Booklet 2004-2005 - Théâtre de la Ville
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Booklet 2004-2005 - Théâtre de la Ville
THÉÂTRE D A N S E MUSIQUE MUSIQUES DU MONDE saison 2OO4 2OO5 ph. W. Bergmann Il faut essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple. Jacques Prévert Lisbeth Gruwez dans Quando l’uomo principale è una donna, solo de Jan Fabre atteindre d’autres choses Saison 2003/2004, 234 000 spectateurs. Y aurait-il « service public » sans public conséquent ? théâtre – l’ouverture « Point de révolte : honorons les âges dans leurs chutes successives et le temps dans sa voracité. » Victor Segalen Les saisons se suivent, bien vite, et se ressemblent, du moins en apparence. Les artistes – ils sont invités pour cela – apportent le changement et la nouveauté. « Voilà ce que l’œuvre d’art réussie est pour moi : communication d’un incommunicable ; elle est quelque chose qui saisit au vif ce qui est insaisissable autrement ; elle dit ce qu’on ne peut dire autrement ; ce qu’on ne peut dire logiquement (et dont la logique peut se saisir une fois que cela a été fixé par l’image poétique) ; oui, elle est un mélange de lucidité très pénétrante et d’inconscience. » Ionesco La saison 2004/2005 débute le 20 septembre pour se terminer le 1er juillet. 90 programmes de théâtre/danse/musique…, 467 représentations, 43 coproductions de théâtre et de danse. Rhinocéros de Ionesco, par Emmanuel Demarcy-Mota, et L’Histoire du soldat de Ramuz/Stravinski, dans une mise en scène lumineuse d’Omar Porras, ouvrent les festivités et donnent le la. politique et identité Certains diront que le nombre ne fait rien à l’affaire. Ils ont tort. En ces temps de chômage des artistes, et de résistance nécessaire au « tout et n’importe quoi » qui nous envahit de plus en plus, il importe d’utiliser à 100 % tous les moyens disponibles pour créer plus d’activités artistiques, en travaillant à la fois sur l’offre et sur la demande. Même s’il est public, il y a bien « marché », mais il faut tout faire pour l’élargir et le fortifier. Le Théâtre de la Ville – Paris capitale culturelle l’exige – se doit d’avoir une action nationale et internationale. « Ce ne sont pas les positions qui désormais déterminent les identités. Ce sont les trajectoires. » Michel Foucault Telle est, en quelques mots, souvent cités, l’identité du Théâtre de la Ville. Priorité aux créations, aux coproductions, aux parcours, aux découvertes, aux confirmations… Diversité et cohérence des programmes, ouverture plus que jamais sur le monde et sur ses différences, liberté totale de choix laissée au public. Résultats aidant, la Mairie de Paris apporte au Théâtre de la Ville les moyens de cette politique, ce qui n’est pas si fréquent. Les metteurs en scène choisis, et suivis, indiquent la direction : Emmanuel Demarcy-Mota, Christophe Perton, Omar Porras, Olivier Py, Dan Jemmett, Michel Didym, Jean-Christophe Saïs, Paul Desveaux, Laurent Laffargue. Ils sont jeunes et déjà riches de nombreux succès, au Théâtre de la Ville ou ailleurs. Les auteurs et les œuvres choisies font sens : Ionesco, Rhinocéros ; Horváth, Le Belvédère ; Tirso de Molina, El Don Juan, au Théâtre de la Ville ; Middleton, Femmes gare aux femmes ; Laura Forti, Pessah/Passage ; Koltès, Dans la solitude des champs de coton ; Yedwart Ingey, La Fille aux rubans bleus ; Ostrovski, L’Orage, aux Abbesses ; Daniel Keene, Paradise au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers. Ils sont anglais, espagnol, suisse, autrichien, russe, italien, français. Réjouissant et enrichissant. Lukas Hemleb et René Loyon mettront en scène Laura Forti et Yedwart Ingey qu’ils ont découverts. 9 créations théâtrales, toutes coproduites, mais aussi : • Le Vase de parfums, opéra de Suzanne Giraud, texte et mise en scène d’Oliver Py. • La Veillée des abysses, après La Symphonie du hanneton, le cirque poétique de James Thiérrée. • Les animaux ne savent pas qu’ils vont mourir de Pierre Desproges et Michel Didym, repris pour cause de triomphe. • La Tête ailleurs : après les Sonnets de Shakespeare, la comédienne Norah Krief interprète les chansons spécialement écrites pour elle par François Morel. danse – le choix « Je pense à la danse comme à une constante transformation de la vie même. » Merce Cunningham Un choix probablement unique, à bien des titres. 36 programmes, 33 coproduits, 196 représentations. Pina Bausch, Sasha Waltz, c’est l’évidence. Tous les Flamands sont là, ou presque : Anne Teresa De Keersmaeker, Jan Fabre, Jan Lauwers, Wim Vandekeybus, Sidi Larbi Cherkaoui, Alain Platel, indirectement, avec des « propositions » de danseurs des Ballets C. de la B., mais aussi Hans Van den Broeck, Koen Augustijnen, Wayn Traub, le dernier en date qu’il ne faut surtout pas manquer. Mathilde Monnier, Bernardo Montet, François Verret, Josef Nadj, Hervé Robbe, continuent leurs chemins comme bon leur semble. Akram Khan, Marco Berrettini quittent les Abbesses pour le grand plateau. Robyn Orlin, Gilles Jobin reviennent, Thomas Hauert, Emmanuelle Huynh, Boyzie Cekwana arrivent. Meg Stuart, Benoît Lachambre, Olga Mesa, Nathalie Pernette, habitués de la « Ville », Pierre Droulers, Emmanuelle Vo-Dinh, nouveaux venus, dansent hors les murs, dans des lieux amis plus appropriés à leurs besoins du moment. Hardis et originaux sont les projets de La Ribot, Brice Leroux, Wayn Traub, Emmanuelle Huyhn, Christian Rizzo. Le cinéma, les arts plastiques entrent avec force et talent dans la danse, et la bousculent. Toujours un faible pour les danse de l’Inde : l’odissi de Madhavi Mudgal, le bhârata natyam de Maria-Kiran, le kuchipudi de Shantala Shivalingappa, et pour le flamenco acéré d’Andrés Marín. musique – l’excellence Des grands interprètes ; des jeunes, sur le point de le devenir. Des fidélités réciproques, des parcours accompagnés… Christian Zacharias piano, Fabio Biondi violon, Christian Tetzlaff violon et Leif Ove Andsnes piano, le Quatuor de Tokyo. Alexandre Tharaud piano, Marie Hallynck violoncelle et Cédric Tiberghien piano, Xavier Philipps violoncelle et Emmanuel Strosser piano, Ronald Van Spaendonck clarinette. Révélés la saison dernière, Ferenc Vizi piano et le Quatuor Aviv. Des programmes originaux : Fandango par Andreas Staier clavecin, Nueva España par The Boston Camerata pour son cinquantième anniversaire. musiques du monde – le paradis « Le paradis est dispersé sur toute la terre : il suffit d’en rassembler les morceaux. » Novalis Que de paradis musicaux de par le monde ! Quelques-uns, recherchés sur place et rassemblés pour votre bonheur. Les pays régulièrement visités : l’Inde, le Pakistan, l’Iran, l’Afghanistan, le Tadjikistan, la Mongolie, la Turquie… De nouveaux voyages : le Kenya avec Maulidi Juma, Zuhura Swaleh et Mombasa Party, l’Éthiopie avec Mahmoud Ahmed et Gétatchèw Mèkurya, Java avec Imas Permas, la Mauritanie avec Sid Ahmed Ould Ahmed Zaydan, la Thaïlande avec l’Ensemble Pi-joom de Chiang Mai. Le retour des fascinants fakirs du mausolée de Shah Abdul Latif. En septembre, ouverture des portes du premier paradis, le plus proche de nous, la Bretagne, par Denez Prigent et ses invités. services rendus Des prix de places légèrement augmentés – ils ne l’avaient pas été depuis plusieurs saisons. Rechercher un équilibre délicat entre l’argent public et celui du public est la moindre des responsabilités. Des formules, abonnements ou cartes, “individuels” ou “relais”, simples et aux avantages multiples. Un journal (4 numéros par an) et un site internet simple et efficace (www.theatredelavilleparis.com) pour une information juste et de qualité. Une équipe compétente, expérimentée, attentive, pour vous renseigner, vous conseiller, vous servir. associés, partenaires et acteurs Des associés à la production et la diffusion, des amis : Le Festival d’Automne à Paris, Le Centre Georges Pompidou, le Théâtre de la Cité internationale, le Théâtre de la Bastille, le Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, le Centre national de la danse de Pantin. Des partenaires à l’écoute et en soutien : France Culture, France Inter, FIP, RFI, Radio Classique, et Mondomix. Des acteurs de la vie culturelle : les relais, les enseignants, les abonnés. À Paris, dans une grande salle, sans un engagement préalable du public sur des projets, pas de créations, pas de découvertes, pas de risques artistiques… le public doit travailler « Le public doit travailler. S’il ne travaille pas, c’est un art de digestion, de distraction. Si on veut que le théâtre soit sacré, c’est-à-dire qu’il s’adresse à la totalité de l’humain, y compris à l’inconscient, cela suppose un travail. C’est un effort de découvrir un livre qui parle de choses inconnues, de lire la science, la philosophie, assister à un spectacle aussi si cela doit nous faire atteindre d’autres choses. » Claude Régy* À vous de jouer – et au travail ! Les dernières nouveautés du Kronos Quartet, le programme passionnant, avec moult vidéos, de Bang on a can all-stars, celui, surprenant, quelques Suites pour violoncelle seul de Bach, interprétées au saxophone, du Japonais Yasuaki Shimizu. Le dialogue musical et amical ininterrompu entre Joachim Kühn et Michel Portal. le directeur Gérard Violette * extrait d’une interview de J.-P. Thibaudat, Libération. THEATRE THEATRE AU THEATRE DE LA VILLE RHINOCÉROS création Eugène Ionesco Emmanuel Demarcy-Mota LE BELVÉDÈRE Ödön von Horváth Christophe Perton création EL DON JUAN création d’après Tirso de Molina Omar Porras LA FILLE AUX RUBANS BLEUS Yedwart Ingey création René Loyon L’ORAGE Alexandre Ostrovski Paul Desveaux CHANSON THEATRE AUX ABBESSES LA TÊTE AILLEURS création Norah Krief chante François Morel OPERA AU THEATRE DE LA VILLE LE VASE DE PARFUMS création Suzanne Giraud Olivier Py THEATRE HORS LES MURS AU TH. DE LA COM. D’AUBERVILLIERS L’HISTOIRE DU SOLDAT Stravinski / Ramuz création Omar Porras CIRQUE AU THEATRE DE LA VILLE PARADISE création CODES INCONNUS 1 Daniel Keene Laurent Laffargue LA VEILLÉE DES ABYSSES James Thiérrée création THEATRE AUX ABBESSES FEMMES GARE AUX FEMMES Thomas Middleton création Dan Jemmett PESSAH / PASSAGE Laura Forti Lukas Hemleb création LES ANIMAUX NE SAVENT PAS QU’ILS VONT MOURIR Pierre Desproges reprise Michel Didym DANS LA SOLITUDE création DES CHAMPS DE COTON Bernard-Marie Koltès Jean-Christophe Saïs Programmes susceptibles d’être modifiés Rhinocéros création EUGÈNE IONESCO EMMANUEL DEMARCY-MOTA DU 20 SEPTEMBRE AU 8 OCTOBRE mise en scène Emmanuel Demarcy-Mota assistant à la mise en scène Christophe Lemaire scénographie Yves Collet avec la collaboration de Michel Bruguière lumières Yves Collet musique Jefferson Lembeye costumes Corinne Baudelot maquillages Catherine Nicolas avec Valérie Dashwood, Alain Libolt, Serge Maggiani (distribution en cours) coproduction Comédie de Reims, CDN – Théâtre de la Ville, Paris Pirandello, Melquiot, Ionesco… Débarrassant de leur folklore les Six Personnages en quête d’auteur Emmanuel Demarcy-Mota, en octobre 2001, mettait en lumière la mystérieuse mécanique du théâtre, de la représentation, du jeu. En mars 2004, avec Ma vie de chandelle, de Fabrice Melquiot, il continuait d’explorer la fuyante frontière entre vie privée et vie publique, entre celle que l’on garde pour soi, en soi, et celle qui s’affiche, à travers laquelle on est vu et jugé, et qui finit par dévorer l’autre. Celle qui se propose aux adeptes de la télé-réalité ou simplement à l’entourage. Ainsi étaient abordés les mystères du voyeurisme ordinaire qui fragilise tant les rapports humains et conduit presque naturellement à des comportements standards. D’où, pour sa nouvelle mise en scène, le choix de Rhinocéros, ou les mésaventures de Béranger, antihéros porte-parole d’Ionesco, sorte de Candide alcoolisé et débraillé, confronté à un étrange phénomène : la métamorphose progressive de toute une population en “bêtes immondes”, en rhinocéros. Ionesco fonce à coups de sarcasmes rageurs dans la soumission fataliste aux idéologies majoritaires qu’engendrent les totalitarismes, fascistes ou communistes, puisque aussi bien il venait de Roumanie. Alors aujourd’hui, pourquoi un trentenaire éprouve-t-il le besoin de plonger dans cet univers ? Pourquoi revenir aux racines du Théâtre de l’Absurde ? Pourquoi affronter des problèmes qui ne se posent plus de la même manière ? « Justement parce que j’étais débarrassé du contexte historique, j’ai pu lire Ionesco avec autant de curiosité que du Melquiot par exemple. Je l’avais en quelque sorte découvert il y a un peu plus de dix ans. Déjà j’avais été frappé par son invention d’écriture, en totale rupture avec les modèles de son époque, comme a pu l’être Pirandello. La rupture, c’est ce qui m’intéresse au premier chef. « Quand je me suis replongé dans l’œuvre d’Ionesco, je l’ai redécouvert comme si je ne le connaissais pas. Bizarrement, on continue de monter Beckett, et lui, presque plus, à l’exception de La Cantatrice chauve et La Leçon qui poursuivent leur inébranlable carrière. Pourtant il demeure un auteur gigantesque. Et Rhinocéros est une œuvre essentielle. Elle dévoile quelque chose d’extrêmement fort : l’obsession de l’image, de sa propre image que l’on a de l’autre. Et cette tendance à l’uniformisation qui nous menace tous, qui existe en chacun, qui concerne chaque individu. C’est vrai, tout le monde finit par se ressembler, et jusqu’à dire les mêmes choses. THEATRE DE LA VILLE • TARIF A Notre temps est celui du formatage, ce n’est pas seulement une histoire de société de consommation. « Le danger est aujourd’hui plus secret, insidieux, pernicieux, qu’au temps de la guerre froide. On a du mal à détecter là où il se terre. Comment y échapper, comment trouver en soi le lieu du débat, de la contradiction ? Que proposer d’autre, même au risque de se tromper ? Jour après jour la question se pose. « Ionesco joue avec le fantasme de destruction de notre monde bien organisé qui en un instant peut exploser. Rhinocéros se crispe autour d’une immense angoisse intérieure. Mais le plus étonnant, le plus passionnant, est la façon évidente dont cette angoisse se mêle aux glissades délirantes de l’écriture, à la loufoquerie d’Ionesco, à son génie du syllogisme, à la virtuosité des répétitions, des dérapages… « Cet homme est un grand dramaturge. La construction de ses pièces offre de l’espace à l’invention, installe un climat d’étrangeté qui empêche de se laisser couler dans les habitudes. Et derrière la drôlerie, la folie, les égarements de l’absurde, existe une vraie tension, une vérité indéniable, dérangeante, quelque chose de profondément humain. » Eugène Ionesco Eugène Ionesco naît en 1909 en Roumanie. En 1911, sa famille l’emmène en France, patrie de sa mère. En 1916, son père laisse femme et enfants, repart pour la Roumanie, se remarie. Eugène le rejoint en 1922, apprend le roumain, entre à l’université de Bucarest, découvre les surréalistes, écrit dans des revues, se marie en 1936, revient en France deux ans plus tard, . En 1950, il se fait naturaliser français, Nicolas Bataille monte La Cantatrice chauve aux Noctambules (aujourd’hui cinéma). En 1951, Marcel Cuvelier crée La Leçon. En 1952, les deux spectacles sont repris à la Huchette, où ils sont toujours donnés dans les mêmes mises en scène. Ionesco écrit beaucoup (Les Chaises, Amédée, Le roi se meurt…), il est l’auteur incontournable, tous le recherchent, de JeanLouis Barrault (qui crée Rhinocéros en 1960) à Roger Planchon, de Jean-Marie Serreau à Jacques Mauclair entre des centaines d’autres. En 1970, il est élu à l’Académie française, et meurt en 1994. Emmanuel Demarcy-Mota Emmanuel Demarcy-Mota fonde en 1989 au Lycée Rodin la Compagnie des Millefontaines, qui présente déjà Six Personnages en quête d’auteur, Rhinocéros entre autres. En 1994, au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, L’Histoire du soldat de Stravinski et Ramuz, Léonce et Léna de Büchner… En 1997, la compagnie est accueillie en résidence au Forum Culturel du Blanc-Mesnil, crée en 1998 à Aubervilliers Peine d’amour perdue, repris en 1999 au Théâtre de la Ville, spectacle pour lequel Emmanuel Demarcy-Mota reçoit le prix de la révélation théâtrale décerné par le Syndicat de la critique. Viennent ensuite MaratSade en 2000 à Aubervilliers, Six Personnages en quête d’auteur en 2001 au Théâtre de la Ville, (repris en 2003, puis aux Bouffes du Nord). En 2002, Emmanuel Demarcy-Mota est nommé à la direction du CDN de Reims. Il présente au Théâtre de la Bastille deux pièces de Fabrice Melquiot L’Inattendu et Le Diable en partage. Et du même, Ma vie de chandelle créé à Reims et aux Abbesses. 3 Le Belvédère création ÖDÖN VON HORVÁTH CHRISTOPHE PERTON DU 6 AU 28 JANVIER traduction Bernard Kreiss avec la collaboration d’Henri Christophe mise en scène Christophe Perton scénographie et costumes Marc Lainé lumières Dominique Borrini création sonore Philippe Gordiani avec Nicolas Bouchaud, Roland Depauw, Vincent Garanger, Marief Guitier, Christophe Reymond (distribution en cours) coproduction Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme Ardèche – Théâtre de la Ville, Paris avec la participation du JTN 4 L’hôtel du Belvédère est un ancien palace perdu aux frontières de nulle part. Hors saison touristique, c’est un vrai désert. Le directeur, les employés – qui semblent tous des grands bourgeois tombés bien bas – sont à la charge d’une richissime excentrique, Ada, flanquée d’un frère joueur et malchanceux. Elle tient son monde dans le creux de son porte-monnaie, manipule ses obligés avec un cynisme joyeux, et cette situation l’enchante. De plus, elle est la seule femme. Tout au moins jusqu’à l’arrivée d’une autre, jeune – ce qu’elle n’est plus tout à fait – et qui prétend avoir eu une aventure avec le directeur, d’où un enfant. Quant à savoir si elle dit la vérité… Si même quiconque parmi cette bande a encore la moindre idée de ce qu’est la vérité ! La seule personne à ne pas mentir, à faire preuve d’une terrifiante lucidité – elle en a les moyens – c’est Ada. Sans complexe, elle assume son pouvoir, sa fortune, son cynisme. Cet hôtel déglingué pourrait être l’île de Prospero dans une vision glauque et grinçante de La Tempête. Ou plutôt une Arche de Noé après le déluge, un Radeau de la Méduse échoué sur un rivage désolé… C’est ainsi que le voit Christophe Perton : « Un navire à la dérive, peuplé des survivants d’une triste humanité. Ils composent une microsociété adaptée à toutes les compromissions et lâchetés. Ces gens sont d’un égocentrisme abominable, ne vivent qu’en regard d’eux-mêmes et de l’argent. Ils sont entrés dans une logique anthropophage. Pour vivre, survivre, il faut dévorer l’autre. L’hôtel est un laboratoire des comportements humains. Comportements qui se dévoilent et se révèlent lorsque arrive Christine, la jeune femme… « Autour d’elle se met alors en place un jeu de rêves et de désirs, car elle représente le monde du dehors, auquel ils avaient renoncé. Elle aussi ment mais elle représente la Vie, comme Ada pourrait représenter la Mort, personnage en dehors du temps, sans âge, sans peur, sans scrupule, repue de pouvoir, et sans illusions. Ce sera Marief Guitier. « Souvent, les textes de Horváth sont historiquement datés. Dans celui-ci, il regarde l’Europe qu’il connaît, celle des lâchetés et de la corruption, qui, sans réagir, voit s’installer les fascismes. Mais, en même temps, Le Belvédère va plus loin. La pièce, cette fois, dépasse le contexte socio-politique de son époque, elle est universelle, offre une satire implacable des rapports hommes/femmes, des rapports marchands en général. THEATRE DE LA VILLE • TARIF A « Et puis, l’écriture en est extrêmement brillante. Horváth est un virtuose des répliques frappantes, des dialogues étourdissants. Là, il me fait penser à Feydeau. À cause des portes, sans doute. Toutes ces portes qui vont dans les chambres et les coulisses, qui cachent ce qu’on cherche, montrent ce qu’on veut cacher, se ferment, s’ouvrent, comme animées d’une vie personnelle… Les portes dans le labyrinthe des couloirs de l’hôtel, qui cernent ce territoire de l’effondrement, du délabrement. « Mais surtout, en dehors même de sa cruauté, Horváth ici me rappelle Feydeau pour son rythme, pour sa mécanique. Cette fameuse mécanique du vaudeville qui emporte personnages et spectateurs dans un ouragan de sarcasmes, de rires, de folie. » Ödön von Horváth Né en 1901 d’un père hongrois diplomate, toute sa vie Horváth a voyagé. Il a vécu la guerre des Balkans et celle de 14. Il a fui les Soviets à Vienne, puis à Munich où en 1920 Hitler devient membre puis président du DAP, futur parti nazi. Et déjà Horváth en dénonce les dangers. Parfois, il se réfugie à Murnau, villégiature où ses parents possèdent une résidence secondaire. C’est là qu’en 1927 il écrit Le Belvédère, puis, dans l’Allemagne livrée au chômage et à l’inflation, Légendes de la forêt viennoise, La Foi, l’amour et l’espérance, Casimir et Caroline… Portraits affreusement lucides d’un pays qui se soumet à Hitler en 1933. L’errance continue entre Berlin et Vienne, puis en 1938 lors de l’Anschluss, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, à Trieste, Venise, Milan, Zurich… À Hollywood, Robert Siodmak veut adapter son roman Jeunesse sans dieu. Les deux hommes se rencontrent à Paris. Sur les Champs-Élysées où il est allé voir Blanche Neige, en plein orage Horváth meurt foudroyé. Christophe Perton Né en 1964, Christophe Perton fonde la Compagnie des Cigognes à Lyon sa ville natale. À vingt-trois ans, il réalise sa première mise en scène en 1988 : Play Strindberg de Dürrenmatt. Il s’intéresse aux auteurs de langue allemande : Harald Mueller (Roulette d’escroc), Lenz (L’Anglais) entre autres. En 1993, il signe avec la ville de Privas une convention, monte Pasolini Porcherie, Une vie violente qui tourne dans les villages d’Ardèche, puis Affabulazione, et notamment Les Soldats de Lenz, Faust de Lenau, Les gens déraisonnables sont en voie de disparition de Handke en 1998, année où se termine sa résidence à Privas. En 1999, il crée La Chair empoisonnée de Kroetz aux Abbesses, en 2000 Quatorze Isbas rouges de Platonov au Théâtre national de la Colline, en 2001 Lear de Bond au Théâtre de la Ville et à la Comédie de Valence, qu’il codirige avec Philippe Delaigue. El Don Juan création d’après TIRSO DE MOLINA OMAR PORRAS DU 7 AU 25 MARS adaptation et traduction Omar Porras, Marco Sabbatini mise en scène Omar Porras avec Philippe Faure, Stéphanie Gagneux, Philippe Gouin, Fabiana Medina, Omar Porras, Hélène Seretti (distribution en cours) production Teatro Malandro coproduction Le Théâtre de la Croix-Rousse – Théâtre ForuMeyrin – Théâtre de Vidy, Lausanne E.T.E. – Théâtre de la Ville, Paris La mythologie occidentale s’articule autour de deux héros « porteurs d’une passion démesurée, cherchant l’absolu dans la possession », possession de la connaissance pour Faust. Possession des femmes pour El Don Juan, dit Omar Porras, qui met en scène le premier de tous, celui de Tirso de Molina. En 1992, alors qu’il commençait à travailler à Genève sur le Faust de Marlowe, il hésitait et déjà lorgnait du côté de Molière et de son Dom Juan. Il lui a pourtant fallu plus de dix ans pour trouver l’occasion de l’approcher. Et finalement, sans pour autant s’en détacher totalement, il s’est senti obligé de remonter aux origines, jusqu’à la pièce fondatrice: « Molière fait agir ses personnages à travers le discours, Tirso de Molina enchaîne les faits. Plus qu’un séducteur, son personnage est un usurpateur, un envahisseur, un colonisateur. Un fils à papa à qui sa caste sociale donne le pouvoir et permet une certaine impunité. C’est un égoïste, un lâche. Mais aussi un homme affolé qui ne peut pas rester en place. Qui avant même de se glisser dans le lit d’une femme, prépare son cheval de façon à pouvoir s’enfuir. Il étouffe, explose, il ment, trahit, ne cesse de fuir, se paie de ses angoisses sur la chair. « La pièce montre comment il arrive en conquérant, pénètre en des territoires sur lesquels il n’a aucun droit et en abuse. Comment il fabrique les victimes et les accumule. On ne le voit pas discuter, ni réfléchir. On le voit agir, consommer avidement l’amour, séduire Elvire par tromperie, tuer le Commandeur… On le voit, au long de ses aventures, se dégrader, devenir un pantin, un monstre ridicule. Tandis que, même si le Dom Juan de Molière suit un itinéraire initiatique, même si lui aussi ne cesse de fuir on ne sait quoi, dès que la pièce commence il est déjà ce qu’il est encore à la fin : un aristocrate athée, en guerre contre toutes les hypocrisies. Pour lui l’éternité ne signifie rien, car il vit uniquement ses désirs de l’instant. C’est un politique cruel, une bête féroce cherchant sa voie au travers des femmes, une voie qui le conduit jusqu’aux enfers, sans que jamais il se défasse de luimême, sans que jamais il cesse de braver Dieu. « L’autre Don Juan va finir par se repentir, du moins exprimer ses regrets, et la pièce se termine d’une façon beaucoup plus chrétienne que celle de Molière. Elle est plus dégringolée, moins élégante, plus proche de la cordillère des Andes que de Versailles… Elle va THEATRE DE LA VILLE • TARIF A d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre. Molière au contraire, économise les mots, concentre l’action. Je pense par exemple à la rencontre dans la forêt avec le mendiant que Dom Juan oblige au sacrilège. Elle est d’une grande force, et je m’en inspire pour retravailler cette scène chez Tirso de Molina. » Le théâtre d’Omar Porras s’appuie sur le langage des corps, au moins autant que sur les mots. Qu’il monte Dürrenmatt (La Visite de la vieille dame) Cervantès (Ay ! Quixote), Federico García Lorca (Noces de sang) il accole, enchevêtre, il croise le mouvement et les paroles et les voix et la musique et la danse et les masques et le rêve et le rire. Alors, il se sent proche de la folie du poète espagnol et il s’est attaché à son héros mal embouché. « Cela dit, il me reste un regret. Parler des femmes uniquement en tant que victimes n’est pas intéressant. J’aimerais trouver comment les mettre davantage en valeur. Peut-être, faudrait-il que j’aille vers Mozart. » Tirso de Molina Tirso de Molina – de son vrai nom Fray Gabriel Tèliez – né vers 1583, est mort en 1648. Entretemps, il a fait des études à Madrid, a fréquenté la Cour, est entré en 1600 au couvent de la Merced à Guadalajara où il a enseigné, puis a été envoyé de 1615 à 1617 à Saint-Domingue. De retour à Madrid, il rencontre Lope de Vega, écrit L’Histoire générale de Notre Dame de la Merced, est nommé commandeur du couvent d’Almazan où il est resté jusqu’à la fin de sa vie. Auteur de plus de trois cents pièces, dont beaucoup se sont perdues, il est l’un des plus féconds représentants du siècle d’or. Le Trompeur de Séville ou Le Convive de pierre date environ de 1625. On connaît également Les Jardins de Tolède (1624) recueil dans lequel il expose ses théories théâtrales, Le Timide au palais, Les Amants de Teruel, Le Damné par manque de foi, entre autres. Omar Porras Omar Porras est né à Bogota, y a commencé son apprentissage de comédien, est arrivé dans les années 80 à Paris où il ne connaissait personne. Il a donc gagné sa vie avec des spectacles de marionnettes dans le métro et s’est tenu au courant de la vie théâtrale en se glissant dans la salle du Théâtre de la Ville ! Le hasard l’emmène en Suisse où il fonde sa compagnie Teatro Malandro en 1990. Avec comédiens et marionnettes, il monte Ubu Roi de Jarry ; en 1992, La Tragique Histoire du docteur Faustus d’après Marlowe ; en 1993 La Visite de la vieille dame. Après quoi, la plupart de ses spectacles viennent en France : en 1995 à Dijon, Othello créé à la Comédie de Genève. En 1997, Noces de sang, présentées aux Abbesses en 1999. En 1998, il joue le metteur en scène dans Ce soir on improvise mise en scène de Claude Stratz, à l’Athénée. En 2000, Les Bakkhantes d’après Euripide, également aux Abbesses. En 2002, Ay ! Quixote * au Théâtre de la Ville. En octobre 2003, il met en scène aux Abbesses le spectacle d’Angélique Ionatos Alas pa’volar. En 2004, La Visite de la vieille dame toujours aux Abbesses. * coproduction Théâtre de la Ville. 5 RHINOCÉROS E. Ionesco E. Demarcy-Mota LE BELVÉDÈRE Christophe Perton Ödön von Horváth EL DON JUAN Omar Porras LE VASE DE PARFUMS Suzanne Giraud Olivier Py 6 photos Roger-Viollet, C. Parodi, X. DR, J.-P. Lozouet, L. Guiraud, R. Haughton, P. Gontier LA VEILLÉE DES ABYSSES James Thiérrée CIRQUE AU THÉÂTRE DE LA VILLE La Veillée des abysses JAMES THIÉRRÉE LA COMPAGNIE DU HANNETON DU 14 AU 29 DÉCEMBRE auteur et metteur en scène James Thiérrée son Thomas Delot lumières Jérôme Sabre costumes Victoria Thiérrée, Cidalia Da Costa avec Gaëlle Bisellach-Roig, Raphaëlle Boitel, Niklas Ek, Thiago Martins, James Thiérrée, Uma Ysamat coproduction La Compagnie du Hanneton – La Coursive, scène nationale de La Rochelle – Théâtre Vidy Lausanne avec la collaboration de L’Espace des Arts de Chalon/Saône, les Halles de Sierre (Ch), l'Avant Seine Théâtre de Colombes et l'Opéra-Comique avec le soutien de la DRAC Bourgogne et du conseil régional de Bourgogne Le vent souffle à toute force. Il sont six à lutter contre cet ouragan qui les ensevelit sous une mer blanche et finit par les emporter au cœur d’un monde intermédiaire, traversé de musiques enchaînant concerto pour basson et Tom Waits. Plus rien n’y est tout à fait à sa place, et surtout pas le centre de gravité. Alors tout s’emmêle, les objets se dérobent, s’imposent, imposent leur loi, se métamorphosent, et les humains s’envolent… C’est l’une des interprétations possible de La Veillée des abysses. Des milliers et des milliers d’autres – autant que de spectateurs – sont envisageables. Pourquoi La Veillée des abysses ? Parce que La Vie des abeilles, livre de Maeterlinck qui d’ailleurs n’a strictement rien à voir avec ce qui se passe sur scène, propose une certaine ressemblance phonétique. Pourquoi les abeilles ? Parce que les hannetons. Parce que La Symphonie des hannetons – présentée au Théâtre de la Ville l’avant-dernière saison –, précédent spectacle de la Compagnie du Hanneton, menée par un enfant du cirque, dont la logique particulière prend sa source dans le merveilleux de la poésie : James Thiérrée. Sa compagnie, il l’a, dit-il, fondée pour « être sur scène ». À vrai dire, depuis l’âge de quatre ans, la scène, il ne l’a guère quittée. Il a voyagé avec et, devenu adulte, a été acteur. Mais enfin, en mariant le théâtre à son pays d’enfance, la piste, il a voulu faire naître et exister son monde à lui. Monde en perpétuelle mutation, que soir après soir il découvrirait, où soir après soir, il emmènerait les spectateurs : « Comme moi, comme tous, c’est ce qu’ils demandent, ce dont ils ont besoin : être emmenés quelque part ailleurs. Un endroit où se retrouvent de vagues réminiscences, des histoires un peu oubliées, des visions imaginées, des souvenirs enchevêtrés. « Je ne peux pas dire précisément comment me viennent les idées. Je pars d’une matière brute, de faits concrets, de gestes simples. Le spectacle se compose pas à pas, se modifie de lui-même au long des représentations. Tout est toujours en devenir. On pense construire THEATRE DE LA VILLE • TARIF A une œuvre, et à chaque instant on se rend compte à quel point ses éléments vous échappent. « Au départ, j’imagine une ligne, et puis nous travaillons. Les artistes sont acrobates, contorsionnistes, musiciens, j’écoute leurs envies. Ensemble, nous écoutons les publics, leurs réactions. Pas seulement les manifestations de joie, les applaudissements. Compte aussi la respiration d’une salle. C’est essentiel pour assurer le rythme, dépasser la performance, le pur numéro de cirque, pour atteindre l’humain ». Atteindre la fluidité de la vie, laisser le cœur s’ouvrir à l’innocence retrouvée des émotions et des rires, se laisser glisser dans les enchantements surréalistes des images. Et y croire. On y croit, on y est. Sans paroles, entre une tempête et un tremblement de terre qui ramène dans le réel de l’instant, La Veillée des abysses vous a mis en contact avec un royaume de fées blagueuses, où les canapés avalent leurs occupants, où les chaises se font fantômes, où lire le journal devient un exploit… Pourtant ces aventures insensées “atteignent l’humain” au travers de personnages fragiles et proches auxquels on s’attache. Des personnages de théâtre, en somme. Peut-être un jour James Thiérrée affrontera-t-il l’Espagne de don Quichotte, l’île de Prospero, la forêt enchantée d’Obéron et Titania… « Je ne crois pas, parce que je fonctionne sur les contrastes. Je n’ai pas envie d’entrer dans un merveilleux déjà présent. Je préférerais inventer les délires visuels adaptés à une intrigue parfaitement normale, ou même réaliste. Tout au moins entre deux mondes. » Une intrigue ? Une pièce écrite ? Les paris sont ouverts… James Thiérrée Fils de Jean-Baptiste Thiérrée et de Victoria Chaplin, il porte dans ses gènes le génie comique de son grand-père. Il est né à Lausanne, mais a vécu la vie des gens du voyage avec le cirque de ses parents. De sorte qu’il est acrobate, musicien, qu’il a fait son apprentissage de comédien entre autres à Milan au Piccolo Teatro, à Harvard, et même en France avec Isabelle Sadoyan. À quatre ans il était sur la piste. Puis il a tourné avec Peter Greenaway, Coline Serreau, Raul Ruiz, Philippe de Broca, a joué au théâtre avec Benno Besson, Carles Santos… Et en 1998, il décide de se consacrer à la scène, la sienne. Alors il fonde sa compagnie, celle du Hanneton, dont il offre La Symphonie révélée au Théâtre de la Ville en 2003. 7 OPÉRA AU THÉÂTRE DE LA VILLE Le Vase de parfums création SUZANNE GIRAUD OLIVIER PY 27 ET 28 OCTOBRE musique Suzanne Giraud texte et mise en scène Olivier Py direction musicale Daniel Kawka décor et costumes Pierre-André Weitz avec A Sei Voci (5 chanteurs) direction Bernard Fabre-Garrus Ensemble orchestral contemporain (20 musiciens) L’opéra de la parole restituée. Voilà plus de quatre ans que la compositrice Suzanne Giraud travaille sur le projet d’un opéra consacré au personnage de Marie de Magdala. Tout a commencé par la commande d’une cantate sur le texte de Charles Jennens pour le célèbre oratorio de Haendel, Le Messie. Ce dessein originel pour un effectif conforme à l’œuvre dont il devait faire le pendant, cinq chanteurs et vingt instruments (seul manque le chœur), s’est peu à peu transformé en opéra. En octobre 2000, marquée par la lecture de L’Évangile de Marie, apocryphe présenté et commenté par le philosophe orthodoxe Jean-Yves Leloup, Suzanne Giraud fait passer la figure du Messie à l’arrière-plan au profit de celle de Marie de Magdala, considérée comme l’un des apôtres favoris de Jésus, d’où le premier titre choisi par la compositrice Le Treizième Apôtre, qui, sous l’impulsion d’Olivier Py, devient en septembre 2003, Le Vase de parfums. La passion de Suzanne Giraud pour son sujet a rencontré en Olivier Py un écho tel, que les deux créateurs ne pouvaient que se stimuler l’un l’autre. Il en est résulté une collaboration exceptionnelle, d’autant plus fructueuse qu’ils sont tous deux ouverts au monde et à la spiritualité qu’ils observent et dans lesquels ils s’impliquent avec le regard d’artistes sensibles et pénétrants. « Ce n’est pas tant une question d’homme ou de femme que pose mon opéra que celle de l’équilibre du monde et de l’épanouissement nécessaire des forces complémentaires, dit Suzanne Giraud. C’est toute la civilisation judéo-chrétienne qui est ici interrogée, par la restitution imaginée de la parole, longtemps occultée, d’une femme méprisée pour avoir aimé. La question ici posée est : pourquoi avoir escamoté la parole de Marie de Magdala, alors que, grâce aux recherches non limitées par les préjugés, s’impose le fait qu’elle a été l’un des principaux apôtres du Christ, si ce n’est le principal apôtre ? D’où un déséquilibre fondamental qui, à l’instar de toute oppression de ce qui dérange, engendre violence, inquisition, extermination, et, de façon plus générale, destruction de civilisations, voire de la planète entière. » Œuvre se voulant de portée universelle, née de l’esprit d’une compositrice et d’un dramaturge d’aujourd’hui, Le Vase de parfums est non seulement un hommage à l’un des grands mythes de l’Humanité, mais aussi à la Renaissance, son expression artistique et son inventivité. Le contrepoint et le recitativo cantando monteverdien magnifiés par l’harmonie contemporaine en micro-intervalles, mais aussi les images suggérées par le texte du Vase de parfums se réfèrent aux grandes crucifixions des peintres italiens du seicento. 8 Bruno Serrou THEATRE DE LA VILLE • TARIF B L’anecdote. La nuit du vendredi saint selon celle que les apocryphes ont appelée le treizième apôtre, Marie-Madeleine. L’argument théologique. Il ne s’agit pas seulement de la nuit du vendredi saint mais de toutes les nuits où la foi est absente, de toutes les nuits où l’évidence de la mort, reprend ses droits. Et pourtant c’est là que s’exprime l’intrinsèque liberté de l’homme. Une foi qui survit à la mort de la foi, voilà désignée cette lumière qu’il nous appartient, en propre, d’éteindre ou de proclamer. C’est pourquoi Madeleine s’appelle ici la Femme libre, celle qui la première a cru à la résurrection, celle que le Christ a choisie comme premier témoin de son retour, peutêtre parce qu’entre eux l’amour s’était fait chair. Qu’est-ce qu’il y a quand il n’y a rien ? Il y a notre libre assentiment qui si étrangement ressemble à l’œuvre d’art. Et comment l’art peut-il être réponse à cette nuit de l’âme ? Le Vase de parfums, c’est cette oraison impossible qui est la seule urgence et le dernier geste possible au royaume de l’impossible. Olivier Py Suzanne Giraud Née à Metz en 1958, Suzanne Giraud fait toutes ses études à Strasbourg où elle travaille le piano, le violon, l’alto et l’écriture musicale. Puis elle entre au Conservatoire de Paris où elle obtient les premiers prix d’harmonie, contrepoint, analyse, orchestration, composition, et direction. Élève de Marius Constant et Claude Ballif au Conservatoire, elle se perfectionne auprès d’Hugues Dufourt et Tristan Murail, puis Franco Donatoni à Sienne et Brian Ferneyhough à Darmstadt. Elle étudie l’électronique à l’Ircam et à l’Upic. À Rome, durant son séjour à la Villa Médicis, elle côtoie Giacinto Scelsi et se découvre une passion pour la Renaissance, son architecture, sa peinture, sa poésie et son humanisme. Auteur d’une cinquantaine d’œuvres, elle signe avec Le Vase de parfums son deuxième opéra, après Œdipe qu’elle a elle-même adapté de Sophocle en 1995, inédit à ce jour. B. S. Olivier Py Olivier Py dirige le Centre dramatique national/ Orléans-Loiret-Centre depuis juillet 1998. Auteur, metteur en scène et comédien. Il écrit et publie essais, romans, nouvelles ou pièces dont Théâtres mis en scène par Michel Raskine, créé au Point du Jour à Lyon en 1998 puis aux Abbesses en 1999. Au théâtre, il stupéfie public et critique en 1995 avec La Servante puis en 2003 avec Le Soulier de satin (Prix Georges Lherminier du Syndicat de la critique) créé à Orléans en coproduction avec le Théâtre de la Ville qui le programme quelques mois après. En mars 2004, toujours à Orléans, il a créé deux des pièces de sa dernière épopée, Les Vainqueurs. En 1999, il a réalisé son premier film, Les Yeux fermés, pour Arte. Il a monté trois opéras : Der Freischütz, Les Contes d’Hoffmann et La Damnation de Faust. A.-M. B. L’Histoire du soldat STRAVINSKI / RAMUZ OMAR PORRAS DU 21 SEPTEMBRE AU 3 OCTOBRE mise en scène Omar Porras direction musicale Antoine Marguier scénographie Fredy Porras, Omar Porras costumes, masques, maquillages Fredy Porras assistants à la mise en scène Elidan Arzoni, Joan Mompart lumières Laurent Prunier univers sonore Andres Garcia avec Philippe Gouin, Joan Mompart, Fabiana Medina, Omar Porras, Francisco Cabello ENSEMBLE CONTRECHAMPS : René Meyer clarinette Alberto Biano, Alberto Guerra basson Gérard Métrailler trompette Andréa Bandini trombone Nicolas Jéquier, Isabelle Magnenat violon Jonathan Haskell, Noëlle Reymond contrebasse Sébastien Cordier, François Volpé percussion Antoine Marguier direction Une création d’Am Stram Gram Le Théâtre, Genève en coproduction avec Contrechamps avec le soutien de Pro Helvetia (Fondation suisse pour la culture) Am Stram Gram Le Théâtre est subventionné par le département des Affaires culturelles de la ville de Genève et le département de l’Instruction publique du canton de Genève. L'Ensemble Contrechamps est subventionné par la ville et le canton de Genève. En permission pour deux semaines, le soldat n’a qu’un souhait : retrouver au plus vite sa famille, sa fiancée. Il marche, marche encore, et voilà que fatigué, il s’arrête. Alors, vient à sa rencontre un gracieux vieillard, qui, en échange de son violon, lui promet le secret de la fortune, et plus si affinités, c’est-à-dire une princesse. Naturellement, il s’agit du Diable en personne, virtuose en l’art de faire perdre la tête à de moins innocents qu’un jeune garçon encore tout ébahi. Ce conte de tous les temps et de tous les pays, Igor Stravinski, au cours de son exil suisse, l’a raconté à Charles-Ferdinand Ramuz. Chacun de son côté s’en est inspiré, et ensemble ils ont créé L’Histoire du soldat, « spectacle dramatique pour théâtre ambulant », donc en totale harmonie avec la manière d’Omar Porras. Il en tire un spectacle enchanté, se promenant, nous emmenant dans les méandres et les ambiguïtés de la féerie et de la poésie, du burlesque et de la tendresse : « J’ai découvert Stravinski par Le Sacre du printemps : pour moi, le chef-d'œuvre absolu. Puis, à un moment donné, je me suis trouvé face à cette Histoire du soldat, celle d’un homme piégé par Satan, en quelque sorte un autre Faust. Le contraste et la miraculeuse union entre le texte de Ramuz tellement moral, et la musique tellement païenne, a déclenché chez moi une explosion d’images. Comme si se dévoilait un rêve dont on n’aurait pas osé se souvenir. « Par sa facture, l’œuvre me fait penser à la façon dont les peintres, parfois, embrument certaines formes pour mieux révéler des figures cachées, pour montrer l’inmontrable. C’est-à-dire que la musique raconte autant que les mots, leur donne de multiples sens, elle les fait danser. Alors les acteurs doivent obéir à cette danse. Les mouvements, la musique, l’anecdote s’entremêlent étroitement, directement, sans interférences, et déchaînent un feu d’artifice magique. On ne peut pas les dissocier. « L’idée de les marier ainsi m’a donné l’audace de m’aventurer dans cette entreprise plutôt risquée. Le travail n’était pas évident, mais nous n’avions pas le choix. À l’intérieur d’eux-mêmes, les comédiens ont dû déchiffrer chaque note avant de les traduire de tout leur corps. Ils étaient préparés pour, ils l’ont fait. » Ayant laissé le champ libre à son imagination, mais pour une fois rigoureusement fidèle à la lettre comme à la note, Omar Porras a précipité sur scène un éblouissant ballet de masques et d’ombres fugaces, de couleurs raffinées, d’apparitions saugrenues, d’images émerveillées, d’objets étincelants et misérables, et le fameux violon tout chatoyant d’or… L’orchestre invisible fait battre le cœur de cette étrange musique qui semble prendre ses racines dans des souvenirs mal éteints. Les paroles s’y incrustent, elles font chanter les voix. Le soldat et le récitant retrouvent la complicité bouffonne qui les unissait dans Ay ! Quixote où ils étaient le Chevalier et Sancho Pança. La Princesse traverse l’histoire en ballerine aérienne, et le Diable naturellement c’est Omar Porras, souriant manipulateur en perpétuelle métamorphose, qui se dérobe et revient, insaisissable, indispensable. Charles-Ferdinand Ramuz Né à Lausanne en 1878, Charles-Ferdinand Ramuz, dès son adolescence décide d’écrire. Il poursuit ses études à Paris. En 1903, est publié, sans succès, son premier livre de poèmes, Le Petit Village, et en 1905 son premier roman, Aline. Il quitte Paris, revient chez lui. Jusqu’à la fin de sa vie, il ne cesse d’écrire, Le Village dans la montagne (1908), Jean-Luc persécuté (1909), Aimé Pache (1911), entre beaucoup d’autres titres. En 1915, il rencontre Stravinski, se lie d’amitié, et L’Histoire du soldat est créée en 1918. Il est publié chez Gallimard où tous ses livres sont édités. Antifasciste, anticommuniste, pourfendeur de la bourgeoisie et du goût de l’argent, il se tient à l’écart du monde, écrit en 1940 Salut à la France en guerre, et meurt le 23 mai 1947. Omar Porras (biographie p.5) 9 LES ABBESSES • TARIF B L’HISTOIRE DU SOLDAT 10 PESSAH/PASSAGE Lukas Hemleb Caroline Chaniolleau photos M. Vanappelghem, J.-P. Lozouet, © Enguerand, X. DR, Anne Rotger, ph. A. Fonteray FEMMES GARE AUX FEMMES (photos de répétitions) Dan Jemmett Femmes gare aux femmes Women beware women THOMAS MIDDLETON DAN JEMMETT création DU 8 AU 23 OCTOBRE traduction Marie-Paule Ramo mise en scène Dan Jemmett assisté de Céline Gaudier scénographie Denis Tisseraud, Dan Jemmett assistés de Jeanne-Lucie Schmutz lumières Arnaud Jung costumes Sylvie Martin-Hyszka assistée de Nathalie Saulnier, Dominique Chauvin et Magali Perrin-Toinin avec Pierre Banderet, Vincent Berger, Thierry Bosc, Sonia Cardeilhac, Mathieu Delmonté, Julie-Anne Roth, Josiane Stoléru coproduction Théâtre de Vidy, Lausanne E.T.E. – Théâtre de la Ville, Paris – Espace Jean Legendre, Théâtre de Compiègne C’est en champion hors catégorie que Dan Jemmett plonge dans les eaux agitées d’un théâtre qui a cours en Angleterre au début du XVIIe siècle, et auprès duquel les comédies les plus extravagantes de Shakespeare font figure de classiques harmonieux. « En ce temps-là, le théâtre professionnel venait tout juste de naître, de sorte que pour donner au public l’envie d’y aller, il fallait lui offrir de l’inhabituel, de l’extravagance. » Après une Nuit des rois, retitrée Shake, explosion burlesque on ne peut plus britannique, Dan Jemmett s’est emparé d’un drame gore de Thomas Middleton et William Rowley, The Changeling, retitré Dog Face. Fable d’une formidable liberté, d’une violence inouïe, d’une cruauté sans nom, transformée en réjouissante saga complètement déjantée. Deux spectacles présentés au Théâtre de la Villeles Abbesses. Et puisque rien n’arrête Dan Jemmett, le voilà donc aux prises avec une autre pièce de Thomas Middleton seul : Femmes gare aux femmes. Traduction directe du titre anglais : Women beware women. Shake se passait devant des cabines de bains sur une plage, Dog Face autour d’une caravane. Cette fois, sur une route anonyme, ce sera une voiture. Une Triumph des années 60, pareille à celle que le père de Dan Jemmett aimait tant, et qu’il a démolie un jour dans un accident: « Les comédiens joueront avec, il en sortira de la musique, il y aura aussi un rideau rouge… Nous utilisons les éléments de la même manière que le texte : nous cherchons une logique. Dans ce cas, celle de l’espace. Nous avons besoin de savoir pourquoi à tel moment, untel se trouve à tel endroit. » À tel endroit, pour faire quoi ? Tenter de résumer l’intrigue de Femme gare aux femmes relèverait du pari stupide. La pièce comporte une dizaine de personnages importants, plus des domestiques, messagers, dignitaires, chevaliers et bourgeois, quelques masques… Tous plus pittoresques, plus cyniques les uns que les autres, ils sont concentrés ici sur sept comédiens incarnant les protagonistes indispensables à l’action. Aux actions car, naturellement, rien n’est linéaire. Il est question d’un jeune homme (Leantio) affligé d’une mère autoritaire maladivement attachée à une morale pour le moins puritaine. Selon elle, une épouse doit vivre enfermée LES ABBESSES • TARIF A sans jamais jeter un regard sur un autre homme que son mari. Or, Leantio a enlevé une jeune fille de seize ans, Bianca, pour l’épouser. Et puis le Duc, cinquante-cinq ans – Middleton ne laisse pas passer la différence d’âge – la veut pour lui et à la fin tout le monde ou presque, meurt. L’histoire se passe en Italie, de sorte que Thomas Middleton a pu dénoncer toutes sortes de turpitudes sans vexer personne ni risquer la censure : « À le lire, on se rend bien compte de son attirance pour le plaisir, pour la luxure. Mais le puritanisme de la religion entrave ses personnages. Ils vivent dans un état de tension sauvage. C’est ce que j’aime dans son théâtre, dans le théâtre en général : les émotions, les idées qui viennent du plateau, se communiquent directement par la chair, par le corps, sans passer par une rhétorique. « Ces gens ne sont pas fous, ni idiots. Ils tiennent des raisonnements fondés sur ce qu’ils savent devoir faire ou ne pas faire pour répondre à des règles qui ne tiennent aucun compte des élans. Elles sont sévères, rigides, tuent la tendresse, la compassion, la solidarité. Enfermées dans un même carcan, les femmes luttent pourtant les unes contre les autres, n’hésitent pas à se trahir. Elles suivent l’exemple des hommes. Tout le monde joue avec les émotions de tout le monde. Un jeu dangereux. Même en situant l’affaire loin de l’Angleterre, Middleton ne peut pas prendre clairement position. Cela dit, sa critique d’une pourriture sociale, morale est évidente. Et féroce. « La pièce finalement n’est pas tellement gaie. Elle est sous-titrée “tragédie”, c’est juste dans le sens où une fatalité pèse sur chacun, chacun est prisonnier de son destin. Mais les excès mêmes donnent un côté farce, une théâtralité immédiate, forcenée qui me réjouit. Quel que soit le sujet que l’on traite, le théâtre est une fête, et à la fin il faut bien quelque chose à fêter ensemble. » Thomas Middleton Thomas Middleton naît en 1580 à Londres, suit des études à Oxford et à vingt ans publie trois volumes de poésie. Auteur prolifique, il publie en 1605 La Tragédie du vengeur, modèle d’un théâtre baroque, excessif, proche du GrandGuignol. À partir de 1613, il produit nombre de comédies que l’on appellerait aujourd’hui “urbaines”, décrivant sans indulgence les comportements sociaux, parmi lesquelles en 1622, The Changeling. Femmes gare aux femmes, est l’une de ses dernières pièces. Elle est créée en 1625, deux ans avant sa mort. Dan Jemmett Né en 1967 à Londres, Dan Jemmett étudie la littérature et le théâtre à l’université avant de se lancer dans la vie professionnelle. Il joue Heiner Müller, Brecht, Marlowe, Shakespeare bien entendu. Il adapte Kafka et Borgès. En France, il apparaît avec un Ubu à trois personnes et un fauteuil rouge. En 2002, au Théâtre de la Villeles Abbesses, il monte Shake d’après La Nuit des rois (Prix de la critique), puis à Lausanne et à Chaillot Presque Hamlet et en 2003, toujours aux Abbesses, Dog Face de Middleton et Rowley. 11 Pessah / Passage création LAURA FORTI LUKAS HEMLEB DU 5 AU 27 NOVEMBRE traduction Caroline Chaniolleau mise en scène Lukas Hemleb scénographie,costumes Jane Joyet, Alice Laloy assistante à la mise en scène Leïla Férault avec Caroline Chaniolleau, Laurent Mazoni, Annie Perret, Mila Savic 12 Soit, une femme au cœur fragile et qui fume en cachette. Soit, la fille aînée, elle-même mère pour le moins négligente, et qui tente d’oublier le gris de sa vie dans le cognac. Soit, la fille cadette qui cherche ailleurs ce qu’elle ne sait trouver nulle part. Soit, le fils qui tente de croire et de faire croire à son pouvoir de séduction… Une famille (presque) normale, réunie pour célébrer la Pâque juive, laquelle tombe juste le jour anniversaire du petit fils. On ne le verra pas : il préfère rêver d’une mobylette et se défoncer avec des camarades de son âge. On ne verra pas non plus le père, retenu en clinique par un brouillard mental profond. On pourrait craindre un drame glauque, il n’en est rien. Laura Forti, auteur de Pessah/ Passage* vient du soleil : elle est italienne. Et puis juive. Elle est bardée d’humour, de vitalité truculente, de curiosité et de sympathie envers ses personnages comme envers son prochain. Lorsque Lukas Hemleb a lu la pièce, en italien et avant qu’elle soit publiée, il s’est rendu compte qu’elle lui apportait exactement ce qu’il avait envie de rencontrer juste à ce moment : « Une écriture émancipée, débarrassée de ces interrogations devenues routinières chez un grand nombre d’auteurs contemporains, à propos des codes, et ruptures de codes, de déconstruction et reconstruction. Au travers de son écriture, Laura Forti n’a pas voulu créer de distance entre elle et les autres. Elle ne se pose pas de questions sur ses influences, ne cherche ses racines qu’en elle-même. « Cette authenticité, tellement rare aujourd’hui, m’a d’emblée séduit. À partir de là, j’ai compris les pourquoi de mon intérêt. Notamment, la pièce offre aux comédiens des occasions formidables. À moi, elle offre la possibilité de renouer avec quelques-uns d’entre eux, qui ont déjà travaillé avec moi. Je les connais suffisamment pour savoir qu’ils peuvent constituer un groupe, une famille. Je les sais capables et désireux de s’engager avec moi dans cette aventure qui peut nous emmener loin en nous-mêmes. « Une autre raison de mon choix : je suis curieux de la judéité. Je ne suis pas juif, mais je me sens proche, alors j’ai envie de comprendre : la mémoire, la religion et le refus de la religion. Et, dans une période de ruptures comme celle que nous vivons, l’importance retrouvée d’un rituel réduit à une habitude… J’en ai d’ailleurs beaucoup discuté avec Laura Forti, et aussi du rêve d’Israël, plus ou moins présent dans cette famille, sous une forme ou une autre. « Le grand défi de cette pièce : parvenir à établir l’équilibre entre d’une part l’universalité de la situation et des personnages, c’est-àdire la violence des rapports entre la mère et les enfants, d’autre part leur singularité. C’està-dire la façon évidente dont l’Histoire est venue détourner leur existence privée, la façon dont elle les a marqués. Partout, de telles conditions de désarroi peuvent amener à chercher un ancrage dans le spirituel, sinon LES ABBESSES • TARIF A le religieux. Ouvrir ces questions me semble actuellement très très important ». Dans cette pièce, écrite par une femme, le seul homme présent est une sorte de faux macho, complexe, ambigu, moins affirmé dans son identité que ses sœurs et sa mère. Lukas Hemleb ne s’en émeut pas : « Je peux même dire que cela ne me semble pas en rupture avec la réalité. Face aux coups de l’Histoire, souvent les hommes se montrent plus fragiles que les femmes, en tout cas plus évanescents. Ils ont tendance à disparaître. J’en connais tant de cette sorte, que ma réaction navigue entre frissons et amusement. Quant au donjuanisme revendiqué du frère, je le comprends comme un refus de continuité. Plus précisément la capacité de vivre la discontinuité. Il est vrai que dans un monde déréglé, fonctionner comme une horloge suisse me paraît pour le moins utopique ». Le parcours récent de Lukas Hemleb enchaîne Figure, portrait d’un homme monstrueusement tourmenté – le peintre Francis Bacon – et Titus Andronicus, la tragédie la plus sanglante de Shakespeare. La violence de Passages est aussi forte sinon davantage, et d’une tout autre nature. Plus insidieuse, perdue de contradictions et de doutes : « Dans Titus, les actes sont abominables, leurs motivations très claires, les actes assumés. Ici, non. Les personnages sont écrasés par les syndromes superposés de l’Histoire et de leur histoire. On commence avec une situation connue de tous, et qui vous entraîne ailleurs, Dieu sait où… Avec, quand même, une constatation réjouissante : la jubilatoire et féroce volonté de vivre. Théâtralement, c‘est passionnant. » Laura Forti Auteur, traductrice de théâtre israélien, comédienne, metteur en scène depuis 1992, Laura Forti dirige des cours d’expression corporelle à Prato, et des performances. En 1998, elle a obtenu le Prix spécial de la critique pour une pièce écrite avec la communauté albanaise d’Italie : Les nuages retournent à la maison, et en 2001 le prix Ugo Betti pour Pessah/Passage. Elle a notamment mis en scène Rezah sur le thème du conflit israëlopalestinien, et Les Cannibales de George Tabori… En 2003 elle a été chargée de la commémoration de la Shoah qui, en Italie, a lieu chaque année, en montant un de ses textes : Dis-moi, une histoire jamais écrite. Lukas Hemleb Né en 1960 à Francfort, Lukas Hemleb a un peu plus de vingt ans lorsqu’il entame un parcours simultanément théâtral et musical. Il part pour l’Afrique, revient en Europe, y monte ici et là des opéras, de sorte qu’il parle un nombre considérable de langues. Il pose ses valises en Belgique, puis s’installe en France. Il monte Daniil Harms au Petit-Odéon, puis à La Cabane, Loué soit le progrès de Gregory Motton. La Comédie-Française fait appel à lui : Une visite inopportune de Copi au Studio et au Vieux-Colombier, Le Dindon de Feydeau, Salle Richelieu – retransmis par ARTE. Au Théâtre Vidy-Lausanne, il monte Marina Tsvetaïeva, à la MC93 de Bobigny, Vision de Dante, deux spectacles où la musique tient un rôle primordial. Viennent ensuite Figure de Pierre Charras, Titus Andronicus de Shakespeare. Lukas Hemleb est un explorateur de textes. * Pièce traduite à l’initiative du Centre international de la traduction théâtrale – Maison Antoine Vitez. Les animaux ne savent pas qu’ils vont mourir PIERRE DESPROGES MICHEL DIDYM reprise DU 7 AU 29 DÉCEMBRE textes et chansons Pierre Desproges adaptation Hélène Desproges, Michel Didym mise en scène Michel Didym musique Johann Riche avec Philippe Fretun, Daniel Martin, Clotilde Mollet production Théâtre de la Ville, Paris – Compagnie Boomerang « C’était pas un point de côté, c’était un cancer de biais » constatait Pierre Desproges, juste avant que ce cancer n’achève de le ronger. Quinze ans plus tard, Michel Didym prend contact avec Hélène Desproges qui lui confie des textes connus et d’autres inédits. Il ose un pari : grâce à un accordéoniste et à trois comédiens de rêve, il veut prouver que ces textes résistent à des interprétations autres que celle de l’auteur, bref qu’ils appartiennent à notre patrimoine culturel. Pari tenu. C‘était et c’est toujours Les animaux ne savent pas qu’ils vont mourir. Ils ont triomphé aux Abbesses, ils y reviennent. Des textes qui résonnent encore à nos oreilles, perçus à la radio, à la télé ou lus récemment, parce qu’on ne se lasse pas de cette prose qui écorche, poétique quand elle veut, goulue, implacable. Parsemé d’inédits, de chansons, de musique, ce spectacle se joue à trois personnages, incarnant femmes et hommes, chercheurs, médecins, haineux ordinaires et naïfs en tout genre… Assia Rabinowitz, Le Figaro, 29 avril 2003 Car seule l’écriture intéressait celui qui avait débuté par la télé et la radio, mais trop subtil, trop décalé de ses pairs humoristes, était trop occupé à fourrager dans les facéties de la langue française pour être véritablement populaire. […] Tout en colères et sarcasmes de grand sentimental : « Je suis un artiste dégagé, disait-il. Un agresseur agressé par l’état sauvage du monde ». Maia Bouteillet, Libération, 30 avril 2003 On n’avait plus l’habitude d’entendre sur scène parole si insolente, paradoxes si impitoyables sur l’humaine condition, ses hypocrisies, ses lâchetés… C’est peu dire que la parole de Pierre Desproges – mort d’un cancer en 1988 à l’âge de 51 ans – réveille nos consciences molles, nos individualismes repus. Fabienne Pascaud, Télérama, 30 avril 2003 Tout est là. Ses colères contre le racisme, l’intolérance (avec un sketch au troisième degré, féroce, L’Association des non-handicapés de France), la vieillesse, impitoyablement décrite, son anticléricalisme insolent, son goût des jolies femmes et des bons vins, sa truculence pour parler du sexe, son plaisir de fustiger les clichés (on rit aux larmes à la lecture à trois voix d’un texte jargonneux), son amour, finalement de la vie, en même temps que son obsession permanente de la mort. Michel Didym, qui met en scène ce spectacle vraiment jubilatoire, a eu raison d’oser faire vivre sur scène l’univers « hargneusement loufoque » de Desproges. A.C, Les Échos, 28 avril 2003. LES ABBESSES • TARIF A Et c’est cela qu’avec élégance, sans rien forcer, en demeurant du côté du clown qu’il était aussi, nous font comprendre Clotilde Mollet, robe rouge et violon ailé, et ses camarades Daniel Martin et Philippe Fretun, eux aussi musiciens. Trois interprètes remarquables, acteurs fins et sensibles, unis dans la cocasserie et la gravité qui vous assènent avec le sérieux et le détachement qui conviennent, quelques textes profondément dérangeants mais qui sont aussi au-delà d’une facile provocation. Pierre Desproges allait à l’os, aux nerfs […] Mais éclate quelque chose d’innocent, de sans défense, de pur, que les trois acteurs portent avec une intelligence bouleversante. Armelle Héliot, Le Figaro, 29 avril 2003 Pierre Desproges Né à Pantin en 1937, il entre dans la vie professionnelle comme vendeur d’assurances-vie, enquêteur pour l’IFOP, auteur de romans photos et de courriers du cœur, directeur d’une fabrique de poutres synthétiques, journaliste à L’Aurore, quotidien légendaire racheté par Le Figaro, et disparu. Il participe au Petit Rapporteur, émission dominicale de Jacques Martin sur Antenne 2, en ce temps qui demeure encore l’âge d’or de la télévision (1975-77). France Inter fait appel à lui : Les Saltimbanques de Jean-Louis Foulquier (1978-79), Le Tribunal des flagrants délires de Claude Villiers et Luis Rego (1980), Les Chroniques de la haine ordinaire (1986). Et France 3 pour La Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède (1982). Parallèlement, il se produit sur scène, collabore à Pilote, publie ses textes dont un roman, Des femmes qui tombent. En 1988, il meurt d’un cancer. Michel Didym Lorrain de naissance, il entre à l’école du Théâtre national de Strasbourg pour devenir comédien. En 1986, il participe à l’APA : Acteurs producteurs associés, une initiative de comédiens en quête d’indépendance. Lauréat en 1989 du prix de la Villa Médicis hors les murs, il dirige des ateliers à New York et San Francisco. L’année suivante, à son retour il fonde la compagnie Boomerang, en 1995 la Mousson d’été, en 2001 la MEEC (Maison européenne des écritures contemporaines) dans un même but : faire connaître des auteurs vivants, français et étrangers. Comme comédien, il a travaillé notamment avec Lavaudant, Lavelli, Françon. Comme metteur en scène, il a monté entre autres Minyana, Vinaver, Beckett, Koltès (Sallinger aux Abbesses*), Daniel Danis (Le Langue à langue des chiens de roche) au Vieux-Colombier. * Coproduction Théâtre de la Ville comme Visiteurs de Botho Strauss en octobre 1994. 13 LES ANIMAUX NE SAVENT PAS QU’ILS VONT MOURIR DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON Bernard-Marie Koltès Jean-Christophe Saïs 14 photos Enguerand, M. Enguerand, X. DR, V. Dargent LA FILLE AUX RUBANS BLEUS René Loyon Yedwart Ingey Dans la solitude des champs de coton création BERNARD-MARIE KOLTÈS JEAN-CHRISTOPHE SAÏS DU 21 JANVIER AU 12 FÉVRIER mise en scène Jean-Christophe Saïs assistante à la mise en scène Edith Chaffard scénographie Jean Tartaroli et Jean-Christophe Saïs lumières Jean Tartaroli musique Gilbert Gandil costumes Montserat Casanova avec Nathalie Royer, Laurent Vercelletto coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Carré Saint-Vincent, scène nationale d'Orléans – Halle aux Grains, scène nationale de Blois – Espace Jules Verne, scène conventionnée de Brétigny-sur-Orge (en cours) En 1999, Jean-Christophe Saïs apparaît professionnellement, et avec éclat : il offre une mise en scène âpre et fougueuse de Sallinger, de Bernard-Marie Koltès, qu’il crée aux Rencontres internationales de théâtre à Dijon, puis reprend au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Trois ans plus tard, il monte Quai Ouest, au Théâtre national de Strasbourg, ensuite au Théâtre de la Ville. Et le voici à nouveau plongé au cœur du monde crépusculaire, du génie poétique de Koltès, avec cette étrange rencontre au milieu de nulle part entre deux hommes sans nom, l’un dealer, l’autre client : Dans la solitude des champs de coton. « Sallinger, pièce de jeunesse est d’une écriture narrative, alors que Quai Ouest se construit sur un balancement dialectique. Dans la Solitude des champs de coton amalgame les deux formes. Les trois pièces marquent trois moments dans le parcours de l’auteur au long de son existence. J’étais jeune moi aussi quand j’ai commencé, et en quelque sorte, j’ai suivi sa chronologie. J’ai l’impression de grandir avec lui. « Des trois, et d’ailleurs de toute son œuvre, la troisième est certainement la plus parfaite. Au début, quand je l’ai lue, j’ai pensé à une joute verbale. Et puis, non, il y a quelque chose d’autre, quelque chose de plus. Elle parle des désirs, de ce qui se passe en soi quand on les a tous épuisés… C’est le cas du dealer. Sans désirs, il est étranger à la vie, une sorte de monstre, comme les enfants de la guerre que l’on a obligés à tuer, qui ne connaîtront jamais l’enfance. Mais lui qui n’a plus à vendre que sa “vieille carcasse”, devine, comprend, ressent les désirs de quiconque passe à sa portée, et se voit obligé de les combler. C’est son destin, quoi qu’il arrive il n’a pas le choix. Il souffre, il est au supplice et, pareil à Prométhée, attelé à une tâche inutile et sans fin. « Tout se passe comme si le client marchait droit le long d’une ligne, une ligne de vie. Et sur sa trajectoire Koltès jetterait quelqu’un qui le ferait bifurquer. Chacun suivrait sa propre route, vivrait dans son propre monde. » Deux mondes qui se croisent et se confondent sur l’espace du plateau, que Jean-Christophe Saïs imagine nu, brouillardeux, malléable, cerné de frontières indécises: « La rencontre se fait à un point indécis. Les deux routes se croisent. Les deux hommes se font face. Alors le monde du dealer, celui de la métaphore, de LES ABBESSES • TARIF A la poésie, aspire et absorbe le monde du client, celui de la réalité. Deux solitudes se croisent sans parvenir à se rejoindre. » Dans l’idée de Koltès, le dealer est un Noir, c’était essentiel. Mais finalement, la plupart du temps sa volonté n’a pas été suivie, sinon à la création dans la mise en scène de Patrice Chéreau aux Amandiers de Nanterre, où le rôle était tenu par Isaac de Bankolé. JeanChristophe Saïs, quant à lui, l’a confié à une comédienne : Nathalie Royer qui, déjà dans Sallinger, interprétait un garçon, un adolescent : « Elle interprétait un mort, quelqu’un venu d’ailleurs. Ce que représentait pour Koltès le Noir : l’étranger, l’autre, celui qui vous ressemble et qui n’est pas vous, qui vient d’un autre pays, d’une autre culture. Personnellement, le côté “clochard métaphysique” des personnages ne m’intéresse pas. La connotation homosexuelle de la rencontre, non plus. Nathalie Royer ne se travestit pas. Elle est simplement quelqu’un d’autre, qui ne serait ni homme ni femme, qui serait à la fois homme et femme. Un être indéfinissable, d’une ambiguïté suprême, avec lequel le client ne peut pas établir de vrai contact. Il peut seulement imaginer… « On pourrait imaginer deux personnes face à face dans un métro ou un train, ils se regarderaient… D’abord, ils entameraient une conversation, mais bientôt n’auraient plus rien à se dire, alors ils commenceraient à fantasmer l’un sur l’autre, à s’inventer l’un l’autre. À rêver, comme en état d’hypnose. Dans la solitude des champs de coton est une histoire de possession, une pièce d’envoûtement. » Bernard-Marie Koltès Les pièces de Bernard-Marie Koltès ont, dans un premier temps, été mises en scène par Patrice Chéreau. Le Théâtre de la Ville a coproduit et présenté : • au Théâtre de la Ville Retour au désert et Combat de nègre et de chiens mis en scène par Jacques Nichet – Roberto Zucco par Bruno Boeglin. • au Théâtre des Abbesses Quai Ouest, mis en scène par Jean-Christophe Saïs – La Nuit juste avant les forêts par Kristian Frédric – Sallinger par Michel Didym – L’Héritage par Catherine Marnas. Jean-Christophe Saïs Jean-Christophe Saïs est né à Lyon, et y a fait ses débuts comme scénographe. Mais c’est à Dijon aux Rencontres internationales de théâtre 1999, que pour son coup d’essai-coup de maître, il met en scène Sallinger, pièce dans laquelle il se retrouvait avec bonheur, et que reniait son auteur Bernard-Marie Koltès. JeanChristophe Saïs continue d’ailleurs à explorer son œuvre, sur laquelle il fait travailler les élèves de l’École du TNB à Rennes. Après avoir monté Quai Ouest en 2002, il aborde aujourd’hui Dans la solitude des champs de coton. Entre-temps, il s’est tourné vers Shakespeare pour Roméo et Juliette au Théâtre Stable de Turin et Hamlet à l’École du TNB où déjà il avait initié les élèves à Copi et Edward Bond (Les Quatre Jumelles et Pièces de guerre). 15 La Fille aux rubans bleus YEDWART INGEY RENÉ LOYON création DU 9 MARS AU 2 AVRIL mise en scène René Loyon collaboration artistique Yedwart Ingey décor Vincent Tordjman lumières Laurent Castaingt son Françoise Marchessau costumes Nathalie Martella maquillages, coiffures Sandrine Roman avec Yedwart Ingey, Olivier Werner… (distribution en cours) production Compagnie R.L. – Théâtre de la Ville, Paris 16 C’était la fin de la guerre d’Indochine, au Laos. Une jeune fille tombe en amour fou pour un officier français qui, perturbé par cette passion dont il n’a que faire, en profite mais la tient à distance. Comme il tient à distance le fils né de cette liaison sans issue, et qui va en faire revivre le parcours chaotique, sous forme d’échanges épistolaires, de souvenirs. Yedwart Ingey connaît bien cette histoire. Il est arrivé pour la première fois en France à dixsept ans, adolescent désemparé, dépaysé. Devenu comédien, et auteur, il a travaillé entre autres à Nancy avec Charles Tordjman qui, voilà trois ans, a organisé un “chantier” à partir de son texte La Fille aux rubans bleus. C’est là que René Loyon en a pris connaissance, et a décidé de le monter, absolument : « L’écriture de Yedwart Ingey me touche, sa position, la façon dont il dit comment son personnage échappe au malheur annoncé. Sur la page la plus sombre de son existence, il fait un travail de mémoire qui lui est indispensable pour reprendre pied dans la réalité. « Et puis, il s’agit d’une histoire coloniale. Ma première mise en scène était le journal intime de mon grand-père. Mon grand-père que je n’ai pas connu parce qu’il est mort avant la guerre. Mais il avait travaillé en Afrique. L’histoire de ma famille n’est en rien aussi abominable que celle racontée ici. Cela dit, je suis évidemment sensible à la situation des colons, à la façon dont ils la considéraient, aux circonstances qui ont, partout, provoqué une même forme d’oppression sur les peuples colonisés. Victor Hugo déjà dénonce les massacres perpétrés dans le Maghreb… « On a enfin commencé en France à parler de l’Algérie. Mais on semble ignorer toujours l’Indochine. Peut-être parce qu’entre-temps il y a eu la guerre du Viêt-nam et les Américains qui, eux, l’ont beaucoup utilisée au cinéma… « La situation coloniale peut déclencher une épouvantable brutalité, y compris chez des gens “normaux”, ni monstres, ni beaufs grotesques. On peut, selon la tradition de l’armée française, imaginer le personnage de l’officier comme un fils de la bonne bourgeoisie catholique, sorti de Saint-Cyr. Alors qu’est-ce qui, chez lui, provoque une attirance irrépressible vers la cruauté ? La violence de son mépris à l’égard de l’autre ? Et en particulier envers les femmes ? Quelle est la source de son machisme délirant ? Dans une guerre, qu’elle soit ou non “civile”, depuis toujours la première arme, c’est le viol. Prendre possession de la femme de l’autre… D’où vient la force de ce fantasme sur la disparition de l’autre ? » Questions qu’il ne s’agit pas de résoudre en LES ABBESSES • TARIF A quelques mots, quelques slogans. Mais déjà il est nécessaire de pouvoir les poser, de chercher des réponses en soi. De s’interroger sur ses propres pulsions. « Certaines œuvres, comme celle de Strindberg quand il traite de ce qu’il appelle la guerre des cerveaux, font surgir en soi des violences inattendues. J’ai joué Les Créanciers, et à certains moments je me faisais peur. On comprend que la seule arme contre la sauvagerie, c’est la force d’une autocensure morale. Adamov expliquait que le théâtre devait établir un lien entre vie individuelle et sociale. Notre histoire coloniale nous concerne tous, et aujourd’hui encore. » Naturellement, dans ce type de spectacle, le réalisme n’est pas de mise. Non plus l’imagerie poétique. René Loyon envisage une architecture verticale d’ombres et de lumières traçant un parcours dans la géographie de l’imaginaire : le rêve de beauté et de vie, il ne faut jamais l’oublier. Yedwart Ingey Yedwart Ingey est donc né au Laos. Il a fait ses débuts de comédien à Rouen dans la compagnie d’Alain Bézu, a joué notamment Corneille (La Place royale), Beaumarchais (Le Barbier de Séville) puis avec Stéphane Braunschweig La Cerisaie de Tchekhov, Le Conte d’hiver et Le Marchand de Venise de Shakespeare, Dans la jungle des villes de Brecht. À la Manufacture de Nancy, avec Charles Tordjman, L’Amante anglaise de Duras, L’Opéra de quat’sous de Brecht et Kurt Weill, Oncle Vania de Tchekhov. Il y travaille également comme dramaturge, sur Neiges de Nicolas Bréhal, La Vie de Myriam de François Bon. Il est également l’auteur de Chartres sous une pluie d’automne (prix de la nouvelle de langue française 1988), Le ciel ressemble au ciel en 1990. René Loyon Né en 1948, René Lyon entre en 1967 à l’École de la Comédie de Saint-Étienne, puis au Centre de formation du Théâtre de l’Ouest Parisien. En 1969, avec Jacques Kraemer et Charles Tordjman, il co-anime le Théâtre populaire de Lorraine qu’il quitte en 1975 pour fonder l’année suivante avec Yannis Kokkos le Théâtre Je/Ils, avec lequel il met en scène Le Journal de mon grand-père (1980), La Lettre au père de Kafka, L’Invasion et Tous contre tous d’Adamov, Mille Francs de récompense de Hugo… De 1991 à 1996, il dirige le Centre dramatique national de Franche-Comté, y monte notamment avec Michel Didym, Visiteurs de Botho Strauss – présenté au Théâtre de la Ville (1994). En 1997, il fonde la Compagnie RL, joue Molière, Pirandello, García Lorca, Kleist, Marivaux, Vinaver (l’Émission de télévision). La Tête ailleurs création NORAH KRIEF CHANTE FRANÇOIS MOREL DU 5 AU 16 AVRIL textes de François Morel composition Frédéric Fresson et le groupe Sonnets direction artistique Éric Lacascade lumières Bruno Goubert son Alain Français, Olivier Gascoin Norah Krief chant Philippe Floris batterie, percussions, accordéon, voix Frédéric Fresson piano, voix Daniel Largent basse, percussions, voix production Centre Dramatique national de Normandie, Comédie de Caen Après avoir quitté la famille Deschiens, François Morel raconte son enfance dans un spectacle Les Habits du dimanche, auquel assiste Norah Krief. À la fin, elle va le féliciter dans sa loge et lui dit : « Je voudrais que tu me fasses un récital ». Depuis qu’elle a chanté en concert rock Les Sonnets de Shakespeare, elle a pris goût à la musique. Même sans se montrer excessivement modeste, l’idée de succéder au grand Will peut faire peur. François Morel a peur, il commence par refuser. Tout au moins il essaie, car il est des mots que Norah Krief ne sait pas entendre. “Non” par exemple. Et comme sa tournée des Sonnets coïncide dans plusieurs villes avec celle des Habits du dimanche, que leurs affiches se côtoient, elle saisit ce signe du destin pour insister et convaincre. François Morel le reconnaît, il y a dans son spectacle un rapport à la chanson, des amis musiciens le lui ont confirmé: « Il est composé par flashes de souvenirs, en une suite de moments brefs, comme des ritournelles, avec des refrains, des mots qui se répètent… Et puis c’est vrai, je suis peut-être un chanteur frustré; quoi qu’il en soit, j’adore la chanson. C’est une façon d’écrire des histoires courtes. Mais dans le cas de Norah, puisqu’elles sont destinées à une femme, c’est plus compliqué, je dois inventer des situations que je ne pourrais pas interpréter. » Norah Krief n’était pas vraiment inquiète: « J’étais certaine qu’il lui faudrait du temps, mais qu’il le ferait. Il suffit de rester en contact, de se parler ouvertement, de se raconter… Peu à peu, on se libère. » François Morel s’est donc mis au travail, a envoyé ou même téléphoné ses textes sans s’attacher à un thème particulier. Plutôt en échafaudant une sorte de portrait, celui d’un personnage suffisamment divers pour convenir au talent à multiples facettes de Norah Krief, à la force lumineuse de sa présence scénique, à sa façon d’être simultanément éclatante de vitalité et immensément fragile, drôle et bouleversante. Alors, la voici amoureuse bien entendu, audacieuse voyageuse, rêvant de « Partir décoller/Dans le ciel monter/Débarrasser le plancher/Aller tout là-haut/Faire du vélo/Ou du pédalo/Et saluer les oiseaux… Bagarreuse en rage contre les mots qui roulent des mécaniques. Une paumée qui se demande qui a eu l’idée de m’éparpiller deux cent dix CD/Tout est mélangé/J’ai mal à la tête/Lendemain de LES ABBESSES • TARIF D fête… Une désemparée capable de perdre un gilet vert, sa carte de crédit, ses clefs, et ne retrouver que la lettre/Tant de fois lue et relue/Je n’arrive plus à remettre/La main sur mes années perdues… » La Tête ailleurs, tel est le titre du spectacle. Mais celle de Norah Krief ne s’est pas perdue, bien au contraire : « François a atteint quelque chose de moi que je ne connais pas encore, que je n’osais peutêtre pas aborder, et que je veux révéler. Je plonge dans un univers à l’opposé de celui des Sonnets, bien que je travaille avec les mêmes musiciens, et naturellement Éric Lacascade assure la mise en scène. » Tout à l’heure j’étais pour vous dans la lumière/Une garce une sainte une sœur une mère/J’entends encore en moi comme un chant enivrant/Le souvenir joyeux des applaudissements/Le dernier spectateur est sorti/ Comme un amant futile aurait quitté mon lit. Le spectacle est fini… Et puis tout recommence. François Morel François Morel fut un Deschiens des débuts, dans Lapin chasseur, Les Frères Zénith, Les Pieds dans l’eau, C’est magnifique… Il a également participé aux émissions des Deschiens sur Canal +, travaillé encore avec Jérôme Deschamps et Macha Makeieff dans Les Brigands d’Offenbach créé à l’OpéraBastille, et Les Précieuses ridicules de Molière. Il a également participé au premier spectacle professionnel d’Éric Vigner : La Maison d’os de Roland Dubillard, dont, sous la direction de Jean-Michel Ribes, il a joué Le Jardin des betteraves au Théâtre du Rond-Point. Puis c’est Feydeau, Feu la mère de Madame et N’te promène donc pas toute nue dans la mise en scène de Tilly. Entre-temps, il a écrit et joué Les Habits du dimanche, tourné avec Jean-Pierre Mocky, Molinaro, Lucas Belveaux, entre autres. Éric Lacascade En 1983, avec Guy Alloucherie, il fonde le Ballatum. En 1997, Éric Lacascade est nommé seul à la tête du Centre dramatique national de Normandie (Comédie de Caen). En 1997-1998, il rapproche Racine, Claudel et Eugène Durif sous le titre À la vie, à l’amour, à la mort. Puis il travaille sur trois pièces de Tchekhov réunies en un triptyque, La Mouette, Ivanov, Le Cercle de famille d’après Les Trois Sœurs. Ce qui l’amène en 2002 à une grandiose mise en scène de Platonov qui, dans la Cour d’honneur, inaugure le Festival d’Avignon. Norah Krieff Comédienne atypique, passant avec la même fougue et la même grâce de Beaumarchais à Tchekhov, de Tennessee Williams à William Shakespeare, Norah Krief a travaillé sous la direction de Florence Giorgetti : Blanche Aurore Céleste de Noëlle Renaud ; Jean-François Sivadier : Italienne avec orchestre, La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro ; Éric Lacascade : Phèdre de Yannis Ritsos, La Double Inconstance de Marivaux, Atelier sur les Trois Sœurs, et Ivanov d’après Tchekhov. Avec YannJoël Collin : Homme pour homme de Brecht, Henri IV de Shakespeare, spectacle dans lequel elle devait chanter a capella, d’où son désir de musique et son spectacle sur Les Sonnets, spectacle créé au Festival d’Avignon 2002, repris au Théâtre de la Ville-les Abbesses en février 2003. 17 L’Orage création ALEXANDRE OSTROVSKI PAUL DESVEAUX DU 17 MAI AU 11 JUIN traduction André Markowicz mise en scène Paul Desveaux assistante à la mise en scène Irène Afker chorégraphie Yano Iatridès scénographie Chantal de la Coste Messelière musique Vincent Artaud lumières Joël Hourbeigt avec Francine Bergé, Fabrice Cals, François Clavier, Véronique Dossetto, Yano Iatridès, Millaray Lobos Garcia, Océane Mozas (distribution en cours) coproduction L’Héliotrope – Théâtre de la Ville, Paris avec la participation artistique du JTN 18 Orage du ciel, orages du cœur et des sens dans le monde des marchands qu’Alexandre Ostrovski a très bien connu et décrit. Il voyait en eux les parfaits représentants d’une bourgeoisie en voie d’enrichissement, encore ancrée dans le passé. Sur son manuscrit, il a noté : « tous les personnages portent des costumes traditionnels russes à l’exception de Boris, défini comme “jeune homme assez instruit” ». Il ne faut cependant pas attendre de Paul Desveaux qui met en scène L’Orage, chemises brodées au point de croix, pantalons bouffant sur bottes, et balalaïkas. Le folklore ne le tente pas : « Je ne suis pas très “samovar”. Je ne connais pas la Russie, sinon par Dostoïevski, Tolstoï, Tchekhov. Quant à Ostrovski, je l’ai en quelque sorte rencontré par hasard, dans ma bibliothèque – c’est souvent de cette manière que les choses se passent pour moi. J’ai été attiré par sa démesure à la Kusturica, par sa nostalgie douloureusement ironique à la Fellini : il aurait pu dans Intervista, écrire les fantastiques retrouvailles entre Mastroianni et Anita Ekberg, regardant leur scène de La Dolce Vita, et pleurant. « J’admire avant tout chez Ostrovski la façon dont il pose et en même temps renverse les stéréotypes. Si l’on prend par exemple le personnage de Kabanova, à première vue on a l’exemple même de la mère abusive, possessive. Pourtant, ce n’est pas si simple. À toute force, elle voudrait aider son fils, un être à la fois pitoyable et drôle. Ayant depuis longtemps renoncé à la contredire, il a choisi la solution la plus simple : mentir et aller clandestinement faire la fête, loin des femmes de sa famille, y compris la sienne, Catherine, amoureuse à mort dudit Boris. « On trouve là un machisme très méditerranéen. Autre exemple : si Dikoï, le plus riche des marchands, se conduit en tyran, c’est par stratégie plus que par cruauté, pour être obéi. Il me fait penser à un de ces oligarques dont on parle aujourd’hui, qui, avec une bonne conscience imperturbable, amassent des fortunes colossales sans se préoccuper des conséquences. Dikoï s’en explique sans le moindre remords, son cynisme n’a d’égal que sa candeur. « C’est la Russie éternelle, telle en tout cas qu’on l’imagine. Un pays immense, un peuple marqué par la religion et une culpabilité judéo-chrétienne qu’incarne Catherine. Alors que son amie Varvara décide de prendre le LES ABBESSES • TARIF A large et de vivre sa vie, elle se ronge de remords et se punit elle-même d’oser penser à un autre homme que son époux… « J’ai vu une photo du spectacle dans l’une de ses premières mises en scène. Le rôle était tenu par une jeune femme très belle, la tête penchée, mélancolique… Pourtant on sent une force en elle, on a envie qu’elle se bouge, qu’elle évolue, on a envie de la secouer, mais elle est habitée, ligotée par cette morale bourrée d’interdits… « Chacun des personnages inspire des sentiments contradictoires. Ils ne sont d’ailleurs pas monolithiques. Ainsi Kouliguine, l’horloger perdu dans sa recherche du mouvement perpétuel est pittoresque, mais pas seulement. Il est persuadé que s’il y parvient, il changera le monde. Voilà pourquoi il continue… Tout d’un coup, j’ai pensé à L’Idiot de Dostoïevski. « Je commence à lire des pièces russes, et je m’étonne de l’attachement des gens aux codes sociaux. La Russie me fascine, j’aimerais la connaître, la traverser dans toute son immensité en prenant le temps de la voir… » Alors, pour donner une réalité à son rêve, Paul Desveaux passe par un autre rêve : il veut agencer les éléments disparates de sa Russie imaginée dans le hangar d’une Cinecitta imaginaire, peuplée des fantômes abandonnés par Fellini, Visconti, Bertolucci… Alexandre Ostrovski Alexandre Ostrovski est né en 1823 à Moscou, dans un quartier pauvre, celui des marchands. Dès le collège, il tente d’écrire. Mais sur les ordres de son père, qui rêve pour lui d’une vie plus confortable, il entre à l’université. En 1843, il devient scribe au tribunal, occasion rêvée d’observer les comportements et la corruption ambiante. Ce qui ne l’empêche pas d’écrire, et sa pièce Ne t’assieds pas sur le traîneau d’autrui, le fait connaître. Les pièces se suivent – une par an, et en 1859 L’Orage. Il assiste aux répétitions, donne son avis, mais est interdit de mise en scène. Son talent d’auteur largement reconnu, son portrait figure parmi les gloires de son temps sur le plafond du Théâtre Maly. Il rêve d’un théâtre renouvelé, noble et populaire. Rêve que, après sa mort et pour un temps, réalisera Stanislavski. Paul Desveaux En 1997, Paul Desveaux, jusqu’alors comédien, fonde sa compagnie, l’Héliotrope. Il met en scène La Fausse Suivante de Marivaux, et en 1999 Elle est là de Nathalie Sarraute. L’année suivante, la directrice du Centre d’Art et d’Essai de Mont-Saint-Aignan, Nathalie Marteau, l’invite à travailler sur “théâtre et chorégraphie”. Avec la chorégraphe Yano Iatridès, commence alors une collaboration qui se poursuit en 2001 sur L’Éveil de printemps de Wedekind, puis en 2002 sur des textes de Kerouac, sous le titre Vraie Blonde et autre – repris en 2004. Entre-temps, au Trident, scène nationale de Cherbourg, il crée un Richard II de Shakespeare, également présenté au Festival des Collines à Turin. Parallèlement, Paul Desveaux participe au comité de lecture de l’Hippodrome, scène nationale de Douai, dont il est artiste associé depuis 2003. textes théâtre Colette Godard LA TÊTE AILLEURS Norah Krief François Morel photos T. Jeanne-Valès, A. Enguerand/Bernand, Roger-Viollet, G. Lancestre, X.DR, P. Bun L’ORAGE Alexandre Ostrovski Paul Desveaux PARADISE Daniel Keene Laurent Laffargue 19 THÉÂTRE HORS LES MURS : AU THÉÂTRE DE LA COMMUNE D’AUBERVILLIERS Paradise Codes inconnus 1 DANIEL KEENE LAURENT LAFFARGUE création DU 5 NOV. AU 16 DÉC. traduction Séverine Magois conception et mise en scène Laurent Laffargue assistante mise en scène Sonia Millot scénographie Philippe Casaban, Éric Charbeau lumières Alain Unternehr costumes Hervé Poeydomenge musique Arnaud Méthivier son Yvon Tutein accessoires Marc Valladon maquillages Muriel Leriche (distribution en cours) Le Théâtre de la Commune d’Aubervilliers et le Théâtre de la Ville se sont associés pour coproduire et présenter Paradise dans la petite salle du Théâtre de la Commune transformée, pour l’occasion, en vrai cabaret (180 places). (autres coproducteurs voir p. 72) 20 Voilà deux ans, Laurent Laffargue recevait le Prix Jean-Jacques Gautier pour sa mise en scène d’une pièce de l’auteur australien Daniel Keene, Terminus, présentée au Théâtre de la Ville-les Abbesses. C’était leur première collaboration. S’en est suivie une entente complice et un nouveau spectacle : Paradise. Laurent Laffargue a proposé un thème sur lequel Daniel Keene a rêvé. Et travaillé en quelque sorte dans une même ligne : Terminus est l’enseigne d’un bar lugubre. Paradise, celle d’un cabaret déjeté, où les serveuses sont danseuses, dont le patron répète en boucle que la vie est merveilleuse. Dans les deux œuvres, se retrouvent les mêmes paumés trébuchant dans le même monde de faux-semblant, de cruel désarroi. Et la même poésie traversée d’ironie. Encore une fois, Laurent Laffargue prend ses références au cinéma. Non plus dans Blue Velvet comme précédemment, mais toujours chez David Lynch : Mulholland Drive pour ses ambiguïtés. Plus chez Atom Egoyan : Exotica pour l’ambiance noire féerie du lieu, là aussi un cabaret. Plus chez Michael Haeneke pour la construction en fragments déboîtés de son film Code inconnu, et de son cinéma en général : « Je voulais des histoires mises en parallèle. Celle du patron et de son entourage, des clients, du public. Des éclats de vie qui se chevauchent, se croisent, se cognent, traversent les numéros des artistes, produisent une mise en abîme qui entraîne le public dans le doute. Le décor est un cabaret, dans lequel les spectateurs sont introduits, et enfermés. C’est d’ailleurs pourquoi Paradise se jouera à Aubervilliers où la petite salle peut être aménagée. Donc, ils passent par un sas, les photos de quelques-uns seront projetées, mais sous une fausse identité, de sorte qu’ils verront leur propre visage sans plus être certains de rien… Ils ont été installés des deux côtés d’une passerelle. À un bout est le plateau où se produisent les artistes avec un bar, des écrans, une tournette; de l’autre, c’est le restaurant… » Ce Paradis, Laurent Laffargue le voit comme un endroit fermé au monde extérieur, coupé d’une réalité trop pénible à vivre. Le seul élément qui fasse le lien entre le dedans et le dehors, c’est l’obsession de l’argent. La vioTHEATRE COMMUNE • TARIF D lence du commerce des corps. On vient là pour échapper à sa solitude, en s’agrippant à d’autres solitudes. On y vient par manque d’amour, on n’y trouve pas même le sexe. Ni le désir. À peine un fantasme. Seulement une représentation : « Je voudrais que le spectacle interroge l’endroit de cette invraisemblable communication qui passe par l’appel à la sexualité. On espère nous vendre tout et n’importe quoi en passant par des nudités féminines ou masculines. Les affiches ne sont pas seules en cause. Les clips à la télé, c’est le même procédé, la même fausse transgression qui, à force, tourne au ridicule et ne fait que renforcer le puritanisme : « Mais les personnages ne sont pas des caricatures. Ils se débattent au cœur d’un désespoir énorme, qui les met en danger, les rend dangereux… Par leur sensibilité trouble, certaines scènes me font penser à Tchekhov. D’autres aux Marx Brothers, par leur force burlesque, leur désolation furieuse. La violence est présente, c’est certain, au bord du passage à l’acte. Et la sensualité comme un rappel d’enfance. Et la perversion, comme une menace dont on ne sait pas où elle se tient, d’où elle vient… Et aussi une sorte de curiosité intense pour tout ce qui vit. » Laurent Laffargue qui, entre Terminus et Paradise a créé au Théâtre de la Ville une version joyeusement extravagante de la comédie de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien, n’est pas homme à se complaire dans la mélancolie. Daniel Keene Né en 1955 à Melbourne, Daniel Keene écrit pour la radio, est acteur, metteur en scène, cofondateur de la revue Masthead, scénariste et dramaturge reconnu en Australie. En 1989, il obtient le prix Louis Esson pour Silent Partner, adapté pour le cinéma par l’Australien Alan Tsilimidos. En 1997, Daniel Keene fonde avec Ariette Taylor une compagnie théâtrale, consacrée principalement à ses propres pièces. En France, Jacques Nichet monte en 1999 au Théâtre national de Toulouse, Silence complice. Suivent en 2001, Avis aux intéressés par Stéphane Müh ; en 2002, Terre natale par Laurent Gutman, Terminus par Laurent Laffargue, La Marche de l’architecte par Renaud Cojo, textes également diffusés par France-Culture, et publiés pour la plupart aux Éditions Théâtrales. Laurent Laffargue En 1993, Laurent Laffargue fonde sa compagnie, le Soleil bleu, avec laquelle il commence par monter des classiques : Molière, Feydeau, Marivaux, et avec L’Épreuve reçoit le prix du jury et du public au Festival Turbulences de Strasbourg. En résidence de 1994 à 1998 au CDN de Bordeaux-Aquitaine, il se tourne vers les auteurs anglais : Harold Pinter, Edward Bond, qu’il rencontre à Cambridge, dont, en 1998, il met en scène Sauvés, et qui le conduit vers Brecht : Homme pour homme. En 1999, sous le titre Nos nuits auront raison de nos jours, il inclut Le Songe d’une nuit d’été et Othello. Parallèlement, Laurent Laffargue aborde l’opéra : Le Barbier de Séville en 1999, Don Giovanni en 2002, année où il porte sur scène une pièce de Daniel Keene, Terminus, avant de retourner à Shakespeare avec Beaucoup de bruit pour rien, et de revenir à Daniel Keene : Paradise. DANSE CHRISTIAN RIZZO DANSE AU THEATRE DE LA VILLE Soit le puits était profond, soit ils tombaient très lentement, car ils eurent le temps de regarder tout autour création SASHA WALTZ DANSE AUX ABBESSES Impromptus création MATHILDE MONNIER Publique kuchipudi création SIDI LARBI CHERKAOUI Tempus Fugit création AKRAM KHAN Ma HANS VAN DEN BROECK création BALLETS C. DE LA B. Propositions création JAN LAUWERS BERNARDO MONTET création création BRICE LEROUX Quasar-quatuor When I take off my skin and touch the sky with my nose, only then can I see little voices amuse themselves création créations MADHAVI MUDGAL odissi création ROBYN ORLIN création ANDRÉS MARÍN Asimetrías flamenco création DANSE HORS LES MURS AU CENTRE GEORGES POMPIDOU LA RIBOT GILLES JOBIN création 2005 BOYZIE CEKWANA <<Rew création THOMAS HAUERT Parcours 2C (Vobiscum) création HERVÉ ROBBE MARCO BERRETTINI La Chambre d’Isabella création KOEN AUGUSTIJNEN Almost dark Sonic Boom création 2004 bhârata natyam Rona - Ja, nee création WIM VANDEKEYBUS No Paraderan création MARIA-KIRAN Bâche création JAN FABRE The Crying body SHANTALA SHIVALINGAPPA création 40 Espontáneos création AU THEATRE DE LA CITE INTERNATIONALE JOSEF NADJ Poussière de soleils création PIERRE DROULERS Inouï PINA BAUSCH création 2004 création FRANÇOIS VERRET Not a way création WAYN TRAUB Jean Baptiste création ANNE TERESA DE KEERSMAEKER A love supreme raga for the rainy season solos – duos – trio création MEG STUART BENOÎT LACHAMBRE HAHN ROWE création Forgeries, love and other matters EMMANUELLE VO-DINH Croisées création AU THEATRE DE LA BASTILLE OLGA MESA création création On cherche une danse AU C.N.D DE PANTIN EMMANUELLE HUYNH NATHALIE PERNETTE Heroes Solos création Programmes susceptibles d’être modifiés création création DANSE AU THEATRE DE LA VILLE Sasha Waltz, ph. J. Sandeg six et huit minutes) pour incursions vives au fond des choses (la solitude, l’amour…), Sasha Waltz persévère dans sa voie avec la passion cruelle d’une femme sans illusion sur l’humanité mais non sans amour. « Au fond, je ne fais jamais que ça dans mes spectacles : regarder en face ce qui m’effraie ou ce que je ne comprends pas. » Jeanne Liger THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 19 AU 23 OCT. Mathilde Monnier CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DE MONTPELLIER LANGUEDOC-ROUSSILLON Publique 9 danseuses musique P.J. Harvey CRÉATION avec le Festival d’Automne à Paris THEATRE DE LA VILLE • TARIF B DU 12 AU 16 OCT. ET DU 5 AU 9 AVR. Sasha Waltz SCHAUBÜHNE AM LEHNINER PLATZ Impromptus CRÉATION 7 danseurs et 1 pianiste musique Franz Schubert 22 Un geste chorégraphique charpenté par une pensée limpide, des partis pris esthétiques tranchés : l’œuvre de la chorégraphe allemande Sasha Waltz file droit. Ce qui ne l’empêche pas à chaque nouvelle pièce de relancer les dés sur un terrain imprévu. En quelques années, elle est passée de feuilletons faussement réalistes comme Allee der Kosmonauten (1996) dissection du quotidien d’une famille ordinaire ou Zweiland (1997) bâti sur le clivage entre les deux Allemagne, à des fresques plus abstraites autour du corps (anatomique, sexuel, collectif) tout en conservant son lyrisme coup de poing. Choc d’images saisies à même le cru de la vie, mouvement charnel nourri des singularités de ses interprètes, cette championne de l’improvisation ne s’enferme dans aucun style mais impose une veine existentielle fiévreuse qui prend l’humain à la gorge. Après une série de pièces lourdes, dont la plus récente Insideout rassemblait dix-neuf danseurs et dix musiciens, Sasha Waltz a désiré resserrer sa quête en renouant avec l’intimité d’un groupe de sept danseurs. Pour la première fois, la musique classique, et en l’occurrence les Impromptus de Schubert, constitue le plancher de sa danse et de sa réflexion autour des émotions. Formules musicales brèves (entre Répétition de Publique : neuf femmes dansent comme en boîte de nuit. Émotion, dépense, petites transes… Lorsqu’elle évoque sa création 2004, Mathilde Monnier parle d’« une approche non conceptuelle, mais sensitive du mouvement » ou encore de « plaisir » et « d’éveil au corps, de rapport premier » qui animent les engouements adolescents pour la danse. Ces notions se démarquent du souvenir de gravité austère laissé par les pièces Les Lieux de là 1, ou Déroutes 2. La chorégraphe médite sur les recherches des dernières années qui ont mené nombre d’artistes « à mille lieues de ce que peut signifier le mot danse pour beaucoup de gens ». Elle ne les renie pas. Mais du philosophe Jean-Luc Nancy, elle sait lire aussi la réflexion sur ce privilège de la danse qui est « de représenter une pratique de tous et de quelques-uns de telle manière qu’entre la danse populaire ou la danse de boîte de nuit et la danse chorégraphique, il y a une communication discrète mais effective ». Publique ne cherche certes pas à ramener la danse populaire sur scène. Mais à faire émerger, chez ses interprètes de haut niveau, savantes du corps et conscientes de leur exposition, des strates du mouvement enfouies, intimes, beaucoup moins contrôlées. La musique de P.J Harvey, rockeuse actuelle, brute et sensuelle, chevillée dans une féminité ardente et sans concession, ouvrira des voies aux mémoires de gestes, aux surgissements d’états. Car Mathilde Monnier voit ce voyage dans l’empathie de la danse, dans les projections des spectateurs, leurs mouvements intérieurs, leurs rejets, leurs reconnaissances, comme un moment de partage intense, en prise sans réserve, donc à effectuer pour elle avec d’autres femmes. Gérard Mayen Les Lieux de là , en avril et décembre 1999 au Théâtre de la Ville. 2 Déroutes, décembre 2002 hors les murs (Théâtre de Gennevillers). 1 M. Monnier, ph. M. Coudrais S. L. Cherkaoui, photos K. Van der Elst THEATRE DE LA VILLE • TARIF B DU 4 AU 13 NOV. Sidi Larbi Cherkaoui BALLETS C. DE LA B. Tempus Fugit CRÉATION 10 danseurs-chanteurs et 4 musiciens du groupe Weshm À LA RECHERCHE D’UN TEMPS COMMUN La démarche de Sidi Larbi Cherkaoui – découvert au Théâtre de la Ville avec sa première création Rien de rien – se développe en grande complicité avec de remarquables interprètes. Tous sont issus de différentes cultures et horizons artistiques. Ensemble, ils échafaudent d’étranges ouvrages : boy’s band médiéval dans d’avant, opéra médiévocontemporain dans Foi, œuvre magistrale interrogeant les convictions de chacun à travers d’impressionnantes images orphiques. Induits par une perspective musicale qui intègre musiques savantes, chant et danse, les spectacles du jeune chorégraphe belge et marocain réagissent avec finesse aux sujets les plus actuels. Comme son titre latin le laisse entendre, Tempus fugit, nouvelle création, s’intéresse au temps, à ses différentes conceptions et à ses bouleversements. Chants corses, musiques marocaines, chansons du Sud et d’Afrique occidentale, donnent à ce spectacle sa couleur méditerranéenne où se réfléchissent ces instants rares qui laissent à chacun un souvenir « éternel ». Le chorégraphe joue avec les contrastes. Rythme et répétition, lenteur et rapidité de la danse font jaillir toutes sortes d’idées en boucle, cherchant à faire du temps « un partenaire avec qui l’on peut danser, s’amuser, savourer l’instant ». Tempus fugit – nouvelle traversée spectaculaire où s’entrelacent voix et mouvement – interroge la notion de tolérance et décortique l’absurdité des Identités meurtrières*. Ce faisant, Larbi Cherkaoui met en scène un paysage forgé d’humanités composites. Sertie d’humour, cette ballade chorégraphique délivre un formidable message d’espoir et rappelle entre autres que « le temps ne respecte que ce qui se fait avec lui ». Irène Filiberti * Titre d’un livre d’Amin Maalouf, cité pour la création de Tempus fugit. 23 Akram Khan, ph. A. Tanveer Jan Fabre, ph. X. DR W. Vandekeybus, ph. C. Van der Brught THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 16 AU 20 NOV. CRÉATION Akram Khan AKRAM KHAN DANCE COMPANY Ma 7 danseurs, 3 musiciens Étonnant mélange de détermination et de séduction qu’Akram Khan ! Dès qu’il apparaît sur scène en solo, on tombe sous le charme de sa grâce fluide qui sait créer un contact immédiat avec le public. Né à Londres de parents venus du Bangladesh, ce danseur et chorégraphe, interprète hors pair de kathak, s’affirme comme l’obstiné artisan d’un alliage tradi-contemporain solide. Depuis cinq ans, il impose une danse insolite nervurée par l’écriture millénaire du kathak. Ce style classique du nord de l’Inde, rythmé par des claquements de pieds sonores et véloces, rivalise d’intensité dans des pirouettes stoppées en plein élan. Cet appétit contrôlé pour la vitesse et le vertige, qui rapproche le kathak de la danse des derviches tourneurs, fait le suc d’une quête personnelle blindée par un apprentissage pluridisciplinaire. Pour sa prochaine création intitulée Ma, il s’allie avec un écrivain dont le talent fait déjà fantasmer sur l’œuvre à venir : il s’agit d’Hanif Kureishi, auteur de My beautiful laundrette et du non moins cultissime Le Bouddha de banlieue. Après avoir coalisé les forces du plasticien Anish Kapoor et du musicien Nithin Sawhney, tous deux figures de la scène anglo-indienne, dans Kaash, Akram Khan élargit la brèche autour de questions de fond : que devient la terre si personne ne la nourrit ? ne l’arrose ? ne la pleure ? ne témoigne de sa beauté ? Sept danseurs et trois musiciens tenteront de trouver des réponses chorégraphiques à cette riche histoire de semence aussi matérielle que spirituelle. Akram Khan vient d’être nommé artiste associé au Royal Festival Hall de J. L. Londres. 24 THEATRE DE LA VILLE • TARIF B DU 23 AU 27 NOV. CRÉATION Jan Fabre TROUBLEYN The Crying body 8 danseurs-acteurs LA SATURATION ET LE DÉRÈGLEMENT À la domestication de l’homme en animal docilement social, Jan Fabre préfère depuis toujours la verve tumultueuse des corps en excès. Ce que la raison, religieuse ou scientifique, n’a pu totalement éradiquer dans l’être humain, éternel barbare en puissance, revient dans ses spectacles avec le bellicisme exalté d’une nature refoulée. Car la beauté est, pour l’artiste flamand, une guerre incessante contre les canons de l’ordre moral. Taillant à vif dans la chair des conventions, il atteint ainsi une plastique de la saturation et du dérèglement. Protéiforme, toute son œuvre est exaltée par cette mise à vif. Dès ses premières performances, au sortir de l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers, il met en scène son propre corps, objet et sujet d’un théâtre des limites. Pour Jan Fabre, Jérôme Bosch contemporain, passionné d’entomologie et de Moyen Âge, les mystères du corps sont l’inépuisable matrice d’obsessions fiévreuses et insomniaques qu’il cisèle en alchimiste orfèvre. Dans la veine de ses précédents opus (de Sweet Temptations en 1991, à Je Jean-Marc Adolphe THEATRE DE LA VILLE • TARIF B DU 30 NOV. AU 4 DÉC. Wim Vandekeybus ULTIMA VEZ/TONEELGROEP AMSTERDAM Sonic Boom texte Peter Verhelst 8 danseurs et 3 acteurs du Toneelgroep Amsterdam PUISSANCE D’ÉCLATEMENT C’est un nouveau Wim Vandekeybus que le public du Théâtre de la Ville va découvrir avec Sonic Boom. Dix-sept ans après la création de What the body doesn’t remember, qui a propagé dans le monde entier une danse hyperphysique et chargée en adrénaline, le chorégraphe d’Ultima Vez intègre pour la première fois dans son travail trois acteurs du Toneelgroep Amsterdam, Kitty Courbois, Joop Admiraal et Titus Muizelaar. Adepte des corps en état de fougue, puis d’un onirisme fiévreux, Vandekeybus rôde depuis quelque temps déjà autour des vertiges du verbe, après avoir éprouvé ceux de l’image. Sa rencontre avec l’écrivain Paul Bowles, voici quelques années à Tanger, semble lui avoir inoculé le virus de la fable poétique ; et c’est avec Peter Verhelst, auteur flamand contemporain, que s’est tissée la nervure de Scratching the Inner Fields et Blush, ses deux dernières créations. Enfin, dans It, solo conçu pour et avec Sidi Larbi Cherkaoui, un âne racontait une histoire. Une narration, aujourd’hui, est forcément polyphonique, fragmentaire et hétérogène. Pour Sonic Boom, c’est à nouveau un texte de Peter Verhelst qui dessine le fil sur lequel vont se tenir les corps funambules du théâtre et de la danse. La rencontre de fortune entre un homme et une femme, dans l’attente d’un embarquement, quelque part dans la nuit d’un port, scelle une puissance d’éclatement. Entre l’arrimage de la rencontre et la partance qui va larguer bien des amarres, voici l’espacetemps fugace où vont se déchaîner, en un ultime ressac, la violence et l’amour, la mort et le souvenir. Ephémère et torride. Et remugle aussi : Wim Vandekeybus et Peter Verhelst savent bien que toute histoire est hantée par un bruit de fond, qui cogne quand il remonte à la surface. Dans Sonic Boom, cette sourdine est celle d’une radio nocturne, sur laquelle éructe un DJ agressif et manipulateur, le chanteur David Eugene Edwards, du groupe 16 Horsepower. Aux côtés des danseurs d’Ultima Vez, les comédiens du Toneelgroep donnent une épaisseur inattendue à cette chorégraphie de l’agonie. Le nouveau Vandekeybus est heureusement resté insomniaque. J.-M. A. THEATRE DE LA VILLE • TARIF C DU 7 AU 11 DÉC. Marco Berrettini *MELK PROD. No Paraderan CRÉATION 8 interprètes avec le Festival d’Automne à Paris L’ENVERS DU RIDEAU Cela sonne comme un étrange cri de barricade : « Ils ne défileront pas ». Serait-ce une référence au célèbre « No pasaran » des républicains espagnols en 1936 ?, un écho à l’annulation des festivals de l’été dernier en vertu de la défense du statut des intermittents ? Une évocation des nombreux projets chorégraphiques stigmatisés par la presse sous le label « non-danse » et structurés sur le mode du défilé ? Allez donc savoir avec Marco Berrettini ! De source sûre pourtant, on peut avancer que le chorégraphe, expert en ascèse critique et fan de son temps comme de disco – en témoigne son épatant Sorry, do the tour * ! – s’intéresse désormais à la modernité en danse à travers une œuvre mythique, Parade, créée en 1917 par Massine pour les célèbres Ballets russes (livret de Cocteau, rideau de scène peint par Picasso). Le dictionnaire de la danse, autre passion de Marco Berrettini (voir son spectacle Petits Roberts) présente Parade dans son contexte : « Créée en pleine guerre, la pièce est accueillie comme une provocation par le public pour son parti pris de légèreté. ». Avec de fameux complices, huit interprètesinventeurs maniant magistralement l’autodérision et l’humour corrosif, le chorégraphe évoque cette création qui ne manque pas d’air : « Si le spectacle original des Ballets russes pouvait encore proposer une parade aux événements sociaux des années 20, No Paraderan aura du mal à se défendre des pressions ambiantes ». Aussi a-t-il confié la réalisation du fameux rideau au plasticien Jan Kopp. Glissant comme un frisson entre passé et présent, la nouvelle pièce de Marco Berrettini distille ses drôles de réflexions autour de l’art et I. F. du spectacle. * Présenté du 11 au 15 mars 2003, aux Abbesses. M. Berrettini, ph. X. DR suis sang, dix ans plus tard), sa prochaine création, The Crying body, avec huit acteursdanseurs, devrait cette fois-ci puiser aux « larmes du corps » : « les larmes et la transpiration, ces sécrétions que le corps produit lorsqu’il est heureux ou malheureux, anxieux ou malade, lorsqu’il fournit un effort ou éprouve un désir sexuel. Comment le corps réagit-il face au danger ? Face à une menace, à une attirance soudaine, à la douleur, à un effort extrême ? ». Bien loin de l’écriture neutre d’un « pleurer sans larmes », Jan Fabre ne retient pas l'émotion. Tout au contraire, il lui lâche la bride et l’exacerbe, en peintre hérétique. 25 Jan Lauwers, ph. Enguerand T. Hauert, ph. I. et J. Cieslikowscy régraphique tandis que les talentueux danseurs de la compagnie « laissent le corps créer l’inimaginable ». Car le désir et le plaisir d’inventer ensemble sont l’un des éléments fondateurs des pièces de Thomas Hauert. I. F. THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 8 AU 12 FÉV. CRÉATION Jan Lauwers NEEDCOMPANY La Chambre d’Isabella 9 interprètes THEATRE DE LA VILLE • TARIF C DU 1er AU 5 FÉV. CRÉATION Thomas Hauert ZOO création 2004 26 6 danseurs LIBRES D’INVENTER Chez Thomas Hauert, la mise en jeu des corps reste étroitement liée à l’environnement musical et sonore. Sans qu’on y prenne garde, les gestes du jeune chorégraphe suisse-allemand installé en Belgique, s’épanchent au gré du souffle et des mots. Ils suivent d’étranges parcours, nous entraînent vers de tendres ballades, développant différentes visions abstraites. Ce travail rigoureux n’est pourtant pas dénué de sensibilité, avec ses modulations délicates qui articulent voix et mouvement, solos et compositions de groupe. Interprète chez Anne Teresa De Keersmaeker de 1991 à 1994, Thomas Hauert est entré en chorégraphie à la fin des années 90, favorisant la recherche sur le mouvement et l’improvisation. Depuis Cows in Space (1998), en passant par Jetzt (2000) ou bien encore Verosimile, le chorégraphe approfondit avec sérénité sa démarche. Ressentir physiquement les qualités du son, interroger ordre et chaos, convention et liberté au cœur même de l’écriture et du mouvement. Ces questions se prolongent dans sa prochaine création envisagée à partir des sombres chants russes d’Alfred Schnittke, les Psalms of Repentance. Les recherches du compositeur sur les sonorités et les couleurs, inspirent la matière cho- UN PUZZLE ÉTOURDISSANT Constamment soutenu par le Théâtre de la Ville depuis son tout premier spectacle à la tête de la Needcompany, voici seize ans, Jan Lauwers est enfin invité cet été au Festival d’Avignon. Juste consécration pour un artiste que l’on peut tenir pour l’un des metteurs en scène les plus importants du théâtre contemporain. Et ce ne sont pas les récentes présentations du Needlapb à Paris qui pourraient venir démentir cette certitude. En exposant, texte à l’appui, le plan de travail sur lequel s’élabore la création de La Chambre d’Isabella, Jan Lauwers et sa kyrielle d'époustouflants interprètes (dont la prodigieuse ogresse Viviane De Muynck) ont une fois de plus subjugué. Est-il utile de redire ici l’acuité de ce « théâtre de friction », physique et visuel autant que littéraire, qui puise polyphoniquement parmi toutes les ressources expressives pour polir l’intarissable matière des histoires, des désirs et de leurs empêchements, qui nous constituent en tant qu’humains ? Lignes de corps et essences narratives entrent en résonance dans cet étourdissant puzzle scénique. En entrant dans La Chambre d’Isabella, peuplée de fétiches anthropologiques, on parcourt le siècle achevé, en sa monstruosité guerrière, ses aventures coloniales, mais aussi en sa puissance d’émancipation, dont les amants d’Isabella, du plus vieux au plus jeune, sont la fougueuse ligne de vie. Et cette ligne est forcément insolente, moqueuse, rieuse, cruelle, tendre, nostalgique, intimement politique et poétiquement épique. Rien n’est asséné, tout est délivré au gré d’un récit acéré et de ses digressions labyrinthiques. De l’isolement (une île, un phare) au tout-monde (l’Afrique rêvée, les traces de cultures englouties), la scène est ici le lieu d’une insatiable voracité d’expérience. Le tout avec la grâce de s’amuser des vicissitudes sans lesquelles la vie n’est rien. Il faut prendre le metteur en scène au sérieux lorsqu’il annonce « une comédie musicale tra- B. Montet, ph. A. Monot scène une transmutation éclatante et les faire basculer dans le camp de ceux à qui elles n’étaient pas destinées. À une vision manichéenne de l’humain, Robyn Orlin oppose la complexité d’une pensée souple et guerrière qui n’a de cesse de rééquilibrer la balance du J. L. monde grâce au théâtre. R. Orlin, montage R. Orlin gique ». Le spectacle est dédié à un ami assassiné en Somalie en 1991 et au père de Jan Lauwers, décédé l’an dernier, dont le prénom – Felix – est rappelé comme un viatique pour le bonheur. Sans doute la vie est ainsi faite, souvent, que le bonheur s’échappe toujours. Mais toute l’énergie contenue dans La Chambre d’Isabella rend justice à cette injonction de Georges Bataille : « Il faudrait que l’existence soit autre chose que la remise J.-M. A. à plus tard de l’expérience ». THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 15 AU 19 FÉV. CRÉATION Robyn Orlin When I take off my skin and touch the sky with my nose, only then can I see little voices amuse themselves 6 danseurs-chanteurs Robyn Orlin n’a pas froid aux yeux. Rien que les titres de ses spectacles, toujours à rallonges, indique le ton étrangement détaché et offensif de la chorégraphe sud-africaine. Paradoxalement, lorsqu’on évoque par exemple Daddy, I’ve seen this piece six times before and I still don’t know why they’re hurting each other, fresque ravageuse sur la métamorphose des petits canards noirs en superbes cygnes blancs, on se contente aujourd’hui de dire Daddy tout court. Pour son nouvel opus, Robyn Orlin hésite entre trois titres à tiroirs. Elle a momentanément élu When I take off my skin and touch the sky with my nose, only then can I see little voices… Restons-en là. Pour cette femme dont la générosité spectaculaire n’a de sens que taillée au cordeau d’idées affûtées, il n’est pas question de jeux de mots mais de trouver le ton juste, les nuances mêmes de l’esprit de la future pièce. Après avoir essoré le mythe de Faust, elle s’attaque à l’opéra occidental et déporte ses grands airs chantés par tout un chacun quels que soient son origine, son pays, dans le contexte de l’Afrique du Sud. Comment cette tradition musicale élitiste résistera-t-elle au regard ironique des populations noires en pleine quête identitaire ? Quelle est la stabilité d’une forme artistique aussi ancienne lorsqu’on la transplante ailleurs ? Une fois de plus, Robyn Orlin s’approprie les œuvres symboliques de l’art occidental pour en opérer sur THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 30 MARS AU 2 AVR. CRÉATION Bernardo Montet CENTRE CHORÉGRAPHIQUE DE TOURS Parcours 2C (Vobiscum) 9 interprètes, 2 musiciens UN POÈME DE CHAIR Danseur d’exception, nouvellement nommé à la direction du Centre chorégraphique national de Tours, Bernardo Montet a fait ses débuts de chorégraphe après des années de complicité artistique et de nombreuses créations réalisées en tandem avec Catherine Diverrès. Dès ses premières pièces*, il interroge le monde, en particulier sa violence, à partir du corps, de sa propre histoire, intime, et de ses multiples cultures. Dans Parcours 2C (Vobiscum), sa dernière pièce créée, comme à son habitude, avec des interprètes de différents pays : Kenya, Grèce, Italie, Côte d’Ivoire, Maroc, Israël, ainsi que deux acteurs handicapés mentaux de la compagnie Catalyse installée à Morlaix, il met en scène un énigmatique poème de chair qui interroge les convictions de chacun autant que la montée des intégrismes. Nulle compassion dans ce parcours au raffinement intense, composé de quatorze stations, scandé par la dramaturgie musicale de Robert Piéchaud, compositeur et pianiste accompagné en scène par le trompettiste Sylvain Gontard. Recherche harmonique qui creuse l’espace et le corps des sons, entre silence, souffle et vibrations. Avec des inter- 27 prètes immobiles ou exultants, mêlant voix de récitant, postures de recueillement et supplications abstraites, Bernardo Montet extrait la pulpe d’images paradoxales, inspirées entre autres des peintres de la Renaissance italienne, faisant de cette marche insensée, de ces poses en tension aux multiples références christiques et chamaniques, une œuvre magistrale en bascule entre deux mondes. I. F. B. Montet, ph. A. Monot * Opuscules présenté hors les murs à l’American Center en 1996, Issê Timossé en 1997 et Dissection d’un homme armé présenté au Théâtre de la Ville en 2000. de chorégraphier avec succès pour deux grands ballets néo-classiques, du Grand Théâtre de Genève et le Gulbenkian de Lisbonne. « Organiquement organisé » : ainsi définit-il son mode d’écriture, jamais préconçu, mais issu du développement exigeant d’un mouvement qui serait apte à réfléchir consciemment sur lui-même. Un mouvement rare, captivant, magnétique. Dans sa création 2005, on retrouvera Jean-Pierre Bonomo comme l’un de ses interprètes emblématiques, en tant qu’« artiste sachant réfléchir avec son corps, plutôt que danseur ». Avec les autres interprètes de cette grande pièce, il se confrontera au retour à un dispositif scénographique en lieu et place du plateau nu. De quoi négocier des appuis, souligner des présences, affirmer les actes d’une danse qui deviendrait plus concrète sans pour G. M. autant se faire théâtrale. 1 Présenté au Théâtre de la Ville en novembre 2003. Présenté au Théâtre des Abbesses en mai 2001. Gilles Jobin, ph. A. Bett/Espetaculum. Ballet Gulbenkian Josef Nadj, ph.T. Thibaudeau 2 THEATRE DE LA VILLE • TARIF C DU 12 AU 16 AVR. 28 THEATRE DE LA VILLE • TARIF B CRÉATION DU 19 AU 26 AVR. CRÉATION Gilles Jobin Josef Nadj création 2005 CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL D'ORLÉANS 4/5 danseurs Lorsqu’il montre une pièce au Théâtre de la Ville, Gilles Jobin estime qu’il est accueilli dans « le meilleur théâtre de danse du monde ». À pareille hauteur de défi, sa précédente création, Under construction 1, avait atteint un niveau ultime de dépouillement, quant à la définition de ce qu’est la danse : au final, on vit ses interprètes se dissoudre lentement sous le tapis de scène. Depuis qu’il l’évoqua pour Moebius strip 2, on se souvient fort que ce chorégraphe suisse eut pour père un peintre du courant de l’abstraction géométrique. Car on lui trouve cette attitude de mise en œuvre systématique de principes de composition rigoureux. Mais l’art chorégraphique, avec son medium corps projeté dans les trois dimensions, trouve alors une vigueur paradoxale par une sorte d’évidence non évidente de l’acte de danse. À ses débuts, Gilles Jobin poussa très loin la déconstruction de cet acte. Il considère cette période aujourd’hui définitivement révolue : « Je n’ai plus aucun problème à m’investir dans la production du mouvement, y compris de haut niveau technique » assure-t-il, venant Poussière de soleils en hommage à Raymond Roussel 12 danseurs Il y a des phrases qui restent inscrites dans la mémoire. Celles par exemple du chorégraphe Josef Nadj évoquant la violence de l’homme et la nécessaire reconnaissance de ses pulsions les plus sombres. « La violence existe en chacun de nous et il nous faut explorer notre propre mystère avec courage en sachant qu’il n’y a pas de fin dans le dévoilement de notre profondeur. » Depuis la création de sa compagnie en 1987, le chorégraphe d’origine hongroise, né en ex-Yougoslavie, n’a cessé de composer le puzzle d’une identité masculine chavirée, articulant la volonté et la fatalité sur une ligne de crête tragique-burlesque. Burlesque évidemment un peu acide dont les traits accusent la silhouette d’un homme voûté, un peu bancal, qui soudain se métamorphose en interprète ondulant. Pour danser sa vie, sa mémoire, Josef Nadj s’est d’abord appuyé sur l’histoire haute en couleur de son village, Kanjiza, dont il a opéré sur scène une relecture mythique. Dans son labyrinthe inté- F. Verret, ph. Enguerand rieur, il accueille depuis quelque temps des écrivains (Franz Kafka, Bruno Schulz) dont la complicité le stimule et le conforte. Pour Poussière de soleils, il trimballe dans ses poches toujours déformées par les livres, l’œuvre de Raymond Roussel (1877-1933) dont le fameux Impressions d’Afrique. Au-delà de la pureté de l’écriture, Josef Nadj avoue sa fascination pour la vie extravagante de l’écrivain et ses insuccès répétés pour faire de ses écrits des réussites théâtrales. Ce qui ne l’empêcha pas de persister. Conduite à risques, conduite d’échecs, jusqu’à sa mort par intoxication aux barbituriques (suicide ?). Comme Raymond Roussel, Josef Nadj aime les mysJ. L. tères et jouer aux échecs. F. Verret, dessin V. Fortemps THEATRE DE LA VILLE • TARIF EXCEPTIONNEL DU 3 AU 15 MAI CRÉATION Pina Bausch TANZTHEATER WUPPERTAL création 2004 résidence au Japon Pina Bausch, L. Philippe Fructueuse idée que celle de mettre à profit les tournées internationales de sa compagnie pour s’installer en résidence dans différentes grandes villes du monde. Depuis vingt ans, Pina Bausch ne se contente pas de croiser le public de Rome, de Rio ou de Hong-Kong. Elle plonge pendant trois semaines dans le concret de la vie quotidienne des gens et partage aussi, le temps de rencontres informelles, les réflexions des artistes les plus fameux de chaque ville. Intelligence souterraine de ces rapports de proximité tissés à même la fibre populaire et intellectuelle de chaque capitale étrangère. Ces séjours de création, véritables leviers pour l’imaginaire, illustrent avec finesse le double visage d’une œuvre nourrie d’humanité au sens large. Sa nouvelle étape de voyage a emmené la chorégraphe et son Tanztheater à Tokyo. On rêve sur la façon dont Pina Bausch s’est appropriée cette mégalopole proliférante dont les avenues ultramodernes jouxtent des ruelles sombres cernées de maisonnettes en bois brun, les temples cousinent avec les centres commerciaux, le brouhaha urbain avec le bruit des grillons. On a hâte de contempler sur scène cette métamorphose toujours insolite que Pina Bausch et ses danseurs font subir aux curiosités rapportées de leurs pérégrinations. Lors de ce voyage, Pina Bausch était comme à son habitude accompagnée par Thomas Erdos, complice et ami de longue date, mort en février. Ce fut son ultime périple avec une chorégraphe dont il a contribué à faire partager la singularité et le talent quasi alchimique de raconter la vie en la faisant J. L. passer pour une œuvre d’art. THEATRE DE LA VILLE • TARIF A DU 24 AU 28 MAI CRÉATION François Verret COMPAGNIE FRANÇOIS VERRET Not a way 6 interprètes d’après William Faulkner Sur quelles fondations reposent les ÉtatsUnis ? Le génocide des Indiens, l’esclavage des Noirs, la guerre civile. Sous les récits raisonnés qu’on peut en produire, quelque chose se joue, de plus profond, qui déborde et ne renonce pas. Pour sa nouvelle pièce, Not a way, François Verret se tourne vers Absalon, Absalon ! de William Faulkner. Mais ce n’est pas principalement l’histoire du Sudiste Thomas Sutpen qu’il y lit. Ce qu’il y perçoit, c’est la force au travail qui pousse successivement Quentin, Miss Rosa ou Mr Compson, à tenter de dire cela, chacun à sa façon, se risquant dans les méandres de l’indéterminé où des fantômes se cognent qu’il faut mettre en mouvement par ce dire même, sans quoi toujours ils reviendront. Not a way, puisqu’il n’y a donc pas qu’un seul chemin et puisqu’une vérité ne consistera qu’à se raconter des histoires sur les histoires que se racontent les autres, dont le célèbre écrivain américain. Kaspar Konzert * ou Chantier Musil * ont montré de grandes architectures chorégraphiques qui renvoient au spectateur les regards multiples par lesquels il est libre de recréer sa propre histoire, flottante, saisissante, jamais close. S’y croisent, sans se heurter, s’y cherchent, s’y frôlent et s’y échappent, des subjectivités éminemment singulières, forgées au souffle de l’intuition, à l’ombre des héritages de chacun des artistes, comme au jour d’un laboratoire de rencontres. Délicatement, mais avec fulgurance, les talents spécifiques des danseurs, comédiens, artistes du cirque, plasticien, et musicien strient la matière dynamique d’une poésie de l’espace habité. Passé maître en cet art qui subjugue les spectateurs, François Verret se soucie aussi de ris- 29 Wayn Traub, ph. D. Monkhorst quer de nouvelles rencontres comme autant de nouvelles pratiques. Parmi lesquelles la contorsionniste Angela Laurier, qui déplace son art au-delà des prouesses, ou la clarinettiste Carole Robinson, Américaine du Sud, au travail sur la langue comme sur un rythme inouï. Chez François Verret, le plateau n’est jamais voué à une narration linéaire. Il donne à vivre l’expérimentation d’une simultanéité G. M. vertigineuse. Wayn Traub, Maria Dolores, ph. P. Deprez * Kaspar Konzert, présenté en novembre 1998 et octobre 1999 au Théâtre de la Ville. Chantier Musil, présenté en novembre 2003. Également Bartleby en novembre 2000 et février 2002. THEATRE DE LA VILLE • TARIF C DU 31 MAI AU 4 JUIN CRÉATION Wayn Traub HET TONEELHUIS Jean Baptiste 3 interprètes + film 30 RITE D’EXORCISME On n’en a décidément pas fini avec le sacré et ses reliques. Admettons : bien que catholique de baptême (c’est un exemple, mais il a ici force d’évidence), vous ne fréquentez plus les églises depuis belle lurette, gardez vos péchés pour vous-même et avez oublié jusqu’aux paroles du Notre Père. Vous n’allez pas au théâtre comme on va à la messe, et pourtant, vous y retrouvez un jour la Vierge Marie et le mystère de la Conception (immaculée ou pas ?), une Mère supérieure et Dieu dans tout ça. Bref, vous buvez le calice jusqu’à la lie. Ce fut Maria Dolores, première rencontre avec un étrange garçon au visage d’ange, Wayn Traub. En Belgique, on l’a déjà catalogué « curé des arts » ! Nulle bigoterie pourtant chez cet artiste malin en diable, qu’admirent aussi bien Jan Fabre qu’Alain Platel (un exploit, tant ces deux-là ont peu de choses en commun). Wayn Traub, créateur polymorphe. Études d’art, de cinéma, d’anthropologie et de théâtre. Mais comment réconcilier la découverte d’Artaud et de Grotowski avec les années d’enfance passées dans un internat catholique flamand, à l’ombre de la Bible tutélaire, et que l’on porte en soi de surcroît une histoire un peu compliquée, avec une mère schizophrène et un grand-père condamné pour inceste et pédophilie ? Cela fait pas mal de fantômes à gérer… Wayn Traub (son nom d’artiste est l’exact patronyme de sa mère, coupé en deux) a fait du théâtre son rite d’exorcisme, qu’il a d’emblée placé sous l’injonction d’un « Manifeste du théâtre de l’ani- malité » ! Après quelques performances, Maria Dolores est son premier grand spectacle : un chef-d’œuvre. On n’a pas le souvenir d’avoir jamais rien vu de tel : un théâtre psalmodié et chanté par deux actrices, une iconographie moyenâgeusement crépusculaire, et surplombant le tout, un film de long métrage absolument délirant, qui enchevêtre la fiction et le réel, le mythe et le présent, dans un extraordinaire labyrinthe où aucun fil ne se perd tout à fait. Il y a assurément du Godard chez ce Wayn Traub qui arrive tout naturellement au Théâtre de la Ville avec un deuxième opus, Jean Baptiste. Le héros biblique revient ici sous les traits d’un « chanteur prophétique et engagé », à l’allure androgyne, « qui prêche l’espoir et l’amour d’une manière personnelle, en évoquant les thèmes de l’amour impossible, de la mort inéluctable et de la beauté de la belle aimée » ! Ultime précision : Wayn Traub ne fait rien à moitié. Les chansons du spectacle sortiront en CD (une tournée est même prévue), et les vidéoclips de Jean Baptiste deviendront ultérieurement un vrai film. J.-M. A. THEATRE DE LA VILLE • TARIF B DU 7 AU 11 JUIN 1er PROG. CRÉATION Anne Teresa De Keersmaeker ROSAS A love supreme raga for the rainy season 12 danseurs musique raga-s indiens, John Coltrane Explorer l’inspirante rencontre entre la musique populaire la plus savante d’Occident – le jazz – et la musique savante la plus popu- laire d’Orient – la musique classique indienne. Miles Davis, John Coltrane avec India, Ornette Coleman, infatigables défricheurs, s’y étaient frottés en leur temps, mus par cette manière commune de construire sur le mode improvisé au départ d’un thème autour duquel on tourne, au fil d’un rythme qui se déroule. Avec Rosas, Anne Teresa De Keersmaeker veut poursuivre le travail d’improvisation amorcé dans Bitches Brew et développé dans les coulisses de Kassandra. Elle choisit de confronter deux monuments émotionnels de la musique dévotionnelle, portés par le souffle vocal ou instrumental : un raga pour la saison des pluies, Raga for the Rainy Season, chanté par Sulochana Brahaspati et le mythique A Love Supreme de John Coltrane. Tous deux offrandes sensuelles et mystiques… Elle rappelle les partenaires artistiques qui avaient accompagné les naissances de Just Before (1997), Drumming (1998) et Rain (2001) : Jan Versweyveld, pour les éclairages et le décor, et Dries Van Noten pour les costumes. De huit ou neuf danseurs, essentiellement féminins, pour le Raga Mian Malhar de cette amante qui attend son aimé et dont le cœur bat la nuit au rythme des éclairs qui déchirent le ciel, elle passera à quatre (2 femmes, 2 hommes) pour l’action de grâce musicale de Coltrane qui tire sa charnelle élévation d’un brassage fervent de polyrythmies africaines, jazz modal, folk music, free jazz, bebop, blues et gospel. Fragilité, don, abandon, profonde méditation et ode à la vie, les danseurs tels des « intercesseurs » de l’ordre du bonheur, louvoient quelque part entre la terre et ses souffrances, et le ciel qui les transcende… La danse pour rendre cette grâce. Le corps pour la ciseler d’humanité. DU 15 AU 18 JUIN 2e PROG. CRÉATION Anne Teresa De Keersmaeker ROSAS solos – duos – trio Anne Teresa De Keersmaeker, Marion Ballester et Salva Sanchis musique raga-s indiens, John Coltrane 2 + 1 + 3 + 1 + 2 : une suite de solos, duos et trio pour trois danseurs, Marion Ballester, Salva Sanchis et Anne Teresa De Keersmaeker. En leur corps, la quête d’un nouveau vocabulaire mu par l’antinomie et taraudé par l’harmonie : directions contrariées, spirales opposées… Trois pour se distinguer et s’unir ; pour se danser soi et par l’autre ; pour être ensemble et danseur et chorégraphe ; pour que, d’une forme à l’autre, se propage le mouvement… Confronter la naissance singulière de petites entités à la croissance exponentielle de leur progression, pour offrir un tout équilibré, graduellement contrebalancé. Sa respiration ? La musique indienne. Son heure ? La quiétude intime de la nuit. Son sol ? Une légère poussière d’argile, ambrée comme le miel. Sa couleur ? De l’orangé flamboyant à la blancheur éclatante. Ses lumières ? Latérales. Par la musique, dit-on, Brahma créa l’univers : cosmos né du son ou musique née du cosmos ? Microcosme, l’homme dans ce macromonde, tel un intercesseur. Anne Teresa De Keersmaeker puise encore ici dans son souffle : voix céleste de Sayeeduddin Dagar pour le duo de Desh ; duo de flûtes de bambou (bansuri) modulé par la maître Hariprasad Chaurasia et son fils Rakesh, pour son propre solo (Flute Duet) qu’elle chorégraphie pour la première fois en duo, avec Salva Sanchis ; voix, flûte et tabla pour le Trio ; saxophone soprano du plus spiritualiste des jazzmen, John Coltrane, rendant ici hommage à la musique indienne (India) pour le solo dansé et chorégraphié par Salva ; avant le duo final, renvoyant face à face Anne Teresa et Marion Ballester. Autant de dominantes, vocale, mélodique ou percussive pour arpenter ici un nouvel ordre du corps, infime et infini, un et multiple. C. D. A. T. De Keersmaeker, ph. H. Sorgeloos John Coltrane, ph. © Universal Music Group Claire Diez THEATRE DE LA VILLE • TARIF A 31 E. Huynh, photos M. Domage THEATRE DE LA VILLE • TARIF C DU 21 AU 24 JUIN CRÉATION Emmanuelle Huynh tourne mentalement, et librement, pour aborder ses pièces actuelles : « J’y reviens à une certaine forme de récit, alors que fondamentalement je suis issue de la danse abstraite. Ce que m’inspire le cinéma, ce sont les contractions de temps, les juxtapositions de plans, les ellipses, les rapprochements, etc. » Cela convient à sa propre écriture chorégraphique qui est invention d’un lieu de circulations, frictions, infiltrations, plutôt que simple production de mouvement ; qui revendique de réfléchir son propos, ses projections, ses implications, et de n’inscrire le geste qu’en fonction de cela. Ainsi Heroes combinera des voix, quatre ou cinq. Ces voix suggèrent aussi des voies, des parcours, des strates de fiction où les personnalités se nourrissent au croisement des mémoires collectives et des imaginaires singuliers. D’un côté les traces des grands films connus de tous, airs populaires ou textes militants qui mettent en mouvement, de l’autre des héritages plus intimes, telle la double langue avec laquelle ont grandi tant et tant d’enfants de notre époque et de nos pays. Nous sommes faits de tout cela, et la danse s’élabore comme une expérience patiente, prudente et émouvante d’une présence très forte, extrêmement consciente, exigeante, à l’espace. Emmanuelle Huynh aborde le grand plateau du Théâtre de la Ville comme une extension de l’inconscient, où le son se déploie déjà comme une architecture chorégraphique, à peupler de présences saisies par des zooms aussi bien que dans les plans G. M. larges. COMPAGNIE MUA Heroes 5 interprètes avec le Centre national de la danse 32 « We can be heroes » chantait David Bowie sur la bande son d’A vida Enorme/épisode 1, d’Emmanuelle Huynh. Heroes est à présent le titre de la pièce qui en prend la suite, pour le Théâtre de la Ville. Y accède ainsi pour la première fois cette figure marquante des nouvelles tendances qui ont cherché à bousculer le paysage chorégraphique français ces dernières années. Au même moment, Emmanuelle Huynh, qui ne dédaigne pas de rappeler ses études de philosophie, vient d’être placée par l’État à la tête de l’unique école supérieure de danse contemporaine du pays, le CNDC d’Angers. Un peu comme s’il s’agissait de 7e art, on vient d’écrire “bande son” à propos de Bowie. En effet, c’est vers ce qu’elle perçoit de l’écriture cinématographique qu’Emmanuelle Huynh se THEATRE DE LA VILLE • TARIF C DU 28 AU 30 JUIN CRÉATION Christian Rizzo L’ASSOCIATION FRAGILE Soit le puits était profond, soit ils tombaient très lentement, car ils eurent le temps de regarder tout autour 7 danseurs et 3 musiciens avec le Centre national de la danse Le projet de création 2005 de Christian Rizzo a déjà plusieurs fois changé de nom. Qui se soucierait d’un jeune dos mouillé ? s’est ainsi transformé en Soit le puits était profond, soit ils Christian Rizzo, ph. g.nox/fragile NDLR : Et pourquoi pas : "bodymakers", "falbalas", "bazaar", etc., etc. ? de Christian Rizzo, fut programmé au Théâtre de la Ville en février 2002. DANSE AUX ABBESSES S. Shivalingappa, ph. C. P. Satyajit tombaient très lentement, car ils eurent le temps de regarder tout autour. Foin d’exégèse de ces titres kilométriques, et laissons-nous gagner par la résonance littéraire de ces phrases où déjà on entend des “il”, on entend des “nous”, qui racontent des mouvements, une attitude – de danse ? La traversée commence, conduite par un chorégraphe qui joua d’abord du rock, créa une marque de vêtements, ne monta sur scène un jour que par hasard, “performe” dans des vitrines ou des galeries, sinon confectionne en coulisses les costumes de pièces qui ne sont pas les siennes, quand il se plaît à s’y glisser comme « simple » danseur. Tandis que les artistes observent le monde pour créer des formes, Christian Rizzo renverse l’idée : « Les formes que je crée m’aident à regarder le monde. Une pièce existe toujours déjà, mais c’est le travail qui la révèle ». On ne décrit donc pas un projet de Christian Rizzo. On s’attend à le recevoir comme le résultat façonné d’une intervention, où il prône l’éloignement dans la perspective du plateau. Pour sa création 2005 au Théâtre de la Ville, Christian Rizzo devrait réunir un groupe de hard rock, ainsi rappeler une part de son monde enfui, pour un spectacle de danse à écouter, un concert à voir, misant sur la puissance érotique du genre. Avec sept ou huit danseurs de sa tribu, et l’irremplaçable Caty Olive aux lumières, il concevra à nouveau sa pièce comme un événement plastique géant, possiblement divagant, autant que chorégraphique. Turbulent, il cite les Années folles du siècle dernier, pour « leur grand brassage, extraordinairement vivant, ou rien n’était séparé ». Puis songe un instant : « Je suis un romanG. M. tique, mais un romantique éclairé ». LES ABBESSES • TARIF A 26, 27, ET 30 OCT. CRÉATION Shantala Shivalingappa kuchipudi Kuchipudi. À lui seul, le nom de cette forme de danse – l’un des six grands styles classiques de la tradition indienne – exhale, dans le roulis de sa sonorité, une saveur gouleyante et parfumée. Toute une sensualité que l’on retrouve dans le geste même du kuchipudi, fluide, gracieux et dynamique. Shantala Shivalingappa en avait fait découvrir l’attrayant bouquet au public du Théâtre de la Ville en janvier 2000 puis en juin 2002. Elle revient avec un nouveau programme où la tradition se nourrit d’une créativité renouvelée. Sur une musique spécialement composée par son maître, Vempati Chinna Satyam (auprès de qui elle travaille régulièrement à Madras), elle invente sa propre ornementation de l’inépuisable figure de Shiva, le dieu créateur de la danse. « Ma gestuelle est imprégnée de tout ce que j’ai fait par ailleurs », confie Shantala Shivalingappa. Engagée toute jeune par Maurice Béjart, elle a ensuite participé à des créations de Bartabas, Peter Brook et Pina Bausch, tout en poursuivant un mémoire d’ethnologie sur le gurukoulam, mode de vie traditionnel qui rassemblait jadis maîtres et élèves durant le temps de l’apprentissage. Initialement formée au bhârata natyam (sa mère, Savitry Nair, en est une chorégraphe réputée), elle a choisi l’art du kuchipudi pour les contrastes offerts par cette danse : « C’est une danse légère, bondissante, mais ancrée dans le sol. Ondulante, toute en courbes, elle n’en demeure pas moins basée sur une structure forte et rigoureuse ». Et c’est avec des talents comme le sien que la plus ancienne des traditions garde une fraîcheur intacte. J.-M. A. 33 28, 29 OCT. 20H30 ET 30 OCT. 17H Maria-Kiran bhârata natyam CRÉATION Il reste heureusement en ce bas monde quelques lieux où la frénésie de la nouveauté à tout prix n’a pas totalement chamboulé les esprits. Les danses de l’Inde portent ainsi en elles un héritage multiséculaire qui se transmet de maître en maître, au fil des générations. Un art enraciné dans l’histoire des corps et des mythes n’est pas pour autant immuable. Quels que soient les grands styles qui composent sa palette, la « danse indienne » s’acquiert graduellement. Les élèves doivent d’abord maîtriser les subtilités d’une technique éprouvée, avant d’aborder les nuances expressives qui vont colorer et singulariser les virtuosités patiemment forgées. Vient ensuite le temps de l’invention, toujours accompagnée par un maître qui prépare ainsi la relève. C’est sur ce chemin de grâce escarpée que s’est engagée Maria-Kiran. Formée au raffinement ornemental du bhârata natyam, née en Inde mais adoptée en France, elle a suivi l’enseignement de Yamini Krishnamurti et Jamuna Krishnan à New Delhi, dont elle interprétait les chorégraphies lors de son premier récital au Théâtre des Abbesses, en février 2003. Dans le spectacle qu’elle présentera la saison prochaine, elle combine pour la première fois un répertoire traditionnel et des compositions de son cru. La danse est J.-M. A. un éternel recommencement. LES ABBESSES • TARIF C LES ABBESSES • TARIF C DU 30 NOV. AU 4 DÉC. CRÉATION Koen Augustijnen BALLETS C. DE LA B. Bâche 4 danseurs Steve Dugardin chant Guy van Nueten composition, arrangement musical, piano 34 K. Augustijnen, ph. L. Philippe Maria-Kiran, ph. Enguerand LES ABBESSES • TARIF A Anglais, s’ils revenaient aujourd’hui, seraient sans doute surpris (et peut-être même ravis) de constater que leurs compositions s’adaptent sans coup férir aux virtuosités contemporaines de la breakdance, des acrobaties du cirque et des contorsions du théâtre dansé. Pour la commodité, on qualifiera Koen Augustijnen d’enfant terrible, comme s’il était effrayant, au jour d’aujourd’hui, d’aimer plusieurs choses à la fois et de les aimer pour ce qu’elles sont, forcément ambivalentes. La peur, par exemple. Peut-on ne pas en avoir peur, l’apprivoiser, jouer avec, reconnaître ses mécanismes ? Aimer se faire peur : drôle d’idée… Mais en ces temps d’obsession sécuritaire, où « la peur devient un état généralisé, irrationnel », seule l’énergie qui se risque aux termes de l’inconnu peut dessiner des territoires où la vie est susceptible de s’inventer hors des dispositifs de surveillance. « Il faut un espace où les interprètes puissent se rencontrer », note à juste titre Koen Augustijnen. Comme si la scène du théâtre n’était plus à elle seule un refuge suffisant, il recouvre le plateau, avec la complicité du scénographe Jean-Bernard Koeman, d’une bâche verte. Et c’est de ce bivouac que sourdent la musique et la voix (Guy Van Nueten et Steve Dugardin, haute-contre), formidable cocon des éclosions bigarrées, tumultueuses, inouïes, dont la danse entreJ.-M. A. prend l’incessant chantier. Dans To Crush time, on pouvait entendre Eli De Vondel, à la guitare électrique, massacrer Bach en toute beauté. Dans Just another landscape, la musique de Schubert s’acoquinait aux airs nostalgiques et râpeux du fado. Pour Koen Augustijnen, l’auteur de ces deux spectacles réalisés sous la houlette des Ballets C. de la B., la vie est un sacré juke-box. Dans sa dernière création, Bâche, ce sont Purcell et Britten qui mènent la danse, et les délicats DU 4 AU 8 JAN. Boyzie Cekwana THE FLOATING OUTFIT PROJECT Rona duo musique live Thabani Sibisi Ja, nee 8 danseurs QUAND LES HOMMES ONT PERDU LEUR FIERTÉ Boyzie Cekwana est né en Afrique du Sud, à Soweto, là où aux temps de l’apartheid, dans l’illégalité, Robyn Orlin faisait travailler ensemble des Blancs et des Noirs et fondait une école. Issu de la nouvelle génération, le jeune chorégraphe remporte dès 1995 différents prix internationaux. En France, il se fait connaître avec Rona : « Nous » en langue sotho. Une pièce raffinée, composée sur des B. Cekwana, ph. A. Van Kooïj musiques traditionnelles et créée en hommage à l’identité africaine. Rythmée par une élégante lenteur, la gestuelle intègre des éléments rituels et premiers comme l’eau, la terre, et des postures de corps issues de la modernité évoquant le célèbre Faune de Nijinski. Changeant abruptement de cap, lui succède Ja, nee dont le dispositif, ancré dans la nouvelle réalité sud-africaine mêle savamment arts plastiques et théâtralité, création contemporaine et références traditionnelles pour stigmatiser les mutations sociales de l’ère postapartheid. Dans Ja, nee, Boyzie Cekwana met en scène sept hommes et une femme seule, marchant sur demi-pointe, traversant l’espace comme sur un fil. Une façon d’interroger les violences commises envers les femmes ou encore certaines pratiques obscures qui incitent au viol d’enfants pour guérir du sida. Au milieu des photographies de Val Adamson représentant des hommes nus avec armes et enfants, images accrochées sur des cordes à linge ou projetées sur scène, les sept comédiens s’expriment en langue zouloue et xhosa, chantent des prières, dansent aux rythmes des marches de mineurs, se combattent entre jeu de canne, jonglage et claquements de mains. À mi-chemin entre le cri et le chant, Ja, nee reste une pièce sobre dont la puissance âpre et sans concession donne un nouveau visage I. F. à la dimension tragique. pièces, il reconstitue quelque chose de la famille, au gré de foyers éclatés, de liens hésitants ou maladroits, de la beauté et de la difficulté simultanées de faire partie d’un même groupe. Tout récemment, c’est autour de la relation fictive entre un frère et une sœur, qu’il a commencé à réaliser un court métrage, Odeur de sainteté. Sa nouvelle création, Almost dark, fouille à nouveau une part d’ombre, en exposant des individus qui tentent de faire face à un cycle sans fin. Comment faire avec la mémoire qui se transmet de génération en génération, et s’en défaire aussi… Contre la langue de bois des mots passe-partout, Hans Van den Broeck parie sur une sorte d’innocence corporelle pour faire émerger la part d’inconscient qui joue en chacun dans son rapport au collectif. Ainsi, observe t-il, « l’être humain est porté vers le conflit, en dépit des efforts qu’il fait pour l’éviter ». Ne pas masquer cette conflictualité des rapports humains, tendus entre le sentiment de vide et la quête des places à prendre : c’est à cette condition qu’Hans Van den Broeck aime la danse-théâtre, parfois plus efficiente à nous concerner qu’un long traité de psychologie. Autour de lui, la Française Carole Bonneau, le Suédois Palle Dyrvall, le Belge Harold Henning, le Brésilen Gustavo Miranda et la suédoise Maria Öhman forment une petite communauté dont la devise pourrait être : « l’humanité formant un tout, personne n’est étranger ». Et pourtant… LES ABBESSES • TARIF C DU 11 AU 15 JAN. CRÉATION Hans Van den Broeck S.O.I.T. Almost dark 6 danseurs L’HUMANITÉ FORMANT UN TOUT… Cofondateur des Ballets C. de la B. avec Alain Platel, Hans Van den Broeck a décidé après la création de Lac des singes (présentée au Théâtre de la Ville en novembre 2001), de poursuivre sa trajectoire en solitaire. Car s’il partage avec Platel le goût des univers qui battent la breloque et des vies déboussolées qui continuent pourtant de chercher leur pôle, Hans Van den Broeck est porteur d’une poésie bien à lui, qui se traduit dans une théâtralité malicieuse et sournoise, aux saveurs à la fois drôles et amères. Dans chacune de ses H. Van den Broeck, ph. Ch. Van der Burght J.-M. A. 35 Damien Jalet, ph. J.-P. Maurin Hervé Robbe, ph. Enguerand LES ABBESSES • TARIF C DU 15 AU 19 FÉV. Hervé Robbe CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL DU HAVRE-HAUTE NORMANDIE <<Rew duo dansé par Alexia Bigot et Hervé Robbe musique Andrea Cera C’est un bonheur devenu exceptionnel, que de retrouver Hervé Robbe dansant lui-même pendant une heure, avec dévoration, l’une de ses pièces sur un plateau. Bonheur redoublé d’étonnement devant une gestuelle devenue brusque et cassée, nourrie d’une énergie frémissante. Urgente, déterminée, cette danse a-t-elle à voir avec le mouvement accéléré de rembobinage des bandes, qu’on déclenche en appuyant sur la touche << Rew des appareils électroniques (et qui donne son nom à cette nouvelle pièce) ? Dans ce mouvement retour, se percevrait l’état d’esprit d’un directeur de centre chorégraphique national, au Havre, aujourd’hui sensible aux questions pressantes, aux doutes, aux réorientations, qui préoccupent sa profession. Resserrant vigoureusement son propos sur un duo, quel plus beau signe qu’il le fasse en choisissant à son côté Alexia Bigot, de vingt ans sa cadette, la plus jeune des danseuses de sa compagnie, la plus significative d’une époque, voire d’une culture, à réinventer ? Ainsi << Rew marquerait une fin de cycle, dont le chorégraphe, maître de la préciosité des plans et des perspectives, revendique le caractère baroque jusqu’à la saturation. Il le porte ici au comble de la démultiplication narrative, au travers d’une chorégraphie d’images ultra sophistiquée. Car cette pièce relève un défi exceptionnel : comment représenter un suicide sur scène ? Comment saisir une idée de mort, déjà à son travail de désagrégation, dans le mouvement des corps vivants ? Comment frôler l’état d’abandon, effleurer l’instant du passage à l’acte, mais dans ce même mouvement se surpasser dans la survie et l’action du plateau ? Par boucles et répétitions, se reflètent et se croisent des hantises, des quêtes, des obsessions. Un autre duo s’invente, entre la présence incarnée, et ce que projette l’image. En retour vers l’intériorité mentale, << Rew cherche à bousculer, sans craindre l’âpreté, ce que de précédentes pièces * d’Hervé Robbe eurent d’onirique délicatesse. G. M. 36 * Des horizons perdus, présenté au Théâtre de la Ville, en octobre 2003. LES ABBESSES • TARIF C DU 22 AU 26 FÉV. CRÉATION Ballets C. de la B. Propositions projets choisis par Alain Platel et le collectif C. de la B. Erna Ómarsdóttir, Damien Jalet (duo) Mette Edwardson (solo) Samuel Louwyck, Sam Lefeuvre, Lizi Estaras (trio) Arend Pinoy, Pieter Jan Vervondel, Anja Gros (trio) présentation Darryl Woods UN MAÎTRE DE DANSES Contre l’esthétique b.c.b.g. (bon chic bon genre), Alain Platel et Sidi larbi Cherkaoui ont fait des Ballets C. de la B. une pépinière d’énergies insolentes et d’expressions plutôt brutes de décoffrage. Ils continuent de hérisser le poil de ceux pour qui la danse ne saurait dévier de sa joliesse, tout en réjouissant les autres (bien plus nombreux) qui reconnaissent dans les liqueurs épicées du mouvement les humeurs du temps présent, ses foucades et ses échappées. Tout en ayant forgé l’univers iconoclaste des Ballets C. de la B., Alain Platel ne se prétend pas un nouveau deus ex machina de l’écriture chorégra- Darryl Woods, ph. R. Senera/Enguerand Sam Louwyck et Lizi Estaras, ph. L. Philippe LES ABBESSES • TARIF A DU 26 AU 30 AVR. CRÉATION Madhavi Mudgal odissi - 3 danseuses et 5 musiciens Sa générosité sans emphase, sa capacité à évaluer son interlocuteur d’un coup d’œil, en disent long sur la femme et l’artiste exceptionnelles qu’est Madhavi Mudgal. Unanimement respectée pour son talent de danseuse et de pédagogue, cette fabuleuse interprète d’odissi s’attache aussi à jeter les bases d’un geste neuf entre ancien et moderne. Elle n’est pas pour rien directrice du Gandharva Mahavidyalaya à New Delhi, un institut de musique et de danse créé par son père en 1939. Pour le spectacle Générations 1, elle avait rassemblé sur le plateau neuf danseuses de tous les âges pour composer un vivant kaléidoscope. Dans leurs habits chatoyants, les neuf femmes portaient à un sommet la rigueur et la sensualité de la gestuelle, ses frappes de pieds particulièrement complexes avec ses pas sur les talons et son délicat travail des orteils. Cette multiplication du geste lancé dans un tourniquet infatigable donnait au spectacle un aspect irréel. Originaire de l’État d’Orissa, province de forêts et de lacs au sud de Calcutta, l’odissi est une danse lyrique, liée à la nature et au monde animal, dont les mouvements de torse et les rotations disent l’ouverture au monde. C’est en voyant le guru Kelucharan Mohapatra 2, fine silhouette étrangement androgyne, que Madhavi M. Mudgal, ph. X. DR phique. En effet, loin de plier les interprètes à une marque de fabrique préétablie, il accouche des désirs, des folies et des fantaisies de chacun. Cela en fait un maître de danses, dont l’aptitude à faire éclore et mettre en valeur d’insoupçonnées personnalités témoigne d’une vraie générosité, à mille lieues de tout ego d’auteur. Il avait même lancé, voici quelques années, le concours du meilleur solo de danse belge, ouvert à tous vents, où s’était révélé Sidi Larbi Cherkaoui. Un même sens du partage anime le directeur de compagnie, qui n’a pas craint de laisser les rênes des Ballets C. de la B. à certains de ses jeunes complices : Hans Van den Broeck, Christine De Smedt, Sam Louwyck, Sidi Larbi Cherkaoui ou encore Koen Augustijnen. C’est au regard de cet enthousiasme toujours en éveil que le collectif C. de la B. a décidé de lancer une sorte d’appel aux projets parmi tous les interprètes qui ont joyeusement émaillé de leurs présences aussi étincelantes qu’espiègles les productions des Ballets C. de la B. Un signe supplémentaire de cette démocratie en actes que met en œuvre la compagnie de Gand, honorant ainsi l’esprit ancien du centre culturel Vooruit (ex-Maison du Peuple), qui l’héberge aujourd’hui. Dans ce programme de créations où l’on aurait tort de ne voir que manifestation d’épigones, on retrouvera notamment Damien Jalet, Mette Edwardson, Samuel Louwyck, Sam Lefeuvre, Lizi Estaras, Arend Pinoy, PieterJan Vervondel et Anja Grosne, avec l’active complicité de Darryl Woods, en Monsieur Loyal qui donnera quelque fantaisie supplémentaire à cette véritable multinationale de l’humanité en J.-M. A. goguette. 37 1 Présenté au Théâtre de la Ville en 2002. Récemment décédé. Brice Leroux, ph. X. DR 2 Andrés Marín, ph. X, DR Mudgal décida de se consacrer à l’odissi. Il était également présent sur le plateau de Générations et donna une troublante leçon de grâce et de détachement. Madhavi Mudgal revient cette saison en plus petit comité : rien que trois danseuses pour fêter avec elle cette danse odissi dont l’apparent minimalisme J. L. recèle des trésors d’expressivité. LES ABBESSES • TARIF C HORS ABT LES ABBESSES • TARIF A DU 14 AU 18 JUIN CRÉATION DU 27 JUIN AU 1er JUILLET Brice Leroux Andrés Marín Quasar - solo flamenco 3 chanteurs et 5 musiciens VZW DIXIT Quatuor 4 danseuses LE MOUVEMENT CONTINU Bien nommée, la compagnie de Brice Leroux s’appelle Continuum, car « chaque création, explique cet ancien interprète d’Anne Teresa De Keersmaeker, est une variation sur le spectacle antérieur ». Accueilli pour la première fois au Théâtre des Abbesses, la saison dernière avec Gravitations-Quatuor, le jeune chorégraphe français installé en Belgique montrait à quel point extrême il pouvait imposer dans la plus pure sobriété, la puissance d’un langage singulier. Avec une écriture énigmatique, minimaliste et virtuose, cette fascinante proposition autour du phénomène de la transe et des effets de la gravitation, engendrait un monde magique dont la haute teneur poétique hypnotisait le spectateur. Dans sa récente création, Brice Leroux travaille à nouveau aux frontières du conscient et de l’inconscient, cherchant à capter, avec cette écriture répétitive qui le caractérise, ces moments où le corps échappe, au-delà de toute maîtrise. Comme dans son premier solo, et dans le quatuor, fusionnant rituels et concepts, le chorégraphe explore un nouveau champ des possibles. Invitant aussi le public à partager cette recherche sur le sensible, à partir d’un sobre et pourtant spectaculaire agencement des costumes, des lumières et des sons. Organique, le monde des sens qui intéresse Brice Leroux reste un espace imaginaire où le corps se laisse infléchir par le temps. Dans cet univers de silence et de pénombre, comme dans un songe éveillé, la danse du chorégraphe évolue cherchant d’autres façons de voir, bouger, penser. I. F. 38 CRÉATION Asimetrías Il y a deux ans, Andrés Marín créait l’événement parmi les amateurs de flamenco. Loin d’une danse connue pour ses débordements et claquements de talons frénétiques, le Sévillan nouait et dénouait avec une retenue jouissive les fils de cette gestuelle stylisée tout en torsions et entrelacs qu’est le flamenco. Minimaliste, épuré mais batailleur dans sa façon de tirer sur le mors de l’énergie, le spectacle intitulé Más alla del tiempo était à prendre ou à laisser. Seul en scène, parfois simplement vêtu d’un châle pour arpenter le plateau, ce fils d’un danseur et d’une chanteuse reculait comme pour mieux l’attiser, l’instant de l’implosion : le flamenco est une blessure vive dont la cicatrice ne se referme jamais. Avec Asimetrías, sa nouvelle pièce pour un homme (lui-même), trois chanteurs et cinq musiciens, il met en scène un espace asymétrique pour travailler au corps les notions de tradition et de modernité, de style et d’interprétation. « L’asymétrie est une nécessité expressive, un champ d’expérimentation, un point de rencontre. Ce que j’ai de plus profond en moi, commente le chorégraphe qui aime à dire qu’il veut toucher le spectateur en lui serrant le cœur. » Si la sobriété reste la marque d’Andrés Marín, il se laisse néanmoins aller à un peu plus de joie sur des musiques choisies avec soin. Trompette, percussions, guitares, voix masculines aux timbres différents, dégagent un nouvel horizon à la danse sans oublier pour autant ses racines. Les forges par exemple, lieux de naissance du flamenco, entre frappes sur le métal et chants viscéraux, racontent comment le geste de l’artisan et du danseur J. L. battent du même cœur. La Ribot, ph. I. Meister Pierre Droulers, photos X. DR DANSE HORS LES MURS CENTRE G. POMPIDOU • TARIF C HORS ABT DU 18 AU 21 NOV. CRÉATION La Ribot 40 Espontáneos avec le Festival d’Automne à Paris CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C LE COMMERCE DES CORPS Après près dix ans de semi-galère madrilène, La Ribot a fait une irruption remarquée dans le champ chorégraphique en se lançant, seule, dans la longue série des Pièces distinguées, savoureuse collection à la fois burlesque et conceptuelle de variations d’un corps exposé à sa propre enchère. On aura aimé l’insolence du projet, son habileté à manier le froid et le show, sa stimulante remise en cause des attendus de la danse, et son acuité à « déformater » le regard du spectateur. Ces solos, initialement conçus dans un contexte espagnol peu propice à la création contemporaine, ont aussi été pour La Ribot le fait d’un « instinct de survie ». Ce cycle est aujourd’hui achevé, et la chorégraphe aspire à retrouver le sens d’une multitude. Mais plutôt que d’avoir à reconstituer une compagnie stricto sensu, La Ribot embarque dans cette nouvelle aventure des danseurs « spontanés », qui seront différents dans chaque ville où le spectacle sera présenté : enfants, personnes âgées, sportifs, etc. Ce processus original sera pour elle l’occasion de confronter la singularité de chacun, dans son individualité constitutive, au « commerce des corps » et à toutes ses stratégies de transactions, de trafic, de troc, d’échange, de location ou de prêt. Bref, un jeu de rôles, et pas seulement, pour cultiver la joyeuse irrévérence de l’acte poétique à l’égard des modernes injonctions du profit, de la rentabilité et de la sacro-sainte économie. L’évidence et la simplicité du mouvement sont, pour La Ribot, la « richesse » des « corps de tous les jours ». Les interprètes qu’elle « emprunte » pour ce projet seront, en eux-mêmes, la plus-value d’une dissidence subtile contre le marché des spectacles. La danse, vraiment, n’a pas de prix ! J.-M. A. DU 2 AU 14 DÉC. CRÉATION Pierre Droulers COMPAGNIE PIERRE DROULERS Inouï 6 danseurs avec le Festival d’Automne à Paris UNE PIÈCE-PAYSAGE « À l’intime le pouvoir de renverser toute idéologie, tout systématisme ». Ce pourrait être un slogan ; il aurait quelque pertinence à l’heure où le dogme de la rentabilité et des ineffables “gains de productivité” tend à occuper en tout lieu et à tout moment le travail invisible et secret de l’expérience. Pour Pierre Droulers, c’est simplement un chemin, qui a pris sa source dans le mouvement de la danse voici plus de vingt ans, et qu’il poursuit avec l’obstination lente du poète. À l’époque où, à Bruxelles, il improvisait en compagnie du saxophoniste Steve Lacy, Maurice Béjart tenait le haut du pavé. Puis est venue la « nouvelle danse » française ; Pierre Droulers s’en est tenu à l’écart, peu soucieux de coller à l’utopie d’une effervescence politico-artistique. En Belgique a ensuite déferlé la « nouvelle vague flamande » ; même s’il a dansé pour Anne Teresa De Keersmaeker dans le magnifique Ottone, Ottone, Droulers ne s’est pas mêlé à ce bouillonnement. Et aujourd’hui ? Pas conceptuel pour deux sous, il continue à distiller l’essence de l’émotion. Bref, il n’a jamais été à la mode, ce qui est sans doute une façon de ne jamais se démoder. Sans se gorger de mots, ni céder à une quelconque surenchère spectaculaire, il a égrené au fil de ses créations des saveurs dont l’espace, le temps, la lumière, et bien sûr la densité du mouvement sont les matières premières. Après Mountain/Fountain et Ma, qui l’ont enfin 39 pleinement consacré, Pierre Droulers signe avec Inouï une œuvre essentielle et ample où l’espace frémit et respire. Sans forcer aucun passage, dans un éveil perceptif constant, jouant du proche et du lointain comme de l’ombre et de la luminosité, la danse est ici au bord de l’effacement, sans la moindre velléité superflue. Tableau tour à tour expressif et abstrait, agité et immobile, où s’inscrivent et se dilatent des présences ténues, atomisées, décantées, Inouï est une pièce-paysage semblable à la vague lente d’une aube qui se lève. tère énigmatique, sa discontinuité, ses absences, renouant avec les fondamentaux de l’écriture chorégraphique de Res non verba, mais à partir des images plutôt que du corps même. On cherche une danse ne s’explique pas, mais interroge : « Que voyonsnous de la réalité ? À quoi avons-nous accoutumé notre vision ? », et cherche à capter ces instants subtils où se manifeste une autre vision du monde. I. F. 1 2 Présenté du 20 au 24 février 2001, aux Abbesses. Présenté du 14 au 17 mai 2002, aux Abbesses. M. Stuart, H. Rowe, B. Lachambre, ph. A. Riley J.-M. A. THÉÂTRE DE LA BASTILLE • TARIF C DU 8 AU 14 DÉC. CRÉATION Olga Mesa COMPAGNIE OLGA MESA On cherche une danse avec Olga Mesa, Nilo Gallego, Daniel Miracle Olga Mesa, ph. Pino Mesa LE REGARD COMME ÉCRITURE TRANSITOIRE « Mon objectif est de rendre visible un processus de recherche qui s’inscrit dans le temps. » explique Olga Mesa. Depuis 1996, la chorégraphe espagnole a développé sa démarche sous la forme de thématiques. La première, Res non verba (Les Choses pas les mots) une trilogie, s’intéressait au langage des émotions. Une réflexion issue du corps et de ses aspects les plus intimes d’où naissait une écriture brute, empreinte d’une forte dimension charnelle, évoluant mystérieusement à la façon d’un texte ou d’un poème, notamment dans le remarquable solo, Esto no es mi cuerpo 1. Más Público, más privado 2, projet de quatre mouvements cette fois-ci, se consacre à l’interprète, à son expérience physique et à la dimension du regard. À partir d’une question : « Comment témoigner devant un public de l’intimité du travail de la danse et son émergence dans le studio ? » Créé avec trois interprètes, le troisième volet, On cherche une danse, se déroule dans un environnement particulier : un dispositif de captation et de transmission d’images en direct conçu par le vidéaste Daniel Miracle. La danse qui se déploie sous nos yeux à travers un trio en constante mutation, évoque les origines du mouvement : impulsion, matière, mémoire, image-corps. Cette nouvelle création s’intéresse au mouvement du regard, à son carac- 40 CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C DU 8 AU 13 MARS CRÉATION Meg Stuart Benoît Lachambre Hahn Rowe DAMAGED GOODS PAR B. L. EUX Forgeries, love and other matters chorégraphie et danse Meg Stuart, Benoît Lachambre musique Hahn Rowe Qui a vu No longer Readymade, spectacle initiatique de l’Américaine Meg Stuart en 1993, n’a pu oublier sa folle ouverture : un danseur démenait sa tête en une longue et violente transe qui remuait le visage jusqu’à en troubler l’image, à l’égal de certains portraits de Bacon. En même temps que Meg Stuart se détachait là des corps fluides de la postmodern dance, on découvrait avec Benoît Lachambre l’insoupçonnable beauté d’un corps heurté, propulsé hors d’un trop sage savoir-faire, engagé au plus vif de ses débords. Si Meg Stuart et Benoît Lachambre ont eu depuis lors l’occasion de travailler à nouveau ensemble, le temps d’un Crash Landing tissé d’improvisations (1997) puis pour la création de Not to know, voici deux ans ; ils n’ont encore jamais eu l’occasion d’éprouver en duo la complicité artistique qui les unit à distance. Autant dire que la création de Forgeries, love and other matters, est légitimement attendue ! Enrobés par le voltage musical de l’excellent Hahn Rowe, guitariste et compositeur présent sur scène, Meg Stuart et Benoît Lachambre se retrouvent pour continuer à explorer « les paysages souterrains du corps, à la recherche de ses manques et aspirations, de ses lacunes et densités, de ses méandres temporels et points sensibles ». L’un et l’autre vivent et éprouvent la danse comme « transformation » de l’expérience, déchirant la surface des conforts de pacotille pour laisser venir la secousse des fondations ébranlées. Du mouvement comme sismographe des utopies déchues et pour autant toujours vivantes. idées de fugue se poursuivront, se lieront, se déferont, au travers des précieuses gammes lumineuses de Françoise Michel, et de la scénographie de Laurent Pariente qui dans l’espace invente des pièges démultiplicateurs des dynamiques. Croisées, où se tisse une complexité transluG. M. cide de croisements de talents. Nathalie Pernette, ph. X. DR E. Vo-Dinh, ph. C. Losson J.-M. A. CITÉ INTERNATIONALE • TARIF C DU 17 AU 22 MARS CRÉATION Emmanuelle Vo-Dinh SUI GENERIS Croisées 9 interprètes avec le Centre national de la danse Elle est discrète mais franche. On n’enferme pas Emmanuelle Vo-Dinh dans une chapelle chorégraphique. D’abord interprète de François Raffinot, son parcours depuis lors indépendant lui fait affirmer une écriture très singulière, rigoureuse et pourtant accessible. Les pièces Sagen ou Texture/Composite vibraient de son intérêt pour des pensées actuelles et stimulantes, comme celle du neurologue Antonio Damasio sur les relations entre émotions et raison. Elles font bouger la danse. Ainsi Emmanuelle Vo-Dinh s’approche d’une formule magique où l’abstraction produirait des pièces lisibles, où la répétition relancerait l’aventure du regard, où le minimalisme bénirait l’évidence de la présence. Cette jeune chorégraphe tranquillise le temps, tisse des réseaux subtils, et dégage devant la chair l’élégance du détachement. Les amoureux du mouvement se délectent de ses exigences intellectuelles, quand le plus souvent ces notions s’opposent. Sa première collaboration avec le Théâtre de la Ville lui permet de concevoir une pièce ambitieuse. Huit danseurs et un comédien interpréteront Croisées, dont elle partage la préparation depuis plus d’une année déjà avec plusieurs artistes qu’elle désigne comme d’autres « créateurs », plutôt que « collaborateurs ». Ils sont réunis autour d’un principe d’écriture : celui de la fugue musicale, à l’image de la Grande Fugue de Beethoven. Soit une dynamique enivrante de la répétition et de la variation, dans l’enrichissement irrépressible d’un déroulé partant d’éléments simples. C’est de cette façon qu’Emmanuelle Vo-Dinh élabore sa partition chorégraphique. De même la harpiste Zeena Parkins pour sa composition musicale (elle sort de deux années de collaboration discographique et scénique avec la chanteuse Björk). Et le jeune auteur Frédéric-Yves Jeannet emprunte lui aussi à ce principe pour l’écriture d’un texte qui traverse la pièce (la critique littéraire a salué ses premiers romans pour la nouveauté époustouflante de leur écriture). Ces trois C. N. D. DE PANTIN • TARIF C HORS ABT DU 21 AU 25 MARS ET DU 29 AU 31 MARS Nathalie Pernette COMPAGNIE PERNETTE Je ne sais pas Un jour - Peut-être CRÉATION 3 solos dansés par Nathalie Pernette avec le Centre national de la danse Qui l’eût cru ! Que Nathalie Pernette, femme au tempérament aiguisé par les aléas de la vie, se découvre un goût pour l’autodérision, est une surprise. On savait déjà que cette chorégraphe à angles vifs n’était pas du genre à se bander les yeux pour affronter la réalité d’un monde qui a depuis longtemps décidé de laisser au vestiaire tout l’attirail du conte de fées. Après quinze ans de recherche chorégraphique (dont une dizaine menée en complicité avec Andréas Schmid), elle ajoute donc une corde rare à son arc : celle du grotesque aussi périlleux à manipuler dans la danse que le comique ou le kitsch. Mais Nathalie Pernette a toujours préféré explorer que camper sur ses repères. Dans sa série de trois solos entamée en 2002, elle met à nu une silhouette féminine dont l’humour corporel désarticulé va se chercher des amis du côté de Buster Keaton. Le premier opus s’intitulait Je ne sais pas et s’évertuait à arracher quelques lambeaux de vérité à une montagne de doutes faite femme. Bouger sans arrêt ne finit-il pas par faire tourner en rond ? Dans cette spirale infernale, Nathalie Pernette s’amuse et se désole de ses limites, envoie sa timidité se rhabiller chez les Indiens d’Amérique pour enfin se laisser aller à des fantasmes les plus fous : jouer dans un opéra chinois, savoir cuisiner comme un chef, être un chat siamois… Ces Solos composent l’autoportrait flamboyant d’une rêveuse qui règle ses comptes avec elle-même pour se contenter de ce qu’elle est : une femme qui prend des risques, et c’est déjà beaucoup. J. L. 41 MUSIQUE L’HISTOIRE DU SOLDAT Stravinski / Ramuz création Omar Porras TARIF B LE VASE DE PARFUMS Suzanne Giraud Olivier Py création TARIF B ANDREAS STAIER clavecin CHRISTINE SCHORNSHEIM clavecin LUZ MARTÍN LEÓN-TELLO FABIO BIONDI violon EUROPA GALANTE (7 musiciens) SAMMARTINI - PURCELL - CASTELLO - MASCITTI COUPERIN - W. F. BACH castagnettes Fandangos (2 clavecins et castagnettes) A. SOLER - D. SCARLATTI - L. BOCCHERINI F. M. LOPEZ - S. DE ALBERTO CHRISTIAN ZACHARIAS CHRISTIAN TETZLAFF violon LEIF OVE ANDSNES piano BEETHOVEN - CHOSTAKOVITCH - SIBELIUS - GRIEG piano CHOPIN - LISZT RONALD VAN SPAENDONCK ELENA ROZANOVA pianoclarinette SERGEY OSTROVSKYviolon QUATUOR AVIV BRAHMS piano, saxophone alto MICHEL PORTAL clarinette basse, saxophone alto, bandonéon KRONOS QUARTET artiste invitéé Wu Man pipa TERRY RILEY - RAHUL DEV BURMAN WALTER KITUNDU… QUATUOR DE TOKYO MOZART - WEBERN - BEETHOVEN MARIE HALLYNCK violoncelle CÉDRIC TIBERGHIEN piano MENDELSSOHN - BRAHMS FERENC VIZI YASUAKI SHIMIZU saxophone Quatuor Habanera Transcriptions pour saxophone des Suites pour violoncelle seul de Bach, et autres pièces BANG ON A CAN ALL-STARS piano MOZART - DEBUSSY - LISZT ALEXANDRE THARAUD JOACHIM KÜHN piano BACH programme avec vidéo JULIA WOLFE - DAVID LANG MICHAEL GORDON - ARNOLD DREYBLATT STEVE REICH - DON BYRON - THURSTON MOORE XAVIER PHILLIPS violoncelle EMMANUEL STROSSER piano BEETHOVEN les 50 ans de THE BOSTON CAMERATA JOEL COHEN direction Chœur de femmes haïtiennes de l’église Les Amis de la sagesse de Dorchester (USA) Nueva España, musiques du Nouveau Monde (1590-1690) Programmes susceptibles d’être modifiés TARIF D DU 21 SEPT. AU 3 OCT. 20H30 AUX ABBESSES L’HISTOIRE DU SOLDAT mise en scène Omar Porras direction musicale Antoine Marguier scénographie Fredy Porras, Omar Porras costumes, masques, maquillages Fredy Porras assistants à la mise en scène Elidan Arzoni, Joan Mompart lumières Laurent Prunier univers sonore Andres Garcia (voir p. 9) 27 ET 28 OCT. 20H30 LE VASE DE PARFUMS musique Suzanne Giraud texte et mise en scène Olivier Py direction musicale Daniel Kawka décor et costumes Pierre-André Weitz C. Zacharias, ph. Th. Martinot MUSIQUE AU THEATRE DE LA VILLE double la mise : jouées sur deux clavecins, 4 des 9 œuvres proposées électrisent le programme. Avec une partenaire de prédilection, la Berlinoise Christine Schornsheim qui a participé à leur transcription, Andreas Staier « explore les possibilités de cette combinaison délicate et dangereuse ». Déjà fou joué sur un seul clavecin, le Fandango de Soler puissance 2 ouvre le concert. Celui de Boccherini, qu’Andreas Staier a toujours rêvé de jouer, le clôt avec le diable et ses sorcières, les castagnettes de Luz Martín León-Tello, prévues dans l’édition originale. Le malin jaillit encore des sonorités torrides du Concerto n°2 pour deux claviers de Soler. Mais disparaît devant la Ritirata di Madrid de Boccherini, « charmante sérénade idyllique et sensuelle ». Trois sonates de Scarlatti irisent de leur fraîcheur la chaleur dominante où crépitent le Fandango de Lopez et le Ricercata, Fuga y Sonata de De Alberto qu’Andreas Staier joue seul. De quoi survolter « un public comme toujours fantastique, là pour la musique, pas pour le fait social ». Là pour un surdoué du clavecin, du pianoforte, du piano. Qui peut, qui sait jouer ses amours ! Andreas Staier, ph. X. DR (voir p. 8) SAM. 13 NOV. 17H SAM. 16 OCT. 17H ANDREAS STAIER clavecin CHRISTINE SCHORNSHEIM clavecin LUZ MARTÍN LEÓN-TELLO castagnettes Fandangos (2 clavecins et castagnettes) A. SOLER : Fandango* D. SCARLATTI : Sonate en mi majeur, K 215 A. SOLER : Concerto n°2, en la mineur, des Seis Conciertos de dos Organos Obligados… D. SCARLATTI : Sonate en mi majeur, K 216 L. BOCCHERINI : Variazioni sopra la Ritirata di Madrid* du Quintette n° 6, en ut majeur, G 418, des Six Quintetti pour piano avec accompagnement de deux violons, alto et violoncelle, op. 57* F. M. LOPEZ : Fandango S. DE ALBERTO : Ricercata, Fuga y Sonata en ré D. SCARLATTI : Sonate en si mineur, K 87 L. BOCCHERINI : Fandango* * arrangement pour 2 clavecins par Andreas Staier et Christine Schornsheim LES CLAVECINS DU DIABLE « On ne peut pas expliquer ses amours. J’aime le fandango comme peu d’autres répertoires. » Andreas Staier flambe son onzième concert au Théâtre de la Ville dans le soufre et la lave de cette danse qui enfièvre l’Espagne du XVIIIe siècle, la guitare de ses bas-fonds, le clavecin de ses salons. Et comme les étincelles d’un seul instrument ne lui suffisent pas toujours, le génie des claviers CHRISTIAN ZACHARIAS piano CHOPIN : Nocturne en ut mineur, op. 48 n°1 Polonaise-Fantaisie en la bémol majeur, op. 61 LISZT : Gretchen – 2e mouvement de la Faust Symphonie, version pour piano CHOPIN: Polonaise en fa dièse mineur, op. 44 LISZT : Sonate en si mineur UN RÉCITAL FAUSTIEN « C’est étrange, après avoir tant de fois changé de répertoire, varié mes recherches c’est comme si je jouais mon passé. Ce grand “pianisme” est celui de mon adolescence, de mes concours. Mais c’est tout à fait autre chose : je suis l’interprète du jeune Zacharias. » L’immense artiste allemand s’est toujours dit « beaucoup plus fasciné par l’organisation du temps que par les sonorités ». En quête de ce qui demeure ou change, comme en témoigne son compact préféré sorti en 1995, les 20 prises sur 11 ans de la même sonate de Scarlatti (K55). Pour son retour tant espéré au Théâtre de la Ville – son dernier et dixième concert remonte à 1997 – Zacharias part à la recherche de ses 20 ans. Pactise avec le diable. Chevauche à ses côtés dans le tumulte tragique du Nocturne et des deux Polonaises de Chopin, comme dans les remous telluriques de la Sonate en si de Liszt. Mais sans perdre son âme. Sans trahir Marguerite : « le cœur de mon concert, c’est la Gretchen de Liszt, rarement pour ne pas dire jamais jouée ». Le compositeur hongrois l’aimait, lui aussi. De sa Faust Symphonie, c’est le seul mouvement qu’il ait transcrit pour piano. À la tête de l’Orchestre de Lausanne depuis 2000, Zacharias le dirige souvent dans 43 R. Van Spaendonck, ph. E. Manas E. Rozanova, Quatuor Aviv, ph. X. DR ses concerts symphoniques : « Là, Liszt est assez discret, il chante comme les mouvements lents des dernières sonates de Schubert ». Au piano ou devant sa formation, Zacharias sait écouter Gretchen, sa douceur, sa tendresse. Harmonie du masculin et du féminin. Plénitude. Quatuor Tokyo, ph. J. Henry Flair SAM. 20 NOV. 17H RONALD VAN SPAENDONCK clarinette ELENA ROZANOVA piano QUATUOR AVIV Sergey Ostrovsky violon Evgenia Epshtein violon Shuli Waterman alto Rachel Mercer violoncelle BRAHMS : Quintette pour clarinette et cordes, en si mineur, op. 115 Sonate pour violon et piano n°3 en ré mineur, op. 108 Quintette pour piano et cordes, en fa mineur, op. 34 À LA SOURCE DE L’ART « Un accueil de fête » se souvient Sergey Ostrovsky. C’était le 17 janvier 2004 au Théâtre de la Ville. Dans le cadre d’un miraculeux “trois concerts en un”, le public ovationnait le jeune Quatuor Aviv, créé en 1997, dont il est le premier violon. Du printemps dont il porte le nom (aviv en hébreu) le quatuor israélien a la jeunesse, la magie. De Sergey Ostrovsky, sa pureté et son étonnante maturité. Fondamentales dans un concert consacré à Brahms, son compositeur préféré avec Chostakovitch et Ravel. « Cela veut dire que j’en aime toutes les œuvres sans exception. » Les trois choisies le bouleversent. « Le Quintette avec clarinette atteint à la plus profonde des intimités, l’essence même de l’instrument. » La sonorité chaude de Ronald Van Spaendonck en sera le nid. Le Quatuor Aviv se réjouit de découvrir le virtuose belge qui vient pour la sixième fois place du Châtelet. Mais pour le Quintette avec piano « véritable pièce symphonique » qu’il a joué avec une douzaine de partenaires, il a voulu Elena Rozanova : « Pour cette pièce, les pianistes doivent avoir une forte personnalité. Elena est faite pour elle. Si dominante et tellement capable de s’investir dans son jeu en oubliant tout le reste ! » Avec l’artiste russe, Sergey Ostrovsky interprète aussi la Troisième Sonate de Brahms. Une autre chance de retrouver « ces transitions bouleversantes entre deuxième et troisième mouvements. Ce sentiment de s’éveiller d’un rêve, seul et vide, de découvrir qu’il s’agissait seulement d’un rêve. Je pense que de la tragédie que vécut Brahms est né ce message hors de notre monde ». Sublimation. 44 SAM. 11 DÉC. 17H QUATUOR DE TOKYO MOZART : Quatuor n°22, en si bémol majeur, K 589 WEBERN : Quatuor n°1 (1905) BEETHOVEN : Quatuor n°15, en la mineur, op. 132 IMPÉRIAL Il y a les bons quatuors et il y a les grands, très rares. Le Quatuor de Tokyo en fait partie. Son troisième concert au Théâtre de la Ville en 2003 l’a rappelé. Somptueuse, cette mystérieuse entité qui dépasse quatre individualités, ce cinquième homme cher à Miguel da Silva, l’altiste du Quatuor Ysaÿe, est là. Puissante au point de résister aux changements qui modifièrent la formation depuis sa création à New York, en 1969. Cinq en 35 ans. Seul l’altiste des débuts, Kazuhide Isomura, est le gardien de l’esprit de la Toho School de Tokyo dont étaient issus, comme l’actuel second violon, les quatre membres fondateurs. Le son des Tokyo est majesteux, rond bondissant, souple. Il jaillit, il est vrai, de 4 stradivarius appelés “quatuor Paganini” en hommage au virtuose qui les acheta et les joua. En 2005 sortira l’enregistrement des Quatuors Prussiens de Mozart dédiés à FrédéricGuillaume, un roi violoncelliste. Le K 589 écrit en 1790 est l’un des trois. Élégant et mutin, mais aussi mystérieux et complexe. L’approche de la mort ? Cent quinze ans plus tard, le triptyque inachevé Devenir-Être-Disparaître du peintre suisse Segantini inspire à un autre Viennois, Anton Webern, son Quatuor de 1905. Les Tokyo vont encore plus loin dans la spiritualité en jouant l’opus 132, le quinzième des 17 quatuors de Beethoven. « Une des œuvres les plus dignes de mon nom » disaitil. Un Himalaya de l’âme. À la hauteur des Tokyo. MARIE HALLYNCK violoncelle CÉDRIC TIBERGHIEN piano MENDELSSOHN : Romance sans paroles, en ré majeur, op. 109 Sonate n°2 pour violoncelle et piano, en ré majeur, op. 58 BRAHMS : Six Lieder transcrits pour violoncelle et piano Sonate n° 1 pour violoncelle et piano, en mi mineur, op. 38 M. Hallynck, ph. X. DR A. Tharaud, ph. E. Manas D’UN DUO, L’ÂME Festival de Besançon 1999. Dans le Triple Concerto de Beethoven se rencontrent, sur la même longueur d’onde, deux artistes de lumière : la violoncelliste belge Marie Hallynck, le pianiste français Cédric Tiberghien. Faits pour s’entendre, ils le savent dès le début. Comme le public du Théâtre de la Ville au premier accord de leur concert en décembre 2002. La maîtrise absolue de leur instrument permet aux deux jeunes gens (Marie, 30 ans à peine ; Cédric, pas encore !) d’aller à l’essentiel. Les plus hautes récompenses les consacrent. Tel ce premier Grand Prix du concours Long-Thibaud gagné par Cédric en 1998. Leur programme bipolaire, si finement articulé entre Mendelssohn et Brahms, exige virtuosité et musicalité. Le “violoncelle-voix”, cher à Marie Hallynck, y est roi. Il émeut – “aimeut” voudrait-on dire – autant que la voix humaine. « La Romance sans paroles (l’allemand emploie plus justement le mot Lied) écrite à l’origine pour violoncelle et piano, fait un lien très beau avec les transcriptions des Lieder de Brahms », précise Marie. Parues de son vivant et chez son éditeur même, elles devaient sûrement être connues du compositeur. La voix chante, elle parle aussi. Malicieuses, des fées gazouillent dans l’élégante Sonate n°2 de Mendelssohn. L’opus 38 de Brahms est le dialogue fiévreux de deux âmes, sœurs de Cédric et de Marie. Troué d’arcs-en-ciel, orage au cœur d’un vrai duo. emporte. Une étoile le guide. Elle a mené à la musique cet enfant de famille modeste que rien ne destinait au piano. Elle a placé sur son chemin Gérard Frémy, le découvreur, György Sebök, le mage. Les astres magnétisent son instinct et son imaginaire : « Un matin en me levant, j’ai vu dans mon jardin une plante sauvage qui avait poussé à mon insu : la sonate de Liszt. » Peu d’œuvres peuvent conduire à ce vertigineux chemin « où la nuit devient lumière et la lumière, nuit ». Celles du programme visionnaire de Ferenc Vizi y parviennent. C’est « qu’elles se jouent aussi en clair-obscur ». L’Adagio en si mineur « aux harmonies wagnériennes inexplicables d’un Mozart terrible et la lumineuse Sonate en si bémol majeur d’un Mozart rayonnant » entourent dans la première partie les Children’s Corner de Debussy. « Ce coin d’enfance en nous, on ne devrait jamais l’oublier, cet univers d’innocence… » Dans la seconde partie, un Impromptu “nocturne” éclairé d’amour et les noirs Nuages gris de Liszt annoncent les gouffres et les aiguilles de la Sonate en si. « Il ne faudrait pas applaudir entre ni après ces deux courtes pièces. » Aveuglé tour à tour par les ténèbres ou le soleil, le public ne le pourra pas. Il se rattrapera après. F. Vizi, ph. X. DR MAR. 17 MAI 20H30 C. Tiberghien, ph. C. Albaret SAM. 29 JAN. 17H SAM. 12 FÉV. 17H FERENC VIZI piano ALEXANDRE THARAUD piano MOZART : Adagio en si mineur, K 540 DEBUSSY : Children’s corner MOZART : Sonate n°13, en si bémol majeur, K 333 LISZT : Nocturne-impromptu ; Nuages gris ; Sonate en si mineur BACH : Prélude et Fugue sur un thème d’Albinoni, BWV 923 Concerto pour clavier seul, en sol majeur, d’après Vivaldi, BWV 973 Concerto pour clavier seul, en sol mineur, d’après Vivaldi, BWV 975 Concerto pour clavier seul, en ré mineur, d’après Marcello, BWV 974 Sicilienne BWV 596 (transcription A. Tharaud) Concerto “Italien”, en fa majeur, BWV 971 CLAIR-OBSCUR Bonheur de retrouver le pianiste roumain de 30 ans, acclamé, adopté par le public du Théâtre de la Ville il y a quelques mois seulement. Dans ce “3 concerts en 1” de janvier 2004 particulièrement réussi qui le révélait avec le hautboïste russe Alexeï Ogrintchouk et le Quatuor Aviv lui aussi à l’affiche de cette saison. Habité, inspiré, Ferenc Vizi touche, "L’EXCELLENCE" C’est ainsi que la critique a salué les compacts Ravel et Rameau d’Alexandre Tharaud. Le public aussi, mais en allant plus loin : de vive voix, par mail ou lettre, il a 45 partage sa passion pour Beethoven. Les deux musiciens français brûlent de faire ensemble l’intégrale de ses œuvres pour violoncelle et piano. Pour l’heure, ils ont élu la 3e et la 5e sonates. Deux séries de Variations sur La Flûte enchantée les encadrent de leur parfum mozartien. Écrite en 1815, « la cinquième et dernière sonate est un chef-d’œuvre absolu, d’une gravité et d’une densité à couper le souffle ». C’est pourtant par la troisième (1802) qu’après avoir longuement hésité ils finiront leur splendide concert : « elle est plus joyeuse et le rythme de l’allegro final est fantastique ». Le choix de la jeunesse. José C. Roza, Musée du Nouveau Monde, La Rochelle demandé au pianiste français de jouer Bach. C’était son rêve, il ose enfin le réaliser. Voilà trois ans qu’il cherche, rassemble des dizaines et des dizaines de partitions qu’il vient déchiffrer, essayer, sur les pianos de ses amis puisqu’il a renoncé à en avoir un chez lui. « J’ai fini par aller vers ce Bach italien, fasciné par Vivaldi, Marcello… » Au centre d’un bouquet d’essences rares qu’il compte bien enregistrer. Le fabuleux Concerto italien qui en est la pièce maîtresse est très connu, très joué. Les autres œuvres beaucoup moins. Mais toutes témoignent d’un génie à transcender le processus de transcription, absolument naturel à l’époque baroque. En effet, dans ses concertos pour clavier seul, Bach non seulement assimile la forme et le style des Italiens dont il s’inspire, mais il en fait un matériau idiomatique et sublime. Alexandre Tharaud lui aussi a le goût de la transcription. En 2001, au Théâtre de la Ville où il vient pour la 7e fois, il avait clos son récital par sa propre version pour piano de L’Apprenti sorcier de Paul Dukas. En 2002, il avait transformé les 3 Romances de Schumann en trio pour clarinette, alto et piano. Dans un programme qu’innervent les arcanes de la transcription, sa version pour piano de la Sicilienne BWV 596 coule de source. Eau pure dont il fait soif. E. Strosser, ph. S. Strosser X. Phillips, ph. C. Nieszawer SAM. 2 AVR. 17H SAM. 19 MARS 17H XAVIER PHILLIPS violoncelle EMMANUEL STROSSER piano BEETHOVEN : Sept Variations, en mi bémol majeur, pour violoncelle et piano sur Bei Männern, welche Liebe fühlen de La Flûte enchantée de Mozart, Woo 46 Sonate n°5, en ré majeur, op.102 n°2 Douze Variations, en fa majeur, pour violoncelle et piano sur Ein Mädchen oder Weibchen de La Flûte enchantée de Mozart, op. 66 Sonate n°3, en la majeur, op. 69 46 CHARME ET FEU Le violoncelliste apparu en 1994 aux côtés d’Alexandre Tharaud dans le premier “3 concerts en 1” du Théâtre de la Ville, n’a pas changé. À 33 ans, papa d’un petit Eliott de 9 mois, Xavier Phillips a le don de la jeunesse et du bonheur. À 6 ans, ce n’est pas le piano de ses parents ni le violon de son frère aîné JeanMarc, membre du Trio Wanderer qu’il choisit, mais le violoncelle. Tout seul. « L’instinct, dit-il, prédomine en moi, même si l’intellect s’est développé jusqu’à me permettre d’envisager un programme consacré à un seul compositeur. » Beethoven ! Il se sait prêt. « Il faut avoir le coffre, la respiration sinon on se brise en route. » Lui qui ne pourrait pas faire de la musique de chambre sans aimer ses partenaires, a choisi Emmanuel Strosser : « J’ai une grande complicité avec ce pianiste très fin. » Le fils du metteur en scène Pierre Strosser les 50 ans de THE BOSTON CAMERATA JOEL COHEN direction Anne Azéma soprano Margaret Swanson soprano Michael Collver contre-ténor, cornetto Dan Hershey ténor Donald Wilkinson baryton-basse Olaf Chris Henriksen guitare baroque Frances Conover Fitch clavecin, orgue, percussions Carol Lewis viole de gambe Joel Cohen luth, percussions Chœur de femmes haïtiennes de l’église Les Amis de la sagesse de Dorchester (Massachussetts, USA) Nueva España, musiques du Nouveau Monde (1590-1690) JOYEUX ANNIVERSAIRE ! 50 ans ! C’est au Théâtre de la Ville où elle vient pour la cinquième fois depuis 1980, que la Camerata de Boston veut fêter en France son demi-siècle. « Avec un programme consacré aux musiques de la Nueva España à la frontière des musiques du monde et des musiques anciennes », se réjouit Joel Cohen qui dirige l’ensemble états-unien depuis 1969. « Le Nouveau Monde, c’est notre vocation. Nous faisons un travail missionnaire. » Dans l’allégresse ou le recueillement, les pièces se succèdent, vocales ou instrumentales. Il s’agit de partitions importées d’Espagne, fidèles à l’original ou transformées par les autochtones, ou bien encore de compositions écrites sur place. Et quand au détour d’une portée, une tradition orale surgit, Joel Cohen jubile. Comme dans « la Guaracha où une danse africaine, toujours très populaire de nos jours à Cuba, vient métisser la partition du XVIIe siècle ». Des chanteuses haïtiennes, Les Amis de la sagesse, la pimentent de leurs voix raides et fruitées. Après Didon et Énée *, Tristan et Yseut * ou L’Émigré huguenot de la Nouvelle Angleterre au XVIIIe siècle *, et tant d’autres, Joel Cohen ressuscite les indigènes et les colons de la Nouvelle Espagne des XVIIe et XVIIIe siècles. Dans leurs rencontres éton- L. Ove Andsnes, ph. S. Fowler L. Tetzlaff, ph. A. Vosding nantes bat le cœur de l’homme « capable d’exploiter, d’anéantir son prochain mais aussi de ressentir la richesse de l’autre, de l’assimiler. Ces éléments positifs faits de respect et d’amour, c’est tout de même un autre témoignage ! » Heureux l’anniversaire placé sous le sceau de la fraternité ! * Trois des cinq concerts donnés au Théâtre de la Ville. SAM. 9 AVR. 17H FABIO BIONDI violon EUROPA GALANTE (7 musiciens) SAMMARTINI : Symphonie pour cordes, en fa majeur, J.C. 36 PURCELL : Chaconne sol mineur CASTELLO : Quinzième Sonate pour deux violons, alto et basse MASCITTI : Concerto en la majeur, op. 7 n°4 F. COUPERIN : Sonate en trio, L’Apothéose de Corelli W. F. BACH : Symphonie en fa majeur, Les Dissonances L’ART DE LA TOLÉRANCE Quatorzième escale de Fabio Biondi au Théâtre de la Ville. Dans son carnet de voyage vit et chante l’Europe du XVIIe et XVIIIe siècles, si chère au fabuleux violoniste qu’il a appelé son ensemble Europa Galante, nom italianisé de l’opéra-ballet de Campra, L’Europe galante. Le compositeur aixois y métisse le style français et le style italien comme François Couperin, à la même époque, dans ses Goûts réunis dans L’Apothéose de Corelli. « Une œuvre absolument sublime où le compositeur parisien rend hommage au compositeur romain le plus diffusé de son temps », commente Fabio Biondi. Même « regard élargi » chez Sammartini et Mascitti, deux Italiens qu’influence l’esprit français. Un Anglais et un Allemand viennent faire entendre leur différence dans ce dialogue franco-italien. Avec la sombre Chaconne de Purcell et les fantasques Dissonnances du fils aîné de Bach, l’énigmatique Wilhelm Friedeman, Fabio Biondi « évite comme un danger terrible cette attribution géographique : la musique allemande aux Allemands, la française aux Français, et ainsi de suite ». Cette voie sans issue, il ne l’a jamais prise : « Derrière les bagarres musicales se cache toujours un côté nationaliste… Dans une société dangereuse, les musiciens doivent donner l’exemple. Il faut utiliser la musique comme moyen de tolérance et de rencontre. Surtout dans les moments politiques si compliqués d’aujourd’hui. » Avec son violon, un gagliano de légende, Fabio Biondi s’oppose au « maniaco-dogmatisme baroque ». Mais pas seulement ! JEU. 21 AVR. 20H30 CHRISTIAN TETZLAFF violon LEIF OVE ANDSNES piano BEETHOVEN : Sonate n°6, en la majeur, op. 30 n°1 CHOSTAKOVITCH : Sonate op. 134 SIBELIUS : Danses champêtres op. 106. GRIEG : Sonate n° 3, en ut mineur, op. 45 LE VIOLONISTE QUI REMET LES PENDULES À L’HEURE.* Au soleil-musique et non sous de vulgaires projecteurs médiatiques, grandit la renommée de Christian Tetzlaff. À 38 ans, le violoniste allemand est reconnu pour ce qu’il est : un grand musicien, un vrai. Sachant s’effacer devant les œuvres et faire de chacun de ses programmes un tout. « C’est un cycle », disaitil aux Abbesses en 1999 à l’issue de son intégrale des Sonates et Partitas de Bach pour violon seul. « Il faut les interpréter les unes par rapport aux autres. » Au Théâtre de la Ville, deux ans plus tard, il reliait très joliment Brahms à l’un de ses héritiers viennois en intercalant deux fois l’opus 7 de Webern entre ses trois sonates. Son nouveau programme est aussi subtil. La Sonate n°6 de Beethoven l’ouvre dans la gaieté, la grâce. Une infinie tendresse. L’ombre du génie allemand hante l’unique Sonate pour violon de Chostakovitch qui lui succède. Un raz de marée. Colossal, dévastateur. Cela rabote, crie. Besoin d’entracte avant les Danses champêtres du Finlandais Jean Sibelius. Elles fleurent bon l’âme populaire avec leurs rythmes et leurs mélodies à faire fondre la neige. Et puis, nouveau paroxysme : la Sonate n°3 de Grieg. Une tragédie. Ses élans cosmiques, passionnels n’ont pas de secret pour Leif Ove Andsnes, Norvégien comme le compositeur. Avec ce pianiste de grande classe, Christian Tetzlaff peut mettre en vibration violon-cristal et terres nordiques. * Jacques Doucelin, Le Figaro, 22 mars 04. F. Biondi, ph. Th. Martinot JEU. 3 FÉV. 20H30 JOACHIM KÜHN piano, saxophone alto MICHEL PORTAL clarinette basse, saxophone alto, bandonéon 36 ANS D’AMITIÉ ET DE MUSIQUE « Il est arrivé comme un empereur ! C’est un homme de scène… La musique à cent pour cent, un engagement total. Des fulgurances, des déflagrations… Je crois qu’il a voulu mettre le feu » * se souvient Michel Portal. C’était en janvier 1968, Joachim Kühn débarquait pour la première fois à Paris et allait jouer à l’ORTF avec le quintet du divin souffleur français. Un an plus tard, un disque 47 M. Portal, ph. Th. Dorn J. Kühn, ph. Th. Dorn * In Joachim Kühn, une histoire du jazz moderne de Marc Sarrazy, Éditions Syllepse. Kronos Quartet, ph. J. Blakesberg historique, Our feelings and our meanings, scellait l’entente immédiate des deux jeunes barbares du jazz. Musicale, humaine, définitive. Voilà 36 ans que le miracle se renouvelle en trio, quartet ou quintet. En duo, il sera plus éclatant encore. « Nous avons souvent la même idée de la musique, explique le pianiste allemand. En quintet, c’est déjà intéressant mais en duo c’est une mise à nu. Tout est possible. Avec Michel, nous nous inspirons mutuellement. Chacun peut suivre la proposition de l’autre. Il n’y a pas d’obstacle. » Pas de filet pour cette haute voltige qui débute en Italie en 1999 et s’est renouvelée peu de fois. C’est un rare privilège que les deux félins offrent au Théâtre de la Ville où ils sont venus si souvent séparément et une fois ensemble en 2003 avec Daniel Humair et Jean-Paul Celea. Le dialogue de deux seigneurs de la musique. Michel Portal a toujours pratiqué jazz et classique. Avec le même génie. « Une exception » dit Joachim Kühn, pianiste prodige, qui abandonne le classique à 17 ans mais y revient en 1996 – et de plus en plus – quand Ornette Coleman lui suggère de « jouer Bach comme il le sent ». Composer c’est respirer pour lui : il a même écrit 4 concertos classiques pour piano et orchestre et des quatuors qu’il vient d’enregistrer. Dommage que Michel Portal ait toujours refusé de passer du classique au jazz le même jour. Joachim Kühn aurait bien pu pimenter d’œuvres classiques celles que tous deux apporteront dans un concert brûlant d’improvisations. pour Kronos, Cerulean Sweet, inspiré par Charlie Mingus. Mais Terry Riley est au centre de ce 16e concert au Théâtre de la Ville. Pour fêter en juin 2004 les 70 ans de son ami de longue date, le quartet lui a commandé The Cusp of magic. Le grand chef de file du courant minimaliste américain a toujours su capter les rayons cosmiques. Ils traversent ses œuvres et leurs beaux titres tels Sunrise of the planetary dream collector, ou One earth, one people, one love de Sun rings, deux des six pièces entendues place du Châtelet. Des forces surnaturelles habitent aussi cette "corne de magie". D’autant que Whu Man, la ravissante Chinoise installée à Boston, y jouera de sa flûte à eau enchanteresse, le pipa. Découverte dans le Ghost Opera de Tan Dun, présenté à Paris par Kronos en 1995, elle fut, avec son maître Chen Zhong, l’invitée d’un magnifique concert aux Abbesses un an plus tard. « Le pipa chinois et l’ensemble à cordes occidental ont des résonances et des timbres très différents. J’ai dans l’idée d’explorer les régions où ces deux cultures se croisent, explique Terry Riley. Ma nouvelle pièce va compléter de façon significative l’image de ma collaboration avec Kronos depuis près de 25 ans […] Douze quatuors à cordes, un quintette, un concerto pour quatuor à cordes et une longue soirée pour quatuor à cordes, chœur et sons enregistrés par la Nasa dans l’espace. À travers ces pièces, Kronos et moi avons grandi ensemble et avons ouvert beaucoup de nouvelles voies de communication. C’est par ces associations au long cours entre musiciens que la musique atteint profondeur et plénitude. » Et c’est par ces associations au long cours entre des musiciens et une institution, qu’elle se révèle au public. LUN. 30 MAI 20H30 AUX ABBESSES YASUAKI SHIMIZU JEU. 19 MAI 20H30 KRONOS QUARTET artiste invitéé Wu Man pipa TERRY RILEY - RAHUL DEV BURMAN - WALTER KITUNDU… 48 FIDÉLITÉS Il est toujours nouveau, le blé que Kronos Quartet nous apporte chaque année depuis 1992. La moisson 2004 n’est pas encore achevée. Y participent le compositeur indien Rahul Dev Burman (1939-1994) dont on entendit, en 2000, Tonight is the night et Walter Kitundu qui écrira sa première pièce saxophone Japon Quatuor Habanera Transcriptions pour saxophone des Suites pour violoncelle seul de Bach et autres pièces Baignant depuis toujours dans un univers musical multi-azimuté (son père fut l’un des introducteurs des musiques latines au Japon), Yasuaki Shimizu se situe résolument du côté des expérimentateurs et des créatifs. Après de solides études de piano et de saxophone, il n’a jamais cessé d’explorer toutes sortes d’univers sonores, japonais aussi bien qu’occidentaux, mais loin du légendaire perfectionnisme nippon pour le clonage, la personnalité de Shimizu irradie de chacune de ses aventures musicales. Y. Shimizu, ph. X. DR LUN. 13 JUIN 20H30 BANG ON A CAN ALL-STARS programme avec vidéo JULIA WOLFE – DAVID LANG – MICHAEL GORDON – ARNOLD DREYBLATT – STEVE REICH – DON BYRON – THURSTON MOORE Bang on a can all-stars, ph. P. Serling Musiques de films (Havre de Juliet Berto, Pillow Book de Peter Greenaway), installations multimédia, accompagnements de danseurs butô (en particulier Goro Namerikawa de Sankai Juku), publicités excentriques (Music for Commercials, Crammed Discs), aucun registre n’est à négliger pour Shimizu compositeur, arrangeur ou instrumentiste. À la tête d’une impressionnante discographie, amorcée en 1983 avec L’Automne à Pékin (en français dans le texte), étonnante relecture des standards jazz américains d’avant-guerre, Shimizu a enregistré en 1996 et 1999 sa propre transcription pour saxophone des six Suites pour violoncelle seul de Bach, une première. Près de trois siècles après la composition de cette “bible” du répertoire classique, cette audacieuse transcription est certainement un aboutissement majeur du saxophoniste japonais. Fidèles au texte original comme à l’esprit, ces sarabandes, gigues et autres allemandes rendent à Bach une modernité que tant d’académismes avaient fini par contredire. La faveur de Shimizu pour les acoustiques naturelles plutôt que pour la sidérale asepsie des studios, l’a conduit à enregistrer ces Suites dans des espaces aux acoustiques aussi inattendues que celles d’un temple bouddhiste, d’une mine ou d’un palazzo italien du XVIIe siècle. Fondé il y a une dizaine d’années, le Quatuor Habanera est en train de devenir l’un des très grands quatuors de saxophones. Amateurs de territoires musicaux peu fréquentés, ses membres (Christian Wirth, Sylvain Malézieux, Fabrizio Mancuso, Gilles Tressos) savent allier esprit de découverte, commandes à des compositeurs contemporains, transcriptions et répertoire connu. Plaisir et rencontre du public ne leur paraissent pas contradictoires. Ce qu’ils démontrent en interprétant, par exemple, Bach, Debussy, Nino Rota, Xenakis, Webern, Leonard Bernstein et Steve Reich lors d’un même concert. Louis Sclavis ne s’y est pas trompé, qui joue désormais régulièrement avec le Quatuor Habanera, mêlant ses colériques improvisations aux solides charpentes du quatuor. Après Mysterious Morning (Alpha 010) qui présentait des œuvres de Ligeti, Fuminori Tanada, Donatoni, Xenakis et Gubaïdulina, leur dernier CD (Alpha 041) nous fait découvrir deux transcriptions (la Suite Holberg de Grieg et le Quatuor américain de Dvorák) et le Quatuor pour saxophones op. 109 d’Alexandre Glazounov. Ceci n’est encore qu’un début. On peut raisonnablement parier qu’ils n’en resteront pas là. UN GRAND CRU Il fait fort, le groupe new-yorkais fondé par Julia Wolfe, David Lang et Michael Gordon, au Théâtre de la Ville pour la troisième année consécutive ! À son nouveau programme, sept œuvres que pétrissent en toute liberté les six musiciens virtuoses de l’ensemble. Trois d’entre elles, uniquement musicales, distillent leurs grooves explosifs : Lick, « résolument “motown, rock et funk” » selon sa créatrice Julia Wolfe ; Escalador d’Arnold Dreyblatt, composé en 1987 sur les rythmes d’escalators défectueux du boulevard Ansbach de Bruxelles ; Stroking, typique de la période guitare électrique – Glen Branca – Rhys Chatham de Thurston Moore. Mais c’est la présence de la vidéo ou du cinéma dans les quatre autres œuvres et la façon dont s’y articulent son et image, qui donnent à ce concert une bien grande originalité. Light is calling de Michael Gordon baigne le film pictural et mouvant de Bill Morrison dans ses nappes planantes de violons avec contrepoints de guitare ou de voix. Tout autre, l’enjeu d’Eugene. Dans une logique de cinéma muet, Don Byron a écrit sa musique pour introduire, accompagner, bruiter, quelques épisodes de la série d’Ernie Kovac, comique iconoclaste de la télévision américaine. Situations surréalistes et gags inénarrables s’enchaînent. La musique participe de ces ambiances à la Chaplin, à la Luis Buñuel du Chien andalou. Un régal. Dans Phase l’image fait totalement partie du chef-d’œuvre pour deux pianos de Steve Reich, interprété de façon inattendue par David Cossin. Époustouflant ! Une vidéo montre le jeune et séduisant percussionniste de Bang on a can all-stars jouant la partition d’un des deux pianos sur des mid-percussions, sorte de synthé de toile qu’il frappe de ses baguettes. Simultanément, dissimulé derrière l’écran qui tient toute la scène, David Cossin joue live et de la même façon la partie du deuxième piano. Hallucinant le ballet de ses quatre bras : deux blancs, ceux de la vidéo en noir et blanc et deux légèrement colorés, ceux de la réalité. Aussi fascinant que la chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker dans sa version de Fase qu’elle a dansé avec Michèle Anne De Mey plusieurs fois dans cette même salle ! Quels liens la vidéo de Doug Aitken entretientelle avec le chant et le violoncelle célestes de Heroin de David Lang ? Réponse le 13 juin 2005 dans ce concert à marquer d’une pierre blanche. Francis Falceto textes musique A.-M. Bigorne 49 MUSIQUES DU MONDE AU THEATRE DE LA VILLE MAHMOUD AHMED DENEZ PRIGENT Bretagne chant invitées exceptionnelles Louise Ebrel chant, Mari Boine chant Éthiopie chant artiste invité : GÉTATCHÈW MÈKURYA saxophone GHULAM MUSTAFA KHAN Inde du Nord chant khyal DAVLATMAND Tadjikistan chant falak (musique populaire) AUX ABBESSES GÜLCAN KAYA Turquie chants d’Anatolie MAULIDI JUMA Kenya ZUHURA SWALEH avec MOMBASA PARTY DIVNA Taarab traditionnel de Mombasa VOIX ET BAMBOUS DE THAÏLANDE Thaïlande SOWMYA Inde du Sud chant carnatique USTAD HAMÂHANG chant USTAD GHULÂM HUSSEIN rubâb Afghanistan musique de Kharâbât (Kaboul) ZAKIR HUSSAIN SULTAN KHAN chant Serbie studio Melodi, ensemble de 9 chanteurs chants byzantins, bulgares et serbes IMAS PERMAS chantJava ouest HENDRAVATI chant ELAN SAHLAN SUMARNA chant chants à répons du pays Sounda ABDULVALI ABDURASHIDOV Tadjikistan sato, tanbur tabla Inde du Nord sarangi OZODA ASHUROVA chant, doyra KAMOLIDDIN HAMDAMOV tanbur, chant ZAKIR HUSSAIN tabla GANESH violon Inde du Sud KUMARESH violon "VIKKU" VINAYAKARAM ghatam HÉNGAMEH AKHAVAN Iran chant - musique classique persane KNAR Turquie musique arménienne d’Anatolie ASHOK PATHAK Inde du Nord surbahar, sitar ALI AHMAD HUSSAIN KHAN SIROGIDDIN JURAYEV dutâr MURAD JUMAYEV doyra Shashmâqâm (musique classique) SHASHANK Inde du Sud flûte murali KAYHAN KALHOR kamantché SIAMAK AGHAÏ santour Iran musique persane SÜLEYMAN ERGUNER ney HASAN ESEN rebab, kamantché ALI RIZA SHAHIN muezzin musique soufie Turquie Inde du Nord shanaï SID AHMED OULD AHMED ZAYDAN musique des steppes RYSBEK JUMABAEV Kirghizie barde épique, manaschi ZEYNODDIN IMANALIEV chant, komuz SAEÏD NABI dutâr DORJNYAM SHINETSDJ-GENI Mauritanie tidinît (luth) et voix Kirghizie Turkmène LA TÊTE AILLEURS création Norah Krief chante François Morel Mongolie chant, morin khour FAKIRS DU MAUSOLÉE DE SHAH ABDUL LATIF Pakistan ROSS DALY TARIF D Crète, Inde, Iran chants et musiques traditionnels Programmes susceptibles d’être modifiés D. Prigent, ph. X. DR G. Mustafa Khan, ph. X. DR MUSIQUES DU MONDE AU THEATRE DE LA VILLE LUN. 27 SEPT. ET LUN. 4 OCT. 20H30 DENEZ PRIGENT chant Mickael Cozien cornemuse Bretagne David Pasquet bombarde Sylvain Barou flûte irlandaise, biniou kozh Valentin Clastrier vielle Jean-Marc Illien clavier David Rusaouen batterie Jérome Seguin basse Soig Sibéril guitare Ahmed Khan Latif tablas invitées exceptionnelles Louise Ebrel chant Mari Boine chant (lun. 27 sept.) DE L’AUDACE, ENCORE DE L’AUDACE ! Chanter seul, encore presque inconnu, à voix nue, en breton, des chants traditionnels, entre un groupe de rock et un autre groupe de rock au festival des Transmusicales à Rennes, était un pari audacieux, voire impossible. Ce soir-là pourtant, Denez Prigent a imposé sa voix et son répertoire à un public d’abord interloqué, puis attentif, séduit et enfin conquis ! C’était à ses débuts. Depuis, les années ont passé, compliments et éloges ont célébré la voix, la créativité et le talent. La presse, guère avare de superlatifs à son sujet, y a contribué et les lauriers ne cessent de s’accumuler. En février 2004, le quotidien breton Le Télégramme lui a décerné son 1er Grand Prix du disque pour son album Sarac’h témoignant ainsi que Denez Prigent est aussi prophète en son pays. Une gageure ! Depuis longtemps en Bretagne, l’ouverture est une aventure partagée par de nombreux artistes : Alan Stivell, Yann-Fanch Kéméner, Erick Marchand, Lors Jouin, Annie Ebrel et d’autres ont, tout en préservant leur identité, mêlé leur voix à des traditions venues d’ailleurs, trouvé un langage commun et osé ainsi d’improbables mariages, surprenants et souvent réussis. Denez Prigent, quant à lui, a poussé l’audace jusqu’à unir sa noble et subtile voix aux sonorités nouvelles et étranges de la musique électronique. Les pieds dans la tradition, il en illumine le cours de cette lumière prodiguée par les étoiles de la modernité. Ses chants – ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui – évoquent des thèmes universels et contemporains : la mort, la guerre, la pollution… Il chante la Bretagne, il chante le monde. Il chante l’Homme dans ses heurs et malheurs ; celui d’hier et celui d’aujourd’hui. Une autre facette de la modernité. Son retour au Théâtre de la Ville est un événement singulier : une construction narrative originale, un répertoire enrichi de titres jusqu’alors absents de la scène et des invités exceptionnels d’ici et d’ailleurs car, n’est-ce pas, « nous sommes tous les feuilles d’un même arbre, un même vent nous anime ». Jacques Erwan SAM. 9 OCT. 17H GHULAM MUSTAFA KHAN chant khyal Inde du Nord Ghulam Rabbani Khan chant et tampuras Liyaqat Ali Khan sarangi, Ghulam Qadir Khan harmonium Shadaad Bhartiya tabla Pour la 1re fois au Théâtre de la Ville Respecté comme l’un des plus grands chanteurs de l’ancienne génération, Ghulam Mustafa Khan représente une très ancienne tradition immergée dans le chant : ses ancêtres étaient des chanteurs que les puissants s’arrachaient à prix d’or ! Le voir répéter et se chauffer avec ses musiciens dans l’intimité de sa loge juste avant le concert, entouré de fidèles et autres disciples attentifs aux yeux écarquillés, est une expérience émouvante et riche de l’enseignement qu’elle porte sur la nature d’une musique qui se tisse à travers les âges : là où le sentiment de recueillement et la sensation de fluidité vont de pair. Par son appartenance à la prolifique gharana (école) de Rampur, issue de celle de Gwalior, sa lignée est rattachée à la Seniya gharana de Tansen (l’illustre chanteur-compositeur de la cour de l’empereur Akbar) d’où est issu Ali Akbar Khan. Ce sexagénaire d’allure sobre possède un charisme qui prête à la confidence. Sa noblesse de cœur et d’âme, son visage, nous attirent à lui avec cette envie d’une onctueuse douceur : on est prêt à l’écouter, sentant intuitivement qu’on peut croire en lui, dans la vérité de son art et de son aptitude à le faire foisonner. Sa voix sensuelle, parfois digne de la puissance du tigre, qui nous happe et porte à son incandescence le haut chant de l’Hindoustan, est célèbre pour voguer dans des graves qui rappellent le dhrupad. 51 M. Juma, ph. X. DR Lorsqu’il initie le chant lent et majestueux du barâ khyal, il pose les pierres d’un immense édifice dont le sommet conduit au tarana jubilatoire final. Cet artiste d’immense envergure s’est déjà produit à Paris, en 1986, au Théâtre de l’Odéon lors des Vingt-quatre heures du raga. Christian Ledoux SAM. 23 OCT. 17H SAM. 6 NOV. 17H DAVLATMAND MAULIDI JUMA ZUHURA SWALEH avec MOMBASA PARTY chant 4 musiciens Tadjikistan chant falak (musique populaire) Le Tadjik Kholov Davlatmand est un musicien hors pair. Il peut jouer de tous les instruments qui circulent en Asie centrale tels le setâr, le ghidjak, le dotâr. Il chante aussi d’une voix profonde les grands poètes comme Rûmi, Hâfez, Ferdousi. Et s’il n’a pas d’instrument à portée de la main, il joue avec ses doigts. Par ailleurs son érudition est confondante. Autrement dit, il fait autorité dans un pays où la musique traditionnelle a bien des facettes. Les yeux de Davlatmand brillent quand il parle du falak (ce qui veut dire voûte céleste). Qu’est-ce ? Une plainte, un chant bordé de sanglots, l’âme de la musique tadjike qui nous vient des hautes montagnes du Badakhchan dans le Pamir, là où l’homme tutoie le ciel. Davlatmand craint que cette forme de musique ne s’étiole dans la tourmente des changements, jusqu’à être dénaturée. il souhaite créer un centre consacré à cette musique mais cela ne l’empêche pas de chanter des pages entières du Livre des rois de Ferdousi ou de disserter sur l’art subtil du shashmâqâm. Il est arrivé dans la vie de cet homme rond et modeste, un événement étonnant. Devant venir à Douchanbe en visite officielle, Jacques Chirac avait demandé à être initié à la culture tadjike. Une conseillère avisée lui fit écouter un CD de Davlatmand. Dans son discours, le président français évoqua le musicien tadjik. Ce fut une révolution. Depuis, Davlatmand est respecté et les Tadjiks ne jurent que par les Français. Comme quoi la musique adoucit les relations internationales. Jean-Pierre Thibaudat Davatland, ph. X. DR 52 taarab traditionnel de Mombasa Kenya Omar Swaleh al-Abdi dumbak, bongos, chœur et chef d’orchestre Mohamed Adio Shigoo harmonium, tashkota Ibrahim Mwinchande tashkota Ali Gofu contrebasse Anasi Mbwana bongos, chœur Kibbi Jum chœur, rika Taarab (émoi, extase, en arabe), c’est ainsi que les populations swahili de la côte est-africaine et des îles nomment la principale de leurs musiques populaires. Alors que le taarab de Zanzibar est dominé depuis un siècle par d’impressionnantes sections de cordes héritées de la tradition égyptienne, le taarab de la côte kenyane (encore inédit en France) est depuis les années 1950 sous influence indienne. C’est en particulier le petit harmonium à soufflet cher à de nombreuses cultures musicales d’Inde et du Pakistan, qui donne ses couleurs indianisantes au taarab de Lamu et Mombasa. Un autre instrument spécifique de ce taarab est le tashkota d’origine japonaise (taishokoto/petit koto) mais ayant d’abord transité par l’Inde avant d’atteindre les rivages kenyans. L’effectif des formations de la côte continentale est aussi notablement plus modeste que celui des grands orchestres de l’île aux épices, lesquels peuvent compter plusieurs dizaines de musiciens. C’est surtout à la saison des mariages que le taarab bat son plein à Mombasa. C’est strictement une affaire de femmes, et les musiciens sont les seuls hommes dont la présence est autorisée durant ces festivités qui peuvent durer plusieurs jours et nuits, débordant dans les rues et sur les places – aucune maison ne saurait accueillir des centaines d’invitées. Nourriture à profusion, débauche d’élégance et de paraître, encens et parfums, danses et chansons résolument dévergondées. Les percussions d’influence africaine ngoma ne sont pas en reste. À travers les interminables couplets, bien souvent improvisés à la demande, c’est la chronique piquante, acide voire féroce de la société qui s’épanche. Un moyen privilégié de libre expression. Certes les hommes de la noce festoient également, à part, dans la maison du marié, mais rien d’aussi démonstratif. Née en 1947, Zuhura Swaleh chante depuis l’âge de quatorze ans. Véritable mémoire du patrimoine traditionnel, appréciée autant pour sa langue bien pendue que pour sa voix, elle se produit sur toute la côte kenyane et tanzanienne. Né en 1941, très tôt orphelin de père, Maulidi Juma chante et compose depuis plus de quarante ans. Lui aussi est l’une des grandes figures du taarab est-africain. Francis Falceto SOWMYA Inde du Sud chant carnatique Embar Kannan violon Neyveli Narayanan mridangam Une précocité exceptionnelle semble être l’apanage de nombre d’artistes carnatiques. On se rappelle le cas extrême de Ravikiran qui, à l’âge de deux ans et demi, pouvait reconnaître plus de cent raga-s… Enfant prodige, Sowmya a eu pour gourou S. Ramanathan, savant et pédagogue de haute volée. Adolescente, elle accumule les premiers prix de différents concours, et les distinctions qui viennent l’honorer la situent depuis quelque temps dans le cénacle restreint des divas. Ainsi reçoit-elle à l’âge de vingt-quatre ans le prix D.K. Pattamal, du nom de cette colossale interprète, gourou de maints artistes prometteurs. Elle reçoit parmi d’autres le titre envié de Isai Peroli, remis en la présence des titans de l’art vocal que furent M.S. Subbulakshmi et Semmangudi Srinivasa Iyer. Ses programmes, judicieusement élaborés, relèvent d’un équilibre idéal entre son savoir et le plaisir revigorant qu’elle nous offre. Par rapport à tant de chanteuses sans surprise et sans flamme, cela s’appelle du savoir-faire. Diplômée en chimie, Sowmya fait son grand œuvre, alliant un classicisme toujours prégnant à une approche toute personnelle qui vient nous éveiller et nous maintient sous le charme : là réside le pouvoir créateur de la construction bien pensée et de l’imagination fertile. Bien qu’elle puise dans le fonds quasi insondable de sa science musicale, son approche expressive et sans concession donne une dimension inhabituelle à son art, celle d’un classicisme redynamisé. La densité jaillissante de sa voix et son homogénéité dans les différents registres sont rarissimes. Douée d’une belle présence sur scène, elle nous convie à un long moment de grâce où une puissante et inépuisable énergie nous submerge. C. L. SAM. 4 DÉC. 17H USTAD HAMÂHANG chant USTAD GHULÂM HUSSEIN rubâb Afghanistan et trois autres musiciens musique de Kharâbât (Kaboul) Kharâbât, le quartier historique des musiciens, est situé au sud-est de Kaboul. Il fut choisi par le roi d’Afghanistan Ahmad Shah Durrani (1747), fondateur de l’identité nationale du pays, pour sa proximité avec le palais royal. Il a une valeur doublement symbolique, de par sa situation géographique au centre de la vieille ville et en tant que garant de la musique sur le plan national. Le terme kharâbât désigne un statut social, culturel et religieux particulier. Les kharâbâti Jérôme Louis Zakir Hussain, ph. S. Millman Sowmya, ph. X. DR SAM. 27 NOV. 17H ne reconnaissent pas l’autorité en place, ou plutôt ils ont créé, parallèlement à la cour des rois, une cour rivale : celle des renonçants. Héritiers du saint poète soufi Khwaja Muin alDin Chîstî, ils associent la musique à cet état de renoncement. Celle-ci transcende les clivages sociaux et la poésie reste la seule représentation morale. Ce sont ces poètesmusiciens, parfois élevés au rang de pîr (saints), qui règnent sur Kharâbât. Jusqu’à une période récente, Kaboul était appelée La Mecque de la musique. Les grands maîtres de l’Inde ainsi que ceux du riche répertoire traditionnel afghan étaient tenus d’y faire leur mujrahi (pèlerinage). Malheureusement, depuis les guerres civiles et la politique des talibans, il ne reste du célèbre quartier qu’un amoncellement de ruines. Quelques-uns de ces kharâbâti ont survécu. De retour d’exil, ils tentent de reconstruire l’identité culturelle de leur pays. C’est ce que nous proposent de découvrir, entourés de trois autres musiciens, Ustad Amâhang et Ustad Ghulâm Hussein, derniers maillons de la fragile chaîne de la connaissance musicale afghane. SAM. 18 ET DIM. 19 DÉC. 17H SAM. 18 DÉC. 17H Inde du Nord ZAKIR HUSSAIN tabla SULTAN KHAN sarangi Pour la 2e fois au Théâtre de la Ville Pour ce week-end d’avant-Fêtes prometteur en surprises musicales, Zakir Hussain réunit des maîtres de l’archet de l’ancienne et nouvelle génération. Le monstre sacré Zakir Hussain retrouve Sultan Khan, interprète le plus romantique du sarangi. Impressionnante expérience que celle du maestro dans le foisonnement d’un voyage musical accompli à travers plus de cinq décades. Ce vieux loup de mer a d’abord accompagné les plus grands chanteurs de khyal dès l’âge de onze ans, ce qui est la meilleure école pour un futur soliste : on observe, on accumule un vaste répertoire de compositions, on se frotte à des maîtres reconnus, captant ce qui fait leurs différences de style. On suit leur chant au plus près, en devant adapter son jeu aux variations les plus infimes. On apprend aussi à deviner chaque nouvelle phrase mélodique, chaque passage rythmique et tous les enchaînements les plus inattendus. C’est une école de patience, d’éveil et d’invention. Découvert par Lata Mangeshkar, diva du playback du cinéma indien, on le retrouve dans les studios de Bollywood où il enregistre et compose à tour de bras, toujours prêt à se livrer à de multiples expériences avec des 53 Les frères Ganesh, ph. X.DR DIM. 19 DÉC. 17H nant, ont, dès l’âge de trois ans, appris chacun le violon, l’instrument le plus joué dans le sud. Avec leur père comme gourou, ils suivent chaque jour l’enseignement le plus traditionnel qui soit : réveil à quatre heures pour le cours matinal. Aussitôt rentrés de l’école, pratique des exercices sous l’œil attentif de leur mère, en attendant le retour paternel à huit heures pour reprendre leur classe du soir, et chaque jour ainsi, inlassablement. Très tôt ils se font remarquer par la critique. Les ténors du violon solo Lalgudi Jayaraman et M.S. Gopalakrishna les encouragent. Mais, vu l’immense compétition entre violonistes, la voie du succès est jonchée d’écueils. Ayant longtemps pratiqué maints exercices dans les cinq vitesses d’exécution, ils acquièrent une vélocité et une maîtrise rythmique hors pair. C’est alors qu’ils se forgent un style chaleureux, vif, aérien et poétique avec en prime les beaux chants de Ganesh… C. L. S. Khan, ph. Birgit jazzmen, des musiciens pop dont George Harrison, des guitaristes flamencos ou, récemment, des DJ de Londres… La première partie du concert est vouée à l’interprétation d’un raga. Sultan Khan y déploie en solo son jeu si coulant, presque mozartien, sous le regard attentif de Zakir. Puis viennent les compositions au cours desquelles celui-ci se contente de jouer le cycle rythmique pour se livrer en alternance à de fulgurantes improvisations. Le raga terminé, Zakir Hussain se lance dans un solo de tabla où il nous régale d’un plaisir toujours palpitant, tandis que son complice de si longue date l’accompagne tout en joie, s’émerveillant de ses tours. Tant de fois présenté de par le monde, ce duo fait merveille, l’archet aux contours lyriques et à la puissante vélocité rythmique s’accorde aux tonalités inouïes déployées par l’inventeur d’un nouveau style de tabla que tant cherchent à imiter. On reste bouche bée devant les frappes hallucinantes de ce démiurge chevauchant l’espace. C. L. Inde du Sud ZAKIR HUSSAIN tabla GANESH violon KUMARESH violon "VIKKU" VINAYAKARAM ghatam Pour la 1re fois au Théâtre de la Ville Le 19 décembre, place aux violons de Ganesh et Kumaresh. 54 Habitué aux rencontres avec des musiciens du sud, Zakir Hussain a eu l’occasion de jouer pour la première fois avec les jeunes frères Ganesh et Kumaresh à l’instigation de son ami “Vikku” Vinayakaram qui suggère leur nom pour un concert que donne chaque année Zakir dans la salle la plus prestigieuse de Madras. Celui-ci acquiesce sans avoir jamais entendu les violonistes : il peut faire confiance les yeux fermés au géant du ghatam qu’il fréquente sur scène depuis trente ans et quelques. Sans l’ombre d’une répétition les musiciens se produisent ainsi à la Music Academy de Madras en janvier 1998. Ils s’entendent intuitivement devant un parterre vite conquis par la richesse de leur jeu. Deux ans plus tard, le Théâtre des Abbesses les présente pour une série de quatre concerts très suivis. Depuis lors ils forment un ensemble à géométrie variable. La fraîcheur de jeu des frères virtuoses n’est pas étrangère à l’intérêt que porte Zakir à ces prodiges maintenant très connus dans le sud. Ganesh le méditatif et Kumaresh le bouillon- SAM. 8 JAN. 17H HÉNGAMEH AKHAVAN chant musique classique persane 4 musiciens Iran Pour la 1re fois en France À 59 ans, Héngameh Akhavan est reconnue comme la grande voix féminine de l’Iran. Son timbre est aigu et parfumé de variations multiples. Sa voix : un souffle dévastateur qui jaillit avec puissance, clarté et émotion ; capable de déferler en une vertigineuse cascade de vocalises dignes des plus grands interprètes de mugham. On se souvient de la voix prodigieuse du chanteur azéri Alim Qasimov. Celle d’Héngameh Akhavan est de cette trempe-là. Née à Fuman, dans la province du Guilan, elle commence à chanter dès l’âge de 6 ans et demi. L’environnement familial y est pour beaucoup : « Mes parents m’ont élevée dans un esprit musical. Ils vivaient en chanson », se souvient-elle. Très tôt, son père lui apprend le avaz-e dashti (un des modes de la musique H. Akhavan, ph. D. Minoui iranienne). Il lui fait également découvrir les grandes cantatrices iraniennes de l’époque, Ghamar et Rouhanguiz, dont il collectionne les disques. Invitée par sa sœur à Téhéran, à l’âge de 12 ans, Héngameh Akhavan saisit alors sa chance au concours de la radio nationale iranienne. Elle est finalement reçue au bout de la troisième audition, après avoir complété sa connaissance du radif (système modal iranien). Grâce aux encouragements du musicien Ali Tajvidi, elle suit pendant dix ans les cours du grand maître de la musique persane, Ostâd Adib Khansari. En 1975, elle enregistre sa première chanson à la radio, La Saison des fleurs, un poème de Vahid Dastgerdi, habituellement chanté par Ghamar. Héngameh Akhavan commence alors un long travail d’exploration des nombreux chants de cette grande diva iranienne, qui aboutit aujourd’hui à un concert exceptionnel baptisé En mémoire de Ghamar. Accompagnée par les instruments traditionnels iraniens (kamântché, târ, ney, tombak, oud), Héngameh Akhavan part à la découverte d’un registre inépuisable, qui comprend « L’Oiseau de l’aube », la chanson fétiche des artistes iraniens. Knar, ph. K. Ozturk Delphine Minoui ordre des choses : « le déplacement forcé de la population arménienne » – ainsi dit-on – a ensuite conduit la quasi-totalité de ces Arméniens à Istanbul. C’est là qu’ils vivront désormais, loin du berceau de leur musique, l’Anatolie. « Une des principales caractéristiques de cette musique est, si l’on en croit un spécialiste, qu’elle se fonde sur la tradition asug ou achik (barde) en turc. Les asug-s étaient des musiciens professionnels qui, d’abord disciples, recevaient leur formation d’un maître. Allant de village en village munis de leur instrument – saz ou santur — ils jouèrent, grâce à leurs poèmes et à leurs chants, un rôle important dans le développement de la langue arménienne ainsi que dans celui de la composition musicale. Ainsi transmettaient-ils aussi leur tradition musicale d’un village à l’autre. » Originale, voire unique, cette musique arménienne d’Anatolie, chef-d’œuvre en péril, semblait menacée de disparition. En 1997, l’ensemble Knar prit conscience de la fragilité de ce patrimoine et du devoir de le sauver. Dès lors, ce fût son seul objectif. Les deux disques de Knar recèlent une collection de chansons arméniennes originaires de nombreuses villes d’Anatolie – Sivas, Adapazari, Mus, Erzurum, Diyarbakir, Samsun… mais aussi d’Istanbul et d’Arménie. Le répertoire offre berceuses et complaintes, chansons d’amour et musiques de danse, chants religieux… Le groupe poursuit son travail d’archivage, continuant ainsi à enrichir son répertoire. Six musiciens et chanteurs contribuent au sein de l’ensemble Knar à vivifier cette tradition : Sezar Avedikyan (tar et baglama), Arto Erdogan (percussions), Sirak Sahrikyan (duduk, svi, zurna et accordéon), Taniel Koyuncu (luth, cümbüs et chant), Murat Sirin SAM. 22 JAN. 17H KNAR Turquie musique arménienne d’Anatolie Sezar Avedikyan tar, baglama Arto Erdogan percussions Sirak Sahrikyan duduk,svi,zurna,accordéon Taniel Koyuncu luth, cümbüs, chant Murat Sirin chant Tatiana Bostan chant UNE MUSIQUE À CARESSER L’ÂME L’Orient est, dit-on, souvent complexe pour un esprit cartésien. C’est là son intérêt , c’est là son charme. Au temps de l’empire ottoman et jusqu’au début du XXe siècle, la majorité des Arméniens du pays vivait en Anatolie. Les vicissitudes de l’Histoire ont bouleversé cet (chant) et Tatiana Bostan (chant). Outre les instruments, donc, deux voix masculines et une voix féminine éclatante de pureté. Tantôt mélancolique, tantôt festive, une musique à caresser l’âme. J. E. SAM. 5 FÉV. 17H ASHOK PATHAK surbahar, sitar accompagné au tabla Inde du Nord Le surbahar, étonnant et rarissime version basse du sitar, est apparu (sans doute au Bengale) au début du XIXe siècle. Cependant, à l’écoute de la puissance et de la pureté sonore de ce luth imposant, on pourrait imaginer qu’il perdurait depuis des âges, comme la 55 A. Pathak, ph. X. DR A. Ahmad Hussain Khan, ph. X. DR rudra veena jouée pour les dhrupad anciens, dont Mohinuddin Dagar, déjà présenté au Théâtre de la Ville, fut le plus grand interprète. L’idée de son créateur, musicien de cour, ancêtre de Vilayat Khan (ceci n’a rien d’étonnant) était d’aborder l’élaboration des raga-s en ayant à sa disposition le maximum de possibilités expressives pour faire au mieux entendre les srutis, ces hauteurs de notes calibrées au microton, qui donnent sa forme et sa plénitude aux raga-s. Pour cela, jouer dans le puissant registre des graves donne le relief nécessaire à une perception optimum des intervalles (comme l’a toujours fait Ravi Shankar sur les cordes basses de son sitar). On compte sur les doigts les joueurs de surbahar qui se produisent en public. Certains sitaristes en jouent uniquement chez eux, pour pratiquer l’alap introductif, ce qui leur donne un excellent exercice musculaire des mains et les place dans un monde propice à la méditation sur le raga. Écouter les sonorités si enveloppantes et ensorcelantes d’Ashok Pathak au surbahar est une expérience unique. On nage dans le son… Outre l’incroyable talent de cet artiste étonnamment discret, cela s’explique : il appartient à une famille de musiciens qui a forgé sa propre école stylistique et lui a donné son propre nom : celui de la Pathak gharana. Son père Balaram Pathak était un illustre joueur de surbahar et de sitar dont Radio France enregistra un microssillon. On imagine difficilement qu’un tel instrument puisse exister : il faut l’entendre pour le croire, mais cela fait partie du génie organologique des luths indiens. La forme, le son et les possibilités si expressives du surbahar en font l’instrument de la solitude totale, celle qui oblige l’artiste, comme mis à nu, à tout réinventer. On pourrait le comparer aux pièces pour violoncelle seul de J.S. Bach, qui nous offrent les plus belles partitions du monde. Tout joueur de surbahar est aussi sitariste, et Ashok Pathak le prouve avec une grâce et un doigté d’une finesse exquise lorsqu’il interprète d’anciennes compositions accompaC. L. gnées au tabla. À ne pas manquer ! fie le « nay du Shah ». C’est dire le prestige impérial qui y est attaché. Les personnages éminents étaient jadis accueillis dans les cours princières par ses mélopées. De nos jours, l’inauguration des festivals se déroule au son velouté et ardent de ce hautbois réputé auspicieux mais redoutable d’exécution. Descendant d’une illustre lignée de musiciens d’Allahabad, Ali Ahmad Hussain Khan relate avec fierté que son grand-père Wazir Ali fut le premier joueur de shanaï à se produire devant la reine Victoria, non pas en Inde, mais à Buckingham Palace en 1910 ! Le maestro, maintenant octogénaire, est le joueur de shanaï le plus demandé en Inde. Il a eu le privilège et le bonheur de jouer en duo avec le regretté Vilayat Khan, génie absolu du sitar, a donné le concert d’inauguration de la télévision nationale à Delhi (Vigyan Bhavan) en 1973, puis enregistré l’indicatif de la chaîne, composé par Ravi Shankar. Depuis, il participe régulièrement aux concerts retransmis en direct le dimanche matin par All India Radio. On a déjà pu juger de son talent au Théâtre de la Ville, lors d’un concert en jugalbandi en compagnie du sitariste Manilal Nag. Son contrôle impressionnant des enchaînements de notes lui permet une totale liberté expressive. Ses sonorités moelleuses se fondent dans une perfection sonore qu’un souffle mystérieux attise jusqu’au mince filet quasiment miraculeux d’une note longuement soutenue en suspens… Son jeu imaginatif, son sens inné du swing et l’approche intime des raga-s en font le digne continuateur de Bismillah Khan, référence absolue en la matière. C. L. LUN. 21 MARS 20H30 musique des steppes RYSBEK JUMABAEV barde épique, manaschi Kirghizie ZEYNODDIN IMANALIEV chant, komuz SAM. 12 MARS 17H ALI AHMAD HUSSAIN KHAN shanaï Inde du Nord Hassan Haider, Ahmad Abbas shanaï Ali Ahmed surmandal, surpeti Samar Saha tabla Sandip Banerjee khurdak Tanveer Imam tampura 56 Souvent entendu dans les temples, à l’aurore ou au crépuscule, le shanaï, si apprécié par le lyrisme de ses sons nostalgiques, préside aux cérémonies dans maintes occasions religieuses et sociales. Mot persan, shanaï signi- SAEÏD NABI dutâr DORJNYAM SHINETSDJ-GENI chant, morin khour Kirghizie Turkmène Mongolie Nouvelles chevauchées musicales à travers les steppes d’Asie centrale avec ce concert qui réunit Kirghizes, Turkmènes et Mongols ! « L’histoire kirghize n’est pas enfermée dans les livres mais dans plus de 2000 mélodies traditionnelles » rappelait Asan Kaybildaev, ce musicologue qui a passé sa vie à explorer l’épopée de Manas. Véritable « Iliade des steppes » dotée de quelque 500 000 vers et enrichie oralement depuis le IXe siècle, le paysage de Mongolie, ph. D. Tassin Fakirs du Mausolée, ph. Birgit Manas est devenu le fleuron identitaire de ce pays adossé à la Chine, où la montagne est partout présente. Rysbek Jumabaev, l’un de ces conteurs et musiciens de Manas (les manaschi), nous fera goûter ces intrigues dramatiques et palpitantes, mémoire collective du peuple kirghize. Il fait partie de l’ensemble Tengri Too, chargé de revitaliser la musique traditionnelle kirghize, tout comme Zeynoddin Imanaliev. Chanteur, Zeynoddin est aussi un virtuose du komouz, ce petit luth à long manche et trois cordes emblématique du pays. Il faut non seulement l’écouter mais le voir user d’un doigté vertigineux, presque acrobatique, qui n’est pas sans rappeler celui de la guitare flamenca. À l’est de la Kirghizie, sa « petite sœur », la Mongolie, voisine elle aussi de la Chine, possède un instrument privilégié, le morin khour qui accompagne chants et danses. Selon la légende, ce luth joué avec ou sans archet, serait né d’un cheval mythique mort tragiquement, d’où la tête de l’animal sculptée à l’extrémité de son manche. Dans ce pays où le cheval est roi, pas étonnant que la musique lui rende un singulier hommage. Dorjnyam Shinetsdj-Geni est passé maître de cet instrument à deux cordes qui, malgré sa simplicité illusoire, révèle une étonnante richesse de sons. Appuyées contre la mer Caspienne, l’Iran et l’Afghanistan, les vastes plaines du Turkménistan résonnent encore des caravanes de Marco Polo, des empires turcs, perses et des mélopées de l’islam sunnite. Le dutâr, luth à long manche et deux cordes est l’instrument le plus populaire de ce pays. S’il peut accompagner chants et danses, c’est en solo que Saeïd Nabi en exprime toute la subtilité. Des musiques « nomades » pour une évasion sans limite. Jacqueline Magnier SAM. 16 AVR. 17H FAKIRS DU MAUSOLÉE DE SHAH ABDUL LATIF 7 musiciens Pakistan Bonheur ! Les Fakirs de Bhit Shah sont de nouveau parmi nous ! Leur précédent passage au Théâtre des Abbesses en 1999 avait laissé les spectateurs sidérés, happés par les troublantes envolées vocales de ces hommes tout drapés de noir et pénétrés d’un amour éperdu pour leur maître, le saint soufi Shah Abdul Latif Bhittai. Et voici qu’à nouveau, chance nous est donnée de nous confronter à ces voix abrasives, souffles de désert mettant à nu nos repères, nos certitudes : « L’ego est un voile couvrant le Soi… Son existence nous barre le chemin vers l’union. Mais quand le voile est enlevé, tout conflit et tout tourment cesse… », nous avertit le poète. Jusqu’à sa mort en 1752, Shah Latif n’aura de cesse d’enrichir ce message d’amour mystique, élaborant une singulière alliance de chant et de musique, quotidiennement vivifiée par ses disciples depuis lors. « Génie coulant comme une rivière cristalline, brillant comme la lumière, clair comme le vent », le saint de Bhit Shah s’inspira des légendes sindhies pour évoquer l’amour divin en des termes profondément humains : quête dans le désert, attente d’une femme de marin, retrouvailles d’amants éperdus… Musicien d’exception, il imagina un chant communautaire où les vers étaient interprétés à différentes octaves dans une stupéfiante harmonie, dépassant les dualités : graves et aiguës, plainte et fougue, passion humaine et amour divin… Or le maître est mort voici 250 ans maintenant, et depuis lors, il n’est de nuit que ses disciples ne reprennent ces chants sur le seuil du mausolée, de l’oraison Isha du soir à la prière Fajr du matin… Sublime permanence d’un chant d’amour qui, à Paris pour un soir, tentera nouvellement de lever quelques coins du voile… Pierre-Alain Baud 57 Ross Daly, ph. X. DR M. Ahmed, ph. V. Guillien MER. 11 MAI 20H30 MER. 18 MAI 20H30 ROSS DALY MAHMOUD AHMED rabab, lyre crétoise, tarbu, tampura, laouto Iris chants et musiques traditionnels de Crète, d’Inde et d’Iran Hamid Reza Khabazi tar, chant Partha Sarathi Mukherjee tabla Vassilis Rakopoulos guitare Kelly Thoma lyre crétoise Yiogos Xylouris laouto crétois, chant Pedram Khavar-Zamini tombak Dhruba Ghosh sarangi, chant L’ART DE L’ÉCHANGE Ross Daly revient. C’est la quatrième fois. Il récidive donc, mais ne se répète guère tant il cultive l’art de l’échange. Au fil de ses pérégrinations à travers le monde et au gré de multiples rencontres, ce frère des hommes a développé une sagesse et enrichi sa palette musicale. Il a créé un univers original. Tel un peintre avec ses couleurs, il mélange des traditions musicales complémentaires et invente une musique à nulle autre pareille, à la fois traditionnelle et nouvelle. « Un arc-en-ciel musical » comme emblème d’un « message de paix et d’amour. » Dans ce nouveau répertoire, intitulé Iris, Ross Daly associe musiciens grecs, crétois, iraniens et indiens ainsi que voix grecques, iraniennes et indiennes. Dans ses compositions, il assimile certains éléments des traditions respectives de ses compagnons : mélodies traditionnelles de Crète, d’Inde, d’Iran et aussi d’Azerbaïdjan, se marient et témoignent ainsi de l’existence de ce socle commun dont elles sont issues. Chez Ross Daly, l’amour de la liberté nourrit, sans doute, l’idée d’abolir les frontières et de réunir les êtres. « Chacun d’entre nous, écrit-il, recherche les mêmes choses dans la musique, quelque chose que chacun “voit” clairement dans le regard des autres. C’est pour cette raison que nous nous sommes rassemblés ; non pas pour démontrer ou prouver à quiconque que Indiens, Iraniens et Grecs peuvent jouer de la musique ensemble. C’est, pour nous, un fait évident et avéré. Il ne requiert, c’est certain, ni démonstration ni preuve. Au contraire, l’unique sens de cet accomplissement que chacun d’entre nous tente est quelque chose que nous sommes honorés de partager avec quiconque souhaite écouter. » Au-delà de la musique, subtile et enjouée, une célébration de la fraternité humaine. Une certaine idée du bonheur d’être ensemble. J. E. 58 chant artiste invité : Éthiopie GÉTATCHÈW MÈKURYA saxophone Dix ans après son premier et mémorable passage sur la scène du Théâtre de la Ville (février 1994), Mahmoud Ahmed revient. Celui qui a entrouvert la porte de l’Éthiopie musicale au public occidental n’a pas cessé depuis de gagner en audience. Le Live in Paris (au Théâtre de la Ville, justement) et les patientes rééditions de ses vinyles haute époque dans la collection Éthiopiques nous font toujours plus espérer le disque définitif qu’il lui reste à graver. Aujourd’hui encore, alors que toutes sortes de musiques sont accessibles aux amateurs d’exotismes sonores, l’Éthiopie fait toujours figure de monde musical oublié et de chaînon manquant au sein du concert panafricain, comme si les clichés tenaces perpétuellement associés à ce pays interdisaient une approche sereine de ses cultures musicales, extraordinairement riches et singulières. La musique de Mahmoud Ahmed, urbaine, électrique, cuivrée, dansante, hypnotique, tour à tour déchirante et funky, si différente de tout ce que l’on connaît en provenance du continent africain, demeure pratiquement le seul témoin visible de ce groove entêtant. Homme de scène hors pair, Mahmoud invitera spécialement pour ce concert un non moins flamboyant acolyte : Gétatchèw Mèkurya. Gétatchèw est le vétéran culte de la saxophonie éthiopienne. Non seulement il appartient au panthéon de tous les souffleurs abyssins, mais il est l’inventeur d’un style musical remarquable, hérité d’un genre purement vocal, guerrier, épique, déclamatoire, hurleur, égosillé, appelé shillèla. Autrefois – et jusqu’au XXe siècle –, c’était un exercice obligé que de donner ainsi de la voix pour galvaniser les troupes avant une bataille. Thème guerrier où se mêlent bravade, dithyrambe, promesses d’héroïsme aussi bien qu’invectives à l’ennemi, ce fracas vociférant était improvisé avant chaque assaut. C’est cette jactance époumonée, homérique, qui a contribué à la gloire de Gétatchèw Mèkurya, celui-ci ayant eu la riche idée de le transposer pour le saxophone. Pardelà les références guerrières, nous voilà confrontés à une forme musicale audacieuse, improvisée, impétueuse, enragée, où chaque mèlisme dérape avec bonheur vers plus de déstructuration et de liberté dans le jeu. Le shillèla saxophone a ainsi des airs de free jazz avant la lettre : Gétatchèw Mèkurya se souvient de s’être essayé à ces exaltations sonores dès 1952-53, alors qu’il n’avait pas encore vingt ans. Il ignore toujours tout G. Kaya, ph. X. DR G. Mèkurya, ph. Shillèla d’Ornette Coleman ou Albert Ayler, du free jazz et des batailles d’Hernani qui s’ensuivirent après 1960. Ces faits d’armes musicaux lui ont valu en Éthiopie le titre incontesté de « Negus du saxophone ». Gétatchèw Mèkurya ne s’est encore jamais produit sur une scène européenne. F. F. MUSIQUES DU MONDE AUX ABBESSES LUN. 22 NOV. 20H30 chants d’Anatolie Turquie Divna, ph. X. DR GÜLCAN KAYA comme soliste à la radio d’Istanbul tout en poursuivant ses études. Ensuite, elle enseigne, produit des émissions consacrées à la chanson populaire à la radio et à la télévision, et elle chante ! Elle chante de cette voix qui charme l’oreille et l’âme et dont la couleur singulière la distingue de celle des voix de la plupart de ses consœurs. Une voix qui s’orne, à l’occasion, du frémissement d’un vibrato. Fidèle à la tradition dans sa manière de chanter, et interprète confirmée, Gülcan Kaya s’empare d’un répertoire de chansons anonymes recueillies dans toute l’Anatolie : chants alevis, chansons d’amour, airs de danse, chants zeybeks de la mer Egée et chansons de la mer Noire… Une large palette. Au Théâtre des Abbesses, Gülcan Kaya sera entourée de Kemal Kaplan (saz, baglama et çögür), Ismaïl Altinsaray (saz), Özcan Gök (percussions) et Kenan Elmas (kaval, ney et zurna) pour magnifier ces chansons populaires (türkü) d’Anatolie. Pour elle, les plus belles du monde ! C’est dire. J. E. Kemal Kaplan saz, baglama, çögür Ismaïl Altinsaray saz Özcan Gök percussions Kenan Elmas kaval, ney, zurna L’ANATOLIE AU CŒUR Il était une fois en Anatolie un village sis dans la région d’Erzinçan, à l’est de la Turquie. Les habitants de ce village, appelé Doluca, aimaient tellement la musique et les chansons, qu’elles étaient pour eux aussi indispensables que l’air, l’eau et le pain. Chaque événement était prétexte à chansons. Chacun puisait alors dans le répertoire des chansons populaires, les türkü-s. Les hommes du village aimaient aussi jouer d’un instrument : petit luth nommé baglama, flûte que les bergers appellent kaval ou bien encore cette autre flûte que les musiciens ont baptisé ney. Les femmes, elles, vaquaient à leurs occupations en chantant et le sens de ces chansons-là était, pensaient-elles, plus ou moins sacré. C’est dans ce village, où elle naquit en 1969, que, petite fille, Gülcan Kaya eut le bonheur de vivre son enfance : au milieu de ces villageois épris de musique. Conscience ou inconscience, sans doute, hérita-t-elle de cette passion. Encore enfant, elle fut dépêchée auprès de son oncle paternel à Istanbul pour suivre des études primaires. Dans cette cité mirifique, sa voix attira l’attention de ses instituteurs ainsi que, plus tard, de ses professeurs de lycée. Séduits, ils l’orientèrent vers le conservatoire. À vingt-deux ans, la jeune femme, talentueuse et belle, entre dans la section chant du conservatoire de musique turque. Deux ans plus tard, en 1993, elle entame sa carrière LUN. 13 DÉC. 20H30 DIVNA chant Serbie studio Melodi,ensemble de 9 chanteurs (6 hommes et 3 femmes) chants liturgiques byzantins, bulgares et serbes DIVIN La beauté de sa voix comme celle de son visage justifierait que son prénom, Divna, signifie divine dans sa langue. Mais celle-ci est injuste, qu’importe, Divna est divine. C’est un fait. Née à Belgrade en 1970, Divna Ljubojevic est donc serbe. Elle s’est, dès l’enfance, initiée au chant religieux et saura très tôt en interpréter les subtilités au sein du chœur du monastère Vavedenje. Ce sont des moniales qui l’ont formée au chant et, pour les experts, sa biogra- 59 SAM. 15 ET DIM 16 JAN. 17H VOIX ET BAMBOUS DE THAÏLANDE Répertoire de chants populaires religieux et profanes 1re PARTIE : Orgues à bouche khène et chants mholam de l’Isan (Khon Kaen, Nord-Est), 2 musiciens. 2e PARTIE : Ensemble Pi-joom et chants saw du Lanna (Chiang Mai), 6 musiciens 60 ENVOÛTANT En l’ancien royaume du Siam, de multiples influences, héritées de la Birmanie, du Laos et du Cambodge ainsi que de l’Inde, de la Chine, de la Malaisie et de l’île de Java, se sont mêlées au fil du temps. La Thaïlande, terre de métissage, est donc un véritable creuset dans lequel se sont fondues des traditions diverses. Le pays a échappé à la colonisation, et dans la plupart de ses régions subsiste aujourd’hui une multitude de musiques et de danses populaires. Dans certains villages du nord (Lanna, région de Chiang-Mai) et de l’est (Isan), aux frontières de la Birmanie, de la Chine et du Laos, demeurent des formes ancestrales, riches de voix et d’instruments en bambou qui s’harmonisent et se défient au cours de joutes. Un véritable jeu musical qu’évoque en experte Isabelle Gruet : « la douceur et la suavité des célèbres orgues à bouche khènes ou des tuyaux à anche libre pi dialoguant avec les Thaïlande, photos I. Gruet phie précise que celles-ci « chérissaient très fidèlement le style unique de chant propre à la région de Karlovac, dans la version du compositeur Baracki, ainsi que le chant traditionnel russe ». Divna a également étudié à l’École de musique Mokranjac de Belgrade. Elle est, par ailleurs, diplômée de l’Académie de musique de Novi Sad. Dès 1988 – elle n’a que dix-huit ans – elle commence à diriger un chœur : d’abord le chœur Mokranjac avec lequel elle multiplie les concerts en Serbie comme à l’étranger. Entre autres, à Paris, la Première Liturgie de Pâques, sous les voûtes de la cathédrale orthodoxe serbe Saint-Sava. Elle devient, en 1989, la plus jeune chef de l’histoire de la Première Société chorale de Belgrade, formation créée en… 1853 ! À Paris en 1997, elle fonde le chœur de l’église SaintSava en compagnie duquel elle offre des concerts de musique liturgique slave et grecque… Son palmarès l’atteste, il y a du prodige chez cette jeune femme. Aujourd’hui, elle consacre l’essentiel de son activité artistique au chœur Melodi, qui compte trente-cinq membres, fondé avec un groupe d’amis et d’associés, et à son émanation, le studio Melodi. C’est cette dernière formation mixte de neuf chanteurs (six hommes et trois femmes) qui l’accompagnera sur la scène du Théâtre des Abbesses. Le répertoire se compose de chants liturgiques byzantins anciens, bulgares et serbes qui, conséquence du schisme entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident au XIe siècle, se distinguent à tous égards de ceux de l’Église de Rome. Le silence qui précède ces chants sacrés symbolise Dieu le père, le soliste qui les interprète, la réincarnation du Christ, et le bourdon continu (Ison) qui les parcourt, l’Esprit Saint. Sous les coupoles des églises, ils suscitent la ferveur, et sur les scènes, quand s’élève la voix divine de Divna, l’admiration. Mais comment dit-on sublime en serbe ? J. E. chanteuses endiablées de mholam ou de saw laissent aussi place aux rythmes effrénés et délirants ». Une musique qui tourne en boucle comme tournerait une roue en un mouvement perpétuel. Hypnotique, elle captive l’oreille, stimule l’imaginaire et accapare la conscience. L’Isan, région la plus vaste du pays, s’étend de la frontière du Laos, au nord, à celle du Cambodge, au sud. Tribus thaïs-lao et populations d’origine khmère occupent de vastes plaines agricoles. Du rituel au divertissement, la tradition vocale du mholam s’empare et se nourrit de toutes les histoires, sacrées ou profanes, fondatrices de la communauté. Croyances spirituelles, contes merveilleux, épisodes des 547 vies du Bouddha (jataka), récits d’actualité, les chanteurs rivalisent de talent au cours de joutes verbales qui se déroulent au sein de la famille, lors des cérémonies de guérison ou des fêtes de villages. Entre parole et chant, la voix grosse de son tourbillon de mots s’acoquine aux lignes mélodiques et rythmiques du khène et ainsi contribue à perpétuer la mémoire collective. Instrument central de la tradition du mholam, le khène, assemblage de seize à vingt-huit tuyaux en bambou, peut atteindre une hauteur de quatre mètres et produire plusieurs sons simultanément : « Il déploie, écrit Alain Weber, sa polyphonie éthérée grâce à une savante respiration continue ». La complexité des mélodies de l’Isan comme du Lanna témoigne de la sophistication et du raffinement du vieux fond culturel rural de ces musiques. Annexé définitivement au Siam à la fin du XIXe siècle, le Lanna conserve aujourd’hui encore son particularisme. Le pi, ancêtre du khène, est un tuyau à anche libre en bambou ; on l’embouche obliquement ; son jeu requiert un souffle continu. L’Ensemble Pi-joom se compose d’au moins quatre pi-s de tailles différentes, d’un grand luth süng et d’un duo mixte de chanteurs. « Le sawpijoom, écrit Isabelle Gruet, est la parole des paysans bouddhistes du Lanna. » Musique en partie improvisée, le pi-joom fait une large place à la voix, au chant, à la narration. Elle mêle à « la subtilité de l’héritage chinois la vigueur des rythmes puisés dans le substrat des minorités ethniques et des sociétés traditionnelles ». Entre parlé et chanté, le style du chant surprend, de prime abord, avant de séduire : « la voix monte délicatement d’un ton en fin de strophe dans un raffinement extrême, divin et presque imperceptible ». La répétition régulière du refrain provoque un effet hypnotique et la noria des musiques suscite une sensation d’envoûtement. Le chant emporte l’auditeur dans le tourbillon de ses sonorités, le rebondissement du souffle et les envolées lyriques… J. E. Imas Permas a déjà été présentée au Théâtre de la Ville. Sa voix inimitable, suave, presque fragile, se prête idéalement à l’enchantement. C. L. SAM. 2 AVR. 17H ABDULVALI Tadjikistan ABDURASHIDOV sato, tanbur OZODA ASHUROVA chant, doyra KAMOLIDDIN HAMDAMOV tanbur, chant I. Permas, ph. V. Sukanda-Tessier SIROGIDDIN JURAYEV dutâr MURAD JUMAYEV doyra Shashmâqâm (musique classique) IMAS PERMAS chant HENDRAVATI chant ELAN SAHLAN SUMARNA chant Tembang Sounda Java ouest chants à répons du Pays Sounda avec 3 musiciens (cithares et flûte) Pour la 1re fois en Europe Le genre Tembang Sounda ou fleurs du pays Sounda, s’apparente par sa forme exquise à un art savant dû au raffinement incomparable d’ornements pleins de grâce et à une intonation frémissante toute en finesse. Pour ces deux concerts, celle qui fut découverte par le microsillon enchanteur publié jadis chez Alvares, est entourée d’une chanteuse (Hendravati) et d’un baryton (Elan Sahlan Sumarna), permettant ainsi d’aborder des chants à répons à trois voix, chaque strophe étant dévolue à son tour aux trois interprètes. Une émotion intense naît de ces chants parfois juste murmurés. Les soupirs d’extase ou de douleur nostalgique, les exclamations vibrantes, ponctuent ces chants aériens au grain sensuel, rythmiquement soutenus par les arpèges réguliers des cithares et rehaussés des arabesques si plaisantes de la flûte en roseau. C’est dans cette atmosphère d’intimité avec la nature qu’il est bon de s’oublier pour s’immerger dans un monde sensible, étrangement impalpable et qui semblait avoir disparu… mais vient nous toucher à chaque note pour nous emmener dans un voyage en boucle où tout semble palpiter autour, où le corps, infiniment relaxé, est comme en suspension entre deux mondes. Cette musique voguant entre ciel et terre qui reflète si bien l’âme soundanaise est exprimée à son summum par ces chants évocateurs de grandeurs disparues, d’amour et de mélancolie, d’exquise confidence, de savoureuse sagesse et de rires aussi… Cet art tout en nuances suscite les émotions les plus délicates, celles d’un paradis perdu soudain entrouvert par la magie musicale. A. Abdurashidov, ph. Kamrouz SAM. 19 ET DIM. 20 MARS 17H Au cœur de l’Asie centrale rayonne le Shashmâqâm – littéralement, six mâqâm – une tradition qui a su abolir la frontière entre l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Cette musique savante, mêlant voix et instruments, est devenue au XVIe siècle un art de cour hautement raffiné, réputé à Boukhara, mais il a également fleuri dans d’autres grandes villes situées sur la route de la soie, dont Khiva, Tachkent, Samarcande et Qoqand. Dans ces villes historiquement multiculturelles où se côtoient mélomanes et musiciens tadjiks, ouzbeks et boukharan, juifs d’Asie centrale, le shashmâqâm s’est emparé de textes d’inspiration soufie et s’est orné de suites orchestrales pour remplir toutes les fonctions sociales, du sacré au profane, de la prière à la danse. Durant l’ère soviétique, il se transforme et se réduit alors à une sorte de cantate avec chœur et petit ensemble. Aujourd’hui, il retrouve toute sa vitalité grâce au dynamisme d’éminents musiciens et enseignants. Au Tadjikistan, Abduvali Abdurashidov en est le leader incontesté. Dans l’Académie de mâqâm qu’il a créée à Duchanbe, la capitale, il offre une solide formation à un petit groupe de jeunes talents rigoureusement sélectionnés. L’ensemble retrouve ainsi son authenticité première – deux voix, une percussion, doyra (tambourin), deux ou trois luths à long manche, dûtar, tanbur et sato plus rarement joué – et parvient à une clarté de texture et une souplesse de forme remarquables. Le concert du Théâtre de la Ville réunira autour d’Abduvali Abdurashidov au sato et tanbur, quatre de ses élèves : Ozoda Ashurova (chant et doyra), Murod Jumayev (doyra), Kamoliddin Hamdamov (chant, tanbur et doyra) et Sirogiddin Jurayev (dûtar). Une occasion exceptionnelle d’apprécier la vigueur et l’élégance de ce précieux joyau dont la renaissance lui permet de figurer désormais à une place de choix sur la carte musicale de l’Eurasie. J. M. 61 DU 5 AU 16 AVR. 20H30 NORAH KRIEF chante La Tête ailleurs textes de François Morel composition Frédéric Fresson et le groupe Sonnets direction artistique Éric Lacascade lumières Bruno Goubert son Alain Français, Olivier Gascoin Norah Krief chant Philippe Floris batterie, percussions, accordéon, voix Frédéric Fresson piano, voix Daniel Largent basse, percussions, voix production Centre dramatique national de Normandie, Comédie de Caen Shashank, ph.© Sruthi Records Inc. (voir p. 17) LUN. 11 AVR. 20H30 SHASHANK flûte murali Inde du Sud accompagné au violon, mridangam et ghatam Pour la 1re fois au Théâtre de la Ville 62 Lorsque le père de Shashank, lui-même flûtiste, s’aperçoit des dons singuliers de son garçon de quatre ans, il songe à le présenter au génie de la flûte T.R.Mahalingam, la référence suprême, le magicien qui, pendant quarante ans, a attiré les foules pour les mettre en extase. Le maître embrasse le bambin avec l’affection spontanée dont il était si souvent capable. Ému jusqu’aux larmes il confie au père : « la musique n’est plus guère pratiquée pour apaiser le cœur et abreuver l’esprit… J’aurai sans doute disparu avant que je n’entende ce garçon en concert. J’ai pourtant une vision qui me fait lui prédire un futur glorieux. Je suis persuadé que vous êtes venu à moi en espérant que je le prenne comme disciple. J’insiste pour que non seulement vous arrêtiez vous-même la flûte, mais pour que votre enfant n’apprenne la flûte de personne ». Tels furent l’augure et l’avis du maître. Le père de Shashank avait de quoi être déçu… Mais il comprend bien vite le sens de ces paroles salutaires. Ainsi divers maîtres se succèdent pour l’apprentissage du répertoire que l’enfant assimile à vive allure. Pour le reste, ses incroyables dons rythmiques et son sens de l’improvisation font qu’il n’a pas vraiment besoin de leçons… À l’âge de dix ans, il est déjà accompagné par les plus grands musiciens de Madras, et la demande de concerts va grandissant. Mais bientôt, lassé de la contrainte de ne jouer que d’une flûte (celle en sol, aiguë, qu’affectionnait Mahalingam), il cherche d’autres sonorités. Il expérimente et réussit l’exploit d’utiliser neuf flûtes, inventant des doigtés différents à chaque fois ! Chaque flûte révèle alors sa qua- lité sonore, ses reflets, ses contours, sa dynamique, ses graves passionnés, ses aigus angéliques. Shashank fait résonner et vibrer la flûte en bambou comme nul autre en Inde du Sud. Il tournoie dans l’air tel un oiseau, lançant un appel foudroyant à la pureté. C.L. LUN. 23 MAI 20H30 KAYHAN KALHOR kamantché SIAMAK AGHAÏ santour musique persane Iran D’origine kurde, le musicien iranien Kayhan Kalhor est un éternel voyageur. Son kamantché sous le bras, il part à la rencontre de cultures voisines, de musiciens d’origines différentes, de jeunes talents prometteurs. Sur une de ses nombreuses routes vient de naître un nouveau dialogue musical avec Siamak Aghaï, jeune maître de santour, cet instrument d’Iran aux allures de xylophone trapézoïdal. Un concert à deux, aux accents de Perse sous forme d’improvisation. Mais le travail de Kalhor est une promenade qui dépasse les frontières de l’Iran. Né à Kermanchah en 1965, dans un environnement musical, il fait la découverte du kamantché à l’âge de cinq ans : sorte de petit violon persan, flanqué de quatre cordes, qui se joue avec un archet. Sa formation est essentiellement autodidacte. D’où son goût pour une musique sans partition, mêlant les rythmes classiques et le folklore iranien à des airs plus modernes et créatifs. Sa rencontre, il y a dix ans, avec le maître indien Shujaat Hussain Khan, a ainsi débouché sur un savant mariage entre musique iranienne et musique indienne présenté en novembre dernier au Théâtre de la Ville dans un concert mémorable. Récemment repéré par le musicien japonais Yo Yo Ma, Kayhan Kalhor a été invité à rejoindre un projet musical intitulé La Route de la soie. Le maître de kamantché a également rédigé des morceaux pour le Kronos Quartet. Sa passion pour l’inépuisable culture persane lui a aussi fait rencontrer les plus grands maîtres d’Iran, avec qui il joue régulièrement. En se produisant avec Siamak Aghaï, il donne cette fois-ci sa chance à la nouvelle génération de musiD. M. ciens iraniens. JEU. 2 JUIN 20H30 SÜLEYMAN ERGUNER ney HASAN ESEN rebab, kamantché ALI RIZA SHAHIN muezzin musique soufi Turquie SÜLEYMAN ERGUNER ENSEMBLE « Écoute l’histoire que raconte la flûte, la séparation. Depuis que j’ai été coupé de mon lit de roseau, Je lance ces pleurs. » Nul autre que le poète mystique du XIIIe siècle d’origine afghane, Jalâl ed-Din Rûmi, fondateur de l’ordre des derviches tourneurs à Konya où il est enterré, n’a mieux chanté la beauté nostalgique du ney dont le souffle épuré offre un havre de paix propice à la méditation. Pas étonnant que cette longue flûte de roseau soit devenue l’instrument privilégié de la musique soufie. À l’instar de son grand-père du même nom, mort en 1953, et de son père Elvi Erguner, ses S. Erguner, ph. X. DR SAM. 11 JUIN 17H SID AHMED OULD AHMED ZAYDAN tidinît (luth) et voix Mauritanie Ahmed Ould Sid Ahmed tidinît et voix Oum-El-Kheïry Mint Ebweysif ardine (harpe), voix et tbal (percussion) Mama Mint Abdellahi Ould Nanna ardine, voix et tbal « ZAYN HATTA », TRES BEAU ! À Nouackchott (Mauritanie), assis sur l’un des tapis qui couvrent le sol de sa maison, le griot Sid Ahmed Ould Ahmed Zaydan, vêtu d’un boubou bleu, sourit. Barbe et cheveux blancs, il a, dit-il, soixante-neuf ans et n’a encore jamais quitté son pays. Son regard est intense et lumineux. Il choisit une tidinît, un luth tendu de quatre cordes, sans frettes, dont la caisse de résonance adopte la forme d’une pirogue, et joue… C’est un instrument de cour, celui des musiciens professionnels dont la vocation est l’hommage et la louange. Empruntant un mode nostalgique, Sid Ahmed joue une musique raffinée. Descendant d’une octave, il poursuit l’exploration du mode. Une femme s’approche, elle tient dans ses mains un ardine, la harpe des femmes maures. Pour introduire le rythme, elle frappe la table de l’instrument comme elle aurait pu battre la peau du tambour, le tbal. L’un des fils s’accroupit derrière son père et chante. Ils sont trois, c’est la formation minimale pour jouer cette musique de chambre élégante, apanage des griots professionnels, personnages respectés et craints. Dès l’enfance, ils s’initient aux complexités de cette musique savante dont la tradition se perpétue depuis trois siècles. Pentatonique, la musique maure, explique Michel Guignard, auteur de l’ouvrage de référence, hélas épuisé, Musique, honneur et plaisir au Sahara, se distingue de la musique arabe, heptatonique. C’est aussi une musique modale : cinq modes principaux, vingt-huit sous-modes et deux « voies » – blanche (la nostalgie) et noire (la tension). Une musique sophistiquée et raffinée que tout jeune noble maure, forcément mezzaywan, mélomane, doit connaître. Elle est jouée à l’abri de la khaïma, la tente des nomades : musique de chambre, elle requiert proximité, convivialité et attention. Connaisseur, l’auditeur s’exclamera volontiers à l’écoute d’un barma, un « tour de gorge », zayn hatta, très beau ! Et c’est très beau en effet. Au Théâtre des Abbesses, Sid Ahmed, tidinît et voix, sera accompagné de son fils Ahmed Ould Sid Ahmed, tidinît et voix ; de sa bellefille, Oum El-Kheïry Mint Ebweysif, ardine, voix et tbal ; et de l’une de ses nièces, Mama Mint Abdellahi Ould Nanna, ardine, voix et tbal. J. E. S. Ahmed Ould, ph. B. Minimum, Mondomix K. Khalor, ph. B. Minimum, Mondomix premiers professeurs, Süleyman Erguner est passé maître en l’art de cet instrument dont la douceur touche au plus profond de l’âme. Avec son frère Kudsi, il a su enrichir ce brillant héritage familial d’une touche très personnelle, composant sur les poèmes des plus grands mystiques, ouvrant dès 1975 ce répertoire à un auditoire élargi, du Japon aux États-Unis en passant par l’Europe. Dans son pays natal la Turquie, il multiplie les expériences : à Istanbul, enseignant au conservatoire de l’université, instrumentiste à la Radio Télévision dont il dirige le chœur classique et l’ensemble mystique, chef de l’ensemble musical Mevlevi, confrérie des derviches tourneurs, directeur artistique de l’Ensemble de femmes, il compte aussi à son actif une vingtaine d’enregistrements. Pour son premier récital au Théâtre de la Ville, il sera entouré de Hasan Esen au kamantché, fidèle compagnon, et d’Ali Riza Sahin, muezzin de la mosquée Fatih d’Istanbul. Un concert sous la grâce de cette flûte, « écorce transparente animée par le souffle divin ». J. M. 63 calendrier NOVEMBRE 2004 SEPTEMBRE 2004 LU 20 MA 21 ME 22 JE 23 VE 24 SA 25 DI 26 LU 27 MA 28 ME 29 JE 30 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros 20h30 mat 15 h u Denez Prigent Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat u L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat OCTOBRE 2004 VE 1 SA 2 DI 3 LU 4 MA 5 ME 6 JE 7 VE 8 SA 9 DI 10 LU 11 MA 12 ME 13 JE 14 VE 15 SA 16 DI 17 LU 18 MA 19 ME 20 JE 21 VE 22 SA 23 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 mat 15 h u Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros u Denez Prigent Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Rhinocéros Ghulam Mustafa Khan 17h 20h30 mat 15 h u L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat L’Histoire du soldat u Sasha Waltz Sasha Waltz Sasha Waltz Sasha Waltz Staier/Schornsheim 17h Sasha Waltz Femmes gare aux… Femmes gare aux… Femmes gare aux… Femmes gare aux… Mathilde Monnier Mathilde Monnier Mathilde Monnier Mathilde Monnier Davlatmand 17h Mathilde Monnier Femmes gare aux… Femmes gare aux… Femmes gare aux… Femmes gare aux… DI 24 LU 25 MA 26 ME 27 Le Vase de parfums JE 28 Le Vase de parfums VE 29 SA 30 Femmes gare aux… Femmes gare aux… Femmes gare aux… u Femmes gare aux… Femmes gare aux… u Femmes gare aux… S. Shivalingappa S. Shivalingappa Maria-Kiran Maria-Kiran Maria-Kiran 17h S. Shivalingappa DI 31 en noir = théâtre, danse en rouge = musique 64 JE 4 VE 5 SA 6 DI 7 LU 8 MA 9 ME 10 JE 11 VE 12 SA 13 DI 14 LU 15 MA 16 ME 17 JE 18 VE 19 SA 20 DI 21 LU 22 MA 23 ME 24 JE 25 VE 26 SA 27 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 mat 15 h u Sidi Larbi Cherkaoui Sidi Larbi Cherkaoui M. Juma/Z. Swaleh 17h Sidi Larbi Cherkaoui Sidi Larbi Cherkaoui u 20h30 mat 15 h u Pessah/Passage Pessah/Passage Sidi Larbi Cherkaoui Sidi Larbi Cherkaoui Sidi Larbi Cherkaoui Sidi Larbi Cherkaoui Christian Zacharias 17h Sidi Larbi Cherkaoui Pessah/Passage Pessah/Passage Pessah/Passage Pessah/Passage Akram Khan Akram Khan Akram Khan Akram Khan Van Spaendonck… 17h Akram Khan Pessah/Passage Pessah/Passage Pessah/Passage Pessah/Passage Jan Fabre Jan Fabre Jan Fabre Jan Fabre Sowmya 17h Jan Fabre DI 28 LU 29 MA 30 Wim Vandekeybus Pessah/Passage Pessah/Passage u Pessah/Passage Gülcan Kaya Pessah/Passage Pessah/Passage Pessah/Passage Pessah/Passage Pessah/Passage Koen Augustijnen DECEMBRE 2004 ME JE VE SA 1 2 3 4 DI 5 LU 6 MA 7 ME 8 JE 9 VE 10 SA 11 DI 12 LU 13 MA 14 ME 15 JE 16 VE 17 SA 18 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Wim Vandekeybus Ustad Hamâhang… 17h Wim Vandekeybus 20h30 mat 15 h u Koen Augustijnen Koen Augustijnen Koen Augustijnen Marco Berrettini Marco Berrettini Marco Berrettini Marco Berrettini Quatuor de Tokyo 17h Marco Berrettini Les animaux… Les animaux… Les animaux… La Veillée des abysses La Veillée des abysses La Veillée des abysses La Veillée des abysses Z. Hussain/S. Khan 17h La Veillée des abysses DI 19 Z. Hussain/Ganesh… 17h LU 20 MA 21 La Veillée des abysses ME 22 La Veillée des abysses JE 23 La Veillée des abysses VE 24 SA 25 DI 26 LU 27 La Veillée des abysses 17h MA 28 La Veillée des abysses ME 29 La Veillée des abysses Koen Augustijnen Les animaux…u Divna Les animaux… Les animaux… Les animaux… Les animaux… Les animaux… Les animaux…u Les animaux… Les animaux… Les animaux… Les animaux… Les animaux… Les animaux… NOVEMBRE 2004 JANVIER 2005 AUBERVILLIERS CENTRE G. POMPIDOU THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 mat 16 h u 20h30 20h30 mat 15 h u 20h30 mat 15 h u Boyzie Cekwana Boyzie Cekwana Boyzie Cekwana Boyzie Cekwana JE 4 VE 5 Paradise SA 6 Paradise MA ME JE VE SA DI 7 LU 8 MA 9 ME 10 JE 11 VE 12 SA 13 Paradise u DI 14 LU 15 MA 16 ME 17 JE 18 VE 19 SA 20 Paradise u Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise La Ribot La Ribot La Ribot DI 21 LU 22 MA 23 ME 24 JE 25 VE 26 SA 27 Paradise u La Ribot 17h 4 5 6 Le Belvédère 7 Le Belvédère 8 Héngameh Akhavan 17h Le Belvédère DI 9 LU 10 MA 11 Le Belvédère ME 12 Le Belvédère JE 13 Le Belvédère VE 14 Le Belvédère SA 15 Le Belvédère DI 16 Le Belvédère u LU 17 MA 18 Le Belvédère ME 19 Le Belvédère JE 20 Le Belvédère VE 21 Le Belvédère SA 22 Knar 17h Le Belvédère DI 23 Le Belvédère u LU 24 MA 25 Le Belvédère ME 26 Le Belvédère JE 27 Le Belvédère VE 28 Le Belvédère SA 29 Ferenc Vizi 17h DI 30 LU 31 Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise DI 28 Paradise u LU 29 MA 30 Paradise Boyzie Cekwana Hans Van den Broeck Hans Van den Broeck Hans Van den Broeck Hans Van den Broeck Thaïlande 17h Hans Van den Broeck Thaïlande 17h Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… u DECEMBRE 2004 ME JE VE SA 1 2 3 4 AUBERVILLIERS CITÉ INTER. BASTILLE 20h30 Paradise Paradise Paradise Paradise 20h30 21h DI 5 LU 6 MA 7 ME 8 JE 9 VE 10 SA 11 Paradise 16 h DI 12 LU 13 MA 14 ME 15 JE 16 Paradise 16 h Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise Paradise P. Droulers P. Droulers P. Droulers MA ME JE VE SA P. Droulers P. Droulers P. Droulers P. Droulers P. Droulers P. Droulers 15h P. Droulers P. Droulers FEVRIER 2005 O. Mesa O. Mesa O. Mesa O. Mesa 17h O. Mesa O. Mesa 1 2 3 4 5 DI 6 LU 7 MA 8 ME 9 JE 10 VE 11 SA 12 DI 13 LU 14 MA 15 ME 16 JE 17 VE 18 SA 19 DI 20 LU 21 MA 22 ME 23 JE 24 VE 25 SA 26 DI 27 LU 28 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 Thomas Hauert Thomas Hauert Kühn/Portal Thomas Hauert Ashok Pathak 17h Thomas Hauert 20h30 mat 15 h u Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Jan Lauwers Jan Lauwers Jan Lauwers Jan Lauwers Alexandre Tharaud 17h Jan Lauwers Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Dans la solitude… Robyn Orlin Robyn Orlin Robyn Orlin Robyn Orlin Robyn Orlin Hervé Robbe Hervé Robbe Hervé Robbe Hervé Robbe Hervé Robbe age ont m t n e ns Jua itio Don t é rép El Dans la solitude… Dans la solitude… u Dans la solitude… Les Ballets C. de la B. Les Ballets C. de la B. Les Ballets C. de la B. Les Ballets C. de la B. Les Ballets C. de la B. 65 MARS 2005 MARS 2005 LU 7 MA 8 ME 9 JE 10 VE 11 SA 12 DI 13 LU 14 MA 15 ME 16 JE 17 VE 18 SA 19 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES CITÉ INTERNATIONALE CND DE PANTIN 20h30 mat 15 h u El Don Juan El Don Juan El Don Juan El Don Juan El Don Juan Hussain Khan 17h El Don Juan 20h30 mat 15 h u 20h30 mat 15 h u 20h30 El Don Juan El Don Juan El Don Juan El Don Juan Phillips/Strosser 17h El Don Juan El Don Juan u Steppes El Don Juan El Don Juan El Don Juan El Don Juan DI 20 LU 21 MA 22 ME 23 JE 24 VE 25 SA 26 DI 27 LU 28 MA 29 ME 30 Bernardo Montet JE 31 Bernardo Montet La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … LU 7 MA 8 ME 9 JE 10 VE 11 SA 12 Meg Stuart/B. Lachambre Meg Stuart/B. Lachambre Meg Stuart/B. Lachambre Meg Stuart/B. Lachambre La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … Imas Permas… 17h La Fille aux rubans … Imas Permas… 17h La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux … u La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … La Fille aux rubans … DI 13 LU 14 MA 15 ME 16 JE 17 VE 18 SA 19 Meg Stuart/B. Lachambre u Emmanuelle Vo-Dinh Emmanuelle Vo-Dinh Emmanuelle Vo-Dinh DI 20 LU 21 Emmanuelle Vo-Dinh MA 22 Emmanuelle Vo-Dinh ME 23 JE 24 VE 25 SA 26 DI 27 LU 28 MA 29 ME 30 JE 31 AVRIL 2005 THEATRE DE LA VILLE 20h30 mat 15 h u VE 1 Bernardo Montet SA 2 Boston Camerata 17h Bernardo Montet DI 3 LU 4 MA 5 Sasha Waltz ME 6 Sasha Waltz JE 7 Sasha Waltz VE 8 Sasha Waltz SA 9 Biondi/Europa Galante 17h Sasha Waltz DI 10 LU 11 MA 12 Gilles Jobin ME 13 Gilles Jobin JE 14 Gilles Jobin VE 15 Gilles Jobin SA 16 Fakirs… 17h Gilles Jobin DI 17 LU 18 MA 19 Josef Nadj ME 20 Josef Nadj JE 21 Tetzlaff/Andsnes VE 22 Josef Nadj SA 23 Josef Nadj DI 24 Josef Nadj u LU 25 Josef Nadj MA 26 Josef Nadj ME 27 JE 28 VE 29 SA 30 66 Nathalie Pernette Nathalie Pernette Nathalie Pernette Nathalie Pernette Nathalie Pernette Nathalie Pernette Nathalie Pernette Nathalie Pernette MAI 2005 LES ABBESSES THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 La Fille aux rubans … Tadjikistan 17h La Fille aux rubans … 20h30 20h30 Pina Bausch Pina Bausch Pina Bausch age ont m et ns ge titio L’Ora é p ré Pina Bausch Pina Bausch 17h Pina Bausch Pina Bausch Ross Daly Pina Bausch Pina Bausch Pina Bausch Pina Bausch 17h age ont m t se e ion rag étit L’O p é r Hallynck/Tiberghien Mahmoud Ahmed Kronos Quartet Conservatoire… Conservatoire… L’Orage L’Orage L’Orage L’Orage L’Orage François Verret François Verret François Verret François Verret François Verret Kalhor/Aghaï L’Orage L’Orage L’Orage L’Orage L’Orage Wayn Traub Yasuaki Shimizu L’Orage La Tête ailleurs La Tête ailleurs La Tête ailleurs La Tête ailleurs La Tête ailleurs Shashank La Tête ailleurs La Tête ailleurs La Tête ailleurs La Tête ailleurs La Tête ailleurs Madhavi Mudgal Madhavi Mudgal Madhavi Mudgal Madhavi Mudgal Madhavi Mudgal DI 1 LU 2 MA 3 ME 4 JE 5 VE 6 SA 7 DI 8 LU 9 MA 10 ME 11 JE 12 VE 13 SA 14 DI 15 LU 16 MA 17 ME 18 JE 19 VE 20 SA 21 DI 22 LU 23 MA 24 ME 25 JE 26 VE 27 SA 28 DI 29 LU 30 MA 31 JUIN 2005 ME 1 JE 2 VE 3 SA 4 DI 5 LU 6 MA 7 ME 8 JE 9 VE 10 SA 11 THEATRE DE LA VILLE LES ABBESSES 20h30 Wayn Traub Wayn Traub Wayn Traub Wayn Traub 20h30 mat 15 h u L’Orage Süleyman Erguner… L’Orage L’Orage L’Orage u De Keersmaeker 1er prog. De Keersmaeker 1er prog. De Keersmaeker 1er prog. De Keersmaeker 1er prog. L’Orage L’Orage L’Orage L’Orage Ould Ahmed Zaydan 17h L’Orage Gérard Violette directeur De Keersmaeker 1er prog. DI 12 LU 13 MA 14 ME 15 JE 16 VE 17 SA 18 DI 19 LU 20 MA 21 ME 22 JE 23 VE 24 SA 25 DI 26 LU 27 MA 28 ME 29 JE 30 De Keersmaeker 2e prog. De Keersmaeker 2e prog. De Keersmaeker 2e prog. De Keersmaeker 2e prog. Brice Leroux Brice Leroux Brice Leroux Brice Leroux Brice Leroux Emmanuelle Huynh Emmanuelle Huynh Emmanuelle Huynh Emmanuelle Huynh Christian Rizzo Christian Rizzo Christian Rizzo THEATRE DE LA VILLE Brigitte Giuliani assistante de direction ADMINISTRATION Michael Chase administrateur Marie-Christine Chastaing chef service paie Solen Le Guen adjointe de l'administrateur ARTISTIQUE Serge Peyrat Antoine Violette Bang on a can all-stars Jacques Erwan Georges Gara Soudabeh Kia directeur adjoint à la programmation directeur technique à la communication conseiller musiques du monde conseiller musique conseillère musiques du monde COMMUNICATION Anne-Marie Bigorne secrétaire générale Jacqueline Magnier relations presse, publicité et documentation Marie-Laure Violette relations presse, iconographie Elisa Santos invitations RELATIONS AVEC LE PUBLIC Lydia Gaborit responsable du service Florence Thoirey-Fourcade Andrés Marín Andrés Marín Andrés Marín Andrés Marín RELATIONS PUBLIQUES "JEUNES" (étudiants, enseignement…) Isabelle-Anne Person Maud Rognion LOCATION Marie Katz Ariane Bitrin ACCUEIL Natacha Reese responsable du service responsable du service ACCUEIL DES ABBESSES (artistes et public) Delphine Dupont responsable du service JUILLET 2005 LES ABBESSES 20h30 VE 1 l’équipe Andrés Marín en noir = théâtre, danse en rouge = musique TECHNIQUE Serban Boureanu Jean-Michel Vanson Jean-Marie Marty Claude Lecoq Jean-Claude Paton Manuel Sanchez Frédéric Duplessier Charles Deligny Didier Hurard Pierre Tamisier Alain Frouin Victor Koeppel Marion Pépin directeur technique directeur technique adjoint régisseur général directeur de scène sous-chef machiniste chef cintrier chef électricien sous-chef électricien chef accessoiriste chef service son régisseur du son régisseur du son chef habilleuse TECHNIQUE DES ABBESSES Alain Szlendak directeur technique Patrice Guillemot régisseur général Georges Jacquemart régisseur son ENTRETIEN SÉCURITÉ Jacques Ferrando Jean-Claude Riguet IMPRIMERIE Robert Ainaud ISSN 0248-8248 DIRECTION, ADMINISTRATION : 16 quai de Gesvres 75180 Paris Cedex 04, Tél. : 01 48 87 54 42 directeur de la publication : Gérard Violette maquette : Maurice et Juliette Constantin correcteur : Philippe Bloch Imprimerie STIPA : 8 rue des Lilas 93189 Montreuil Cedex Tél. : 01 48 18 22 50 67 prix des places • programme distribué par les hôtesses • pourboire interdit • places numérotées (sauf exception) TARIF A théâtre, danse re NORMAL 1 cat. 23 e 2e cat. 16 e JEUNES 1re et 2e catégorie ..........11,5 e TARIF B théâtre, danse, opéra re NORMAL 1 cat. 26 e 2e cat. 17 e JEUNES 1re et 2e catégorie .............13 e TARIF C théâtre, danse NORMAL 1 seule catégorie............. 17 e JEUNES 1 seule catégorie........... 11,5 e TARIF D musique, musiques du monde, chanson NORMAL 1 seule catégorie............. 16 e JEUNES 1 seule catégorie............11,5 e TARIF exceptionnel Pina Bausch re NORMAL 1 cat. 30 e 2e cat. 23 e re e JEUNES 1 et 2 catégorie............. 23 e JEUNES : moins de 27 ans ou étudiant (justificatif obligatoire) location COMMENT RÉSERVER ? • par téléphone 01 42 74 22 77 du lundi au samedi de 11h à 19h • aux caisses : THEATRE DE LA VILLE 2 place du Châtelet, Paris 4 du mardi au samedi de 11h à 20h (lundi de 11h à 19h) LES ABBESSES 31 rue des Abbesses, Paris 18 du mardi au samedi de 17h à 20h • par correspondance : 2 pl. du Châtelet 75180 Paris Cedex 04 QUAND RÉSERVER ? • LOCATION PRIORITAIRE abonnements, cartes : 28 jours à l'avance, jour pour jour (7 jours de location réservée) • LOCATION NORMALE 21 jours à l'avance, jour pour jour renseignements 68 tél. 01 42 74 22 77 www.theatredelaville-paris.com individuels les abonnements jeunes THEATRE-DANSE • 4 spectacles minimum •10 spectacles minimum MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT * THEATRE-DANSE •3 spectacles minimum PASSEPORT MUSICAL • 8 places minimum, 4 programmes minimum PASSEPORT MUSICAL • 8 places minimum, 4 programmes minimum t les abonnements individuels l tarifs préférentiels abonnement ABONNEMENT TARIF A TARIF B TARIF C TARIF D TARIF EXC. THEATRE-DANSE MUSIQUE… 4 spect. 10 spect. jeune 3 spect. 1re catégorie 1re catégorie 1re catégorie 14,5 e 17 e 12,5 e 23 e 11,5 e 14 e 10,5 e 19,5 e 10 e 11,5 e 10 e 19,5 e pass. mus. tarif normal 1re catégorie 1re catégorie 10 e - 23 26 17 16 30 e e e e e jeune tarif normal toutes catégories 11,5 13 11,5 11,5 23 e e e e e l tarifs préférentiels hors abonnement 2 places à tarif préférentiel par abonné(e) sur tous les spectacles dans la limite des places disponibles. HORS ABT THEATRE-DANSE 4 spect. 10 spect. ttes catégories ttes catégories TARIF A TARIF B TARIF C TARIF D TARIF EXC. l location 12,5 14 11,5 10 23 e e e e e 12,5 14 11,5 10 19,5 e e e e e MUSIQUE… jeune 3 spect. pass. mus. ttes catégories ttes catégories 10 11,5 10 10 19,5 e e e e e 12,5 14 11,5 10 23 e e e e e prioritaire 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation (7 jours de location réservée). la carte (8 e) places aux jeunes t la carte (22 e) places à 2 MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT * 2 places à tarif préférentiel sur tous les specl tarifs préférentiels cartes tacles dans la limite des places disponibles. CARTES THEATRE-DANSE-MUSIQUE places à 2 places aux jeunes toutes catégories TARIF A TARIF B TARIF C TARIF D TARIF EXC. 12,5 14 11,5 10 23 e e e e e toutes catégories 10 11,5 10 10 19,5 e e e e e tarif normal jeune tarif normal 1re/2e catégorie toutes catégories 23/16 e 26/17 e 17 e 16 e 30/23 e 11,5 13 11,5 11,5 23 e e e e e l location prioritaire par correspondance : 5 SEMAINES JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation ; par téléphone et aux caisses : 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation (7 jours de location réservée). * justificatif obligatoire 69 individuels (suite) l autres avantages abonnement et cartes journal envoi à domicile du journal du Théâtre de la Ville (textes et photos), 4 numéros par saison. librairie, disques tarifs préférentiels sur les disques et les livres vendus après certains spectacles. renseignements “individuels” tél. 01 42 74 22 77 relais t Vous devenez relais en prenant l'initiative de regrouper au minimum 10 personnes intéressées à souscrire un abonnement au Théâtre de la Ville pour un minimum de 3 spectacles. Ces 10 personnes sont alors des abonnés relayés. Le relais a la possibilité de mêler public adulte et jeune dans un même abonnement et ainsi de bénéficier des tarifs relais et relais jeunes. les abonnements relais les abonnements relais jeunes MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT THEATRE-DANSE • 3 spectacles minimum, • 10 places minimum/spectacle THEATRE-DANSE • 3 spectacles minimum, 10 places minimum/spectacle PASSEPORT MUSICAL • 3 programmes minimum, • 10 places minimum/programme PASSEPORT MUSICAL • 3 programmes minimum, 10 places minimum/programme l tarifs préférentiels abonnement relais ABT RELAIS THEATRE-DANSE MUSIQUE 3 spect. jeune 3 spect. pass. mus. TARIF A TARIF B TARIF C TARIF D TARIF EXC. 11,5 e 14 e 10,5 e 19,5 e 8e 8e 8e 19,5 e 10 e - pass. mus. jeune tarif normal 8e - 23 26 17 16 30 e e e e e jeune tarif normal 11,5 13 11,5 11,5 23 e e e e e Si le relais a communiqué les coordonnées de ses abonnés relayés : l journal l tarifs envoi à domicile du journal du Théâtre de la Ville à chaque abonné relayé préférentiels hors abonnement relais - location prioritaire L’abonné relayé peut demander aux services relations publiques une carte d’abonnement personnalisée lui donnant les avantages suivants : HORS 70 relais relais jeunes 2 places à tarif préfé- ABONNEMENT toutes catégories toutes catégories rentiel par abonné(e) TARIF A 12,5 e 10 e sur tous les spectacles TARIF B 14 e 11,5 e dans la limite des places disponibles. TARIF C 11,5 e 10 e TARIF D 10 e 10 e e e TARIF EXC. 23 19,5 location prioritaire 28 JOURS, JOUR POUR JOUR avant celui de la représentation (7 jours de location réservée). t les groupes les groupes jeunes 10 places minimum/spectacle MOINS DE 27 ANS OU ÉTUDIANT 10 places minimum/spectacle t À partir du mois de septembre, la réservation pour les groupes est limitée aux spectacles ayant lieu en septembre-octobre dans la limite des places disponibles. Dès le mois de novembre, la réservation pour les groupes s’étend à tous les spectacles de la saison dans la limite des places disponibles. la carte liberté relais 40 e la carte Carte réservée aux comités d’entreprise et aux associations, qui permet de bénéficier de tarifs préférentiels et d’une réservation sans contrainte de nombre fixe de places par représentation, dans la limite des places disponibles (conditions particulières de location). l tarifs préférentiels groupes et carte liberté relais THEATRE-DANSE- MUSIQUE TARIF A TARIF B TARIF C TARIF D groupes groupes jeunes carte liberté relais toutes catégories toutes catégories toutes catégorie 12,5 14 11,5 10 e e e e 8 8 8 8 e e e e 12,5 14 11,5 10 e e e e tarif normal jeune tarif normal 1re/2e catégorie toutes catégories 23/16 e 26/17 e 17 e 16 e 11,5 13 11,5 11,5 e e e e pour vous conseiller, vous renseigner, vous servir * RELATIONS AVEC LE PUBLIC RELATIONS PUBLIQUES “JEUNES” comités d’entreprise, associations, relais jeunes, étudiants, groupes d’amis enseignement Lydia Gaborit, responsable du service ; Isabelle-Anne Person Florence Thoirey-Fourcade ; Maud Rognion tél. 01 48 87 54 42 Isabelle Krich, secrétariat tél. 01 48 87 54 42 suivi personnalisé et mise en organisation de manifestations place d’actions pédagogiques autour des spectacles, forums, avec chacun des relais visites du Théâtre… intéressés souscription, choix des dates, règlements * LOCATION RELAIS Marie Katz, responsable du service ; Ariane Bitrin tél. 01 48 87 43 05 (ligne directe) - fax 01 48 87 09 81 renseignements, formulaires Formulaires d’abonnements individuels et relais : - dans le hall du Théâtre de la Ville ; - à télécharger sur www.theatredelaville-paris.com et à envoyer par correspondance; - envoi à domicile sur demande. * Jusqu’au 16 juillet et à partir du 23 août. 71 théâtre et danse : partenaires au 30 avril THÉÂTRE DE LA VILLE EL DON JUAN Le Teatro Malandro est soutenu par le DIP de l’État de Genève et la Ville de Genève – département des Affaires culturelles. VASE DE PARFUMS Production Angers Nantes Opéra. Coproduction Ensemble Orchestral Contemporain – A Sei Voci. SASHA WALTZ IMPROMPTUS Coproduction Schaubühne am Lehniner Platz, Berlin – Teatro Comunale di Ferrara. MATHILDE MONNIER PUBLIQUE Coproduction Festival Montpellier Danse 2004 – Théâtre de la Ville, Paris – Festival d’Automne à Paris – deSingel, Anvers – Centre chorégraphique national de Montpellier Languedoc-Roussillon. SIDI LARBI CHERKAOUI TEMPUS FUGIT Coproduction Festival d’Avignon – Théâtre de la Ville, Paris – Tanztheater Wuppertal-Pina Bausch – Kunstencentrum Vooruit, Gand. En collaboration avec STUK Louvain. WAYN TRAUB JEAN-BAPTISTE Production Het Toneelhuis.Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Vlaams Radio Orkest. ANNE TERESA DE KEERSMAEKER A LOVE… • SOLOS… Production Rosas & De Munt, La Monnaie. Dans le cadre du KunstenFestivaldesArts. Avec l’aide de la Monnaie Foundation. EMMANUELLE HUYNH HEROES Coproduction Centre national de danse contemporaine, Angers – Théâtre de la Ville, Paris – Centre national de la danse, Pantin – compagnie Mua. AKRAM KHAN MA Coproduction The South Bank Centre, Londres – Théâtre de la Ville, Paris – Singapore Arts Festival – Romaeuropa Festival, Rome – Kunstencentrum Vooruit, Gand – Tanzhaus, Düsseldorf – Holland Festival, Amsterdam – Göteborg Dance et Theatre Festival-Lincoln Center for Performing Arts, New York. L’Akram Khan company reçoit l'appui de l’Arts Council England et du British Council. CHRISTIAN RIZZO SOIT LE PUITS ÉTAIT PROFOND, SOIT… Production l’Association Fragile. Coproduction Centre national de la danse de Pantin – Théâtre de la Ville, Paris – Le Quartz, scène nationale de Brest. L’Association Fragile est subventionnée par le ministère de la Culture et de la Communication-DRAC Ile-de-France, au titre de l’aide aux compagnies. JAN FABRE THE CRYING BODY Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – deSingel, Anvers. LES ABBESSES WIM VANDEKEYBUS SONIC BOOM Production Toneelgroep Amsterdam et Ultima Vez. Coproduction Festival de Marseille – PACT Zollverein, Choreographisches Zentrum NRW, Essen – Stadsschouwburg Amsterdam. Ultima Vez reçoit l’appui de la Communauté flamande. Avec la coopération de la Commission communautaire flamande de la région de Bruxelles-Capitale. MARCO BERRITTINI NO PARADERAN Coproduction * Melk Prod. – Théâtre de la Ville, Paris – Festival d’Automne à Paris – L’Espace Malraux, scène nationale de Chambéry et de la Savoie (Résidence de création) – Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne, Compagnie Montalvo-Hervieu. Avec le soutien de la MC2, la Maison de la culture de Grenoble, de la Fondation Beaumarchais, de l’Adami, de ProHelvetia (Fondation suisse pour la culture). Avec l’aide du Parc de la Villette pour le prêt studio. La compagnie *Melk Prod. est subventionnée au titre de l’aide aux compagnies chorégraphiques par le ministère de la Culture et de la Communication-DRAC Ile-de-France. THOMAS HAUERT CRÉATION 2004 Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Kaaitheater, Bruxelles – Tanzquartier, Vienne. Avec le soutien du gouvernement de la Flandre, de Vlaamse Gemeenschapscommissie, de Pro-Helvetia, de “Ein Kulturengagement des Lotterie-Fonds des Kantons Solothum” et de la SACD (programme “1500 heures pour danser”). JAN LAUWERS LA CHAMBRE D’ISABELLA Coproduction Festival d’Avignon – Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre de Garonne, Toulouse – La Rose des Vents, Villeneuve-d’Ascq – Octobre en Normandie – Brooklyn Academy of music, New York – Welt in Basel Theaterfestival. Avec la coopération du Kaaitheater, Bruxelles et de la Commission communautaire flamande de la région Bruxelles-Capitale. Needcompany bénéficie de l’aide du ministère de la Communauté flamande et la Loterie nationale. ROBYN ORLIN WHEN I TAKE OFF MY SKIN AND TOUCH … Coproduction City Theater & Dance Group – Théâtre de la Ville, Paris – Le Cargo, scène nationale de Grenoble – Grand Théâtre de Luxembourg. Avec le soutien du Théâtre de la Ville de Reimscheid. BERNARDO MONTET PARCOURS 2C Coproduction Centre chorégraphique national de Tours – Association Mawguerite – Théâtre de la Ville, Paris – Le Quartz, scène nationale de Brest. Avec le soutien de la ville de Chambray-lès-Tours. Le Centre chorégraphique national de Tours est subventionné par la ville de Tours, la DRAC Centre (ministère de la Culture) DMDTS, le conseil régional du Centre et le conseil général d’Indre-et-Loire. 72 JOSEF NADJ POUSSIÈRE DE SOLEILS Coproduction Centre chorégraphique national d’Orléans – Carré Saint-Vincent, scène nationale d’Orléans – Théâtre national de Bretagne – Théâtre de la Ville, Paris – Le Volcan, scène nationale du Havre. FRANÇOIS VERRET NOT A WAY Coproduction Théâtre national de Bretagne, TNB, Rennes – Compagnie FV, Paris – Théâtre de la Ville, Paris – Opéra de Lille. La Compagnie FV est soutenue par la DRAC Ilede-France, ministère de la Culture et de la Communication et par le conseil général de Seine-SaintDenis. GILLES JOBIN CRÉATION 2005 Production Parano Fondation, Lausanne. Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Spielzeiteuropa/Berliner Festspiele, Berlin – Teatro Comunale Di Ferrara, Italie – Théâtre Arsenic, Lausanne – Danse à Aix, Aix-enProvence. Avec le soutien de la ville de Lausanne, du Canton de Vaud, Pro-Helvetia (Fondation suisse pour la culture) et la Loterie romande. PESSAH / PASSAGE Production Maison de la culture de Bourges / Centre de créations et de productions en région Centre. Coproduction Compagnie Lettre H – Théâtre de la Ville, Paris. L’ORAGE La Compagnie l’Héliotrope reçoit le soutien de la DRAC Haute-Normandie/ministère de la Culture et de la région Haute-Normandie. KOEN AUGUSTIJNEN BÂCHE Production Les Ballets C. de la B. Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Hebbel Theater, Berlin – Tanzhaus NRW, Düsseldorf – Centre d’Arts, Gand – Göteborg Dance & Theatre Festival, Göteborg – La Rose des Vents, Villeneuve- d’Ascq. BOYZIE CEKWANA RONA • JA, NEE Coproduction The Floating Outfit Project – Centre national de la danse de Pantin – Springdance, Utrecht. Avec le soutien de l’AFAA (Association française d’action artistique, Afrique en créations, ministère des Affaires étrangères) et de Georgina Thompson (Dance Umbrella, Johannesburg), Jerry Pooe et Eager Artists. HANS VAN DEN BROECK ALMOST DARK Production SOIT. Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – La Rose des Vents, Villeneuve-d’Ascq. En collaboration avec le Kunstencentrum Vooruit Gand, STUK Louvain, CK*/De Kortrijkse Schouwburg Courtrai, KVS Bottelarij de Bruxelles. Avec le soutien du ministère de la Culture de la Communauté flamande. HERVÉ ROBBE << REW Production Centre chorégraphique national du Havre Haute-Normandie. Coproduction Festival de danse de Cannes – Commande de Culturgest, Lisbonne 2003 – IRCAM-Centre Georges Pompidou. BALLETS C. DE LA B. PROPOSITIONS Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – Tanzquartier, Vienne – Kunstencentrum Vooruit, Gand – Hebbel Theater, Berlin. BRICE LEROUX QUASAR-QUATUOR Production vzw Continuum, Bruxelles. Coproduction Théâtre national de Bretagne, Rennes (résidence dans le cadre du Centre européen de production théâtrale et chorégraphique) – KunstenFestivaldesArts, Bruxelles – Théâtre de la Ville, Paris – Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne (dans le cadre d’un accueil-studio). Avec le soutien de la Communauté flamande, du Festival Armunia, Castiglioncello. ANDRÉS MARÍN ASIMETRÍAS Production Arte et Movimiento Producciones. Avec le soutien de la Junta de Andalucía Consejería de Cultura. photos couvertures : R. Orlin, A. van Kooij, C. P. Satyajit, J.-P. Lozouet, I. et J. Cieslikowscy, K. Van der Elst, R. Haughton, L. Philippe, A. Monot, A. Maniglier, Ch. Van der Burght, Enguerand, M. Domage, M. Coudrais, J. Magnier, X DR. photos Birgit 2 théâtres THEATRE DE LA VILLE 2 PL. DU CHÂTELET PARIS 4 LES ABBESSES 31 RUE DES ABBESSES PARIS 18 HORS LES MURS 5 THÉÂTRES AU THÉÂTRE DE LA CITÉ INTERNATIONALE 17 BD JOURDAN PARIS 14 PIERRE DROULERS INOUÏ Coproduction Charleroi, Danses – Festival de Marseille – Festival d’Automne à Paris – Théâtre de la Ville, Paris. Avec l’aide du Centre de développement chorégraphique de Toulouse/Midi-Pyrénées dans le cadre du projet “In Vivo”. Avec le soutien du Centre chorégraphique de Rennes et de Bretagne, et du Théâtre de la Balsamine. Avec la collaboration de l’Agence WallonieBruxelles Théâtre et du service Culture de la commune d’Ixelles. La Compagnie Pierre Droulers est subventionnée par la Communauté française de Belgique, direction générale de la Culture, service Danse. MEG STUART/BENOÎT LACHAMBRE/HAHN ROWE FORGERIES… Production Damaged Goods – par b.l.eux ; Coproduction Schauspielhaus Zürich – Volksbühne am Rosa-Luxembourg-Platz, Berlin – Centre national des Arts, Ottawa. Meg Stuart/Damaged Goods sont artistes en résidence au Schauspielhaus Zürich et bénéficient de l’aide du gouvernement flamand et de la Commission communautaire flamande. Benoît Lachambre/par b.l.eux remercient le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts de Montréal pour leur appui financier. EMMANUELLE VO-DINH CROISÉES Production Sui Generis. Coproduction Théâtre de la Ville, Paris – La Passerelle, scène nationale de Saint-Brieuc – Centre national de la danse de Pantin – L’Arsenal, Metz. La compagnie Sui Generis est subventionnée par la direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne, le ministère de la Culture et de la Communication (aide aux compagnies chorégraphiques), le conseil régional des Affaires culturelles de Bretagne, le conseil général des Côtes-d’Armor et la ville de Saint-Brieuc. La compagnie bénéficie du soutien de l’AFAA, Association française d’action artistique, et du ministère des Affaires étrangères pour ses tournées à l’étranger. AU THÉÂTRE DE LA COMMUNE D’AUBERVILLIERS 2 RUE ÉDOUARD POISSON AUBERVILLIERS 93 PARADISE Coproduction La Coursive, scène nationale de La Rochelle – Théâtre national Bordeaux-Aquitaine – Théâtre de la Commune/CDN d'Aubervilliers – Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées – Le Moulin du Roc, scène nationale de Niort – Compagnie du Soleil Bleu. La Compagnie du Soleil Bleu est conventionnée par le ministère de la Culture-DRAC Aquitaine et subventionnée par le conseil régional d'Aquitaine, le conseil général de la Gironde et la mairie de Bordeaux. AU THÉÂTRE DE LA BASTILLE 76 RUE DE LA ROQUETTE PARIS 11 OLGA MESA ON CHERCHE UNE DANSE Production Cia Olga Mesa.Coproduction Parc de La Villette dans le cadre des Résidences d’artistes 2004 – Centre chorégraphique national de Franche-Comté, Belfort – Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne dans le cadre de la mission Accueil-studio – Danse Bassin Méditerranée 2004 subventionné par la Commission européenne dans le cadre du programme Culture 2000 – Consejeria de las Artes, Comunidad de Madrid.Avec le soutien du Théâtre de la Ville, Paris ; du Théâtre Pôle Sud, Strasbourg ; du CND, Paris ; et du Théâtre de la Bastille. AU CENTRE GEORGES POMPIDOU 19 RUE BEAUBOURG PARIS 4 LA RIBOT 40 ESPONTANÉOS Production 36 Gazelles-La Ribot, Londres. Coproduction Le Quartz, scène nationale de Brest (création, résidence) – Théâtre de la Ville, Paris – Centre Pompidou – Festival d’Automne à Paris – La Batie, Festival de Genève. AU CND DE PANTIN 1 RUE VICTOR HUGO PANTIN 93 NATHALIE PERNETTE JE NE SAIS PAS • UN JOUR • PEUT-ÊTRE Coproduction Association NA – Centre national de la danse de Pantin – Théâtre de la Ville, Paris – Théâtre de l’Espace, scène nationale de Besançon – l’Agora de la danse, Montréal. En coréalisation avec Sur Terre multimédia, le Théâtre des Bergeries à Noisy-le-Sec et la ville des Mureaux. théâtre danse musique : partenaires radios Théâtre de la Ville 2 place du Châtelet Paris 4 01 42 74 22 77 theatredelaville-paris.com
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