sex addict - Alcothèque
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alcotheque.org thinkovery.com SEX ADDICT Le 16 août 2016. Par Manon Siret. Michael Douglas, Tiger Woods, ou encore Dominique Strauss-kahn... Ils ont tous fait la une des journaux pour leurs pratiques sexuelles compulsives. Stratégie de défense ou réalité, ces personnalités brandissent l’argument d’une maladie encore peu reconnue : l’addiction sexuelle. Trouble sexuel, hypersexualité, ou compulsion sexuelle, la désignation et la reconnaissance de cette pathologie fait débat. Elle concernerait pourtant 3 à 6 % des adultes et présente tous les stades de l’addiction, du plaisir à la dépendance, semblable aux symptômes liés à l’alcool ou à la drogue. Le plaisir, la compulsion, le manque, la souffrance et le désespoir reviennent souvent dans les témoignages des sex-addicts. L’addiction sexuelle, tout comme la dépendance aux jeux vidéo, aux jeux d'argent, ou à l’activité physique, est une addiction dite comportementale dont les conséquences sont souvent désastreuses : divorce, perte de sommes d’argent faramineuses dépensées dans la prostitution ou les sites pornographiques, perte d’emploi, contraction de maladies sexuellement transmissibles, etc. Pourtant la reconnaissance de cette pathologie reste difficile. Loin d’être envisagée comme une drogue, la sexualité débridée, en particulier depuis 1968, est synonyme de liberté et d’épanouissement. Il a fallu attendre les années 1980 pour voir le concept d’addiction sexuelle défini par le psychologue américain Patrick Carnes, dans son ouvrage Out of the shadow : understanding sexual addiction. Jusqu’en 2013, le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), référence de toutes les maladies mentales outreAtlantique, ne reconnaît pas l’addiction sexuelle comme une drogue. C’est finalement le terme de « trouble hypersexuel », (terme qui exclut les comportements déviants) proposé par le psychiatre Martin Kafka, que l’on retrouve dans le DSM V (paru en 2013) pour désigner cette pathologie. Il y est défini comme une « fréquence excessive, non contrôlée et croissante, du comportement sexuel qui persiste en dépit des conséquences négatives possibles ». Cependant cette terminologie est loin de faire l’unanimité. La spirale addictive : du plaisir à la souffrance Lorsqu’il s’agit d’un comportement, et non d’une substance, il est difficile de situer la limite entre la normalité et la pathologie. L’hypersexualité n’est pas toujours une pathologie, tout comme la pratique intensive du sport n’est pas automatiquement une addiction. Comme le précise François-Xavier Poudat, psychiatre à l’institut fédératif des addictions comportementales, « l’hypersexualité n’est pas anormale. C’est à partir du moment où il y a une perte de contrôle que le trouble sexuel devient pathologique. On peut alors parler d’addiction ». Mais le point de référence pour toutes les thinkovery.com 16/08/2016 alcotheque.org addictions reste la grille de dépistage du psychiatre américain Aviel Goodman, établie dans les années 1990. À la suite de plusieurs tests, menés sur des sex-addicts, le psychiatre relève deux indicateurs fondamentaux dans l’addiction : la perte du contrôle et la poursuite du comportement en dépit de ses conséquences négatives. Deux critères que l’on retrouve dans la définition du « trouble hypersexuel » du DSM... L’addiction vient, étymologiquement, de l’expression ad dictus, c’est-à-dire celui qui « est dit à ». Au Moyen-Age, « était addicté » celui qui ne pouvait pas rembourser sa dette auprès de son créancier et devait alors travailler pour ce dernier. Le terme renvoyait alors à la notion d’esclavage. C’est bien plus tardivement qu’il se déclina au sens de la passion et de la dépendance. Le sex-addict est aussi l’esclave de son obsession. Tout comme le toxicomane, l’accro au sexe connaît le manque et le besoin incontrôlable d’avoir sa « dose ». La dépendance le pousse à enchaîner un nombre incalculable de partenaires et un recours à la masturbation plusieurs fois par jours (5 à 15 fois par jour) sur une période d’au moins six mois. L’obsession des fantasmes et des pulsions sexuelles le mène à vivre exclusivement pour la réalisation de ses pulsions. Les psychiatres américains Richard C. Reed et Denise A. Blaine distinguent quatre phases principales que l’on retrouve aussi dans la spirale addictive aux substances telles que la drogue ou l’alcool, l’obsession, la ritualisation, la compulsion sexuelle et enfin le désespoir, révélé par la perte de contrôle. « Dans l’addiction sexuelle, il n’y a pas d’apaisement dans le plaisir. La suractivité dopaminergique entraîne la création d’un besoin. Il s’agit donc de la satisfaction de ce besoin plutôt que du plaisir », souligne François-Xavier Poudat. « Les addictions sont des bouées de sauvetage » Combler un vide, une angoisse. Le comportement addictif vient généralement pallier un sentiment de détresse et d’abandon. Pour le psychoclinicien Vincent Estellon, auteur de l’ouvrage Les sex-addicts : « L’urgence de la demande, la dépendance au shoot, la pauvreté de la créativité sexuelle, le sentiment de ne pas exister en dehors du terrain addictif, l’augmentation des doses pour parvenir à la tranquillisation, tels sont les éléments quotidiens des toxicomanes de la sexualité, ceux que j’appellerai les égarés de l’amour ». La dépendance sexuelle est une stratégie de défense contre l’angoisse d’abandon et celle d’intrusion. Pour d’autres spécialistes, elle est un moyen de survie. « Les addictions sont des bouées de sauvetage, tel un mode de sécurisation artificielle, pour ne pas couler face à notre doute d’insécurité », précise François-Xavier Poudat. Bien souvent, les addicts présentent une certaine vulnérabilité psychologique. Dans 25 à 70 % des cas, ils cumulent les addictions comportementales (jeux d’argent, jeux vidéo, etc.) ou à des produits (psychotropes, alcool). Une addiction cérébrale Si la dépendance sexuelle part souvent d’une vulnérabilité, le cercle vicieux de l’addiction, lui, s’installe dans le cerveau. Telle une drogue, l’abus excessif du sexe dérègle les mécanismes naturels du plaisir et du désir. Une étude, publiée en 2014 et menée par une équipe de chercheurs du département psychiatrie de l’université de thinkovery.com 16/08/2016 alcotheque.org Cambridge, vient consolider la thèse de l’addiction. Grâce à l’imagerie cérébrale, les chercheurs ont pu observer l’activité cérébrale de 19 cobayes souffrant de troubles sexuels compulsifs. Placés face à des images pornographiques, leur activité cérébrale a été comparée à celle d’hommes ayant une activité sexuelle dite saine. Les chercheurs ont constaté que les cobayes activaient, face aux images pornographiques, trois régions cérébrales similaires à celles activées par les toxicomanes après un shoot. Celle du stratum ventral, zone impliquée dans la récompense, celle du cortex cingulaire antérieur qui s’active lors de l’anticipation de la récompense et de l’état de manque, et celle de l’amygdale, qui gère le traitement des événements et des émotions. L’addiction sexuelle augmenterait la sécrétion de dopamine et fausserait le circuit de la récompense au même titre que l’abus de drogue. En modifiant cet équilibre, l’addiction pousse les sujets à avoir des pratiques sexuelles plus fréquentes et plus intenses pour satisfaire un appétit sexuel insatiable. Qu’elle prenne l’apparence d’une poudre, d’un jeu ou du sexe, l’addiction reste la même. Les « égarés de l’amour » sont bien épris d’une addiction, peu importe le nom qu’on veuille lui donner. Des solutions existent pour se délivrer de son emprise, sans tomber dans l’abstinence. Thérapie, accompagnement et relation amoureuse peuvent redonner sa douceur à la sexualité. http://www.thinkovery.com/sex-addict thinkovery.com 16/08/2016