Actualités législative et réglementaire

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Actualités législative et réglementaire
Actualités législative
et réglementaire
LOI 2016-274 DU 7 MARS 2016 RELATIVE AU DROIT DES ÉTRANGERS EN FRANCE
OU LE NAUFRAGE ANNONCÉ DU JLD
L'Assemblée nationale a adopté le 18 février, en lecture définitive, après rejet du texte adopté en nouvelle lecture par le
Sénat, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France.
Ce texte, voté sans qu'ait pu être trouvé un compromis entre
les analyses divergentes du Sénat et de l'Assemblée nationale,
modifie et intensifie l'intervention du juge judiciaire dans la
mise en œuvre des mesures d'éloignement .
La loi étend la compétence du juge judiciaire à la contestation
de la décision de placement en rétention qui relevait du juge
administratif (I), donne compétence aux JLD pour autoriser
l'autorité administrative à requérir les services de police ou
de gendarmerie pour visiter le domicile de l'étranger dans
certaines situations (II) et modifie le séquençage de l'intervention du juge des libertés et de la détention (III).
I - LA CONTESTATION
DE LA DÉCISION DE PLACEMENT
EN RÉTENTION
Actuellement, la décision de placement en rétention peut
être contestée par l’étranger dans un délai de quarante-huit
heures à compter de sa notification, par la voie d’un recours
pour excès de pouvoir porté devant le président du tribunal
administratif.
Par ce même recours, l'étranger peut contester l’obligation
de quitter le territoire français. L’audience est à juge unique
et sans conclusions du rapporteur public. Le président ou
son délégué statue dans les soixante-douze heures suivant
la saisine.
L’article 66 de la Constitution fait du juge judiciaire le gardien de la liberté individuelle. C'est donc le juge des libertés
et de la détention (JLD) qui autorise la prolongation de la
rétention décidée par l’administration au-delà d’une durée
de cinq jours.
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Il vérifie la régularité de l’interpellation et de la procédure
suivie pour placer l’étranger en rétention mais n'a pas compétence pour statuer sur la légalité de la décision de placement en rétention administrative, qui est une décision
administrative.
Le nouvel article L.512-1 dispose : « En cas de placement en
rétention en application de l'article L.551-1 du code de l'entrée
et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'étranger
peut demander au président du tribunal administratif l'annulation
de l'obligation de quitter le territoire français, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le
pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le
territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire
français qui l'accompagne, dans un délai de 48 heures à compter
de leur notification, lorsque ces décisions sont notifiées avec la
décision de placement en rétention.
La décision de placement en rétention ne peut être contestée que
devant le juge des libertés et de la détention, dans un délai de 48
heures à compter de sa notification et dans une audience commune aux deux procédures lorsqu'il est également saisi aux fins de
prolongation de la rétention en application de l'article L.552-1 ».
Le JLD est désormais seul compétent pour connaître de la
légalité de la décision de placement. Il appartiendra donc
au juge judiciaire d’apprécier la légalité de cette décision
administrative.
Cette nouvelle disposition appelle trois commentaires.
Tout d'abord, l'USM regrette vivement qu'aucune étude
d'impact n'ait été réalisée pour apprécier les conséquences
de ce transfert de compétence au profit du juge judiciaire.
Ces dispositions entreront en vigueur au plus tard le 1er
novembre 2016. Aucun effectif supplémentaire de magistrat
n'est prévu pour faire face à ce nouveau contentieux ce qui
constitue la critique majeure faite par l'USM.
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En second lieu, le Conseil constitutionnel a admis que le
législateur puisse, « dans l’intérêt d’une bonne administration
de la justice, unifier les règles de compétence juridictionnelle au
sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé lorsque
l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique
pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui
se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre
la juridiction administrative et la juridiction judiciaire ».
Mais en l'espèce, il n'y a pas de réelle unification du contentieux puisque le juge administratif reste compétent pour
statuer sur l'OQTF.
Le transfert au juge judiciaire de l'appréciation de la légalité
de la décision de placement ne met pas fin au risque de
contrariété de décision puisque une rétention validée par
celui-ci peut être remise en cause par l'annulation de l'OQTF
par le juge administratif.
Enfin et dans le prolongement de cette deuxième réflexion,
l'USM s'interroge sur les motivations retenues par le rapporteur de l'Assemblée nationale pour écarter le dispositif
proposé par le Sénat.
Celui-ci préconisait en effet le maintien de la compétence
de la juridiction administrative pour statuer sur la légalité
du placement en rétention mais en faisant de cette contestation un recours de pleine juridiction afin de permettre au
juge de réformer l’acte administratif qui lui est soumis, et
non plus seulement de l'annuler ou de le valider, et éventuellement de lui substituer une assignation à résidence.
Le rapporteur écrit en effet :
Comme il s’y était engagé en commission mixte paritaire, votre
rapporteur a sollicité une expertise du dispositif adopté par les
sénateurs auprès de différents magistrats des ordres administratif
et judiciaire. Les conclusions recueillies ont été critiques, en raison
notamment de l’impossibilité pratique pour le juge administratif de
réformer une décision de placement en rétention : les juridictions
administratives, peu familières des dispositifs de privation de
liberté, ignorent aujourd’hui en quels lieux assigner à résidence
et quelles conditions édicter pour concilier protection des libertés
et efficacité de la surveillance. Au contraire, ces thématiques sont
celles du juge des libertés et de la détention.
Ces considérations, et notamment la conclusion, ne sont
guère en cohérence avec les arbitrages retenues par le
Parlement dans le cadre de la loi n° 2015-912 du 24 juillet
2015 relative au renseignement et de la loi n° 2015-1501 du 20
novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du
3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité
de ses dispositions. Elles ne sont pas plus en harmonie avec
les dispositions votées lors des débats sur le projet de loi
renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et
leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties
de la procédure pénale.
Un tel raisonnement aurait dû en effet conduire le législateur
à confier au juge judiciaire le contrôle des assignations à
résidence et de certaines mesures de surveillance particulièrement attentatoires aux libertés, comme le suggérait l'USM.
II - LES NOUVELLES COMPÉTENCES DU JLD
EN MATIÈRE DE VISITES DOMICILIAIRES
1 - En cas d'obstruction volontaire de l'étranger assigné
à résidence à une demande de présentation aux autorités
consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage,
l'autorité administrative peut demander au JLD de l'autoriser
à requérir les services de police ou de gendarmerie pour
qu'ils visitent le domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa
présence et de le conduire auprès des autorités consulaires
et, si les conditions sont remplies, de lui notifier une décision
de placement en rétention.
2 - Lorsque l'étranger qui fait l'objet d'une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français,
il peut être reconduit d'office à la frontière.
L'autorité administrative peut demander au JLD de l'autoriser
à requérir les services de police ou de gendarmerie pour
qu'ils visitent le domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa
présence et de le reconduire à la frontière ou, si le départ
n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision
de placement en rétention.
3 - Si le demandeur d'asile astreint à résider dans les lieux
qui lui sont fixés n'a pas déféré, sans motif légitime, aux
convocations de l'autorité administrative et aux entretiens
prévus dans le cadre de la procédure de détermination de
l'État responsable de la demande d'asile, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de
gendarmerie en vue de cette démarche.
En cas d'obstruction volontaire de sa part, l'autorité administrative peut demander au JLD de l'autoriser à requérir
les services de police ou de gendarmerie pour qu'ils visitent
le domicile de l'étranger afin de s'assurer de sa présence, de
le conduire pour assurer les présentations nécessaires à la
poursuite de la procédure de détermination de l'État responsable de la demande d'asile et, si les conditions sont réunies,
de lui notifier une décision de transfert à destination de cet
État ainsi que, le cas échéant, une décision d'assignation à
résidence ou une décision de placement en rétention.
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4 - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard d'un étranger qui ne peut quitter
immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement
demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger
se trouve dans l'une des situations énumérées à l'article
L.562- 2.-I du CESEDA.
En cas d'impossibilité d'exécution d'office de la mesure d'éloignement résultant de l'obstruction volontaire de l'étranger
assigné à résidence, l'autorité administrative peut demander
au JLD de l'autoriser à requérir les services de police ou de
gendarmerie pour qu'ils visitent le domicile de l'étranger afin
de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière
ou, si le départ n'est pas possible immédiatement, de lui
notifier une décision de placement en rétention.
Le JLD, saisi par requête, statue dans les 24 heures, par
décision motivée. Le juge s'assure du caractère exécutoire
de la décision d'éloignement que la mesure vise à exécuter
et de l'obstruction volontaire de l'étranger à l'exécution de
cette mesure.
Dans tous les cas, l'ordonnance ayant autorisé la visite est
exécutoire pendant 96 heures au seul vu de la minute. Elle est
notifiée sur place à l'étranger dans une langue qu'il comprend
ou à défaut à l'occupant des lieux.
Les opérations de visite sont exécutées sous le contrôle
du JLD qui peut se déplacer sur les lieux. Elles ne peuvent
commencer avant 6 heures ni après 21 heures. Il est dressé
un procès verbal mentionnant les dates et heures de début et
de fin des opérations et les conditions de leur déroulement.
Ce PV est transmis au JLD.
Les ordonnances du JLD sont susceptibles d'appel devant
le premier président de la cour d'appel ou son délégué qui
est saisi sans forme et doit statuer dans les 48 heures de sa
saisine.
L'appel n'est pas suspensif. Le premier président, peut, par
ordonnance motivée et sans avoir préalablement convoqué
les parties, rejeter les déclarations d'appel manifestement
irrecevables.
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pas davantage requérir la force publique pour l'interpeller
à son domicile.
La Cour européenne des droits de l’Homme a précisé sa
jurisprudence en matière d’intervention policière dans un
domicile privé dans un arrêt du 15 octobre 2013 (affaire
Gutsanovi c. Bulgarie). La Cour a observé que « l’absence
d’un contrôle judiciaire préalable sur la nécessité et la légalité de
la perquisition en cause a laissé entièrement à la discrétion des
autorités policières et des organes de l’enquête pénale la planification de l’opération et n’a pas permis la prise en compte des droits
et intérêts légitimes de Mme G... et de ses deux filles mineures. La
Cour est d’avis que dans les circonstances spécifiques de l’espèce
un tel contrôle judiciaire préalable aurait pu permettre la mise
en balance de leurs intérêts légitimes avec l’objectif d’intérêt
général d’appréhender les personnes suspectées d’avoir commis
une infraction pénale ».
Certes cet arrêt ne concerne pas le cas particulier de l'exécution des mesures d'éloignement mais il fixe la jurisprudence
de la cour en matière d'intervention policière en présence
d'enfants mineurs.
L’arrêt de la Cour pointe l’obligation d’un contrôle préalable
du juge sur la nécessité et la régularité de l’opération en
considération du contexte.
L'USM ne conteste pas la nécessité du recours au JLD dans
ces hypothèses. Elle s'insurge par contre avec la plus grande
force contre le fait qu'aucune étude d'impact n'ait été réalisée
pour évaluer les ETPT de magistrats et de fonctionnaires
nécessaires pour faire face à ces compétences nouvelles alors
que l'amplitude de l'intervention du JLD est extrêmement
importante puisqu'il est censé contrôler les opérations de
visite qui peuvent débuter dès 6 heures et se poursuivent
après 21 heures si elles ont commencé avant. Cette nouvelle
charge sera d'autant plus lourde que la loi pose le principe
que l'assignation à résidence est la règle et le placement en
rétention l'exception.
III - LA MODIFICATION DU SÉQUENÇAGE DE
L'INTERVENTION DU JUGE
DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
Ces dispositions visent à vaincre l'obstruction ou l'absence de
coopération de l'étranger à la préparation ou à l'exécution de
la mesure d'éloignement. La personne assignée à résidence
peut en effet s'opposer à cette exécution en refusant d'ouvrir
sa porte aux services de police et de gendarmerie en charge
de l'accompagner auprès des autorités consulaires ou administratives ou de le reconduire à la frontière.
La loi ramène le délai de saisine du JLD aux fins de prolongation de la mesure de rétention de 5 jours à 48 heures.
Dans le cadre de l’assignation à résidence, l’autorité administrative ne peut retenir la personne concernée. Elle ne peut
L’USM s’était opposée à cette modification de l’ordre d’intervention des deux ordres de juridiction et à l’allongement du
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La loi 2011-672 du 16 juin 2011, en allongeant les délais
d’intervention du JLD, avait fait primer le contrôle du juge
administratif sur celui du juge judiciaire, considéré par la majorité d'alors comme un obstacle aux mesures d’éloignement.
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délai d’intervention du JLD de 2 à 5 jours. Certes, la charge
de travail induite était particulièrement lourde mais l’idée
présidant à cette réforme était clairement de faire obstacle
aux droits des personnes et au respect des libertés individuelles. En effet, la personne éloignée avant l’expiration du
délai de 5 jours peut l’être sans contrôle effectif du juge,
qu’il soit administratif ou judiciaire, et donc sur la base d’une
décision illégale.
effectuée à partir d'une base de calcul non dévoilée, apparaît
très en deçà des besoins réels eu égard à la saturation actuelle
des JLD des TGI dans lesquels existe un centre de rétention.
Le rapport FEKL a souligné que le maintien de ces dispositions
posait de nombreux problèmes de principe, contraires aux
exigences d’un état de droit.
Selon le rapporteur à l'Assemblée nationale, « l’allongement
de la durée de la première prolongation judiciaire (à 28 jours)
devrait conduire le juge à une appréciation plus poussée de la
nécessité de la rétention dans la mesure où l’étranger se trouve
privé de liberté pendant plus longtemps. »
Les décisions en cette matière sont d’autant plus lourdes
qu’une fois la décision exécutée, elle est dans la majeure
partie des cas irréversible.
L'USM, entendue sur le texte initial qui a évolué sur de nombreux points, sans que les parlementaires prennent le soin
de l'entendre à nouveau, avait regretté que l'allongement du
délai d'intervention du JLD (passé de 2 à 5 jours) par la loi n°
2011-672 du 16 juin 2011 aboutisse à ce que la personne éloignée avant l'expiration du délai de 5 jours puisse l'être sans
contrôle effectif du juge qu'il soit administratif ou judiciaire.
Elle avait toutefois clairement affirmé l'impossibilité pour
les magistrats de l'ordre judiciaire d'absorber, à moyens
constants, l'augmentation du contentieux que ne manquerait pas de provoquer le retour souhaitable, dans un état de
droit, au délai antérieur, alors que depuis l'allongement de
ce délai par la loi du 16 juin 2011, les compétences du JLD
ont été étendues aux hospitalisations sous contrainte, avec
l'obligation de se déplacer pour tenir les audiences dans les
hôpitaux psychiatriques.
Elle avait donc expressément subordonné cette modification
qui ne figurait pas dans le projet de loi initial à des renforts
préalables.
La police aux frontières a chiffré, sur la base des statistiques
pour 2014, que 743 personnes retenues sont éloignés entre
les troisième et cinquième jours de rétention.
La direction des affaires civiles et du sceau a estimé que
l'intervention à 48 heures du JLD nécessiterait 17,83 ETP
magistrats et 10,37 ETP agents de catégorie B, pour un coût
respectivement de 1 541 779,30 euros et 359 077,89 euros.
L'augmentation du traitement des appels suspensifs serait
évaluée à 4,15 ETP magistrats du parquet. Cette évaluation,
La loi nouvelle modifie également la durée des deux prolongations que le JLD peut accorder : la première passe de
vingt à vingt-huit jours et la seconde est réduite de vingt à
quinze jours.
Cette considération laisse pantois et signe la méconnaissance
profonde par les parlementaires de l'office du JLD amené à
effectuer le même contrôle quelle que soit la durée de la
rétention.
L'ensemble de ces dispositions entrera en vigueur au
plus tard le 1er novembre 2016. Aucun effectif supplémentaire de magistrats et de fonctionnaires n'est
prévu pour faire face au nouveau contentieux transféré au juge judiciaire, aux charges nouvelles et à la
réduction du délai initial de saisine du JLD, alors que
le nombre de postes vacants n'a jamais été aussi élevé
et que le nouveau garde des Sceaux a reconnu, dès son
entrée en fonction, le sous-effectif criant des juridictions et la nécessité de redimensionner les moyens.
L'Assemblée nationale a donc fait le choix de voter une
nouvelle réforme accroissant la charge pesant sur la justice
judiciaire sans mettre en place les moyens de la mettre en
œuvre.
Elle a, dès le vote de la loi, écrit au garde des Sceaux pour
demander que des moyens supplémentaires soient impérativement donnés aux juridictions qui vont devoir affronter
un accroissement conséquent de l'activité des JLD.
Tant que ces moyens n'auront pas été affectés, l'USM, qui a
été la première à tirer la sonnette d'alarme sur la surcharge,
l'épuisement et la lassitude des collègues confrontés à la
nécessité de faire toujours plus, en dépit des postes vacants
et du sous-dimensionnement des juridictions, agira, par la
voix de ses adhérents, au sein des assemblées générales pour
que le traitement de ce contentieux s'accompagne d'une
réduction corrélative des contentieux non prioritaires.
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Actualités législative et réglementaire
LOI N° 2016-297 DU 14 MARS 2016
RELATIVE À LA PROTECTION DE L'ENFANT
Cette loi vise notamment une meilleure prise en compte des
enfants qui n'ont pas, ou quasiment pas, de contact avec leur
famille biologique.
Concernant les placements longs, le législateur a heureusement
renoncé à prévoir une durée maximale de placement mais les
services de l'aide sociale à l'enfance devront examiner « l'opportunité de mettre en œuvre d'autres mesures susceptibles de
garantir la stabilité des conditions de vie de l'enfant afin de lui
permettre de bénéficier d'une continuité relationnelle, affective,
éducative et géographique dans un lieu de vie adapté à ses besoins »,
et ce, en lien avec le juge des enfants.
En matière d'adoption, un nouvel article 353 du code civil
concerne les modalités spécifiques à l'audition du mineur,
dérogeant au texte général de l'article 388-1.
La révocation de l'adoption simple, lorsque l'enfant est mineur,
ne pourra être demandée que par le ministère public.
Le texte transforme la déclaration judiciaire d'abandon en
déclaration judiciaire de délaissement manifeste (futurs article
381-1 et s. du code civil).
DÉCRET N° 2015-1677 DU 15 DÉCEMBRE
2015 RELATIF AUX ÉCHANGES
D'INFORMATIONS ENTRE LES AUTORITÉS
JUDICIAIRES FRANÇAISES ET CELLES DES
ÉTATS MEMBRES ET AU SUIVI DES
CONDAMNATIONS TRANSFÉRÉES À LA
FRANCE POUR UN AUTRE ÉTAT MEMBRE
Ce décret est pris pour l'application des articles 6959-54 à 695-9-57 et 764-1 à 764-43 du CPP résultant
de la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union
européenne.
Cette loi a notamment transposé deux décisionscadres européennes, la première en matière de
prévention et de règlement des conflits en matière d'exercice de la compétence dans le cadre
des procédures pénales et la seconde concernant
l'application du principe de reconnaissance mutuelle
des jugements et des décisions de probation aux
fins de la surveillance des mesures de probation et
des peines de substitution.
Il est créé une qualification de viols et agressions sexuelles
« incestueux » (notamment aux futurs articles 222-31-1, 22727-2-1 du code pénal).
AUTRES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES
Loi n° 2016-162 du 19 février 2016
prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955
relative à l'état d'urgence qui est prolongé pour une durée
pour 3 mois, à compter du 26 février 2016.
Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015
relative à l'adaptation de la société au vieillissement.
DÉCRET N° 2016-214 DU 26 FÉVRIER 2016
RELATIF AUX DROITS DES VICTIMES
Le décret vient notamment compléter la transposition de la directive n° 2012/29/UE du Parlement
européen et du Conseil adoptée le 22 octobre 2012
établissant des normes minimales concernant les
droits, le soutien et la protection des victimes de
la criminalité.
Il précise les règles de procédure applicables aux
mineurs, victimes d'infractions de nature sexuelle.
ORDONNANCE N° 2016-131
DU 10 FÉVRIER 2016
portant réforme du droit des contrats,
du régime général et de la preuve des
obligations.
(Un article sera consacré à cette réforme dans
le prochain Nouveau Pouvoir Judiciaire).
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le nouveau pouvoir judiciaire - mars 2016 - n°414
Il fixe les modalités du droit à la traduction et à
l'assistance des victimes par un interprète en application du 7° de l'article 10-2 du CPP.
Il précise enfin les modalités de mise en œuvre de
l'article 10-5 du CPP (créé par la loi du 17 août 2015)
relatif à « l'évaluation personnalisée » des victimes
d'infractions afin de déterminer les mesures de protection spécifiques qui peuvent leur être proposées.
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DÉCRET N° 2016-185 DU 23 FÉVRIER 2016 PRIS
POUR L'APPLICATION DE L'ORDONNANCE
N° 2015-1288 DU 15 OCTOBRE 2015 PORTANT
SIMPLIFICATION ET MODERNISATION
DU DROIT DE LA FAMILLE
Le texte précise les modalités de l'intervention du
juge du divorce (en matière de liquidation et de partage, dans les divorces contentieux) et du juge des
tutelles des mineurs et explicite la mise en œuvre
de l'habilitation familiale.
DÉCRET N° 2016-213 DU 26 FÉVRIER 2016
PORTANT APPLICATION DE L'ARTICLE 69
DE L'ORDONNANCE N° 58-1270 DU
22 DÉCEMBRE 1958 MODIFIÉE PORTANT
LOI ORGANIQUE RELATIVE AU STATUT
DE LA MAGISTRATURE
Il définit l'organisation, la composition et le fonctionnement du comité médical national et du comité
médical national d'appel.
Pour plus d'information, consulter le guide « Magistrats Vos Droits ».
DÉCRET N° 2015-1840 DU 29 DÉCEMBRE
2015 MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE
PÉNALE ET RELATIF AU FICHIER JUDICIAIRE
NATIONAL AUTOMATISÉ DES AUTEURS
D'INFRACTIONS TERRORISTES
Le texte est pris pour l'application de la loi du 24
juillet 2014 relative au renseignement.
Il précise les modalités et conditions de fonctionnement du fichier mentionné aux articles 706-25-3
et s. du CPP.
AUTRES DÉCRETS
Décret n° 2015-1798 du 29 décembre 2015
modifiant le décret n° 2014-1162 du 9 octobre 2014
relatif à la création de la Plate-forme nationale des
interceptions judiciaires (PNIJ).
Le décret reporte au 31 décembre 2016 la date
limite d'abrogation du Système de transmission
d'interceptions judiciaires initialement fixée au 31
décembre 2015.
Décret n° 2016-11 du 12 janvier 2016
relatif au montant de l'aide juridictionnelle.
DÉCRET N° 2015-1839 DU 29 DÉCEMBRE 2015 RELATIF
AU TRAITEMENT DE DONNÉES À CARACTÈRE
PERSONNEL DÉNOMMÉ « CASSIOPÉE »
Ce décret permet l'enregistrement dans « Cassiopée » d'informations personnelles concernant les particuliers ayant
accepté de bénéficier du processus de suivi de la pré-plainte,
mise en œuvre par le ministère de l'Intérieur, et du processus
de communication électronique pénale tel que résultant de
l'article 803-1 du CPP (adresse courriel, numéro de téléphone
portable et accord du particulier).
DÉCRET N° 2015-1841 DU 30 DÉCEMBRE 2015
RELATIF À LA DÉLIVRANCE DES EXTRAITS
DE CASIER JUDICIAIRE
Ce décret précise les modalités de retrait au casier judiciaire
d'une condamnation annulée par la cour de révision et de
réexamen.
Il autorise la délivrance du bulletin n°2 aux administrations de
l’État, aux collectivités territoriales et à leurs établissements
publics ainsi qu'aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour le contrôle de leurs agents respectifs exerçant
un emploi ou une activité impliquant un contact habituel avec
des mineurs.
Il précise enfin les modalités de délivrance du bulletin n°3.
QUESTIONS PRIORITAIRES DE CONSTITUIONNALITÉ
Décision n° 2015-508 QPC du 11 décembre 2015
Dans les suites de la QPC ayant donné lieu à décision du 9 octobre 2014 ayant déclaré inconstitutionnel le recours à la garde
à vue de 96 heures au cours des enquêtes ou des instructions
portant sur le délit d'escroquerie en bande organisée, le Conseil
constitutionnel a précisé que cette mesure est également exclue pour les infractions de blanchiment et associations de
malfaiteurs. Le Conseil précise toutefois que la loi du 17 août
2015 ayant d'ores et déjà modifié l'article 706-73 du CPP, il n'y
a pas lieu à remettre en cause les actes de procédure pénale
pris sur ce fondement qui restent donc valables.
Décision n° 2015-527 QPC du 22 décembre 2015, décision
n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 et décision n° 2016536 QPC du 19 février 2016
Plusieurs QPC relatives à la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à
l'état d'urgence ont été examinées par le Conseil constitutionnel.
La plupart n'ont pas donné lieu à une inconstitutionnalité hormis
la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article
11. Il est prévu la possibilité de copier les données informatiques
auxquelles il aura été possible d'accéder au cours de la perquisition (mesure assimilable à une saisie) sans autorisation du juge,
ce que le Conseil déclare contraire à la Constitution.
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