C a rd io - fr é quencem è t res et sports d`endurance
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Mise à jour 22/11/99 19:30 < DOSSIER > Adaptations cardiovasculaires Cardio-fréquencemètres et sports d’endurance De la théorie à la pratique Dr Th. LAPORTE L’ utilisation du cardiofréquencemètre (CFM) en pratique sportive découle des profonds changements qui ont eu lieu dans l’approche de la préparation du sportif d’endurance depuis une vingtaine d'années. Le choix de cet appare i l comme outil de base pour l’entraînement moderne possède de très nombreux partisans mais encore quelques détracteurs. Pour certains spécialistes « s’entraîner sans c a rd i o - f r é q u e n c e m è t re est devenu presque aussi archaïque que de courir pied nu » (S.Cottereau 1998). Sans être aussi enthousiaste, force est de constater qu'une judicieuse utilisation de cet instrument permet de réaliser un entraînement personnalisé, efficace et sécurisant. Néanmoins, la réalité est tout a u t re puisque si 50 % des coureurs actuellement possèdent un CFM seulement la moitié l'utilise et parmi ceuxci un faible pourcentage de façon judicieuse et donc efficace, d'où les détracteurs. Il est donc indispensable pour p e r m et t re une utilisation logique du CFM, d'en c o n n a î t re les modalités d'emploi mais tout d’abord d’appréhender les différentes preuves à partir desquelles la fréquence cardiaque (FC) a pu être scientifiquement reconnue comme un fidèle reflet de la dépense énergétique réalisée au cours d'un effort d’intensité donnée (Fig.1). Figure 1 : le cardio-fréquencemètre comprend un émetteur (ceinture thoracique) et un récepteur (bracelet montre). ❚A - La fréquence cardiaque : reflet fidèle de la consommation d’oxygène à l’effort L’ utilisation de l'indice fréquence card i a que pour quantifier l'intensité d'un effort est une pratique très ancienne. Elle résulte de l'équation de Fick. Celui-ci a démontré que la consommation d’oxygène ou VO2 (principal déterminant de la performance lors d’une activité sportive d'endurance) résulte du produit du débit cardiaque par la différence artérioveineuse en oxygène (DavO2). Si ce dernier facteur c o r respond à la quantité d'oxygène que les muscles sollicités extraient de la circulation sanguine à chaque passage, le débit cardiaque, lui, est le produit de la fréquence cardiaque par le volume d'éjection systolique (VES), c’est-à-dire par le volume de sang oxygéné p ropulsé par le ventricule gauche à chaque contraction de celui-ci. La VO2 augmente de façon directement proportionnelle à l'intensité d'une activité physique, jusqu'à un certain niveau au-delà duquel celle-ci n’augmente plus et va plafonner à une valeur maximale encore appelée VO2 max. Pour les efforts d’intensité faible : jusqu'à environ 40 % de VO2 max (correspondant à un effort de marche rapide MÉDECINS DU SPORT par exemple) la croissance de la VO2 s’effectue essentiellement par augmentation de l’inotropisme du myocarde (et donc du VES), et par augmentation de la DavO2 ; l'accélération de la FC restant très modeste pour ces niveaux de sollicitation physique. Pour des efforts de moyenne à forte intensité : c’est-à-dire mobilisant de 50 à 100 % la VO2 max, il est bien démontré que l'augmentation de la VO2 ne se réalise plus que par la seule accélération de la fréquence cardiaque, pendant que le VES et la DavO2 plafonnent. Pour ces intensités 21 N°32-DÉCEMBRE 1999 d'effort (correspondant à la dépense énergétique de toutes les allures de la course : des séances d’échauffement aux séries en fractionné), la FC se retrouve ainsi être le fidèle reflet de la consommation d'oxygène (Fig.2). ■ Mécanismes régulateurs de la fréquence cardiaque à l'effort •Pour chaque individu et pour un niveau d’activité donné, la fréquence cardiaque effective correspond au produit de la fréquence c a rdiaque dite intrinsèque (celle qui “serait obtenue” en en levant le cœur de l’orga- MDS 32 - 21 à 27 Dossier 22/11/99 19:30 Adaptations cardiovasculaires nisme) par deux facteurs : - l'un "n" frénateur, (témoin de l'influence du système vagal), - l'autre “m” accélérateur (influence du système sympathique). •Pour les efforts d'intensité modérée (jusqu'à 60 % de VO2 max) l'accélération de la FC est essentiellement liée à la levée progressive du frein vagal. •Pour tout effort supérieur à 60 % de VO2 max, l'accélération de FC est liée à l'augmentation d'activité du système sympathique (augmentation des catécholamines circulantes). •Tout entraînement à faible intensité va essentiellement stimuler le tonus vagal (FC plus basse pour un même niveau d’effort). •Tout entraînement à forte intensité permet de conserver un tonus sympathique c o r rect et d’éviter de t rop “brider” le potentiel d'augmentation de la fréquence cardiaque à l'effort. ■ La relation FC –VO2 : conséquences pratiques Il existe un rapport direct de p roportionnalité entre le p o u rcentage de VO2 max sollicité lors d'un effort, et le p o u rcentage de réserve cardiaque utilisé. •La réserve cardiaque correspond à la valeur de la différence entre la FC maximale et la FC “de repos”. Il s'agit d'une donnée individuelle relativement délicate à utiliser en pratique. •La relation entre les pourcentages de VO2 max et de FC max obtenues pour un niveau d’effort donné, est plus facile à exploiter “sur le t e r r a i n ” ; celle-ci est moins d i recte, mais s'établit à 8-10 % prés en faveur de la FC (par exemple un eff o r t mobilisant 80 % de la VO2 max sera réalisé à 88 +/- 1 % de la FC max). •Quoiqu’il en soit, la réserve c a rdiaque d’un sportif se Page 22 < DOSSIER > Figure 2 : Test de type rampe “20W/min” sur vélo. Notons l’évolution directement parallèle de la VO2 et de la FC, tant à l’effort qu’en récupération. Figure 4 : Comparaison entre les FC max réelles sur tapis roulant et les FC max théoriques (220 - âge) chez 59 sportifs (d’après O’Toole). Figure 3 : Dérive de la F Cl o rs d’un effort prolongé d’intensité constante ,celle ci apparaît environ après 10 min d’état stable.Elle compense la diminution du VES (deshydratation, conséquences de la thermrégulation) à fin de maintenir un débit cardiaque constant (d’après Rovell 1977). trouve être le principal déterminant de sa VO2 max Les athlètes de haut niveau arrivent ainsi à quadrupler leurs valeurs de FC de repos à leur VO2 max (celle-ci passant par exemple de 50/min au repos à 200/min au niveau de la VO2 max). •La participation des deux a u t res déterminants de la VO 2 (VES et DavO2 ) est m o i n d re ; les diff é re n t e s études leur accordent au maximum un coefficient multiplicateur de deux à chacun. •Les procédés d’entraînement moderne consistent ainsi en un mélange harmonieux de séances dites quantitatives (en “volume”), certes indispensables pour stimuler la filière d'utilisation des acides gras pour un niveau d’effort donné (effet d’épargne glucidique), et permettant ainsi de rendre un effort sous-maximal “davantage sous-maximal”, et de séances dites qualitatives (en “intensité”) qui, outre l’entretien d’une FC max la MÉDECINS DU SPORT plus élevée possible, permettent d’habituer les muscles sollicités à recevoir un débit sanguin élevé, et d’adapter ainsi leurs systèmes enzymatiques oxydatifs. ■ La notion de rendement énerg é t i q u e d'une course Le rendement énerg é t i q u e ou “coût énergétique” d’une activité sportive d’endurance est un paramètre fondamental qui fait partie des principaux déterminants de la performance. Ce rendement correspond au rapport entre le travail réalisé et l'énergie dépensée pour le réaliser. Pour la course à pied par exemple, ce rapport peut se traduire par : Vitesse/VO2 et, compte tenu des considérations précédentes, par : Vitesse/FC. Le coureur dispose ainsi de deux indices aisément contrôlables sur le terrain (vitesse réalisée par le contrôle du temps de passage au kilomètre et FC sollicitée sur la 22 N°32-DÉCEMBRE 1999 distance parcourue grâce au CFM), qui vont le renseigner d i rectement sur le coût énergétique de sa foulée. Tout protocole d’entraînement aura pour but d’améliorer ce rendement (obtention d’une vitesse supérieure pour un même niveau de FC). A l’inverse, tout état de fatigue, ou toute dégradation des conditions enviro n n ementales (chaleur et/ou humidité excessives) vont entraîner une moindre économie de course (diminution de la vitesse pour une même valeur de FC). D ’ a u t res qualificatifs sont parfois utilisés pour désigner cette notion de rendement : comme “économie de course” ou encore “efficacité de la foulée”. ■ Les pièges de la relation vitesse/ fréquence cardiaque Cette relation n’est scientifiquement validée que dans les conditions dites “d’état stable”, c’est-à-dire lorsque l’apport en MDS 32 - 21 à 27 Dossier 22/11/99 19:30 Page 23 < DOSSIER > O2 est constant en réponse à une demande énergétique elle aussi constante. Cependant, l’obtention de ces conditions n’est pas immédiate, cette relation ne se vérifiant plus dans les situations dites “intermédiaires” suivantes. •L'inerti e de mise en route des systèmes transporteurs de l’oxygène en début d'effort. Cette relative lenteur dans l’accélération de la FC correspond au délai de mise en action des systèmes trans- portant l'oxygène de l'air ambiant où il est prélevé, aux muscles où il est utilisé. Ce délai est variable (de 3 à 13 minutes) et proportionnel à l'intensité de l’effort. Il est notablement raccourci par l'échauffement préalable. Il est impératif de prendre en considération ce délai lors de la réalisation d'un effort de courte durée (ce qui représente une limite dans l’utilisation du CFM pour le travail en fractionné), ou lors des premières minutes d’un effort de plus faible intensité mais de durée plus longue. Un entraînement bien conduit permet de diminuer ce délai pour un même niveau d’exercice (phénomène facilement vérifiable grâce au port du CFM). •La période de récupération Le retour à la fréquence cardiaque initiale en phase de récupération n’est pas immédiat, il s’effectue progressivement suivant une décroissance mono-exponentielle (cf. chapitre1). Il est classique de parler d'une bonne capa- Adaptations cardiovasculaires cité de récupération lorsque la fréquence cardiaque baisse de 15 % à la fin de la première minute, et de 30 % à la troisième minute par rapport à la FC atteinte en fin d’effort. Le contrôle de la FC grâce au CFM permet, là aussi, d'avoir un bon aperçu sur la qualité de la récupération, elle-même constituant le précieux témoin de l’efficacité de l’entraînement. Ainsi toute diminution de la pente de décroissance de la FC peut témoigner d’un état de fatigue ou de surentraînement. ❚B - Les limites ❚C - Cardio- d’utilisation de l’indice fréquence cardiaque fréquencemètres : de la théorie à la pratique Il est classique de constater une “dérive cardiaque” lors d'un effort prolongé réalisé à intensité constante. Par “dérive cardiaque”, on entend une augmentation lente et immuable de la fréquence cardiaque au fil du temps. Cette augmentation pouvant parfois dépasser 10 à 15 battements/minute, elle apparaît toujours après une période de stabilité initiale correspondant à l’état stable qui, selon les études, peut durer elle-même de 20 à50 minutes. Les causes de cette dérive sont multiples. Aux rôles de la thermorégulation et de la déshydratation s’ajoutent la diminution de l’efficacité “mécanique” de la foulée, ainsi qu’une possible fatigue du myocarde (Fig. 3). •Quoiqu'il en soit, l'importance de la dérive est d'autant plus grande : - Que l'effort est plus intense. - Que les conditions climatiques sont plus défavorables (proportionnelle à la somme : degré d'humidité + degré de la température sèche). •De nombreux travaux ont clairement démontré que l’intensité de la dérive est diminuée par un mode d’entraînement approprié. - Soit lors de séances spécifiques, c’est-à-dire réalisées dans les conditions climatiques de la course prévue et sur le même type de terrain. - Soit lors de séances réalisées à l'allure dite "au train" c’est-à-dire à l'allure présumée pour la course préparée ; cette dernière séance améliorant spécifiquement le maintien d'une bonne efficacité mécanique de la foulée dans le temps. •L’utilisation d’un cardiofréquencemètre va permettre au sportif de dépister et de quantifier cette dérive ainsi que d’en appréhender les principales causes (déshydratation notamment) et enfin de contrôler l'efficacité de son entraînement par la diminution de l’importance de cette dérive pour une même intensité d’exercice. MÉDECINS DU SPORT L’utilisation de plages de FC est donc possible pour élaborer un programme d’entraînement. La détermination de “zones de travail” est indispensable avant d'utiliser le CFM. Les repères essentiels à définir sont : la fréquence cardiaque maximale (FC max) et les fréquences cardiaques dites "aux seuils". ■ Détermination de la FC max Pour chaque sportif, la FC max est un critère individuel et reproductible nécessitant une détermination personnelle (Fig. 4). Il faut déconseiller toute évaluation "statistique" de celle-ci par la classique formule d'Astrand (220 – l’âge) élaborée à partir de tests réalisés sur vélo, et dont l’intervalle de confiance est de plus ou moins 15 battements/ min. Cette détermination individuelle est indispensable puisque les différentes séances d’entraînement sont construites sur la base d’un 23 N°32-DÉCEMBRE 1999 “certain” pourcentage de la FC max ; toute erreur sur la détermination de celle-ci risque donc de fausser l’objectif visé dans les différents types de séances programmées. Les épreuves de détermination mises à la disposition du sportif sont de deux types : • Les tests de labor atoire Ils doivent être adaptés à la discipline sportive concernée ( c o u reur sur tapis ro u l a n t avec pente de 1 %, cycliste sur vélo), et à l’état de forme du “moment” (protocole basé sur la performance récente sur 10 0 0 0 m ou sur semimarathon) du coureur. Idéalement, au test d'effort sera couplée une mesure des échanges gazeux re s p i r atoires permettant ainsi une évaluation “directe” de la VO2 max. La valeur de FC max retenue sera celle obtenue au niveau de puissance correspondant à la VO2 max du sportif. Ceci permet d’éviter de la sous-évaluer (plateau de vo2 non atteint chez un sportif MDS 32 - 21 à 27 Dossier 22/11/99 19:30 Adaptations cardiovasculaires fatigué ou peu motivé) ou plus rarement de la surévaluer (sujet très “résistant” à capacité anaérobique élevée, maintenant longtemps une intensité supramaximale). La vitesse aérobie maximale (Vam) correspond à l’intensité d’effort où sont mesurés VO2 max et FC max ; pour le cycliste, il s’agit de la puissance aérobie maximale (Pam). Parmi les inconvénients de ces procédures de laboratoire, retenons la lourdeur de l’équipement nécessaire, le coût de la procédure, mais aussi le caractère très “opérateur dépendant” de la réalisation du test : les résultats devant être absolument fiables et reproductibles pour permettre ensuite l’élaboration d’un programme d’entraînement adapté et efficace. • Les tests de terr ain - Le CAT test est le plus simple à mettre en œuvre. Il consiste à réaliser une course de 2 0 0 0 à 3 0 0 0 mètres en accélérant progressivement de manière à terminer sur les 200 derniers mètres à la vitesse la plus grande p o s s i b l e ; la valeur de FC obtenue à l’arrivée sera retenue comme étant la FC max. - Le test de Conconi est une course sur piste de 400 mètres avec accélération progressive et régulière de la vitesse réglée par un moniteur et arrêt à l’épuisement. - Le test de Léger et Boucher : sur piste aussi, vitesse augmentée de 1 km/h toutes les 2 minutes. La vitesse est imposée par des bips sonores ; un système de bornes placées tous les cinquante mètres permettant au sujet de mieux ajuster sa foulée sur la vitesse demandée. Le dernier palier complété correspond à la Vam, donne la FC max et permet d’extrapoler la VO2 max (égale à la Vam multipliée par 3,5). Page 24 < DOSSIER > Ces tests sont plus pratiques à réaliser et moins onéreux que les tests de laboratoire ; ils sont néanmoins plus sensibles à la motivation du sujet avec le risque, difficilement décelable, de sous-évaluation des valeurs obtenues. Ils dépendent aussi des conditions climatiques le jour du test d’où une reproductibilité plus délicate. ■ Détermination des valeurs de fréquence cardiaque “aux seuils” Le terme “seuil” est très largement répandu dans tous les protocoles d’entraînement moderne proposés par les entraîneurs ou la presse spécialisée. Il existe cependant une extrême confusion dans la terminologie, la signification exacte de ces seuils et les méthodes de détermination de ceux-ci. Leurs recherches sont réalisées lors d'un test de type triangulaire ou de type “rampe” à incrémentation de charge très faible, soit par l’étude de la cinétique des lactates par prélèvements sanguins ; soit par le recueil d'indices ventilatoires obtenus lors de la mesure des échanges gazeux respiratoires. • Avec l'une ou l'autre technique, au cours de l’épreuve d’effort deux “seuils” successifs peuvent être individualisés . - Le seuil d'apparition des lactates (classique seuil “aérobie”) et le seuil d'accumulation des lactates (classique seuil “anaérobie”). - Le seuil d'adaptation ventilatoire (communément appelé seuil "ana é rob ie ventilat o i r e " ) et le seuil d'inadaptation ventilatoire (ou seuil de décompensation de l’acidose respiratoire). premier seuil ventilatoire ainsi qu'entre le deuxième seuil lactique et le deuxième seuil ventilatoire. Si la genèse de l'apparition des seuils paraît de plus en plus être multifactorielle, il existe néanmoins un consensus actuel pour définitivement abandonner les termes aérobie et anaérobie, qui n’ont aucune signification physiologique valable. •Il est néanmoins admis que lors d’un effort d’intensité progressivement croissante : - au début, l’apport en oxygène est suffisant pour assumer les besoins énergétiques des muscles en activité ; l'utilisation des substrats (essentiellement les acides gras libres) en tant que “carburant” permet, avec l'oxygène comme “comburant”, de produire l'énergie nécessaire pour ce niveau d’effort ; il en résulte une élimination de CO2 (par la ventilation) parallèle à la consommation d'oxygène ; - à partir d’une intensité d’effort correspondant à environ 60 à 70 % de la V O 2 max, la seule filière "aérobie" devient insuffisante pour assumer la demande énergétique ; conjointement, une deuxième filière est sol- Chaque méthode de mesure a ses avantages et ses inconvénients, ses partisans et ses détracteurs. Toujours est-il que lors d'études comparatives réalisées sur le même sujet avec le même protocole, il paraît bien exister une bonne concomittance entre le premier seuil lactique et le MÉDECINS DU SPORT licitée permettant la production d'un surcroît d'énergie, la lactatémie (résultat du rapport production sur élimination des lactates) va alors augmenter (premier seuil lactique) ; ce surcroît lactique sanguin va provoquer une augmentation des ions H+, immédiatement tamponnés par les bicarbonates avec production accrue de CO2 ; ceci induit une stimulation accrue de la ventilation (premier seuil ventilatoire) ; d’autres stimulis interviennent aussi comme les catécholamines, l’ammonium, le potassium ; la cassure de la courbe de ventilation paraît donc multifactorielle et non exclusivement lié à la cinétique des lactates ; - ensuite, plus l'intensité d'effort augmente, plus la part de la deuxième filière devient prépondérante ; - à partir d’une certaine intensité, le pouvoir que possède l’organisme à tamponner l'acide lactique est dépassé ; il en découle une accumulation des lactates sanguins (production supérieure à l’élimination) et une acidose métabolique (deuxième seuil lactique) avec une deuxième augmentation du débit ventilatoire (deuxième seuil ventilatoire) ; Figure 5 : Test de Terrain (Vaméval) avec recueil des indices FC (par un CFM) et des indices sanguins lactiques (prélèvements ). Notons chez ce sportif une bonne concomittance seuil 2 /seuil de Conconi. 24 N°32-DÉCEMBRE 1999 MDS 32 - 21 à 27 Dossier 22/11/99 19:30 Page 25 < DOSSIER > - la poursuite d'une activité intense au-delà de ce deuxième seuil, sera limitée en durée par l'accumulation des lactates, l’acidose et la tétanisation musculaire entraînée par cette situation métabolique. • La détermination “statistique”des deux seuils Ils sont exprimés en pourcentage de la FC max, selon une fourchette de valeurs, compte tenu de la considérable influence du niveau d’entraînement sur l’importance de ce pourcentage ; T.Meyer (12) a très récemment montré chez 36 cyclistes, que si la lactatémie moyennée relevée à 85 % de la FC max moyennée correspondait à l’importance au seuil individuel anaérobie moyenné, par contre pris individuellement les valeurs de FC à ce seuil individuel se situaient dans une large fourchette (entre 87 % et 118 % !) de la valeur de FC statistiquement retenue. Fort de ces réserves, le premier seuil est proposé entre 75 % (pour les novices) et 85 voire 90 % pour les plus entraînés ; le second seuil entre 85 % et 9 5 % (voire parfois 98 à 1 0 0 % !) en retenant les mêmes précautions. • En Pratique : Pour chaque individu, à chaque seuil correspond un repère en vitesse et un repère en fréquence cardiaque ; paramètres aisément exploitables sur le terrain. • De multiples travaux démontrent l'indiscutable efficacité d'un procédé d’entraînement basé sur ces deux seuils et ce, quelle que soit la méthode (lactique ou ventilatoire) choisie pour les déterminer. de la vitesse. Ce point de déflexion correspond, selon eux, de façon assez précise aux deuxième seuil lactique. Cette notion est intéressante car elle permet de déterminer à partir des tests indirects de terrain ce seuil (Fig.5). Cette correspondance point de déflexion /deuxième seuil a été néanmoins très décriée dans la littérature (50 % de partisans, 50 % de détracteurs). Il semble néanmoins qu'à condition de réaliser un test progressif à faible incrémentation de puissance, la correspondance soit bonne chez 80 à 90 % des sujets, mais essentiellement pour le paramètre FC, beaucoup moins pour la vitesse. ■ Les autres “seuils” • Le seuil de Fr équence Cardiaque de Conconi En 1982, Conconi et coll. ont décrit un test de terrain permettant d’observer une déflexion de la courbe de fréquence cardiaque en fonction Cette déflexion reste mal expliquée sur le plan physiologique et ne semble pas avoir de lien de causalité avec la situation métabolique à ce moment du test. Néanmoins, à l’heure actuelle aucun cardiofréquencemètre ne Adaptations cardiovasculaires propose de logiciel intégré permettant le calcul de ce seuil ! • Le seuil de “v ariabilité sinusale” Basé sur le séduisant concept de la diminution de la variabilité sinusale lors d’un effort d’intensité croissante, lié à l’augmentation progressive du taux des catécholamines. Pour certains auteurs, il existerait une concordance entre le seuil des catécholamines (luimême assimilable au premier seuil ventilatoire) et une cassure de la courbe de diminution de la variabilité sinusale à l’effort. Un fabricant de cardiofréquencemètre vient de proposer un modèle intégrant un logiciel permettant d’établir trois niveaux d’activité basés sur la détermination de ce seuil. Une validation scientifique de ce concept est nécessaire. ❚D - Le cardio fréquencemètre sur le terrain ■ Indispensable à l’entraînement Fort des considérations précédentes et de leur nécessaire détermination individuelle au préalable, le sportif est en possession de plusieurs indices. • Trois qui sont peu utilisables en pratique : la VO2 max et les valeurs de VO2 (en valeur absolue ou mieux en pourcentage de VO 2 max) aux deux seuils. • Six directement exploitables qui sont successivement la Vam (ou la Pam) et la FC max ; les vitesses (ou puissance) et fréquence cardiaque au premier seuil ; les vitesses (ou puissance) et fréquence cardiaque au second seuil. L'exploitation pratique de ces critères varie selon les écoles. Figure 6 : Etude Longitudinale chez 13 triathlètes.Comparaison des indices “performance”et “FC”après 3 mois d’entraînement. Noter l’amélioration nette des puissances aux seuils et maximales, alors que les valeurs de FC à ces seuils n’ont pas bougé, témoignant de l’exellente fiabilité et stabilité dans le temps de l’indice FC. Etude réalisée par C.Foster (9). • Certains privilégient l'indice vitesse. Ceci nécessite une évaluation précise au préalable de la vitesse maximale aérobie. Or la détermination de la Vam dépend étroitement du protocole utilisé et ne tient pas compte des conditions externes (climatique ou des perturbations temporaires de la condition physique) le jour MÉDECINS DU SPORT du test. La progression de cet indice (lié à l’efficacité de l’entraînement) nécessite sa réévaluation fréquente en cours de saison. Par ailleurs les programmes basés sur les pourcentages de Vam ne tiennent absolument pas compte de la variabilité du coût énergétique à l'effort lors des séances d’entraînement, ce 25 N°32-DÉCEMBRE 1999 coût étant étroitement tributaire des conditions climatiques, du terrain utilisé (piste ou sous bois), et de la condition physique du moment. • D’autres privilégient l'indice fréquence cardiaque. A condition bien entendu d'utiliser un CFM fiable (rapidité de réactualisation de la valeur de la FC selon l’intensité de l’exer- MDS 32 - 21 à 27 Dossier 22/11/99 19:30 Page 26 < DOSSIER > Adaptations cardiovasculaires Figure 8 : Cas d’un marathonien de 52 ans consultant pour “malaises” en course. Bilan normal (clinique, ECG, échographie, épreuve d’effort).Enregistrement grâce à un CFM de deux courtes salves de tachycardie à 180/200/min lors d’une séance d entraînement à vitesse constante. L’exploration electrophysiologique a montré l’existence de salves de tachycardie supraventriculaires de type “Bouveret”. cice). Les séances d’entraînement seront alors plus “physiologiquement adaptées” à la condition physique “du jour” du sportif. Par ailleurs de récentes études de suivie longitudinal de sportifs après trois mois d’entraînement ont démontré une excellente stabilité des valeurs de FC aux seuils cependant qu’il existait une amélioration significative des indices vitesse et VO2 à ces mêmes seuils (C. Foster 1999). Ceci démontre l’excellente reproductibilité dans le temps Figure 7 : Document type remis au sportif à l’issue d’un test complet. MÉDECINS DU SPORT Figure 9 : Exemple d’utilisation d’un CFM sur course de 10 Km. Noter la stabilité de la FC sur les 7 premiers Km, l’accélération sur les trois derniers avec le sprint final et la récupération ensuite. (enreg. avec polar PC coach) de l’indice FC par rapport à l’indice vitesse (Fig.6). Enfin ce type d’entraînement permettra de dépister très tôt un surentraînement (valeur de la FC en récupération, augmentation de la FC au repos) ou un sous-entraînement (par la baisse du rapport vitesse/FC ou une stagnation de celui-ci au fil du temps). L'idéal paraît donc de prendre en compte les deux indices (FC et vitesse) tout en réservant une certaine priorité à la fréquence cardiaque (pour les raisons évidentes développées précédemment). Ainsi quatre “zones de travail” vont permettre d’élaborer des procédés d’entraînement personnalisés. 1• La zone “d’endurance fondamentale”. L’utilisation du CFM va permettre d’optimiser l’efficacité de cette séance “en volume” en travaillant juste (5 battements/min) en dessous du premier seuil. 2• La zone “d’endurance active”. Le travail à cette intensité (environ 5 battements/min au-dessus du premier seuil) permettant de retarder significativement l’apparition de ce seuil. Il s’agit aussi d’une séance continue réalisée en respectant la règle des “3 T” c’est-à-dire sur une distance égale au tiers de celle de la compétition préparée. 3• La zone correspondant au deuxième seuil classiquement appelée “séance 26 N°32-DÉCEMBRE 1999 au seuil anaérobie” ou encore “en résistance d u r e ” . Le travail peut être intermittent (avec priorité à l’indice vitesse) ; soit continue (sur 30 minutes environ) à une FC légèrement supérieure au second seuil. 4• La zone correspondant à la VO2 max. Le travail sera réalisé en “fractionné court” (de type 30/30 essentiellement), l’indice de référence sera ici la Vam, le CFM ayant ici un rôle accessoire (fonction chronomètre, analyse rétrospective de l’alternance accélération/diminution de la FC, étude de la récupération) (Fig. 7). ■ Le cardio fréquencemètre en course, ou Le principe du "Connais toi, toi-même" Seuls les athlètes de haut niveau sont véritablement capables de valider cette maxime et de gérer parfaitement "l'écoute de leur corps" et surtout "l'écoute de leur souffle". Chez l'athlète tout venant, une étude récente (6) a montré la grande variabilité individuelle subjective de la perception de l'intensité d'effort, celle-ci semblant être plutôt surestimée par les sportifs testés dans cette étude. D'autres études plus anciennes, semblent démontrer le contraire. Grâce au contrôle permanent de la FC, MDS 32 - 21 à 27 Dossier 22/11/99 19:31 Page 27 < DOSSIER > le sportif peut ainsi être "à l'écoute de son cœur", ce qui va lui permettre d’éviter le “surrégime” et l’abandon (Fig.8). Cependant pour différentes raisons encore toutes mal connues (stress de la course avec surcroît de catécholamines ?) la valeur de FC pour une vitesse donnée est souvent supérieure à celle obtenue à l’entraînement, avec comme conséquence la possibilité de “brider” le coureur (Fig. 9). Ainsi, il peut être fortement conseillé d’utiliser le CFM pour une première compétition sur une distance non réalisée auparavant, dans des conditions climatiques inhabituelles (forte chaleur ou hygrométrie élevée), ou sur parcours vallonné (le contrôle de la FC va permettre de doser “l’accélération” en descente et “le ralentissement” en montée de manière à maintenir une dépense énergétique stable en restant dans le même intervalle de FC). Cependant, le plus souvent, le sportif pourra s’en passer, la course sera calquée sur l’indice vitesse ; cette vitesse de course ayant idéalement été déterminée quelques jours avant sur une séance d’entraînement “spécifique” (moitié de la distance de la compétition préparée) réalisée à la fréquence cardiaque adéquate : les données de la littérature montrant qu'un marathon peut s’effectuer à une fréquence cardiaque égale ou légèrement supérieure à celle du premier seuil ; le semi-marathon à une Adaptations cardiovasculaires fréquence cardiaque intermédiaire entre les deux seuils ; un 10 000 mètres au niveau du deuxième seuil, voire légèrement au-delà. ❚E - Conclusion L’utilisation du cardio-fréquencemètre permet une approche à la fois moderne, efficace et sécurisante des sports d’endurance dont essentiellement la course à pied et le cyclisme. Il permet d’adapter la contrainte de l’entraînement en fonctions des variations de la condition physique et des conditions envi- ronnementales. Si beaucoup de progrès ont été obtenus dans l’élaboration des procédures d’utilisation, l’avenir doit s’orienter vers la conception d’appareils plus sophistiqués avec des émetteurs plus précis et miniaturisés et des récepteurs dotés de logiciels permettant l’autodétermination des zones d’exercice. BIBLIOGRAPHIE Chapitre 1 1 . Clausen JP. Effect of physical training on cardiovascular adjustements to exercise in man. Phys Rev 1977 ; 57 : 779-815. 2. Convertino VA. Blood volume : its adaptation to endurance training. Med Sci Sports Exerc 1991 ; 23 : 1338-1348. 3 . Ehrsam RE, Perruchoud A, Oberholzer M et al. Influence of age on pulmonary haemodynamics at rest and during supine exercise. Clin Sci 1983 ; 65 : 653-660. 4 . Green DJ, O’Driscoll G, Blanksby BA et al. Control of skeletal muscle blood flow during dynamic exercise. Sports Med 1996 ; 21 : 119-146. 5 . Gurtner HP, Walser P, Fässler B. Normal values for pulmonary hemodynamics at rest and during exercise in man. 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