Page 1 Document 1 de 1 Cour d`appel Paris Pôle 5, chambre 3 31

Transcription

Page 1 Document 1 de 1 Cour d`appel Paris Pôle 5, chambre 3 31
Page 1
Document 1 de 1
Cour d'appel
Paris
Pôle 5, chambre 3
31 Octobre 2012
Réformation
N° 10/24553
Monsieur Ghaouti DOUAH
Monsieur Mouloud BECHA
Contentieux Judiciaire
Numéro JurisData: 2012-024539
Résumé
L'éviction entraîne la perte du fonds de commerce de café restaurant. C'est en vain que le preneur demande
que l'indemnité d'éviction principale soit fixée selon la méthode du chiffre d'affaires, puisqu'il n'a communiqué
que des chiffres incomplets à l'expert, au surplus sans ventiler l'activité de café et celle de restaurant. C'est en
conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu que la valeur marchande du fonds ne pouvait en l'espèce excéder la valeur du droit au bail. Cette valeur s'établit au différentiel entre la valeur locative de marché et
le loyer applicable si le bail avait été renouvelé, avec un coefficient de situation de 6. L'indemnité principale
d'éviction est ainsi de 40 000 euros. La demande de paiement d'indemnités accessoires doit être rejetée puisque
le preneur, qui prend sa retraite, ne se réinstallera pas et qu'il ne justifie pas des frais de déménagement invoqués.
.
L'indemnité d'éviction, correspondant à la valeur locative après abattement pour précarité de 10 pour-cent,
est égale à 12 375 euros par an.
Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2012
Page 2
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/24553
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/07224
APPELANT
Monsieur Ghaouti DOUAH
représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avocat au barreau de PARIS,
toque : L0044, avocat postulant
assisté de Me Valérie ABOUCAYA de la SELAS ABHEURT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2473, avocat
plaidant
INTIMÉ
Monsieur Mouloud BECHA
représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque :
L0020, avocat postulant
assisté de Me Bernard PUYCAYARDE de la SELARL B. PUYCAYARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : D116,
avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin
2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile BLUM, Conseillère, chargée
d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Madame Odile BLUM a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions
prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
*******
Page 3
Par acte extrajudiciaire des 12 et 14 novembre 2007, M. Becha a donné congé sans offre de renouvellement à M.
Douah, pour le 16 mai 2008, de locaux situés [...], donnés à bail commercial en renouvellement pour neuf années à
compter du 17 mai 1999 à destination de commerce de vins, liqueurs, restaurant.
Par jugement du 29 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Paris a, entre autres dispositions, ordonné une mesure d'expertise sur le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 27 janvier 2010, proposant de fixer à 66.000 euro le montant de l'indemnité
d'éviction due à M. Douah et à 8.250 euro le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par M. Douah à M. Becha.
Par jugement rendu le 28 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds,
- fixé à la somme de 40.000 euro le montant de l'indemnité d'éviction due par M. Becha à M. Douah,
- dit que M. Douah est redevable à l'égard de M. Becha d'une indemnité d'occupation à compter du 16 mai 2008 jusqu'à
la libération des lieux,
- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 10.800 euro, outre les taxes et charges,
- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein
droit,
- condamné M. Becha à payer à M. Douah la somme de 3.000 euro au titre de l’article 700 du
code de procédure civile
,
- condamné M. Becha aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
M. Ghaouti Douah a relevé appel de cette décision le 3 décembre 2010. Par ses dernières conclusions du 10 octobre
2011, il demande à la cour d'infirmer le jugement sur le montant de l'indemnité d'éviction ainsi que sur l'indemnité
d'occupation et de :
- fixer le montant de l'indemnité d'éviction (comprenant l'indemnité principale et les indemnités accessoires) qui lui est
due par M. Becha à la somme de 95.750 euro,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation qu'il doit à M. Becha à la somme annuelle en principal de 7.425 euro,
outre les taxes et charges,
- condamner M. Becha à lui verser la somme de 4.000 euro au titre
code de procédure civile, en sus de la somme de 3.000 euro allouée en première instance,
de
l’article
700
du
- condamner M. Becha aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise dont distraction.
M. Mouloud Becha, par ses dernières conclusions du 4 juillet 2011, demande à la cour de :
- débouter M. Douah de l'ensemble de ses demandes,
- infirmer le jugement, d'une part, en ce qu'il a considéré que M. Douah devait bénéficier d'un abattement pour précarité
de 10 % sur le montant de l'indemnité d'occupation, d'autre part, en ce qu'il a appliqué une minoration entre la valeur
locative et le montant de l'indemnité d'occupation au motif que cela constituait un facteur de minoration de la valeur
Page 4
locative lorsqu'un bailleur a la possibilité d'obtenir le paiement d'une indemnité d'occupation par compensation avec une
indemnité d'éviction qui supprimerait tout risque d'impayé,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 16 mai 2008 à la somme de 13.750 euro/an en principal,
outre les charges et taxes, jusqu'à la date de libération effective des locaux,
- confirmer le jugement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 40.000 euro ainsi que sur la
compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation,
- condamner M. Douah aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise dont distraction ainsi
qu'au paiement de 3.000 euro sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été ordonnée le 23 mai 2012.
SUR CE,
Considérant que les locaux dont M. Douah est évincé sont situés dans la [...], courte artère, de faible commercialité,
croisant la [...], entre la [...] et la [...] ; que les parties s'accordent sur leur surface pondérée à 55 m² ; que M. Douah y a
d'abord exploité directement puis à compter du 28 février 2007, en location-gérance, un petit café-restaurant de quartier
Qu'il est par ailleurs acquis que l'éviction entraînera la perte du fonds et qu'aucune réinstallation n'est envisageable, M.
Douah, radié du registre du commerce et des sociétés le 29 mars 2007, ayant fait valoir ses droits à la retraite ;
1/ sur l'indemnité d'éviction
Considérant que M. Douah critique le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction à la valeur du droit au bail soit à
la somme de 39.162 euro arrondis à 40.000 euro ; qu'il estime que l'indemnité d'éviction doit être fixée à la valeur du
fonds qui serait selon lui de 85.000 euro, cette valeur résultant de la moyenne des valeurs obtenues selon la méthode
d'évaluation par la recette journalière (59.523 euro de chiffre d'affaires/ 300 jours x 500 = 99.000 euro), d'une part, selon
la méthode de capitalisation des recettes de location-gérance (17.747,36 euro x 4 = 71.000 euro) d'autre part ;
Mais considérant que s'agissant de la méthode de capitalisation des recettes de location-gérance, il est établi que le
fonds de commerce a été successivement donné en location-gérance à la société Au Soleil à compter du 1er mars 2007
puis à la société Beni Mashal dont le gérant est le fils de M. Douah à compter du 1er juin 2008, soit après l'expiration du
bail, le montant des redevances mensuelles, incluant le loyer, passant sans explication de 1.600 euro (19.200 euro par
an) à 2.000 euro (24.000 euro par an) ; que les premiers juges ont dit à juste titre que le montant de la redevance passée
à l'occasion du changement de locataire gérant de 1.600 euro à 2.000 euro par mois, alors que le loyer inclus dans cette
redevance n'était pas modifié, ne saurait donc être retenu pour une évaluation du fonds par capitalisation de la redevance, les liens familiaux unissant les parties à ce contrat étant manifestement à l'origine d'un prix anormalement élevé
au regard, tant de l'exploitation elle-même, que des proportions habituellement constatées ;
Considérant s'agissant de la méthode d'évaluation par la recette journalière, que le fonds de commerce considéré est un
café-restaurant ; que si la méthode d'évaluation par la recette journalière est d'usage pour la branche "limonade", elle ne
l'est pas pour la branche restauration usuellement estimée en fonction d'un pourcentage du chiffre d'affaires ; que M.
Douah ne s'explique pas, ni a fortiori n'établit, l'importance respective de ces activités dans l'exploitation du fonds ; que
bien plus, devant le manque de justificatifs d'un chiffre d'affaires "plausible", l'expert judiciaire a dû reporter de six mois
sa deuxième réunion pour que les éléments comptables lui soient communiqués ce qui n'a été que très partiellement fait,
le locataire gérant déclarant un chiffre d'affaires de 54.649 euro pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009 puis
de 16.676 euro pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2009 ; que devant la cour, M. Douah ne justifie toujours
pas du chiffre d'affaires réalisé par le locataire gérant, l'attestation de l'expert-comptable sur la "recette" de la période du
1er janvier au 30 juin 2011 et le compte de résultat "provisoire" pour l'exercice 2010 étant sans valeur probante dès lors
qu'ils ne sont corroborés par aucun autre document ; qu'en revanche, le bailleur justifie que M. Douah a déclaré en recette annuelle la somme 28.720 euro pour l'exercice 2003, celle de 35.585 euro pour l'exercice 2004 et celle de 36.935
euro pour l'exercice 2005 ;
Page 5
Considérant que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu que la valeur marchande du fonds ne
pouvait en l'espèce excéder la valeur du droit au bail qu'ils ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, arrêté à la
somme de 39.162 euro compte tenu d'une valeur locative au 17 mai 2008 exactement fixée à 250 euro/m², le loyer plafonné étant de 7.222,92 euro et le coefficient de situation, non contesté, de 6 ; qu'il suffit d'ajouter que ni l'expert judiciaire ni M. Douah ne fournissent des éléments de références circonstanciés, M. Douah se bornant à produire trois captures d'écran d'annonces Internet du mois de décembre 2010 ;
Considérant que M. Becha ne contestant pasle montant de 40.000 euro retenu pour l'indemnité principale d'éviction, le
jugement sera confirmé sur ce point ;
Considérant que M. Douah sollicite au titre des indemnités accessoires la somme de 7.750 euro pour frais de déménagement et celle de 3.000 euro pour trouble commercial ; mais considérant que les devis de déménagement produits
concernent le plateau du comptoir intégré au fond ainsi que le petit matériel de celui-ci ; que par ailleurs, M. Douah qui
a pris sa retraite et est radié du registre du commerce et des sociétés ne se réinstallera pas ; que sa demande au titre des
indemnités accessoires n'est pas fondée et sera rejetée ;
2/ sur l'indemnité d'occupation
Considérant que M. Douah estime que la valeur locative devant être fixée à 150 euro/m² au 17 mai 2008, l'indemnité
d'occupation s'élève à 7.425 euro par an après abattement de 10 % pour précarité ;
Considérant que M. Becha qui admet pour sa part la valeur locative de 250euro/m², critique le jugement sur l'abattement
de précarité de 10 % et la minoration injustifiée de la valeur locative ;
Mais considérant qu'il a été vu que la valeur locative des locaux considérés était au 17 mai 2008 de 250 euro/m² soit
13.750 euro au total ; que par ailleurs, l'abattement usuel de 10 % est justifié par la précarité découlant du refus de renouvellement et par l'absence de perspectives d'avenir pour le fonds exploité ; qu'il y a lieu en revanche de réformer le
jugement en ce qu'il a appliqué une minoration supplémentaire qui n'est ni justifiée ni même au surplus demandée par le
locataire ; que l'indemnité d'occupation sera en conséquence fixée à la somme de 12.375 euro par an à compter du 17
mai 2008, outre les taxes et charges ;
Considérant que le sort des dépens de première instance comprenant les frais d'expertise devant être confirmés, M.
Douah qui succombe en appel conservera à sa charge les dépens s'y rapportant; que vu l’article 700 du
code de procédure civile, les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
seront rejetées ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que M. Douah est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 16
mai 2008 et en ce qu'il a fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 10.800 euro ;
Statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Fixe le montant de l'indemnité d'occupation due par M. Douah à M. Becha à la somme de 12.375 euro par an, outre les
taxes et charges, à compter du 17 mai 2008 jusqu'à totale libération des locaux ;
Déboute les parties de toutes autres demandes ;
Condamne M. Douah aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du
code de procédure civile
.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
Page 6
Décision Antérieure
Tribunal de grande instance Paris du 28 octobre 2010 n° 08/07224
Note de la Rédaction :
Critère(s) de sélection : données quantifiées intéressantes, décision très motivée
Abstract
Bail commercial, refus de renouvellement avec indemnité d'éviction,
montant de l'indemnité d'éviction, indemnité principale, Paris 10e arrondissement, 23 rue du Chaudron,
café restaurant, superficie = 55 mètres carré, éviction entraînant la perte du fonds de commerce (oui), application de la méthode du chiffre d'affaires (non), chiffres d'affaires incomplets communiqués par le preneur,
indemnité égale à la valeur du droit au bail (oui), application de la méthode du différentiel de loyer, loyer selon la valeur de marché = 13750 euros, loyer plafonné en cas de renouvellement = 7222 euros, application
d'un coefficient de 6, indemnité principale montant = 40000 euros.
Bail commercial, refus de renouvellement avec indemnité d'éviction,
montant de l'indemnité d'éviction, droit à indemnités accessoires (non), absence de réinstallation, départ à la
retraite du preneur, preuve non rapportée des frais de déménagement.
Bail commercial, indemnité d'occupation dans le bail commercial, prix du
mètre carré pondéré = 250 euros, abattement pour précarité = 10 pour-cent, indemnité montant = 12375 euros
par an.
© LexisNexis SA