Vincent Delerm sort de son axe frivole

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Vincent Delerm sort de son axe frivole
24heures | Samedi-dimanche 21-22 décembre 2013
24heures | Samedi-dimanche 21-22 décembre 2013
CULTURE & SOCIÉTÉ
CULTURE & SOCIÉTÉ
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La Fondation
Pierre Arnaud
s’impose comme
centre d’art
et outil de
tourisme. Beaufils de l’industriel
disparu, Daniel
Salzmann a porté
le projet à terme.
Portrait d’un
«entrepreneur
culturel» forcé
de lever le voile
Deux expos par an
A quinze minutes de Sierre et de Sion, l’architecte valaisan Jean-Pierre Emery
a conçu cette façade de vitres reflétant le lac et les montagnes. FRANÇOIS BERTIN
Satisfait
Daniel Salzmann savoure
l’ouverture, à Lens, de la
Fondation Pierre Arnaud. La halle
d’exposition s’étend sur 900 m2
et deux étages. CHANTAL DERVEY
MichelineCalmy-ReyobserveunereprésentationdigitaledelaGrandeJattede
GeorgesSeurat:unetechniquestupéfianteinspiréedelaréalitéaugmentée. C.DERVEY
Le Centre d’art de Lens présentera
deux accrochages annuels
fonctionnant sur des cycles de
cinq ans. Les expositions d’hiver
entendent mettre en valeur les
grands courants picturaux qui ont
marqué l’art entre 1800 et 1950: dès
aujourd’hui et jusqu’au 22 avril 2014,
les visiteurs peuvent apprécier
l’exposition «Divisionnisme: Couleur
maîtrisée? Couleur éclatée!» soit une
extension de l’école pointilliste qui
revendiquait une révolution dans
la composition picturale, jouant sur
la juxtaposition des couleurs que
l’œil devait recomposer.
Lens présente 106 toiles de Georges
Seurat, de Paul Signac, de Camille
Pissarro, de Giovanni Giacometti,
etc. Le fonds Pierre Arnaud, riche
d’environ 400 peintures,
principalement suisses, sera mis
à contribution en fonction des
thématiques abordées: 6 tableaux
de la collection sont accrochés.
Quant aux expositions d’été, elles
entendent confronter les arts
premiers avec les grands courants
du XXe siècle.
Directeur artistique de la fondation,
Christophe Flubacher justifie la
cohérence de ce choix, ne voulant ni
concurrencer les blockbusters de
Gianadda ni le rôle «local» du Musée
d’art et d’histoire de Sion. «Au plus
profond de moi, je pense
complémentarité», promet-il. Et
Daniel Salzmann de rêver tout haut
à des expositions communes entre
les trois musées valaisans, chacun
présentant un aspect de la même
thématique.
A Lens, l’ancien psychiatre lance son pari fou
François Barras Lens
L’
homme en noir qui affectionnait le secret a appris
à montrer son visage. Daniel Salzmann a longtemps été un nom dans
les coulisses d’opérations
de financement: rachat de LeShop.ch et
entrée au capital des remontées mécaniques de Crans-Montana en 2003, aventure du magazine Saturne l’année suivante, acquisition de cliniques privées en
2005, mécène du Caprices Festival… Désormais, il joue à visage découvert: jeudi,
à Lens, aux côtés de la marraine, Micheline Calmy-Rey, il a ordonné la cérémonie
d’ouverture du Centre d’art, un vaisseau
de béton, de bois et de glace «offert» au
village valaisan par la Fondation Pierre
Arnaud, son beau-père, industriel fortuné, décédé à Lens en 1996.
A l’image de cette construction impressionnante – à l’origine «petit» lieu de
mémoire et d’exposition de la collection
de peintres valaisans engrangée par
Pierre Arnaud devenue un colosse de
900 m2 au coût de 14 millions de francs
(dont 10 millions de fonds privés) –, Daniel
Salzmann est mû par son ambition. Tant
pis pour la discrétion: celui qui refusait les
photos il y a dix ans, lors de son arrivée en
sauveur quelques jours avant le dépôt de
bilan de LeShop.ch, a lancé trop de dés
pour continuer à jouer dans l’ombre.
Dans le marigot des luttes politiques (cla-
niques) du Haut-Plateau valaisan, il est
pour certains le croque-mitaine tout désigné, le Vaudois opportuniste (il réside à
Saint-Prex), le chéquier derrière les politi-
«Je me donne un an
et demi à deux ans
pour trouver l’équilibre
financier»
ciens du cru. Pour d’autres, il incarne une
vision d’avenir tonique, un carnet
d’adresses considérable et une opportunité en platine de développer, enfin, ce
«tourisme doux» axé sur les services, l’environnement et la culture, qui suppléera
à l’absence de neige et à la Lex Weber.
A ce titre, le Centre d’art est accueilli
«comme un cadeau de Noël» par le président de Lens, David Bagnoud. Situé à 5 km
de Crans-Montana, le village au Christ-Roi
a vu passer Ramuz, Stravinski et les peintres Albert Muret et René Auberjonois. Il a
investi 1,5 million de francs dans sa construction et pourvoira à ses frais d’exploitation (5,5 millions de francs) à hauteur de
100 000 francs annuels, avec l’aide des
Communes du Plateau. Crans-Montana
met ainsi la main au porte-monnaie pour
financer cette vitrine de prestige de sa
promotion touristique. «Une station est
une entreprise, analyse Daniel Salzmann.
Tout doit fonctionner ensemble, si un élément connaît des problèmes, tous les
autres en pâtissent. Trop souvent, dans un
pays de montagne, les gens agissent encore par clan ou corporatisme, et l’intérêt
commun a du mal à émerger.»
Né à Genève en 1958, élevé au Maroc,
Salzmann a étudié la médecine à Lausanne pour devenir psychiatre. Il lâche la
blouse en 1990 et se lance dans la joaillerie, après avoir codirigé le cabaret lausannois des Faux-Nez. Chorégraphe, metteur
en scène, amateur de peinture et de musique, il tique au mot de mécène mais sourit à celui d’«entrepreneur culturel», pour
qui l’art peut être rentable. «Dans le cas
du Centre de Lens, je me donne un an et
demi à deux ans pour trouver l’équilibre
financier. On vise l’autofinancement.»
Septante-cinq mille visiteurs annuels
sont espérés, comptant pour un quart du
Critique
Bastian Baker met les Docks dans sa hotte
Bilan
Le Sine Nomine conclut 2013 en beauté
P
C
our 1000 fans, jeudi soir,
aux Docks, c’était Noël un
19 décembre. Bastian
Baker honorait la salle lausannoise du premier de deux
rounds musicaux: tous les
billets du concert initial,
programmé au 20 décembre,
avaient été écoulés en quelques
jours. La date supplémentaire a
connu le même sort. Premier
indice d’un succès indiscutable.
Pour le second, prière de suivre
la file d’attente peu avant
l’ouverture des portes, serpentant sur une centaine de mètres
dans le quartier interlope de
Sévelin, où les moins de 18 ans
ne rôdent pas la nuit. Sauf au
concert de Bastian Baker.
Les jeunes ados aux premiers
rangs, leurs parents au fond de
la salle. Entre eux, une vaste
part de public très féminin et
joyeusement trentenaire,
visiblement sidéré par le
chanteur de 21 ans qui attaque
VC6
Contrôle qualité
son set. Muscles moulés sous
un veston de cuir, banane fifties
mais pas trop, lourdes œillades
hollywoodiennes: Baker joue
plus franchement que jamais
son rôle de beau gosse puisque
son public en redemande. Le
moindre de ses mouvements
donne lieu aux stridentes
réactions des demoiselles en
pâmoison, qui connaissent les
paroles par cœur, preuve de
ferveur (des demoiselles) ou de
facilité (des paroles). L’avantage d’un refrain tel que «I’d
sing for you/You’d sing for me»
(ad lib), c’est qu’il évite la
migraine.
De toute façon, personne n’est
là pour se prendre la tête.
Bastian, ses musiciens, leur
public sourient dans une grande
communion FM où les chansons
déroulent la même poignée
d’accords rois du rock soft. On
pense à Patrick Bruel, à Roch
Voisine et à d’autres vendeurs
de refrains bien huilés, sans la
moindre écharde, ruade ou prise
de risque qui pourrait entraîner
un début d’enjeu artistique. Le
déferlement inoffensif, voix en
avant et instruments en tapis de
fond, charrie les tubes de ses
deux premiers albums. Voix
chaudes, refrains pur sucre: il ne
reste pas grand-chose de cette
démonstration débonnaire une
fois les guitares déposées, après
deux petites heures d’ébats
enjoués et sans surprise. Le
chanteur lausannois, nouvelle
star suisse, connaît ses atouts et
maîtrise sa formule magique. Si
l’on n’écrit pas de bonne
littérature avec de bons
sentiments, l’histoire de la pop a
prouvé que la standardisation
était gage d’une relative
longévité. On aimerait simplement que sous les muscles la
chair apparaisse un peu plus, et
pourquoi pas à vif.
François Barras
onçu autour de quatre
moments répartis sur
une année, le Festival
Sine Nomine avait pris une
ampleur exceptionnelle pour
célébrer les 30 ans du Quatuor
Sine Nomine. Le violoniste
François Gottraux en tire un
bilan artistique très positif:
«Nous avons joué dans des
ambiances et des lieux très
différents, décalés, chargés
d’histoire, nous avons varié les
formations, du trio à l’orchestre
avec chœur, et touché les
publics les plus divers.»
Il y a eu en décembre 2012 cette
«incroyable Schubertiade
hivernale» à Lausanne. La
représentation du Vin herbé de
Frank Martin à l’Opéra, cet été,
suivie par la saga «Aimez-vous
Brahms?» cette folie Belle
Epoque déclinée dans des
palaces à Glion, à Adelboden et à
Sils. Le dernier concert s’est
donné en octobre au Capitole de
Lausanne avec une surprenante
bande-son du film L’aurore de
Murnau. Pour François Gottraux,
«la grande réussite du festival, si
elle n’est pas financière puisqu’il
nous a manqué du budget, aura
été d’emmagasiner autant de
souvenirs forts».
L’année se conclut en beauté
avec deux livres inclassables. La
BD dessinée par Simon Kroug
racontant l’aventure du quatuor
offre, selon François Gottraux,
«une vision parallèle sur notre
travail qu’on
apprécie». Elle est
enrichie d’un CD
d’inédits, tout
comme l’édition
du manuscrit du
Quintette K.593
de Mozart par la
Fondation Bodmer,
avec l’interprétation
brûlante du Sine
Nomine et de
Raphaël Oleg. «La
beauté et la clarté de l’écriture
de Mozart effacent la distance
de 220 ans qui nous séparent
d’elle, s’émeut le violoniste, et
c’est de la musique géniale!»
Matthieu Chenal
Mozart, Quintette en ré majeur,
Fondation Martin Bodmer PUF
Sine Nomine, histoire
d’un quatuor à cordes
S. Kroug, F. Grivel, A. Scherrer
Ed. Infolio
www.festivalsinenomine.ch
En chiffres
13,2
En millions de francs,
le coût total de la
construction du Centre d’art,
dont 10 millions de fonds privés.
5,5
En millions, le budget
d’exploitation annuel.
Dont un quart de sponsoring et un quart
de mécénat et de subventions.
75000
Le nombre
de visiteurs
espérés par année.
budget d’exploitation. En comparaison,
la Fondation Gianadda a accueilli à Martigny 210 000 personnes en 2013. Pas question, pour autant, de revendiquer de
concurrence avec l’auguste aînée! Au
cours de la conférence de presse, tous les
dithyrambes étaient de sortie pour encenser le musée octodurien. «Vraiment,
insiste Daniel Salzmann, nous n’avons
pas la prétention de rivaliser avec le remarquable travail de Léonard Gianadda.»
Pourtant, un premier projet avait été imaginé… à Martigny! «C’est exact, nous
avions proposé à Léonard de renforcer le
pôle culturel de la Ville. Mais c’est un
solitaire, il ne chasse pas en bande.»
Finalement à Lens, bien arrimée aux
rives du lac du Louché, la Fondation
Notre sélection livres
Essai
Humour
Après s’être
penché sur une
Histoire de la
beauté, puis une
autre, de la
laideur, Umberto
Eco canalise son
infinie érudition
selon les lieux de légende.
Esprit versatile, l’universitaire
émérite gambade de l’Atlantide
aux migrations du Graal, des
îles de l’Utopie aux territoires
d’Homère. Sans oublier l’Eden,
le pays de Cocagne ou le
paradis terrestre. Le nom de la
rose lui valut une adhésion aussi
massive que durable, et tant pis
s’il lui arriva de décevoir ensuite,
par excès et redondances. Ce
travers trouve ici un écho plus
adéquat, le plaisir se lovant
dans l’anecdote, un poème, une
atmosphère. cle
Histoire des lieux de légende
Umberto Eco
Ed. Flammarion, 479 p.
VC6
Contrôle qualité
Pierre Arnaud attend ses convives. Le restaurant de haut vol, l’ampleur des espaces, la beauté du décor et l’application de
ses conservateurs lui offrent de beaux
atouts, que renforcera son rôle de «cadre
de fête VIP»: l’édifice de standing compte
en effet beaucoup sur sa location pour des
soirées privées. «Nous attendons aussi les
enfants des écoles, les gens de la région,
etc. Nous voulons que la population valaisanne s’approprie ce centre comme un
lieu d’art mais aussi d’échange et de détente.» Prestige et populaire: le pari permanent de Daniel Salzmann.
Lens (VS), Centre d’art
Ouvert tous les jours (10 h-19 h)
www.fondationpierrearnaud.ch
31
Vincent Delerm sort
de son axe frivole
Le chanteur revient avec
Les amants parallèles,
album concept autour
d’une relation amoureuse
équivoque. Entretien
Boris Senff
I
l est partout, Vincent Delerm, ces dernières semaines, pour parler de son
cinquième album, Les amants parallèles. Pas une émission qui n’ait accueilli sa flamme de cheveux grisonnants brûlant sur une tête qui ressemble de plus en plus à celle de Jean-Luc
Godard. Une référence qui ne devrait pas
déplaire à celui qui avait achevé ses études de lettres par un travail sur «François
Truffaut, cinéaste écrivain».
La case On n’est pas couché de Laurent
Ruquier faisait une fois de plus partie du
parcours médiatique. «Il m’invite depuis
le début, remercie le chanteur. Mais c’est
long, l’émission dure trois heures, l’enregistrement fait près du double…» La promotion est un sport de marathonien: il
faut savoir patienter pour exister. «Je fais
tout perso, je n’ai pas de manager, mais je
ne vais pas m’enterrer vivant!»
Les amants parallèles réclament peutêtre un soin particulier dans la communication, car cet album – qui vient cinq ans
après le dernier, Quinze chansons – abandonne en grande partie la frivolité existentialiste qui faisait de Vincent Delerm
un surfeur sentimental victorieux de toutes les modes «bobos». «Avant, s’il y avait
de la gravité, je la contrebalançais par une
blague, une chanson légère. Maintenant,
sans être forcément austère ou mélancolique, je reste assez premier degré dans la
description de cette histoire d’amour.»
Dans l’intervalle, le chanteur a tourné
sa pièce Memory, publié un livre-CD pour
enfants lu par Jean Rochefort (Léonard a
une sensibilité de gauche), un recueil de
photos (Probablement) et exposé une installation photographique sur l’élection
présidentielle française de 2012. De retour à la chanson, il trouve un ton plus
embué et accouche d’un enregistrement
«concept» évoquant une relation amoureuse en 13 titres et interludes. «Un chanteur que l’on aime, on veut bien acheter
un ou deux de ses disques, mais peut-être
pas huit. Sur Quinze chansons, je variais
les plaisirs, les arrangements, d’un titre à
l’autre. Avec Les amants, j’avais envie de
rester sur une seule ambiance.»
L’homogénéité du «mood» – oui,
l’auteur de Kensington Square ne craint
pas les anglicismes – est garantie par une
réalisation musicale assurée par deux pia-
Dans Les amants parallèles, Vincent
Delerm n’utilise que deux pianos
pour réaliser la musique. LDD
nos seulement, dont l’un préparé. «Cette
bonne idée n’est même pas de moi.»
Maxime Le Guil et Clément Ducol – compagnon de la chanteuse Camille, qui a
réalisé son album Ilo Veyou – ont donc
construit toutes les sonorités, des lignes
de basse en passant par les motifs de
percussion, sur cette base.
Un bel exercice de style – assez proche
dans l’esprit de certaines approches de
Mathieu Boogaerts –, mais qui n’en reste
pas moins au service de l’amour, flashant
«Je fais tout perso,
je n’ai pas de manager,
mais je ne vais pas
m’enterrer vivant!»
une liaison des débuts jusqu’à un horizon
incertain. «J’ai dû écrire trois chansons
qui ne parlent pas de sentiments. Même si
je suis assez pudique, cela m’a toujours
plu. Les amants représentent une étape
différente avec la volonté, plus rare, de se
pencher sur les débuts amoureux plus
que sur la douleur d’une rupture.»
Sur la pochette, le chanteur pose à
côté de sa compagne. Tout va donc bien
finir? «J’aime de plus en plus que le travail
soit complété par les autres, alors, positif
ou négatif, il vous faudra choisir. Pour
l’instant, les réactions vont un peu dans
les deux sens.» Géométriquement, les parallèles se rejoignent à l’infini.
Les amants parallèles
Vincent Delerm
Tôt ou Tard
(distr. Disques Office)
Blu-ray de la semaine
Beau livre
BD
A offrir aux
innocents les
mains pleines
de bûches de
Noël, ce
détournement
majeur des frères ahuris
provoque l’extase. L’état de
grâce. L’illumination. Le nirvana
chaux-de-fonnier. Les trublions
exagèrent. Au risque de finir
dans «l’Asile de flous», il faut les
suivre dans leurs expéditions,
quitte à y croiser des Monty
Python égarés, un lapin en
charge des non-anniversaires ou
le roi Ubu. Inutile de tirer la
moquette au sommet des Alpes
pour la fumer: ces visions
historico-oniriques, peuplées de
questions existentielles, sont
addictives. «Où sont les beignes
d’antan?» cle
Les billets doux,
dit-on, excitent la
convoitise des
collectionneurs.
Et si le voyeurisme
s’immisce dans la
contemplation de
ces lettres intimes,
elles subjuguent par leur
pouvoir d’évocation, si vif en
fac-similé. Il y a les amants
prévenants comme Prévert:
«Ça m’ennuie de te savoir sous
la pluie avec des chaussures qui
peuvent prendre l’eau.» Les
directs, façon Puccini: «Tu es
mon unique joie.» Ou les
malicieux, voir Chopin
taquinant sa George Sand:
«Avez-vous un répertoire
suffisant de contredanses pour
faire l’orchestre?» Toute une
déclaration. cle
Baudoin nous
emmène chez les
Indiens et ça
nous fait du bien.
Parce qu’il parle
des siens. De son
grand-père, qui
les a croisés dans
sa vie américaine, et de ceux
qu’il considère comme des
frères. Pépé Félix, qu’il a déjà
mis en scène dans Made in US, a
connu Buffalo Bill. Baudoin
piste son aïeul à travers les
récits de son père. Et puis le
livre s’ouvre et se retourne vers
aujourd’hui. Tout est beau dans
ce récit: le dessin incandescent,
la manière d’écrire bulles et
récitatifs, la poésie, l’amour de
l’autre. Sans oublier l’ode à ceux
qui ne connaissaient pas le droit
de propriété individuel. On en
revient émerveillé. mrm
De zéro à Z. L’abécédaire de
l’inutile
Plonk & Replonk
Ed. Hoëbeke, 96 p.
Je n’ai rien à te dire sinon que
je t’aime
Dirigé par Dominique Marny
Ed. Textuel, 192 p.
Les enfants de Sitting Bull
Baudoin
Ed. Bayou/Gallimard, 89 p.
Film emblématique de la
première partie de carrière de
Jean Gabin, La bête humaine,
librement adapté du roman
éponyme d’Emile Zola, nous
revient dans une
version restaurée,
magnifiée par un
Blu-ray de parfaite
facture. Sorti en
1938, une année
après La grande
illusion, ce métrage
raconte comment
Jacques Lantier,
mécanicien de la
locomotive à
vapeur La Lison,
devient l’amant de
Séverine dont le mari est un
assassin. Las, la jeune femme
ignore que Lantier est lui aussi
victime de pulsions
meurtrières… Le visage de
Gabin couvert de suie fait partie
des images les plus célèbres du
cinéma français. A l’époque, le
comédien cherchait à incarner
un cheminot. Les restes d’un
rêve d’enfance, avouait le grand
Jean. Le réalisateur Jean Renoir
lui propose alors cette Bête
humaine où l’acteur français
(qui apprend à véritablement
conduire une locomotive pour
les besoins du
long-métrage)
donne toute la
mesure de son
talent, incarnant à
la perfection les
multiples facettes
de son personnage
tourmenté. Face à
lui, la troublante
Simone Simon,
alors considérée
comme une des
vamps du grand
écran, se montre manipulatrice
à souhait. En bonus, le
passionnant documentaire Une
mort aux trousses revient sur le
tournage effectué entièrement
en décors naturels. Un must.
Laurent Siebenmann
La bête humaine
Jean Renoir
StudioCanal