La recherche universitaire… version « cowboy

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La recherche universitaire… version « cowboy
Article 35
Comité école et société
Décembre 2010
Le 25 novembre dernier, se tenait à l’UQÀM une journée de réflexion sur l’état de l’Université québécoise
et son avenir. Organisée par la Table des partenaires universitaires (TPU), dont la FNEEQ est membre,
cette activité a réuni des participantes et des participants de différents groupes syndiqués ou associés du
monde universitaire : les professeurs et chargés de cours, les employés de soutien et les professionnels
ainsi que les diverses associations étudiantes. Une journée riche en idées, qui a servi de cadre au
lancement d’un manifeste de l’Université québécoise, fruit d’un consensus parmi ces partenaires, et qui a
été rendu public lors d’une conférence de presse. Cette opération de réflexion collective a été organisée
pour annoncer les positions communes de la TPU en vue de la journée sur l’Université, convoquée par la
ministre de l’Éducation, le 6 décembre prochain à Québec.
Journée nationale de réflexion : L’Université pour tout le monde !
L’activité programmée était composée de plénières et d’ateliers afin de couvrir les différents aspects de
la préoccupation actuelle : le financement, la mission sociale et les autres missions de l’Université,
l’administration des établissements, l’accessibilité et les frais de scolarité, ainsi que les conditions de
travail des personnels. Bien que tenue à Montréal, l’activité était diffusée simultanément en
vidéoconférence auprès des universités à travers le Québec, afin de multiplier la participation des
intéressés.
Les problèmes actuels de l’Université québécoise
La plénière d’ouverture invitait deux spécialistes de la question universitaire : les sociologues Gilles
Gagné de l’Université Laval et Robert Laplante de l’IREC. Ceux-ci ont discuté des problèmes actuels de
l’Université sous les thèmes de l’asservissement des universités à l’économie du savoir, de
l’administration comptable des établissements, de la nouvelle gestion publique et ses conséquences sur
les missions de l’Université. Selon les conférenciers, l’Université adopte un programme néolibéral et un
modèle en voie d’éclatement qui instaurent une morosité généralisée au sein de la communauté. La
critique de la formule de financement a fait l’objet d’un exposé qui s’est consacré à déboulonner
certains mythes : la pseudo pénurie des ressources publiques et la nouvelle gouvernance que voudrait
instaurer le gouvernement. On s’est aussi attaqué à l’incohérence du débat sur les priorités publiques et
bien sûr, la question d’une hausse appréhendée des frais de scolarité a été au cœur des discussions.
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Journée nationale de réflexion : L’Université pour tout le monde !
Chronique 35 - Décembre 2010
Dans les ateliers, les participants ont poursuivi la réflexion sur des aspects particuliers de ce diagnostic,
comme : la place de la recherche face à l’enseignement, la mission sociale de service aux collectivités,
l’accessibilité ouverte – et désormais menacée – pour les étudiants endettés, la place faite aux jeunes
étudiants et aux adultes dans la formation universitaire. Un résumé des échanges a été présenté avant
la plénière de fin de journée, au cours de laquelle on a pu entendre Guy Rocher, grand sociologue
québécois qui a participé à la rédaction du Rapport Parent au cours des années 1960.
L’Université, d’hier à aujourd’hui
Monsieur Rocher, humble devant son impressionnant parcours universitaire et rappelant ses 86 ans, a
soulevé l’enthousiasme des participants par sa conférence et ses réponses aux questions de la salle.
D’abord, Guy Rocher a félicité la TPU pour son manifeste – dont il partage entièrement l’analyse et les
positions – le qualifiant d’événement attendu dans l’histoire de nos universités. Sur le thème Constats et
perspectives, le conférencier a tracé l’évolution de l’Université québécoise depuis les années 1950,
énonçant les strates sur lesquelles repose cette institution de grande importance pour la collectivité.
Avant 1950, nos universités étaient, dit-il, des embryons d’institutions dominées par l’Église et le
colonisateur anglais – qui a accordé une place prépondérante à l’Université McGill. Dès 1960, le
gouvernement du Québec décida de financer publiquement les universités comme bien collectif
indispensable à l’émancipation citoyenne. Il créa l’Université du Québec et ses constituantes régionales,
gela les frais de scolarité et instaura un système de bourses pour stimuler l’accessibilité. La
déconfessionnalisation et la syndicalisation ont marqué les années 1970, mais l’expansion de la
recherche subventionnée, à la fin des années 1980, a suscité de nombreuses tensions internes dans les
établissements, générant une orientation nouvelle potentiellement préjudiciable à la mission. Les
années 1990 ont amené l’intégration forcée de l’Université dans un marché de la concurrence
internationale, mettant en place un modèle systémique contraignant.
En conclusion, Guy Rocher a proposé trois champs de travail pour l’avenir de l’Université. Le premier
concerne les rapports de l’Université avec les divers pouvoirs de la société et sa mise en dépendance. Il
réclame l’indépendance des établissements et la liberté de ses commettants. Le second champ est un
appel à la communauté universitaire à maintenir une institution de réflexion critique afin de revoir les
impératifs de sa mission – exigeante et centrale – dans la vie collective, car l’Université est propagatrice
de vérités du savoir et des connaissances diffusées. Le troisième champ met l’accent sur la collégialité au
sein des établissements et sur l’importance des regroupements dans la communauté universitaire pour
préserver sa place dans la gouvernance. En ce sens, il adhère aux positions du manifeste qu’il considère
comme une base de réflexion générale sur l’avenir de l’Université au Québec.
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Journée nationale de réflexion : L’Université pour tout le monde !
Chronique 35 - Décembre 2010
La journée s’est conclue par un appel à la tenue d’États généraux sur l’avenir de nos universités, et une
dénonciation de la rencontre du 6 décembre parce que, dit M. Rocher, « les dés semblent pipés et les
décisions déjà prises, preuve d’un grave défaut de dialogue social ». Les participants ont sollicité
l’opinion du conférencier sur différents sujets d’inquiétude. Le plus remarqué de ses avis a été celui-ci :
« les banques, qui endettent les étudiants, et les entreprises, qui profitent de la formation universitaire,
doivent contribuer davantage en redevances au financement des universités ».
La Table des partenaires universitaires invite tous les intéressés à appuyer le manifestei et à se présenter
à Québec, le 6 décembre prochain, pour dénoncer la manœuvre gouvernementale de consultation
bidon. L’Université québécoise doit se mobiliser, car son avenir est en jeu.
Terminons avec cet extrait du manifeste de la TPU, qui donne le ton:
« Nous défendons une université qui, par la transmission de connaissances
fondamentales, contribue au développement de la société dans un esprit
académique et scientifique libre, désintéressé et démocratique. Une université
financée selon ses besoins en fonction de tous les programmes offerts qui, chacun
à leur manière, participent à la réalisation de sa mission première et contribuent
à bâtir une société aux dimensions tout aussi plurielles. »
On peut rejoindre le comité école et société à l’adresse : [email protected]
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On trouvera le texte intégral du manifeste de la TPU sur le site de la FNEEQ
:
http://www.fneeq.qc.ca/opencms/opencms/fr/universites/publications/2010-11-25-Manifeste-long-FINAL-1.pdf
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