Sur les traces de Saint Jean - Blog de Marie
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Sur les traces de Saint Jean - Blog de Marie
1 + Marie Sur les traces de Saint Jean d'Ephèse à Patmos * Apôtre bien-aimé du Seigneur Enfant intime de la Vierge Marie Père de l'Eglise primitive d'Ephèse et d'Asie mineure Prophète du temps à venir Pèlerinage de la Vierge Missionnaire à Ephèse et Patmos du 28 avril au 6 mai 2015 2 Sur les traces de Saint Jean : " Ce qui était dés le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie … Nous vous l'annonçons ! " 1 Jn 1,1-3 Introduction 1 - Un Apôtre au visage unique " Un des disciples, celui-là même que Jésus aimait, était tout contre Jésus …" Jn 13,29 St Jean apparaît à la fois comme une figure jeune, enthousiaste, transparente mais également silencieuse, effacée et contemplative. Il est paradoxalement cet impétueux " fils du tonnerre " (Mc 3,17) qui, à la manière du prophète Elie (2 R 1,9-10), veut faire descendre le feu du ciel sur les Samaritains rebelles (Lc 9,54) mais aussi celui qui repose sur la poitrine de Jésus (Jn 13,25) et qui sera le seul apôtre à écrire : " Dieu est Amour " (1 Jn 4,16). D'après le témoignage de Saint Irénée et les approches des historiens, Jean serait né environ vers 10 après Jésus-Christ à Bethsaïde et mourut vers 104 à Ephèse sous l'Empereur romain Trajan (98-117). Saint Jean est le plus jeune des douze apôtres, et quand Jésus l'appelle (Mt 4,21-22) il doit avoir 17-18 ans. Les autres apôtres sont plus âgés et certains mariés, mais Jean restera vierge pour être tout entier au Christ. En cela, il est déjà proche du Cœur de Marie … Avec Pierre et Jacques, il est un des trois apôtres privilégiés qui sont choisis par le Maître pour être les témoins intimes de certains grands événements de sa vie et de son ministère : - La résurrection de la petite fille de Jaïre (Mc 5,21-43) - La Transfiguration (Lc 9,28-36) - Gethsémani (Mt 26,36-46) Ainsi, Jean se présente comme " celui qu'aimait Jésus " (Jn 13,23) mais cela n'est ni injuste, ni sentimental. Il est écrit dans l'Evangile de Marc que le Christ " en institua douze pour être avec Lui et pour les envoyer prêcher " (Mc 3,14). Cet appel premier à " être avec Lui " avant de l'annoncer : c'est-à-dire vivre en son intimité en étant tout regard vers le Visage et toute écoute de la parole de Celui qui est " la Voie, la Vérité et la Vie " (Jn 14,6) … Jean l'a vécu dés la première rencontre qu'il relate au tout début de son Evangile : " Ils demeurèrent auprès de lui ce jour là …" (Jn 1,39) et l'apôtre bien-aimé n'a cessé de grandir en cette intimité d'amour. Manière d'être présent avant tout contemplative déjà si proche de l'attitude de Marie (Lc 2,19) qu'il a du déjà remarquer et imiter … il a vécu de toute l'ardeur de son cœur ce " être avec ", ce " demeurer " si caractéristique de son Evangile (voir en particulier Jean 15). Au-delà de son enthousiasme parfois impétueux, nous l'avons vu ; il a été capable aussi, avec son frère, d'une certaine ambiguïté innocente dépourvue d'humilité 3 (Mc 10,35-40) qui a troublé les apôtres et obligé le Christ à rectifier : " Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur " (Mc 10,43). Mais au-delà de ces péchés de jeunesse, Jean a vécu une relation de cœur à cœur avec Jésus et le Maître n'a pas eu besoin de lui demander comme à Pierre : " M'aimes-tu ? " (Jn 21,15) car il avait un tel regard d'amour sur Lui que même après la Résurrection, il le reconnaît à travers sa mystérieuse présence au bord du lac : " C'est le Seigneur ! " (Jn 21,7). Et c'est pourquoi les Orthodoxes l'appellent avec vénération " Jean le Théologien " : celui qui a le mieux compris le Cœur divin du Maître et sondé les indicibles mystères de son Incarnation. Cette proximité inouïe avec le Christ est manifestée à l'heure si intense du dernier repas où Jésus annonce la trahison d'un des apôtres … Jean est comme à l'accoutumé " tout contre Jésus " (Jn 13,23) et Pierre, oubliant sa primauté, fait signe à Jean de demander au Maître le nom du traître (Jn 13,24) car il ne s'agit plus ici d'autorité hiérarchique mais d'une primauté qui vient de l'amour … et à cette heure, cela dépasse Pierre qui, néanmoins, la reconnaît. En effet, Jean qui veut toujours s'effacer se révèle bien souvent à travers son Evangile. En particulier lorsqu'il nous rapporte les dernières paroles de Jean-Baptiste qui voit se lever le temps de l'Eglise : " Qui a l'épouse est l'Epoux ; mais l'ami de l'Epoux qui se tient là et qui l'entend est ravi de joie à la voix de l'Epoux ! Telle est ma joie, et elle est parfaite. Il faut que lui grandisse et que moi je diminue …" (Jn 3,29-30). On sent que ces paroles ont bouleversé son cœur à l'époque et qu'il est entré très tôt dans cette relation d'amour sponsale qu'avait annoncé avec éclat le prophète Osée (2,16-22). Cela le rend proche déjà de la Mère de Dieu et de Marie-Madeleine avec lesquelles il sera au pied de la Croix … seul représentant des apôtres. 2 - Un Apôtre au destin exceptionnel " C'est lui qui, l'esprit illuminé par Dieu, conçut la suréminente grandeur de la science divine, lorsque dans le repas sacré de la Sainte Cène, il repose sur la poitrine du Rédempteur (Jn 13,5) … C'est l'amour du Seigneur qui brûlait en lui … Il convenait en effet que celui qui était le premier dans l'amour du Sauveur fût aussi le premier dans la charité envers ses frères. " St Pierre Damien, XI° siècle, Tout cet appel dans l'appel va entraîner pour Jean un destin en grande partie caché autant qu'exceptionnel. Après avoir joué un rôle de premier plan aux côtés de Pierre dans les débuts splendides de l'Eglise à Jérusalem et aux alentours (Ac 1,13 / 3 / 4 / 8,14), " les Actes nous le montrent envoyé avec Pierre auprès de Philippe en Samarie (8,14) ; c'est la dernière mention que nous ayons sur lui … ensuite, plus aucun indice direct. Une tradition ancienne, attestée par les meilleurs témoins ecclésiastiques, nous le montre s'en allant plus tard à Ephèse, où il est chef religieux de l'Eglise1 ". Voici certains évènements de sa vie qui témoignent d'une destinée exceptionnelle dans une personnalité attachante parce que si Jean est follement ardent en son amour pour le Seigneur, il reste humble, fraternel et proche, effacé et silencieux : - Jean, nous l'avons vu, est le seul à reposer sur le Cœur de Jésus (Jn 13,23). - Il est aussi le seul des Apôtres à suivre le Sauveur en sa Passion jusqu' au pied de la Croix avec Marie qu'il reçoit pour Mère selon le testament du Maître (Jn 19,25-27). - Jean est aussi le seul à contempler le Cœur ouvert du Christ pour les hommes en nous rapportant le " coup de lance " (Jn 19,32-37) qu'aucun autre Evangile ne mentionne. 1 Sœur Jeanne d'Arc, op, Introduction à l'Evangile de Jean - Les quatre Evangiles, DDB 1992, p.463. 4 - Jean est premier des Apôtres à croire à la Résurrection avant que Jésus se manifeste aux douze : " Il vit et il crut " (Jn 20,8). - Jean est l'Apôtre qui a vécu le plus longtemps dans le monde. Il est mort à 94 ou 95 ans vers 104 et la disparition approximative du dernier Apôtre se situe vers 81. Il est donc resté le dernier Apôtre sur terre durant une vingtaine d'années. - Jean est le seul Apôtre qui n'a pas au sens strict fondé d'Eglise. Mais il a travaillé inlassablement à affermir l'Eglise primitive d'Asie mineure par sa présence et ses enseignements : ses Epîtres et son Evangile laissent deviner son sens pastoral et sa sublime spiritualité toute centrée sur la beauté du Verbe fait chair. Dans ces sept Eglises mentionnées au début de l'Apocalypse qu'il visitait régulièrement, il exerçait une paternité profonde dans la foi. On devine qu'il avait une tendresse toute particulière pour Ephèse tout près de la maison où vivait Marie … - Jean nous donne un Evangile que les Pères qualifient de " spirituel " car si le trésor des synoptiques a une approche plus extérieure sur le mystère du Christ ; l'Evangile johannique nous fait pénétrer dés le prologue au cœur du mystère de Dieu révélé par le Verbe fait chair. Ensuite, à partir d'événements propres à Jean pour la plupart, il nous fait entrer en crescendo dans les mouvements les plus intimes du Cœur de Jésus avec la plénitude inouïe des chapitre 13 à 17. - Il est le seul Apôtre qui n'est pas mort martyr mais il lui a été donné par le Christ la bouleversante révélation de l'Apocalypse. Ce dernier livre des Ecritures qui est " comme le début d'une troisième partie de la Bible : l'Ancien Testament prépare et permet la compréhension du Christ. Le Nouveau Testament fait entrer dans sa Révélation … Restent les questions des hommes : Quand le Christ reviendra-t-il ? Que doit-on vivre entre sa Révélation et son retour ? L'Apocalypse fait face à ces questions 2 ". En finale, il faut se souvenir que Jean a reçu la formation biblique, théologique et spirituelle la plus forte qu'on puisse rêver : - Jean-Baptiste durant 3 ans. - Le Christ durant 3 ans. - Marie durant 20 ans ! Il faut ajouter à cela les 40 ans de méditation et d'enseignement à Ephèse et l'Asie mineure, sans oublier la Révélation de l'Apocalypse à Patmos qui a bouleversé sa vie en lui donnant une lumière éblouissante sur l'Agneau vainqueur et les destinées de l'Eglise dans l'histoire du monde … Ainsi, son Evangile et ses Epîtres viennent après la Révélation déterminante de Patmos qui va lui donner d'exprimer le mystère du Verbe incarné dans ce style johannique si touchant et reconnaissable entre tous : " Jean ne spécule pas, il montre mais ne démontre pas. Il est le témoin qui atteste ce qu'il a vu et entendu. Sa pensée ne s'organise pas en raisonnements et ne s'embarrasse pas de syllogismes ; il affirme, et juxtapose les affirmations, liées par un simple " et ", d'où le caractère fortement sémitique de l'œuvre … A travers cela, quelque chose d'unique passe : Jean s'efforce de redire son expérience personnelle de lumière et d'amour. Cette haute touche spirituelle, qu'il avait reçu au contacte du Maître est au-delà des mots et de tout ce qu'on peut dire. Mais il faut bien essayer de la communiquer pour que la vérité divine parvienne au plus grand nombre, irrigue l'Eglise jusqu'à la fin des temps 3… " 2 3 Théo, Nouvelle encyclopédie catholique, Droguet-Ardent / Fayard, 1989, p.298. Sœur Jeanne d'Arc, op, op. cit., p.465. 5 Vie de Saint Jean " Ils demeurèrent auprès de lui ce jour là …" Jn 1,39 " C'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique. " Jn 21,24 1 - Naissance et enfance (1-12 ans) Jean vient de l'hébreu Yôhânân qui signifie : " Yahweh fait grâce ". Il est fils de Zébédée et frère de Jacques " le Majeur ". Il est né à Bethsaïde (du grec Bethsaida et de l'araméen bét-çaydâ : " maison de pêche "). C'est dans ce village de Galilée au nord du lac qu'il va devenir pêcheur dans l'entreprise de son père (Mc 1,20). 2 - Disciple intime de Jean-Baptiste (15-17 ans) C'est en allant livrer le poisson à Jérusalem que Jean, passant sur les bords du Jourdain, a du entendre la prédication de Jean-Baptiste qui attirait les foules. A quinze ou 16 ans, il devient son disciple intime qui regarde et écoute … (Jn 1,35-37). Il est à noter qu'habituellement, dans la tradition judaïque, on est disciple d'un maître durant 3 ans. 3 - Apôtre bien-aimé de Jésus (18-20 ans) Arrive le moment où le dernier et le plus grand des prophètes désigne Jésus qui passe comme " l'Agneau de Dieu " et Jean devient le disciple du Christ (Jn 1,36-39) et ensuite son Apôtre (Lc 6,14). Il suivra son Maître jusqu'au pied de la Croix avec Marie et reçoit de lui cette ultime parole: " Voici ta Mère " (Jn 19,27). il la méditera toute sa vie pour en sonder la profondeur … 4 - Avec Marie, de Jérusalem à Ephèse (20-40 ans) Marie est le cœur silencieux et priant de l'Eglise primitive en gestation. Après l'Ascension du Christ, on la voit participer au Cénacle au milieu des Apôtres avec quelques femmes (Ac 1,14) dont Marie-Madeleine est sans doute du nombre. La Mère de Dieu est déjà la Mère de l'Eglise et elle est là, humble et discrète, mais " toute puissance suppliante " dans son intercession de feu … Après la Pentecôte, Les Actes des Apôtres nous montrent Pierre et Jean très liés dans la prédication comme ils l'étaient déjà dans la découverte du tombeau vide à partir du témoignage de Marie-Madeleine (Jn 20,1-10 / Ac 3,1 et 4,13). A cette époque aussi, certaines interprétations avancent que Jean, Etienne et Luc étaient très proches. D'abord à cause de leur jeunesse mais surtout par leur ardent amour du Seigneur. Après le martyre d'Etienne (Ac 7,58), il semble qu'une profonde amitié se noue entre Jean et Luc qui recevront chacun différemment et selon leur mission l'Evangile caché du Cœur de Marie : Elle est déjà la " mémoire de l'Eglise 4 " qui influencera de manière décisive leurs Evangiles respectifs … 4 " Nous oublions … mais la mémoire de Marie est aussi précise aujourd'hui qu'au premier jour … La foi est un don de toute la personne. Marie ayant toujours été entièrement disponible, sa mémoire était la page immaculée sur laquelle l'Esprit-Saint allait graver le Verbe de Dieu …" Hans Urs von Balthasar, Marie pour aujourd'hui, Nouvelle cité, 1988, p.48-49. 6 Un événement décisif va accélérer l'extension de l'Eglise : En 36, Pilate est rappelé définitivement par Tibère et cette vacance du pouvoir romain va favoriser la persécution progressive des chrétiens par les juifs. Au moment où la situation devient dangereuse, Jean part alors en exil vers l'Asie mineure en emmenant la Mère du Seigneur avec lui. On situe leur arrivée à Ephèse vers 42. Ce fait est corroboré par des textes du II° et III° siècle de plusieurs témoins connus : St Irénée de Lyon, St Polycarpe de Smyrne , Hippolyte de Rome, Eusèbe de Césarée, Clément d'Alexandrie, Origène qui écrivent quelques décennies après la mort de Saint Jean. Et enfin, le Concile d'Ephèse qui déclarera solennellement que Marie est la " Theotokos " (Mère de Dieu) dira à propos d'Ephèse : " Là où étaient Jean et Marie ". 5 - Ephèse : Jean à l'Ecole du Cœur silencieux de Marie A l'époque, Ephèse comme Bethsaïde étaient des ports qui donnaient directement sur la mer. La ville d'Ephèse jouissait d'un immense prestige culturel tout en étant un carrefour commercial très vivant. Mais par dessus tout, Ephèse est " la patrie de la déesse Artémis qui drainait une foule de pèlerins et devint un formidable carrefour d'idées dominé par l'école Ionienne et le philosophe Héraclite 5 (576-480 av. J-C) ", le premier grec des présocratiques à appréhender confusément un logos 6. La déesse Artémis était exaltée pour sa fécondité et les païens la considérait comme " la mère des dieux " … et c'est là que St Jean conduit et installe Marie " la Mère de Dieu " ! Il lui fera construire une sorte de petite maison-chapelle sur les hauteurs d'Ephèse. Des siècles plus tard, le 29 juillet 1891, les pères Lazaristes Poulin et Jung découvrent l'emplacement de la Maison de la Vierge (Meryem Ana) sur les indications des visions de la célèbre mystique Anne-Catherine Emmerich 7 (voir documents). La venue significative en ce lieu béni des Papes Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI a définitivement crédibilisé Meryem Ana. D'après les Actes des Apôtres, Paul a fondé l'Eglise d'Ephèse (Ac 19 et 20) vers la fin des années 50 ; mais il est probable que Jean, à sa manière plus effacée, ait préparé le terrain … Avec des nuances et sans cloisonner, cela indique tout de même que dés l'Eglise primitive 3 dimensions de l'Eglise se précisent : a / La dimension hiérarchique : Merveilleusement incarnée par Pierre et les Apôtres auxquels succéderont les Papes et les Evêques, gardiens de la foi et pasteurs au service des fidèles pour que s'affermisse et rayonne l 'Eglise au cœur du monde … b / La dimension missionnaire : Fortement mise en lumière par un Paul ou un Jacques qui furent de grands évangélisateurs et fondèrent des Eglises. L'histoire de l'Eglise est traversée par des vagues de missionnaires jusqu'à aujourd'hui … c / La dimension contemplative : Splendidement présente à travers un Jean ou une MarieMadeleine fascinés par le Visage du Seigneur et se faisant tout silence pour écouter sa parole … Là aussi, des Pères du désert à la vie monastique actuelle, il n'a pas manqué d'hommes et de femmes qui ont brisé le vase de leur cœur pour le répandre sur le Corps de Jésus et être, comme petite Thérèse, l'amour au cœur de l'Eglise … 5 La Turquie, Guide vert, Ephèse et la côte égéenne, Michelin 2013, p.310. " Par la question qu'il pose, Héraclite est de la tradition des physiciens, de ceux qui se demandent, avec Thalès, Anaximandre et Anaximène, " en quoi est faite la nature ? " Comme eux il est à la recherche d'une matière tout à fait première qui reste identique sous le changement … Héraclite est le premier des Grecs à parler d'un logos, qui gouverne et juge toutes choses. Mais ce logos n'est point un esprit. C'est le feu lui-même dans son mouvement continuel … c'est dans le feu qu ' Héraclite découvre le secret le plus intime des choses …" Marcel Clément, La soif de la sagesse, une histoire de l'intelligence, 1997, p.49-50. 7 Voir le tome 3 des Visions d’Anne-Catherine Emmerich, Téqui 1995, p.420-461. La mystique allemande a été béatifiée par Jean-Paul II le 3 octobre 2004. 6 7 Jean s'est mis à l'école du Cœur silencieux de Marie … durant plusieurs années à Meryem Ana que l'on appelait autrefois Panaya Kapulu : " Maison de la Toute Sainte ". Au début, il a voulu être fidèle à la mission reçue du Christ de veiller sur la Mère de Dieu. Mais ensuite à Ephèse, il est devenu " disciple " en vérité de la Sainte Mère qui l'a entraîné, selon son Cœur (Lc 2,19), dans les mystères du silence et de l'écoute … Petit à petit, il a reçu d'Elle cet " instinct du cœur 8 " : en regardant Marie vivre jour après jour, il a découvert cette vie contemplative qu'il portait déjà en lui et où chaque journée est rythmée par le silence, la prière et l'humble travail. La Vierge l'a introduit en quelque sorte dans un mode de vie contemplatif déjà monastique. D'après Evagre le Pontique, les premiers moines appelaient Jean leur " Père " et Ephrem de Salamine écrit : " Les moines se réunissaient pour imiter la vie de Marie et de Jean à Ephèse " et Saint Augustin verra en Jean " le modèle de la vie contemplative ". Quant au Patriarche Athënagoras, il évoque Jean comme celui qui a inspiré la vie des moines du Mont Athos : " Jean est à l'origine de la plus haute spiritualité : comme lui, les silencieux connaissent ce mystérieux échange des cœurs … en invoquant la présence de Jean, leurs cœurs s'enflamment !…" et il est à noter que la péninsule toute monastique du Mont Athos est " le jardin de la Mère de Dieu " suscité par Elle 9 dans son Apparition à Saint Pierre l'Athonite au VII° siècle. On retrouve ainsi dans l'intuition monastique du Mont Athos celle d'une vie contemplative à l'imitation de Marie vécue par Saint Jean à Ephèse : " Car qu'est-ce que la vie monastique, si ce n'est la continuation du mystère de la maternité virginale ? De même que, par l'opération du Saint-Esprit, le Verbe de Dieu est descendu dans le sein immaculé de la Vierge et s'est revêtu de la nature humaine, de même ceux qui ont fait profession de garder vierges non seulement leurs corps, mais aussi leur âme reçoivent en eux le germe divin par la descente mystique du Saint-Esprit … C'est parce que la Mère de Dieu est l'archétype du moine, le modèle de toute la sainteté chrétienne, le " lieu " de l'accomplissement du mystère de l'Incarnation de Dieu et de la divinisation de l'homme, qu'elle occupe cette place privilégiée et exclusive au Mont Athos10. " Cela nous intéresse au plus haut point à la Vierge Missionnaire car nous nous sentons encore plus confirmés dans notre Charisme où vie mariale et vie consacrée sont pour nous indissolublement liés dans notre " sequela Christi ". Notre Règle en témoigne magnifiquement dés le début : " Contempler le mystère du Verbe fait chair dans le sein de Marie … sera pour toi la source d'un incessant renouvellement intérieur dans cet appel à devenir en Marie, vierge et missionnaire … En Elle, tu trouveras Dieu seul. Ainsi, actualiser chaque matin ce mystère de l'Annonciation dans le silence du cœur est ton appel contemplatif premier … Devant chaque " comment ? ", abandonne-toi entre les mains de Marie pour accueillir l'Esprit dont l'œuvre est de transfigurer la faiblesse de l'homme. L'Annonciation vécue au quotidien est l'actualisation de cette pentecôte première et cachée où l'Esprit opère en nos cœurs une nouvelle naissance ." (Règle du Carmel de Marie Vierge Missionnaire, n° 4,10 / 5,5-6 / 6,3-4) 8 " Jésus l'a dit : " il faut toujours prier " (Lc 18,1) … car il existe une forme de prière plus radicale et plus intime … l'oraison du cœur, c'est-à-dire, cette inclination intérieure, cet instinct intérieur qui surgira dés le matin : " Je dors, mais mon cœur veille " (Ct 5,2) … Quand cet instinct du cœur nous est donné, profondément, continuellement, quelle liberté intérieure ! Tout ce que nous avons à faire, nous le faisons dans une sorte de paix transcendante qui permet de hiérarchiser les occupations et de voir celles auxquelles il faut d'abord aller. Il faut demander à la Vierge Marie qu'elle fasse descendre en nos cœurs cet instinct profond de la prière, cette orientation qui, comme l'aiguille de la boussole, sait toujours trouver sa direction …" Charles Journet, Entretiens sur Marie, Parole et silence, 2001, p.47-48. 9 Fabian Da Costa, Florilège du Mont Athos, Renaissance, 2005, p.32. 10 Fabian Da Costa, Florilège du Mont Athos, op. cit, p.31. 8 On peut vraiment avancer que Jean n'aurait jamais écrit son " Evangile spirituel " s'il n'avait été auparavant " formé " par le silence contemplatif de Marie. Il a reçu d'Elle une pénétration ultime du mystère de l'Incarnation : " Et le Verbe s'est fait chair et il a demeuré parmi nous et nous avons contemplé sa gloire …" (Jn 1,14). Derrière la beauté contemplative de son Evangile se cache le regard silencieux du Cœur de Marie … et cette profondeur mariale initiée par l’Esprit est passée en Jean. De même, on peut dire que bien avant Thérèse de Lisieux, Jean est à la source de la voie d'enfance évangélique dont sa première Epître témoigne lumineusement aux chapitre 3 et 4. Souvenons-nous en particulier de l'admirable verset " il n'y a pas de crainte dans l'amour …" (1 Jn 4,18). On peut dire aussi que bien avant St Louis Marie Grignon de Montfort et tous le Saints marials, Jean est entré le premier dans " le secret de Marie " en la recevant du Christ au pied de la Croix (Jn 19,27) et en faisant ensuite " maison commune " avec Elle à Ephèse : " Dés cet instant, le disciple l'accueillit chez lui …" Et comme le précise avec bonheur un Père de l'Eglise : " Il faut donc oser dire que, de toutes les Ecritures, les Evangiles sont les prémices et que, parmi les Evangiles, les prémices sont celui de Jean, dont nul ne peut saisir le sens s'il ne s'est reposé sur la poitrine du Sauveur et n'a reçu de Jésus Marie pour mère11…" 6 - Après l'Assomption de Marie (40-85 ans) Après le départ de Marie vers son Fils que l'on situe vers 51-52, Jean continue sa vie contemplative mais va aussi beaucoup enseigner pour former l'Eglise d'Asie mineure : des exégètes parleront d'une " école johannique " présente à Ephèse et dans les six autres Eglises citées au début de l'Apocalypse. Jean les visitera et exercera en chacune sa sollicitude pastorale … Il enfante aussi spirituellement de grands Evêques comme Saint Ignace d'Antioche, Saint Polycarpe de Smyrne qui lui-même formera Saint Irénée de Lyon. L'enseignement de Jean où devait déjà affleurer des parties de son Evangile était capital pour la croissance de la foi dans l'Eglise primitive … car une question finissait toujours par être posée par les nouveaux chrétiens : mais finalement qui est vraiment Jésus ? En ce sens, l’exégèse remarque une progression de l’intelligence de la foi dans l’Eglise primitive : 1 Prédication sur la Résurrection après la Pentecôte Ac 2,1-47 3000 conversions 2 Témoignage des Apôtres : du baptême de Jean à la Résurrection : Evangiles synoptiques 3 Qui est vraiment Jésus ? Evangile de Jean est unique dés son Prologue Jn 1,1-18 Dés le début de son ministère, la Révélation du Christ se fait par cercles concentriques : du plus extérieur (ex: parabole du semeur en Mt 13,1-8) à l'intermédiaire (Parabole expliquée en Mt 13,18-23) au plus intérieur (Jean consulté par Pierre pour accéder tout prés du Cœur de Jésus en Jn 13,21-25). Car par rapport aux synoptiques, " Jean remplace le thème fondamental de la prédication de Iéshoua, l'annonce du Royaume (ce mot n'apparaît chez lui qu'en 3,35 et 18,6), par celui de la vie éternelle, conçue comme un bien eschatologique, divin, mais qu'il est possible de posséder dès maintenant. Il donne ainsi des dimensions nouvelles à l'eschatologie … Dans ce sens, Jean souligne, davantage que ses devanciers, le mystère de la personne de Jésus, de sa transcendance et de sa préexistence. Ainsi comprend-il la passion et le supplice du crucifié comme le début de sa glorification … On peut justement penser que ni dans la Bible, ni dans la littérature universelle, il n'existe de livre comparable au quatrième Evangile12. " 11 12 Origène, Sur l'Evangile de Jean. André Chouraqui, La bible, traduction, Introduction à l'Evangile de Jean, DDB, 1985, p.2060-2061. 9 7 - L'exil à l'île de Patmos (85-87 ans) A 85 ans, Jean reste le dernier Apôtre vivant sur la terre. A cette époque, l'Empereur romain Domitien se déclare Dieu de son vivant. Seul, Néron avait osé le faire avant lui. Ainsi, Jean est arrêté à Ephèse pour avoir refusé de vénérer l'Empereur dans le temple dédié à sa divinité. C'est ici qu'intervient un épisode controversé de sa vie : Jean aurait été amené à Rome où il aurait subi le martyre de l'huile bouillante. Selon des historiens, il faut plutôt y voir une légende et cependant des Pères dignes de foi comme Saint Jérôme ou Tertullien témoignent en faveur de l'authenticité. A Rome, il existe à la Porte Latine une Basilique dédiée à ce martyre de Jean. Saint Jérôme écrit : " Jean sortit de la chaudière plus frais et plus vigoureux qu'il n' y était entré …" Finalement, les autorités romaines condamnèrent Jean à l'exil dans l'île de Patmos. Dans ce lieu magnifique, on peut visiter la grotte où l'Apôtre a reçu la Révélation de l'Apocalypse et également le monastère de Saint Jean le théologien qui domine la ville de Skala. C'est aussi l'île où l'on trouve 300 chapelles dédiées à la Vierge ou à des Saints. Les deux précautions à avoir quand on lit " l'Apocalypse " c'est d'abord le sens juste du mot qui va donner le vrai ton à la lecture : le mot apocalypse, transcrit du grec apocalypsis, n'a pas le sens qu'il a pu prendre en français de " catastrophe redoutable " ; mais il traduit constamment en grec l'hébreu gala, « découvrir ; enlever le voile » … ce qui signifie que l'Apocalypse met sous nos yeux une « Révélation » … et c'est là que vient la seconde précaution réaliste et déroutante d'après le contenu : l' Apocalypse est, de fait, un " livre d'espérance ". Le Cardinal Ratzinger l'avait admirablement remarqué : " L'Apocalypse est très éloignée de la promesse d'un progrès constant ; on n'y aperçoit pas non plus la possibilité d'aménager par une action spécifiquement humaine une forme de société réussie une fois pour toutes et pour toujours. Pourtant, ou justement parce qu'elle refuse de tels espoirs humains, c'est un livre d'espérance … Et finalement, l'Apocalypse nous dit ceci : malgré toutes les terreurs, l'histoire humaine ne s'engloutira pas dans la nuit de l'autodestruction ; Dieu ne se la laissera pas arracher des mains. Les châtiments divins, les grandes souffrances où se trouve plongée l'humanité, ne sont pas des destructions, mais servent au salut de l'humanité. Même " après Auschwitz "… Dieu reste Dieu ; il reste bon, d'une bonté indestructible. Il reste le Sauveur qui par Amour métamorphose entre ses mains la conduite destructrice et cruelle de l'homme. Celui-ci n'est pas le seul acteur de l'histoire, et c'est pour cela que la mort n'y a pas le dernier mot. Le fait qu'il y ait l'autre Acteur, voilà l'ancre ferme et sûre d'une espérance plus forte et plus vraie que toutes les peurs du monde13 ". Il reste vrai que ce dernier livre de la Bible reste à la fois difficile, mystérieux et puissant à travers son développement : images et symboles se succèdent dans un genre littéraire typiquement hébraïque qui associe l'eschatologie à la politique comme dans les livres d'Ezéchiel ou de Daniel. Et pourtant, " écrit voici près de vingt siècles, ce texte ne cesse de parler à tous les temps … La bête représente, à coup sûr, l'Empire romain, mais elle est aussi le symbole de toutes les puissances de mort qui menacent de siècles en siècles la vie ou la survie de l'humanité. L'Apocalypse, au-delà de son sens historique, a une valeur permanente dans la dénonciation de la Bête et de ses œuvres, dans l'espérance de la libération et du triomphe … de la nouvelle Jérusalem14 ". Jusqu'à aujourd'hui, bien des questions demeurent sur l'identité de l'auteur du livre sacré : Est-ce Jean, un disciple ou son proche entourage pénétré de son enseignement ? Pourtant, dés 633, l'Eglise a tranché au Concile de Tolède : " L'autorité de beaucoup de Conciles et les décrets synodiques des saints Evêques romains établissent que le livre de l'Apocalypse est de Jean l'Evangéliste et statuent qu'il doit être rangé au nombre des divins livres …" (Concile de Tolède, Chap.17, Denzinger 486) 13 Cardinal Joseph Ratzinger, Regarder le Christ, Exercices de foi, d'espérance et d'amour, Retraite prêchée au mouvement " Communion et Libération ", Fayard, 1992, p.67. 14 André Chouraqui, La Bible, op. cit, Introduction à l'Apocalypse, Découvrement de Iohanan, p.2382. 10 8 - Jean, l'Apôtre de la Lumière et de l'Amour (88-94 ans) A partir de l'Apocalypse, il y a un avant et après dans la vie de Jean. Souvenons-nous de la vision préparatoire du chapitre premier : " Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l'épreuve, la royauté et la constance, en Jésus. Je me trouvais dans l'île de Patmos à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je tombai en extase, le jour du Seigneur, et j’entendis derrière moi une voix clamer … Ce que tu vois, écris-li dans un livre pour l’envoyer aux sept Eglises … et m’étant retourné, je vis sept candélabres d’or … et au milieu, comme un Fils d’homme revêtu d’une longue robe serrée à la taille par une ceinture en or … ses yeux comme une flamme ardente … et son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son éclat … A sa vue, je tombai à ses pieds, comme mort ; mais il posa sur moi sa main droite en disant : « Ne crains pas, je suis le Premier et de Dernier, le Vivant … Ecris donc ce que tu as vu : le présent et ce qui doit arriver plus tard … » (Ap 1,9-19). Après cette rencontre avec le Christ glorieux, Jean est bouleversé par son indicible splendeur mais aussi par cette « Révélation » que signifie «Apocalypsis ». Le sens en est donné par le Christ lui-même : « le présent et ce qui doit arriver plus tard » (Ap 1,19). Cela vient contrarier l’ambiance de « parousia » de l’Eglise primitive où l’on vivait dans l’attente d’une venue imminente du Seigneur … Cela était juste dans la perspective de cette vigilance incessante que comporte la foi vivante prônée par Jésus lui-même : « Veillez et priez en tout temps … » mais il ajoute : « afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme » (Lc 21,36). Le Christ se manifestera et sa seconde venue est une certitude … mais il viendra à l’improviste comme un voleur dans les temps eschatologiques (Lc 12,39-40) : sa venue mystérieuse est donc différée dans le temps ! Jean le découvre après sa vision de l’Apocalypse : il comprend que le retour du Christ n’est pas pour tout de suite quand il entrevoit à travers les sept sceaux ces étapes où sont décrites les épreuves futures de l’Eglise malmenée par le monde mais fidèle à son Epoux. A partir de ce choc divin, Jean est fortement renouvelé dans son amour de l’Eglise. Il y a pour lui urgence car il estime qu’elle est encore trop peu formée dans la vérité de l’Evangile et pas assez affermie dans la Foi : le début et le contenu de sa première Epître en est un témoignage éloquent. Et c’est pourquoi vers 87-88, il revient en Asie mineure et forme à nouveau Polycarpe et d’autres Evêques ; mais également des groupes de laïcs par des catéchèses. Il veut les affermir dans la vraie foi et leur donner les armes théologiques pour lutter contre les hérésies menaçantes (Docétisme, Nicolaïtes …) et surtout l’Arianisme à venir qui va bientôt nier que le Christ soit Dieu. Ainsi, c’est dans ce contexte historique et ecclésial que Jean écrit son Evangile et ses Epîtres autour de 90. Saint Irénée a reçu une information de Saint Polycarpe pour affirmer : « Le disciple du Seigneur, celui qui reposa sur sa poitrine, a publié l’Evangile pendant son séjour à Ephèse en Asie15 ». Et Saint Epiphane précisera plus tard : « Jean, après être revenu de l’Ile de Patmos fut poussé par l’Esprit à mettre par écrit son Evangile. Mais les paroles qu’il y a mises étaient déjà stables et constituées16… » A cette époque donc, « l’Ecole Johannique » tourne à plein régime et l’Apôtre bien-aimé oriente la foi de ses disciples vers cette contemplation amoureuse du Christ si reconnaissable dés qu’on s’approche de ses écrits17 mais aussi la communion des chrétiens dans l’amour : « Pensée de contemplatif et de mystique, toute centrée sur l’évènement 15 Saint Irénée de Lyon, Adv. Haer., 3.1,1 Saint Epiphane de Salamine, vers 370, Contre les hérésies, tome II, 51-54. 17 « Pour lui, l’histoire de Iéshoua’ annonce la fin de l’histoire du monde ; le Messie a vaincu le monde et refoulé dans les ténèbres extérieures le prince de ce monde. Sa mission consiste à découvrir aux hommes les trésors ineffables de la vie, de l’amour, de la paix … Dans ce sens, Jean souligne, davantage peut-être que ses devanciers, le mystère de la personne de Iéshoua’, de sa transcendance et de sa préexistence. Ainsi comprend-il la Passion et le supplice de Crucifié comme le début de sa glorification … » André Chouraqui, La Bible, p.2060. 16 11 unique : le Verbe s’est fait chair, Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils pour que nous soyons enfants de Dieu. Le Fils s’est fait l’interprète du Père et il nous a communiqué sa vie … nous vivons de cette vie éternelle déjà commencée. L’amour qui unit le Père, le Fils et l’Esprit est le même qui nous est donné pour que nous nous aimions les uns les autres : l’évangile de Jean (orchestré par sa première lettre) est l’évangile de l’amour … cet amour constitue la communauté des disciples, l’Eglise … ce lien qui unit tous les disciples du Christ n’est pas seulement mystique. Sa vie coule en nous par les sacrements dont les signes sont donnés tout au long de l’évangile… On aperçoit ainsi la structure ecclésiale venant conforter le lien unique de l’amour ; Et tout se résume dans l’amour avec ses trois notes essentielles sur lesquelles insistent les grands discours d’adieu : « Je vous laisse ma paix », « je vous donne ma joie », « Père, garde-les dans l’unité18… » D’après Saint Irénée, Jean est mort en 104 à Ephèse. Après l’ensevelissement, son tombeau fut trouvé vide et devint une source de miracles. Il est fêté liturgiquement chaque année à Ephèse le 26 septembre. Le 8 mai, l’Eglise d’Orient célèbre la synaxe en l’honneur des cendres ou de la « Sainte Manne » que produisait le tombeau du Saint Apôtre : en effet, chaque 8 mai le tombeau était recouvert d’une sorte de cendre que les chrétiens du lieu appelaient la « manne » … laquelle avait la vertu de guérir les maladies de l’âme et du corps de ceux qui s’en oignaient avec foi. 9 - Les apparitions de Saint Jean sont toujours avec la Mère de Dieu Saint Grégoire le thaumaturge (213-270) a été l’élève d’Origène. Lors de sa retraite préparatoire à la consécration épiscopale, il a bénéficié de la première apparition de Saint Jean Apôtre qui est en même temps la première apparition connue de la Vierge Marie. Elle nous est rapportée par Saint Grégoire de Nysse : « Une nuit que Grégoire méditait sur la doctrine de la foi, apparut à ses yeux un personnage humain ayant les traits d’un vieillard, vêtu avec une gravité religieuse ; la vertu brillait dans la grâce de son visage et dans tout son extérieur… Effrayé à cette vue, il se leva de son lit et demanda : « Qui êtes-vous et que voulez-vous ? » L’inconnu calma le trouble de ses pensées en lui parlant avec douceur et dit qu’il apparaissait par ordre de Dieu pour éclaircir ses doutes en lui découvrant la vérité de la foi pieuse … Rassuré par ces paroles, Grégoire le regardait, partagé entre joie et frayeur. Mais voici que l’apparition tendit tout droit la main dans la direction opposée : tournant les yeux de ce côté, Grégoire vit une femme d’une incomparable beauté et dignité, auréolée d’une lumière éblouissante. De nouveau effrayé, il se détourna et baissa les yeux, ne pouvant supporter l’éclat … Il entendit alors les deux personnages qui lui étaient apparus « dialoguer » sur le point qui l’occupait : la femme, en le nommant, s’adressa ensuite à Jean l’Evangéliste, le priant d’enseigner au jeune homme le mystère de la foi. Jean répondit qu’il accédait volontiers à la demande de la Mère du Seigneur, et en des termes clairs, il instruisit Grégoire sur le mystère de la Trinité … Grégoire s’empressa d’écrire la leçon venue du Ciel et s’en inspira par la suite dans ses sermons 19… » Saint Jean est ensuite apparu bien des fois mais toujours accompagné de la Mère de Dieu ! On peut dire que c’est « l’esprit d’Ephèse » qui se perpétue au Ciel … Voici quelques apparitions connues : à Saint André le fou (3°siècle) à Constantinople ; au Pape Célestin V et à Sainte Gertrude (13°siècle) ; à Sainte Catherine de Sienne et à Ferdinand du Portugal (14°siècle) ; à Saint Jean de Dieu (15°siècle) ; à Saint Séraphim de Sarov (18°siècle). 18 19 Sœur Jeanne d’Arc, Les quatre évangiles, op.cit., p.470. Saint Grégoire de Nysse, P.G., vol 10, 984-988, vol 46, 912-913. 12 En conclusion, écoutons notre Règle qui nous appelle à suivre Saint Jean Apôtre : « Tu suivras l’Apôtre bien-aimé sur les chemins d’intimité où l’attira Jésus. A travers son Evangile, tu contempleras la Révélation du Verbe fait chair et tu apprendras à te reposer sur « Celui qui est plus grand que notre cœur » (1 Jn 3,20). Son Apocalypse te laissera entrevoir le mystère du temps à venir (Ap 21,1-27 / 22,1-21). Dans la spiritualité johannique, croire consiste à se laisser aimer par le Christ et à accueillir sa Mère au fond de ton cœur. Là, il n’y a plus de crainte dans l’amour » (n°67). Marie+Michel Sources bibliographiques - La Bible de Jérusalem, Cerf 1991. - La TOB, Cerf 1994. - La Bible Chouraqui, DDB 1985. - Les quatre Evangiles, Sœur Jeanne d’Arc, DDB 1992. - M-J Lagrange, Evangile selon Saint Jean, études bibliques, Gabalda 1947. - Théo, Nouvelle encyclopédie catholique, Droguet-Ardent / Fayard, 1989 - Hans Urs von Balthasar, Marie pour aujourd'hui, Nouvelle cité, 1988. - Marcel Clément, La soif de la sagesse, une histoire de l'intelligence, 1997. - Charles Journet, Entretiens sur Marie, Parole et silence, 2001. - Tome 3 des Visions d’Anne-Catherine Emmerich, Téqui 1995. - Fabian Da Costa, Florilège du Mont Athos, Renaissance, 2005. - Cardinal Joseph Ratzinger, Regarder le Christ, Exercices de foi, d'espérance et d'amour, Fayard, 1992. - Vie de Saint Jean, Mariedenazareth.org - Père Eugène Poulin, Lazariste, La Maison de Marie à Ephèse, Histoire de la découverte, Téqui 2006, Préface de Sœur Nicole-Marie et DVD sur la présentation de la Maison de Marie par Patrick et Hélène Phénieux et commentaire spirituel de Père Marie-Michel. - Egidio Picucci et Pierre Mazoué, Meryem ana evi - La Maison de la Vierge Marie, Jorj Abajoli 1998. - Père Elie Rémy Thierry, Le mystère de la Maison de la Vierge, Jorj Abajoli 2003. - La Turquie, Guide vert, Ephèse et la côte égéenne, Michelin 2013. 13