article - organisation de femmes Egalité
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Travail des femmes Licenciements aux 3 Suisses Les employées refusent d'être sacrifiées pour engraisser les actionnaires! Tout dernièrement, pendant la campagne des élections présidentielles, la lutte des ouvrières de Lejaby, des employées des 3 Suisses, celle des femmes de Sodimedical, de Paru Vendu… ont montré que l'exigence d'interdire les licenciements boursiers est largement partagée par les femmes travailleuses. Aujourd'hui, les plans de licenciements prolifèrent. La réponse doit être politique : l'interdiction des licenciements boursiers est une exigence sociale qui attend une réponse immédiate ! Nous saluons le courage des ex-salariées des 3 Suisses, femmes debout, qui ont rompu leur isolement, pour tenir tête et se mobiliser pour démasquer les intentions des actionnaires déguisant en licenciements économiques des licenciements boursiers. C'est la force du collectif, c'est aussi la lutte du syndicat, c'est la solidarité de celles et ceux qui les soutiennent, qui leur permettent de tenir bon et de créer le rapport de force nécessaire pour imposer leurs revendications. Le 10 avril, elles sont là, à la bourse de travail de Paris : Marie, Julie, Sylvie, Ouardia, Christine, Catherine, Adeline, Séverine … Des rassemblements, des réunions pour expliquer leur lutte, des échanges pour s'organiser et se faire connaître, elles n'arrêtent pas. dé de les remplacer par le WEB et de les mettre à la porte. Le patron a profité de la situation parce qu'elles n'étaient pas syndiquées, sans grande expérience de lutte, comme beaucoup de femmes qui exercent dans la vente. De plus, elles étaient réparties dans des boutiques sur toute la France. Elles travaillaient pour les 3 Suisses ; elles avaient 10 ans, 13 ans, 15 ans… 35 ans de maison et " alors qu'on nous a toujours félicitées pour notre travail, du jour au lendemain, parce qu'ils ont fait un " choix de stratégie ", parce que les actionnaires ont décidé d'arrêter une activité, on se passe de nous ! Humainement, la situation a été très difficile à vivre, avec un manque de respect total. Cela nous a donné des ailes pour dire que nous n'acceptions pas d'être traitées comme ça ". Le groupe 3 SUISSES International c'est : 3 Suisses France, Becquet, Blanche Porte, Helline, Quelle, Unigro, Vitrine Magique - Implanté dans 16 pays, - 10e groupe de e-commerce en Europe, - 3ème groupe de e-commerce en France, - 8300 collaborateurs à travers toute l'Europe (Helline, Quelle, Unigro, Vitrine Magique) - 1,9 milliards € de chiffre d'affaire en 2011 Des années de compétence foulées au pied pour le profit de quelques-uns Principaux propriétaires : - Otto : 51 % Actionnaire majoritaire N°1 Mondial du e-commerce 181 millions de résultat net pour 2010 et 2011 2011 : Chiffre d'affaire 11,404 milliards d'euros (augmentation de 12,5% par rapport à 2010) - Association Familiale Mulliez (AFM) : 44% La famille Mulliez est aussi propriétaire de Décathlon, Auchan, Saint Maclou, Boulanger, Flunch… 1ère fortune de France (30,4 milliards d'euros en 2010) Elles travaillaient dans le commerce, chargées de la relation avec la clientèle, de la vente, apportant des informations et des conseils, assumant des tâches administratives,… toujours disponibles, à l'écoute, souriantes,…responsables de magasins, conseillères téléphoniques, hôtesses commerciales. Ce sont des métiers exercés principalement par les femmes, des métiers mal reconnus et peu payés. Et après des années de service, les propriétaires de l'entreprise ont déci- 20 Egalité 65 - juin 2012 Travail des femmes " Avant même que le Plan de Sauvegarde pour l'Emploi (PSE) ne soit accepté, on nous a proposé une transaction : entre 3 et 10 mois de salaire, selon l'ancienneté, si l'on s'engageait à ne pas saisir les Prud'hommes. Les actionnaires ont sans doute pensé que toutes ces femmes exerçant des métiers dévalorisés qui n'ont pas de visibilité sociale, qui sont considérés comme insignifiants par le patronat, lui qui refuse de reconnaître les compétences et les pénibilités de ce travail, que ces femmes allaient tout gober. Mais ils se sont trompés ! Nous avons refusé. Nous avons résisté. Nous avons dénoncé les licenciements qui n'étaient pas justifiés… Alors la pression a été forte pour nous faire taire, pour nous diviser, pour monter les collègues qui n'étaient pas licenciées contre nous ". On nous dit souvent que le travail coûte cher au capital et qu'il faut diminuer les coûts de production, qu'il ne faut pas augmenter les salaires, qu'il faut licencier les uns pour protéger l'emploi des autres… Mais la vie nous montre que c'est l'inverse : c'est le capital qui nous coûte cher à nous toutes et tous, et à la société toute entière. Avide de profit, il détruit les richesses créées, il détruit le travail, il détruit nos vies ! De restructurations en plans de licenciements Cette entreprise de vente à distance, créée en 1932, à Roubaix, sous le nom de Filatures des 3 Suisses, deviendra par la suite les 3 Suisses. Le nouveau propriétaire majoritaire est le Groupe Otto Versand, leader mondial de la vente à distance. Depuis 2009, l'entreprise n'a cessé de licencier. En 2009, la direction avait promis que le P.S.E éviterait toute autre restructuration : on voit comment elle tient ses promesses ! En 10 ans, plusieurs plans sociaux se sont succédé. En 2009, l'entreprise a procédé à 850 licenciements, en majorité des femmes des centres d'appel. En 2010, 69 licenciements ont été prononcés dans le réseau des magasins de déstockage. En 2011, on comptait 247 licenciements hors intérimaires. Jusqu'en janvier dernier, 149 personnes travaillaient dans le réseau des 35 h Témoignage de Séverine Je ne vais pas revenir sur le contexte de notre PSE, car cela a déjà été fait pendant notre réunion. Je voulais juste donner mon sentiment sur cette période difficile. Nous avons été informées de la fermeture des boutiques par un communiqué, lu par le responsable détail par téléphone au mois de février 2011. Nous avons dû en informer les équipes sans beaucoup d'explications. Nous avons dû vivre cette période sans accompagnement du service RH. Nous avons eu une réunion pour l'équipe de St Etienne sur Lyon, dans un hôtel Ibis, réunion pendant laquelle il m'a été communiqué le montant de mon indemnité légale, et le montant de ma transactionnelle que je pourrais toucher seulement si je signais une décharge stipulant que je ne ferai pas de procédure prud'hommale. Tout ça s'est passé en décembre 2011. Nous avons fermé les boutiques au public le 21/01, et le 25 au soir nous avons rendu seules les clés à un agent de sécurité au courant de rien. Bref, tout ça pour dire que nous sommes passées par tous les états d'âme : incompréhension, déni, colère, injustice, révolte. La direction n'a jamais fait preuve de respect, de considération ou de reconnaissance pour tout le travail accompli par les équipes sur le terrain. Nous perdons notre travail avec perte et fracas. Que l'entreprise ait besoin d'évoluer et de se restructurer me paraît normal voir même nécessaire. Mais depuis le début, la direction ne joue pas franc jeu. Éparpillées sur tout le territoire, donc très isolées les unes des autres, et en plus des femmes, ils pensaient pouvoir faire ce qu'ils voulaient sans que l'on réagisse, comme pour les derniers PSE. Pour nous, il ne s'agit pas d'un licenciement économique, mais d'une restructuration d'entreprise. Mais la lumière a été faite sur ces licenciements boursiers. Nous, nous voulions garder un travail et cela aurait été possible avec l'actionnaire Mulliez qui possède Auchan, Décathlon, Leroy Merlin... Ce combat des LICENCI'ELLES est un combat d'ex-salariées 3 Suisses qui n'acceptent pas que l'on puisse traiter des employées de cette façon. Nous sommes des femmes de conviction et qui avons des valeurs à défendre. Nous refusons que les licenciements boursiers soient une fatalité. Il y a des lois, et elles sont pour toutes et tous. Les grands groupes ne peuvent pas être au dessus de tout parce qu'ils font beaucoup de bénéfices. Il faut dire STOP et se battre pour nous, ex-salariées 3 Suisses, et pour toutes celles qui se retrouvent dans notre situation. Un PSE est difficile à vivre, car nous sommes fragilisées, affaiblies et nous avons peur pour l'avenir. Les grandes entreprises telles que 3 Suisses ne peuvent pas profiter de cette situation pour faire des profits et laisser les salariées dans une situation précaire. 21 Egalité 65 - juin 2012 Travail des femmes espaces-boutiques répartis dans toute la hFrance (le reste étant au siège). C'est en janvier 2012 que les 3 Suisses décident de fermer définitivement toutes les boutiques, pour se consacrer uniquement au commerce sur internet, licenciant ainsi 149 employés dont 145 sont des femmes. Parmi elles, 69 ont refusé les conditions du licenciement économique et ont décidé de le contester. Avec la CGT, elles ont saisi les Prud'hommes pour licenciement abusif. Pour se défendre et mobiliser, elles se sont regroupées au sein de l'association Licenci'elles. (voir encadré) Le 7 juin, une délégation de Femmes Egalité a participé au rassemblement de soutien aux ex salariées des 3 Suisses au tribunal de Roubaix, puis à la mairie de Lille. Parmi les manifestants : une forte délégation des Good Year, des licenciés de Samsonite, de La Redoute, des syndicalistes de la Fnac, des élus, des associations féministes, … Tous ont dénoncé avec force les patrons voyous. 3 Suisses : une entreprise qui appartient à un groupe florissant Si nous ajoutons à cela que la pérennité des emplois transférés n'était pas assurée ... !! Cette entreprise appartient pourtant à un groupe bénéficiaire. De l'argent, il y en a. Les principaux actionnaires du groupe, la famille Mulliez (première fortune de France) et l'allemand Otto (troisième groupe mondial de vente par correspondance) perçoivent de confortables dividendes : 340 millions d'euros leur ont été versés entre 2008 et 2010 ! Les licenciements sont bel et bien des licenciements dits “boursiers”. A la suite de chaque plan de licenciement, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté. Ils licencient pour gagner encore plus d'argent ! De plus, les propositions de reclassement pour les salariées étaient insignifiantes : ils n'ont proposé que 9 postes, alors que les hôtesses commerciales auraient pu être transférées dans d'autres enseignes du groupe ! Et les indemnités ? Dérisoires au regard des capacités du groupe !! Pour les Licenci’elles : le cynisme des actionnaires ne passe plus ! Les ex-salariées des 3 suisses dénoncent avec courage et acharnement ce cynisme des actionnaires qui s'engraissent avec des profits tandis qu'ils jettent à la rue plus de deux cent salariés. Elles nous montrent la voie à suivre. Nous avons manifesté notre solidarité dès leur premier rassemblement. Et nous serons à leurs côtés le 7 juin, à Roubaix, date de la conciliation au Conseil des Prud'hommes. Les travailleurs et travailleuses de Goodyear, Samsonite, La Redoute, Blanche Porte seront présents, eux aussi. r Marie, secrétaire de l'association explique : L'objectif de l'association Licenci'elles est d'aider les ex-salariés des 3 Suisses, d'assurer un soutien moral à ses adhérents et à leur famille et de mener toute action permettant d'obtenir réparation des préjudices subis auprès de leur employeur. Licenci'elles souhaite se faire connaître et pouvoir ainsi aider les salariés qui luttent contre les licenciements économiques dans les entreprises ou les groupes qui font des bénéfices. Vous pouvez signer la pétition sur notre site : www.femmes-egalite.org Envoyez votre soutien financier à Licenci'elles : 68 avenue de la Fosse aux Chênes 59100 Roubaix- chèques libellés à l'ordre de : Licenci'elles 22 Egalité 65 - juin 2012