Changer la corvée de l`habillage
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Changer la corvée de l`habillage
Changer la corvée de l’habillage fait : Chad refuse de s’habiller. À bout de patience, elle prend les grands moyens. Elle l’habille elle-même à toute vitesse, tout en tentant de faire patienter les autres enfants qui, emmitouflés dans leur habit de neige, se plaignent d’avoir chaud. Stressée, Hélène s’empresse ensuite de s’habiller et de sortir dehors avec les enfants. Pourquoi subir une telle situation presque huit mois par année ? Nicole Malenfant Enseignante en éducation à l’enfance Collège Édouard-Montpetit et Université de Montréal Vêtements et chaussures bien choisis L Des vêtements adaptés à la saison et à l’enfant facilitent considérablement la tâche. On recommande des vêtements ni trop amples ni trop serrés, faciles à enfiler et à retirer, sans cordon ni ceinture, avec des fermoirs munis d’anneau ou de tige, des cache-cou plus sécuritaires que des foulards, des bottes et des chaussures sans lacets et avec attaches en velcro, un pantalon de neige avec élastique à la taille au lieu de salopettes, des mitaines plus faciles à enfiler et plus chaudes que des gants. Sans oublier des vêtements de rechange qu’on laisse au vestiaire en tout temps. Comment amener les parents à fournir les bons vêtements ? Commencez par les sensibiliser aux avantages pour leur enfant de porter des vêtements adaptés à lui et au contexte du service de garde. Souvent une affiche bien en vue, un mot dans le carnet de communication ou un rappel verbal suscitent la collaboration parentale souhaitée. Par contre, si c’est par manque d’argent ou par négligence que des parents ne fournissent pas les vêtements demandés, il faut discuter du problème avec la direction. L’identification des vêtements de l’enfant à l’aide d’étiquettes résis- es routines1 jouent un rôle primordial dans le déroulement harmonieux d’une journée. En plus de répondre aux besoins de base des enfants, ces activités sont des occasions propices de contribuer au développement de leur autonomie grandissante. Il en est de même pour l’habillage au vestiaire. La réussite de cette routine dépend de plusieurs conditions, dont l’environnement physique et le savoir-faire de l’éducatrice. Des vêtements adaptés à la saison et à l’enfant facilitent considérablement la tâche. Stress au vestiaire À l’approche de l’hiver, les éducatrices attendent l’instant mémorable où les enfants s’émerveilleront à la vue des premiers flocons et... où l’habillage au vestiaire se transformera en véritable cauchemar. « Allez, habille-toi. Tu n’auras pas le temps de jouer dehors si tu restes planté là. Tiens, voilà ton pantalon de neige. Dépêche-toi ! » Hélène, l’éducatrice, ne sait plus comment amener Chad, deux ans, à s’habiller. Elle a beau lui répéter la consigne en usant d’astuces, rien n’y Une fois les enfants Au vestiaire, habillés, faites-les asseoir l’éducatrice prend le long d’un mur et soin de son dos en offrez-leur un objet avec s’assoyant lors de lequel s’occuper. S A N S l’habillage. P É P I N S – V O L . 7 , N O 3 , O C T O B R E 2 0 0 5 1 tantes permet de les repérer et de retracer rapidement les articles égarés. Là aussi, la collaboration des parents est requise. Aidez-les en leur donnant les adresses de fournisseurs d’étiquettes d’identité. De votre côté, pour accompagner les enfants et profiter pleinement des activités extérieures, vous avez aussi besoin de vêtements adaptés à la température. En effet, avoir froid n’incite pas à jouer longtemps dehors ! progrès de votre apprenti. Prenez le temps de les lui souligner et de les mentionner à ses parents. Le plus souvent, un sourire ou un mot d’encouragement suffira à motiver les enfants à s’habiller. Par ailleurs, les comparaisons entre enfants sont à exclure des moyens de stimulation. Quant au procédé « Qui sera prêt le premier », populaire chez les plus vieux, il est préférable d’y recourir avec parcimonie pour éviter les incidents et le sentiment d’échec chez les enfants moins performants. En cas de difficultés persistantes chez un enfant, le recours à un petit carnet d’autocollants ou d’étampes peut améliorer ses performances. Mais, tous devraient pouvoir obtenir le même privilège lorsqu’ils ont terminé la tâche demandée. Qu’est-il vraiment capable de faire ? C’est le niveau de Enlever ses mitaines et développement son chapeau est la première habileté observable très tôt moteur de chez l’enfant alors que la capacité de lacer ses chaus- l’enfant, et non sures se remarque à partir de cinq ans seulement. À sa volonté, qui deux ans, le tout-petit peut mettre son pied dans la explique de telles Un peu de pratique chaussure qu’on lui présente et la retirer seul, si elle est différences dans En toute situation, les mêdétachée. C’est le niveau de mes conditions s’imposent développement moteur de les compétences. pour réussir l’habillage : savoir l’enfant, et non sa volonté, reconnaître et manier les vêqui explique de telles différences dans les compétences. Le déshabillage étant plus facile, concentrez vos efforts sur celui-ci lors des premières expériences au vestiaire. Les petites réussites motivent l’enfant à relever d’autres défis. Mettez l’accent sur un aspect à la fois, comme retirer ses bottes et les ranger au bon endroit. Une fois l’habileté acquise, passez à la suivante. Certains débutants vivent un tel découragement devant la tâche à accomplir qu’ils abandonnent vite la partie. L’aide d’un adulte ou d’un enfant plus vieux est alors nécessaire. Mais, évitez d’accourir à la moindre sollicitation de l’enfant. Laissez-le faire ses essais en l’observant du coin de l’œil et invitez-le à compléter l’opération que vous aurez commencée. D’étape en étape, de semaine en semaine, vous remarquerez les grands tements. Pour ce faire, offrez régulièrement aux enfants des occasions variées de s’y exercer. Les jeux de déguisement deviennent populaires à partir de l’âge de deux ans. Offrez aux enfants des ateliers où ils apprendront à boutonner et à déboutonner, à manier une fermeture éclair, à distinguer l’envers de l’endroit. Bref, l’habillage quel qu’il soit, représente une occasion en or pour favoriser de nombreux apprentissages tant au niveau psychomoteur qu’intellectuel. Au vestiaire, décrivez à voix haute les vête- Tout un exploit que de se chausser correctement quand on n’a que trois ans ! Les chaussures avec bande velcro y contribuent largement. Une organisation accrue s’impose lorsque l’habillage et le déshabillage se font avec des obstacles à franchir comme des escaliers. 2 S A N S P É P I N S – V O L . 7 , N O 3 , O C T O B R E 2 0 0 5 ments à mettre et les gestes à accomplir. Posez des questions selon l’habileté de l’enfant : « Où vas-tu mettre ton chapeau, Rachel ? ». Proposez des défis : « Montre-moi que tu peux mettre ton bras dans la manche ». N’ayez crainte de reprendre ces tactiques de jour en jour, car les répétitions aboutissent la plupart du temps à des résultats concluants. Les petits oublient parfois pourquoi ils doivent s’habiller. Il faut alors leur rappeler. Souvent, les consignes du genre « Allez, habille-toi », ne suffisent pas pour inciter un enfant à passer à l’action. Utilisez plutôt diverses astuces : « Mets ton pied dans ta botte de championne ». « Lorsque tu auras rangé tes chaussures dans le bac, je te ferai un grand sourire. » Un minimum d’attente et de pression maux en peluche. Fixez au mur une grande bande de papier sur laquelle les enfants dessinent à l’aide de crayons feutres solubles à l’eau, retenus par une corde semi-élastique. Peu importe les stratégies utilisées, assurez-vous de toujours veiller à la sécurité des enfants. Une activité à planifier La réussite de l’habillage au vestiaire passe inévitablement par une bonne planification. La notation des informations vous donne une vue d’ensemble de la situation à améliorer. En décrivant, par écrit, le déroulement de cette activité, vous risquez de voir apparaître des solutions. Établissez les priorités en matière de sécurité et d’interventions, identifiez les principales étapes et les consignes, déterminez la gradation des difficultés en fonction des capacités des enfants, préparez-vous à adopter les meilleures attitudes qui soit, tentez d’anticiper les problèmes d’emplacement et de déplacement. Par exemple, comment procéder en toute sécurité pour monter et descendre les escaliers avec des bébés, alors que le local et le vestiaire se trouvent au deuxième étage et la sortie au premier ? N’hésitez pas à partager vos craintes et insatisfactions avec vos collègues. Soutenue par une bonne préparation et un échange fructueux, vous serez plus confiante et par conséquent, plus habile à relever le défi de l’habillage. Affichez bien à la vue la marche à suivre prévue pour cette routine. Ainsi, les éducatrices qui prennent la relève en votre absence savent mieux comment agir. Un « plus » pour sécuriser les enfants. En observant les réactions des enfants, vous reconnaîtrez la meilleure façon de les soutenir. Les nombreux déplacements et les changements de lieux risquent de perturber les jeunes enfants ainsi que ceux aux prises avec des problèmes d’adaptation. Il faut chercher alors à les réduire le plus possible. L’habillage dans le local peut s’avérer la solution. Souvent, les éducatrices optent pour l’habillage partiel dans leur local où des crochets permettent aux apprentis de prendre et de ranger une partie de leurs effets, dont l’habit de neige. Il ne reste plus alors que les bottes, le chapeau et les mitaines à mettre au vestiaire. Certaines stratégies permettent de réduire les longues attentes lors de l’habillage. En premier lieu, limitez le nombre de personnes au vestiaire, quitte à établir un horaire de fréquentation : à 10 h, les Lucioles et les Canetons, à 10 h 30, les Mille-pattes et les Criquets, etc. Le jumelage d’un groupe d’enfants de deux ans avec un groupe de quatre ou cinq ans permet aux plus expérimentés d’aider les novices. Un avantage à considérer. Une fois habillés, les enfants devraient pouvoir sortir à l’extérieur en petits groupes avec une autre éducatrice. Sinon, faites-les asseoir le long d’un mur pour éviter l’éparpillement. Les voix autoritaires et les menaces n’ont pas leur raison d’être. Elles ne font qu’empirer la situation et stressent inutilement les enfants. Si vous sentez la tension monter, chantez pour ralentir votre respiration, ce qui vous calmera tout en agrémentant l’atmosphère. Pour faire patienter les enfants, offrez-leur du matériel simple et facile à prendre et à ranger, comme des albums photos ou des aniS A N S P É P I N S – V O L . Des crochets dans le local des enfants : un moyen à envisager pour faciliter la routine de l’habillage. 7 , N O 3 , O C T O B R E 2 0 0 5 3 En avoir plein le dos Vous ne savez plus où donner de la tête avec les demandes qui fusent de partout. « J’suis pas capable de mettre mes bottes. Je trouve plus mes mitaines. J’aime pas ça aller dehors. Y’a arrête pas de m’achaler. » Comme si ce n’était pas assez, vous voilà en train de courir après la petite Alice qui vient de s’enfuir du vestiaire. Une fois le repêchage réussi, vous devez maintenant séparer Simon et Kevin qui se chamaillent, moucher le nez d’Alexandra, replacer pour la troisième fois le chapeau de Benoît ! Et votre mal de dos qui réapparaît juste à ce moment. Prenez trois ou quatre respirations profondes, le temps de retrouver votre calme. En matière de prévention des maux de dos, pensez à vous asseoir au vestiaire sur un banc ou sur un tabouret solide adapté à votre taille et habituez les enfants à venir vers vous pour leur apporter l’aide nécessaire. Au lieu d’exécuter l’habillage à la verticale en vous occupant d’un enfant à la fois de la tête aux pieds, il est préférable de procéder par exécution horizontale, c’est-à-dire, en vous concentrant sur le même vêtement pour chacun des enfants. De cette façon, tous seront vêtus en même temps. Évitez les soulèvements et la prolongation de postures contraignantes : à genoux, accroupie, en torsion. Vous ne vous en porterez que mieux ! Plusieurs idées pour mieux organiser et animer l’habillage se retrouvent dans le livre de Nicole Malenfant Routines et transitions en services éducatifs, accompagné d’un disque compact, dont elle signe la plupart des chansons. À se procurer dans les librairies ou sur le site : www.petitmatin.com. exemple, parler et s’habiller. Il peut lui être difficile de participer au jeu que vous animez s’il est occupé à repérer ses vêtements. En observant les réactions des enfants, vous reconnaîtrez la meilleure façon de les soutenir. Dans la plupart des cas, chanter une chanson rappelant la séquence des étapes de l’habillage apporte plaisir et stimulation à cette routine. Pour tirer le plein potentiel d’une chanson, il est suggéré de la chanter régulièrement. En voici une à fredonner sur des airs bien connus : « Ma salopette, mes bottes, mon manteau (Un éléphant, ça trompe, ça trompe). Mes deux mitaines, mon cache-cou, mon chapeau (Un éléphant, ça trompe énormément). J’ai tout ce qu’il faut pour être bien au chaud (La peinture à l’huile, c’est bien difficile). Je vais vite m’habiller pour aller m’amuser (Mais c’est bien plus beau que la peinture à l’eau). » Que ce soit par une chanson, une planification rigoureuse, des interventions appropriées ou bien par un aménagement stratégique, l’activité de l’habillage par temps froid n’aura jamais été aussi intéressante. À vous le plaisir de le constater ! Animation : distraction ou stimulation ? Tous les procédés sont bons pour amener les enfants à s’habiller, à la condition qu’ils soient des occasions d'apprentissage qui permettent de s’adapter petit à petit aux exigences demandées. Si les enfants sont surexcités ou distraits, il vaut mieux réduire les stimuli en commençant d’abord par baisser le ton. Au contraire, s’ils sont amorphes ou non motivés, une chanson ou un petit jeu les stimulera. À trois ans, l’enfant a encore de la difficulté à faire deux choses en même temps, par • L’auteure remercie très chaleureusement les enfants et les éducatrices des CPE Pierre-Boucher (installation Jacques-Cartier), La Ruche, Mon Petit Édouard et Mamie-Pom (installation La Ribambelle), qui ont si gentiment participé à la séance de photos. Photos © Nicole Malenfant RÉFÉRENCE 1. Sans pépins a déjà publié deux articles de Nicole Malenfant : « Plus que des routines et des transitions.... », vol. 6, no 3, p. 1-3 ; et « Zoom sur les soins d’hygiène et la sieste », vol. 7, no 1, p. 1-5 (www.asstsas.qc.ca/sanspepins.asp). Engager le fermoir de son manteau : un geste banal pour les habitués, mais combien ardu pour les débutants. 4 S A N S P É P I N S – V O L . 7 , N O 3 , O C T O B R E 2 0 0 5