quelles sont les conséquences de l`immigration dans les

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quelles sont les conséquences de l`immigration dans les
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE L'IMMIGRATION DANS
LES PAYS RICHES ?
El Mouhoub Mouhoud
La Découverte | Regards croisés sur l'économie
2010/2 - n° 8
pages 138 à 141
ISSN 1958-5039
Article disponible en ligne à l'adresse:
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-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Mouhoud El Mouhoub , « Quelles sont les conséquences de l'immigration dans les pays riches ? » ,
Regards croisés sur l'économie, 2010/2 n° 8, p. 138-141. DOI : 10.3917/rce.008.0138
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http://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2010-2-page-138.htm
() INTERVIEW
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES DE
L’IMMIGRATION DANS LES PAYS RICHES ?
Quelles sont les méthodes et les sources utilisées par les chercheurs
pour étudier l’effet de l’immigration sur le marché du travail en France ?
La plupart des travaux consistent à simuler des chocs migratoires dans
le cadre de modèles calibrés d’« équilibre général calculable », ce qui est un
exercice assez théorique. Les études sur données d’enquêtes individuelles
sont extrêmement rares. La recherche sur le sujet manque parfois de rigueur
en combinant, de façon pas toujours heureuse, les théories et les diverses
méthodes. Le problème fondamental est un problème de données.
La statistique française fournit des informations sur les étrangers, mais
certains immigrés prennent la nationalité française et ne sont donc pas couverts, tout comme les enfants d’immigrés qui peuvent obtenir la nationalité
française s’ils en font la demande à partir de l’âge de 16 ans. Depuis peu,
l’enquête « Trajectoires et origines » (TeO) de l’Insee permet de pallier en
partie ce manque. Elle porte sur un échantillon de 22 000 individus – ce qui
la rend assez représentative – et contient pour la première fois des renseignements sur l’origine des migrants et des enfants d’immigrés. Elle comporte
1 500 questions, notamment sur les aspects subjectifs des migrations, qu’il
devient désormais possible d’intégrer dans des modèles économétriques.
Cette enquête permet d’en savoir plus, par exemple, sur les liens entre situation sur le marché du travail et niveau de discrimination ressentie. Avant
elle, l’enquête de la Dress « Profils et parcours de migrants » (PPM), parue
en 2006-2007 et portant sur les individus ayant signé le « contrat immigration », avait posé les premiers jalons.
D’autres enquêtes de l’Insee, comme celle portant sur les comportements des ménages, permettent d’effectuer des comparaisons entre migrants
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El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université ParisDauphine.
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et natifs en matière de dépenses et de recours aux aides sociales. Quant aux
données d’enquêtes issues des travaux d’Eurostat, elles offrent des renseignements sur la localisation et la mobilité des migrants dans l’Union européenne, mais elles sont très loin de permettre d’avoir une approche macroéconomique de l’effet des migrations sur les marchés du travail. Par ailleurs,
les données sur les flux d’émigration sont peu nombreuses – ces flux sont
appréhendés via les recensements
Pour pallier le manque de données, faut-il autoriser les statistiques ethniques ? Je pense que, sans les systématiser comme dans les pays anglo-saxons,
au risque de réifier des catégories dont la légitimité peut être mise en doute,
il devrait être possible de mener des enquêtes ponctuelles dans le cadre de
projets de recherches scientifiques bien définis. Cela permettrait d’aborder
des questions largement méconnues, comme l’ampleur du déclassement des
migrants qualifiés dans le pays d’accueil, ou bien l’influence d’une appartenance ethnique ou territoriale sur l’emploi exercé.
Quels sont au niveau mondial les résultats des recherches sur l’impact
macroéconomique des migrations dans les pays d’accueil ?
À l’ONU, Peri et Ortega ont mené une étude comparée portant sur 74
pays, dont la France, sur la période 1980-2005, et concluent qu’en moyenne
une augmentation de la population active de 1 % due à l’immigration accroît
le PIB de 1 %, et laisse donc quasi-inchangé le PIB par tête. Cet effet est
dû à l’accroissement des facteurs de production ainsi qu’à la hausse de la
consommation finale, l’immigration stimulant la demande dans les pays
d’accueil. Ainsi, en Espagne, au début des années 2000, l’arrivée de 3,3 millions d’étrangers a contribué pour moitié à la croissance, mais également à
une hausse du PIB par tête de 623 € en moyenne. La relative surévaluation
de l’euro en Espagne et au Portugal, au regard de leurs fondamentaux économiques et notamment de leur compétitivité, a poussé ces pays à faire appel
massivement à l’immigration (notamment en provenance d’Ukraine et de
Moldavie) pour réduire leurs coûts du travail. Cette immigration a essentiellement concerné les secteurs intensifs en travail et faiblement productifs (services, bâtiment, restauration) ; les immigrés étaient des travailleurs
qualifiés qui se sont par la suite retrouvés déclassés sur le marché du travail,
en raison notamment de leur dispersion sur le territoire des pays d’accueil,
ainsi qu’à l’absence d’harmonisation ou de reconnaissance internationale de
leurs diplômes.
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Quelles sont les conséquences de l’immigration dans les pays riches ? 139
140 Économie politique des migrations
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L’immigration tire-t-elle les salaires vers le bas ?
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Cela n’a absolument rien d’évident, même si de nombreux sondages réalisés dans les années 2000 montrent que près de la moitié de la population
française est en accord avec cette idée, relativement répandue chez les travailleurs peu qualifiés. L’immigration provoque une baisse des salaires si
elle accroît la concurrence entre des travailleurs « substituables ». Mais s’il y
a complémentarité et non substituabilité entre les emplois des immigrés et
ceux des natifs, le salaire de ces derniers augmente. Les travaux empiriques
sur le cas américain valident cette théorie : une hausse de 1 % de l’immigration aux États-Unis ferait baisser la rémunération des emplois peu qualifiés
de 0,2 % à 1 %. En France, une fois encore, les travaux sont peu nombreux.
En 2003, une enquête de la DGTPE estime que l’immigration exercerait une
influence négative sur les salaires de l’ordre de 0,04 % à 0,18 % pour une
hausse de 1 % de l’immigration, et aurait un impact positif d’environ 0,05 %
sur le chômage. Ces ordres de grandeur sont très faibles et peu significatifs.
Sur données individuelles, on observe que la concurrence sur le marché
du travail s’exerce davantage entre anciennes et nouvelles vagues de migrants
qu’entre migrants et natifs. Ainsi, en France, les nouvelles vagues d’immigration maghrébine tendraient à concurrencer la deuxième génération. De
même, au Portugal, les immigrés issus du Cap-Vert (ancienne colonie) sont
davantage en concurrence avec les nouveaux immigrés ukrainiens et moldaves qu’avec les natifs. Les sociologues développent également ces idées dans
leurs études sur les micromarchés du travail. Ainsi, dans les cités, un certain
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La concurrence sur le marché du travail s’exerce davantage entre
anciennes et nouvelles vagues de migrants qu’entre migrants et natifs.
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Les études montrent par ailleurs qu’une politique d’immigration visant
à attirer les plus qualifiés peut encourager l’innovation. On estime qu’aux
États-Unis, une hausse de 1 % à 3 % de l’immigration accroît de 15 % le
nombre de brevets déposés par personne. Enfin en ce qui concerne les effets
sur le marché du travail, il n’existe pas d’étude systématique sur les salaires ou le chômage au niveau international. Il faut dire qu’il existe de très
nombreuses différences institutionnelles, juridiques et économiques entre
les différents marchés du travail de par le monde.
Quelles sont les conséquences de l’immigration dans les pays riches ? 141
ressentiment pointe contre les « blédards », Maghrébins récemment immigrés et en moyenne plus qualifiés que la seconde génération issue de la vague
d’immigration précédente. Il semble que les premiers rencontreraient en
moyenne moins de difficulté à trouver un emploi. À l’avenir, l’enquête TeO
de l’Insee pourrait permettre d’infirmer ou de confirmer ces observations
de terrain à plus large échelle.
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Que sait-on des conséquences de l’immigration sur le chômage et les
budgets sociaux des pays d’accueil ?
J’ai mené, avec Oudinet, Mazier et Saglio, une simulation s’appuyant sur
un modèle macroéconomique d’inspiration keynésienne appliqué aux cas
américain et européen. Cette simulation montre qu’une augmentation de
10 % de l’immigration sur un an entraînerait une hausse de 0,01 % du taux
de chômage au bout de 13 années. Les travaux empiriques restent peu nombreux sur le sujet. Il en va de même pour l’impact sur les budgets sociaux
de l’État, qui constitue une question délicate et sensible aux hypothèses de
travail. En moyenne, les immigrants débourseraient, à long terme, davantage d’impôts qu’ils ne toucheraient de prestations sociales. Si le recours
aux budgets sociaux peut être plus important dans les premiers temps, les
comportements des migrants tendent à s’aligner à terme sur ceux des natifs,
alors que, parallèlement, leurs revenus tendent à augmenter. Par ailleurs, le
retour au pays au moment de la retraite tend à limiter les dépenses sociales.
Quant à l’idée que l’immigration pourrait permettre de maintenir constant
en Europe le ratio de remplacement des actifs, elle a été lancée par un rapport de l’ONU de 2000 mais cela ne serait vrai qu’à raison de 930 000 immigrants par an, ce qui est peu réaliste. L’immigration permet certes de réduire
le ratio de dépendance, mais elle ne peut constituer une solution miracle
pour les retraites ou remplacer les politiques structurelles qui s’imposent sur
le marché du travail des pays d’accueil.
Propos recueillis par Claire Montialoux et Benjamin Vignolles (RCE)
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L’immigration permet certes de réduire le ratio de dépendance,
mais elle ne peut constituer une solution miracle pour les retraites.