Part 4 - Les blogs de Sciences Po

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Part 4 - Les blogs de Sciences Po
Press Review – October 2011
French press
Part 4
- Libération, « Loyers : petites annonces et grands écarts », 31 octobre 2011
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EVENEMENT
LIBÉRATION LUNDI 31 OCTOBRE 2011
«Libération» a épluché les offres de location à Paris et dans les grandes villes en
2001 et en 2011: bien se loger devient inaccessible aux jeunes et aux familles.
Loyers: petites annonces
et grands écarts
Par TONINO SERAFINI
Photo BENOIT GRIMBERT
L’ESSENTIEL
N
ous sommes en septembre 2001: à
l’époque, les prix des loyers figurent encore en francs dans les petites annonces, la conversion en
euros est indiquée entre parenthèses dans la
perspective de l’entrée en vigueur de la monnaie européenne, trois mois plus tard (1).
Pour trouver à se loger, le recours à Internet
est encore marginal. Les gens font les agences et épluchent les annonces dans les journaux. Tous les jeudis, ils se jettent sur De particulier à particulier (PAP), spécialisé dans
l’immobilier. Dix ans plus tard, cet hebdomadaire nous a ouvert ses portes et ses archives: Libération a ainsi pu confronter les loyers
demandés dans les annonces publiées par la
revue en septembre 2001 avec ceux des annonces de septembre 2011 (2). Pour cette
comparaison, nous nous sommes focalisés
sur la capitale et les grandes métropoles régionales où le marché locatif est redoutable.
Constat général : une envolée des loyers. Et
pour l’Ile-de-France, une augmentation bien
supérieure à la hausse des revenus et des prix
à la consommation.
L’ESCALADE DES LOYERS
Jamais les loyers parisiens et franciliens n’ont
été aussi chers. Pendant la décennie 2001-
REPÈRES
LE CONTEXTE
Les loyers ont augmenté de 50% dans
la capitale en dix ans. Pas les revenus.
La tendance est la même dans toutes
les grandes villes.
L’ENJEU
De tels prix freinent la mixité sociale
des centres urbains, d’autant que,
pour le moment, aucun cadre législatif
n’endigue cette hausse exponentielle.
2011, les propriétaires se sont lâchés. A chaque changement d’occupant, ils ont poussé
leurs tarifs à la hausse : à la relocation, la liberté des prix est en effet totale. Dans un
marché de pénurie, marqué par un fort déséquilibre entre l’offre et la demande, on a assisté à une véritable escalade. Entre 2001
et 2011, les loyers ont augmenté de 50% à Paris, de 43% en petite couronne et de 42% en
grande couronne, selon l’Olap (Observatoire
des loyers de l’agglomération parisienne).
Pendant la même période, la hausse des prix
à la consommation a été de 18,7% et le revenu disponible des ménages par unité de
consommation a augmenté de 31%, selon
l’Insee. Les loyers ont donc progressé beau-
TRÊVE HIVERNALE, JOUR J
A partir de 21 heures ce lundi, les locatai­
res menacés vont pouvoir pousser un ouf
de soulagement (temporaire): comme
chaque année, la trêve hivernale des
expulsions locative entre en vigueur le
1er novembre et se prolongera jusqu’au
15 mars.
coup plus vite que le reste.
(XIVe arrondissement de Paris), 1 080 euros
Les propriétaires sont devenus des bailleurs pour un autre de 27m2 à Etienne-Marcel (IIe),
décomplexés. Ainsi dans PAP, voit-on désor- 900 euros pour une studette de 20 m2, dans
mais des annonces de deux pièces à plus le quartier très populaire Marx-Dormoy
1400 euros! «Les gens vont finir par descendre (XVIIIe). Dans le numéro du 29 septembre,
dans la rue, parce que certains abus deviennent près de la moitié (63) des 143 studios propointolérables», pronostique un cadre tra- sés à la location affichent des loyers supévaillant dans une Adil (Agence départemen- rieurs à 800 euros, dont 20 à plus de
tale d’information sur le logement) de la ré- 1 000 euros ! Les locations à moins de
gion parisienne. Dans ses permanences, il 600 euros, considérées comme relativement
voit passer des locataires qui consacrent abordables au regard du contexte parisien
«plus de la moitié de leurs revenus» au loyer. deviennent rares : 26 annonces sur 143. Ce
Parfois pour «des logements à la
qui fait moins de 20% de l’offre.
limite de l’insalubrité», raconteDÉCRYPTAGE Il y a dix ans, le marché offrait un
t-il (lire aussi page 4). La hausse
tout autre visage : 80% des anvertigineuse touche tous les segments du nonces publiées le 27 septembre 2001 (236
marché et en particulier les studios et les ap- sur 282) concernaient des studios à moins de
partements de 3 pièces et plus, très recher- 600 euros. Bien sûr les tarifs de l’époque doichés par les familles avec enfants.
vent être ajustés de l’inflation. Mais la difféFace à ces dérives, les pouvoirs publics sont rence est énorme, y compris en euros consrestés totalement inertes, laissant les gens tants. Elle est bel et bien conforme à la hausse
seuls. Unique bémol: le gouvernement a dé- moyenne de 50% des loyers de marchés obcidé de taxer les marchands de sommeil qui servée à Paris pendant la dernière décennie
louent à plus de 40 euros du m2, des cham- par l’Olap.
bres d’une surface inférieure ou égale à 13m2, Dans les autres grandes villes, le grand écart
et souvent sans confort.
entre 2001 et 2011 est moindre, mais l’augmentation est largement supérieure à la
UN SMIC NE SUFFIT PLUS
hausse des prix. Notamment dans des villes
Les numéros de septembre 2011 de De parti- comme Nice, Aix-en-Provence, Lille ou Touculier à particulier regorgent donc d’annonces louse. En 2001, on trouvait encore des studios
aux loyers démesurés : 1 200 euros pour un à moins de 300 euros dans ces villes, voire
studio de 37 m2 dans le quartier d’Alésia même à moins de 250 euros à Marseille.
107234
C’est le nombre d’expulsions locatives
prononcées en 2009 par les tribunaux,
selon les dernières données connues.
Depuis plusieurs années, ce chiffre est
stable, entre 100000 et 110000.
«Même si toute décision
d’expulsion est individuellement
un drame, je reste convaincu
qu’interdire les expulsions,
c’est déresponsabiliser.»
Benoist Apparu secrétaire d’Etat au
Logement à propos des expulsions, samedi
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LIBÉRATION LUNDI 31 OCTOBRE 2011
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A Paris.
Aujourd’hui, ils dépassent quasi systématiquement les 400 euros. Mais les prix peuvent
aller au-delà de 500, 600 ou 700 euros, notamment à Nice ou Aix-en-Provence.
LES FAMILLES PRESSURÉES
En cette rentrée 2011, un tiers des trois pièces
parisiens (36 sur 109) proposés à la location
dans PAP affichent des tarifs supérieurs à
1 800 euros, dont 25 à plus 2 000 euros. En
général, ces loyers coup de fusil pour appartement sejour-deux chambres ont cours dans
les beaux quartiers : Passy, la Muette ou le
Marais… Mais ce constat commence aussi à
déborder sur des arrondissements bien plus
ordinaires. Exemple : «Métro Michel Bizot
[XIIe arrondissement, ndlr], 3 pièces 81 m2,
grand séjour, deux chambres, bureau […], cave,
parking : 2 200 euros plus 300 euros de provisions pour charges.» Total : 2 500 euros pour
loger une petite famille. Autre annonce du
même acabit : «Métro Voltaire, très beau
3 pièces 67 m2 […], double séjour, cuisine aménagée, 2 chambres […], 1 900 euros par mois
charges comprises.» L’essentiel de l’offre de
3 pièces se situe dans une fourchette de loyers
qui va de 1 400 à 1 800 euros.
La comparaison avec les loyers de septembre 2001 est saisissante. On trouvait alors en-
core de nombreux 3 pièces à 1 000 euros.
Comme ce 65 m2 à Tolbiac (XIIIe) à 990 euros,
ou cet appartement de «72 m2 refait à neuf
[…], bien distribué, calme» à Alésia pour
«1000 euros provisions de charges comprises».
Dans la fourchette de 1000 à 1200, les offres
étaient vraiment nombreuses. Une famille
avec des revenus mensuels de l’ordre
de 3 000 à 3 600 euros pouvait alors se loger
à Paris. Aujourd’hui, il faut plutôt aligner des
revenus de 4 500 à 6 000 euros. Dans les
grandes villes, le marché locatif opère ainsi
impitoyablement son tri social, au détriment
des ménages modestes et moyens. A la rubrique, «location demande» de De particulier
à particulier en date du 29 septembre dernier
on pouvait lire cette annonce: «Jeune couple
salarié-médecin (interne) avec bébé cherche
50 m2 à Paris 15e, un trois pièces 2 chambres
[…]. [Loyer] 1 450 euros charges comprises.»
LA DÉRIVE DES LOCATIONS MEUBLÉES
Si la tendance actuelle devait se poursuivre,
les Parisiens n’auront bientôt plus besoin
d’avoir des meubles. La flambée des tarifs locatifs est allée de pair avec un développement
débridé de la location meublée, qui permet
aux bailleurs de louer encore plus cher tout
en s’affranchissant de la loi de 1989 régissant
les rapports locatifs. Autrefois marginal, ce
type de marché tend à se répandre de manière inquiétante. Dans le numéro de De particulier à particulier daté du 15 septembre
2011, pas moins de 45 annonces sur 118 relatives aux deux pièces concernent des locations meublées, soit 40% de l’offre. Et cette
dérive touche à présent la banlieue parisienne comme les grandes villes, spécialement Nice, mais aussi Marseille ou Lyon. Il
faut dire que le bailleur y trouve largement
son compte : loyer majoré au prétexte que
c’est meublé, régime fiscal favorable pour le
propriétaire, et absence de contraintes légales – pas de bail de trois ans et facilités pour
augmenter le loyer ou pour évincer le locataire. Là encore, le gouvernement est resté
totalement inerte face à ces dérives. •
(1) L’euro est entré en vigueur le 1er janvier 2002.
(2) Le comparatif a été fait à partir des numéros
du 30/08/2001, 13/09/2001 et 27/09/2001 et des
1/09/2011, 15/09/2011 et 29/09/2011.
En 2009, la France comptait 27,8 millions
de résidences principales, 3,2 millions de
résidences secondaires et 2,1 millions de
logements vacants. Parmi les 27,8 millions
de résidences principales, on compte
16,1 millions de propriétaires (58% des
ménages) et 11,7 millions de locataires dont
6,6 millions dans le parc privé et 5,1 dans le
public (HLM, SEM…).
ÉDITORIAL
Par FRANÇOIS SERGENT
Inégalités
Faut-il rappeler que le droit à
un toit est un droit
fondamental reconnu par
l’ONU ? «Le droit
fondamental de la personne
humaine à un logement
convenable est le droit de tout
homme, femme, jeune et
enfant d’obtenir et de
conserver un logement sûr
dans une communauté où il
puisse vivre en paix et dans la
dignité», écrivait ainsi un
rapporteur spécial des
Nations unies Miloon
Kothari. L’organisation
internationale visait les pays
du Sud, mais l’Occident, ses
grands centres urbains
particulièrement, est aussi
loin du compte. Comme le
montre notre enquête, les
centres-villes chassent
comme jamais les jeunes, les
pauvres et même les familles
de la classe moyenne. Adieu
la diversité et la mixité
sociales. Seuls peuvent vivre
dans le centre de Paris,
notamment, les bourgeois,
bohèmes ou non. Dans une
économie libéralisée,
l’immobilier est l’un des
meilleurs compteurs des
inégalités. En dix ans, toutes
les statistiques le disent : elles
se sont aggravées. La
puissance publique, Etat
comme municipalités, a
laissé faire. Le propriétaire
fait la loi, et non le
législateur. Alors qu’il existe
des solutions non dirigistes,
qui peuvent rééquilibrer un
marché malade sans créer de
pénurie. Mais, seule une
vraie politique de l’offre,
c’est-à-dire de constructions
nouvelles à tous les prix dans
les centres-villes, et
notamment à Paris, pourra
inverser durablement les
tendances néfastes de ce
secteur. La construction
contre la spéculation.
4
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LIBÉRATION LUNDI 31 OCTOBRE 2011
EVENEMENT
VANESSA, 29 ANS
REVENUS: 1700 EUROS
LOYER ET CHARGES: 800 EUROS
VICTOR ET CHARLOTTE, 24 ANS
REVENUS: 2000 EUROS
LOYER ET CHARGES: 1000 EUROS
LAURENCE, 41 ANS
REVENUS: 1200 EUROS
LOYER ET CHARGES: 795 EUROS
«Les proprios «Je note
«Beaucoup
sont sans
chaque
de gens ont
dépense»
des impayés» scrupule»
V
V
A
anessa Duveau, commerciale, habite un
quartier chic : le XVIe arrondissement de
Paris. On ne peut pas en dire autant de son
studio sous les toits, constitué d’un regroupement
de plusieurs chambres de bonne. Quand la jeune
femme de 29 ans a emménagé en 2006, «il n’y avait
pas de toilettes dans le logement». Les commodités
comme on dit dans son quartier, c’était «sur le palier». Elle a trouvé ce studio d’environ 27 m2, par
«le bouche à oreille». Elle a commencé par le «louer
au noir, 500 euros par mois» raconte cette diplômée
d’une école de commerce, au parcours caractéristique des jeunes de son âge : études supérieures,
stages, intérim, CDD et emploi sous-qualifiés au
regard du diplôme. «Aujourd’hui, la galère, c’est au
moins jusqu’à 30 ans», dit-elle. Actuellement elle
gagne 1 700 euros net par mois. Mais son CDD va
bientôt s’arrêter et ses «revenus vont chuter». Il y
a quatre ans, sa propriétaire l’a «régularisée». A
la clé : une augmentation du loyer. Aujourd’hui,
elle paye 700 euros plus 100 euros de charges. Ce
qui est énorme pour ses revenus qui font du yo-yo.
Elle a accumulé des impayés et fait l’objet d’une
procédure d’expulsion.
«Beaucoup de gens ont des impayés. C’est mécanique, vu les loyers, vu les revenus. Quand on parle des
loyers, les gens de ma génération disent “au secours”!» Pour faire face, elle a compressé tous ses
budgets. «Quand on consacre plus de la moitié de ses
revenus au loyer, on ne vit plus beaucoup.» Moins
d’habits, de chaussures, de restos, de sorties. «Je
n’achète plus de la bonne viande ou du poisson.» Elle
n’a plus voyagé depuis trois ans. «L’été, je pars en
vacances chez mes parents dans le Sud. Je viens de
me rendre compte que mon passeport est périmé.»
Parfois sa colère déborde. «Non seulement on paye
des loyers hallucinants, mais en plus c’est pour des
logements de merde.» Quand sa propriétaire s’est
décidée à installer des WC-sanibroyeurs dans son
studio, l’évacuation avait été branchée sur l’évier
de la cuisine. Elle a dû se battre pour faire modifier
cette installation non conforme.
ictor se dit «chanceux» d’avoir décroché un
CDD de huit mois dans l’organisme où il a
effectué son stage de fin d’études au cours
du premier semestre. «Beaucoup de copains qui ont
fait des études avec moi n’ont pas de travail.» Titulaire d’un Master II en communication des entreprises de la faculté de Nancy, il a donc trouvé un
emploi de chargé de communication à Paris. Pour
se loger, il partage avec sa compagne étudiante un
petit deux pièces de 34 m2, au cinquième étage
sans ascenseur dans un immeuble du XIIIe arrondissement. Loyer: 1000 euros charges comprises.
Mais le chauffage (électrique) est en sus. Les revenus de ce jeune ménage sont de l’ordre de
2000 euros: Victor gagne 1400 euros net et sa copine reçoit une aide familiale de 600 euros. Plus
de la moitié de leurs ressources passent dans le
logement: loyer, charges, électricité, taxe d’habitation… Mais là encore Victor se dit presque
«chanceux» d’avoir trouvé «par relation» ce logement au bout de deux mois d’une recherche très
déprimante.
«On a visité des appartements insalubres à des loyers
incroyables.» Il se souvient d’une visite d’appartement près du métro Voltaire. «On a vu un deux pièces situé au rez-de-chaussée sur rue. Il faisait à peine
30 m2. Il y avait des moisissures aux murs. Le loyer
était à 1200 euros, s’étrangle Victor. Le propriétaire
était habillé comme un publicitaire, cheveux gominés,
lunettes de soleil dans l’appartement. Il nous faisait
entrer par petits groupes. Il savait que parmi la trentaine de personnes présentes, l’une d’entre elles prendrait cet appartement horrible parce que les gens
n’ont pas le choix.» Cet épisode de recherche de
logement l’a beaucoup marqué. Il en sort avec une
opinion très négative sur les propriétaires parisiens. «Ils sont inhumains et sans scrupule. Ils pressurent au maximum.» Quand ils ont emménagé
dans leur deux pièces, sa copine a quitté une studette de 15 m2 qu’elle louait 570 euros. «Illico ses
propriétaires se sont empressés de la relouer à
680 euros», dit-il indigné.
ussi surprenant que cela puisse paraître,
Laurence n’a pas d’impayé de loyer. Cette
femme, âgée de 41 ans, consacre pourtant
les deux tiers de son revenu de 1200 euros par mois
pour se loger dans un studio de 30 m2 à Vincennes
(Val-de-Marne). Pour que le propriétaire accepte
de le lui louer, ses parents se sont portés garants.
«Jusqu’ici, je n’ai jamais eu de retard de loyer», souligne-t-elle. Ce qui ne veut pas dire qu’elle s’en
sort. «Je n’arrive pas toujours à boucler mon mois,
comme quand mon assurance habitation ou mes impôts locaux tombent.» Quand son salaire ne suffit
pas à tout payer, elle pioche dans son livret d’épargne. «Je tape dans mes économies qui baissent beaucoup en ce moment.»
Laurence est assistante maternelle. Elle dit aimer
son travail. «Mais mon vrai métier, ce n’est pas de
garder des enfants», avance-t-elle. «C’est l’autre.»
Cette diplômée de l’Ecole des beaux-arts est «artiste photographe». Elle fait de la «photo d’art» et
«expose trois à quatre fois par an». Mais elle ne parvient pas du tout à vivre de la photographie. «Lors
de mes expos, il m’arrive de vendre quelques photos.
Financièrement, ça ne représente pas grand-chose.»
Originaire de Bretagne, Laurence est venue à Paris
pour poursuivre ses études supérieures. «J’y suis
restée car pour les métiers artistiques, c’est à Paris
que ça se passe. C’est la vie culturelle qui me retient
ici.» Parce que pour le reste, pour se loger la région
parisienne est une jungle. «C’est le plus gros problème pour moi.» Elle vit sur le fil du rasoir, mais
elle s’en sort quand même. «Je suis assez raisonnable. Je n’ai pas crédits. J’achète rarement quelque
chose à plus de 100 euros. Je suis très rigoureuse, je
tiens mes comptes. Je note chaque dépense.» Elle va
très peu au restaurant. Ne voyage pas. Passe ses
vacances chez ses parents, en Bretagne. «Parfois
je me dis, qu’un jour, moi aussi je risque de me retrouver en difficulté. Il y a bien des gens à la rue. Ce
qui me rassure, c’est de savoir que j’ai une famille
derrière moi.»
Recueilli par TONINO SERAFINI
Face aux abus, une proposition de loi visant à limiter la hausse d’un locataire à l’autre va être examinée.
La gauche sénatoriale se frotte à l’encadrement des loyers
evenue majoritaire au Sénat,
la gauche entend mettre le
cap sur des propositions de
loi visant à revisiter des textes gouvernementaux qui passent mal
même à droite, comme la réforme
de l’intercommunalité ou la création au forceps d’un conseiller territorial, fusion des conseillers régionaux et généraux. Mais elle veut
aussi faire avancer des textes relatifs à la vie quotidienne. A partir du
8 décembre, le Sénat va examiner
une proposition de loi «visant à
faire du logement une priorité nationale» pour «redonner du pouvoir
d’achat aux ménages».
Signée par l’ensemble du groupe
D
socialiste, dont le nouveau président du Sénat, Jean-Pierre Bel, la
gauche prévoit notamment un encadrement des loyers à la relocation
pour mettre fin aux hausses répétées à chaque nouvel occupant. Cet
encadrement vise spécialement les
grandes villes où les loyers sont au
zénith. «L’enlisement de la crise du
logement et son aggravation imposent la prise de mesures urgentes
pour l’endiguer», indique l’exposé
des motifs. «La crise du logement
pèse aujourd’hui lourdement sur la vie
quotidienne de nos concitoyens au
point de constituer, avec la perte de
leur emploi, l’une de leurs plus fortes
craintes.»
Dans ce texte, il est rappelé que la
France compte 1,4 million de demandeurs de logements sociaux.
Etranglés par des loyers élevés, de
plus en plus de locataires du privé
premier poste de dépense. Mais
chez les jeunes ou les familles très
modestes, la charge du loyer peut
représenter jusqu’à 50% du budget.
Le texte retient l’estimation de plusieurs économistes,
selon lesquels la
«La preuve est apportée que le
a un déficit de
marché non seulement ne se régule France
900 000 logements
pas de lui-même, mais accentue
dans les grands pôles
lourdement les inégalités.»
urbains. La proposition de loi comprend
Le groupe PS dans sa proposition de loi
plusieurs mesures
remplissent des dossiers dans l’es- visant à stimuler la construction et
poir d’obtenir un logement HLM. abonder l’offre qui manque cruelLes ménages consacrent en lement, ce qui pousse les prix à la
moyenne 25% de leurs ressources hausse. Le groupe veut aussi romau logement qui est devenu leur pre avec «l’idéologie du laisser-faire
libéral». Pour justifier l’encadrement de loyers, le PS écrit dans
l’exposé des motifs que «la preuve
est désormais apportée, incontestable, que le marché non seulement ne
se régule pas de lui-même, mais accentue lourdement les inégalités».
Face à des dérapages souvent scandaleux (des chambres de bonnes de
10 m2 sans WC ni douche louées
parfois 600 euros), le gouvernement n’a fait qu’une seule concession au «laisser-faire». Il va taxer
lourdement les loyers supérieurs à
40 euros du m2 pour les microsurfaces, c’est-à-dire inférieure ou
égale à 13 m2.
T.S.