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Université Protestante au Congo Faculté d’Administration des Affaires et Sciences Economiques Département des Sciences Economiques BP. 4745 Kinshasa II Kinshasa – Lingwala Théories de la croissance et des fluctuations économiques Partie II. Les Fluctuations économiques Alexandre NSHUE Mbo Mokime Première Licence Année Académique 2011 – 2012 Copyright Nshue 2011 Sommaire Introduction 1. Qu’entend-on par chocs et fluctuations de l’économie ? 1.1. Les fluctuations économiques ou cycles conjoncturelle 1.2. Les origines et déterminants des fluctuations ou cycles 1.3. L’identification des cycles économiques 2. Les théories keynésiennes des fluctuations 2.1. Le modèle de la demande agrégée : Le modèle IS-LM 2.2. L’arbitrage inflation – chômage : La courbe de Phillips 2.3. Les chocs et les fluctuations dans le modèle DA – 0A 3. La non-linéarité et l’explication endogène des fluctuations 3.1. L’oscillateur de Samuelson (1939) 3.2. Le modèle de croissance avec butoirs de Hicks (1950) 3.3. Le modèle de Goodwin (1951) 4. La théorie des cycles à l’équilibre 4.1. La parabole des îles de Phelps (1970) 4.2. Les anticipations, le risque et l’incertitude 4.3. Les chocs monétaires et le cycle économique 4.4. Les critiques de la théorie des cycles { l’équilibre 5. La théorie des cycles réels (TCR) 5.1. Le cadre d’analyse et le modèle canonique 5.2. Les chocs dans la théorie des cycles réels 5.3. La monnaie et les cycles réels Références bibliographiques 2 Introduction Le débat sur la régulation des économies n’a cessé de prendre des dimensions importantes depuis la grande crise des années trente. Nonobstant le profil régulier de la croissance économique mondiale de 1945 à 1973 (les Trente Glorieuses), les retournements de conjoncture n’ont pas totalement disparus. En effet, après avoir réalisé une forte croissance, il est possible de voir une économie s’enliser dans la récession, voire même s’engager dans un processus dépressif, lequel processus entraîne une détérioration sensible des conditions de vie de la population. La dynamique des économies modernes présente un profil si complexe et une régularité si douteuse qu’il appartient { l’analyse de représenter leur profil et de dire comment la combinaison de composantes multiples, de périodicité et d’amplitudes distinctes détermine ou influence la marche des économies. Ceci parce que ce profil temporel complexe rend compliquée la prévisibilité des actions menées par les différentes catégories d’agents que renferment les économies. D’aucuns voient dans cette complexité du profil des économies les germes des crises récurrentes. A la suite de Keynes, nombreux sont les économistes qui pensent que l’Etat devrait intervenir pour réguler le cours de l’activité économique. Mais il faut noter qu’il n’y a pas unanimité de vues quant aux orientations à assigner aux politiques macroéconomiques. Du reste, la croyance, largement répandue dans les années 1960, en la possibilité de réguler l’activité économique et donc d’éliminer les cycles économiques n’est plus de mise. Elle a été démentie { la fois par les faits et par les critiques formulées { l’encontre du réglage fin d’obédience keynésienne. Quoiqu’il en soit, l’analyse conjoncturelle est indispensable { la conduite de la politique macroéconomique, vue dans son double plan d’identification et d’explication des cycles. Le réglage de la politique macroéconomique, dans sa nature et dans sa finalité, suppose la connaissance préalable des cycles caractéristiques d’une économie. Il serait malvenu de mettre en œuvre une politique macroéconomique restrictive en période de récession au risque de l’aggraver et de faire basculer l’économie dans la dépression. Bien des théories ou modèles ont été développés pour rendre compte des mouvements de l’économie dans le court terme et de sous-tendre les orientations à assigner à la politique budgétaire et à la politique monétaire, tels le cas du modèle IS-LM, du modèle DA-OA, de l’Oscillateur de Samuelson, du modèle de Goodwin, de la théorie du cycle { l’équilibre (TCE), etc. Il sera question dans cette partie du cours, de présenter – dans une perspective historique – quelques théories de référence en la matière. Avant d’aborder ces différentes théories, nous allons fixer les vues sur les mouvements de l’économie dans le court terme, établir la différence qui existe entre la croissance économique et les fluctuations et préciser certains termes utilisés dans l’analyse de la conjoncture. 3 1 Qu’entend-on par chocs et fluctuations de l’économie ? L’objectif de l’activité économique est de fournir { la population les biens et services qu’elle désire. Les faits montrent que dans le long terme, le PIB et le niveau de vie des individus tendent à croître dans la plupart des pays. Mais { court terme, il y a une succession de périodes d’expansion et de contraction du PIB. Ces fluctuations demandent à être expliquées. Qu’est-ce qui est à leur origine, pourquoi persistent-elles des fois et que faut-il faire pour les estomper ? Dans ce chapitre, nous aurons à parler des fluctuations en donnant la différence qui existe entre elles et la croissance et en précisant certains concepts utilisés dans l’analyse de la conjoncture. Aussi, nous parlerons des chocs et de leur rôle dans les mouvements cycliques que connaît l’économie dans le court terme. 1.1. Les fluctuations économiques ou cycles conjoncturelles L’analyse des mouvements de l’économie dans le court terme renvoie { l’appréhension de la conjoncture, c’est-à-dire des deux principales phases caractérisant la marche des économies modernes : les phases d’expansion et les phases de récession. Cette alternance serait – selon Ragnar Frisch (1933) – la manifestation de la propagation, dans tout le système économique et dans le temps, des effets de chocs ayant secoué l’économie. Pour bien appréhender la conjoncture, il est important d’opérer une distinction nette entre l’identifiant d’un cycle (ou d’une fluctuation) et son expliquant. L’identifiant permet de déterminer les retournements de la conjoncture et de faire des prévisions alors que l’expliquant permet de dégager les origines des retournements et de suggérer des politiques pour corriger ou estomper les fluctuations. Les changements rapides des évolutions conjoncturelles peuvent constituer des indications des points de retournement de l’activité. Qu’est-ce que la conjoncture ? La conjoncture est la situation économique { un moment donné, d’un secteur, d’une branche d’activité, d’un pays, ou d’une région. Elle reflète la structure de l’économie { un moment de temps précis. On peut aussi dire que la structure définit la forme et le mode de cohésion de l’économie, et c’est la conjoncture qui en organise l’évolution. Il convient aussi de noter que l’étude de la croissance diffère de celle de la conjoncture. Cette dernière se réfère à des évolutions de court terme tandis que l’analyse de la croissance porte sur des évolutions de l’économie dans le long terme. L’explication de la conjoncture économique se fonde sur trois éléments importants, à savoir : l’état de l’économie { un moment donné est la résultante des comportements des agents et des mécanismes des marchés ; un tel état est peut connaître des perturbations ou être secoué par des chocs exogènes, aléatoires ou induits par les politiques macroéconomiques ; les modalités d’ajustement { ces divers chocs déterminent les séquences éventuelles d’une conjoncture. 4 Qu’entend-on par fluctuations ou cycles économiques ? Burns – Mitchell (1946) considèrent que le cycle économique est constitué d’expansions qui se produisent { peu près en même temps dans un grand nombre de branches d’activité, suivies par des récessions et des contractions également généralisées, puis par des regains de l’activité. Cette suite de changements est récurrente mais pas périodique; la durée des cycles économiques varie d’un an { dix ans ou douze ans. Les cycles économiques ou cycles conjoncturels peuvent également être définis comme des successions répétées de périodes de hausses et de baisses du niveau de l’activité économique au cours desquelles, le PIB fluctue autour de sa tendance de long terme. Pour faire bref, les cycles économiques ne sont rien d’autres que les fluctuations de l’activité économique ou de la production effective autour de la production potentielle. Il y a lieu de noter que dans une perspective mondiale, les fluctuations économiques sont plus amples et ont des répercussions plus graves dans les pays en développement (PED) que dans les pays industrialisés. En effet, la volatilité du PIB réel dans les PED est supérieure { ce que l’on observe dans les pays industrialisés. D’après Karl Marx, le cycle, comme la crise, est un phénomène structurel, inhérent au mode de production capitaliste. En ce sens, les cycles, et les crises comme moments du cycle, apparaissent comme des pulsations fondamentales du capitalisme. Qu’entend-on par expansion, récession, tension et dépression ? L’analyse des cycles peut s’articuler autour de deux phases principales, { savoir l’expansion et la récession. Ces deux phases ont, chacune en ce qui la concerne, un point critique : la tension pour l’expansion et la dépression pour la récession. L’expansion correspond { un mouvement d’accroissement généralisé de l’activité dans tous les secteurs de l’économie réelle. Elle est cette phase où la production effective, dans son évolution, excède la production potentielle. L’expansion est la période comprise entre un creux et un pic. Le pic est le point du cycle représentant le niveau le plus élevé de l’activité tandis que le creux représente le niveau le plus bas de l’activité. La tension est cette phase intermédiaire où la production effective, ayant atteint le pic, doit nécessairement baisser. La tension est ainsi considérée comme la période séparant l'expansion de la récession. La récession est la phase où la production effective est inférieure à la production potentielle de l'économie. Elle se caractérise généralement par un mouvement généralisé de baisse de l’activité dans presque tous les secteurs d’activité. Elle est la période comprise entre un pic et un creux de l’activité. La dépression est cette phase où l’économie touche le fond et doit nécessairement remonter. Elle est ainsi analysée comme le creux séparant la récession de l'expansion. Dans l’analyse du cycle, la croissance est appréhendée comme la mesure de l’activité ou de la production à court terme. Elle est mesurée à partir de la variation du PIB réel, soit encore, à partir de l’évolution de la production industrielle. Aussi, elle peut être mesurée { partir de l’indice de construction, des carnets de commande, de l’indice de confiance des consommateurs, des ventes de détail ; de l’indice d’opinion des consommateurs, l’indice des anticipations des consommateurs, du taux d’utilisation des capacités de production, etc. La croissance dont il est question dans l’analyse des cycles n’a rien { voir avec celle de longue période appréhendée { partir de la variation du PIB par tête. Qu’entend-on par points de retournement ? Les points de retournement marquent la ligne de démarcation entre une phase et une autre. Ce sont des points de rupture qui délimitent les phases principales de chaque cycle. Ils tracent la frontière ou les bornes entre une phase et une autre. Ces bornes sont constituées des pics à l'intérieur desquelles 5 la récession est relayée par l'expansion. Autrement dit, le cycle est la période s'étalant entre deux pics. Un pays entre en récession, selon la définition empirique la plus classique de ce terme, après deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB réel. En raison des insuffisances des données trimestrielles sur les PIB dans la plupart des pays, surtout ceux en développement, la durée de la récession correspond au nombre d'années consécutives pendant lesquelles la croissance de la production est négative. Un pays est en expansion s'il a enregistré, après deux trimestres consécutifs, une croissance positive du PIB réel. Pour les mêmes raisons évoquées ci haut, la durée de l'expansion est appréhendée à travers le nombre d'années consécutives pendant lesquelles la croissance de la production est positive. Qu’entend-on par choc sur l’offre et choc sur la demande ? Les économies modernes n’évoluent pas indéfiniment sur une trajectoire stable, elles peuvent être secouées par des chocs de natures diverses, lesquels chocs peuvent les éloigner de leurs trajectoires de long terme et produire des effets néfastes sur le bien-être des populations. Les chocs sur l’offre sont des évènements qui modifient le coût de production des biens et services, et partant leurs prix car en concurrence parfaite, elles doivent égaliser leurs coûts marginaux aux prix du marché. Des exemples en sont : – la sécheresse qui affecte l’offre des produits alimentaires ; – la constitution d’un cartel qui restreint la concurrence ; – la hausse des exigences salariales par les travailleurs ou les syndicats qui les représentent, une nouvelle législation de protection de l’environnement qui exige des entreprises qu’elles réduisent leurs émissions polluantes, etc. La conséquence directe de ces évènements qui sont des chocs négatifs est d’entraîner un accroissement des coûts de production et des prix de vente des biens. Par contre, la dissolution d’un cartel est un choc positif car elle se solde par une réduction des coûts et des prix. En présence d’un choc négatif, la quantité produite diminue puisque les facteurs de production coûtent plus chers et les prix augmentent. Cette coexistence de la baisse de la production et de la hausse des prix est appelée stagflation. Un choc sur la demande est un événement qui modifie les dépenses de consommation des ménages et les dépenses d’investissement des entreprises. Il affecte ainsi la production et l’emploi, car la demande est le moteur même de la production. Un tel choc peut par exemple provenir de la variation de la vitesse de circulation de la monnaie ou de la variation de la quantité de monnaie mise en circulation par la banque centrale. 1.2. Les origines et déterminants des fluctuations ou cycles Dans son modèle de cheval à bascule, Ragnar Frisch considère l’économie comme un cheval { bascule, lequel ne peut osciller que si et seulement si on lui donne des coups de bâtons. Ces coups de bâtons sont des chocs qui en passant par la demande globale ou l’offre agrégée, secouent l’économie dans le court terme. L’importance des secousses de l’économie dépend donc de la nature ou de l’intensité du coup de bâton porté au cheval à bascule. Dans les analyses traditionnelles des cycles, on considère ce qui suit : Les cycles sont des cycles de déséquilibre ; l’économie passe d’un déséquilibre { un autre car les mécanismes régulateurs fonctionnent, mais imparfaitement. Les cycles sont souvent dus { des phénomènes de désajustement entre l’offre et la demande ou à des phénomènes monétaires. Les cycles sont des déviations temporaires qui n’affectent pas le trend de la croissance. 6 Pendant longtemps, l'économie du marché, sous la houlette de Walras, Pareto, Jevons, Menger, … était considérée comme fondamentalement stable. Ces derniers raisonnaient dans le cadre d’une économie sans frictions en ce que le jeu régulateur des prix relatifs donne la possibilité à l'économie de revenir rapidement à l'équilibre après un choc externe. Les travaux fondateurs de Kondratieff, Juglar et Kitchin ont respectivement mis en relief les cycles longs, les cycles d’affaires et les cycles mineurs. Pour Kondratieff, les grandes périodes d’expansion se caractériseraient par la diffusion d’innovations technologiques majeures. Le premier Kondratieff qui va de 1780-90 à 1810-17 serait marqué par la fabrication de la machine à vapeur et le développement de l’industrie textile. Le deuxième Kondratieff qui va de 1844-51 à 1870-75 s’explique par l’acier et le chemin de fer. Le troisième Kondratieff amorcé vers 1890-96 et qui s’est achevé vers 1920-29 s’explique par l’apparition du moteur { explosion, de l’électricité et de la chimie. Un quatrième Kondratieff aurait débuté aux Etats-Unis vers 1940 et coïncide avec les trente glorieuses. Pour Clément Juglar, les cycles d’affaires sont dus { des phénomènes d'ordre monétaire et d’ordre financier. C’est ce qui a été observé en 1929 lors de la grande dépression. A la suite d’une panique financière, les économies occidentales ont vu leurs productions baisser sensiblement et leurs taux de chômage grimper. De 1930 à 1938, le taux de chômage moyen de la Grande-Bretagne a été de 15.4 %, celui de la France a été de 10.2 % et celui de l’Allemagne a été de 21.2 %. Taux de chômage, croissance du PIB, prix et monnaie aux Etats-Unis : 1929 – 1937 Année 1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937 Taux de chômage 3.20 8.70 15.9 23.6 24.9 21.7 20.1 16.9 14.3 Taux de croissance -9.80 -7.60 -14.7 -1.80 9.10 9.90 13.9 5.30 -5.00 Indice des prix 100 97 89 80 76 78 80 81 84 Masse monétaire nominale 26.4 25.4 23.6 19.4 21.5 25.5 29.2 30.3 30.0 Source : Blanchard, O. et D. Cohen, 2006, Macroéconomie, Pearson. Après les travaux de Kondratieff, Juglar et Kitchin, les Keynésiens vont remettre en cause les paradigmes classiques. Ils soutiendront que les cycles constituent une réponse aux imperfections des marchés. Pour eux, le principal déterminant des fluctuations de l’activité économique est la demande agrégée, laquelle peut être régulée ou lissée par des politiques conjoncturelles contra-cycliques grâce aux instruments de la politique budgétaire et de la politique monétaire. Pour les libéraux, les fluctuations, lorsqu’elles ne sont pas dues { des chocs exogènes, résultent des imperfections de l’économie ou du marché. Dans ces conditions, la solution serait d’œuvrer pour le rétablissement d’une situation la plus proche possible de la concurrence pure et parfaite. Le succès des politiques de réglage fin d'obédience Keynésienne au cours des trente glorieuses, a fait croire à la maîtrise des cycles. L'évolution concomitante des taux de chômage et d'inflation élevés (stagflation), au milieu des années 1970/80, a contrarié le règne sans partage de la vulgate Keynésienne. Les monétaristes, sous la conduite de Friedman, relèveront que le cycle économique est, à court terme, le résultat des chocs monétaires, les agents formulant des anticipations adaptatives. Ils proposent la croissance stable des agrégats monétaires comme remède aux fluctuations. Abraham-Frois (2000) relève que depuis un quart de siècle, les cycles ne sont plus une manifestation du déséquilibre. Ils résultent de réactions optimales des agents économiques aux chocs de nature diverse affectant le système économique. Pour les nouveaux classiques, principalement Lucas, le cycle économique procède des fluctuations de l'offre globale induites par un interventionnisme néfaste de l'Etat. A la suite des travaux des néoclassiques, King, Plosser, Long, Kydland et Prescott vont 7 développer la théorie du cycle d'affaires réel qui attribue la prévalence des cycles dans les économies du marché à des chocs réels et non monétaires. Les cycles sont expliqués à partir des modifications que peuvent subir les fondamentaux d'une économie, (goûts des ménages, technologies disponibles, dotations en ressources, …). D'une manière générale, la littérature distingue deux grandes catégories des théories explicatives des cycles. Les premières sont celles qui insistent sur le rôle déterminant des phénomènes d'ordre monétaire et financier. Il en est ainsi des analyses de Juglar, des écoles monétaristes et autrichiennes. Les deuxièmes mettent en lumière des phénomènes réels tels que les approches keynésiennes, de nouveaux classiques et de la théorie des cycles réels. Entre les deux catégories d'explication des cycles se situent les analyses de Marx pour qui les cycles des économies du marché procèdent de la recherche du profit maximal. Les phases de forte expansion (boom) conduisent à la surproduction et à la crise. Il faut des nouvelles occasions d'investissement pour impulser les phases de reprise auxquelles viendront se succéder les phases de boom et ainsi de suite. Dans son modèle d’oscillation, Samuelson permet de souligner les différences, mais aussi les ressemblances, entre les approches exogènes et endogènes du cycle économique. 1.3. L’identification des cycles économiques L’identification des cycles implique, d’une part, le choix du référent, et d’autre part, l’élimination de la composante tendancielle des séries pour isoler la composante cyclique. Le référent est l’indicateur de mesure des mouvements cycliques de court terme. La tendance est le reflet ou l’indication des mouvements longs. L’écart { une tendance déterministe est considéré comme une mesure pertinente du cycle formalisée comme suit : xt = a + bt +t Dans cette équation, xt est caractérisé par une tendance déterministe dans sa moyenne, sa variance étant constante au cours du temps. La composante cyclique t est assimilable à la composante stochastique du processus suivi par les séries macroéconomiques. Cette décomposition, issue de la macroéconomie traditionnelle, entre cycle et tendance suppose que les chocs transitoires ne peuvent avoir d’effet irréversible ou permanent sur le niveau d’une série. Dans cette optique, les cycles résultent des variations de l’offre et de la demande globale, tandis que l’évolution de long terme des variables détermine la croissance. Cette conception dichotomique a été remise en cause par de nombreux travaux empiriques aux milieux des années 1970 et 1980. Toutefois, le rejet de la décomposition traditionnelle entre cycle et tendance ne signifie pas remise en cause de l’intérêt porté sur les phénomènes cycliques. Tout au contraire, il renforce encore la nécessité de comprendre la dynamique cyclique sans laquelle l’explication des mouvements longs deviendra ardue. Si l’élimination de la composante tendancielle n’est plus déterminante, le choix du référent demeure crucial. En effet, la datation des cycles est déterminée à partir des évolutions du référent. Cependant, la datation des cycles est rendue difficile par la multiplicité des indicateurs utilisés comme référents. L’option levée par les conjoncturistes est de construire des indicateurs synthétiques sur des périodes infra courtes, généralement l’horizon mensuel. Dans ce cadre, il est fait recours au nombre d’emplois hors agriculture, au revenu des ménages avant les transferts, { l’indice de la production industrielle, aux dépenses de produits manufacturés et aux ventes dans la manufacture et le commerce, … Ces indicateurs présentent l’inconvénient de ne couvrir pas le champ du PIB, lequel est obtenu sur un horizon trimestriel. Ils ont la faiblesse de décrire des cycles sectoriels et peuvent de ce fait fausser des diagnostics et des thérapeutiques s’y rapportant. Par ailleurs, l’utilisation du PIB, calculé trimestriellement dans les économies avancées comme référent, occulte les évolutions cycliques observées sur une très courte période. Elle comporte le risque de retarder ainsi les délais de réponse à des perturbations défavorables. 8 2 Les théories keynésiennes des fluctuations Ce chapitre porte sur l’analyse des fluctuations économiques dans une perspective keynésienne. L’analyse des politiques macroéconomiques ou conjoncturelles que nous ferons reposera sur les modèles IS–LM et DA – OA : le premier modèle considère les prix comme étant rigides alors que le deuxième lève cette hypothèse. Nous présenterons aussi la relation entre le chômage et l’inflation développée par Phillips. 2.1. Le modèle de la demande agrégée : Le modèle IS – LM Le modèle IS-LM a été proposé en 1937 par J.R. Hicks dans le propos d’une conciliation de la vision néoclassique et de la vision keynésienne de la dynamique – dans le court terme – d’une économie du marché. A cet effet, il envisage un rapprochement de la sphère réelle de l’économie avec la sphère monétaire. Ces deux sphères permettent de caractériser respectivement la relation existant entre le revenu national Y et le taux d’intérêt r sur le marché des biens et sur le marché monétaire. Sphère réelle ou marché des biens La relation entre le revenu national Y et le taux d’intérêt r sur le marché des biens est définie à partir de l’identité comptable : Y = C(Y – T) + I(r) + G où C représente la consommation des ménages, T le montant des taxes, I l’investissement et G les dépenses publiques. La consommation des ménages C est donnée par la relation : C = C0 + (cY – T) avec T = T0 + tY, t représentant la pression fiscale et T0 la taxe autonome. L’investissement réalisé par les entreprises est donné par : I = I0 – gr. Les dépenses publiques sont autonomes, c’est-à-dire prédéterminées, soit G = G0 . En renvoyant les définitions dans l’identité comptable et en résolvant par rapport à Y, on arrive à la relation : YIS = (C0 – cT0 + I0 – gr + G0)/(1 – c + ct) Il ressort de cette dernière relation que le revenu national est négativement corrélé au taux d’intérêt sur le marché des biens et services. Sphère ou marché monétaire L’équilibre est réalisé sur le marché monétaire lorsque la demande de monnaie Md est égale { l’offre de monnaie Ms, soit : Ms = Md 9 L’offre de la monnaie étant déterminée par la banque centrale, on suppose qu’elle est exogène, Ms = M0. La demande de monnaie est fonction croissante du revenu et fonction décroissante du taux d’intérêt { cause des trois motifs de détention de la monnaie : Md = fY – er où f et e sont deux paramètres positifs. Compte tenu de ces deux relations, on établit que le revenu national et le taux d’intérêt sont positivement corrélés sur la marché monétaire : YLM = (M0 + er)/f. Ainsi, la courbe LM aura une pente positive. Si la banque centrale mène une politique monétaire expansionniste, la courbe LM se déplacera vers la droite, et si elle envisage une politique monétaire restrictive, la courbe se déplacera vers la gauche. Equilibre dans le modèle IS-LM Les deux équations fondamentales du modèle IS-LM sont les suivantes : Y = C(Y – T0) + I(r) + G0. M/P = L(r, Y) IS LM Elles décrivent respectivement comment évolue le revenu sur le marché des biens et services suite à une variation du taux d’intérêt et comment évolue le taux d’intérêt sur le marché monétaire quand le revenu varie. La position d’équilibre de l’économie est déterminée en résolvant le système d’équations ci-dessus. Elle peut être également déterminée en présentant les courbes IS et LM dans un même plan. Equilibre dans le modèle IS-LM Taux d’intérêt D A LM C E re B IS Ye revenu national L’équilibre est réalisé à la rencontre des courbes IS et LM. Si l’on se trouve au point A ou B, l’offre des biens et services est inférieure à la demande globale. La demande étant le moteur de la production, il sera exercé une pression sur le revenu. En revanche, si l’économie se trouve au point C ou D, la demande sera inférieure { l’offre et les entreprises devront réduire leurs productions. Les points situés à gauche de la courbe LM : A et D correspondent { un taux d’intérêt trop élevé et { une faible demande de monnaie. L’excès de l’offre de monnaie entraînera ainsi une baisse du taux d’intérêt. Par contre, les points B et C correspondent { un faible taux d’intérêt et { une forte détention de la monnaie. Fluctuations dans le modèle IS-LM Les changements des variables ou des instruments de politiques budgétaire et monétaire puisque pouvant déplacer les courbes IS et LM, peuvent affecter l’équilibre de l’économie et peuvent produire des fluctuations. A cet effet, il faut bien comprendre comment est-ce que la manipulation de ces 10 instruments peut affecter le cours de l’activité économique. En se servant du cadre IS-LM, on va analyser les fluctuations pouvant faire suite à des changements de la politique budgétaire et de la politique monétaire. On envisagera certains scénarios pour comprendre comment l’économie réagit aux effets de ces deux politiques. Modification de la politique budgétaire Une politique budgétaire expansionniste – via le jeu du multiplicateur – accroît le revenu national et déplace la courbe IS vers le haut. Il s’ensuit un accroissement du taux d’intérêt d’équilibre et partant, une baisse de l’investissement privé. En effet, en réduisant l’épargne, c’est-à-dire l’offre des capitaux sur le marché des fonds prêtables, cette politique entraîne un relèvement du taux d’intérêt et provoque un évincement de l’investissement privé. Effet d’une politique budgétaire expansionniste Taux d’intérêt LM r2 E2 r1 E1 E3 IS1 Y1 Y2 IS2 Y3 revenu national Si l’investissement était insensible aux variations du taux d’intérêt, l’effet de la politique budgétaire expansionniste aurait été de faire passer le revenu de Y1 à Y3. On comprend par l{ que l’effet multiplicateur ne joue pleinement que si l’investissement est insensible aux variations du taux d’intérêt. Il serait dès lors intéressant de faire accompagner la politique budgétaire d’une action de politique monétaire pour maintenir inchangé le taux d’intérêt. Modification de la politique monétaire En accroissant le volume des moyens de paiements, une politique monétaire expansionniste induit une baisse du taux d’intérêt, soit un déplacement vers le bas de la courbe LM. Cela stimule l’investissement privé et induit une expansion de la demande pour un niveau de prix. Effet d’une politique monétaire expansionniste Taux d’intérêt LM1 LM2 r2 E1 r1 E2 IS Y1 Y2 revenu national 11 L’efficacité de cette politique dépend de l’évolution de la demande. Si la baisse du taux d’intérêt entraîne une hausse de l’investissement et que l’une des composantes de la demande diminue, l’effet net serait obtenu en confrontant les deux changements enregistrés. Interactions entre politiques budgétaire et monétaire Pour éviter que les effets attendus d’une des politiques contrecarrent l’efficacité de l’autre, il faut les appliquer { l’unisson. S’il est décidé une réduction du déficit public, la pertinence de cette politique dépendra de la réaction de la banque centrale. Envisageons trois scénarios. Scénario a. Politique budgétaire restrictive non accompagnée Lorsque l’Etat envisage une politique budgétaire restrictive, on observe à la fois une baisse du revenu et du taux d’intérêt. En réduisant la demande, cette politique déprime l’activité économique. C’est la raison pour laquelle, certains programmes de stabilisation qui visent à comprimer la demande débouchent souvent sur des tendances à la récession. Politique budgétaire restrictive non accompagnée Taux d’intérêt LM r1 r2 E1 E2 IS1 IS2 Y2 Y1 revenu national Les effets d’une politique budgétaire restrictive seraient d’autant plus sévères si la banque centrale ne menait pas une politique monétaire prudente ou cohérente. Si cette dernière procédait d’une réduction sensible du volume de crédits octroyés au secteur privé, les possibilités d’enliser l’économie dans la récession seraient plus grandes. Scénario b. Binôme politique budgétaire et politique monétaire restrictives Pour maintenir ou ramener le taux d’intérêt { son niveau initial, la banque centrale doit pratiquer une politique monétaire restrictive. Mais la conséquence en est de diminuer davantage le revenu national. L’action de l’Etat, en réduisant la demande globale, renforce les contraintes de débouchés. Par contre, le renchérissement du coût du capital faisant suite à la politique monétaire envisagée influence négativement l’investissement privé. La conjugaison de ces deux effets ne peut que déboucher sur une forte récession. 12 Politiques budgétaire et monétaire restrictives Taux d’intérêt LM2 LM1 r1 E3 r2 E1 E2 IS1 IS2 Y3 Y2 Y1 revenu national Scénario c. Politique budgétaire restrictive et politique monétaire expansive Pour éviter la baisse de revenu provoquée par la politique budgétaire, la banque centrale doit mener une politique monétaire expansionniste. Cette dernière entraînera une baisse importante du taux d’intérêt et l’augmentation de l’offre de monnaie l’a fait descendre. Politique budgétaire restrictive et politique monétaire expansionniste Taux d’intérêt LM1 LM2 r1 r2 E1 E2 r3 E3 IS2 Y2 Y1 IS1 revenu national Si la banque centrale était restée indifférente, le revenu national serait passé de Y1 à Y2. Puisqu’elle a accru la quantité de monnaie en circulation et que cela a rejaillit positivement sur l’investissement privé, l’économie retournera à Y1. 2.2. L’arbitrage inflation – chômage : La courbe de Phillips Le chômage et l’inflation sont les principales manifestations des déséquilibres macroéconomiques : le chômage est la conséquence d’un déséquilibre sur le marché du travail et l’inflation est la conséquence de la rupture de l’équivalence entre flux réels et monétaires. Phillips (1958) a étudié les interactions de ces deux phénomènes afin d’orienter les choix des décideurs politiques. La courbe de Phillips Dans une économie fermée, la réalisation de l’équilibre global exige que l’épargne soit égale { l’investissement. S Y – C – G = I. 13 Dans l’approche keynésienne, cette condition ne se vérifie pas nécessairement car l’épargne est une fonction croissante du revenu national Y et l’investissement est une fonction décroissante du taux d’intérêt r. Puisque leurs déterminants ne sont pas identiques, l’épargne et l’investissement reflètent des comportements non coordonnés de différentes catégories d’agents. Il n’y a donc aucune raison pour que l’épargne coïncide avec les investissements. D’un point de vue comptable, l’équilibre se réalise toujours. En effet, lorsque l’offre est supérieure { la demande, c’est-à-dire lorsqu’il y a un excès d’épargne, les entreprises n’arrivent pas à écouler toute leur production et constitue { cet égard des stocks. L’accroissement des stocks permet ainsi d’égaliser l’épargne { l’investissement, mais cette variation de stock constitue un investissement non désiré. Equilibre de sous-emploi Demande C + I + G + G2 C + I + G + G1 E Epe C+I+G E 0 Ye Ype Ye Revenu national Le point E est un équilibre de sous emploi car il ne correspond pas à une exploitation parfaite de toutes les capacités de production ; il comporte une certaine dose de chômage. Par une stimulation de la demande, il est possible de réduire l’écart entre Ype et Ye, et de réduire le taux de chômage. Il faut toutefois noter que lorsque la relance de la demande est trop importante, elle débouche sur l’inflation. L’offre agrégée et la courbe de Phillips La courbe d’offre agrégée met en relation le niveau général des prix (ou taux d’inflation) et l’offre globale des biens et services. Dans le court terme, elle peut être représentée par une droite parallèle à l’axe des abscisses en ce que les prix sont rigides et dans le long terme, elle est parallèle { l’axe des ordonnées en ce que les prix sont flexibles. Offre globale à court terme et à long terme Taux d’inflation OALT OACT 0 Revenu national 14 En combinant ces deux courbes d’offre, il est possible d’établir la relation qui existe entre les taux d’inflation et de chômage. Lorsque l’équilibre réalisé est un équilibre de sous-emploi, les accroissements de la demande ne modifient pas le niveau des prix (taux d’inflation nul) ; c’est { partir du revenu de plein-emploi que les accroissements de la demande entraînent une hausse des prix. A ce niveau, l’économie réalise un taux de chômage de plein-emploi (NRU). Courbe de Phillips : première présentation Taux d’inflation 0 Courbe de Phillips NRU Taux de chômage Ce graphique montre que chômage et inflation sont des phénomènes antinomiques : la diminution de l’un entraîne l’accroissement de l’autre, et vice-versa. Puisque ce n’est pas au même moment que toutes les entreprises ou tous les secteurs de l’économie atteignent le plein-emploi, la courbe de Phillips devrait être lisse car lorsque l’économie se rapproche du plein-emploi, le chômage diminue et l’inflation augmente progressivement. Courbe de Phillips : deuxième présentation Taux d’inflation Courbe de Phillips Taux de chômage La courbe de Phillips a donné lieu à de nombreux travaux empiriques. La plupart de ceux-ci établissent que, durant les années 1950-1960, le chômage et l’inflation étaient des phénomènes opposés et non concomitants. Le dilemme consisterait dès lors à faire un arbitrage entre la lutte contre le chômage et la lutte contre l’inflation. Mais { partir des années 1970, cette relation de Phillips ainsi que le dilemme auquel elle a donné le jour ont disparu à cause de la coexistence de l’inflation avec le chômage (stagflation). La courbe de Phillips revue et corrigée Avec l’apparition de la stagflation dans les années 1960 – 70, l’arbitrage entre le chômage et l’inflation proposé par Phillips a été remis en cause. Avec les possibilités de coexistence d’un chômage massif et d’une forte inflation, les économistes se sont vus dans l’obligation de revisiter la courbe de Phillips de manière { l’adapter aux réalités observées. On va revisiter la courbe de Phillips, mais avant d’y arriver, on va présenter les concepts nécessaires pour la compréhension de la version corrigée. 15 Loi d’Okun et construction de la courbe d’offre agrégée La production d’une économie dépend de ses disponibilités en facteurs travail et capital et de la technologie de production qu’elle utilise. Etant donné que les effets de l’investissement et du progrès technique s’observent dans le temps, { court terme, seul le travail peut être ajusté pour moduler la production. Lorsqu’une baisse temporaire de la demande est observée et que les firmes veulent réduire à cet effet leur production, elles jouent sur le travail à travers les congés techniques, les services minima et en suspendant toutes les embauches. Dans le cas extrême, elles vont jusqu’{ licencier quelques travailleurs. Les déviations du PIB effectif par rapport { sa tendance de long terme, c’est-à-dire par rapport à son PIB potentielle ou de plein-emploi conduisent au chômage. Plus important sera l’écart, plus important sera le taux de chômage RU. Ceci est conforme { ce que dit la loi d’Okun. Etant donné qu’au niveau du plein-emploi il existe une certaine dose de chômage mesuré par le taux de chômage naturel NRU, il est possible d’établir la relation suivante : RU – NRU = h(Ype – Y) avec h 0. Lorsque le PIB réel croît, l’écart entre les taux de chômage effectif et naturel diminue ; autrement dit, il y a amélioration de l’emploi. Puisque la courbe de Phillips établit une relation de sens inverse entre chômage et inflation, les accroissements du PIB réel devraient entraîner une hausse du niveau des prix. Ainsi, l’offre agrégée est une fonction croissante du niveau des prix. Puisque dans le long terme, le plein-emploi est atteint, la courbe d’offre sera parallèle { l’axe des ordonnées. Courbe d’offre agrégée Inflation OALT OACT B E A Ype PIB Si l’économie se trouve au point E, on dit qu’elle œuvre sur son sentier de croissance de long terme en ce que le taux de chômage observé est égal à celui de plein-emploi. Par contre, si elle se trouve au point A ou B, il y a un déséquilibre. Au point A, le chômage est très important car le PIB est inférieur au PIB potentiel et au point B, il y a une forte inflation. L’idéal serait de ramener l’économie au pleinemploi. Passer de A à E, c’est réduire le chômage tout en créant de l’inflation, et passer de B à E, c’est réduire l’inflation. Disparition et renaissance de la courbe de Phillips Friedman a prédit la disparition de la courbe de Phillips. Avec l’apparition de la stagflation, les monétaristes ont trouvé une bonne occasion pour remettre en cause les politiques d’inspiration keynésienne. Dès lors, il s’est avéré nécessaire de réinterpréter la relation chômage - inflation. Certains expliquent le renversement observé par les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Le quadruplement du prix du brut de 1973-74 et le doublement de 1979-80 ont entraîné une hausse généralisée des prix. En 16 réduisant la quantité de pétrole consommée par les pays et en augmentant les coûts de production, ces chocs ont entraîné un ralentissement de la croissance avec comme conséquence une montée du chômage. Pour résoudre l’énigme de la courbe de Phillips, il a été proposé des explications de l’inflation { moyen terme. Certaines se fondent sur la notion de coût majoré, d’autres sur le concept d’inflation tendancielle, et d’autres encore sur les coûts salariaux et non-salariaux. 2.3. Les chocs et les fluctuations dans le modèle DA – OA Le modèle DA – OA se fonde sur l’interaction de l’offre agrégée et de la demande agrégée pour expliquer l’activité économique. Dérivons la courbe de demande agrégée de manière { pouvoir envisager par la suite l’analyse des fluctuations. Considérons la version ci-après de l’équation quantitative de la monnaie. M/P = kY. M est la masse monétaire, P le niveau des prix, M/P les encaisses réelles, k l’inverse de V la vitesse de circulation de la monnaie. Si l’offre de monnaie ne change pas, l’accroissement du niveau des prix se traduit par une baisse de la dépense. Ainsi, la demande évolue en sens inverse avec le taux d’inflation. Equilibre dans le modèle DA – OA Inflation OALT OACT e DA Ye PIB Choc négatif de l’offre Un choc négatif de l’offre déplace vers le haut de la courbe d’offre de courte période. Ce déplacement traduit une stagflation car l’activité est en récession et l’inflation augmente. Pour faire face { la baisse du PIB et à la hausse du chômage, l’Etat peut mener une politique de soutien de la demande agrégée. Effet d’un choc négatif sur l’offre Inflation OALT OACT' OACT e" e' e E" E' E E"' DA DA' DA" Ye Revenu national 17 Le choc en déplaçant la courbe d’offre de court terme, a fait passer l’économie de E à E′. Il y a donc eu stagflation. Une politique de soutien de la demande fera passer l’économie de E′ à E″, elle la ramènera au plein-emploi moyennant une exacerbation de l’inflation (passage de e′ à e″). Si l’Etat décide de contrer l’inflation, il envisagera une politique de contraction de la demande qui ramènera l’économie en E″′. Mais cette politique est assez dangereuse car elle peut enliser l’économie dans la récession. Choc négatif sur la demande Lorsque la demande diminue brusquement, les entreprises revoient à la baisse leur échelle de production ainsi que leur utilisation des facteurs de production. Il s’en suit une hausse du taux de chômage. La baisse de la demande se traduit par une baisse du taux d’inflation, ce qui fait que les marges bénéficiaires des entreprises s’en trouvent doublement affectées. Effet d’un choc négatif sur la demande Inflation OALT OACT e E E' DA' Ye ' Ye DA Revenu national Le gouvernement peut contrecarrer les effets d’un choc négatif de la demande en utilisant les politiques budgétaire et monétaire ou en les combinant. Par un accroissement de ses dépenses ou une diminution des impôts, il peut relancer l’économie. Il peut également faire usage d’une politique d’expansion des crédits { la consommation pour relancer l’économie. 18 3 La non-linéarité et l’explication endogène des fluctuations Dans les analyses précédentes, ce sont des chocs exogènes ou extérieurs qui sont à la base des fluctuations de l’activité économique, ce qui veut dire pour que les fluctuations soient persistantes, il faudrait que les chocs exogènes soient répétés. Sans nier que des chocs exogènes peuvent secouer l’économie, il y a lieu de noter que les systèmes économiques sont insérés dans des systèmes politique et social dont les impulsions peuvent entraîner des fluctuations de l’activité économique. Cette situation nous permet de dire que l’explication des fluctuations { partir des chocs exogènes est insuffisante. Est-ce que ce ne sont pas des raisons internes, c’est-à-dire endogènes qui seraient à la base des fluctuations ou mouvements de l’économie ? Avec sa théorie de l’autodestruction du système capitaliste, Karl Marx a tenté de relier l’explication des crises ou fluctuations au développement interne du système. Pour montrer que ce sont des éléments endogènes qui seraient à la base des fluctuations, certains analystes ont développé des modèles assez sophistiqués. Ces derniers se fondent sur des relations non linéaires pour rendre compte de la dynamique de l’économie dans le court terme. Le rejet de l’hypothèse de la linéarité tient au fait qu’elle est jugée de non pertinente, peu réaliste sinon exorbitante : pourquoi expliquer les phénomènes d’un monde qui a la forme d’une boule (forme nonlinéaire) par des relations linéaires ? Il sera question pour nous, de présenter quelques modèles économiques ayant rejeté l’hypothèse de linéarité au profit de celle de la non linéarité. Le point de départ du chapitre est la mise en évidence du caractère exorbitant de l’hypothèse de linéarité { travers le modèle développé par Samuelson en 1939. 3.1. L’oscillateur de Paul A. Samuelson Le modèle de l’oscillateur de Samuelson qui met en relation le principe du multiplicateur et celui du l’accélérateur pour expliquer les fluctuations du cours de l’activité économique conduit { une vision pauvre de l’évolution des systèmes. Il convient de noter que c’est l’effet d’accélération qui est source d’instabilité et que c’est l’effet de multiplication qui est générateur de la stabilité. Le modèle s’écrit comme suit : Yt = Ct + It + Gt Ct = bYt – 1 It = a(Ct – Ct - 1) Gt = G0 avec 0 < b < 1 et a > 0. Le principe de l’accélérateur est introduit dans le modèle { l’aide de la fonction d’investissement. It = a(bYt – 1 – bYt – 2) = ab(Yt – 1 – Yt – 2) Le modèle peut être condensé dans l’équation de récurrence ci-après: ou Yt – a(1 + b)Yt – 1 + abYt – 2 = G0 Yt + 2 – a(1 + b)Yt+ 1 + abYt = G0 A l’aide de la solution de cette équation (somme de la solution particulière avec la solution complémentaire), il est possible de caractériser le profil temporel de la production de l’économie. La solution particulière Yp qui s’interprète comme une solution d’équilibre intertemporel s’obtient en 19 supposant que Yt + 2 = Yt+ 1 = Yt = k. En rentrant avec ceci dans l’équation de récurrence, et en résolvant par rapport à k, on obtient : k Yp = G0/(1 – a). La solution complémentaire Yc s’obtient en résolvant l’équation homogène ci-après : Yt + 2 – a(1 + b)Yt+ 1 + abYt = 0. L’équation caractéristique associée { cette équation homogène a la forme suivante: x2 – a(1 + b)x + ab = 0. Le profil temporal de l’économie dépendra de la valeur prise par les racines de l’équation caractéristique x1 et x2. Le modèle fait apparaître des fluctuations que si les racines sont complexes, c’est-à-dire si le discriminant de l’équation caractéristique ( = a2(1 + b)2 – 4ab) est inférieur à zéro. Les fluctuations seront amorties si a < (1/b) et elles seront explosives si a > (1/b). Des oscillations régulières autour de la valeur d’équilibre du revenu Yp n’apparaissent que si a = 1/b. Par contre, si les racines ne sont pas complexes ( > 0), il n’y aura pas de fluctuations : le système économique sera caractérisé par une convergence monotone ou une stabilité complète si a < (1/b) et par une divergence monotone ou une instabilité complète si a > (1/b). L’enseignement essentiel du modèle est que des fluctuations autoentretenues de l’activité économique sont observées que lorsque a = 1/b. Dans les autres cas, le modèle n’est pas pertinent pour rendre compte des cycles conjoncturels. On peut conclure que des fluctuations autoentretenues sont – en général – exclues des modèles à fonctions linéaires, sauf pour des valeurs très particulières des paramètres. Par contre, les modèles à équations non-linéaires produisent – de façon générale – des fluctuations autoentretenues. 3.2. Le modèle de croissance avec butoirs Ce modèle qui a été proposé par John Richard Hicks (1950) est une tentative d’explication liée de la croissance et des fluctuations. On peut le considérer comme un prolongement conjoint du modèle de croissance de Harrod et de l’oscillateur de Samuelson avec introduction de relations non-linéaires. Hypothèses Le modèle postule – comme dans le modèle de Samuelson – que la consommation est une fonction linéaire du revenu de la période précédente. On peut donc écrire : Ct = bYt – 1. Le modèle retient trois types d’investissement : l’investissement induit Iit, l’investissement autonome Iat et l’investissement de remplacement Rt. L’investissement induit provient d’une variation du revenu comme dans les modèles de Harrod et de Samuelson : Iit = b(Yt – 1 – Yt – 2). , L’investissement autonome Iat ne dépend pas de la variation du revenu national mais il croît dans le temps à un taux constant. Dans cette deuxième catégorie, on retrouve l’investissement public, l’investissement d’innovations et l’investissement sur plan { long terme. 20 L’investissement de remplacement a pour objet de remplacer les outils de production usés ou obsolètes. Cet investissement est considéré comme constant : Rt = R. Introduction des butoirs Le modèle de Hicks considère qu’il existe des limites { l’expansion et { la dépression de l’activité économique. La limite { l’expansion (ou limite supérieur) représente le maximum de croissance possible et celle-ci est dépend de la croissance de la population active et des progrès de productivité. Si le taux de croissance maximum possible est m, en régime permanent, on aura : Yt = Y0emt. Sous une version log – linéaire, cette relation s’écrirait de la sorte : Log Yt = Log Y0 + mt. Dans le graphique représentatif du modèle, le plafond de la croissance économique sera donné par une droite à inclinaison positive (ligne AA). Il en sera de même du plancher de la croissance (ligne BB), et ces deux butoirs détermineront la zone dans laquelle les fluctuations vont apparaître. Il sied de noter que le taux de croissance maximum possible est supérieur au taux de croissance attendu ou espéré par les entrepreneurs gw. Cette croissance qui est déterminée par les investissements autonomes est représentée par la ligne CC. Log Y A 2 C 3 A 1 C B 4 B t Les fluctuations dans le modèle Pour discuter des fluctuations dans ce modèle, nous admettrons provisoirement que la croissance sera impulsée par un choc exogène, hypothèse qui sera abandonnée par la suite. Croissance accélérée Le choc positif va entraîner une expansion de l’activité. Le supplément de revenu qui va résulter de cette expansion entraînera un accroissement de la demande globale (multiplicateur) et, partant, un accroissement de l’investissement (accélérateur). 21 Cette croissance par d’une situation de chômage. L’activité étant en train de se développer, le taux de chômage aura { diminuer puisque l’on se rapproche du plafond. Mais au même moment, il sera enregistré des tensions inflationnistes1 car la demande est en train de croître. Sommet conjoncturel et ralentissement de la croissance Au bout d’un certain temps, la croissance devra se ralentir puisque l’on aura atteint le pleinemploi. Ce ralentissement va entraîner une baisse de l’investissement induit et un retournement de la conjoncture deviendra inéluctable. Dépression cumulative A la suite de la baisse de l’investissement, l’interaction multiplicateur – accélérateur va entraîner une baisse de la demande globale et partant un resserrement des contraintes de débouchés. L’investissement induit continuera { baisser et l’économie convergera vers le plancher de croissance avec tout ce que cela comporte en termes d’emplois. Creux conjoncturel et fin de la dépression L’économie finira par atteindre le minimum de production au niveau du plancher, mais ce plancher est lui-même en expansion car l’investissement autonome croît { un taux constant. Au bout d’un certain temps, il y a des mécanismes internes ou endogènes au système qui vont entraîner une relance de l’activité économique. De période en période, la récession aura conduit les entreprises à éliminer les excédents de capacité de production. Une fois les capacités excédentaires éliminées, les entreprises seront amenées – après un certain temps – à réaliser des investissements de remplacement, lesquels vont entraîner un accroissement de la demande et, partant, relancer l’économie par un effet de multiplication. Amorçage d’une nouvelle phase d’expansion On retrouve ainsi la phase de croissance décrite à la phase 1, avec une différence essentielle : il n’y a plus de choc exogène. Donc, c’est la fin de la dépression qui engendre l’expansion et c’est l’élimination des excès en capacités de production qui permet { l’investissement induit de redevenir positif. Le modèle de Hicks montre qu’il est impossible d’avoir indéfiniment une croissance de plein emploi (problème du fil de rasoir). C’est le ralentissement même de la croissance qui – par le phénomène de l’accélération – entraîne un retournement de la conjoncture. L’existence du plancher de croissance est justifiée par des investissements autonomes croissant régulièrement et le retour à la croissance vient de l’élimination des excès de capacités de production et de la reprise de l’investissement induit. 3.3. Le modèle de Goodwin Le modèle de Goodwin (1951) n’est pas fondamentalement différent de celui de Hicks. Il a été rédigé dans le but de préciser et de mieux comprendre certains aspects du cycle conjoncturel. La particularité du modèle est celui de se construire sur le principe d’ajustement du stock de capital que Goodwin appelle accélérateur flexible ou non linéaire. 1 Il ne faut pas perdre de vue que l’inflation est procyclique. 22 Hypothèses du modèle Les principales équations du modèle de Goodwin sont les suivantes : Ct = bYt Kt * = vYt Yt = Ct + It + G0. La première équation établit que la consommation courante est fonction du revenu courant, la deuxième exprime le stock de capital désiré Kt * comme proportionnel au niveau de la production courant, v étant un constante. Le modèle postule que les entrepreneurs cherchent { combler l’écart qui existe entre le stock capital effectif Kt et le stock de capital désiré Kt *. Dans ces conditions, si : - Kt < Kt *, l’investissement sera positif (It > 0), car pour les entrepreneurs les capacités de production sont insuffisantes. Le modèle postule que l’investissement est limité par la capacité des industries { fournir des biens d’équipement. Ainsi, on admet que It = Z. - Kt > Kt *, l’investissement sera négatif (It < 0), car les capacités de production seraient excédentaires. Le modèle postule que la mise au rebut des capitaux existants est constante : It = –M. - Kt = Kt *, l’investissement sera nul (It = 0). Les trois phases du cycle conjoncturel Compte tenu des hypothèses formulées et des équations de définition et d’équilibre, il est possible de mettre en évidence trois phases du cycle conjoncturel. Admettons que l’économie part d’une situation dans laquelle Kt < Kt *. Les entrepreneurs seront amenés à investir pour combler le gap entre stock de capital souhaité et stock de capital effectif. Dans ces conditions, le revenu national sera égal à Y1. Le gap étant devenu nul, il n’y aura plus d’investissement (donc la demande globale va baisser) et le revenu national se situera au niveau de Y3. Le stock de capital désiré ayant diminué, les entrepreneurs seront amenés à désinvestir pour éliminer les capacités de production excessives. Pendant la dépression, le revenu sera de Y2. Une fois les capacités excessives éliminées, l’économie revient { la situation (3) avec cette fois, un stock de capital désiré supérieur au stock de capital effectif. Il sera ainsi observé un retour à la croissance. Phase Constat It (1) Kt < Kt * Z (2) Kt > Kt * –M (3) Kt = Kt * 0 It G0 1b Z G0 Y1 1 b M G0 Y2 1b G Y3 0 1 b Kt* = vYt Yt v Z G0 1b v M G0 K2 1b vG K3 0 1b K 1 Cette analyse montre que la production de l’économie est en train d’osciller autour de sa valeur d’équilibre sans jamais l’atteindre. Il suffit de supposer que G0 croît dans le temps à un taux constant pour obtenir des oscillations autour d’un trend en croissance. 23 4 Théories des cycles à l’équilibre La théorie des cycles { l’équilibre (TCE) est née { la suite de la critique que les nouveaux classiques ont adressée { l’analyse – simplistes – des cycles économiques proposée par les keynésiens dans le modèle IS – LM. Les nouveaux classiques cherchent { trouver de nouveaux fondements { l’explication des cycles en se situant à la fois dans la tradition de Frisch et dans la lignée de Von Hayek. On parle de cycles { l’équilibre parce que dans les modèles qu’ils développent, les nouveaux classiques tentent d’expliquer les effets de la propagation d’un choc dans le système économique { partir des comportements d’optimisation des agents. Les nouveaux classiques avancent qu’il ne suffit pas d’introduire des chocs dans un système keynésien simplifié pour bien appréhender la dynamique { court terme de l’économie. Ce qui importe, c’est de déduire les mouvements de l’économie { partir de la réaction des agents aux impulsions extérieurs (chocs) qui perturbent le système. La TCE s’inscrit dans la tradition de Frisch parce qu’elle distingue les phénomènes d’impulsion des phénomènes de propagation et dans lignée de Von Hayek parce que c’est { partir des signaux émis par les marchés que les agents ajustent leurs comportements et propagent l’impulsion initiale dans l’ensemble du système économique. Nous parlerons premièrement de la parabole des îles qui est l’un des points de départ de la TCE. Après, nous montrerons pourquoi et comment la TCE s’appuie sur l’hypothèse d’anticipations rationnelles2. Enfin, nous parlerons de l’explication des cycles { partir des chocs monétaires telle que l’a suggérée Robert Lucas (Chef de file de la nouvelle économie classique, NEC en sigle). 3.1. La parabole des îles Cette parabole, suggérée par Phelps en 1970, tire son origine des travaux réalisés sur les fondements microéconomiques de la macroéconomie en réaction à la macroéconomie simplifiée de la vulgate keynésienne. Phelps s’est rapporté { certains aspects de l’analyse néoclassique et en a laissé tomber d’autres pour mettre en évidence les facteurs { la base des cycles conjoncturels. Il a cherché à rendre compte des déséquilibres macroéconomiques { l’intérieur du cadre d’analyse proposé par les néoclassiques, c’est-à-dire en respectant l’hypothèse selon laquelle les agents sont rationnels et les marchés s’équilibrent par les prix. En effet, il croit { l’existence d’un système de marchés qui est censé donner directement et gratuitement { l’ensemble des agents les bons signaux de prix et qui interdit aux agents d’effectuer des transactions en dehors de l’équilibre. Mais contrairement aux néoclassiques, il ne croit pas { l’existence dans commissaire – priseur. Comment concilier l’hypothèse d’une baisse du niveau de l’activité économique et d’emploi et l’idée selon laquelle les marchés sont toujours en équilibre ? Phelps a montré que cela était possible si l’on accepte que l’information est imparfaite et coûteuse à acquérir (ou à améliorer) et que les marchés sont séparés par des distances aussi bien sociales que géographiques. C’est la parabole des îles : pour connaître le salaire payé sur une île voisine, le travailleur doit se rendre sur cette île. Ainsi, il apparaît un chômage de recherche. Si le prix ou le salaire proposé { l’entreprise ou au travailleur est revu à la baisse sur son île, celui-ci peut ne pas savoir si cette baisse est une situation 2 Cette hypothèse a été proposée en 1961 par John Muth. 24 générale ou particulière puisque l’information est imparfaite. Il n’existe pas de commissaire – priseur ou de signal pour savoir réellement ce qui se passe. De prime abord, il difficile de savoir si l’entreprise est victime d’une mauvaise conjoncture ou si le travailleur se retrouve devant un employeur qui souhaiterait l’exploiter. Dans certains cas, les producteurs et les travailleurs seront amenés à prendre leurs pirogues pour se rendre sur d’autres îles afin de voir ce qui s’y passe ; les producteurs vont voir s’ils pourront y écouler leurs marchandises à des prix élevés et les travailleurs vont chercher à trouver des postes de travail mieux rémunérés. Si l’on enregistre une baisse de la demande globale, ce que les agents ne peuvent pas savoir au départ, l’offre de travail devra diminuer. Le marché du travail se déplacera d’un point d’équilibre { un autre mais au même moment, il sera observé un chômage. Ainsi, on a une situation de diminution de l’emploi avec des marchés qui restent en équilibre. Marché du travail en équilibre avec diminution de l’emploi Salaire réel LS E E LD 0 LS LD L Au-del{ du concept ou de l’idée d’un chômage de recherche, Phelps apporte – grâce à la parabole des îles – une double rupture. Rupture par rapport à la vulgate keynésienne pour laquelle le système économique est mû par la demande et où les variables de quantités jouent un rôle central. Ici, ce sont les signaux émis par les marchés qui sont à la base des mouvements de l’économie dans le court terme. Rupture par rapport au modèle néoclassique d’équilibre général en ce qu’il réfute l’existence d’un commissaire – priseur et soutient que l’information est imparfaite et coûteuse. Quand bien même Lucas estime que le chômage de recherche joue un rôle secondaire dans l’explication des fluctuations, il reconnaît que l’imperfection de l’information est un phénomène central dans l’explication des fluctuations. 3.2. Les anticipations rationnelles, le risque et l’incertitude Les décisions d’investissements des entreprises occupent une place de choix dans le déroulement des cycles conjoncturels. Lorsque la conjoncture est favorable aux affaires, les entreprises investissent plus et augmentent la capacité productive de l’économie avec comme conséquence, la création de nouveaux emplois. Par contre, lorsque la conjoncture est défavorable aux yeux des entreprises, elles ne vont pas investir, voire même qu’elles pourront procéder { des désinvestissements avec comme conséquences une réduction du niveau d’activité et une montée du chômage. 25 Conscient de cela, Keynes qui avait écrit un traité de probabilité en 1921, attache beaucoup d’importance { la distinction que Franck Knight fait entre le risque et l’incertitude. Dans le langage courant, il règne une confusion entre les deux concepts. Il y a risque si les éventualités auxquelles est confronté un agent peuvent être exprimées en termes de probabilités objectivement spécifiées ou des probabilités reflétant les croyances subjectives des agents. On parle d’incertitude si – par incapacité ou ignorance – l’agent économique n’est pas en mesure d’attacher aux évènements futurs des probabilités. Pour Keynes, l’incertitude, puisque réduisant la capacité que nous avons d’estimer dix ans ou même cinq ans { l’avance le rendement d’un investissement, est { la base des mouvements cycliques résultant des décisions prises par les entreprises. Les travaux des tenants de la NEC envisagent des situations de risque (probabilisable) et laissent de côté les situations d’incertitude (non probabilisable). Pour Lucas (1977), la distinction entre risque et incertitude par Knight est dépourvue de sens, car dans les deux cas, on est en présence d’aléas. La question à laquelle les nouveaux classiques tentent de répondre est celle de résoudre le problème de prise de décisions de l’agent économique confronté { des problèmes de prévision. Lucas va adopter l’hypothèse d’anticipations rationnelles formulée par Muth. Ce dernier a proposé de résoudre le problème en identifiant les probabilités subjectives des individus avec les fréquences observées des évènements { prévoir, c’est-à-dire les probabilités vraies, en qualifiant d’anticipations rationnelles la coïncidence des vraies probabilités et subjectives. Ainsi, l’hypothèse de comportement rationnel d’un agent aura un contenu utilisable de telle sorte que leur comportement sera explicable en termes économiques. Lucas fait remarquer que, dans la mesure où les cycles économiques sont des suites répétées d’évènements essentiellement semblables, il serait raisonnable de considérer que les agents réagissent – de manière optimale – aux chocs qui affectent le système économique. En cas d’incertitude, l’explication économique sera dépourvue de tout sens. 3.3. Les chocs monétaires et le cycle économique Dans le modèle canonique de la TCE, on suppose que l’offre de monnaie fait subir au système économique des chocs qui vont engendrer des fluctuations cycliques. Le coup de bâton est d’origine monétaire et la règle de création monétaire est la suivante : mt = ayt – 1 + t où E(t/It – 1) = 0. Les variables écrites en minuscule désignent les logarithmes des variables offre de monnaie et PIB3. Ceci permet de rendre compte de relations non linéaires sous la forme d’équations linéaires. L’équation ci-dessus établit que l’offre de monnaie de la période t dépend de la production réalisée en t – 1 et de, une variable aléatoire que ni la banque centrale, ni le gouvernement, ni les agents du secteur privé ne peuvent prévoir. Pour ainsi dire, la création de monnaie a deux composantes : une composante systématique (prévisible) et une composante stochastique (non prévisible). Ce sont les chocs imprévisibles qui sont à la base du cycle conjoncturel. L’explication que la NEC donne au cycle conjoncturel est fondée sur le principe de substitution intertemporelle en information imparfaite. Le cadre d’analyse est celui d’une économie constituée de marchés relativement séparés (les îles de Phelps). Les agents économiques n’ayant pas une information parfaite, en cas d’un choc monétaire qui se traduit par une hausse de prix, ils se trouvent confrontés à un double problème : la hausse des prix est-elle permanente ou provisoire ? Est-elle spécifique ou générale ? 3 L’équation de départ s’écrit M = Y–1ae et sous la forme log-linéaire elle s’écrit ln M = a ln Y– 1 + . 26 Si l’on était en présence d’une hausse permanente du salaire réel, l’offre de travail n’aurait pas changée. Par contre, si la hausse était temporaire, le travailleur pourrait décider de faire des heures supplémentaires ou de reporter ses vacances à plus tard pour gagner plus aujourd’hui. Ce point de vue a été empiriquement confirmé par les travaux économétriques de Lucas qui montrent que l’élasticité de l’offre de travail en réponse { des variations provisoires du salaire réel est forte alors que l’élasticité de l’offre de travail en réponse à des variations permanentes du salaire réel est faible. Il est possible que l’agent économique commette l’erreur de croire que la hausse des prix est générale alors qu’elle est spécifique, et inversement. En l’absence d’illusion monétaire, une hausse générale des prix ne devrait pas modifier les décisions des agents économiques. Un agent qui reverrait ses décisions dans ce cas, devrait passer d’une situation d’équilibre { une situation de déséquilibre. Si la hausse est spécifique mais que l’agent ne revoit pas ses décisions parce que croyant que la hausse est générale, il se retrouvera dans une situation de déséquilibre. Dans ces conditions, si une hausse des prix consécutive à un choc monétaire, est considérée comme provisoire et spécifique, le producteur considéré accroîtra son offre. Il la réduira dans le cas inverse et tendra à produire moins quand le prix de son produit baissera. Comment le producteur détecte-t-il la caractère permanent ou provisoire de l’augmentation du prix du bien qu’il offre sur le marché ? Il y a l{ un problème de traitement de l’information qui devient extrêmement compliqué lorsqu’il y a des changements du niveau général des prix, entraîné par des chocs monétaires imprévus. Si le producteur interprète, à tort, cette variation comme un changement de son prix relatif, le choc monétaire pourrait avoir des conséquences réelles. De ce fait, il n’y a plus neutralité de la monnaie : la composante non systématique de l’offre de monnaie (choc monétaire) a des conséquences réelles alors que la composante systématique n’a aucune influence puisque n’entraînant pas de confusion entre modification absolue et modification relative des prix. Il convient de signaler que dans les pays où les niveaux des prix sont très volatils, c’est-à-dire des pays ayant des tendances fortes { l’inflation, les chocs monétaires n’entraînent presque pas de grands mouvements dans les prix et l’emploi. Par contre, dans les pays où les prix sont généralement stables, des mouvements imprévus du niveau général des prix risquent d’être interprétés comme des mouvements des prix relatifs ; ils pourront donc facilement avoir des conséquences réelles. 3.4. Les critiques de la théorie des cycles à l’équilibre Les premières critiques adressées à la TCE font état de son incapacité à expliquer la durée et la persistance du cycle conjoncturel. Franco Modigliani (1977) note pour sa part que les erreurs de prévision sur les prix – qui, au sens de Lucas, sont les causes des fluctuations de la production intérieure brute autour de la tendance générale – sont brèves et aléatoires. Il ne peut y avoir un taux de chômage durablement supérieur au taux de chômage naturel car cela impliquerait une forte autocorrélation des erreurs de prévision, ce qui n’est pas conforme { l’hypothèse d’anticipations rationnelles. En effet, dans le modèle canonique de la NEC (modèle de Lucas – Sargent – Wallace), le produit réel de l’économie y ne s’écarte de la production potentielle y* qu’en raison des chocs aléatoires qui affecte l’économie à travers la quantité de monnaie en circulation. yt = y* + t. Pour Lucas – Sargent – Wallace, les écarts entre y et y* sont des bruits blancs, c’est-à-dire des surprises ou des erreurs non systématiques ou non autocorrelées. L’hypothèse d’anticipations rationnelles qui suggère un traitement optimal des informations passées ne s’accommode pas aux situations d’erreurs autocorrelées, or dans les faits, on constate que le cycle conjoncturel est une succession de périodes d’expansion pendant lesquelles l’écart est positif et de périodes de contraction pendant lesquelles l’écart est négatif. 27 Les tenants de la NEC ne nient pas cette évidence empirique mais ils ont leur interprétation des phénomènes de persistance. Un choc monétaire positif qui entraîne une hausse du niveau général des prix, peut être interprété – à tort – par les firmes comme une augmentation de leur prix relatif. Cette erreur les amènera { revoir { la hausse leur production. Une fois qu’elles se seront rendues compte de l’erreur d’interprétation, elles chercheront à revenir à leur production initiale mais la chose ne sera pas automatique. D’où, la persistance de l’effet du choc monétaire. Cette persistance peut également être mise en évidence { partir de l’effet du choc monétaire sur les capacités de production des firmes. Du fait qu’elles ont – { cause de l’erreur d’interprétation – décidé d’accroître leur production, les firmes ont été amenées { investir, c’est-à-dire accroître leur capacité de production. Une fois l’erreur constatée, elles devraient prendre un temps pour éliminer les surcapacités de production. Il apparaît ainsi des contraintes qui font que les agents économiques – quoique rationnels – ne pourront exercer leurs possibilités d’arbitrage intertemporel pour éliminer le cycle conjoncturel. Une autre critique adressé { la TCE est celle de l’origine monétaire du choc ou impulsion dans la terminologie de Frisch. D’aucuns estiment que la surprise monétaire n’est pas en mesure de rendre compte des importantes fluctuations de l’activité économique. Le retard dans l’observation des agrégats monétaires et du niveau général des prix ne justifient pas une adaptation ou un ajustement des comportements des agents économiques. Il sied de noter que si un niveau de prix élevé constitue une bonne chose pour les firmes, c’est l’inverse qui prévaut pour les demandeurs. Il ne serait donc pas surprenant d’observer une non réaction de la production et de l’emploi aux surprises monétaires. Certains travaux empiriques ont montré qu’un agrégat monétaire qui inclut certains aspects de l’intermédiation financière tel que M2 a une meilleure corrélation avec la production qu’un agrégat étroit tel que la base monétaire. Etant donné que l’intermédiation est endogène { l’activité économique, il est possible que la corrélation positive observée entre monnaie et production reflète plus l’impact de l’activité économique sur la création monétaire que l’inverse. Toutes ces critiques ont fait que, depuis les années 1980, les analystes de la conjoncture cherchent l’origine de l’impulsion initiale dans les phénomènes réels. D’où le passage { la théorie des cycles réels (TCR). 28 5 Théories des cycles réels C’est { la suite des faiblesses de la TCE que la théorie des cycles réels (TCR)4 a vu le jour aux Etats-Unis dans les années 1980. Sans nier que la monnaie peut avoir une influence sur l’activité économique, la TCR se fonde sur l’idée qu’il serait possible de montrer que l’impact des chocs réels sur une économie { l’équilibre suffit pour produire ou mettre en évidence les caractéristiques du cycle conjoncturel. Dans ce chapitre, nous aurons { fixer le cadre d’analyse de la TCR et { présenter son modèle de référence (modèle canonique). Aussi, nous verrons comment est-ce que les chocs sont intégrés dans l’explication des cycles { partir des phénomènes réels. Enfin, nous parlerons du rôle joué par la monnaie dans la réalisation des cycles réels. 4.1. Le cadre d’analyse et le modèle canonique Comme l’a fait la TCE, la TCR remet en cause la vulgate keynésienne en ce qu’elle ne se fonde pas sur un cadre d’optimisation des comportements des agents économiques. Pour bien comprendre le fonctionnement des mouvements de l’économie, il a semblé nécessaire de bien comprendre les caractéristiques du système économique et de savoir comment les agents répondent aux variations de leur environnement à la suite de chocs réels : chocs de productivité, chocs de production, chocs des dépenses gouvernementales. Les tenants de la TCR insistent également sur la description du cycle conjoncturel. Celui-ci est caractérisé par une évolution – dans le temps – des phénomènes de persistance ou de corrélation entre variables, des liaisons entre mouvements de l’activité économique, des différences de volatilité ou d’amplitude. Il y a lieu de signaler que la TCR envisage, comme l’a suggéré Hicks (1965), de comprendre – dans un même cadre – le phénomène de croissance et celui des fluctuations. Dans les modèles proposés, le taux d’épargne est défini par un agent représentatif { partir d’un programme d’optimisation intertemporel, l’offre de travail est fonction de la variation anticipée du salaire réel, le progrès technique se manifeste de manière discontinue. D’aucuns considèrent la TCR comme un dépassement et un enrichissement du modèle de Solow. L’hypothèse centrale des travaux des tenants de la TCR est celle d’un programme d’optimisation intertemporel avec des chocs réels, particulièrement des chocs technologiques qui modifient la fonction de production de l’économie. Modèle canonique de cycle réel Le modèle considère une économie faite d’une multitude d’agents ou de ménages identiques et ayant une durée de vie infinie. Leur problème de base est celui de maximiser { chaque instant, l’utilité que leur procurent la consommation c et le loisir l. La préférence pour le présent ou la dépréciation du futur est marquée par un facteur d’escompte b5. Celui-ci pondère d’autant plus faiblement l’utilité que la consommation et le loisir sont disponibles à des dates plus éloignées dans le temps. 4 5 En anglais, Real Business Cycles (RBC). b = 1/(1 + r) 0. avec r qui représente le taux d’intérêt. 29 Le problème économique du ménage représentatif qui consiste à maximiser la somme des utilités actualisées de la consommation et du loisir s’écrit comme suit : Max Ut b tnu(C tn , l nt ). n0 Cette fonction est « well behaved »6 et la consommation et le loisir sont des biens substituables. Le choix ou arbitrage entre ces deux se fait par l’intermédiaire du salaire réel qui est le prix de la renonciation { une heure de travail. Sous réserve que l’effet de revenu l’emporte sur l’effet de substitution, il est possible de dériver – à partir de ce programme de maximisation – une fonction d’offre de travail qui est une fonction croissante du salaire. La fonction de production macroéconomique est homogène de degré un et elle a deux arguments, à savoir le capital K et le travail L. Par ailleurs, elle subit des chocs t qui peuvent être envisagés comme des changements dans la productivité. On l’écrit : Yt = tF(Kt, Lt). Le choc peut être positif (t 1) tout comme il peut être négatif (t 1). Le choc positif aura pour effet de déplacer la courbe de production vers le haut et le choc négatif la déplacera vers le bas. Graphiquement, les choses se présenteront de la sorte : Fonction de production et chocs de productivité Y tF(Kt, Lt) avec t 1. F F(K, L) tF(Kt, Lt) avec t 1. L La fonction d’accumulation établit que le stock de capital { la date t + 1 est égal au stock de la période précédente diminué de l’amortissement enregistré en t et majoré de l’investissement réalisé en t. Kt + 1 = (1 – )Kt + It. Le paramètre représente le taux d’amortissement ou de dépréciation du capital. Il faut noter que la somme de la consommation et de l’investissement ne peut pas excéder le revenu national. Ct + It Yt. Par ailleurs, la somme du temps de travail Lt et du temps de loisir lt ne peut pas dépasser la disponibilité totale en temps L0. Ce qui nous amène à écrire : Lt + lt L0. 6 Ceci suppose que U 0 et U 0. 30 Le problème d’optimisation intertemporelle du consommateur ou ménage représentatif peut être résolu en se servant d’une fonction de Lagrange de la forme ci-après : Z= t0 b t u(C t , L0 Lt ) t0 t tF(Kt , Lt ) C t Kt1 (1 )Kt . Les valeurs optimales sont obtenues en différenciant Z par rapport aux différentes variables du problème. Mais le problème central est celui de savoir ce qui se passera après qu’un choc ait secoué le système économique. Avant de répondre à ce type de question, il faut commencer par déterminer la nature du choc et de savoir quel est son étalement sur le temps : est-il temporaire ou permanent ? En cas d’un choc positif temporaire, l’individu représentatif peut consommer intégralement le fruit du surcroît de productivité en maintenant inchangé l’investissement et l’offre de travail. Ce qui veut dire que le choc est absorbé { l’intérieur de la période et ne produit aucun effet sur les périodes futures. Quoique étant probable, ce comportement est peux judicieux. Il serait judicieux pour l’individu de profiter de cet accroissement inopiné de la productivité pour accroître la consommation et le loisir futurs. Il va donc investir une partie de la manne dont il bénéficie aujourd’hui pour tirer parti demain. La productivité du travail étant plus grande aujourd’hui que demain, il serait avantageux de travailler plus aujourd’hui (donc renoncer à un peu de loisir) et diminuer le temps de travail demain (donc accroître le temps de loisir). Dans ce cas, l’effet de substitution intertemporelle l’emporte sur l’effet de revenu. Si l’effet de revenu l’emporte sur l’effet de substitution, l’individu aura tendance à consommer plus de loisir aujourd’hui que demain. Autrement dit, il va réduire son effort au travail ainsi que sa consommation. Pour Plosser (1989), la situation la plus plausible est celle dans laquelle l’effet de substitution domine. C’est donc ce qui justifierait la forte corrélation entre les séries de production et de consommation même en présence de chocs non corrélés et purement temporaires. En cas d’un choc positif permanent, l’individu sera moins incité { accroître son investissement et son offre de travail d’aujourd’hui parce que l’effet de revenu aura { l’emporter sur l’effet de substitution. Dans le modèle de Kydland – Prescott (1982), en cas d’un choc technologique favorable, il va y avoir tendance { l’accroissement de la production, de la demande de travail et du salaire courant. Mais il y a du bruit dans l’information en ce sens que les agents ne savent pas si le choc est permanent ou temporaire. Si les ménages ou individus considèrent le choc comme transitoire, ils vont accroître leur offre de travail. Par contre, si les firmes jugent que le choc est permanent, elles vont lancer de nouveaux investissements. Comme les chocs technologiques sont corrélés dans le temps, il y aura une incitation à produire de nouvelles installations immédiatement mais aussi dans le futur. Du fait des délais de construction, la production continuera à croître même après la disparition ou l’amortissement des chocs de départ. Mais après un certain temps, si les chocs disparaissent totalement, l’investissement diminuera progressivement jusqu’{ ce que la dépréciation du capital ramène l’économie au régime permanent. 4.2. Les chocs dans la théorie des cycles réels Les chocs pris en considération par les tenants de la TCR ne peuvent pas être ramenés ou réduits à des chocs d’offre par opposition { des chocs de demande. Quand bien même on parle de choc de productivité ou de choc sur la technologie, ils ont des conséquences { la fois sur l’offre et sur la demande (par l’intermédiaire des conséquences sur la richesse et sur les décisions de travail). Certains font même remarquer que l’accent mis sur les chocs technologiques n’a pas de valeur particulière, ce n’est que pour des raisons de pure illustration. On pourrait identifier d’autres facteurs { la base des chocs réels tels que les changements de préférences des ménages ou les manipulations des instruments de la politique budgétaire. 31 Il convient de signaler que la TCR présente une double rupture par rapport à bien des analyses antérieures. Alors que certains conçoivent les fluctuations comme des déviations par rapport à la tendance générale, les tenants de la TCR expliquent les fluctuations par une variation même de la tendance. On comparant le graphique ci-après à celui présenté dans le premier chapitre, on se rend compte que l’équation de tendance n’est pas la même. Dans la théorie keynésienne, les cycles sont perçus comme des situations de déséquilibre, les tenants de la TCR les analysent comme des adaptations optimales d’une économie { l’équilibre. Les travaux empiriques menés par les tenants de la TCR pour appréhender les effets d’un choc de productivité n’ont pas été concluants. La première critique leur formulée est celle de la mesure même de la productivité. L’approche suggérée par Solow (résidu de Solow)7 n’a pas été en mesure de répondre aux besoins de l’étude. Une baisse de la demande qui peut entraîner une baisse du taux de croissance ne suppose pas une baisse de la productivité. Barro (1981) a introduit le concept de choc budgétaire dans l’analyse des cycles réels pour répondre à la question de savoir comment réagirait le système économique à une hausse des dépenses publiques. Il a proposé un raffinement de l’analyse de l’effet multiplicateur en tenant compte de l’effet du choc sur l’offre et en distinguant les variations temporaires des variations permanentes des dépenses publiques. Barro montre qu’une variation temporaire des dépenses gouvernementales augmente plus la demande agrégée que l’offre. Cette action a pour conséquences d’une part, la substitution partielle de la demande privée par la demande publique (effet d’éviction) et de l’autre, l’accroissement de l’offre. La demande publique s’accroît de G alors que la dépense privée diminue d’un montant aG, ce qui entraîne une variation nette de la demande d’un montant égal { (1 – a)G. L’effet du choc sur l’offre est d’accroître celle-ci d’un montant égal { bG. Par conséquent, l’excès de la demande sur l’offre est donné par : Yd – Ys = (1 – a – b) G. Dans le cas d’une hausse temporaire des dépenses publiques, il paraît logique de supposer que la somme a + b < 1. La différence ci-dessus montre bel et bien que la demande s’accroît plus que l’offre. Par conséquent, le choc budgétaire se traduit par un relèvement simultané du taux d’intérêt et du PIB. L’effet du multiplicateur ne joue pas pleinement. Admettons que les variations des instruments de la politique budgétaire soient identiques : G0 = T0. En les intégrant dans la relation d’équilibre macroéconomique, on obtient : Y = C0 + b(Y – T0 – T0) + I0 + G0 + G0 La différence de cette relation avec la relation d’équilibre donne la variation du revenu national qui découle des changements observés au niveau de la politique financière de l’Etat : Y – Y = Ye = –bT0 + G0 Puisque les dépenses additionnelles sont intégralement financées par un prélèvement fiscal additionnel, cette dernière relation peut s’écrire comme suit : Ye = (1 – b)G0. Ceci montre que le revenu national aura à croître dans des proportions moindres que les dépenses publiques. On peut parler, dans ces conditions, d’un quasi multiplicateur. 7 Le progrès technique est mesuré par la différence entre le taux de croissance du PIB et les taux de croissances des facteurs capital et travail pondérés respectivement par leurs élasticités. Pour un Cobb-Douglas, le progrès technique est donné par = gY – agK – (1 – a)gL. 32 Une augmentation permanente des dépenses publiques devrait entraîner à la fois un accroissement de la demande et de l’offre d’un montant approximativement égal. Ce qui devrait conduire à une invariance taux d’intérêt. Etant donné que la hausse des dépenses publiques est permanente, l’effet de la politique budgétaire serait de réduire constamment la consommation privée à cause de la baisse du revenu permanent des ménages. Pour résister à cet état de choses, les individus auront à travailler davantage : ce qui va entraîner un accroissement de l’offre de (b + b1)G. Par conséquent, l’excès de la demande sur l’offre est donné par : Yd – Ys = (1 – a – b – b1) G. L’accroissement de l’effet du choc budgétaire sur l’offre nous conduit { une situation dans laquelle a – b – b1 1. Ainsi, la différence devient nulle et le taux d’intérêt ne change presque pas. L’effet d’éviction étant nul, le choc entraîne un accroissement plus important du revenu. Effet d’une variation temporaire r Effet d’une variation permanente Ys Ys r r2 r1 Ys Ys r* Yd Yd Yd Yd Y Y Tout compte fait, l’analyse de Barro porte sur les effets du changement de la politique budgétaire sur la demande et l’offre agrégées. En intégrant dans son raisonnement un effet de capacité, il montre qu’une variation temporaire de la dépense publique entraîne une légère modification de l’offre alors qu’une variation permanente entraîne une modification plus importante de l’offre. 4.3. La monnaie et les cycles réels Alors que les classiques considéraient la monnaie comme un simple voile dans le processus des échanges, les tenants de la TCE ont montré qu’{ la suite d’une imperfection de l’information, un choc monétaire pouvait avoir une incidence sur les grandeurs réelles de l’économie : travail, investissement et production. La plupart des travaux de la TCR marque un retour { la dichotomie classique dans ce sens qu’ils réfutent la thèse selon laquelle les chocs monétaires seraient { la base des fluctuations de l’activité économique. Mais les choses se compliquent quelque peu lorsque King et Plosser introduisent dans leur modèle le rôle de l’intermédiation financière. Ils montrent que la monnaie8 est endogène et que le niveau des prix ne s’explique pas nécessairement par l’évolution de la masse monétaire. Les conclusions de King – Plosser et des autres analystes montrent que la NEC n’est pas une école de pensée unifiée. En effet, le corps d’explication qu’elle donne aux cycles conjoncturels est de plus en plus éclaté. 8 Il s’agit de la somme de la monnaie fiduciaire et de la monnaie scripturale. 33 Références bibliographiques 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. Abraham-Frois, G. et E. Berrebi, 1995, Instabilité, Cycles, Chaos, éd. Economica, Paris. 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