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Note d’information n° 88
NOUVELLES SUR LE COTON – 16 décembre 2010
Réforme de la politique agricole aux Etats-Unis et dans l’Union européenne :
vers le consensus mou ?
Introduction
Les politiques agricoles des Etats-Unis et de l’Union européenne doivent présenter un jour
nouveau, en 2012 pour les premiers et en 2013 pour la seconde. On ne s’attendait certes
pas à une révolution, il semble qu’il faudra également remiser les espoirs de réforme
profonde pour se contenter d’un changement dans les politiques et non d’un changement de
politique.
Le contexte dans les deux grandes puissances est différent mais la tendance semble
néanmoins s’orienter vers la continuité plutôt que la rupture. Changement de majorité à la
Chambres des Représentants des Etats-Unis, présentation d’un nouveau texte de la
Commission au Parlement européen : le mois de novembre aurait pu ou aurait du, pourtant,
se prêter à quelques promesses de changement. Les grandes lignes des débats qui ont déjà
débuté ne dessinent pas de profonde modification des politiques agricoles en cours en
général, ni pour le coton en particulier.
Union européenne : un texte (trop) consensuel ?
Le 18 novembre dernier, la Commission européenne a présenté au Parlement européen son
projet de réforme de la Politique agricole commune devant entrer en vigueur en 2013, pour
une période de 7 ans.
Le texte apparaît comme suffisamment vague pour sinon satisfaire tout le monde au moins
ne déplaire à personne. Aucune donnée chiffrée n’est présente, ce qui rend l’exercice
d’analyse plus aléatoire. Comme le soulignait judicieusement le Groupe des Verts du
Parlement européen à la présentation du texte, « l’absence de détails rend l’analyse difficile
(…) le diable se cachera dans les détails ».
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N’en déplaise aux anti-PAC, la politique agricole commune reste une priorité européenne (et
le premier poste budgétaire de l’Union européenne). Elle est d’abord conçue pour les
agriculteurs et pour les citoyens européens. Les considérations internationales viennent au
second plan. On peut noter la place plus large faite aux problématiques environnementales.
Comme l’a mentionné le Commissaire à l’Agriculture Dacian Ciolos, l’agriculture moderne se
doit d’être « compétitive sur le plan économique et écologique ». Du côté des instruments,
l’accent est mis sur les paiements directs, c'est-à-dire les aides découplées, qui vont
directement au producteur et non à la production, qui étaient déjà l’instrument privilégié de la
PAC depuis le « bilan de santé ». La Commission exprime sa volonté d’aller vers un partage
plus équitable des ressources de la PAC et d’un plafonnement des aides aux revenus pour
leur rendre leur crédibilité. Ceci dit, il faut quand même noter qu’on ne parle pas ici de faire
baisser les subventions et qu’il faudra être vigilant à ce que ces nouvelles réformes ne
conduisent pas simplement à un « tourisme des boites »1 et à un gonflement artificiel de la
boite verte qui n’est soumise à l’heure actuelle qu’à peu de disciplines car considérée
comme regroupant les subventions non distortives. Certaines études de l’OCDE ont
néanmoins démontré que des paiements directs volumineux combinés à des subventions de
type boite bleue pouvaient également se révéler dommageables pour des pays tiers.
La question du coton n’apparaît pas dans le texte, mais il n’y a pas là matière à critique : le
texte est général et son propos est de présenter les options en termes d’objectifs, de
politiques et d’instruments. Toutefois, il est bon de rappeler que le coton n’est de toute façon
pas sur l’agenda de la Commission européenne. On le sait, la décision de la Cour de Justice
des Communautés européennes enjoint l’Union européenne à garantir la production de
coton en Grèce et en Espagne. Pour se faire, et sur la base d’une étude d’impact, la
Commission considère que le taux de découplage des subventions liées au coton ne peut
excéder 65%. Malgré des fondements juridiques indéniables, cette position est en
contradiction avec certaines grandes orientations de la future PAC, et non des moindres :
compétitivité économique (le coton européen est le plus subventionné au monde par kilo),
compétitivité écologique (la culture du coton en Europe n’est pas « environment-friendly ») et
type de subventions privilégiées (les aides pour le coton sont beaucoup moins découplées
que la moyenne des aides européennes, dont le taux de découplage atteint 90%). Les
contradictions internes à la PAC ne sont pas les seules et la PAC peut parfois aussi mettre à
mal le principe de Cohérence Politique pour le Développement, et pas seulement dans le
domaine du coton. La question est aujourd’hui de savoir si la contrainte juridique, réelle et
1
En référence aux catégorisations des subventions agricoles à l’OMC (orange, bleue et verte)
2
entendue, doit seule décider de clore un débat qui mériterait d’exister sur le plan politique et
économique.
Etats-Unis : grand débat pour une petite réforme en perspective
Aux Etats-Unis, on ne s’oriente pas vers une refonte des fondamentaux de la Farm Bill. Et ce
n’est pas le tournus de personnel politique qui changera fondamentalement la donne. Le
nouveau Président du Comité Agriculture de la Chambre des Représentants, F. Lukas (ROkla.) a déclaré vouloir faire passer les politiques agricoles et les intérêts des agriculteurs
avant la politique tout court et les clivages partisans et se dit prêt à concocter une Farm Bill
que le Président Obama « pourra fièrement signer avant 2012 » et ce même si cela
contribue à améliorer l’image du Président dans les zones rurales. Il est intéressant de noter
que Lukas se préoccupe de la question de la conformité des programmes américains avec
les règles de l’OMC et des potentielles plaintes des autres Etats membres. Il se déclare très
clairement en faveur des paiements directs qui sont les subventions « les plus conformes,
les moins distortives sur le commerce ». Toutefois, on le sait, les paiements directs sont un
type de soutien moins populaire au Etats-Unis que les aides liées à la production. Lukas
devrait avoir le soutien de l’Administration mais il lui restera à convaincre une majorité de
parlementaires, dont bon nombre sont souvent réticents à se laisser dicter les politiques
domestiques par des considérations internationales telles que les règles de l’OMC. Un
certain degré d’incertitude demeure quant au positionnement des nouveaux élus. La moitié
des Républicains entrants sont nouveaux. De plus, une partie d’entre eux sont des Tea Party
qui, s’ils se sont exprimés fermement sur de nombreux sujets, n’ont pas dit grand-chose sur
le commerce international. En principe, les Républicains (y compris les Tea Party), qui sont
élus sur un programme prônant moins d’interventionnisme de l’Etat et moins de déficit
budgétaire, devraient être favorables au commerce international et à la réduction des
subventions. Ceci dit, il apparaît également que cette nouvelle génération d’élus est plus
nationaliste que la précédente et pourrait céder à la tentation du repli sur soi, notamment en
période de crise économique.
Sur la question spécifique du coton, il semble que les Etats-Unis soient prêts à satisfaire le
Brésil et à mettre le régime de soutien au coton en conformité avec les règles de l’OMC en
vigueur, c'est-à-dire sur la base de ce qui a été négocié dans l’Uruguay Round. Ce qui
motive les Etats-Unis est moins un désir profond de respecter les règles de l’OMC que
l’envie de se débarrasser d’une épine dans le pied qui montre toute l’absurdité du système :
les Etats-Unis actuellement payent $147 millions par an aux cotonculteurs brésiliens pour
continuer à subventionner leurs propres producteurs de coton. Il y a fort à parier que ces
adaptations constitueront également la base de leur proposition dans le cadre du Cycle de
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Doha. A ce titre, sera « vendue » comme une concession ce qui ne constitue qu’une mise à
niveau – et néanmoins une amélioration par rapport à la situation actuelle – et par définition,
cette position restera en deçà des engagements de Hong Kong.
Conclusion : Et Doha dans tout cela ?
Sur la base des déclarations du dernier G-20 considérées comme prometteuses, on nous
annonce à Genève une activité redoublée des négociateurs, tous azimuts et dans des
formats divers, dans le but d’aboutir à de nouveaux textes de modalités plus convergents
pour le printemps 2011, ceci pour permettre d’espérer un accord à l’occasion de la
ministérielle prévue statutairement (mais non confirmée) à la fin de l’année.
Le bras de fer continue d’opposer les Etats-Unis, qui veulent plus d’accès aux marchés des
pays émergents, et les pays en développement qui demandent de nouvelles concessions
dans l’Agriculture de la part des pays développés. Au jour d’aujourd’hui, les Etats-Unis
continuent de considérer qu’ils n’ont aucun intérêt à signer un accord dont les bénéfices
chiffrés sont insuffisants pour leur propre économie. Dans ce concert, une voix apparaît
comme particulièrement absente, celle de l’Union européenne.
Pour le coton, les pays africains producteurs de coton se remobilisent. Le C4 mène les
discussions à Genève et se tient prêt pour la reprise annoncée des négociations. Le C4 peut
également profiter de l’appui de l’UEMOA2, qui s’est clairement engagée à ses côtés à
l’occasion d’une réunion de coordination ministérielle qui s’est tenue à Cotonou en novembre
2010, et qui mènera, de concert avec le C4, des actions de sensibilisation et de lobbying à
Bruxelles et à Washington, dans le but de faire inscrire le coton sur l’agenda des débats
relatifs aux réformes des politiques agricoles européenne et américaine.
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développement dans l’économie mondiale. Le Centre est fort de ses 8 années d’expérience sur cette
problématique. Sa mission consiste à aider les responsables politiques à élaborer des stratégies
permettant de tirer profit de la mondialisation en faveur du développement et de lutter efficacement
contre la pauvreté dans chaque pays et au sein d’un système commercial international mieux intégré
et plus juste.
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Union économique et monétaire ouest-africaine
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