Article 6 Us - Ordre des avocats de Genève

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Article 6 Us - Ordre des avocats de Genève
DÉCISIONS ET CIRCULAIRES RELATIVES AUX US ET COUTUMES
Article 6 Us: Diligence de l'avocat
Sauvegarde des intérêts des clients en cas de décès de l’avocat
Pour sauvegarder les intérêts de leurs clients, les avocats qui pratiquent seuls le barreau sont
invités à désigner un, ou éventuellement deux confrères, disposés à reprendre leurs dossiers
au cas où ils viendraient à décéder et à communiquer les noms de ces avocats d’une part au
Bâtonnier et d’autre part à la Justice de paix. En procédant de la sorte, les avocats éviteront
des difficultés à leurs clients et à leurs propres héritiers qui, il convient de le rappeler, ne sont
pas tenus au secret professionnel.
(Circulaires, décembre 1995 et avril 1976 et Bulletin N° 39, décembre 1978)
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Nominations d’office
«L’avocat doit apporter tout son zèle et tous ses soins aux intérêts dont il est chargé, qu’il soit
rémunéré ou non.» (art. 8 al. 1 des Us et Coutumes; actuel art. 6). Cette règle fondamentale
de notre profession s’applique tout particulièrement dans le cadre des nominations d’office en
matière pénale. L’avocat nommé d’office doit se soucier en priorité de la défense des intérêts
de son client. Il tombe sous le sens que son éventuelle rémunération et, le cas échéant, la
quotité de celle-ci ne sont que des problèmes subsidiaires à examiner une fois le mandat
terminé.
Au demeurant, contrairement à ce qui résulte des directives qui ont été élaborées l’année
dernière pour l’application du règlement sur l’assistance juridique, assistance juridique et
nomination d’avocat d’office sont deux problèmes totalement indépendants l’un de l’autre. En
effet, la demande de désignation d’un avocat d’office n’a pas pour corollaire obligatoire que le
justiciable ne puisse rémunérer les services de son conseil. D’un autre côté, il est choquant
que l’absence de moyens financiers prive le justiciable du choix de son avocat ou du droit d’en
changer.
La désignation d’un avocat d’office en matière pénale a pour but principal la mise à disposition
rapide d’un défenseur aux justiciables qui en ont un besoin urgent et ne peuvent, soit le
rémunérer, soit, beaucoup plus simplement, le mandater faute d’en connaître un qui soit
susceptible d’assumer immédiatement la défense de leurs intérêts. Or, l’exercice des droits de
tout individu de se défendre s’avère rapidement illusoire, faute pour le justiciable d’avoir à ses
côtés l’homme de loi qui pourra le conseiller. C’est pourquoi l’avocat nommé d’office doit
impérativement s’occuper, toutes affaires cessantes, du mandat qui lui est assigné et ne
devrait jamais différer son intervention sans avoir pris au moins des mesures pour que le
justiciable soit assisté au plus vite. Cette règle découle logiquement de l’article 8 de nos Us et
Coutumes (actuel art. 6). Elle s’impose d’autant plus, lorsqu’il s’agit d’assumer la défense des
intérêts d’un détenu, aussi graves que soient les inculpations prononcées contre lui.
Jamais un être humain ne peut avoir un besoin plus urgent des conseils d’un avocat qu’au
moment où il vient d’être inculpé et privé de sa liberté. Quels que soient sa nationalité, son
passé judiciaire et son degré de culpabilité, l’inculpé ne peut vivre qu’avec une véritable
angoisse le début d’une procédure pénale, angoisse que l’arrestation ne peut à l’évidence
qu’augmenter. Or, notre mission d’avocat est précisément d’être disponible et présent à cet
instant et pour la suite de la procédure, car la profession d’avocat impose à celui qui l’exerce
le devoir de défendre tout accusé et de le faire avec autant de soin lorsqu’il est nommé d’office
que s’il avait lui-même choisi la cause. Seul un empêchement dirimant devrait amener un
avocat à envisager de ne pas assumer une nomination d’office et celle-ci devrait même être
reçue comme un honneur par celui auquel elle est destinée.
(Circulaire, Bulletin N° 6, juin 1988)
(cf. ad article 1, Lettre du Conseil N° 12, juin 1995.)
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Relief d'une nomination d'office (article 8 LPAv)
L'avocat nommé d'office accomplit une tâche étatique régie par le droit public cantonal; il est
nommé et ses fonctions cessent par décision de l'autorité.
L'article 8 LPAv énonce que l'avocat nommé d'office « ne peut refuser son ministère ou mettre
unilatéralement un terme à son mandat sans justifier d'un motif légitime d'excuse », étant
précisé que jusqu'ici c'était à l'autorité de désignation, voire au service de l'assistance
juridique, qu'il appartenait d'apprécier le motif invoqué. Cette procédure soulevant des
problèmes parfois insurmontables s'agissant du respect du secret professionnel, le législateur
- à la demande de l'Ordre des Avocats - a modifié le texte légal de sorte qu'aujourd'hui, et c'est
là une nouveauté importante, c'est au Bâtonnier de l'Ordre des Avocats qu'il incombe de dire
si le motif de relief avancé par un avocat désigné d'office est ou non légitime (article 8 LPAv). Il
doit être rappelé d'emblée, que sauf à vider de son sens l'institution même de la nomination
d'office, la légitimité du motif autorisant un avocat à mettre un terme au mandat doit être
appréciée de manière restrictive.
S'agissant de la mise en oeuvre de cette nouvelle norme, les discussions avec le Tribunal de
Première Instance et le service de l'assistance juridique ne sont pas tout à fait achevées, mais
on peut déjà poser quelques règles:
1. Lorsque l'avocat nommé d'office entend se prévaloir d'un motif objectif, fin de stage ou
absence prolongée, l'efficacité commande qu'il puisse comme par le passé s'adresser
directement au service de l'assistance juridique ou à l'autorité qui l'a désigné. Le changement
d'avocat pourra dès lors intervenir à bref délai dans l'intérêt du justiciable, étant précisé que la
ratio legis de l'article 8 LPAv semble assurément permettre cette solution pragmatique. Il est
souhaitable que les avocats qui se trouvent dans les situations évoquées ci-dessus proposent
à l'autorité de nomination un Confrère de substitution issu, si possible, de la même étude.
2. Si l'avocat nommé d'office entend se prévaloir d'un autre motif d'excuse, il s'adressera
directement au Bâtonnier qui instruit la requête et statue à bref délai. Dans l'hypothèse d'un
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préavis favorable, l'avocat concerné saisit l'autorité de nomination en joignant la prise de
position du Bâtonnier. Le service de l'assistance juridique transmet directement au secrétariat
de l'Ordre les demandes de relief que les avocats nommés d'office lui auraient adressées par
erreur.
3. L'avocat qui s'adresse au Bâtonnier veille à fournir des renseignements suffisants pour
qu'un préavis puisse être donné en connaissance de cause, en particulier lorsque sont
invoquées une rupture du lien de confiance ou les difficultés d'exécution du mandat. Quant à
la forme que doit revêtir l'approbation du Bâtonnier, une certaine souplesse est de mise, les
décisions devant parfois être communiquées dans l'urgence. Dans la mesure du possible, le
Bâtonnier adressera à l'avocat concerné un courrier en bonne et due forme mais l'acceptation
du motif légitime pourra toutefois faire aussi l'objet d'une mention manuscrite portée
directement sur un extrait de la requête, voire, en cas d'extrême urgence, d'un téléphone du
Bâtonnier à l'autorité de nomination.
C'est le lieu de rappeler que selon la jurisprudence du Conseil, un comportement inadmissible
de l'assisté, la perte de la relation de confiance ou encore un grave conflit de conscience dans
la personne de l'avocat désigné d'office sont susceptibles de justifier la décharge du
mandataire, ces critères devant être appréciés sévèrement par un examen approprié des
conditions liées à chaque cas particulier. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs eu l'occasion de juger
que l'avocat d'office est autant un assistant qu'un représentant de son client. C'est dire que de
simples difficultés relationnelles ne sont pas nécessairement synonymes d'une rupture du lien
de confiance et que le justiciable qui, par son attitude peu constructive rend plus compliquée
l'exécution du mandat, n'adopte pas ipso facto un comportement inadmissible au sens de la
jurisprudence.
Enfin, il est apparu que dans certaines Etudes, collaborateurs ou stagiaires se voyaient
interdire les nominations d'office ou en étaient fortement découragés. Contraires à la loi et au
code d'honneur de l'avocat, de telles restrictions - qu'elles soient tacites ou contractuellement
énoncées - sont évidemment inadmissibles et ne sauraient constituer un motif légitime au sens
de l'article 8 LPAv.
(Circulaire, Lettre du Conseil N° 35, janvier 2003)
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Me X, mandataire de Madame A, a été chargé par cette dernière d’entamer des démarches
en vue d’obtenir la mise à disposition de sa cliente d’une somme déposée dans un trust de
droit américain 23 ans auparavant qu’elle désirait révoquer. Parallèlement, Me X a été chargé
par sa cliente d’obtenir d’une société la remise d’une somme qui avait été déposée auprès de
cette société par Madame A 20 ans auparavant et qu’elle avait des difficultés à récupérer.
Enfin, Me X fut chargé par sa cliente de lui obtenir un permis de séjour, de régler sa situation
fiscale et, ultérieurement de faire des recherches en vue d’obtenir une citoyenneté du
Liechtenstein.
Me X a conseillé à sa cliente, Madame A, de placer son argent auprès de la banque F où il
connaissait bien l’un des gestionnaires, Monsieur G, qui s’occupait déjà de plusieurs de ses
clients. Madame A a signé les documents d’ouverture de compte à son hôtel sans se rendre
à la banque. Lors de la première rencontre de Madame A avec Monsieur G à la banque, deux
mois plus tard, Me X fut chargé de la gestion du compte par Madame A contre une
rémunération unique de 1 % prélevée immédiatement. En exécution du mandat de gestion,
Me X a délégué Monsieur G, mandataire commercial auprès de la banque, afin de procéder à
une gestion plus agressive, selon la volonté de Madame A. Me X a exposé que Monsieur G
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devait assumer le travail quotidien de gestion (choix des opérations) et que lui-même assumait
la surveillance de la gestion. Plus précisément, Me X se rendait trimestriellement à la banque
où il consultait les relevés du compte et débattait avec Monsieur G de la politique de gestion.
Après avoir examiné l’évolution de la gestion, il faisait rapport à Madame A.
Quelque temps plus tard, Monsieur G à quitté la banque et est devenu directeur d’une société
Y SA et cette société a succédé à la banque dans la gestion du portefeuille de Madame A. Me
X affirme avoir informé Madame A, avant que le transfert de la gestion de son portefeuille ne
passe chez Y SA, qu’il était actionnaire à 45% de cette société et président du conseil
d’administration. Il a également exposé à Madame A que Monsieur G s’occuperait de la
gestion de son portefeuille si elle était d’accord de transférer cette gestion à la nouvelle société.
a) Les honoraires de gestion
De convention expresse avec sa cliente, Me X a touché une seule fois une somme à titre
d’honoraires de gestion. Ces honoraires correspondent à un mandat de gestion pour l’époque
où les fonds étaient gérés par la banque. A partir du moment où les fonds ont passé à la
gestion de Y SA, Me X n’a plus touché d’honoraires de gestion. Le montant de ces honoraires
de gestion représente un pourcentage qui peut paraître conforme aux usages. Un taux de 2%
serait probablement excessif contrairement à ce que prétend Me X. Il fut expressément admis
par la cliente.
Toutefois, l’activité d’un gérant de fortune et la rémunération qui lui est attachée implique une
activité régulière et un suivi constant de l’évolution du dossier que le gestionnaire est chargé
de gérer.
Me X ne se souvient pas avoir reçu de mandat écrit et n’a pas le souvenir d’en avoir conféré
un à la banque. Il est cependant établi qu’il a délégué un simple mandataire commercial de la
banque pour gérer le compte. Il est vrai que Me X avait toute confiance en ce professionnel. Il
résulte, en réalité, des explications de Me X que son activité se limitait à un contrôle trimestriel
des comptes et, à cette occasion, à une discussion sur la politique de placement avec
Monsieur G. Loin d’exercer une quelconque gestion, Me X effectuait ainsi un contrôle
épisodique de la gestion de la banque.
Un contrôle plus fréquent et rigoureux auquel sa cliente aurait été en droit de s’attendre compte
tenu du mandat spécifique qu’elle lui avait confié et du montant de la rémunération y relative
aurait peut-être permis de limiter, si ce n’est d’éviter, les pertes importantes subies. Cette
rigueur s’imposait alors à plus forte raison que Me X savait que Monsieur G quittait la banque.
On notera enfin que le relevé de la banque de la fin de l’année n’a été soumis à la cliente que
deux mois plus tard. Certes, Me X invoque des absences en raison de problèmes de santé.
Son devoir de diligence lié à son mandat de gestion aurait néanmoins commandé une réaction
immédiate lorsqu’il constata les pertes subies.
Le Conseil estime, en conséquence et sur la base des observations qui précèdent, que Me X
n’a pas assumé le mandat de gestion pour lequel il avait été rémunéré d’avance par sa cliente.
Le Conseil ne peut ignorer la jurisprudence du Tribunal fédéral qui autorise désormais les
activités accessoires pour les avocats, fussent-elles prépondérantes à l’exercice de la
profession d’avocat. Cette jurisprudence permet à un avocat d’exercer un mandat de gestion,
même sur la fortune des clients de son Etude, sans agir en qualité d’avocat. A la lumière de
cette jurisprudence, le Conseil n’aurait peut-être pas compétence à se prononcer sur l’activité
de gestionnaire assumée par Me X, dès lors qu’il s’agit d’une activité professionnelle
accessoire, tolérée par la Haute Cour. Toutefois, le Conseil – prenant ici quelque distance
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avec l’arrêt du Tribunal fédéral – estime que l’avocat qui gère parallèlement les fonds de ses
clients ne cesse pas pour autant d’être un avocat lié par son serment et soumis à la déontologie
des avocats.
Contrairement à une tendance malheureusement répandue, le Conseil ne pense pas que les
activités d’un avocat puissent être divisées en activités typiques et atypiques de la profession.
Lorsqu’il gère des fonds d’un de ses clients, l’avocat doit veiller à ce patrimoine non seulement
comme le ferait n’importe quel gestionnaire mais avec un souci global de ses intérêts. Il paraît
évident au Conseil que c’est à son avocat que Madame A a confié cette gestion précisément
parce qu’à ce titre il jouissait de toute sa confiance. Elle a d’ailleurs visiblement accepté que
pour des motifs de compétence ou de disponibilité la gestion quotidienne soit le fait d’un
banquier. Quoiqu’il en soit, comme gestionnaire principal ou comme avocat, Me X devait et
pouvait être informé de la gestion, devait et pouvait éviter des placements spéculatifs et
prévenir des pertes de l’ampleur de celles qui ont porté atteinte au patrimoine de sa cliente.
En se désintéressant visiblement de cette gestion, Me X a manqué à ses obligations
déontologiques envers sa mandante. Peu importe dès lors que Madame A ait été informée
des résultats catastrophiques de la gestion de sa fortune à la banque et ait renoncé à agir
contre la banque malgré les conseils de son avocat. En résumé, si le Conseil ne reproche pas
à Me X d’avoir accepté un mandat de gestion, il constate que son activité de ce chef ne répond
pas aux exigences de l’article 8 des Us et Coutumes.
b) Le comportement général et l’éthique professionnelle
La responsabilité morale collective que supporte l’avocat envers le public et le barreau lui
impose un devoir de dignité et de moralité accru. De plus, compte tenu de la confiance
importante dont il jouit envers ses clients et des risques que cette confiance implique pour les
clients qui abandonnent souvent une grande partie de leur vigilance face à leur avocat, celuici doit faire passer l’intérêt du client avant toute autre espèce de considération. Au regard des
articles 2 et 8 des Us et Coutumes, d’ordre général certes, mais fondamentaux pour cerner
l’éthique professionnelle dont l’avocat doit toujours faire preuve, le dossier révèle de nombreux
faits à charge de Me X. En acceptant d’assumer la défense des intérêts de Madame A, Me X
a accepté pour mission première de lui faire mettre à disposition une fortune considérable qui
était bloquée en banque ou dans un trust et qui servait à assurer ses besoins et dépenses.
Peu après, Me X a pu obtenir le transfert en faveur de sa cliente d’environ 17 millions de francs
suisses. Le patrimoine de Madame A est ainsi passé d’un solde actif d’environ 17 millions de
francs à un solde passif d’environ Frs. 300’000.– en moins de trois ans. Durant la même
période, celui de Me X et de son épouse s’est accru de 4 millions de francs environ. Or,
pendant cette période, Me X qui dit être devenu l’ami de cette personne âgée, n’a jamais cessé
d’être son avocat. Cette fonction impose certaines règles de conduite que l’amitié ne fait que
présupposer. Malgré cela, Me X a assisté, sans entreprendre la moindre action, à la
dilapidation de la fortune de sa cliente. Pire, il y a participé et a laissé des membres de sa
famille en tirer profit.
En résumé, pendant la durée de son mandat, Me X a reçu pour ses services d’avocat, une
somme totale en disproportion manifeste avec les prestations réellement effectuées. Il a reçu
des honoraires de gestion alors que sa «gestion» manquait singulièrement de rigueur et s’est
soldée par des pertes importantes. En effet, alors qu’il avait été rétribué pour cette gestion, et
donc en était responsable, il a constaté, impuissant, que la banque avait perdu près du tiers
de la fortune de sa double mandante. De surcroît, il a perçu de la banque des rétrocessions,
vraisemblablement importantes, alors que la gestion de cet établissement s’est avérée
désastreuse. Il a bénéficié, de même que sa famille, de donations énormes. Malgré son rôle
d’avocat, il a laissé Madame A faire de son vivant des donations faramineuses nettes de droits
de succession pour les donataires, ce qui imputait, à chaque donation, sa fortune de 50% de
plus et précipitait sa ruine. Manifestement, Madame A n’en avait pas totalement conscience,
puisqu’elle se renseignait épisodiquement sur l’état de sa fortune.
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Certes, comme l’explique Me X, est-il possible que Madame A trouvait du bonheur à se
montrer généreuse de son vivant et tenait plus à son indépendance et à sa liberté de disposer
de ses biens qu’à sa fortune. Cela ne dispensait pas Me X, en sa qualité d’avocat de Madame
A, de veiller à la protection de ses intérêts et à la garantie de ses besoins et de son
indépendance jusqu’à la fin de sa vie. Or, au jour de sa mort, il ne lui restait plus un sou pour
subvenir à ses besoins. Pire, elle avait perdu sa liberté et son indépendance. Il ne lui restait
donc rien des intérêts qu’elle pouvait vouloir être protégés en priorité, qu’il se soit agi de sa
fortune ou de son indépendance.
Fort des conclusions qui précèdent, le Conseil arrive à la conclusion que Me X a gravement
violé les règles de l’éthique professionnelle et les articles 2 et 8 des Us et Coutumes.
L’acceptation de donations importantes sous la dénomination honoraires, provisions,
donations ou cadeaux pour sa famille et lui-même, de la part d’une cliente âgée, et dont
l’incidence sur le patrimoine n’était pas négligeable, sans le moindre contrôle, n’est
assurément pas conforme à l’exigence d’honneur et de dignité prescrite par l’article 2 des Us
et Coutumes.
Dans le cas d’espèce, Me X a adopté une attitude incompatible avec ces exigences et cela
dans l’exercice de sa profession puisqu’il n’a jamais cessé, depuis le début d’être l’avocat de
Madame A. La quotité et les modalités des versements parvenus dans la sphère de Me X
manquent en tous points de la décence et de la retenue auxquelles l’avocat, plus que tout
autre, doit se conformer. Quand bien même ne fut-il pas le seul à bénéficier des largesses de
Madame A et n’a-t-il perçu que des libéralités plus modestes durant la dernière année, les
prestations reçues par Me X apparaissent présenter un rapport de causalité certain avec la
ruine de sa cliente. Tenu d’apporter d’après l’article 8 des Us et Coutumes «tout son zèle et
tous ses soins aux intérêts dont il est chargé», Me X ne pouvait être inattentif aux
conséquences des actes de disposition (honoraires, donations, impôts de succession et
dépenses courantes) de Madame A sur sa situation patrimoniale et ce d’autant moins qu’il
n’était pas seul à bénéficier des largesses de sa cliente, ce qu’il n’ignorait pas.
En sa qualité d’avocat et face à la prodigalité manifeste de Madame A, il eut appartenu à Me
X de saisir tout tiers ou autorité tutélaire afin que, le cas échéant, toute mesure adéquate fût
ordonnée pour préserver la fortune de Madame A. Diverses démarches de Me X auprès de
Madame A, telles la signature de sa note d’honoraires, l’approbation des pertes subies ou les
décharges données à ses mandataires, apparaissent insolites dans ce contexte. Le
comportement de Me X, apprécié dans son ensemble, apparaît ainsi dénué de scrupule et
s’avère totalement incompatible avec l’exigence d’honneur, de dignité, de conscience,
d’humanité et de désintéressement découlant du serment d’avocat et de nos Us et Coutumes.
Sur le plan moral, ce comportement correspond même à ce que chaque avocat redoute
d’entendre lorsqu’il est confronté à une description dévalorisante des travers de la profession
d’avocat. Le Conseil a conscience, en rendant une décision sévère sur des dispositions
générales, de placer haut la barre des exigences éthiques. Il confirme ce faisant qu’un avocat,
de ce point de vue, n’est pas un justiciable comme les autres. Au regard de ces principes, la
sanction infligée à Me X ne peut qu’être grave, même si dans le passé aucune peine
disciplinaire ne lui a été infligée.
Par ces motifs, le Conseil de l’Ordre déclare Me X coupable de graves violations aux articles
2 et 8 des Us et Coutumes et prononce son exclusion.
(Décision du 31 mai 1990)
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Ce n’est qu’exceptionnellement qu’une exécution particulièrement fautive du mandat constitue
une violation de l’article 8 des Us et Coutumes qui prescrit que l’avocat doit apporter tout son
zèle et tous ses soins aux intérêts dont il est chargé, qu’il soit rémunéré ou non.
(Décision du 3 mai 2000)
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