Indicateurs écologiques de la période optimale de remise en culture

Transcription

Indicateurs écologiques de la période optimale de remise en culture
Article scientifique
Sécheresse 2007 ; 18 (4) : 289-95
Indicateurs écologiques
de la période optimale
de remise en culture de jachères au Niger
Ali Mahamane1
Aboubacar Ichaou2
J.M. Karimou Ambouta3
Saadou Mahamane1
Boubé Morou1
Ibrahim Amani2
Hango Mahamadou4
Jean Marc d’Herbès5
Philippe Gineste6
Issoufou Wata6
Abassa Issaka7
doi: 10.1684/sec.2007.0106
1
Département de biologie, Faculté des
sciences, Université Abdou Moumouni, BP
10662, Niamey, Niger
<[email protected]>
<[email protected]>
2
Institut national de la recherche
agronomique du Niger (Inran), BP429,
Niamey, Niger
<[email protected]>
3
Faculté d’agronomie, Université Abdou
Moumouni, BP 10660, Niamey, Niger
<[email protected]>
4
Institut de recherche pour le développement
(IRD), BP 11416,
Niamey, Niger
<[email protected]>
5
Institut de recherche pour le développement
(IRD), US Désertification, BP 64501, 34394
Montpellier, France
<[email protected]>
6
Réseau d’observatoires de surveillance
écologique à long terme (Roselt), Ministère de
l’Environnement et de la Lutte contre la
Désertification, BP 578, Niamey, Niger
<[email protected]>
7
Ministère de l’Hydraulique, de
l’Environnement et de la Lutte contre la
Désertification, BP 578, Niamey, Niger
<[email protected]>
Résumé
Afin de maîtriser les systèmes de production sahéliens, l’Observatoire du Sahel et du
Sahara (OSS) a entrepris des activités de recherche sur le long terme. Cette étude,
conduite au Niger, a permis de présenter quelques résultats en matière de surveillance à long terme de la végétation des jachères et de comprendre le déterminisme des facteurs environnementaux sur la dynamique de la végétation dans six
jachères mises en défens. Les objectifs de l’étude sont : i) caractériser les états de
surface actuels ainsi que les communautés végétales ; ii) identifier les indicateurs de
gestion durable. Les méthodes de relevés se fondent sur un dispositif permanent
comprenant un réseau de points quadrats alignés, la collecte de la phytomasse
herbacée épigée et l’appréciation de quelques variables environnementales (topographie, pluviométrie, états de surface du sol). Les résultats montrent que la flore de
l’observatoire est dominée par des espèces annuelles dont l’établissement et la
distribution sont très sensibles à la pluviométrie et à la topographie. Aussi, deux
indicateurs sont pertinents pour alerter les agriculteurs quant à la remise en culture
des jachères et à l’optimisation de leurs productivités (développement des croûtes
algales et stimulation de l’activité des termites via l’augmentation du couvert de
litière). Il en résulte ainsi une augmentation de la phytodiversité et de la productivité
biologique du milieu.
Mots clés : composition floristique, désertification, état de surface des sols, gestion
durable, jachère, Niger, phytoécologie, végétation
Abstract
Ecological indicators of the best period to replant fallow zones in Niger
With a view to understanding Sahelian production systems, the Sahel and Sahara
Observatory (SSO) has launched long term studies. A concrete case study conducted
in Niger presents results about long term vegetation monitoring and provides
information on the impact of environmental factors on vegetation dynamics in 6
fenced fallows. The indicators that can help the local population make decisions
about sustainable land management have been identified and current soil surface
conditions as well as plant communities have been characterized. Data measurement
is based on a permanent mechanism comprising a quadrat point network, the
collection of herbaceous phytomass and the assessment of different environmental
parameters (topography, rainfall, soil surface conditions). Results show that the
observatory’s flora is dominated by annual species which are very sensitive to
rainfall and topography. We have identified two relevant indicators to alert farmers
to cultivate fallows again so as to optimize their productivity (development of algal
crust and stimulation of termite activities associated with the increase of litter cover).
Phytodiversity and biological land productivity can thus be increased.
Tirés à part : A. Mahamane
Sécheresse vol. 18, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007
289
Key words: desertification, fallow land, Niger, soil surface condition, sustainable
management, vegetation
D
ans le cadre des activités du
Réseau d’observatoires de surveillance écologique à long terme
(Roselt) de l’Observatoire du Sahara et du
Sahel (OSS), un suivi des jachères a été
mené au Niger dans le territoire de
l’Observatoire de Dantchandou à partir
d’indicateurs de suivi écologique. Ces derniers sont définis à partir de descripteurs
biophysiques (sol, flore et végétation) suivant une démarche conceptuelle et méthodologique qui a été progressivement développée afin d’étudier et de renforcer les
connaissances sur les mécanismes, causes
et conséquences de la désertification [1].
Ces indicateurs de changements environnementaux permettent : i) de mieux cerner
les problèmes de désertification et de
décrire les tendances d’évolution des paramètres biophysiques ; et ii) de fournir une
information utile pour l’aide à la décision.
Dans le contexte de l’Observatoire de
Dantchandou, les systèmes de culture sont
caractérisés par l’alternance de périodes
(figure 1). Le climat local est tropical semiaride avec des précipitations annuelles
moyennes estimées à 477 mm au cours de
la période de 1997 à 2004. La saison des
pluies s’étend de juin à septembre (90 %
des précipitations annuelles). Les sols sont
à texture dominante sableuse [4]. Actuellement, 60 % des terres sont cultivées et la
remontée de la fertilité est assurée par la
mise en jachère des terres en culture pendant trois ans. La jachère se caractérise,
entre autres, par sa durée, par les techniques culturales qui sont appliquées à la
terre. Cependant, ces jachères ne représentent plus que 17 % de la superficie
totale de la commune (tableau 1). Le dispositif de suivi comporte six jachères mises
en défens depuis juillet 1993 et décrites
par Delabre [2], soit 14 saisons de pluies.
Les six stations retenues présentent chacune une superficie approximative d’un
hectare [2]. Elles sont situées sur les unités
topographiques les plus couramment
concernées par la pratique de l’agriculture
de mises en culture et de jachères [2]. Les
critères de remise en culture après la
jachère ne sont pas toujours les mêmes
d’un exploitant à l’autre [3]. Le critère
principal est généralement la durée de
jachère et quelquefois l’apparition d’espèces indicatrices. Or, suivant les situations
géomorphologiques, les états de surface
du sol jouent un rôle déterminant sur la
remontée de la fertilité des sols. L’objectif
de ce travail est de caractériser les paramètres phytoécologiques de dynamique des
écosystèmes constitués par les jachères.
Les objectifs spécifiques sont i) caractériser
les états de surface actuels ainsi que les
communautés végétales ; et ii) identifier
les indicateurs de gestion durable.
Contexte et problématique
Le site de Dantchandou (13° 32’ N, 2° 42’
E) est situé à 75 km au nord-est de Niamey
492000
1516000
#
$
N
4
# GARBEY TOMBO
0
ALGERIE
WANKAMA
KIDA BAZAGAIZE
LYBIE
4 km
# KARBANGA
MAOUREYTOKOBINKANI
MALI
#GOGUIEIZE KOUARA
# DANTIANDOU TEGUI
KIDATAFAKOUARA#
# SABOUDEY
1478000
Altitude (m)
67-95
95-118
118-141
141-172
172-211
# MAOUREY KOUARA ZENO
# SAMA DEY
KO KAINA#
NIGERIA
BEN
BOUNDOU WAROU #
YOULOUA#
Villages
Jachères ROSELT
Thalwegs et bas-fonds
UNITÉS TOPOGRAPHIQUES
Courbes de niveau
TCHAD
AS
AF
IN
RK
BU
Village
Jachères Roselt
Thalwegs et bas-fonds
Ligneux bas (brousse tigrée dégradée)
Fourrés de thalwegs
Complexes cultures/jachères
Cultures pluviales sous parc arboré mixte
Cultures pluviales (sensu stricto)
Terrain dégradé (nu)
Mare
Koris
Milieu humain
# KATANGA
BANIZOUMBOU
# TONDI KIBORO
GOROUYENA#
# KORTO
YERIMA DEY #
#GOROU
# GASSEYDA
GAO BANGOU #
GUILEYNI
# TIGO TEGUI (ABAMATE)
# BAGOUA
# TIGO ZENO
# DEY TEGUI
BOKOSSAY
SYSTÈME DE PROJECTION : UTM
DATUM : Zone 31 - WGS 84
SOURCES :
- Image satellitaire Landsat ETM de 2005
- Données GPS terrain de 2006
# FALANGA
KO DEY
436000
Auteurs :
- Dr Ali Mamane -Dép Biologie- FS-Université A Moumouni.
- Abassa Issaka - Expert cartographe
- Pr Saadou Mahamane- Dép Biologie- FS-Université A. Moumouni
Août 2007
Figure 1. Carte d’occupation et d’utilisation des terres.
Ha : Jachère Hama ; MI : Jachère Mali I ; MII : Jachère Mali II ; ChI : Jachère Chef I ; ChI : Jachère Chef II ; ChIII : Jachère Chef III.
290
Sécheresse vol. 18, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007
dances (AFC, logiciel CANOCO [5]) en
utilisant les données floristiques issues de
relevés de points quadrats réalisés de
2001 à 2004. Le tableau des données
correspond à une matrice de 48 relevés et
63 espèces.
Tableau I. Occupation des terres du site de Dantchandou.
Unités d’occupations des terres
Cultures pluviales stricto sensu
Cultures pluviales sous parc arboré
Jachères
Terrain dégradé
Brousse tigrée
Fourrés de thalwegs
Mares
Totaux
Superficie (en ha)
2 9979
17 777
13 864
8 977
7 914
913
3
79 427
%
37,7
22,4
17,5
11,3
10,0
1,1
0
100
Influence
des facteurs environnementaux
L’analyse canonique des correspondances (ACC) est utilisée pour caractériser les
relations qui existent entre les cortèges
floristiques et les variables environnementales [5]. Les données floristiques sont
constituées par les listes floristiques établies annuellement sur les différentes
jachères. Les variables environnementales
comprennent les descripteurs de la topographie (piedmont, mi-versant, replat
sableux et vallée) et les états de surface
du sol tels que définis par Casenave et
Valentin [4].
Tableau II. Caractéristiques des six jachères.
Âge en année
Géomorphologie
Ch I
12
Dune
Ch II
12
Dépression
sur dune
Ch III
13
Dune
Ha
13
Jupe sableuse
MI
11
Bas-fond
M II
29
Glacis
ChI : Jachère Chef I, ChI : Jachère Chef II, ChIII : Jachère Chef III, Ha : Jachère Hama, MI : Jachère Mali I,
MII : Jachère Mali II.
5
vivrière (figure 1). Les trois stations Ch I,
Ch II et Ch III se situent sur un cordon
dunaire (tableau 2). La station Ha s’étend
sur une jupe sableuse. La station MI est
située dans un thalweg parcourant un glacis et la station MII sur un glacis.
Schograc
Borrchae
Zorngloc
Méthodologies de collecte
des données
Sécheresse vol. 18, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007
Axe 2 (32 %)
Schiexil
Merrpinn
Borrstac
Striherm
Cassmimo
Pupalapp
Indiastr
Monecili
Cerasesa
Jacqtamn
Cencbifl Digihori
Andrgaya
Eragtrem
Mitrscab
Digigaya
Crotatro
6
-1
Axe 1 (24,1 %)
Jachères
Espèces
L’ordination des relevés est réalisée à partir de l’analyse factorielle des correspon-
Ipomvaga
Arismuta
Cteneleg
Polylina Borrradi
Analyse des données
Ordination des relevés provenant
des six jachères pendant la période
du suivi
Panianab
Arislong
-2
Le suivi a concerné les espèces herbacées
et ligneuses ayant subi divers traitements
des états de surface suivant un protocole
défini par d’Herbès et Delabre [2]. Les
traitements portent sur la mise en défens,
la coupe des essences ligneuses, le scarifiage, le sarclage, le paillage, etc. Sur la
strate ligneuse, les mesures se rapportent à
la hauteur totale des individus des différentes essences ainsi qu’au diamètre des
tiges. Les descripteurs de la strate herbacée concernent la phytomasse épigée en
g/m2, la hauteur moyenne du tapis herbacé, la composition floristique suivant la
méthode des points quadrats et les états de
surface du sol [4]. Les résultats présentés
dans cet article ne concernent que les
parcelles de mise en défens. Les résultats
des autres traitements feront l’objet de
publications ultérieures.
Bleplina
Chef III
Chef II
Chef I
Mali I
Mali II
Hama
Figure 2. Analyse factorielle des correspondances détendancées (AFCD) de 48 relevés et
63 espèces de six jachères du terroir de Banizoumbou (Niger).
L’axe 1 correspond à un gradient de profondeur du sol et l’axe 2 à un gradient topographique.
291
Indices de diversité
La diversité alpha des stations évalue le
rapport qui existe entre les espèces au sein
d’une communauté. C’est la diversité des
espèces dans une communauté ou un habitat [6]. Elle est calculée à partir de l’indice
de Shannon-Weaver en utilisant les fréquences des espèces relevées le long des
lignes de points quadrats [7]. Pour apprécier la régularité de la distribution des
espèces dans la communauté, l’équitabilité de Pielou est calculée à partir de
l’indice de Shannon et du nombre total des
espèces. La comparaison des listes floristiques est réalisée à l’aide de la formule de
Sörensen [7]. La diversité bêta correspond
à l’importance du remplacement des espèces ou des changements biotiques le long
de gradients environnementaux [8]. La
diversité bêta ainsi calculée permet
d’apprécier les différences entre les communautés herbacées déterminées par les
paramètres du milieu biophysique [9].
Résultats
Caractéristiques des jachères
La figure 2 illustre la répartition des relevés suivant les deux premiers axes de
l’AFC. Ces deux axes expliquent 56,1 %
de la variabilité totale du nuage de points.
La répartition des relevés correspond à un
gradient topographique du milieu. En
effet, l’axe 1 isole dans sa partie positive,
les relevés sur sol sableux et profond à
Eragrostis tremula, Cenchrus biflorus et
Aristida adscensionis et dans sa partie
négative, les relevés sur sol superficiel
encroûté en surface avec développement
d’un tapis à Zornia glochidiata et Schoenefeldia gracilis.
Évolution de la diversité floristique
des jachères
• Évolution de la diversité alpha
La diversité alpha des jachères varie en
dents de scie avec une tendance à l’augmentation sur l’ensemble des jachères,
sauf en 2002 où la pluviométrie (388 mm)
est déficitaire par rapport à la moyenne
(451 mm ; figure 3). Ce déficit hydrique
se caractérise par une diminution des fréquences spécifiques pour certaines espèces. Ainsi, seules quelques espèces déterminent le recouvrement et les valeurs
calculées de l’équitabilité de Pielou sont
faibles (figure 3).
• Évolution de la diversité bêta
Avec l’augmentation de la pluviométrie
(477 mm en 2003 et 484 mm en 2004),
la valeur relativement importante de cette
292
Indice de Shannon - Weaver (H')
Régularité de Pielou (R)
4
1
0,9
3,5
0,8
3
0,7
2,5
0,6
0,5
2
0,4
1,5
0,3
1
0,2
0,5
0,1
0
0
2001
2002
2003
2004
H' (Chef III)
H' (Chef II)
H' (Chef I)
H' (Mali I)
H' (Mali II)
H' (Hama)
R (Chef III)
R (Chef II)
R (Chef I)
R (Mali I)
R (Mali II)
R (Hama)
Figure 3. Évolution de l’indice de diversité alpha.
Coefficient de Sörensen
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
2001-2002
Chef III
Chef II
2002-2003
Chef I
Mali I
2003-2004
Mali II
Hama
Figure 4. Évolution de la diversité bêta des six jachères de 2001 à 2004.
diversité est déterminée par l’importance
des germinations d’annuelles (figure 4).
En revanche, entre 2003 et 2004, les listes floristiques sont très semblables pour
une même jachère.
Évolution de la phytomasse herbacée
en fonction des jachères
Pour les six jachères, il existe une forte
corrélation entre la pluviométrie annuelle
Sécheresse vol. 18, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007
plus âgées. En effet, dans ces systèmes de
culture, les vieilles jachères correspondent
la plupart du temps à des parcelles abandonnées car trop dégradées. Tous les indicateurs de régénération s’estompent à partir de 6 à 7 ans. Pour Delabre [2] ces
vieilles jachères, dégradées, étaient sur un
autre mode de fonctionnement et échappaient donc à un processus d’évolution
attendue [4]. Dans ces jachères âgées
s’étendent des croûtes superficielles entraînant une augmentation du ruissellement et
de l’érosion sur l’ensemble du bassinversant.
Biomasse (g/m2)
400
350
300
250
200
150
100
Quel mode de gestion
des jachères ?
50
0
380
400
420
440
460
480
Pluviométrie (mm)
Mali I
Mali II
Hama
Chef I
Chef II
Chef III
Figure 5. Évolution de la phytomasse herbacée des six jachères en fonction de la pluviométrie
annuelle.
et la productivité primaire (figure 5). Cette
productivité est moindre pour l’ensemble
des jachères en 2002, année caractérisée
par une pluviométrie faible (388 mm). Suivant la toposéquence, la productivité est
plus importante sur les replats sableux ou
cordons dunaires pour lesquels les sols
sont profonds et les vallées à meilleur bilan
hydrique.
Discussion
Déterminants de la dynamique
de la végétation des jachères
L’analyse canonique des correspondances (ACC) montre que huit descripteurs du
milieu physique déterminent un impact fort
sur la structuration de la végétation
(figure 6) : quatre modalités de la topographie et quatre modalités des états de
surface du sol.
Dans les vallées, les ressources en eau sont
importantes alors que le piedmont et le
mi-glacis se caractérisent par un fort développement de croûtes algales qui accentuent le ruissellement [10]. Quant au sol
nu, il rend les biotopes très instables car
les semences de diverses espèces ne s’y
installent pas, alors que les croûtes algales
ont tendance à diminuer l’infiltration des
eaux de pluie. À l’opposé de cette croûte,
les croûtes de décantation sont généralement le reflet de microstations plus stables
où s’opèrent des phénomènes de sédimenSécheresse vol. 18, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007
tations de limons fins, de matière organique et de semences provenant de diverses
espèces. Relativement aux placages des
termites, ils témoignent d’une forte activité
biologique déterminant le recyclage de la
matière organique.
Déterminants de la phytodiversité
La flore de la région est dominée par des
espèces annuelles très sensibles aux variations de la pluviométrie. En conditions de
pluies erratiques, ce sont les espèces xérophytiques qui sont avantagées. En revanche, lorsque les pluies de début de saison
sont importantes et régulières, la densité
des espèces plus hygrophiles augmente.
Aussi, lorsque les états de surface ne limitent pas l’infiltration des eaux de pluie, la
diversité floristique peut être importante.
En revanche, les croûtes d’érosion comme
algales, limitent considérablement les possibilités d’infiltration [2]. Il en résulte une
limitation de l’installation de nombreuses
herbacées.
L’interaction de ces paramètres écologiques avec les usages détermine des physionomies variables à l’échelle du terroir
villageois [11].
Pour Ambouta et al. [10], la mise en
jachère favorise la formation et l’extension
des croûtes d’érosion car il y a arrêt du
travail cultural, et notamment des sarclages [2]. En revanche, ces croûtes régressent avec la reprise de l’activité des termites dans les jachères de 4 à 7 ans, pour
s’accentuer à nouveau dans les jachères
Les résultats du suivi montrent que, même
si la durée de mise en jachère augmente,
la diversité floristique comme la phytomasse herbacée n’évoluent pas significativement. A contrario, les croûtes algales
ont tendance à s’étendre, augmentant
ainsi le ruissellement. Cet indicateur doit
dès lors aider l’exploitant à prendre une
décision de remettre en culture toutes les
stations caractérisées par cet état de surface. En effet, son apparition correspond à
un optimum qui est à l’origine, d’une part,
d’un certain plafonnement de la diversité
floristique et de la phytomasse et, d’autre
part, d’une augmentation sensible du ruissellement. La mise en culture permet une
meilleure infiltration. Pour Valentin et al.
[12] la culture détruit les croûtes d’érosion
qui se développent dans les jachères âgées.
En revanche, si rien n’est fait, on note une
augmentation de l’érosion [13, 14].
Enfin, l’activité des termites est un indicateur qui doit aider les exploitants à augmenter le recouvrement par la litière afin
de stimuler cette activité biologique. En
effet, c’est par la décomposition de la
litière que la mésofaune incorpore efficacement la matière organique dans le sol,
ce qui améliore sa structure.
Conclusion
Les résultats obtenus montrent que la dynamique des communautés des jachères est
fortement influencée par les facteurs écologiques. Pour ce site, les sols nus augmentent en proportion avec l’âge de la
jachère. Le développement des croûtes
algales a pour conséquence de réduire
l’infiltration des eaux et ainsi limite la germination pour de nombreuses espèces
d’herbacées. Pour une année, le facteur
principal qui préside à la composition
floristique est la topographie qui détermine la distribution actuelle des croûtes de
surface. Cette étude montre finalement
293
1,0
Remerciements
Les auteurs remercient vivement toutes les
personnalités physiques et morales qui ont
bien voulu apporter leur contribution dans la
conduite des activités de terrain, en fournissant des informations et des avis qui ont
considérablement facilité ce travail. Ces
remerciements vont en particulier à Mmes
Sandrine Jauffret et Maud Loireau et à M.
Éric Delabre pour leur aide à toutes les étapes de l’élaboration de ce document.
m-g
Zorngloc
pm
v
al
Schograc
Bleplina
st3
Ipomvaga
Borrstac
Panianab
Schiexil
Axe 2 (69,5 %)
snu
Borrchae
Arismuta
Cteneleg
Arislong
Polylina
Fimbhispi
Eragtrem
Digigaya
Monecili
ero
st2
Cerasesa
Andrgaya
Merrpinn
Références
Cassmimo
Indiastr
li
Pupalapp
1. Réseau d’observatoires de surveillance écologique à long terme (Roselt)/Observatoire du
Sahara et du Sahel (OSS). Recherche d’indicateurs de désertification par analyse comparative
de quelques observatoires ROSELT/OSS. Collection Roselt/OSS, Contribution technique n° 9.
Montpellier : éditions OSS ; Institut de recherche
pour le développement (IRD), 2004.
dec
Jacqtamn
Digihori
Crotmacr
term
Crotatro
2. Delabre E. Caractérisation et évolution d’écosystèmes anthropisés sahéliens : les milieux postculturaux du Sud-Ouest nigérien. Thèse, université Pierre et Marie Curie, Paris VI, 1998.
-1,0
rs
-0,8
1,0
Axe 1 (25,7 %)
Espèces
Variables environnementales
Relevés
Chef I
Chef II
Chef III
Hama
Mali I
Mali II
Figure 6. Analyse canonique des correspondances de 48 relevés et 63 espèces de six jachères du
terroir de Banizoumbou.
L’axe 1 correspond à un gradient de profondeur du sol et l’axe 2 à un gradient d’humidité.
Pm : piedmont ; rs : replat sableux ; m-g : mi-glacis ; v : vallée ; snu : sol nu ; al : croûte algale ; li : litière ; st1 :
croûte structurale avec un micro-horizon ; st2 : croûte avec deux micro-horizons ; st3 : croûte avec trois microhorizons, croûte de décantation, croûte d’érosion et placages de termites.
3. Manzo Elhadji M. Étude des jachères dans
l’Ouest du Niger, gestion traditionnelle et structure du peuplement végétal dans le canton de
Torodi. Thèse de doctorat de 3e cycle, spécialité
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Ouagadougou, 1996.
4. Casenave A, Valentin C. Les états de surface
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Collections Didactiques. Paris : Orstom éditions,
1990.
5. Lepš J, Šmilauer P. Multivariate analysis of
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6. Huston MA. Biological diversity – The coexistence of species on changing landscapes. Cambridge : Cambridge University Press, 1994.
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8. Whittaker RH. Evolution of species diversity in
land communities. In : Hecht MK, Steele WC,
Wallace B, eds. Evolutionary biology. Volume
10. New York : Plenum Press, 1977.
qu’à partir du moment où les croûtes algales sont dominantes, il est plus judicieux de
remettre en culture les stations puisque, a
priori, il existe un seuil limite au fonctionnement de l’écosystème. La surveillance à
294
long terme des jachères permet ainsi de
fournir les signaux d’alerte, au travers
d’indicateurs écologiques simples, nécessaires à l’agriculteur pour gérer au mieux
ses parcelles et optimiser sa production. ■
9. Réseau d’observatoires de surveillance écologique à long terme (Roselt)/Observatoire du
Sahel et du Sahara (OSS). Définition, méthodes
de mesures, traitement des données et évaluation
de la pertinence de quelques descripteurs/
indicateurs écologiques dans le cadre de
Roselt/OSS. Document technique n°4c. Fiches
techniques descripteurs/indicateurs écologiques.
Montpellier : Roselt/OSS, 2003.
Sécheresse vol. 18, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007
10. Ambouta KJM, Valentin C, Laverdière MR.
Jachères et croûtes d’érosion au Sahel. Sécheresse 1996 ; 7 : 269-75.
11. Loireau M. Espaces-Ressources-Usages :
spatialisation des interactions dynamiques entre
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au Sahel nigérien. Thèse, université Paul-Valéry,
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Sécheresse vol. 18, n° 4, octobre-novembre-décembre 2007
12. Valentin C, Rajot JL, Mitja D. Responses of
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