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XXIX J’ai décidé de t’offrir cette étrange journée de printemps, de l’ordinaire porté à Incandescence, comme si de mes yeux sortait l’angle de visée juste, pour sertir la plus sale des routines dans la brillance de son commencement…Car le désir bénit celui qui se trompe d’étoile ; son errance vaut pour celles qui l’ont une seule fois ébloui…La vaisselle baigne dans une eau anormalement blanchâtre…Le païc citron a-t-il viré vers ces phosphorescences ? Non…C’est une savonnette qui s’est collée au fond, flasque comme une méduse. Ses contours amollis ont doucement fondu et propagé des stries lactées qui masquent tout…Avec Ariel, la lessive sera enfin terrestre : quelques chaussettes actiliftées ont entraîné une chemise sous leur crasse bleutée…Je les sépare, je les essore, je les étends, tambour battant…Mon cerveau est un disque mou qui ne sauvegarde plus rien…Une aiguille faufile une vague couture dans l’entrecuisse de mon jean…Est-ce bien moi qui ai insinué le bout du fil dans le chas ou un homme de ménage qui rêve de folâtrer avec Alice ? La suite de tes nonanniversaires a dû marquer un temps d’arrêt, ces jours-ci !... Mon ignorance s’accommode des 364 occasions qu’il me reste à fêter avec toi, quoique, de tout cet hiver, le silence m’ait transi, ma main gelée ne pouvant griffonner les mots de feu que méritait ton âme…Mais bon, voilà que la débâcle me draine encore vivant…Le mercredi 28 décembre 2010 la grande faucheuse m’a raté, j’ai sauté à pieds joints audessus de sa lame ...J’aurais pu me fracasser le crâne : Hélas, ayant quasiment skié sur l’arête des six marches ,je me suis retrouvé au bas du perron, comme au sortir d’un salto chaotique, le cul par terre, ma main droite crispée sur un sac-poubelle au fond duquel j’aurais aimé finir ! Par les mânes de Marat, à qui Charlotte ne laissa aucune chance, n’ai-je pas eu raison d’esquiver la camarde après avoir été sauvé par les trois singes ? Même si au pire , tu seras toujours un peu dépositaire de ma force. Car je me connais Judith, « les seuls romans qui se terminent bien sont ceux où je ne suis pas « … Je préfère vivre ce qui ne peut s’écrire…Si je dois comparaître devant le Conseil des Mères, j’espère que tu viendras témoigner en mon nom !...Tu leur diras : « Il est coupable, parce qu’il obéit à la pureté du désir ». XXX Chère Sofia Iegorovna, Le silence et la solitude me rendent tellement soluble que les autres viennent allègrement enfouir ma précarité sous la leur. De la transparence du film, ils ne retiennent que la douceur où ils célèbrent leur fin de mois. Que sous le poids de ces hussards, la pellicule se déchire, que la palette bascule dans le vide, peu m’importe si surgissant comme du Harar ou d’une croisière de Gorillas, le 4x4 de Léo pointe ses phares dans l’embrasure…Je l’ai appelé la veille, dans un hoquet télépathique, en arborant un médaillon où nous avions noué nos âmes, sans qu’au grand dam de l’intox populi, nos corps eussent franchi les portes de Sodome…C’était il y a vingt ans, et daredare, il se téléporte au plus fou de mes signes…il devient fort de mon évanescence… Quel bonheur, après la grande peur… Et vous, me direz-vous, chère Sofia Iégorovna, qu’ai-je à voir avec cet ectoplasme, ce peu-follet, ce trois quarts de fantôme ? … Oui, je sais, c’est mon défaut je cristallise des chimères obsolètes, je féérise des coïncidences, alors qu’il suffirait d’un s-m-s ou de l’instantanéité d’un e-mail pour que rendez-vous soit pris, sans aucune magie ! Au moins, vous le reconnaïtrez, en voilà un qui n’est pas empêtré dans la toile, dont on n’a pas pixélisé les traits sur le fichier du net, un qui dans sa rage d’être vaincu par le temps, préfèrera toujours l’ inattendue traîtrise du désir… Pardonnez-moi, si lors de notre dernière rencontre, j’ai paru quelquefois saccager le présent ! Vous le savez aussi bien que moi, l’humour russe se doit d’abominer ce qu’il aime le plus : on en ressort toujours absous, la vodka tenant lieu d’éternelle ablution… Vous au moins vous m’avez demandé d’écrire, au lieu de me renvoyer à ma triste besogne de maître d’école ou à la condition encore plus dégradante d’éthylocéphale !...J’ai essayé, tout en comptant sur votre sens inné du secret… Mickaïl Vassilievitch. XXXI Elle : Le cri passa par ses muscles avec une étreinte à me briser presque les reins…et c’est dans ce « presque » que toute sa violence signa sa volonté de partager l’extase… Pas de halètement ni de charge bestiale… juste l’acmé du don et pour envahir l’âme de l’autre, une hampe de chair dressée, au comble du désir…Les yeux fermés, j’étais plantée sur ce geyser de jouissance. Sa peau se confondait avec la mienne, nos lèvres étaient tellement tressées que je crus boire l’or qu’un ciel sans fin veinait entre mes cuisses… Lui : L’alcool a un effet suspensif, qui imite avec la plus salutaire des dérisions, la maîtrise du yogi…La puissance retardée par la crasse physiologique est parfois plus irradiante que le contrôle par l’esprit, d’un certain seuil de fusion !.. Je préfère m’abîmer dans la lave, la chair submergeant ce qui prétendait la régir… L’au-delà du don, c’est donc l’abandon ultime, ce chair à chair où chacun s’exténue à surpasser le don de l’autre…Cette aporie a les dehors d’un film X, mais elle a aussi la magie d’une offrande perpétuée dans le plus grand secret… Lors de notre dernière « rencontre », nous avons peut-être tiré la quintessence d’un trop long brouillon…La vraie maîtrise ne vient pas après coup, elle est l’ajustement, seconde après seconde, d’un trait qui génère de lui-même sa propre persistance. Même si le regard est encore emmouscaillé,si la pensée est encore engoncée dans des limbes aussi doux que l’horizon de chair où nos lèvres se perdent, soudain l’instant se dresse comme un verre de cristal, il boit tout ce qui a été mal vécu, il n’exige rien d’autre que sa répétition…il absorbe les débris du Sphaïros, que le Spectacle s’évertue à jeter sur les cœurs en fusion…Sa réponse est dangereuse parce qu’elle ne se montre pas : elle défie le contrôle qui dénature le monde... Nous sommes « là », intensément « là », chacun jouant pour l’autre la partition barbare du présent… Elle : … Redis-moi ce cantique sauvage…N’arrête pas … Enfonces-y ta Langue… Fais le naître cent fois et donne lui un nom qui n’épuisera jamais son être… Lui : Appelons-le … Elle : …Non ! Ne le dis pas… Ecris –le moi encore…Imprime-le de ton corps à mon corps, et, S’il le faut, passe-moi par ton âme… V…V… XXXII. Chère Alexandrovna, Nous avons respiré ensemble, conspiré, été complices dans le mensonge…Beaucoup se découvrent une aisance à trahir, ils drapent leur duplicité comme le sexe le leur intime, la froideur de leur dissimulation compensant presque physiologiquement les tempêtes lascives de l’adultère. Leur jouissance est parfois double s’ils trahissent plus cynique qu’eux-mêmes… En mentant à plus menteur, ils s’absolvent de toute faute présente et à venir. D’autres n’ont rien promis, ils ont couru aveuglément après l’étoile , jusqu’à ce que sa présence illusoire les écrase, ils souffrent la vérité intenable du désir…leur vie est cousue d’or et de drames. Toi, tu buvais sur un amour carambolé… Etais-je encore perdu dans un défi charnel : tromper inlassablement la morte à qui j’avais voué une fidélité monstrueuse et quasi criminelle ? Non… J’étais à peu près guéri de l’absolu, mais pas dépris d’un grand mal être, quand il me fallait forfaire à la « pureté » qui avait empoisonné mon existence. Truquer le quotidien, comme j’en avais autrefois haï la pesanteur, m’était un crève-cœur… Entourés par des ludions, gobés par eux, nous finissions par nous boire l’un et l’autre… L’alcool évaporait nos souvenirs et nos hantises : il nous livrait tout luneux au présent, pour une extase que rien n’aurait suivie… Qu’un jour récent, tu m’aies traité de tricheur, ne pouvait être qu’un déni de ce pour quoi nous avions résisté le plus à nos douleurs entremêlées. Qu’était la hanche d’une autre, effleurée au passage, au regard de tes cent tours de brousse… Lorsque trois jours plus tard, la lionne revenait, purifiée par le temps, t’ai-je jamais demandé jusqu’où tes déliriums avaient pu t’emmener… Quoi que tu fisses, tu ne pouvais pas me trahir !...Qui boit est capable de toutes les indignités… Plus on s’enivre, plus le non-dit impose la nudité de sa présence…C’est la force la plus subversive qui soit…On aime tout le monde et on tuerait n’importe qui… Ta liberté était entière, ,la mienne un peu concédée, le dandy de la force s’accommodant du dindon de la farce, le tragique déversant son pus noir, sous les piques de l’autodérision… Nous allions bien ainsi !...Je voulais tes secrets, tes frasques de rebelle, mais pas ce renversement de rôles où la moins obligée devient la plus jalouse… Tzin XXXIII. Chère Sofia Iegorovna, J’ai croisé Tzin cette nuit… Il m’a paru au bord du précipice…Il traquait rageusement les ardoisiers mais sa truffe avait trempé dans trop de Sauvignon…Elle ne sentait même plus ceux qui se feignant sans argent, lissaient du bout des doigts leurs liasses au fond des poches… Il tanguait mou entre les inodores et les hyènes furtives…le mauvais pas, la danse à faux… Deux junks étaient vissés à sa basque foireuse, ils bavaient sur son zig, ils en mimaient le zag… la chute au fond des cages… le trébuchet noyé sous des congères de poudre…Qu’il tombât et ce serait trip couronne, des shoots en boucle, la coupe bue…toujours pleine et rebue sans jamais de la lie…l’extase, le coït yogesque…une queue d’ange tendue entre des tours jumelles et un pierrot dactyle qui la coupe du bec… Heureusement je l’ai happé dans l’entrechat, je l’ai tiré de l’ombre et au bout de trois téquilas, il avait le corps droit et la diction aussi tranchante qu’un boomerang qui revient sur le monde…On aurait dit un mimétisme d’âmes, un une-deux à l’aveugle…Il occupait à nouveau le terrain, il me trouvait, là où j’avais voulu… _ « On m’ostracise, on me boycotte, m’a-t-il dit…je vais finir anachorète au milieu des zombies…on me complote un lit de goudron, sans les plumes, pour l’hiver…Certains me font payer leur frustration, ils vitupèrent ma solitude, ils me voudraient inamovible dans leur théâtre, accroché aux frasques d’Alexandrovna. « Il a plaqué sa sclérotique » morsurent-ils, comme si je n’avais pas hissé ma mal portante, bien au-delà de leur ligne de guérison…mais il fallait qu’elle voguât par elle-même, que je ne devinsse pas sa maladie et tout ce qui s’ensuit, quand la sirène tire trop sur le fil, que le pêcheur voit s’enfoncer sa croix au fond de l’eau… Et puis, il y a la horde des jeunes vieux qui m’ont taillé un beau costume…ils ont cousu la proie sur l’ombre…la hase bine l’obsolescence…qu’une femme survienne, ils font une queue à vingt, un obélisque, un phallus d’astral…leur tournante est mentale, leur sperme un spray désespéré… ils violent ensemble et en catimini… ils vaporisent leur déesse et à l’instant ultime, elle bruine dans leurs verres, elle foire en cristaux liquides… Au XIXe, y seraient tous morts, à quinze ans, au charbon, derrière la queue d’un cheval…Pour arroser cette embellie, pleins de rouge, ils brisent boules, autour du coche au net, pire encore, autour du nocher sépulcral, le vieux Charon, avec sa barque toute prête…Ah ! la lie de leurs cartes s’écrasant sur les tables comme les bois d’un cerf acculé à l’écorce, au sacre, au pilori…Le chef de meute, piquaille , tel Cortez, dans les marais de Mexico… Ses sentiments viennent se greffer juste au-dessus du cœur : il a la fibre révolving, qui affole les chèques et les puces bancaires… Quand il n’entendra plus que le son creux de la mitraille, ce gigolo du genre humain, il volera au secours d’autres riches en errance… S’il faut rompre presto, il s’en fait pas d’acrimonie, son visage en diptyque tourne vite au mépris… Du vibrato de l’être, du rap qui cogne aux tempes, qui te lancine ton naufrage…il s’en balance… » Et, ce disant, Tzin serra le poing comme s’il voulait fracasser un totem d’ordures, son ennemi intime, pixélisé, dans les raclures sonores qui tombaient de la scène… Sa haine faisait chou blanc, sa haine léchée de toutes parts, par les niaiseries sournoises de la fête, sa haine qui finirait bien par fondre sous la langue d’un dieu ou d’une … XXXIV. Ils m’ont jeté en pâture dans la gueule du Lu et celle encore plus empuantie du Non-lu…Un nouveau corps surgit du clair obscur, brillant de toutes ses syllabes…J’aurai rêvé le Sphaïros par saccades. Dès que je refermais l’œil, je retrouvais le ciel, là où je l’avais perdu… l’aube sépia ruisselait sur le monde avec la ténacité du bonheur, rien n’échappait à la pénombre prometteuse…ça sentait l’assomption imminente… Un liseré de feu déchirant l’horizon comme, jadis, Ra vint bénir l’ignorance des hommes… XXXV. C’est sur un timbre que j’ai vu « les joueurs de cartes » pour la première fois… je philatélisais, sans trop savoir pourquoi… Un copain de cinquième m’avait traîné au bord du frontispice…timbres en tous genres, même sans dents, croquez au bénéfice…La toile cirée est de mise, le litron se fait un bouchon du diable… les cartes débordent des mains gourdes… on ne sent pas la prise fine des seigneurs. C’est à qui niera le plus la présence du monde… Carte blanche au néant ! Et surtout que la pipe puise la même pâleur qui amidonne les deux cols de chemise !... Presque gainés dans leur cube, les expiateurs du rien, picadors affligés de bouts de banderilles… Le minotaure revient au grand goulot, comme un esprit culé au fond d’une bouteille… le lâcher prise est permanent… ils dévissent du flanc des heures, la montagne saint défaite débite ses morts-vivants comme des cartes de calcaire, sans que le vent puisse jamais sculpter leur chute… Bientôt viendraient la galette des corps, le mortier de la peur, des pans de chair humaine, s’affaissant dans l’herbe de Treblinka… Puis il faudrait recommencer la vie en contrebas, malgré les ossuaires et les charniers, il faudrait renchérir de quelques cœurs de plus contre une armée de piques… XXXVI. Je n’avais jamais vraiment parlé à Alexandrovna de ma grande peur, craignant qu’elle n’en jouât, par un de ces chantages qui ponctuent misérablement certaines histoires d’amour… Cette nuit de novembre …,après avoir hurlé dans le vide son répondeur, j’avais foncé jusqu’à sa porte, derrière laquelle, devait-elle raconter plus tard, en ma présence, avec une désinvolture mystificatrice, son âme injectée d’un tropplein de L… avait entamé une lévitation des plus délicieuses, tandis que je tambourinais ma détresse, à nouveau transpercé par une icône sanguinaire : le visage blafard de Jenny Honnivers… Etais-je donc voué à répliquer la mort, et cette horreur d’aimer que je n’avais de cesse de m’offrir en partage ?... Le bris d’une vitre, au fin fond du temps, où je m’engluais, corps et âme, fit voler en éclat l’ombre du mauvais ange. Les pompiers avaient roulé plus vite que la lumière…ils arrivèrent vingt ans plus tôt…la belle au bois ronflait du sommeil des justes ! Le prince tut sa terreur et se berça d’un semblant de résurrection au pavillon d’urgence…Si ! Si !... J’avais un peu sauvé la vie d’Alexandrovna, seulement sa vie ! Car désormais, tant que, lassée par ma laideur et ma vieillesse grandissantes, elle n’aurait pas cherché à se noyer dans la beauté d’un autre, mon angoisse ne cesserait pas…Sa vie valait bien qu’elle me haït un peu, encore mieux qu’elle me méprisât. La mienne serait essentiellement consacrée à faire transer d’autres visages, à y lire la joie, le « fou-hissement » du Sphaïros, fût-ce en rêve, en effigie, ou dans la fausseté glacée des magazines… Oui, qu’après la gerbe des bras d’honneur et des insultes, je sois encore sourcier d’un ultime sourire, que j’en sois submergé, pour qu’entre deux êtres , fulgure l’évidence de l’âme, qu’elle soit là, dans la flagrance de l’offrande, qu’elle soit l’onde montante du plaisir, le partage, fluant en secret, par les yeux, ce corps glorieux où chacun s’abolit dans la chair de l’autre… Tzin. XXXVII A Alexandrovna Il y eut aussi, à la fin, cette étrange inversion, où je passai par la nausée millénaire des femmes… Soudain, au milieu de la nuit, l’autre déboule avec la violence d’un faune… il lui faut du plaisir tout de suite… il dégaine son vit comme il veut, il fore un corps-objet… plus il s’enfonce, plus il lacère une âme, et quand il finit par lâcher sa semence, le poupon se dégonfle et sa hure inflige un dernier rôt aux joues bleuies d’une madone… heureusement, exaltée par ta fête, toi, tu voulais l’amour mais moi j’étais abruti dans des limbes vulgaires…Faut se lever matin, sans la magie de l’aube, de grâce laissez dormir le vieux calvaire…j’avais prévu une nuit grise et solitaire, tu me tombas dessus et me mangea les lèvres ! Elles étaient froides comme limaces…Le fourreau fit entrevoir son creux, son orchidée vorace…elle palpita d’être fendue, mais la dague n’est jamais venue… XXXVIII. A Alexandrovna. Peut-être ne nous reconnaîtras-tu pas ! C’est un peu faute aussi d’avoir laissé couler ce lent aveuglement au bout duquel on vit à la « petite semaine », sans savoir où chacun dérive, où chacun voudrait rehausser sa lassitude d’être. Je n’ai jamais autant regardé s’agrandir les jours , avec la conscience scintillante que je pourrais mourir dès demain ! Il en va de nos errements, comme de ce qui les annule, de nos faiblesses, comme de la force qui en renaît miraculeusement… C’est une manière de désigner des traces, là où nous n’avons pas encore marché, d’écrire le lieu où nous ignorons aller et où nous boirons encore, s’il nous menace d’une trop grande plénitude… Quelle chance nous aurons eu alors, d’échapper au triste « retour des choses »… Tzin. XXXIX. Sois patiente ! Il te traite de tous les noms, mais c’est toujours de toi qu’il s’agit… Il a beau se défiler derrière la peau d’un personnage, rien ne t’échappera… Tu sais que, tôt ou tard, il se rendra à ton étrangeté. Tu as tout pouvoir sur lui ! Non seulement tu tournes les pages où il se dissimule mais surtout tu es la page derrière laquelle il court, qu’il se maudit de ne pouvoir écrire… Si tu fermes le livre, il devient ton signet, un messager qu’effleure celle qui retourne au monde… XL. A Judith. Qu’espère-t-on de la fraîcheur si ce n’est l’assomption glacée de l’être…Ce n’est pas un vulgaire changement de température, car le Temps opère à dur, la dormance des choses et livre ce qu’elles voilaient derrière la hâte de leur nom…La racine de l’arbre est alors indissociable de la terre où elle s’enfonce, comme des doigts noués au bruissement sauvage d’une autre peau… La pluie fouette un enchevêtrement de corps où chacun sue de la chaleur de l’autre…Le chrême sort de nous, et abolit ce qui souffrait de la séparation… une âme d’un seul tenant fait scintiller mille yeux des pieds jusqu’à la tête… Une 75O traverse si vite la nature qu’elle laisse à peine un brin d’herbe roussi et une volute grise aussitôt dévorée par l’azur…elle éclaircit le trou mielleux fracassé par l’orage…je retarde du mieux que je peux, la boule de feu, pour qu’elle ne cesse d’advenir… XLI. La fine fleur arrive, l’élite des pucelles…Elles pavanent leurs hanches biseautées au fado…fesses narguant les boucs qui chaloupent à l’entrée du lycée…langues dardées, prêtes à sucer les caniches tourneurs, tutti de transes…… le dieu au pieds fourchus pique de queues en clitoris…un rap fait bouillonner tout son venin, avec des jugements irrémissibles… gueules d’amour, facies torves … dès l’origine la haine bat son plein… jusqu’à ce que , dans le miracle noir du crépuscule, un gland décapuchonné par la violence du désir, se dresse rose vif et qu’il entrouvre la gaine huileuse et rouge d’une vulve pour y cracher l’incandescence d’une première étoile… XLII. A Judith. Sometimes , I miss your irradiating soul, sometimes, I feel like a sisterless child, like a loverless ghost… The target is flying through the years on the black side, it’s a rolling flesh… I miss your strange lightening eyes, When you were dreaming strongly, up to the stars…I can’t remember… Was it a shadow? Was it the birth of a new creature? Was it a dirty blue… a birdy dew into the ocean? The end of the world? The beginning of my Sphaïros?... Gravitation makes the arrows like real pearls of sorrow…we put to the word, every sword and gun…and for no deal, we bowl over the clouds… You laugh… and cry… and laugh… inside me. Many “chicks ago”, there was a golden egg, a no man’s landing sun… We were stars and stripes dust… From this burning naught, I kiss you… Ca fait du bien que les langues glissent… l’amère loque… The enjoying slang… que les langues me tressent un manteau d’arlequin, même si mon corps a l’informe d’un livre, troué par la planète ! Nos flèches inventent leur propre cible : elles se plantent là où le désir mourrait d’être nommé… La tienne est arrivée dans un creux de ma vie ; elle a rouvert les lèvres qui retenaient le chant que tu pourras entendre, comme un répons à ta lumière… La force de l’arcane XI, c’est cela : quand une coulée de joie flue en nous, qu’elle charrie la substance infime d’un être, tantôt éberlué, à dix mille lieues de là, par la grandeur du monde, tantôt revisité par les stéréotypes de la misère, de l’alcoolisme, et la loufoquerie de ces mafieux englués dans leur rôle…Leur limousine est trop longue, pour qu’on y « crèche » d’un enfant réaccordé aux veines de sa cage, par des mains invisibles, entièrement vouées au maintien de la vie… Naître à deux doigts de la mort, par la lenteur experte d’un démiurge et de ses assistants, vaut bien qu’un bœuf, un âne, un chien empuantissent leur luxe tapageur… qu’il y ait, à la place de leurs contrats de haine, de leurs ignominies filmées à l’infini, une vraie scène de vie… qu’on recouse un archange, là où ils bafouent l’humanité… Men of a murder, slosh together, slobbering all other Death’s shadow. They never ear the vibrato of any soul… A poor lonesome baby is crying wide eared open , onto the worldshine… et parfois, beaucoup plus tard, selon l’improbable magie des êtres, le monde se lève encore… Je t’embrasse. V…V XLIII. A Sofia Iegorovna. Très chère , qui passâtes sur le trottoir d’en face( Tous en abusent , depuis la “gloire” jusqu’à la meute des scatophages), qu’avez -vous vu?... L’ombre grêlée d’un samouraï, les yeux fléchés de mots, les neurones rampant entre deux grilles de sudoku, ou bien un mec encore plus mec que les autres, et qui n’automne plus personne, ou bien un lutin désoeuvré gouttant aux gazons fendus d’Aphrodite, ou bien un révolté des autres, digne dans la tristesse et innocent dans l’allégresse, sans un zeste d’infamie (« L’intox populi n’aura pas raison de moi, dit-il, puisque un fou à toujours le dernier mot ! ») ? S’il n’y avait eu la vacuité d’un match de football, pour me tirer de mon « pensoir », et le ragot ostentatoire d’un preneur de tête, j’aurais bien refait la révolution à l’envers, l’insurrection hongroise, et cette année obscure où Hitler fomenta sans doute sa sinistre mission, mais le cas rosse fit ses six trouilles, bien plus tard que prévu… Après minuit, de téléphone point ! de peur que Carabosse ne sabordât les rêves de Cendrillon ! La cuite qui s’ensuivit, fit grand bruit , dans le bourbier de mes viscères ! En se châtiant elle-même ma colère fut guérie, assez tard dans la nuit…Il y a vraiment des fêtes qui se perdent …. Je vous embrasse. Mikhaïl Vassilievitch. XLIIII. A Sofia Iegorovna. J’ai entendu notre clown national livrer les fonctionnaires à la vindicte populaire, et surtout placer les profs en première ligne. Votre savoir n’est donc pas assez pulvérisé par la triple autorité (administration-parents-élèves) pour qu’on vous manipule en boucliers humains, à la moindre kermesse électorale. Que reste-t-il de la dignité de transmettre, hors de tout contrôle économico-politique, si ce n’est le scandale d’une autre liberté : mieux que se perdre en enseignant, enseigner à se perdre suivant les vrais usages, et donner en un baiser sa science à un corps avide et palpitant…Rêvez un peu, et qu’à chaque tête dure qu’il vous sera impossible d’ensemencer, qu’à chaque regard vide, dans la fadeur des s-m-s, il vous revienne la transe interminable de la veille, nos bouches en feu, nos syllabes de chair ourlées en mille mots, et la caresse qui transfigure…Rêvez un peu, nourrissez-vous de l’intraçabilité des hommes, rendez leur présent volatile… Mikhaïl Vassilievitch. XLV A Sofia Iegorovna. Laissons de côté la méchanceté avec laquelle j’accusai Georges Lambrichs de donner mes manuscrits à ronger par les rats…Ma pauvreté n’est plus la même. Elle me colle comme à la peau d’un vieil anachorète et aussi d’une espèce de voyou sensuel, auquel une femme mal aimée jadis, daigne enfin offrir l’immensité ardente de son corps …une pauvreté qu’on voudrait lumineuse, mâtinée d’innocence. Tant qu’il me sera possible d’enfoncer la pointe la plus brûlante de mon être, tantôt dans So tantôt dans FIA, tant qu’il y aura le répons ensorcelant des lèvres sur le totem au goût d’orgeat…Tant que je pourrais créer, par ma peau, ma bouche, mes mains, ce cri-chênedo, ce vibrato d’arbre, cette fusion d’écorce, où s’ellebore à cru ,l’or de l’un dans l’entaille de l’autre, cette zébrure entière de l’âme, éclaboussant le ci-devant derrière, tant qu’il y aura l’archet raclant, la tablature affolée du plaisir, tant qu’il y aura la suspension du début dans la fin, tant qu’il y aura la douce-amère, la retenue de soi en soi, et puis l’èjaculat brûlant au plus profond de toi, je veux bien être pauvre de ce que la joie m’aura permis de perdre, je veux bien être pauvre de t’avoir tout donné… Mikhaïl Vassilievitch. XLVI. Mikhail Vassilievitch ( tournant en rond, et lisant une lettre qu’il vient d’écrire) : « Chère Sofia Iegorovna, je vais mesurer le temps qui nous sépare, que la lenteur de l’avenir ait au moins un vague goût d’éternité… Au terme d’une nuit martelé par le heurtoir de l’insomnie, je remémore le final de notre dernière rencontre : ça n’était pas un bouquet ! Comment est-il possible que nous ayons eu l’impression fausse, tous les deux, vous, que je désirais partir, et moi, que vous me jetiez littéralement au-bas de votre lit ? Manquons-nous d’une justesse de sentiments, ou surtout de la capacité d’énoncer, sur le champ, la transparence de ce que nous sommes en train de vivre ? D’où vient ce dépit sinon de l’entrelacs de nos silences ! Nous avons soliloqué, qui plus est l’un contre l’autre, pour une ambigüité risible… -Vous vouliez que je m’en aille ? -Ah ! non !. Je croyais que c’est vous qui vouliez partir ! Et nous aurions replongé dans ce duo qui n’appartient qu’à nous…Il est vrai aussi que, hors de leur contexte mental, les mots peuvent siffler comme des balles !...Nous avions peut-être besoin de ce vague à l’âme, de ce laisser aller de l’être, où chacun laisse mourir sa vérité , dans la hantise de ne pas saisir celle de l’autre. Alors, on bégaye de son propre désir, et on rumine sur des mensonges qui n’existent pas. (Pause. IL boit de la vodka, au goulot) … Matinée de blaireau, asservi à des banalités, dans un automne étincelant…Il y a des paramètres dont je suis le seul à détenir les curseurs… Ne tombez pas dans le piège, ne vous joignez pas à la meute des scatophages, qui , ne comprenant rien à ma vie, voudraient m’en imposer, comme si de mon mur de silence, ils ne pouvaient qu’induire à une multitude de crasses…Je n’ai pas fui ma culpabilité , quand ils en ignoraient le moindre fondement, ils en abusent, ils en font une marotte obscène !...Et vous, que diriez-vous, Sofia Iegorovna, si je vous incitais à retourner vers Voïnitsev ? Ne serait-ce pas la pire des offenses, après que nous aurions baisé ? En directeur cynique de votre conscience, je vous renverrais à la vacuité d’un homme, à la déliquescence de votre amour, alors qu’il n’appartint qu’à vous , de vous délier de lui : c’était votre douleur, votre salut, votre envie de renaître…comme vous rechoisirez de succomber à sa figure originelle, vous, essentiellement vous, sans qu’un parangon de luxure ou un voyou asexué ne vienne épancher sa haine ou son dégoût… (Nouvelle pause. Il se sert « cérémonieusement » un verre de vin rouge) …Je bois l’année la plus sinistre de mon existence, St Emilion 1986. Un survivant de l’ombre me l’a offerte, il se marche dessus, depuis qu’il est né…La douceur du vin alanguit ma chair, elle dilue ma lie, la balle, et le palais qu’elle perfora… Je bois le sang qui fut dispersé et celui que je n’ai jamais donné. En face Mademoiselle C… est trop glycine, elle éclot dans le noir, derrière ses rideaux…L’électricité lui fait défaut, et celle encore plus rare qu’on sent jaillir, sous l’écorce d’un homme… » (Apercevant Sofia Iegorovna) …Vous étiez là, si tôt, vous écoutiez derrière la porte ? Parfois le temps bat plus vite que le cœur ! Sofia Iegorovna : …Mon cher Mikhaïl Vassilievitch, votre prénom sonne vraiment comme une parodie… C’est vous qui pensez, avec les emballements du cœur ! Après, vous arrangez, comme il se doit , votre bonheur, vous le jetez de ci , de là, à la face des femmes ! Vous n’y comprenez rien, à votre tour, parce que vous êtes comme ces vieux soldats de la guerre de Crimée qui sont revenus plus enfants que leurs fils. A singer l’innocence, vous êtes parfaitement ignoble ! J’ai bien fait de ne pas vous tuer, à bout portant, il y a plus d’un siècle, comme le voulait ce jeune fou de Tchekhov… Vous promettiez l’amour, à tout venant , plus ravageur que la horde aveuglée des bacchantes ! Rien, mieux que la vieillesse, ne pouvait vous punir ! Soufflez, ahanez, trébuchez sur votre ombre, sur cette jeunesse pour laquelle nous nous perdions, les unes par les autres… Vous êtes enfin aussi vieux que votre âme ! Bientôt, vous ne pourrez plus lever… « le petit doigt »… Le » désir mourra en vous, comme une flèche fendu sur un arc qui casse… Mikhaïl Vassilievitch : … Chère Sofia Iegorovna, nous avons détesté ensemble, les suppliciations sadiennes, et les fantasmes de cruauté par lesquelles il cherchait à nier la prison… Mes mains, ma peau, mon sexe n’ont fait que vivifier la vérité de votre corps… Il fallait le subvertir, le pousser dans sa dernière plénitude… qu’il vibrât, en dedans, du plus pur des gestes… Oui, souvenez-vous ! Le plaisir avive la paix qui l’a fait naître, quand il faut étaler la phrase, à l’infini…un mouvement de côté, au comble de cette sarabande… vous voilà sur le ventre et hop…votre colère post-coïtum va disparaître… Vous crierez au miracle …du mou, du flasque, se dresseront à nouveau « l’habit en feu » et son gland de lumière !... Sofia Iegorovna : Vous éludez la liaison, vous savez que mon désir la prononce déjà !... qu’il la savoure du bout des lèvres… Vous êtes incorrigible, Mikhaïl Vassilievitch ! On dirait que la jeunesse vous revient, qu’elle gicle, comme un vin dangereux, dans vos yeux… Vous êtes vraiment ignoble ! Je recommence à vous… N’approchez pas …sinon, je vous étrangle… Mikhaïl Vassilievitch (buvant un dernier verre et l’imitant) : « …sinon, je vous étreins, jusqu’à ce que mort s’ensuive… » Une voix( Dans le noir absolu sur un crescendo de percussions et d’orgasmes entremêlés ) : De mauvais juges nous épient, ils officient partout où ils ne devraient pas être, ils ont des lois qu’ils n’appliquent qu’aux autres. Quand ils ignorent le fondement d’une affaire,d’un déchirement, ils se jettent sur le silence, comme des vibrions avides de mauvais sang…Un tel qui s’est tu , durant des années, sur une angoisse toute personnelle, est sommé d’en payer le contre-coup… « Eh oui, mes bien cher frères, s’il n’en n’a jamais parlé, c’est qu’elle n’existait pas ! S’il ne s’est plaint pour réclamer des soins, comment voulez-vous que l’on ait confiance en ce malade ! « . Et le taiseux se retrouve coupable de trop de discrétion. Ainsi la sycophantie s’étant glissée partout, et les sanctions tombant de tant d’espions cyniques, il y a beaucoup plus d’âmes que de corps en prison. Mais lui il a surgi le plus maladroitement du monde, avec l’étrangeté inadmissible de l’amant, comme un coup de foudre pétrifiant la nausée des scènes de ménage, charlatan à la verge nouvelle, mécréant scandaleux, et le voilà sacré « voleur de poules »… Non… En fait il n’a jamais surgi… mais, à chaque fois, fouettée par on ne sait quel frémissement stellaire, une bacchante s’échappait du conseil des Mères, et venait se damner contre lui… XLVII. AUTOPORTRAIT EN FAT. Tremblez, chancres de l’intox populi§ Ce matin, les portes de l’église sont fermées et le vieil érotomane qui pensait griffonner quelques lignes de vie sur un livre sacré, après avoir zigzagué entre une pelleteuse, un tramway prioritaire et des quidams bloqués dans leurs manœuvres, peu soucieux d’admirer l’aléa qui les centrifugerait au point où nul ne eput plus avancer, le vieil érotomane qui voyait en l’église, le lieu de repli idéal, est obligé de frotter son impatience à celle des autres… du temps dévasté en chœur, du temps qui sourd des yeux comme des pots d’échappement, bon vieux présent qui pue, tant les secondes inondent les secondes, tant les vies se chevauchent dans le creux du hasard, si bien qu’on ne sait plus qui est le mort dans le cercueil ni qui survivra à ce trop-plein d’ennuis et de carrières insipides… « Ta paix… si loin… mystérieuse… » aurait écrit le vieil érotomane, s’il avait pu entrer dans le silence de la nef… Tremblez chancres de l’intox populi ! Barricadez vos coffres forts, vos propres corps et ceux de vos dames pas trop messes, vos nénettes rieuses au cœur du management, rêvant, entre deux sites bien gérés, de mécréants frondeurs, et pour la spermission, de flambeurs désirables… Attention§ à quinze heures le défunt sera là où personne ne l’attend, tout à la gloire de son absence… aura rien qui puisse toucher à sa sérénité, rien qui puisse toucher, rien qui puisse, rien de vous, rien de nous… aura l’or, aura l’aura avec le temps où le dehors est bu par son dedans… aura le dans au bord du hors, avec l’impossible auréole… l’anneau pérenne… terre, eau de feu faisant or de lui…ça finira alors par regermer pour poindre au centre du Sphaïros… Mais revenons au vieil érotomane qui a raté son oraison jaculatoire ! Quel est donc ce visage qui miroite dans le bourbier de ses fantasmes ? C’est celui du jeune homme, dépouillé de son souffle, auquel un prêtre récite la croyance précieuse où il cachait sa délivrance. Partout où le vieillard avance, quelques soient les écueils où sa pensée se perde, il y a, comme un amer transperçant la bourrasque, le regard paisible du jeune homme, tourné vers le néant… Nous ne dirons pas, à la suite de quel malentendu, le vieil érotomane est tombé sous l’opprobre, puisqu’il s’est tu lui-même, pour paraître coupable. Il a la dent très dure et ne veut pas courir derrière son ombre ni devenir sa propre caricature. Quant à son innocence elle n’importe qu’à lui : plus il attise la méprise en éludant la grande peur qu’il a vaincue, plus il se voue intérieurement à son désir de transparence. Son corps, ses mains sont à l’abri de la rumeur et des manœuvres tabloïd, au milieu de son château en ruines, trois pans de murs à ciel ouvert qui font rêver de loin, des berges de la Loire qui sinuent jusqu’à Chamalières. Autrement, il a trouvé une oubliette, en plein cœur de la ville, où Google n’a pu contreplonger, une mansarde irisée par le flux des nuages, leur lumière jouant, au gré des coups de vent… Ce soir, l’innocence parfera la douceur de sa peau… Qu’elle se faufile hors champ, sous le fouillis indifférent des nébuleuses, la femme au corps avide ! Et elle aura plus que sa part de caresses, le vieillard de mes deux sera sur elle comme une torche vivante. En attendant il dupe l’intox populi par des signes extérieurs, il offre les dehors du couac et de la dispersion, il s’égosille aux courses, il sert des verres à des fantômes, il coinche à pic, à cœur et à cri, il garde pour lui l’étreinte ravageuse qu’il s’est promis, il en bande d’avance, il l’écrit, la réécrit, en remettant à plat sa queue gonflée sous la friction de la braguette, au cas où un lascar viendrait troubler son brame et arracher le texte qu’il tient entre ses doigts : « La nuit fait pleuvoir des friponnes et des gonzesses au teint laiteux : à minuit, après le fast drinking, elles n’auront plus de lèvres, ni de réponses au bout des doigts, elles seront plus mortes que le jeune homme qui s’est sauvé droit dans les cieux… Doxa rôde par là, avec le sourire ambigu d’une hyène… Naguère elle s’est ouvert une ardoise magique. Au départ, c’était ingénument, le cumul des jours a fait office de larcin. Pour un peu, elle serait la vengeuse masquée ! Mais tout à coup, elle détale sur le trottoir d’en face comme si elle allait prendre le train ! Elle se défile sans ticket, sans la grâce… c’est du ahan poussé d’en bas, du plaqué à bout de souffle, ce rictus, hors d’elle, qui tire sur ses joues comme un retrait de l’âme… Qu’elle aille rejoindre le ventre mou, l’anonymat du purgatoire ! Allez ouste ! Qu’elle s’envole, avec les autres, comme ces mouettes qui changent de décharge et qu’elles aillent becqueter ensemble les hures du grand monde… La tête d’un tyran saignant sur euronews et celles des bouffons rangeant leur cornemuse… qu’elles… » Et ce lisant, le vieil érotomane a tourné en bourrique, derrière son comptoir : c’est lui l’effeuillé nul du Ipad, l’image roulée hors cadre, mise à l’index, abolie sur le pouce… Dehors, l’enseigne repercutée par l’arête saillante de quelques semi-remorques clandestins a chu comme une pomme, pourrie à même l’arbre : son cercle jaune, noirci de dentelures, semble un soleil blessé, au fond de la pénombre. Quand l’armature s’effacera au plus fort de la nuit, la métaphore deviendra impossible et le vieil érotomane poussera le vice jusqu’à disparaître. D’ailleurs il s’y attelle déjà. Attendez ! Suspendez votre doigt, quelques secondes : il vous offre sa déréliction, un bon désert, déversant , sur la rue, sa féérie de souvenirs, une vitrine sans pute…Effleurez-le du pouce ! Il prend ses cliques et ses claques et se » dilue derrière l’écran… Tremblez, chancres de l’Intox populi ! Ce soir, la porte du soleil est grande ouverte et le vieil érotomane fait un pas de côté, il s’esquive, il pare la curée, il la dispute aux demi chefs cocus qui ont lâché vos meutes, il se stimule, dans l’arrière salle, pour se fourvoyer jusqu’au bout. Sur le divan, la position du gisant lui est très familière, il apprend à mourir sereinement, à devenir soluble, comme naître fut autrefois une incroyable peccadille. Nul ne s’en aperçut, au-delà d’un rayon de dix mètres. Ce sera bien, s’il meurt au point zéro… s’il part en couilles, comme les textes qu’il a écrits… « Qu’elle se faufile, hors champ, sous le fouillis des nébuleuses, la femme au corps avide ! Elle aura plus que sa part de caresses, le vieil art de mes vœux sera sur elle comme une torche vivante ». XLVIII A E… N… Monsieur, vous avez rencontré, il y a quelques années, l’imprésario du pauvre, Bruno Testa : il cherchait, avec obstination, à me faire sortir d’une certaine clandestinité. D’un texte suintant à travers le moût trop serré du deuil, il parvint à faire éditer un livre chez Quidam éditeur. L’affaire fit grand silence ! A peine lut-on l’article que vous aviez écrit dans « Le matricule des anges », et pour lequel je n’avais pas encore eu l’occasion de vous remercier. Vous avez, depuis, furieusement grandi dans le paysage médiatique et j’aurai peut-être du mal à vous atteindre. Il n’empêche ! Pour une fois que par la magie d’internet, les taupes ellesmêmes peuvent montrer la progression de leurs galeries, en temps réel, je suis heureux de vous inviter, en un lieu que la grosse machine éditoriale ne pourrait que tenir au secret, dans mon Sphaïros éparpillé au gré des rapts et des lectures sans lendemain… De ce présent-là, nul ne peut retarder l’échéance ni décider d’une quelconque irrecevabilité… XLVIIII A B… W… Des bruits de fond me parviennent…et des images… vos yeux plombés par des ténèbres, quelques mois, paraît-il ! Mais recouvrer la vue, comme cela doit exalter, peut-être jusqu’au miracle… Eloigné de tout « pharisianisme », je vous espère debout, fort, prêt au meilleur. Rassurez-vous ! Je n’ai rien à demander ni à solliciter, c’est mon plus grand plaisir ! Pauvre et libre, j’ai même encore de quoi donner aux autres ( n’évaluera-t-on pas bientôt l’homme à sa capacité de dépouillement) et je puis enfin être lu, grâce à internet, dans le sillage instantané du geste d’écrire, n’en déplaise à votre droiture d’éditeur ! Que du plaisir, vous dis-je, jusqu’à me pourlécher du gros lapin que vous m’aviez posé ! Je vous accueille sur un site, où il ne manque que quelques lignes enflammées de Mohammedia. Votre enthousiasme fit long feu, mais pas la réalité de la sensation que j’éprouvai, avant que l’écriture ne m’engloutît. Ma régression n’en est que plus exemplaire. A force de rebrousser les siècles, retrouverai-je la voix d’Empédocle ? A votre « revoir », donc. L. A R… M… Un passage en enfer opère une telle transvaluation que mon éloignement de la sphère littéraire m’apparaît aujourd’hui plus comme un bienfait que comme une malédiction. Nous avions entamé, il y a trente ans, un dialogue improbable où devaient sourdre par instants, les folles prémisses d’une mise à mort… Ce qu’une femme arracha au plus profond de moi, d’autres me l’ont rendu, sans avoir l’air d’y toucher… Elles m’ont fait remonter en un lieu où écrire s’apparente désormais à une offrande jubilatoire. Me voilà donc encore plus « primitif », soucieux d’une innocence que les haines du temps ne sauraient ébranler… A vivre intensément, ou descendre en deçà, il n’est pas rare que le stylo me tombe des mains… personne ne s’en inquiète, personne ne s’en offusque… C’est le cycle idéal pour qu’un texte reflue, la pureté du silence s’abouchant au risque des insultes. Et quelle aubaine, quand, sans « maison » ni bandeau prestigieux, on peut donner à lire l’instant, quand il s’écrit, même si d’aucuns dénoncent la menace du site, et veulent sauvegarder leur technique ancestrale. A défaut qu’on me vende, je me donne à cliquer ! Quelques secondes après, mon dit n’est plus posthume ! Nous reviendrons au livre par pure délicatesse ou par extrême pauvreté… Quand loin de toutes les eschatologies, on estime que le monde va simplement et sereinement à sa perte, que la terre sera un jour déglutie par le soleil, si l’on a été dupé, durant son enfance, par force catéchèses, jusqu’à vouer son âme à la permanence d’un dialogue cruel, au sommet duquel se tenait celui qui châtie plus qu’il n’aime, au moins nous reste-t-il, quand il s’évanouit comme un dieu de fumée, la vertu cathartique des anciennes prières. On prie autrement, avec les forces qui ne naissent que de nous. A l’idiotie des vieux cantiques, on répond par des extases bien terrestres : on se récite, dans une joie toute mémorielle, des poèmes appris « par corps », on brûle alors d’avoir été et d’être là, juste pour la persistance des autres, pour le meilleur de leur être, après la haine qu’ils ont d’abord vaincue en eux . Croire à la fin du monde, c’est en fêter tous les commencements LI. A E… N… Absorbé par des tâches d’un prosaïsme insoutenable, j’ai mis du temps à répondre à votre petit mot qui m’a surpris par sa promptitude. Cette fin d’année m’est aussi légère que celle où je goûtai à une première reconnaissance, que je crus trop vite suffisante et efficace. J’inclurai bientôt sur mon site, des lettres (« chronique d’un échec »), où j’étais d’une impudente intransigeance vis-à-vis de Georges Lambrichs, « jurant » avec, dès qu’il aurait fallu me colleter aux censeurs d’alors, une terreur toute « modianesque ». Je ne peux donc pas déplorer une clandestinité que le malheur finit par remiser au rang des vanités… Et si c’était, pour excuser la sauvagerie de mes dérobades, l’équivalent d’une prière ou un raccourci saisissant, entre l’ahurissement de l’homme primitif et l’hyperacuité d’un hacker qui resterait dans l’interstice, sans jamais oublier la violence de l’être ? Qu’importe alors que ces deux solitudes aient affleuré à la surface du monde, pour qu’il n’en vole qu’une pincée de cendres ! Il y a tellement d’humanité à l’un comme à l’autre bout de la chaîne, que le néant leur est une juste récompense… Bien sûr, j’espère que nous nous rencontrerons, à l’air libre, au pied d’un crassier miteux ou dans un bar qui sent trop sa province, et je vous remercie d’avance , si vous faites savoir à quelques uns que mon travail existe, à l’écart du Livre, comme cette sandale plus ou moins légendaire, derrière des moraines en bordure desquelles la lave faisait rage, ou comme la chaussure à crampons d’un rom émerveillé par d’aussi indécents privilèges : taper, retaper dans un ballon, c’est assez pour faire pleuvoir de l’or sur les ombres de sa tribu ! Parfois, il suffit d’une pichenette, d’une caresse infime, d’un effet bien dosé pour qu’Atlas soit soulagé de son fardeau ! La preuve en est dix fois filmée sous tous les angles…Les arabesques d’un pied, au ralenti, un ballon qui tourne comme une toupie, à l’infini, sur fond de tsétsé vision, au point qu’on en oublie le prisme indéchiffrable du plaisir ! Mais le rom qui est sorti de rien, savoure tout autrement, la frénésie du but : c’est en plus ou à défaut de dieux, shooter un peu de soi dans les étoiles. Ainsi de ceux qui écrivent pour se sauver eux-mêmes et qui accèdent au vibrato secret. Quelle chance, au milieu de ces logomachies, de ces tohus-bohus, où je vous vois rôder comme un drôle de requin, qui recrache aussitôt les chairs de mauvais goût ! Les vieilles pies veulent qu’on les morde, comme au lit, mais pas dans le vif du sujet… Elles espèrent… vous les saignez à blanc… elles vous dénient toute légitimité… D’une sphère à l’autre, celle des alcooliques absents, je vous souhaite des liesses, des dribbles et des morsures encore plus salutaires. LII. A E…N… Après une semaine éprouvante, un dimanche en apothéose, la réconciliation des « huitres »… comme si l’on glissait un scalpel, à la jointure de la conscience, pour qu’enfin le non-dit s’écoule sur le dit, et que la vérité sorte nappée de toutes ses chiures… Un grand schlurp presque unanime dans les premiers frimas, si l’on excepte les trop transis, les trop saouls de la veille qui cuvent leurs mensonges, enroulés dans leurs couettes… J’ai peur de n’être moderne que dans ces beuveries avec des non lecteurs, néanmoins mes amis et qui incarnent la critique la plus radicale qui soit… Le site a un peu inversé leur indifférence quoiqu’ils se heurtent sans trop insister à l’étrangeté de ma langue… Et puis, il y a cette part sombre du soleil, vers laquelle ils ne veulent pas, pour leur survie, tourner les yeux… Je ne suis pas dupe, les marchands se sont glissés partout, même dans les fibres d’internet… Mais le pire n’est-il pas de ne pas être lu par des contemporains qui en auraient éprouvé un certain plaisir… Je me fous de la postérité comme de mon premier slip, et dans un monde, où des « livres » se vendent avant d’avoir été écrits, il me plairait d’être lu par qui de droit, et qu’à la jonction de deux consciences, s’opère un échange de gratitudes… Oui, c’est aussi mon vœu : juste faire entendre ma voix, même si elle contourne un peu les grands thèmes du temps. LIII A Judith. Qu’espère-t-on de la fraîcheur si ce n’est l’assomption secrète du monde… Ce n’est pas un vulgaire changement de température, car le temps opère, à dur, la dormance des choses et livre ce qu’elles voilaient derrière la hâte de leur nom … La racine de l’arbre est alors indissociable de la terre où elle s’enfonce, comme ces doigts noués au bruissement sauvage d’une autre peau… La pluie fouette un enchevêtrement de corps où chacun sue de la chaleur de l’autre… Un chrême sort de nous, en nous et abolit la douleur d’une séparation peut-être originelle… Une âme d’un seul tenant fait scintiller mille yeux des pieds jusqu’à la tête… Une 750 traverse si vite la nature qu’elle laisse à peine un brin d’herbe roussi et une volute grise, aussitôt dévorée par l’azur… Elle éclaircit le trou mielleux, fracassé par l’orage… Je retarde du mieux que je peux, la boule de feu, pour qu’elle ne cesse d’advenir… Place au chant délicieux du Sphaïros ! V… V… LIV. LE SYNDROME DU NEGRE. Le nègre : Trouverai-je les mots ? ils ont toujours été grumelés avec ceux de ma langue, en une espèce de sabir personnel… C’est peut-être quand je ne les ai pas trouvés, que le reste n’a pas suivi ! A l’instant crucial, on se comprend de l’intérieur, on croit que les choses sont claires et on bégaye des projets qui font sourire… J’y reviendrai, là où le bât a blessé cent fois, mais je n’oublierai pas non plus cette méchanceté diffuse, qui semblait sourdre des autres, comme la sueur sous le soleil de mon pays natal… Non, non, déjà, je déraille, je ne suis pas né en Tunisie… Je suis né ici, au pied d’un gros tas de merde, de scories et de réalgars, attaqué depuis trente ans par des hordes d’acacias… un tumulus entassé par la seule force des hommes, une pyramide dérisoire, faite des déchets que le bon vieux Kapital ne pouvait pas traiter !...nous, on dit crassier… moi, je suis né au pied de ce chantier d’ordures fumantes… c’était bien mieux, quand la crasse était extraite des entrailles de la terre, à l’air libre, qu’elle n’était pas ce suint de haine, qui perle dans le regard des autres. La nuit, derrière la gare du clapier, j’ai toujours vu le puits Couriot, figé dans un déni de solitude… Le chevalet dressait sa carcasse immobile, on aurait dit un mirador d’où l’ennemi ne descendait jamais… L’âme de nos pères y rôdait, le vent s’y infiltrait parfois comme un grincement lancinant de bennes… C’était magique, autrement, surtout quand surgissant d’une cour insalubre, plus noire que le crassier, Melissa emboitait mes pas d’aventurier, peureuse, à quelques mètres… Je voyais dans la nuit, j’avais des yeux de chat, mon amour chatoyait de défis… Pour elle, j’aurais grimpé dans la salle des pendus, j’en aurais décroché les cintres, j’aurais glissé le long d’une liane d’acier jusqu’au fin fond du puits… Ma petite jungle était peuplée d’ombres narquoises, mais le montreur était piégé, il en devenait une à son tour, à cause d’un rayon de lumière dans son dos… Melissa, ma luciole, mon éclaireuse, mon Eurydice… Al ! Comme je savais ralentir pour sentir sur ma nuque, l’effluve doux et parfumé qui sortait de sa bouche… Finis les vieux réflexes de chiffonnier… Ces jours-là, y avait rien à chiorrer, pas le quart d’une chose… c’était de l’être pur, déposé sur ma peau !... J’avais raison de marcher droit devant, de me risquer d’enfer au paradis… oui, c’était bien le prix à venir du bonheur, ce « temps fou », ce temps avant que l’on se touche, avant qu’on se retourne, avant qu’on se mange des yeux, et du corps et de l’âme… Oui, à chaque fois, pour Melissa et pour les autres, j’avais eu raison, je mettais un « temps fou », un temps d’étrangeté, d’inassouvissement, de découverte, un temps aussi immesurable que l’extase qui allait l’abolir… Oui, oui, oui… come ce « oui » qui coule de partout, ce « oui » de pure offrande, ce « oui » tenu en lisière du « non », ce « oui » qui éblouit et se surseoit infiniment… Un soir, la lune rendit plus clairs les recoins du carreau, je m’arrimai au dos de Melissa… j’effeuillai, à grand peine, la fine fleur du sable… mais ce fut un plaisir nouveau, de ramper l’un dans l’autre, d’imprégner son entour du même clair-obscur, d’émoustiller son cul du meilleur des champagnes…de la voir s’ouvrir avec pétulance, comme le vice vaincu par un rayon de lune… Le commanditaire : …Oh ! Mon nègre, calme-toi ! Ce n’est pas de toi qu’il s’agit, je te paye pour écrire MA biographie… Retiens ta propre langue, ne me fais pas resplendir par tes mots, il faut que tu régresses… Il faut que tu reviennes au temps où j’étais un barbare, presque un analphabète…que tu te glisses dans ma peau… Bien sûr, j’aimais Melissa, mais nous étions plus chiens que ça… nous allions bien plus vite au fait, elle n’avait pas de « lampe » sur le front… Nous trempions dans le noir … on devait entendre des bruits d’acier, de bauge, des feulements, des chuintements d’évier, des clapotis de ventres en sueur… jusqu’à ce que je la cloue au mur, avec la braise de mes couilles… C’était bon, mon nègre… c’était bon… mais ça finissait toujours… LV. I6 janvier 2012. La douleur persiste, le calendrier la fait réapparaître : les phrases sont des caillots de sang, virant au pus… la croûte viendra-t-elle jamais ! Je ne suis plus l’adolescent, tellement effrayé par le frôlement des autres, que son impuissance à prononcer les douces futilités qui enguirlandent le bien être social, paraissait de la morgue, du mépris, un désir arrogant de distinction… Mais n’était-ce pas l’impossibilité de m’adjoindre au train- train naturel des choses, ce silence incarné