Newsletter - Schellenberg Wittmer

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Newsletter - Schellenberg Wittmer
a v oc a t s
m a rs 2 0 1 3
Newsletter
Auteurs:
Pietro Sansonetti
Harun Can
ta x
Paiements d'intérêts en franchise d'impôt anticipé par des
sociétés suisses faisant partie d'un groupe
Les intérêts payés au sein d'un groupe suisse de sociétés sur les prêts inter-compagnies ne sont en
principe pas assujettis à l’impôt anticipé. Cette Newsletter décrit la manière selon laquelle les groupes
de sociétés doivent procéder afin que ces flux ne soient pas requalifiés comme dividendes ou comme
partie de rémunération d’un financement obligataire, ce qui les assujettirait à l’impôt anticipé à 35%.
1
INTRODUCTION
La façon dont est financée une société suisse faisant partie
d’un groupe de sociétés entraîne la plupart du temps des
répercussions importantes sur son bénéfice. Les règles fiscales suisses admettent la déduction des intérêts. Plus la
part de fonds étrangers au sein d’une société suisse faisant
partie d’un groupe est élevée (et donc plus le montant d’intérêts payés est important), plus son bénéfice imposable se
verra réduit. Aussi, d’un point de vue fiscal, le financement
par fonds étrangers est, par comparaison avec celui au moyen
de fonds propres, la méthode de financement la plus
attrayante, et ceci pas seulement en Suisse.
Les intérêts payés par un débiteur domicilié en Suisse sur
un prêt inter-compagnie non garanti sont, en règle générale, déductibles et ne sont donc pas soumis à l’impôt anticipé suisse. Deux cas de figure font toutefois exception à
cette règle:
>>
Les intérêts payés par la société suisse faisant partie d’un
groupe peuvent être requalifiés, en tout ou partie, en distributions de bénéfices dissimulés aux actionnaires ou à
des personnes proches lorsqu’ils sont trop élevés par rapport aux règles suisse sur le capital propre dissimulé ("thin
capitalisation rules" ou règle de sous-capitalisation).
>>
Le prêt inter-compagnie est qualifié comme partie d’un
financement obligataire ou comme un avoir de clients.
Il convient maintenant d’examiner ces deux cas:
2
R E Q U A L I F I C AT I O N D E S I N T É R Ê T S E N D I S T R I BUTION DE BÉNÉFICES DISSIMULÉS
2 . 1 G énér a li t és
Afin d’éviter un financement étranger trop important et donc
des intérêts déductibles trop élevés, la Confédération et les
cantons ont édicté par le biais de règles applicables au capital
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propre dissimulé une "base erosion rule" figurant à l’art. 65 de
la Loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) ainsi que dans
les lois cantonales correspondantes. Selon ces dispositions, la
déductibilité des intérêts peut être fiscalement refusée, en tout
ou partie, dès lors que la créance justifiant les intérêts doit être
qualifiée, d’un point de vue économique, de capital propre. En
d’autres termes, ces dispositions empêchent que le bénéfice
soit excessivement réduit par des intérêts passifs trop élevés.
Elles sont appliquées de façon similaire en matière d’impôt
anticipé lors de la détermination des bénéfices dissimulés.
En se basant sur l’art. 65 LIFD, l’Administration fédérale
des contributions a publié le 6 juin 1997 la Circulaire
numéro 6 intitulée "Capital propre dissimulé des sociétés
de capitaux et des sociétés coopératives" limitant la déductibilité de ce type d’intérêts au sein des groupes de sociétés. Cette circulaire est appliquée en règle générale par les
cantons en matière de détermination du bénéfice imposable pour les impôts cantonaux et communaux.
2 . 2 Trois t es t s a p p lic a bles p our dé t erminer
le p ri x en t re t iers
Dans la circulaire mentionnée ci-dessus, l’Administration
fédérale des contributions a instauré les trois conditions
cumulatives suivantes pour déterminer la non-déductibilité
fiscale des intérêts:
>>
L’intérêt va-t-il être payé à une personne proche?
>>
La part de fonds étrangers est-elle trop élevée?
>>
Les intérêts sur les fonds étrangers admis sont-ils
trop élevés?
2 . 3 Pa y emen t des in t érê t s à une p ersonne
p roc h e ?
Le propriétaire direct ou indirect des actions (c’est-à-dire la
société mère), les personnes (physiques ou morales) qui lui
sont liées au sein du groupe de sociétés ainsi qu’un tiers faisant écran sont considérés comme des personnes proches.
Lors de ce deuxième test, les autorités fiscales suisses vérifient si des fonds étrangers excessifs ont été accordés à la
société suisse du groupe lesquels ont abouti à des paiements
d’intérêts excessifs. En d’autres termes, les dites autorités
vérifient si, d’un point de vue purement fiscal, la société suisse
est suffisamment financée par le biais de fonds propres.
D’après la circulaire mentionnée ci-dessus, il est possible de
déterminer la part de fonds étrangers admissible en se basant
sur la valeur des actifs et sur certains pourcentages.
Le calcul se base sur la valeur vénale des actifs de la société
suisse. En pratique, les calculs sont toutefois souvent basés
sur la valeur comptable des actifs qui peut être plus faible
que la valeur vénale selon les règles de comptabilité suisse.
D’un point de vue fiscal et selon ce deuxième test, la part de
fonds étrangers obtenue par la société ne devrait pas dépasser la somme des pourcentages suivants à la fin de la période
fiscale.
Liquidités
100 %
Créances pour livraisons et prestations
85 %
Autres créances
85 %
Stocks de marchandises
85 %
Autres actifs circulants
85 %
Obligations suisses et étrangères en francs suisses 90 %
Obligations étrangères en monnaie étrangère
80 %
Actions cotées suisses et étrangères
60 %
Autres actions et parts de sàrl
50 %
Participations
70 %
Prêts
85 %
Installations, machines, outillage, etc.
50 %
Immeubles d’exploitation
70 %
Villas, propriétés par étages, maisons de vacances
et terrains à bâtir
70 %
Autres immeubles
80 %
Frais de constitution, d’augmentation de capital et
d’organisation
0%
Autres actifs immatériels
70 %
Ainsi, par exemple, lorsqu’une banque perçoit des intérêts d’une
société suisse du groupe, et que le prêt est garanti par une personne proche du groupe, les intérêts passés par la société
suisse seront considérés comme payés à une personne proche.
Une fois les actifs multipliés par ces pourcentages "safe
harbor", il peut être déterminé si les fonds étrangers effectifs dépassent la limite maximale admissible des fonds. Si
tel est le cas, et dans la mesure où les fonds étrangers ont
été mis à disposition par des personnes proches, la part
excédentaire est fiscalement requalifiée en capital propre
dissimulé. La société suisse visée peut cependant apporter
la preuve qu’il s’agit de financements qui seraient accordés
par des tiers. C’est pourquoi ces pourcentages sont qualifiés de "safe harbor".
Dans la mesure où les intérêts ne sont pas versés à une personne proche, ils sont en principe entièrement déductibles,
sauf s’ils constituent, par exemple, un "Debt Push Down"
dans le cadre d’une acquisition avec une fusion subséquente.
Le capital propre dissimulé est assujetti à l’impôt cantonal et
communal sur le capital. Il convient ici de rappeler que cet
impôt sur le capital est très bas, par comparaison avec l’impôt sur le bénéfice, (normalement en dessous de 0.3%).
"Dans la mesure où des intérêts sont
payés à un tiers, ceux-ci sont en
principe entièrement déductibles."
2 . 5 L es in t érê t s sur les fonds é t r a ngers
a dmis son t - ils t ro p éle v és ?
Les administrations fiscales cantonales examinent attentivement les intérêts payés directement ou indirectement à de
telles personnes proches.
2 . 4 L a pa r t de fonds é t r a ngers es t - elle
t ro p éle v ée ?
S’il a été établi qu’un paiement à une personne proche est
intervenu, il convient de vérifier si la part de fonds étrangers est trop importante.
Ce dernier test permet de vérifier si la limite maximale
admissible des fonds étrangers multipliée par les taux
d’intérêts "safe harbor" aboutit à un montant d’intérêts
plus bas que celui effectivement payé à des personnes (ou
entités) proches par le groupe suisse de sociétés.
Les taux d’intérêts "safe harbor" publiés par l’Administration fédérale des Contributions, dont les cours sont fixés
annuellement, étaient pour l’année 2013, les suivants:
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Mars 2013
Pour les prêts en francs suisses: taux maximal de 3.75%
pour les crédits d’exploitation à court terme des entreprises suisses de commerces et de fabrication, taux maximal de 3.25% pour les crédits d’exploitation à court terme
des holdings et les sociétés de gestion de patrimoine et
taux maximal de 1.5% ou 2.75% pour les crédits immobiliers selon la nature du crédit et la nature du financement.
Pour les prêts en monnaies étrangères, les taux "safe harbor" suivants s’appliquent:
PaysMonnaie2011 2012 2013
UE
EUR
USA
USD
Royaume-UniGBP
Canada
CAD
Norvège NOK
SingaporeSGD
Corée du Sud
KRW
3.02.51.75
2.52.01.75
3.0
2.5
1.75
3.0 2.252.25
4.0 3.753.25
2.52.01.75
4.5
4.25
3.5
anticipé (LIA), la société suisse doit prendre en compte le
fait qu’une partie des intérêts sera requalifiée en distribution dissimulée de bénéfice.
Les intérêts excédentaires, c’est-à-dire la différence entre
les intérêts effectifs plus élevés et les intérêts plus bas
admis fiscalement sera considéré comme du bénéfice
imposable (dans notre exemple les 7.25 Millions EUR), et
requalifié en distribution dissimulée de bénéfice, soumis à
l’impôt anticipé de 35%. Dans le cas où l’impôt anticipé
n’est pas déduit des intérêts excédentaires, l’impôt anticipé s’élève même à 53.85% car l’Administration fiscale des
Contributions considère la distribution dissimulée originelle de 7.25 Millions EUR comme un payement à 65%.
Les créanciers suisses qui reçoivent une telle distribution
dissimulée de bénéfice et se la voient imposée en tant que
revenu peuvent normalement se voir restituer l’impôt anticipé. En revanche, les créanciers étrangers doivent
demander une telle restitution sur les bases d’une convention fiscale conclues par la Suisse.
2 . 6 E x em p le de c a lcul
L’exemple simplifié suivant démontre la façon dont l’intérêt déductible maximal est calculé en application de trois
conditions cumulatives exposées ci-dessus:
Une société luxembourgeoise de fonds d’investissement
immobiliers constitue une société immobilière en Suisse.
Elle finance cette société de façon agressive par le biais de
prêts non garantis à hauteur de 90 Millions EUR et par des
fonds propres à hauteur de 10 Millions EUR. Le taux d’intérêt du prêt est de 10%.
La société suisse dégage un bénéfice avant impôts et intérêts de 15 Millions EUR, pour l’année 2012. Elle paye à la
société mère luxembourgeoise un intérêt de 9 Millions EUR
(10% du prêt de 90 Millions EUR).
La société immobilière suisse a récemment acquis un
bien-fonds industriel d’une valeur de 100 Millions EUR.
Selon les dispositions suisses en matière de capital propre
dissimulé, la société immobilière ne peut payer des intérêts que sur 70 Millions EUR de fonds étrangers (d’un point
de vue fiscal, 70% au maximum de la valeur de ces
immeubles peuvent être financés par fonds étrangers).
Sur ces fonds étrangers admis, la société ne peut appliquer qu’un taux d’intérêts de 2.5%, en application des taux
publiés par l’Administration fédérale des contributions.
En d’autres termes seuls des intérêts à hauteur de 1.75
Million EUR seront considérés comme déductibles d’un
point de vue fiscal (70 Millions multiplié par 2.5%). Le reste
(ici 7.25 Millions EUR) sera réintégré dans le bénéfice
imposable de la société suisse.
La société immobilière peut toutefois, grâce par exemple à
une étude de prix de transfert, démontrer que son financement effectif serait accordé par un tiers.
2 . 7 C onséquences en m at i è re d ’ im p ô t a n t ici p é
des pa y emen t s d ’ in t érê t s e x cessifs
Quelles sont maintenant les conséquences en matière
d’impôt anticipé lorsque le troisième test démontre un
payement d’intérêts excessif à une personne proche? En
pareil cas, d’après l’art. 4.1 de la Loi fédérale sur l’impôt
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P R E T S PA R T I E D E F I N A N C E M E N T O B L I G ATA I R E
O U AV O I R S D E S C L I E N T S
Les paiements d’intérêts obtenus par une société suisse
de prêts inter-compagnie ne sont en principe pas soumis à
l’impôt anticipé puisque l’article 4 de la Loi fédérale sur
l’impôt anticipé (LIA) dispose que seuls les intérêts d’obligations d’emprunt, d’obligations de caisse et d’avoirs de
client sont soumis à l’impôt anticipé.
Les autorités fiscales Suisses ont dû ainsi déterminer les
conditions auxquelles un prêt (y compris un prêt inter-compagnie) doit être considéré comme une forme de financement obligataire ou comme un avoir de clients et de sorte
que les intérêts relatifs soient soumis à l’impôt anticipé.
D’après la pratique publiée, un prêt entre société de même
groupe est considéré comme partie d’un financement
obligataire lorsqu’un débiteur suisse emprunte régulièrement de l’argent à taux variable à plus de 20 créanciers
(sans compter les banques) contre l’émission de reconnaissances de dette et que la somme totale de ces émissions est au moins égale à 500.000 CHF. Il s’agit de ladite
règle des 20 créanciers non bancaires. Ces règles trouvent
également à s’appliquer lorsque la société suisse garantit
la substance des prêts d’une société étrangère du groupe
et laisse ainsi les fonds arriver en Suisse.
On se trouve en revanche en présence d’avoir de clients
quand une société suisse a plus de 100 créanciers (sans
compter les banques) et que la somme totale de cette dette
est supérieure à 5 Millions de francs suisses.
La société suisse du groupe peut et al. éviter l’impôt anticipé en s’abstenant de fournir au sens de l’article 14a de
l’ordonnance d’application de la loi fédérale sur l’impôt
anticipé (OIA) des garanties en faveur de sociétés étrangères du groupe.
"La société suisse faisant partie d’un
groupe peut et al. éviter l’impôt anticipé
en ne fournissant pas de garanties."
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mars 2013
Si cela ne lui est pas possible, la société suisse garantissant l’obligation doit s’assurer qu’elle ne tombe pas sous le
coup de la règle des 20 créanciers non-bancaires par le
biais d’un suivi de ses fonds étrangers et qu’il n’existe
aucun avoir de clients. A cet effet, elle doit surveiller son
financement par fonds étrangers. Ainsi, il est notamment
conseillé de s’assurer que des prêts intragroupes ne soient
pas transférés ou démembrés sans l’accord explicite de la
société. Il y a également lieu de vérifier que cela n’aboutira
pas à un retour en Suisse d’obligations souscrite et garanties à l’étranger.
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S Y N THÈ S E
Afin de s’assurer qu’une société suisse d’un groupe ne soit
pas assujettie au paiement de l’impôt anticipé sur les intérêts, et que les intérêts soient déductibles de l’impôt sur
les bénéfices, ladite société ne doit payer que les intérêts
respectant les règles de "safe harbor" édictées par l’Administration fédérale des Contributions applicables à la
détermination du capital propre dissimulé.
En outre, la société suisse doit s’assurer qu’elle ne donne
aucune garantie pour des sociétés étrangères du groupe
afin de pouvoir bénéficier des dispositions protectrices de
l’article 14a OIA.
Dans le cas où il s’avérera nécessaire de fournir des garanties
substantielles et exigibles à des sociétés étrangères du groupe,
la société suisse doit s’assurer que les fonds empruntés à
l’étranger en exécution de ces obligations ne soient pas transférés en Suisse et que les prêts inter-compagnie ne puissent
être transmis à un tiers qu’avec son accord.
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