j`abandonne, toi non plus

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j`abandonne, toi non plus
Proposition d'article pour RAID Equestre
Loup y es-tu? Qui es-tu?
Portrait d'un cavalier d'endurance.
On le croise à fleur de peau, il appelle tout le monde "mon loup", tout le monde l'appelle "le
Loup". Il est ici, il est là-bas. Imprévisible, tantôt en haut, tantôt en bas, il est rarement là où
on le croyait être.
Il est des gens dont la vie est une trajectoire au passé rectiligne. Ils étaient ainsi qu'ils sont
aujourd'hui et on devine que demain sera de même. "Le Loup", quant à lui, trace une ligne
brisée avec des blancs un peu partout. Entrepreneur hier, maraîcher aujourd'hui, cavalier
depuis toujours, il suit ses émotions, à la poursuite insensée d'un bonheur qui souvent lui
échappe par la force des êtres.
Amateur de bonne chaire et froisseur de tôle à ses heures, il semble vivre dans l'instant.
Volontiers paillard dans les moments de fête, mais souvent solitaire quand même, généreux
par nature, plein d'amour et de haine, il se découvre peu tout en s'exposant beaucoup.
Cherchez-en le fond, vous ne le trouverez pas pourtant lui, parfois, semble avoir du mal à en
sortir. Car si "le Loup" se laisse facilement emporter aux sommets de l'enthousiasme et de
l'action il retourne souvent au creux d'une vague intime aux prises avec lui-même et un futur
qu'on devine alors obstacle.
Un Berton de bonne tenue
Furieux au Vigan et fulminant derechef contre le vétérinaire qui vient de sortir abusivement
sa jument, il proteste avec vigueur en des termes sans équivoques qui disent sa rage et son
refus d'injustice, car il vient de perdre là toute chance de qualification pour le championnat
du monde 2007 des 7/8 ans de Compiègne.
Mais le revoilà exultant alors que ce même cheval vient de gagner sous la selle uruguayenne
de Pío Olascoaga Amaya le championnat qui se dérobait à lui, offrant par là-même un
superbe pied de nez sans rancune au système de sélection national de l'époque. Bahia
Cathare se révélait la meilleure au niveau mondial dans une France qui n'avait pourtant pas
su la qualifier! Intéressant paradoxe, beau sujet de méditation. "Le Loup" revendiquait par là
un essentiel espace de liberté dans le droit fil de la tradition des Berton.
Resurgissaient une fois de plus à cette nouvelle occasion les gênes de l'indomptable et
monumentale grand-mère paternelle, solide initiatrice des courses de Nantes, importatrice
de choc de guano du Chili, émérite fabricante d'engrais de qualité, femme mythique de la
famille ayant initié toute une lignée de pensée qu'il clame haut et fort à longueur de vie.
Rien d'autre en fait qu'une essentielle aspiration de justice, de liberté et d'indépendance
qu'on aimerait voir plus répandue dans ce monde aujourd'hui soumis par vocation, lassitude
ou indifférence à tout ce qui passe devant la porte. Pensée unique et langue de bois,
seraient-elles devenues les deux mamelles guidant le monde par "voix" télévisuelle?
Ecartelé et entreprenant
Ecartelé dès sa plus jeune enfance entre l'atmosphère des courses de la vieille dame et celle
des chevaux de trait de son père, tandis que sa mère luttait avec ardeur pour l'écarter des
jeux d'argent auxquels on se livre "fautivement" sur les hippodromes, il se fit grand
randonneur avec des projets jamais réalisés d'exploration australienne.
Classé second au 1er grand prix du cheval de randonnée tenu dans la région parisienne, il se
souvient encore, submergé par l'émotion, que c'était là les prémisses de ce qui devint plus
tard le Trec et, tandis que l'endurance moderne naissait peu à peu, il balbutiait avec Denis
Proposition d'article pour RAID Equestre
Letartre, puis introduisait cette discipline en Loire Atlantique avec un vieux pote nommé
Bégaud. "Toute vérité vient de Nantes" a dit quelque part André Breton …
C'était l'époque "héroïque" où l'on débutait par 20 km à Pâques pour en faire 160 à Florac
en septembre, où il fût d'ailleurs classé en 1982 lors de la 2ère édition de cette course de 160
km devenue emblématique.
Mais les gênes de la bisaïeule rôdaient par là qui firent de lui un entrepreneur florissant. Il
monta sous leur effet une société d'emballage d'usines clef en mains à l'export. Improbable
activité en rupture de cursus puisqu'il avait commencé des études d'architecture. On sait
bien que cela mène un peu à tout, et il vous confiera comme un scoop, devant un petit
Muscadet sympathique et 33 degrés à l'ombre, que le dernier envoi de sa société, avant une
faillite brutale et retentissante venue de l'extérieur et laissant 50 employés sur le carreau de
la mine d'or, fût la dernière usine d'armement vendue par la France à son grand ami d'alors,
Saddam Hussein …
Sortant de faillite, bouclé-interrogé par la brigade financière qui ne lui trouva qu'un seul
défaut, celui de n'avoir pu empêcher la déconfiture de Thomson CSF son principal client, il
parti au radar le jour même en direction du sud, se jeta sur le menu gastronomique d'un
restaurant de bord de route comme pour conjurer le fait qu'il venait de tout perdre et
s'inscrivit sur l'épreuve de Montcuq comme on tourne une page. Nous étions en 1981 …
"Venez les petits"
On le retrouve alors partout. Il est aux Angles, chez les Pic, à Dubaï, entraîneur au 1er
championnat du monde, il achète Placide qui sera vendu par Cathy Brown à Sh. Mohammed
Al Makthoum, il acquière Menacer (qui vient de se placer 11ème sous la selle de Sarah Baudrit
au championnat du monde jeunes en Hongrie), il possède Nevada, mère de la célèbre
Gueule de Loup ... Il fera tous les petits boulots qu'on voudra bien lui confier jusqu'au jour
où il se dit qu'il pourrait faire partager à des jeunes déjà en vrille l'expérience de vie qui est
maintenant la sienne en y associant ses chevaux, compagnons de toujours.
C'est ainsi qu'il apparaît soudain dans les Pyrénées, puis enfin dans le Lot aux abords de
Cahors et maintenant à Souillac où il se lance avec passion comme toujours dans l'action.
Il organisera avec succès 2 années de suite le championnat de France des jeunes cavaliers à
Formiguières. On ne sait trop si c'était au programme éducatif des "jeunes" qu'il avait déjà
sous sa responsabilité ou seulement sous l'emprise de son besoin passionné d'agir avec et
pour autrui, mais il est sûr qu'une fois encore, il sortira de l'aventure avec un crédit de
plusieurs années à rembourser à un banquier local lorsqu'il fallu payer la remise en état des
terrains municipaux après les pluies diluviennes de la 2ème édition. Mais il est comme un
bouchon qui flotte encore, même à moitié noyé.
Ne croyant plus en un conseil municipal trop prompt à récolter les fruits du succès sans pour
autant assumer les conséquences du risque, il parti dans le Lot avec ses troupes et ses
chevaux.
Il est aujourd'hui producteur de safran et de fruits rouges avec Marianne, pas l'effigie
républicaine dévaluée, mais une vraie douce, bien aimante et réelle, issue d'une famille dont
les ressorts internes ne sont pas sans rappeler ceux de l'arrière grand-mère aux mannes
toujours présentes au fond de lui. Il fait les marchés du côté de Souillac et prépare des
paniers de légumes. Vient-il de retourner aux sources en retrouvant aussi le métier de son
père?
L'oiseau Berton serait-il alors en train de se poser après avoir fait un grand cercle de plus de
50 années?
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L'administration l'appelle Yannick Berton. Il est de ceux qui ont marqué les débuts de
l'endurance comme Denis Letartre, Denis Pesce ou Jack Bégaud et sont toujours présents …
à cheval et nulle part ailleurs, toujours en prise avec le présent, fût-il composé d'un déjà long
passé.
François Kerboul
09 2009