une augmentation du CMPC réel de 0,4% par rapport à sa valeur centrale. En 2009, l'Ofcom a utilisé une augmentation de 10 points de base par rapport au point central de la fourchette plausible de CMPC. De même, les modalités d'accès aux lignes en fibre de l'OPTA (le régulateur néerlandais) contiennent explicitement une compensation pour les risques régulateurs asymétriques. 11 Plusieurs approches ont été mises en œuvre par les régulateurs européens et américains, parmi lesquelles la plupart ne sont pas adaptées à la situation des terminaux méthaniers français aujourd’hui, à l’exception de l’approche consistant à couvrir le risque d’asymétrie des retours escomptés par une prime. 11 OPTA (2009): Policy Rules – Tariff regulation for unbundled fibre access, para. 98 18 a) Aux Etats-Unis, le régulateur de l’énergie fait référence aux Dividend Growth Model dans sa détermination du CMPC, ce qui revient à prendre en compte la perception du marché quant à la distribution de dividendes des opérateurs cotés en bourse, et donc à extraire de données financières le profil de risque asymétrique des revenus et profits espérés. Cependant, l’adoption de cette approche dans le contexte des terminaux méthaniers français se heurte à la disponibilité des prévisions de demande pour des terminaux cotés. b) Les terminaux méthaniers au Royaume-Uni ne sont pas soumis à une régulation tarifaire, ce qui leur permet d’adapter leurs tarifs (dans la limite des conditions de marché et des caractéristiques de leur portefeuille de contrats), pour optimiser leurs revenus. Toutefois, l’abandon de la régulation n’est pas une option dans le cadre actuel de l’exploitation des terminaux méthaniers exploités par Elengy. c) Le régulateur de l’aéroport d’Heathrow a pris en compte le profil asymétrique des risques liés à l’exploitation de l’aéroport en ajustant les prévisions de trafic retenues dans le cadre du price cap, afin d’intégrer une réduction éventuelle de la demande. Cette approche ne permet de couvrir que l’incertitude liée aux volumes de demande, et est donc incomplète au regard de la problématique d’asymétrie des risques. d) Notons également qu’en Espagne, le risque de coûts échoués des terminaux méthaniers est géré par un mécanisme d’amortissement rapide sur 20 ans ainsi qu’une valorisation horsBAR en cas d’utilisation des actifs au-delà des 20 ans. Cette approche, intéressante, si elle était choisie, demanderait une modification substantielle de la régulation actuelle des actifs et donc des tarifs régulés en France, aujourd’hui mis en œuvre sous la forme de contrats de plus ou moins long terme, qui demanderaient à être entièrement renégociés. Nous ne proposons donc pas de retenir cette approche dans le contexte qui est le nôtre. e) Enfin, le régulateur autrichien prend en compte le profil asymétrique des prévisions de profitabilité des réseaux de transport de gaz, dont une grande partie des flux provient de quelques clients (transport international de gaz). Pour se faire, le régulateur octroie ’une prime spécifique correspondant à la définition d’une prime d’assurance contre le profil asymétrique des prévisions de profitabilité. Cette prime d’assurance peut être valorisée comme une option « put » et intégrée dans les tarifs. Or, l’approche de rémunération du risque asymétrique par une prime est adoubée par la littérature économique et décrite comme préférable aux ajustements ad-hoc qui pourraient être envisagés, tels que ceux décrits dans cette liste. Ainsi, dans le contexte de l’ATTM5, NERA préconise cette approche, qui est décrite dans la sous-section suivante. 19 3.4. Estimation du coût d’une prime d’assurance contre le profil asymétrique des retours espérés et traduction en prime au-delà du CMPC A travers l’approche classique de la rémunération du capital au CMPC, la régulation des TM ne peut pas compenser les investisseurs pour la prise de risques asymétriques. La régulation doit financièrement restaurer la symétrie afin de rétablir l'équilibre du couple risque/retour sur investissement en utilisant le MEDAF. 12 La symétrie pourrait être restaurée en permettant à l’ETM d’acheter une assurance contre les risques de baisse d’activité que la régulation ne peut permettre. Aucune assurance de ce type n’existe sur le marché, mais par l’inclusion dans les tarifs du coût estimé d’une telle assurance, l’ETM est mis dans une position financière équivalente. Intégrer les coûts de la « prime d’assurance » dans les tarifs consiste à rémunérer l’exploitant du terminal méthanier pour le risque asymétrique imposé par les utilisateurs, par exemple la flexibilité dont ils disposent de ne pas renouveler leur contrat. Le coût de l’assurance dépendra notamment de : 1. La volatilité contre laquelle l’assurance est recherchée (c’est-à-dire la volatilité de la demande, des prix du gaz, de la durée des contrats, de l’existence de clause d’arbitrage associés aux services des terminaux méthaniers), 2. Le prix d’exercice de l’option auquel l’assurance s’enclenche (c’est-à-dire quel niveau de risque est conservé par l’opérateur du TM) Une telle « assurance » peut être théorisée comme une option de vente (ou option put), c'est-à-dire un instrument financier qui permet au vendeur de s’assurer un prix de revente minimum de l’actif qu’il détient dans le futur (prix d’exercice) contre le paiement d’une prime aujourd’hui, la valeur de l’option. La théorie financière est ici utile pour valoriser cette option de vente, en utilisant les travaux de Black & Scholes, deux prix Nobel d’économie. Si la valeur de l’option est incluse dans les tarifs, un investisseur neutre au risque considérera l’investissement comme équivalent à ceux 12 Dans le contexte de la régulation de télécoms qui sont également sujets au risque d’investissements échoués, l’économiste R. Pindyck explique ce rapport (traduction NERA) : “Ce CMPC n’incorpore aucun ajustement pour une valeur d’option. Pour comprendre pourquoi, il faut noter que le CMPC est simplement le coût d’opportunité du capital de l’entreprise. Ainsi, il n’est pas le taux de rendement minimal exigé pour justifier un investissement. Il est le taux de rendement minimal exigé si l’investissement était réversible, ou si l’entreprise n’avait pas la possibilité de retarder l’investissement de ses fonds propres et donc attendre de détenir davantage d’information concernant les conditions de marché. Si l’investissement en question est irréversible (ce qui est le cas généralement dans l’industrie des télécom), le taux minimal de rentabilité doit être supérieur au coût d’opportunité du capital.” Pindyck Robert S., 2007. "Mandatory Unbundling and Irreversible Investment in Telecom Networks," Review of Network Economics, De Gruyter, vol. 6(3), pages 1-25. 20 pour lesquels la régulation protège de manière crédible des risques de retournement de l’activité, toutes choses égales par ailleurs. Pour l’estimation de la prime spécifique, nous utilisons ce cadre d’analyse et la théorie financière, qui permet d’assurer une rémunération plafond du capital aux ETM considérée comme équivalente par un investisseur neutre au risque. La section 4 présente l’analyse et la justification qualitative et quantitative de la prime raisonnable permettant de redresser le profil de risque spécifique de l’exploitation des terminaux méthaniers. 21 4. Quantification de la prime spécifique à l’exploitation de terminaux méthaniers régulés Dans cette section, nous traitons principalement de la quantification de la prime spécifique relative à l’exploitation de terminaux méthaniers régulés en France. Dans une première approche nous déterminons le niveau de la prime spécifique en la valorisant comme le coût d’une assurance contre les risques négatifs asymétriques ; cette approche s’appuiera sur la théorie des options réelles telle que présentée dans le chapitre précédent. Ensuite, nous analysons également l’évolution des risques spécifiques associés aux terminaux méthaniers depuis la dernière revue tarifaire. 4.1. Quantification de la prime à l’aide de la théorie des options réelles Dans le précédent chapitre nous avons expliqué que les ETM sont sujets à une distribution asymétrique des retours espérés en raison du plafonnement des revenus imposé par la régulation malgré l’absence de monopole naturel, et que cette asymétrie induit une espérance de retour plus faible qu’en absence de régulation. Nous avons également argumenté que l’octroi d’une prime permet de compenser les ETM pour cette asymétrie, permettant ainsi de restaurer une espérance de retours correspondant à une distribution symétrique. Théoriquement, la symétrie des retours espérés peut être rétablie si l’on confère aux ETM une assurance les protégeant contre les retours faibles, tout comme le plafonnement régulatoire les empêche de bénéficier de retours élevés. Autant il n’est pas possible, du moins à l’heure actuelle, de mettre en œuvre une telle assurance, autant il est possible d’indemniser les ETM pour l’absence de cette assurance en leur octroyant une prime dont la valeur correspond à celle de l’assurance. La valeur de l’assurance est égale à son coût, i.e. la prime d’assurance (sur une base annuelle). En l’absence d’informations sur le niveau de la prime d’une telle assurance, nous nous appuierons sur la théorie des options réelles qui permet de valoriser l’assurance en la comparant à une option de vente (« put ») – un dérivé financier qui porte les mêmes caractéristiques (et donc la même valeur) que l’assurance recherchée, mais qui a l’avantage d’être quantifiable à l’aide de la théorie financière établie, à savoir celle des options réelles. La suite de ce chapitre contient une brève description des hypothèses principales ainsi que du modèle de valorisation, suivi d’une présentation des résultats. Une exposition plus détaillée et technique permettant de vérifier les calculs se trouve en Annexe I. Selon la théorie financière, la valeur de l’option (et par conséquent celle de la prime) est déterminée par un certain nombre de paramètres concernant l’actif auquel s’applique l’assurance ou l’option (le sous-jacent) et le profil des retours espérés : L’identification de l’actif sous-jacent, qui est défini comme la valeur économique de l’activité de terminalling. 22 Le nombre de périodes : par souci de simplicité, nous faisons l’hypothèse que le nombre de périodes correspond à la durée de vie utile des actifs TM, i.e. 40 ans. 13 La volatilité du sous-jacent : c’est un paramètre clé qui influe directement (et de façon positive) sur la valeur de l’option. Les ETM n’étant pas cotés en bourse, nous utilisons les volatilités observés historiquement pour des sociétés cotés majeures ayant des activités gazières importantes. Sous forme d’une analyse de sensibilité, nous déterminons les primes correspondant à des niveaux de volatilité compris dans une fourchette des moyennes historiques observées pour les sociétés cotés retenues (volatilités de 16,5-18,7%). 14 Cependant, une volatilité proche de la fourchette haute nous semble plus appropriée pour l’activité de terminalling, étant donné que les sociétés cotées ont également des activités moins risquées (telles que la gestion de réseaux d’infrastructures). Le taux d’actualisation : nous utilisons le taux sans risque (réel) de 1,69% que nous avons retenu dans le cadre de l’estimation du CMPC (voir section 5). 15 Le prix d’exercice : c’est le niveau auquel « l’assuré peut être remboursé lorsqu’il déclenche l’assurance ». Plus le prix d’exercice est élevé, plus l’option a de la valeur. Nous supposons que le prix d’exercice correspond à l’espérance de la valeur de l’activité de terminalling au moment t=0, et elle diminue linéairement au cours de l’utilisation des terminaux pour atteindre zéro à la fin de la dernière période. 16 Le modèle de valorisation des options procède par rétro-induction (ou induction à rebours) : la valeur de l’option est calculée en partant de la dernière période et en retraçant l’ensemble des évolutions de prix consécutives. Il est alors possible de calculer la valeur de l’option sur la seule base des hypothèses faites au regard des paramètres ci-dessus. Cela a l’avantage important d’assurer un niveau d’objectivité élevé. Pour les détails de l’analyse nous référons à l’Annexe I. En utilisant le modèle de valorisation d’options et les paramètres ci-dessus, nous obtenons en t=0 une valeur de l’option comprise entre 21,65% (volatilité de 16,5%) et 24,39% (volatilité de 18,7%) de la valeur du sous-jacent. On observe que la valeur de l’option est proportionnelle à la valeur du terminalling. 13 La théorie financière prévoit que l’option peut être valorisée en temps continu (i.e. un nombre infini de périodes) et en temps discret (i.e. un nombre fini de périodes). Dans le premier cas on utilise la formule Black-Scholes, dans le deuxième cas on utilise le modèle du type binomial. Le résultat du modèle binomial converge vers celui du modèle Black-Scholes lorsque le nombre de périodes augmente. L’utilisation d’un nombre de 40 périodes permet une bonne approximation du résultat que l’on obtiendrait en temps continu. 14 Il s’agit de moyennes annuelles sur la période 2012-16 de la volatilité d’actif des sociétés cotées suivantes : Engie, E.ON, Shell, Eni, RWE, Exxon Mobil, OMV et Gazprom. Des informations plus détaillées concernant les critères pour la composition de l’échantillon et volatilités historiques se trouvent en Annexe I. 15 Il convient de noter que le niveau du taux d’actualisation a seulement un très faible impact sur la valeur de l’option. 16 En des termes plus techniques, nous valorisons l’option « à la monnaie ». 23 Ensuite, il est nécessaire de traduire la valeur de l’option en une prime sur le CMPC. La prime sur le CMPC doit être telle que l’ETM est indifférent entre (i) l’activité de terminalling sans risque asymétrique et (ii) l’activité de terminalling avec risques asymétriques. Cette relation conduit à une équation mathématique permettant de déduire la valeur de la prime (voir Annexe I pour plus de détails). Les paramètres influant sur le montant de la prime ne peuvent être estimés avec une certitude complète en raison des arbitrages requis (volatilité) et de l’information disponible limitée (CMPC retenu). C’est la raison pour laquelle nous avons déterminé les niveaux de prime correspondant à plusieurs combinaisons possibles de CMPC et de volatilité, les deux paramètres ayant l’impact le plus significatif sur le montant de la prime. Le Tableau 1 montre les résultats de cette analyse de sensibilité : le niveau de la prime se situe alors dans une fourchette large de 2,2 – 2,7%. Tableau 1 : Valorisation de la prime (%) Note : La fourchette de la volatilité correspond aux moyennes observées pour les sociétés cotés retenues pour les 5, 3 et 1 dernières années. Source : Analyse NERA Le montant de la prime est calculé au moment t=0, i.e. au début de la première période d’exploitation des TM ; cependant, la prime qui en résulte s’applique logiquement à l’ensemble des 40 périodes. Au vu de la fourchette ci-dessus (2,2-2,7%), une prime de 2% – en cohérence avec la prime octroyée par la CRE dans le passé – est donc également justifiée par une interprétation prudente des résultats de la valorisation de la prime spécifique en tant que prime d’assurance, soit avec la méthodologie des options réelles. 4.2. Approche historique et évolution des risques depuis 2012 Pour conforter notre analyse quantifiée nous proposons dans cette sous-section une analyse de l’évolution des risques depuis 2012 : l’évolution de ces risques justifiant en 2012 la prime retenue par la CRE permettra de corroborer le niveau de prime attendu. Il convient de noter que la prime ayant été fixée pour 20 ans pour les investissements réalisés pendant ATTM4, notre analyse ne porte que sur les éventuels nouveaux investissements qui pourraient être soumis à une évolution du mode de rémunération. 24 Une analyse détaillée des risques mentionnés par la CRE en 2012 pour justifier le niveau de la prime ne fait pas apparaître d’évolution significative des risques structurels liés à l’activité terminalling, ce qui est logique puisque ces risques s’apprécient sur une perspective de long terme. En revanche, certains des risques présents en 2012 se sont matérialisés : l’intensification de la concurrence d’une part, avec l’ouverture de nouveaux terminaux et l’augmentation des interconnexions entre les pays, et baisse de la consommation d’autre part. Le Tableau 2 résume la liste de risques identifiés par la CRE en 2012. Certains risques identifiés sont inhérents à l’activité et donc peu susceptibles d’évoluer (concentration sur un seul site, risque de défaillance technique, risque d’accident) et d’autres sont liés à la structure du marché, qui malgré des évolutions conjoncturelles, se caractérisent par des risques structurellement inchangés, à savoir qu’il s’agit toujours d’une activité concurrentielle dépendante d’un faible nombre de clients et qui n’est pas à l’abri de défaillance d’un souscripteur de capacité ou de sous-utilisation des capacités à l’issue des contrats de long terme. Tableau 2 : Risques identifiés par la CRE en 2012 pour justifier la prime spécifique pour l’exploitation des terminaux méthaniers et leur évolution Source : Analyse NERA La CRE reconnaît 7 risques spécifiques à l’exploitation des terminaux méthaniers. Les quatre premiers ont trait au modèle d’affaires dépendant fortement d’un petit nombre de clients qui ne sont pas engagés sur le long terme. Ils illustrent largement les conditions d’asymétrie des risques présentés en section 3. 25 Le fait que chaque terminal soit concentré sur un seul site induit plusieurs types de sensibilité : d’abord le risque d’indisponibilité, car chaque événement entraînant une indisponibilité des services a un impact direct sur les ventes, sans qu’il puisse être contourné par l’activation d’infrastructures de soutien, au contraire des réseaux énergétiques classiques pour lesquels des dispositifs de sécurité peuvent être mis en place. Ensuite, l’unicité et la sensibilité du site le rende sensible aux mouvements sociaux, qui impliquent à chaque mouvement social l’arrêt de l’exploitation et donc une perte directe de revenus complets pendant la période. Enfin, le risque financier en cas d’accident est beaucoup plus important dans les comptes d’un exploitant de terminaux méthaniers en France, puisqu’ils sont soumis par exemple à la réglementation SEVESO. En effet, chaque accident, d’une part peut être majeur en termes d’impacts tant sur l’environnement, la population voisine mais également sur l’image de l’exploitant, et surtout, la remise en service après accident est très contingente des autorisations administratives, ce qui peut prendre plusieurs années. A ces risques, il faudrait ajouter : • Le risque relatif à la pérennité de long terme des terminaux méthaniers : les terminaux méthaniers ont une activité fortement dépendantes des arbitrages de sourcing de leur clients, une source différente d’approvisionnement aurait pour impact une forte sous-utilisation voire un démantèlement des terminaux, et ceci avant leur fin de vie économique. L’incertitude sur la demande de gaz en Europe : les prévisions de la demande de gaz liée à la régulation européenne et aux objectifs en matière d’efficacité énergétique illustrent que ce risque est important. Une réalisation des objectifs européens impliquera directement une baisse de la demande de gaz en Europe de l’ordre de 27% d’ici à 2030, et de l’ordre de 72% d’ici à 2050 17 . 18 L’approvisionnement par gaz gazeux peut également évoluer fortement, entrant en concurrence avec l’utilisation des terminaux méthaniers : les investissements en matière d’interconnexion sont importants et les consommateurs finaux auront davantage de choix/ d’arbitrage à exercer en matière d’approvisionnements, ce qui a un impact sur la demande de capacité des terminaux méthaniers. • Les risques réglementaires : infrastructures sensibles, les terminaux méthaniers sont soumis à de nombreuses réglementations et décisions politiques susceptibles d’évoluer, ce qui entraîne des coûts supplémentaires éventuels d’adaptation aux normes, voire l’arrêt de l’activité temporaire ou définitive suivant des décisions. 17 Energy Union Choice, A perspective on Infrastructure and Energy Security on the transition, March 2016, disponible à l’adresse : https://www.e3g.org/library/energy-union-choices-a-perspective-on-infrastructure-and-energy-security-in 18 Cette sensibilité a été montrée par l’absence d’utilisation quasi complète des terminaux méthaniers américains suite à l’essor du gaz de schiste. Sans présager du futur, ce risque pourrait être considéré comme croissant depuis 2012, dans la mesure où les décisions relatives aux autres formes de production de gaz sont largement débattues en Europe et différents candidats à l’exploration en France déjà annoncés. 26 Graphique 5 : Prévision de demande de gaz en Europe Source : EUC, mars 2016, page 11 Au final, l’analyse contextuelle de l’évolution des risques spécifiques de l’exploitation des terminaux méthaniers ne suggère pas une réduction des risques identifiés par la CRE, mais a minima leur maintien au niveau étudié en 2012, soit 2%. 27 5. Analyse et proposition de CMPC pour la période ATTM5 Après un bref rappel des valeurs historiquement retenues pour le CMPC des infrastructures gazières en France, nous détailleront les valeurs retenues pour le CMPC à l’aune des dernières données financières disponibles, en expliquant les éventuelles divergences méthodologiques avec l’approche retenue par la CRE pour l’ATRD5 et son consultant. La dernière partie présentera une proposition de CMPC reprenant un ensemble cohérent de paramètres fondé sur la méthodologie nous paraissant la plus pertinente. 5.1. Valeurs historiques de CMPC régulé dans les infrastructures gazières Le tableau ci-dessous présente la proposition de CMPC de la CRE pour l’ATRD5 (distribution de gaz), la proposition du consultant de la CRE pour le CMPC du transport et de la distribution de gaz, les valeurs retenues en 2012 par le régulateur pour les terminaux méthaniers, ainsi que pour le transport de gaz. Tableau 3 : Décisions de la CRE et propositions du Consultant ATRD5 (GD) Consultant (GD/GT) ATTM4* (GNL) ATRT5 (GT) Février 2016 Novembre 2015 Décembre 2012 Novembre 2012 Taux sans risque nominal 2.80% 2.60% - 3.40% 4.00% 4.00% Inflation 1.20% 1.40% - 1.70% 2.00% 2.00% Taux sans risque réel 1.60% 1.20% - 1.70% 2.00% 2.00% Spread de la dette 0.60% 0.60% - 0.80% 0.60% 0.60% Coût de la dette réel (avant IS) 2.50% 1.80% - 2.50% 2.60% 2.60% Coût de la dette réel (après IS) 1.30% - 1.80% Bêta de l'actif 0.40 0.35 – 0.44 0.58 0.58 Bêta des fonds propres 0.66 0.50 – 0.87 0.96 0.96 Prime de risque de marché 5.00% 4.40% - 5.30% 5.00% 5.00% Coût des fonds propres réel (avant IS) 7.50% 10.40% 10.40% 6.50% 6.50% Coût des fonds propres réel (après IS) CMPC (réel avant IS) CMPC (réel après IS) Bonification GNL 3.40% - 6.30% 5.00% 3.90% - 5.50% 2.60% - 3.60% 2.00% CMPC (réel avant IS avec 8.50% bonification GNL) *Pour les terminaux GNL, la CRE a retenu en 2012 une prime de 200 points de base par rapport au CMPC avant IS GD : Distribution du gaz, GT : Transmission du gaz 5.2. Mise à jour de l’estimation NERA du CMPC Dans cette partie, NERA procède à une mise à jour des paramètres du CPMC d’Elengy pour l’ATTM5, en se basant sur le rapport produit par NERA pour Engie en mai 2015, et en suivant donc la même méthodologie. Il s’agit également de contraster l’approche retenue par le consultant de la CRE et celle retenue par le régulateur dans la proposition de décision pour l’ATRD5 avec celle retenue ici. Cette partie n’a pas pour objet d’adresser des problématiques liées au cadre méthodologique lorsqu’il existe une convergence des méthodes et n’évoque pas non plus les méthodes alternatives (type Dividend Growth Model) pour le calcul des paramètres. 29 5.2.1. 5.2.1.1. Taux sans risque et inflation Taux sans risque La principale méthode pour estimer la valeur du taux sans risque en France consiste à analyser les rendements des obligations de l’Etat français. En effet, les obligations assimilables du Trésor (« OAT ») sont considérées comme les placements les moins risqués 19. L’analyse des données actuelles des rendements des OAT permet d’estimer le taux sans risque en France. Compte tenu de la volatilité du marché, il est nécessaire de faire une moyenne sur une période longue des rendements des OAT. La prise en compte d’une période longue permet notamment d’intégrer dans l’échantillon des données avant la crise dont notamment la crise des dettes souveraines en Europe. La Graphique 6 montre le rendement des OAT 10 ans entre 2005 to 2016. Graphique 6 : Evolution des OAT 10 ans Source: Analyse NERA de données Bloomberg 19 Le risque de liquidité est également très faible, compte tenu la taille importante du marché secondaire des OAT. 30 L’analyse des taux des OAT étant l’approche standard pour estimer le taux sans risque en France, NERA a analysé les moyennes mobiles (1 an, post-Lehman et 10 ans) des taux des OAT 10 ans et 30 ans aux dates des trois décisions. Les résultats de cette analyse sont présentés ci-dessous. Tableau 4 : Moyenne des OAT françaises OAT 10 ans OAT 30ans Moyenne 1 an 0,87% 1,78% Moyenne après 15.9.2008 2,47% 3,26% Moyenne 10 ans 2,90% 3,55% Source: Analyse NERA de données Bloomberg, cut-off date 29/03/2016 La prise en compte d’une moyenne sur une longue période permet à la fois de lisser la volatilité du marché et d’intégrer dans l’échantillon d’étude des données qui n’ont pas été affectées par la crise. Ces dernières sont potentiellement plus représentatives des valeurs historiques des rendements des obligations de l’Etat Français. La moyenne 10 ans des OAT 10 ans est également la référence prise par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. 20 Enfin, la moyenne 10 ans des OAT 10 ans permet une cohérence d’ensemble en matière de maturité et de perspective historique avec les autres paramètres retenus. C’est pourquoi dans son rapport de juin 2015, NERA avait retenu une valeur de 3,2% comme taux sans risque (moyenne 10 ans des OAT 10 ans). La mise à jour de cette approche donne une valeur de 2,9%. Le consultant de la CRE, se basant sur les trois horizons temporels ci-dessus (1 an, post-Lehman et 10 ans) pour des maturités de 10 ans, 20 ans et 30 ans a suggéré de retenir une valeur au sein d’une fourchette comprise entre 2,6% et 3,4%. Pour l’ATRD5, la CRE a choisi de retenir une valeur de 2,8% pour le taux sans risque. Tableau 5 : Taux sans risque nominal Rapport consultant 2,60% - 3,40% NERA Juin 2015 3,20% NERA Mars 2016 2,90% Source: Analyse NERA de données Bloomberg, cut-off date 29/03/2016 20 Décision n°2013-0002 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 29 janvier 2013 fixant le taux de rémunération du capital employé pour la comptabilisation des coûts et le contrôle tarifaire des opérateurs mobiles pour les années 2013 à 2015 31 Si l’on incluait la valeur issue de l’analyse des OAT 30 ans post-Lehman réalisée par le consultant de la CRE dans notre fourchette de valeur, cela suggérerait une valeur de taux sans risque bien supérieur à notre estimé. Mais pour l’activité terminalling, la prise en compte de maturités très longues est moins aisément justifiable que pour d’autres activités dont les actifs ont des durées de vie plus longue. Par ailleurs, une analyse post-Lehman n’a pas de véritable fondement théorique. 5.2.1.2. Inflation L’inflation permet d’exprimer le coût moyen pondéré du capital en terme réel. La formule de passage d’un taux nominal à un taux réel est la formule de Fisher, rappelé ci-dessous où 𝑖𝑖 représente l’inflation. 1 + 𝑖𝑖 = 1 + 𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡 𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛 1 + 𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡 𝑟𝑟é𝑒𝑒𝑙𝑙 La BAR étant indexée de l’inflation réalisée chaque année et le retour sur le capital étant appliqué en termes réels, les entités régulées sont soumises à un risque d’inflation pour chaque période de régulation. En effet, si l’inflation réalisée sur la prochaine période de régulation est inférieure à l’inflation anticipée dans l’estimation du coût du capital, l’actionnaire aura une rémunération inférieure à la rémunération attendue 21. Ce risque de faible inflation supporté par les opérateurs de réseaux régulés a été également souligné par l’agence de notation Moody’s. 22 Ainsi, il est primordial de prendre une estimation la plus juste possible de l’inflation sur la prochaine période de régulation. Le Error! Reference source not found. montre les prévisions d’inflation sur lesquels nous basons nos estimations (prévision FMI) et le résultat du sondage BCE, ainsi que la prévision d’inflation de PwC. Cette dernière source est évoquée en tant qu’elle soutenait la précédente proposition du même conseil de la CRE pour la revue tarifaire précédente. 21 A l’inverse, si l’inflation réalisée sur la prochaine période de régulation est supérieure à l’inflation anticipée dans l’estimation du coût du capital, l’actionnaire aura une rémunération supérieure à la rémunération attendue. 22 “In addition, Moody's notes that low inflation is maintaining pressure on company returns. Under most European tariff regimes, network revenues and often asset values are linked to an inflation index, exposing network companies to low inflation risks. Companies in countries with a regulatory model that sets financial returns in nominal terms fare better than those with a real return, although indexed-linked debt can mitigate potential negative effects, as for example in the UK. Long regulatory periods are riskier in a disinflationary scenario as tariff parameters are locked in for longer.” Source : Moody's: Adequate regulatory returns lead to stable EMEA Electricity and Gas Networks outlook Global Credit Research, 20 November 2014 32 IMF Tableau 6 : IMF, PWC and ECB Inflation Forecasts 2016 2017 2018 2019 2020 Moyenne 2016-19 0,98% 1,09% 1,25% 1,45% 1,66% 1,19% PWC 1,10% 1,20% 1,20% 1,20% ECB 0,70% 1,40% 1,60% 1,70% 1,18% 1,80% 1,31% Source: European Central Bank, International Monetary Fund Frontier propose de retenir une inflation comprise entre 1,4% et 1,7% en s’appuyant principalement sur l’inflation implicite telle qu’observée en faisant la différence entre les OAT et les OATi (bons du trésor dont le rendement est indexé sur l’inflation), en prenant les moyennes des obligations de 10 ans de maturité sur une période de 2 ans et sur une période de 5 ans. Par ailleurs, Frontier utilise la prévision d’inflation de la BCE pour la zone Euro, qui retient une augmentation progressive de l’inflation dans la zone Euro pour atteindre 1,8% en 2020. Pour déterminer l’inflation française attendue nous ne considérons ni les valeurs ECB ni les valeurs issues de la méthode OATi comme des sources supérieures aux nombres FMI. L’utilisation d’une prévision d’inflation zone Euro dans le contexte régulé français est une erreur. En effet, d’une part l’inflation de la zone Euro est historiquement supérieure à l’inflation française, mais cet effet est amplifié par le fait que la BAR d’Elengy est indexée sur un indice qui évolue historiquement moins vite que le niveau général des prix français tel que mesuré par l’IPCH. La prévision BCE n’est donc pas pertinente pour Elengy, puisque utiliser cette donnée reviendrait à surestimer le niveau de l’inflation sur la période de régulation. Or, non seulement la prévision de la BCE n’est pas plus pertinente que celle du FMI, puisque cette dernière porte sur la zone Euro alors que celle du FMI est spécifique à la France, mais surtout, contrairement à ce qu’affirme Frontier, la prévision d’inflation BCE n’est pas l’opinion de la BCE sur l’évolution future de l’inflation mais le résultat d’un sondage administré par la BCE, qui n’est donc pas qualitativement supérieur à la prévision d’inflation du FMI. Il convient également de noter que ce sondage BCE dispose d’une marge d’erreur significative (intervalle de 0,4%), plus large que la fourchette proposée par Frontier (intervalle de 0,3%). La différence entre le rendement des OAT et le rendement des OATi reflète les perspectives d’évolution de l’inflation anticipées par le marché. Cependant cette méthode présente deux biais dont il est difficile de mesurer l’ampleur et donc de corriger. Le premier biais provient du fait que la liquidité des OATi peut être inférieure à la liquidité sur le marché des OAT. Ainsi, un investisseur demandera, toutes choses égales par ailleurs, un rendement légèrement supérieur sur le marché des OATi compte tenu de la moindre liquidité sur le marché 33 secondaire des émissions indexées sur l’inflation. Ce sur-rendement biaise l’estimation de l’inflation à la baisse. Le second biais est expliqué par le fait que le marché peut inclure une valorisation de la protection contre l’inflation (appelé prime de risque d’inflation) qui conduirait à une augmentation de la différence entre les taux des OATi et des OAT, et donc à surestimer l’inflation. Or, il apparaît que : la liquidité des OATi « a explosé à partir de 2002-2003 » 23 soit bien avant les périodes prises en considération par Frontier (2010-2015 et 2013-2015) 24, les études empiriques estimant généralement la prime d’inflation sur des données européennes aboutissent à une prime de risque d’inflation positive25262728 et pouvant aller jusqu’à 0,5%. 29 Au vu de ces éléments, il est clair que l’utilisation des OATi surestime très probablement l’inflation de manière non négligeable. Enfin, une simple analyse historique montre les limites de l’exercice : En effet, l’inflation sur les dix prochaines années aurait été estimée en janvier 2005 à 2,3% selon cette méthode d’après le graphique 1 du rapport de Frontier. Cette valeur est relativement éloignée de l’inflation moyenne réalisée entre 2005 et 2014, qui est de 1,3%. 23 Un bilan de l’émission des obligations françaises indexées sur l’inflation - Diagnostics Prévisions et Analyses Economiques n°89, Novembre 2005 24 Au 31 décembre 2014, l’encours des OATi est de 68,8 Md€ et celui des OATi€ de 100,1 Md€ (source : rapport annuel de l’Agence France Trésor) contre 20Md Euros en 2002 25 Campbell, John Y., and Shiller Robert J. (1996), «A Scorecard for Indexed Government Debt.» In Ben S. Bernanke and Julio Rotemberg, eds., NBER Macroeconomics Annual 1996, 155-97. Cambridge: MIT Press 26 Shen, Pu (1998), «How Important is the Inflation Risk Premium?», Federal Reserve Bank of Kansas City Economic Review Cappiello, L. et Guéné S. (2005), «Measuring market and inflation risk premia in France and in Germany ?», European Central Bank Working Paper Series, n° 436 27 Cappiello, L. et Guéné S. (2005), «Measuring market and inflation risk premia in France and in Germany ?», European Central Bank Working Paper Series, n° 436 28 Sack, Brian (2000), «Deriving Inflation Expectations from Nominal and Inflation-Indexed Treasury Yields» 29 Un bilan de l’émission des obligations françaises indexées sur l’inflation - Diagnostics Prévisions et Analyses Economiques n°89, Novembre 2005. 34 Cette différence peut provenir d’une « erreur » de prévision du marché dans ses prévisions et/ou de l’effet composé des biais énoncés précédemment et notamment du biais pouvant conduire à une surestimation de l’inflation. C’est pourquoi NERA maintient qu’il est préférable de retenir la prévision d’inflation du FMI (1,19%), qui est la moyenne de l’inflation anticipée sur la période de régulation. 5.2.2. Taux sans risque réel Sur la base d’un taux sans risque nominal de 2,9% et d’une inflation anticipée de 1,19%, le taux sans risque réel ressort à 1,69%. Comme le montre la Tableau 7 il s’agit d’une valeur au sein de la fourchette propose par le consultant de la CRE, mais supérieur à la valeur retenue par la CRE pour l’ATRD5 (1,60%). Tableau 7 : Inflation et taux sans risque réel Inflation Taux sans risque réel Rapport du consultant 1,40%-1,70% 1,20%-1,70% NERA Juin 2015 1,20% 1,98% NERA Mars 2016 1,19% 1,69% Source: Analyse NERA de données Bloomberg, cut-off date 29/03/2016, IMF 5.2.3. Coût de la dette La détermination du coût de la dette, en cohérence avec la détermination de la structure financière, se fait par une approche normative : elle ne peut s’appuyer sur la chronique historique et prévisionnelle des investissements et le coût de leur financement au moment de la mobilisation des capitaux externes. Le recours à des indices externes comme indicateurs du coût de la dette est donc la meilleure solution pour appréhender cette dernière. Cette approche a l’avantage d’être très transparente et de pouvoir être répliquée facilement par le régulateur d’une période de régulation à l’autre, ce qui contribue à la prévisibilité et à la stabilité du cadre de régulation. Par souci de cohérence, il faut évaluer le coût de la dette pour des maturités longues. Il n’existe cependant pas d’instruments financiers suffisamment liquides avec des maturités comparables à la durée de vie des investissements ; une évaluation du coût de la dette sur la base de maturités 10 ans 35 et plus (10Y+) est la méthode généralement retenue en matière de régulation comme approximation du coût de la dette long terme. L’utilisation d’indices externes avec des maturités 10Y+ a également pour avantage d’être en cohérence avec l’évaluation du taux sans risque retenu. Le graphique ci-dessous présente l’index IBOXX EURO CORP. NON-FIN 10+Y A qui est composée de sociétés européennes non financières. La maturité utilisée des dettes utilisées pour construire cet indice est 10Y+ (dans le cas présent, la moyenne ressort à 15 ans). Graphique 7 : Coût de la dette pour les sociétés notées A Source: Analyse NERA de données Datastream De son côté, Frontier utilise également le même indice mais privilégie un horizon temporel postLehman et utilise par ailleurs un benchmark de décisions de régulation et une analyse du coût de la dette d’Engie et de RTE. Le Tableau 8 compare notre estimation du coût de la dette (et le spread en résultant) avec celui du consultant de la CRE et notre estimation datée de juin 2015. 36 Tableau 9 : Actualisation des valeurs de coût de la dette Coût de la Dette Spread de la dette Taux sans risque nominal Rapport du consultant 3,10%-4,20% 2,60%-3,40% 0,60%-0,80% NERA Juin 2015 4,40% 3,20% 1,20% NERA Mars 2016 4,15% 2,90% 1,25% Source: Analyse NERA de données Datastream et Bloomberg Le coût de la dette retenu par NERA pour la période de régulation est en cohérence avec la notation cible et le levier retenu. Pour une notation cible A, avec un levier permettant de justifier cette note de crédit, et en l’absence de risque nouveaux, il parait légitime de retenir un coût de la dette mesuré sur un horizon temporel long (10 ans) pour une maturité longue (10Y+), ce qui présente par ailleurs l’avantage d’être en cohérence avec l’horizon temporel retenu pour le taux sans risque. Il s’agit d’une approche standard, utilisée tant en France (ARCEP) qu’à l’étranger (Royaume-Uni), transparente et facilement réplicable. Elle est par ailleurs cohérente avec les valeurs retenues par la CRE par le passé, et reflète la baisse du coût de la dette depuis la dernière décision du régulateur en 2012, sans toutefois nuire à la nécessaire stabilité et prévisibilité des paramètres dans le temps. 5.2.4. Prime de risque de marché La prime de risque de marché est le surplus de rémunération qu’un investisseur peut attendre audelà du taux sans risque (soit la différence entre le rendement du marché et le taux sans risque). Il est communément estimé en utilisant une moyenne historique longue du rendement de marché. Le Error! Reference source not found. Tableau 10 montre ces moyennes pour différentes géographies en utilisant les dernières données disponibles. Tableau 11 : Moyenne du rendement de marché (1900-2015) France Europe Monde Moyenne arithmétique 5,40% 4,50% 4,40% 3,00% 3,20% 3,20% Moyenne géométrique Source: Credit Suisse Global Investment Returns Sourcebook 2016 37 En nous basant sur les travaux de Blume (1974) 30 , nous recommandons de donner significativement plus de poids à la moyenne arithmétique qu’à la moyenne géométrique. Ce qui se traduit par une prime de risque de marché se situant entre 4,4% et 5,4%. Une approche alternative serait d’utiliser le rendement total de marché observé historiquement et de calculer la prime de risque de marché en soustrayant le taux sans risque retenu. En effet, empiriquement, une corrélation négative entre la prime de marché et le taux sans risque peut être observée. Cette corrélation inverse, similaire au fait que le retour total soit plus stable que ses composants a été analysée en détail dans le cadre des entreprises régulées par Smithers et al (2003) 31 et de manière générale dans d’autres études empiriques 32. Cette corrélation se vérifie notamment en temps de crise financière. En effet, lors d’une crise financière les investisseurs ont une plus grande aversion au risque. Ainsi, la valeur de la prime de marché qui représente le prix du risque du marché action augmente. A l’inverse, les investissements massifs sur les produits moins risqués diminuent fortement les rendements de ces actifs et donc le taux sans risque. Cette approche a le mérite de ne pas biaiser l’estimation du rendement total de marché, ce dernier résultant d’une observation empirique. En soustrayant le taux sans risque réel de 1,69% retenu pour la France du rendement de marché mondial ou français donne une prime de risque de marché respectivement de 4,11% et 4,81%. Sur la base de ces éléments, nous estimons que la proposition de la CRE de maintenir la prime de risque de marché inchangée à 5,0% est justifiée. Tableau 12 : Prime de risque de marché et rendement total du marché Prime de risque de Taux sans risque Rendement total marché nominal du marché Consultant de la CRE 4,40%-5,30% 2,60%-3,40% 7,00%-8,70% NERA Juin 2015 5,00% 3,20% 8,20% NERA Mars 2016 5,00% 2,90% 7,90% Source: Analyse NERA de données Bloomberg, Credit Suisse Sourcebook 2016 30 Blume, M. (1974): Unbiased estimators of long-run expected rates of return, Journal of the American Statistical Association 31 A Study into Certain Aspects of the Cost of Capital for Regulated Utilities in the U.K. Wright, Mason et Miles, (2003) 32 Stocks for the Long Run McGraw Hill, Second Edition, Siegel, J. J. (1998) et Triumph of the Optimists, Dimson, E., Marsh, P., and Staunton, M. (2001) 38 5.2.5. Bêta Il n’existe pas d’activité terminalling GNL cotée en bourse, que ce soit en France ou en Europe. La CRE a donc par le passé utilisé le bêta retenu pour le transport de gaz, puis appliqué une prime spécifique à l’activité terminalling, permettant de refléter son caractère plus risqué. Cette prime est discutée séparément, et cette partie se concentre donc sur le bêta pouvant être retenu pour l’activité transport de gaz. Il n’existe pas non plus de réseau de transport de gaz coté en bourse en France. Pour estimer le bêta du transport de gaz en France pour la période de régulation à venir il existe donc deux méthodologies : - Utiliser la valeur retenue précédemment à moins qu’il n’y ait eu des changements substantifs, notamment du cadre de régulation, justifiant une évolution significative du niveau de risque - Utiliser un échantillon international de comparables. Le tableau 11 montre la composition de notre échantillon et l’échantillon utilisé par le consultant de la CRE. Nous avons exclu de notre échantillon les comparables pour lesquels la qualité ou la disponibilité de la donnée est insuffisante. Pour remplacer les comparables de faible qualité de données nous avons élargi l’échantillon géographique en incluant les comparables américains (Piedmont Natural Gas, North West Natural Gas, Boardwalk Pipeline Partners and ITC Holdings) en complément des comparables de l’Europe, de l’Australie et de la Nouvelle Zélande. 39 Tableau 13 : Échantillon de comparables pour le bêta Echantillon Echantillon NERA Commentaire Consultant Terna REN Red Electrica Enagas Acsm - Agam Snam SpA Hera SpA National Grid APA Group Australian Gas Networks DUET Group Vector Limited Piedmont Natural Gas North West Natural Gas Boardwalk P. P. ITC Holdings Transport d’électricité Transport d’électricité Transport d’électricité Transport de gaz Distributeur de gaz (bidask spread de 2.28% pendant 5 ans) Distributeur de gaz Distributeur de gaz (données insuffisantes) Activités diversifiées Distributeur de gaz (bidask spread de 1.05% pendant 5 ans) Distributeur de gaz (anciennement Envestra, fusionné) Activités diversifiées Activités diversifiées Distributeur de gaz Distributeur de gaz Activités diversifiées Transport d’électricité Source: Analyse NERA de données Bloomberg Mis à part la composition de l’échantillon, notre méthodologie est identique à celle utilisée par le consultant de la CRE. Pour la régression, nous utilisons des données journalières jusqu’au 1er Décembre 2015. Avant de transformer les bêtas endettés en bêtas des actifs, nous utilisons la méthode d’ajustement de Vasicek avec un antécédent de 1. 33 33 Vasicek, O. A. (1973), A Note on Using Cross-Sectional Information in Bayesian Estimation of Security Bêtas, Journal of Finance 28(5), 1233–1239. 40 Notre fourchette de bêta des actifs sur un horizon temporel de 5 ans va de 0,19 à 0,63. Sur 3 ans, la fourchette va de 0,20 à 0,62 et sur 1 an, de 0,26 à 0,63. Les réseaux de transport de gaz français (et l’activité de terminalling GNL) sont soumis à un risque volume (limité dans le cas des réseaux de transport), ce qui n’est pas le cas du distributeur de gaz. Nous suggérons donc de fixer le bêta en se basant sur la partie haute de notre fourchette de comparables. Tableau 14 : Bêta de l’actif Rapport du consultant 0,35-0,44 NERA Juin 2015 0,58 NERA Mars 2016 0,58 Source: Analyse NERA de données Bloomberg De plus, en l’absence d’évolution significative du système de régulation français qui aurait pour conséquence de réduire ou d’augmenter le risque systémique, le bêta ne devrait pas évoluer de manière significative d’une période de régulation sur l’autre 34. D’autant qu’une régulation efficace est généralement associée à une forte prévisibilité du système et donc à une forte stabilité. Et les valeurs issues de l’analyse ci-dessus suggèrent que les valeurs retenues en 2012 par la CRE ne sont pas aberrantes au regard du marché. NERA suggère donc de retenir un bêta inchangé de 0,58. 5.2.6. Gearing et traitement de l’impôt sur les sociétés Levier, coût de la dette et coût des fonds propres sont intimement liés. L’ajustement du coût des capitaux propres se fait, lui, mécaniquement à travers la formule de Modigliani-Miller de réendettement du bêta de l’actif économique. La cohérence à rechercher est donc celle entre coût de la dette et levier. Si l’on cible un coût de la dette correspondant à celui d’une société notée A, le levier normatif défini par le régulateur doit correspondre aux critères fixés par les agences de notations pour pouvoir bénéficier de cette note de crédit. Dans notre rapport pour Engie nous montrions que les résultats de la méthode Blume sont très proches des résultats de la méthode Vasicek. 34 Si le système de régulation devait toutefois évoluer de manière significative dans le sens d’une plus grande prise de risque des gestionnaires d’infrastructures (régulation incitative), cela pourrait se traduire par des bêtas plus élevés. 41 Toutes choses étant égales par ailleurs, une notation A de l’agence Moody’s correspond, pour une entreprise de réseau dans les secteurs du gaz et de l’électricité, à un ratio dette / Base d’Actifs Régulés (qui est utilisée comme approximation de la structure financière totale) situé entre 45% et 60% 35. A ce titre, le gearing retenu par la CRE (50%) paraît pertinent et correspond par ailleurs à la proposition NERA de juin 2015. C’est donc le gearing que nous utilisons pour calculer le bêta réendetté. Pour calculer ce dernier, nous tenons compte de la non déductibilité fiscale totale des charges financières, dénommée couramment en France le « rabot fiscal », qui a été introduite par la loi de finances pour 2013 (article 212 bis et 223 B bis du Code Général des Impôts). Ce mécanisme prévoit que les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés et dont le montant des charges financières nettes atteint au moins 3 M€ au titre d’un exercice ne peuvent déduire, pour la détermination de leur résultat fiscal, qu’une portion du montant total de ces charges financières. Pour les exercices clos entre le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013, la portion des charges financières devant être réintégrée s’élevait à 15%. Elle est augmentée à 25% pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014. Ce dispositif est voué à se poursuivre au cours des prochaines années et donc au cours de la période de régulation. Il induit une modification de l’application de l’ajustement des bêtas par l’approche ModiglianiMiller. En effet, l’ajustement de Modigliani-Miller suit la formule suivante : Cette formule est mathématiquement prouvée dès lors que l’hypothèse de tax shield est de 100%, soit l’hypothèse que les charges financières associées à la dette sont intégralement déduites des revenus imposables. Lorsque cela n’est plus le cas, la formule de Modigliani Miller ajustée de ce nouveau paramètre devient : Nous prenons donc en compte la déductibilité de la dette qu’à hauteur de 75% dans le calcul du bêta réendetté. 35 Rating methodology - Regulated Electric and Gas Networks, Moody’s, November 25th 2014 42 5.2.7. Passage du réel au nominal Deux opérations sont nécessaires pour effectuer le passage des valeurs nominales après impôts aux valeurs réelles avant impôts. La première est la prise en compte du taux normatif d’imposition. Pour se faire, le taux normatif d’imposition retenu est celui de 34,43%, qui correspond au taux d’imposition attendu, suivant les meilleures informations disponibles à date, qui sera applicable pendant la période tarifaire. En effet, si en 2014 et 2015, le taux d’imposition s’appliquant aux entreprises de plus de 250 M€ de chiffres d’affaires est de 38%, ce dispositif « exceptionnel » est censé prendre fin dès 2016, pour un retour au taux de 34,43%, suivant les engagements de l’actuel gouvernement. La méthode de calcul est la suivante : 𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛.𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎 𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖ô𝑡𝑡𝑡𝑡 = 𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛.𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎è𝑠𝑠 𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖ô𝑡𝑡𝑡𝑡 × Avec tax le taux d’imposition normatif. 1 (1 − 𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡𝑡) La seconde correspond à la prise en compte de l’inflation. Le passage de valeurs nominales à réelles se fait suivant la formule de Fisher : 𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝑟𝑟é𝑒𝑒𝑒𝑒.𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎 𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖ô𝑡𝑡𝑡𝑡 = 1 + 𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝐶𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛𝑛.𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎𝑎 𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖𝑖ô𝑡𝑡𝑡𝑡 −1 1 + 𝑖𝑖 Le cumul des deux opérations est sensible à l’ordre dans lequel elles sont opérées, puisque les opérations mathématiques ne sont pas multiplicatives. L’ordre logique et juste est de prendre en compte le taux d’impôts sur la base des valeurs nominales uniquement. Le schéma ci-dessous synthétise la problématique. 43 C’est la raison pour laquelle, en premier lieu, l’ensemble des régulateurs qui régulent dans le cadre de l’operational capital maintenance (OCM) font ce passage dans cet ordre strict, soit d’abord un passage en valeur nominales avant impôts, puis un passage en valeurs réelles. NERA recommande d’aligner le mode de calcul du CMPC sur celui des autres régulateurs, à savoir un passage en réel après le traitement des impôts et non avant, seule méthode économiquement juste alors que Frontier propose de conserver la méthode historique, à savoir un passage des paramètres du CMPC en réel avant application du taux d’impôt normatif, en arguant que le contraire conduirait à une surestimation du niveau d’imposition. Or, l’équivalence des modèles de régulation suppose que le poids de la taxation normative soit le même. La couverture de l’inflation est combinée avec le CMPC dans le cas des régulations avec un taux nominal et couverte par l’indexation de la BAR dans le cas de régulation avec un CMPC exprimé en réel comme c’est le cas pour Elengy. Dès lors, la méthode prônée par Frontier engendre non seulement un sous-recouvrement mais également un biais au regard des autres compagnies régulées par la CRE. Ainsi, la différence entre les deux modèles ne doit pas être le montant d’impôts payés sur l’inflation (qui est au final non recouvré dans l’approche Frontier), mais l’échéancier dans lequel il est fait, par construction du modèle de régulation. Il n’y a pas de surestimation de l’impôt en faisant l’approche standard (appelée approche NERA) qui n’est que l’approche « normale » dans ce cas, et systématique dans tous les autres pays européens adoptant cette régulation (cf. notre benchmark dans le rapport NERA de juin 2015). 44 Frontier développe des arguments relatifs aux systèmes spécifiques et situations spécifiques d’Engie. En ignorant le caractère normatif de l’exercice, il se perd en conjecture sur l’approche permettant d’approximer au mieux la fiscalité effective, ce qui est extérieur au cadre de régulation. Enfin, l’approche retenue par NERA pour le passage du réel au nominal est également celle préconisée par l’ARCEP dans son projet de décision du 22 Septembre 2015 36, où elle indique que « c’est sur la base de ce taux nominal et de la prévision d’inflation retenue qu’Orange et les opérateurs régulés pour leurs prestations de terminaison d’appel vocal sur réseaux fixes établiront chaque année un taux réel pour la comptabilisation de leurs coûts et leur contrôle tarifaire ». Le taux nominal applicable aux opérateurs régulés par l’ARCEP étant en nominal avant impôts, le régulateur des télécoms procède donc bien à un passage aux valeurs réelles dans le même ordre que celui préconisé par NERA, qui est d’ailleurs la manière normativement juste. 5.3. Proposition NERA pour le CMPC Sur la base des analyses présentées ci-dessus, NERA propose de retenir, à scénario de régulation constant, un CMPC réel avant IS de 7,14% pour l’activité terminalling. Cette proposition résulte du choix des valeurs les plus cohérentes parmi celles étudiées. Le Tableau 15 fait la synthèse de la proposition NERA (en fonction de la méthodologie de calcul du CMPC utilisée) et la compare à l’ATTM4, à la proposition de NERA de juin 2015 et à celle du consultant de la CRE pour l’ATRT6. 36 http://arcep.fr/uploads/tx_gspublication/consult-projdec-taux-remun-sept2015_01.pdf 45 Tableau 15 : Proposition de CMPC NERA 46 47 NERA Economic Consulting 1 rue Euler 75008 Paris, France Tel: 33 1 45 02 30 00 Fax: 33 1 45 02 30 01 www.nera.com Société par Actions Simplifiée R.C.S. Paris B 451 252 118 NERA Economic Consulting Unter den Linden 14 10117 Berlin, Deutschland Tel: 49 30 700 150 601 Fax: +49 30 700 1506 99 www.nera.com