Guillemain - Achille Janet

Transcription

Guillemain - Achille Janet
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
UN
CARNAVAL
THERAPEUTIQUE
DANS
LES
ANNEES
1890
LA
CURE
D’ACHILLE,
LE
SUJET
POSSEDE
DE
PIERRE
JANET
A
Therapeutic
Carnival
in
the
1890s.
The
Achille’s
Cure
or
the
Pierre
Janet’s
Possessed
Patient
Hervé
Guillemain,
Université
du
Maine
Reçu
le
21
mars
2011,
accepté
le
18
avril
2011
Résumé
Qu’est
ce
qu’un
exorcisme
moderne
?
C’est
ainsi
que
Pierre
Janet
définit
son
travail
thérapeutique
avec
le
patient
Achille
dans
les
années
1890.
Alors
que
Charcot
vit
ses
dernières
années
et
que
Freud
révèle
progressivement
son
système
analytique,
la
Salpêtrière
accueille
un
nouveau
possédé.
Le
récit
de
cette
cure
est
connu,
mais
il
n’est
pas
unique
dans
l’œuvre
de
Janet.
En
partant
de
ces
différentes
versions
et
d’une
recherche
du
vrai
Achille
dans
les
archives
hospitalières,
cet
article
relate
une
mise
en
scène
savante
et
amusante
de
la
possession
à
la
fin
XIXe
siècle.
Il
interroge
aussi
la
nature
d’une
thérapie
éclectique
fondée
sur
une
définition
péjorative
de
l’hystérique.
Mots-clés : possession, hystérie, psychothérapie, Salpetrière, Janet.
A
Therapeutic
Carnival
in
the
1890s.
The
Achille’s
Cure
or
the
Pierre
Janet’s
Possessed
Patient
Abstract
What
is
modern
exorcism?
These
were
the
terms
used
by
Pierre
Janet
in
his
therapeutic
work
on
a
patient
called
Achille
in
the
1890s.
While
Charcot
was
living
his
last
years
and
Freud
was
beginning
to
publicise
his
analytical
system,
the
Parisian
Hospital
La
Salpétrière
welcomed
a
new
possessed.
The
tale
of
the
cure
is
well
known
but
it
should
be
set
in
the
wider
context
of
Janet’s
work.
From
the
various
narratives
of
this
cure
to
the
enquiry
on
the
real
patient
called
Achille
in
the
hospital
archives,
the
article
sets
out
a
representation
of
an
erudite
and
entertaining
possession
case
in
the
late
nineteenth
cent.
It
also
questions
the
tenets
of
an
eclectic
therapy
grounded
on
a
biased
approach
to
hysteria.
Keywords: possession, hysteria, psychotherapy, Salpetrière, Janet.
Un
carnaval
terapéutico
en
la
década
de
1890.
La
cura
de
Achille,
el
sujeto
poseído
de
Pierre
Janet
Resumen
¿Qué
es
un
exorcismo
moderno?
Así
es
como
definió
Pierre
Janet
su
trabajo
terapéutico
con
el
paciente
Achille
en
la
década
de
1890.
Mientras
que
Charcot
vive
sus
últimos
años
y
Freud
va
revelando
progresivamente
su
sistema
analítico,
la
Salpêtrière
recibe
a
un
nuevo
poseso.
El
relato
de
esta
cura
ya
es
conocido,
pero
no
es
único
en
la
obra
de
Janet.
Este
artículo,
a
partir
de
las
diferentes
versiones
y
de
una
investigación
sobre
el
verdadero
Achile
en
archivos
de
hospitales,
relata
una
escenificación
erudita
y
divertida
1
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
de
la
posesión
a
finales
del
siglo
XIX.
Interroga
asimismo
la
naturaleza
de
una
terapia
ecléctica
basada
en
una
definición
peyorativa
de
lo
histérico.
Palabras clave: posesion, histeria, psicoterapia, Salpetrière, Janet.
Au
début
des
années
1890,
un
homme
est
adressé
au
laboratoire
de
psychologie
de
la
Salpêtrière.
Le
sujet,
agité
et
hagard,
s’est
griffé
le
visage
avec
les
ongles
et
insulte
les
soignants.
Fugueur
et
suicidaire,
il
commet
des
actes
étranges,
voit
et
entend
des
démons.
Il
est
logiquement
confié
au
service
de
Charcot
qui
en
cette
fin
de
siècle
est
devenu
le
lieu
d’étude
privilégié
de
ces
sujets
«
possédés
».
Mais
c’est
le
jeune
philosophe
et
psychologue
Pierre
Janet
qui
a
les
primeurs
de
la
confession
de
ce
sujet
rebaptisé
Achille
pour
les
besoins
du
récit.
Enseignant
dans
les
établissements
secondaires
de
province
dans
les
années
1880,
l’homme
voit
sa
carrière
s’accélérer
entre
1889,
date
de
la
publication
d’une
thèse
de
philosophie
qui
fait
événement
‐
L’Automatisme
psychologique
–
et
1893,
année
de
soutenance
d’une
thèse
de
médecine
très
remarquée
portant
sur
les
accidents
mentaux
des
hystériques.
Cette
nouvelle
étape
d’un
parcours
résumant
assez
bien
la
matrice
philosophique
de
la
psychologie
française,
amène
à
Pierre
Janet
de
nouveaux
sujets
considérés
comme
hystériques
dans
un
service
prestigieux
qu’il
fréquente
depuis
1890.
Dans
ce
temps
d’observation,
Janet
construit
sa
théorie
psychologique
de
l’hystérie,
entame
sa
reconnaissance
institutionnelle,
tandis
qu’à
travers
le
récit
de
la
cure
d’Achille,
son
expérimentation
thérapeutique
éclectique
se
dévoile
également.
Le
cas
est
d’autant
plus
intéressant
qu’il
a
été
signalé
à
plusieurs
reprises
sans
avoir
été
l’objet
d’une
interprétation
historique
poussée.
Des
travaux
pionniers
d’Henri
Ellenberger
aux
plus
récentes
histoires
de
la
psychologie,
l’exemplarité
de
la
cure
d’Achille
est
rappelée
(Ellenberger,
1994
:
394
;
Ellenberger,
1995
:
184‐205
;
Carroy,
Ohayon,
Plas,
2006
:
82).
On
trouvera
aussi
dans
les
dernières
années
des
interprétations
ethnologiques,
sociologiques
et
politiques
du
cas
qui
n’épuisent
pas
a
priori
une
lecture
historique
(Bernand,
1987
;
Laurens,
2003
;
Despret,
2006).
Pour
lui
donner
du
sens
je
propose
de
m’appuyer
en
premier
lieu
sur
de
nouvelles
sources.
L’interprétation
de
la
cure
d’Achille
par
Janet
s’est
en
effet
toujours
résumée
à
une
lecture
du
récit
publié
en
1898
dans
le
recueil
Névroses
et
idées
fixes1.
Cette
longue
observation
est
en
fait
la
reprise
d’une
conférence
donnée
le
23
décembre
1894
à
l’université
de
Lyon
dont
le
texte
est
publié
sous
la
forme
d’un
compte‐rendu
sténographique
quatre
ans
avant
sa
reprise
en
recueil2.
De
plus
l’histoire
d’Achille
est
évoquée
plus
succinctement
avant
ces
publications
dans
la
thèse
de
médecine
de
Janet3,
dans
sa
version
publiée4
et
enfin
en
1929
dans
le
cadre
d’une
conférence
au
Collège
de
France5.
Au
total
on
dispose
donc
de
cinq
versions
de
cette
cure,
versions
qui
se
distinguent
par
leur
nature,
la
date
de
leur
rédaction,
la
teneur
de
leur
récit.
A
partir
de
ce
corpus,
une
enquête
menée
dans
les
registres
de
la
Salpêtrière
sur
l’identité
du
vrai
1
P.
Janet,
«
Un
cas
de
possession
et
l’exorcisme
moderne
»,
Névroses
et
idées
fixes,
vol.
1,
Paris,
Alcan,
1898,
p.
375‐406
(les
références
donnés
à
la
suite
sont
tirées
de
la
4e
édition
publiée
en
1925).
2
P.
Janet,
«
Un
cas
de
possession
et
l’exorcisme
moderne
»,
Bulletin
des
amis
de
l’université
de
Lyon,
déc.
1894,
p.
41‐57.
3
P.
Janet,
Contribution
à
l’étude
des
états
mentaux
chez
les
hystériques,
Paris,
juillet
1893,
p.
37.
4
P.
Janet,
L’Etat
mental
des
hystériques,
Paris,
Alcan,
édition
de
1911,
p.
407‐410.
5
P
;
Janet,
L’Evolution
psychologique
de
la
personnalité,
Paris,
1929,
réédition
de
1984,
p.
154‐
165.
2
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
Achille
permet
d’évoquer
les
modalités
de
mise
en
récit
des
études
de
cas
de
Janet.
Outre
qu’elle
permet
de
questionner
la
représentation
de
l’hystérique
dans
les
années
1890,
cette
cure
est
un
bon
point
d’observation
de
la
pratique
thérapeutique
de
Janet.
Une
remise
en
perspective
historique
plus
large
vient
clore
cet
article.
Car
si
le
temps
des
possessions
est
bien
mort
comme
l’explique
Michel
de
Certeau,
la
possession
n’est
jamais
terminée
(voir
l’article
de
Claire
Soudier
dans
ce
numéro).
Pierre
Janet
renvoie
à
plusieurs
reprises
à
l’épisode
de
Loudun
et
à
l’expérience
du
père
Surin
sur
lesquels
Certeau
s’était
appuyé
dans
son
maître
livre
au
début
des
années
1970
:
«
la
possession
ne
comporte
pas
d’explication
historique
véritable
puisque
jamais
il
n’est
possible
de
savoir
qui
est
possédé
et
par
qui.
Le
problème
vient
précisément
qu’il
y
a
de
la
possession…
»
(Certeau,
1970
:
327).
L’opération
historique
ne
peut
se
résumer
à
une
exclusion
de
l’étrangeté
hors
d’un
périmètre
convenu.
La
possession,
jamais
terminée
donc,
signale
au
XIXe
siècle
une
nouvelle
redistribution
des
pouvoirs.
Les
médecins
déjà
présents
à
Loudun
sont
désormais
au
cœur
du
problème
pour
dire
la
nature
de
l’Adversaire
et
proposer
de
nouveaux
modes
de
lutte.
La
question
qui
sous‐tend
l’expression
de
la
possession
se
repose
avec
acuité
en
cette
fin
de
XIXe
siècle
dans
le
champ
thérapeutique
sous
ses
formes
psychiatrique,
neurologique
et
psychologique.
Charcot
exhibe
fièrement
à
la
société
entière
des
hystériques
comparées
aux
démoniaques
des
temps
modernes.
Freud
est
au
même
moment
plongé
dans
les
traités
des
démonologues.
Il
écrit
à
Fliess
en
1897
:
«
toute
ma
nouvelle
histoire
originaire
de
l’hystérie
est
déjà
connue
et
déjà
publiée
des
centaines
de
fois
il
y
a
même
plusieurs
siècles.
J’ai
toujours
dit
que
la
théorie
de
la
possession,
en
vigueur
au
Moyen‐âge
et
dans
les
tribunaux
ecclésiastiques,
était
identique
à
notre
théorie
du
corps
étranger
et
du
clivage
de
la
conscience»6.
Entre
ces
deux
moments
et
ces
deux
manières
de
s’arranger
avec
le
démoniaque,
Janet
revêt
l’habit
d’exorciste
moderne
face
à
son
patient
possédé
Achille.
La
possession
d’Achille,
récits
et
personnages
L’exposition
publique
d’une
observation
relève
en
médecine
et
en
psychologie
d’une
forme
de
mise
en
scène
probatoire.
Tel
est
le
cas
de
la
présentation
de
l’histoire
d’Achille
par
Janet
qui
emprunte
à
divers
registres
d’écritures.
Dans
l’ordre
chronologique,
le
premier
(1893)
est
celui
de
la
thèse
de
médecine.
Ce
récit
qui
est
le
plus
bref
(un
paragraphe)
s’inscrit
dans
une
réflexion
théorique
et
pratique
sur
les
expériences
de
suggestion.
Le
second
(1894)
sur
lequel
on
s’arrêtera
est
totalement
différent.
Il
est
la
version
écrite
d’une
conférence
donnée
le
23
décembre
1894,
deux
jours
avant
Noël,
à
l’université
de
Lyon,
pour
la
Société
des
amis
de
cette
noble
institution7.
Janet
parle
certes
devant
certains
de
ses
collègues
–
Lacassagne
fait
partie
du
comité
du
Bulletin
–
mais
il
parle
surtout
devant
un
public
de
notables
‐
militaires,
médecins,
élus
locaux,
journalistes
–
ce
qui
pèse
sur
la
manière
dont
il
relate
l’histoire
d’Achille.
Janet
choisit
clairement
un
sujet
adapté
à
son
public
:
une
possession
et
un
exorcisme
moderne.
Il
6
Lettre
de
Freud
à
Fliess,
17
janvier
1897,
reproduite
dans
S.
Freud,
Lettres
à
Wilhelm
Fliess,
édition
complète,
PUF,
2006,
p.
286.
7
Le
premier
numéro
du
Bulletin
de
la
Société
des
amis
de
l’université
de
Lyon
est
publié
en
1886.
Les
sujets
abordés
par
cette
société
sont
éclectiques,
souvent
scientifiques.
La
société
accueille
notamment
une
conférence
des
frères
Lumières.
Janet
publie
une
seconde
fois
dans
ce
cadre
:
«
Sur
la
divination
par
les
miroirs
et
les
hallucinations
sub‐conscientes
»,
conférence
faite
à
l'Université
de
Lyon
le
28
mars
1897,
Bulletin
des
travaux
de
l'Université
de
Lyon,
vol.
II,
juillet
1897,
p.
261‐274.
3
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
s’agit
pour
le
scientifique
de
plaire
et
de
plaisanter
autant
que
de
communiquer
sur
un
aspect
de
la
psychopathologie
contemporaine.
C’est
ce
récit
mondain
dans
lequel
Janet
s’amuse
de
son
possédé
qui
est
repris
avec
quelques
différences
et
un
peu
plus
longuement
quelques
années
plus
tard
dans
le
volume
Névroses
et
idées
fixes.
Près
de
quarante
ans
plus
tard
(1929),
Janet
donne
un
nouveau
récit
devant
le
Collège
de
France
dans
lequel
il
rappelle
avec
une
écriture
distanciée
son
état
d’esprit
de
l’époque
et
fait
notamment
état
des
critiques
ecclésiastiques
qui
furent
produites
sur
le
«
pseudo
possédé
»
Achille.
La
lecture
historique
du
possédé
de
Janet
est
à
la
fois
enrichie
et
compliquée
par
la
multiplicité
de
ces
mises
en
récits,
ce
dont
témoignent
par
exemple
les
explications
contradictoires
de
leur
auteur
d’une
version
à
l’autre.
Dans
la
réflexion
sur
l’hérédité
du
cas
par
exemple,
le
père
d’Achille
est
présenté
comme
obsédé
par
le
démon
dans
l’article
de
1898
(Janet,
1898
:
379‐380),
mais
dénué
de
maladie
nerveuse
ou
mentale
dans
le
texte
de
la
conférence
de
1894.
Dans
le
même
ordre
d’idée,
on
peut
percevoir
des
allusions
contradictoires
sur
la
damnophobie
d’Achille
à
qui
Janet
prête,
selon
les
versions,
soit
une
incroyance
profonde,
soit
un
caractère
scrupuleux.
Simplifié
à
l’extrême
dans
la
thèse
de
médecine,
le
récit
foisonne
de
citations
extra‐médicales
dans
le
texte
de
la
conférence
:
allusions
aux
croyances
populaires
(l’arbre
de
Satan),
aux
anciens
récits
de
possession
(Achille
se
jette
dans
un
marécage
afin
de
vérifier
son
état
comme
dans
un
récit
d’Ordalie),
aux
Evangiles
(tel
le
possédé
de
Gerasa
de
l’Evangile
de
Marc,
Achille
erre
près
des
tombes
la
nuit
en
se
mutilant
avec
des
pierres).
Pierre
Janet
nourrit
ses
textes
de
références
aux
travaux
de
médecine
rétrospective
des
années
1880
mais
il
revient
aussi
sur
des
ouvrages
du
XVIIIe
et
du
XIXe
siècles
afin
de
convaincre
ses
auditeurs
du
caractère
vraisemblable
de
son
exorcisme
moderne.
Le
récit
de
la
possession
d’Elizabeth
de
Ranfaing
(Lorraine,
1622)
par
Dom
Calmet
est
abondamment
cité
pour
démontrer
l’intérêt
des
techniques
de
suggestion8.
On
retrouve
logiquement
aussi
une
référence
à
Alfred
Maury
destinée
pour
Janet
à
replacer
le
comportement
d’Achille
dans
l’histoire
longue
des
superstitions9.
A
ce
propos
et
une
fois
de
plus,
la
contradiction
n’effraie
pas
le
psychologue.
Dans
le
texte
de
1929,
Achille
est
présenté
comme
un
«
brave
homme
de
la
campagne,
très
ignorant
et
naïf
»,
tel
les
démonopathes
décrits
par
Esquirol
au
début
du
XIXe
siècle.
Pourtant
dans
sa
conférence
grand
public
de
1894,
Janet
évoque
plutôt
les
traits
d’un
homme
intelligent
et
grand
lecteur.
Ces
remarques
nous
conduisent
à
penser
que
lorsque
Janet
emploie
le
mot
de
«
personnage
»
pour
qualifier
Achille
en
1894,
il
faut
probablement
le
prendre
au
pied
de
la
lettre.
La
littérature
psychopathologique
s’enrichit
ici
d’un
héros
«
pseudonyme
»
empruntant
sans
doute
à
la
réalité
d’une
pratique
mais
aussi
à
un
ensemble
de
récits
connus
du
sujet
et
du
thérapeute.
Rappelons
qu’à
la
fin
du
récit,
Achille
reconnaît
que
sa
possession
est
le
fruit
de
lectures
de
«
romans
»
:
il
est
vrai
que
les
lectures
ne
manquent
pas
sur
le
sujet
dans
ces
années
(voir
l’article
de
J.
Carroy
dans
ce
dossier).
En
1891,
date
à
laquelle
Achille
arrive
à
la
Salpêtrière,
est
publié
Là­bas
l’œuvre
sataniste
de
J.
K
Huysmans.
Si
Janet
s’amuse
à
jouer
l’exorciste
autant
qu’Achille
joue
le
possédé,
on
peut
poser
légitimement
la
question
de
l’existence
réelle
d’Achille.
Jacques
Maître
a
bien
montré
dans
son
étude
sur
Madeleine
Lebouc
(Maître,
1993
:
357)
quel
degré
de
confusion
pouvait
régner
dans
la
transcription
de
certains
cas
de
8
Dom
Calmet,
Traité
sur
les
apparitions
des
esprits
et
sur
les
vampires
ou
les
revenants
de
Hongrie,
de
Moravie,
1751.
9
Alfred
Maury,
La
Magie
et
l’astrologie
dans
l’antiquité
et
au
Moyen­âge,
1860.
4
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
Janet.
Le
psychologue
a
volontairement
brouillé
les
pistes
en
rebaptisant
ses
sujets
mais
il
prend
aussi
de
nombreuses
libertés
avec
l’usage
des
noms
et
des
dates.
La
destruction
massive
des
dossiers
de
Janet
par
sa
fille
laisse
planer
en
fin
de
compte
un
doute
sur
la
véracité
de
certains
récits.
Cette
manière
de
faire
se
vérifie
avec
le
récit
de
cette
possession,
ce
dont
une
enquête
sur
le
vrai
Achille
nous
convaincra
aisément.
Que
sait‐
on
d’Achille
d’après
le
texte
?
C’est
«
un
homme
de
33
ans
»
issu
d’une
famille
paysanne
modeste
du
midi
de
la
France.
Exerçant
dans
le
commerce
il
est
amené
à
voyager.
Il
est
marié
et
père
d’un
enfant.
Mais
il
est
difficile
de
se
fier
à
ses
données
puisque
Janet
explique
:
«
je
lui
donnerai
un
nom
de
convention
et
je
changerai
celui
de
son
pays
et
sa
situation
sociale,
seuls
les
faits
psychologiques
et
médicaux
seront
exacts,
ils
ont
un
caractère
abstrait
et
impersonnel
»
(Janet,
1898
:
379).
Cette
affirmation
laisse
a
priori
peu
d’espoir
de
retrouver
la
trace
d’Achille.
Ne
peut‐on
s’appuyer
sur
les
dates
pour
retrouver
le
sujet
dans
les
répertoires
et
les
registres
d’entrées
de
la
Salpêtrière10
?
On
note
dans
le
texte
deux
informations
:
«
il
y
a
4
ans
[il]
a
été
amené
à
la
Salpetrière
»
(Janet
parle
en
décembre
1894
:
ce
qui
donne
fin
1890),
Achille
est
guéri
en
un
à
quelques
mois.
Il
se
confirme
qu’Achille
–
un
prénom
rare
à
la
fin
du
XIXe
siècle
‐
a
été
rebaptisé
puisque
un
premier
recensement
de
l’ensemble
des
cas
correspondants
approximativement
à
ces
dates
et
au
portrait
présent
dans
les
textes
conduit
à
un
échec.
L’information
clé
se
trouvait
en
fait
dans
le
paragraphe
de
la
thèse
:
le
patient
n’est
pas
nommé
Achille
mais
«
Daill.
»
et
une
date
précise
apparaît
:
novembre
1891.
A
partir
de
ces
nouvelles
données,
Achille
est
retrouvé
rapidement
dans
le
répertoire
des
externes
hommes11.
L’homme
se
nomme
Alcide
Daillez,
réside
rue
St
Lambert
à
Paris.
Il
est
arrivé
le
27
novembre
1891
et
sorti
le
7
janvier
1892.
On
apprend
dans
deux
autres
registres
que
l’homme
est
né
en
1858
à
Péronne
dans
la
Somme,
qu’il
est
épicier
et
qu’il
est
célibataire12.
Si
on
compare
ces
données
aux
textes,
on
peut
constater
que
Janet
ne
fait
en
réalité
pas
preuve
d’une
si
grande
imagination.
Alcide
est
comme
Achille
(le
prénom
est
à
peine
modifié)
un
petit
commerçant
de
33
ans.
La
date
d’admission
est
déplacée
d’une
année
et
le
temps
de
cure
est
identique.
Cela
milite
dans
le
sens
d’une
existence
réelle
du
cas.
Ce
qui
interroge
le
plus
est
son
état
civil
:
Janet
construit
son
personnage
de
possédé
sur
le
récit
d’un
adultère
alors
qu’Achille
est
célibataire.
L’hystérie
du
faible
L’histoire
d’Achille
s’inscrit
dans
une
contribution
de
Janet
à
l’étude
des
états
mentaux
des
hystériques
–
actes
subconscients,
idées
fixes,
somnambulisme
‐
et
des
stigmates
de
cette
pathologie
–
anesthésie,
amnésie,
troubles
des
mouvements.
Selon
Janet,
le
«
délire
»
d’Achille
conserve
bien
«
jusqu’au
bout
son
caractère
hystérique
».
Or
à
regarder
de
près
les
symptômes
présentés
par
Achille,
ce
caractère
ne
paraît
pas
si
évident.
Il
semble
emprunter
à
deux
registres
distincts.
Le
premier
tableau
est
fondé
sur
la
description
des
phobies
hypocondriaques
et
du
consumérisme
médical
du
sujet.
Achille
éprouve
les
symptômes
successifs
évoqués
par
les
docteurs
consultés
:
«
Ces
craintes
bouleversèrent
Achille
qui
se
hâta
de
recouvrer
la
parole
pour
se
plaindre
de
toute
sorte
de
douleurs.
Il
n’avait
plus
de
forces,
il
souffrait
partout,
10
Ces
registres
d’entrées
comportent
beaucoup
d’informations
:
date
d’arrivée,
de
sortie,
premier
diagnostic,
situation
familiale
(marié,
enfant),
domicile,
profession,
numéro
d’entrée,
affectation,
parfois
un
commentaire
succinct
(transfert,
raison
de
la
sortie,
décès,
etc.).
11
Répertoire
des
hommes
admis
en
externe
à
la
Salpêtrière,
Archives
de
l’A.P.H.P.,
7Q24.
12
Registres
d’admissions
de
la
Salpêtrière,
Archives
de
l’A.P.H.P.,
1Q1‐158
et
1Q2
‐180.
5
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
il
ne
pouvait
plus
manger
et
il
était
tourmenté
d’une
soif
intense.
Plus
de
doute,
c’était
le
diabète
annoncé
par
le
médecin.
Tous
les
soins,
tous
les
médicaments
furent
employés.
Comme
on
ne
voyait
aucune
amélioration
au
bout
d’un
grand
mois,
Achille
alla
consulter
un
autre
docteur.
Cet
éminent
praticien
se
moqua
beaucoup
du
diagnostic
de
son
collègue,
il
insista
sur
les
battements
du
cœur,
les
étouffements
du
malade
:
il
lui
demanda
s’il
n’avait
pas
de
douleurs
très
vives
dans
le
bras
gauche
avec
souffrances
aigues
dans
les
derniers
doigts
de
la
main.
Achille
hésita
un
instant,
puis
se
souvint
parfaitement
les
avoir
éprouvées.
Plus
d’hésitation,
il
s’agissait
d’une
angine
de
poitrine,
d’une
hypertrophie
cardiaque
et
les
plus
grandes
précautions
étaient
nécessaires.
Le
diagnostic
se
confirma
par
toute
une
série
de
symptômes
que
le
docteur
avait
annoncés
et
qu’Achille
éprouva
les
jours
suivants.»
(Janet,
1898,
381­382)
C’est
à
partir
de
ce
tableau
hypocondriaque
qu’un
des
médecins
de
campagne
diagnostique
Achille
comme
victime
d’un
«
délire
hystérique
»
et
l’envoie
pour
cette
raison
à
la
Salpêtrière.
Le
second
tableau
est
fort
différent
:
l’état
dépressif
laisse
place
à
un
délire
d’influence
que
d’aucun
pourrait
qualifier
d’état
psychotique.
Lorsqu’il
arrive
à
la
Salpêtrière
Achille
est
dans
un
état
mental
et
physique
beaucoup
plus
grave.
Il
est
mutique,
halluciné
et
présente
des
traces
d’auto
mutilations.
Il
entend
des
voix
extérieures
et
intérieures.
Il
est
agi
par
le
démon.
Dans
les
semaines
qui
précèdent
son
hospitalisation
Achille
fugue
à
plusieurs
reprises,
rit
sans
motifs
apparents,
présente
des
états
d’immobilité
récurrents.
Janet
résume
ainsi
ce
tableau
dans
sa
thèse
:
«
[Achille
est
]
dans
un
état
lamentable.
Il
a
la
face
couverte
de
sang
et
de
croutes
séchées,
car
il
se
déchire
la
figure
avec
ses
ongles,
il
a
les
yeux
hagards,
les
lèvres
gercées,
il
ne
peut
marcher
qu’accompagné
et
étroitement
surveillé.
Quand
on
l’abandonne
à
lui­même,
il
cherche
à
se
sauver
et
il
a
déjà
fait
mille
folies
…
Il
répond
mal
aux
questions
précises,
mais
on
comprend
son
délire
au
milieu
de
ses
divagations…
Ce
sont
comme
on
le
voit
des
hallucinations
de
tous
les
sens,
compliquées
par
un
délire
impulsif
et
par
des
interprétations
délirantes.
C’est
un
beau
délire
de
possession
avec
agitation
maniaque
subaigüe.
»
(Janet,
1911,
407)
En
décrivant
l’état
d’un
individu
proche
de
ce
que
Kraepelin
nomme
à
l’époque
«
démence
précoce
»
et
que
le
psychologue
qualifie
lui‐même
de
«
délire
de
possession
»,
de
crise
maniaque,
ou
encore
de
«
dédoublements
de
la
personnalité
»,
l’affirmation
de
Janet
‐
«
dans
ce
cas
il
s’agit
d’un
délire
vraiment
hystérique
»
‐
participe
sans
doute
d’une
extension
démesurée
du
champ
de
l’hystérie.
Mais
la
nosographie
n’est
pas
ce
qui
intéresse
Janet
et
encore
moins
ses
auditeurs.
D’ailleurs,
s’il
donne
quelques
hypothèses
étiologiques
rapides
du
cas
Achille
dans
sa
thèse,
ceux‐ci
disparaissent
dans
le
texte
définitif
de
1898
issu
de
la
conférence
grand
public.
L’hypothèse
physiologique
est
rapidement
balayée
:
Achille
est
assurément
un
«
dégénéré
»
marqué
par
une
forte
hérédité
alcoolique
maternelle,
mais
pour
Janet
la
dégénérescence
est
«
une
dénomination
vague
qui
n’explique
rien
»
:
les
causes
primaires
biologiques
sans
être
niées
sont
minorées
vis‐à‐vis
des
causes
secondaires
psychologiques.
Cette
position
janétienne
n’étonne
pas
mais
elle
détone
assurément
dans
un
univers
psychiatrique
toujours
imprégné
par
ce
concept.
Ce
qui
intéresse
Janet
c’est
plutôt
la
psychologie
de
l’hystérique.
Et
ici
le
cas
d’Achille
vient
renforcer
une
figure
de
l’hystérique
construite
depuis
plusieurs
années.
Chez
Janet,
qui
reste
marqué
par
la
psychologie
spiritualiste
de
6
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
la
conscience
et
de
la
volonté,
les
hystériques
apparaissent
clairement
comme
des
malades
mentaux,
des
êtres
faibles
:
Achille
est
décrit
comme
un
pauvre
homme,
naïf
et
campagnard,
un
«
esprit
faible
qui
tombe
dans
de
curieuses
exagérations
»,
une
«
faible
cervelle
».
Achille
est
submergé
par
ses
rêveries
subconscientes
démoniaques
en
raison
de
son
absence
de
force
psychologique.
Il
fait
partie
de
ces
personnalités
pour
lesquelles
certains
événements
ne
peuvent
être
traités
qu’en
dehors
du
champ
de
la
conscience,
produisant
par
contrecoup
des
phénomènes
automatiques
et
parfois
un
processus
de
dissociation
dont
le
délire
de
possession
apparaît
comme
une
des
modalités
(Carroy,
Ohayon,
Plas,
2006
:
77‐81).
Le
pragmatisme
thérapeutique
de
Janet
Confronté
à
ce
personnage
apparemment
clivé
et
certainement
protéiforme,
Janet
propose
une
approche
pragmatique
sous
la
forme
d’un
double
exorcisme.
Dans
la
première
phase
du
traitement,
il
se
glisse
dans
la
peau
de
l’exorciste
traditionnel
–
dont
la
description
nourrit
évidemment
les
plaisanteries
destinées
au
public
de
sa
conférence
‐,
constate
les
signes
de
la
possession,
pique
la
peau
du
sujet
pour
vérifier
son
insensibilité,
suggère
en
latin,
ruse
contre
l’Adversaire,
et
utilise
à
cette
occasion
volontiers
le
vocabulaire
démonologique.
Janet
passe
facilement
et
sans
transition
à
la
pratique
de
l’hypnose
comme
il
en
a
l’habitude
avec
les
sujets
hystériques
:
ce
n’est
plus
le
diable
qui
agit
sur
Achille
mais
Janet
qui
agit
sur
le
diable
et
sur
Achille.
Le
succès
de
la
cure
n’est
cependant
pas
dû
selon
Janet
à
ces
techniques
autoritaires
mais
à
la
révélation
d’une
histoire
permise
par
la
mise
en
sommeil
du
sujet.
Durant
ces
états
somnambuliques,
que
le
sujet
éprouve
naturellement
et
que
le
psychologue
reproduit,
Achille
retrouve
une
mémoire
enfouie
qui
permet
au
thérapeute
de
remonter
à
la
source
du
malaise.
Janet
ne
se
contente
donc
pas
de
supprimer
le
symptôme,
comme
il
est
courant
en
hypnothérapie
à
la
fin
du
XIXe
siècle
:
la
guérison
d’Achille
passe
par
la
reconstitution
de
l’unité
de
l’esprit
du
sujet
en
séparant
l’idée
fixe
associée
au
symptôme.
L’essentiel
de
la
thérapie
passe
donc
par
une
enquête
sur
la
scène
initiale
qui
inaugure
l’idée
fixe
dont
Janet
rappelle
qu’elle
est
souvent
un
«
accident
futile
»,
un
rêve,
un
souvenir.
Ce
«
secret
pathogène
»13,
cette
«
faute
»
originelle,
c’est
l’acte
d’adultère
commit
par
Achille
en
voyage
d’affaires
peu
de
temps
auparavant.
La
pathologie
mentale
s’enracine
ici
dans
un
temps
court
‐
quelques
mois
au
plus
–
car,
rappelons
le,
l’hérédité
physiologique
est
minimisée
par
Janet.
Elle
dérive
aussi
d’une
culpabilité
morale
forte
:
Achille
est
malade
du
«
remords
»
lié
à
cet
événement,
une
«
émotion
du
remords
»
qui
l’empêche
de
parler
et
qui
appelle
le
châtiment.
Rêver
la
maladie,
c’est
déjà
engager
un
processus
d’auto‐punition
qui
affecte
le
corps
du
sujet.
L’esprit
faible
d’Achille,
impressionné
par
les
avis
successifs
des
médecins,
ne
réussit
plus
à
gérer
la
situation.
Convaincu
qu’il
est
malade,
il
se
laisse
envahir
de
pensées
morbides
et
le
voilà
désormais
damné.
Possédé
par
ses
«
rêves
»,
Achille
finit
par
les
jouer
:
tel
est
la
logique
du
délire.
La
personnalité
normale
est
marginalisée
par
la
personnalité
rêvée.
Achille
est
devenu
le
démon
blasphémateur.
La
cure
d’Achille
se
décompose
en
trois
temps
:
levée
du
secret,
oubli,
remplacement
de
l’idée
fixe
par
une
autre.
L’autorité
du
médecin
–
son
«
commandement
»
‐
doit
13
L’expression
est
d’Henri
Ellenberger
dans
un
article
de
1966
publié
dans
Médecines
de
l’âme..
7
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
contribuer
à
faire
oublier
le
souvenir
de
la
faute.
Comment
?
Par
un
procédé
de
substitution.
C’est
«
la
femme
même
d’Achille,
évoquée
par
hallucination
au
moment
convenable,
qui
vient
accorder
un
pardon
complet
à
cet
époux
plus
infortuné
que
coupable
»
(Janet,
1898
:
404).
En
lieu
et
place
du
confesseur
qui
théoriquement
accorde
l’absolution
au
nom
de
Dieu,
c’est
l’image
de
la
femme
du
sujet
qui
accorde
ici
l’absolution
par
la
médiation
du
psychologue.
Passé
de
l’exorciste
au
confesseur,
Janet
délivre
Achille
de
sa
culpabilité
par
une
forme
d’absolution
sans
conditions.
On
notera
qu’il
existe
sur
ce
point
crucial
de
la
thérapie
une
différence
majeure
entre
les
versions
du
texte.
Dans
l’Etat
mental
des
hystériques,
Janet
évoque
certes
l’adultère
mais
il
met
aussi
l’accent
sur
une
cause
plus
prosaïque
:
le
«
tourment
»
causé
par
«
l’idée
d’une
maladie
contagieuse
»
‐
entendre
une
maladie
vénérienne
‐
qui
aurait
provoqué
le
mutisme
du
personnage
et
son
éloignement
vis‐à‐vis
de
sa
femme.
Rappelons
aussi
que
l’efficacité
de
l’absolution
de
l’adultère
reste
à
démontrer
pour
les
sujets
célibataires,
ce
qui
est
le
cas
d’Alcide
–
alter
ego
réel
d’Achille.
Possession
années
1890
Si
parler
de
la
possession
c’est
parler
de
la
redistribution
des
pouvoirs,
je
me
propose
pour
terminer
cette
étude
de
tenter
de
remettre
en
perspective
dans
l’histoire
du
champ
«
psy
»
cette
cure
d’Achille
par
Janet.
Le
récit
de
délire
de
possession
est
un
genre
noble
dans
la
littérature
aliéniste
du
XIXe
siècle,
bien
plus
que
celui
de
délire
d’ensorcellement.
Il
est
vrai
que
les
démons
parlent
plus
facilement
que
les
sorciers
facilement
mutiques.
Les
démonomanes
sont
néanmoins,
depuis
Esquirol14,
(dé)considérés
comme
des
résidus
archaïques
ruraux
appelés
à
disparaître
progressivement
des
asiles
sous
l’effet
conjoint
du
Christianisme,
des
Lumières
et
de
la
médecine.
Si
quelques
voix
dissonantes
se
font
entendre15,
la
mise
en
avant
de
la
réduction
du
délire
démoniaque
reste
cependant
un
marqueur
de
l’ascension
de
l’aliénisme.
Au
moment
ou
Janet
parle
d’Achille,
deux
jeunes
aliénistes
faisant
leurs
classes
en
Bretagne
et
en
Aveyron
prolongent
cette
vision
condescendante
des
possédés
(Fenayrou,
1894
;
Baderot,
1897).
Comme
on
le
voit
dans
le
portrait
d’Achille,
le
psychologue
de
la
fin
du
siècle
ne
se
détache
pas
véritablement
de
cette
tradition
aliéniste
qui
résume
l’histoire
de
ces
sujets
à
leur
inscription
dans
la
croyance
superstitieuse
et
dans
la
pathologie
mentale.
La
requalification
de
ce
type
de
délires
au
début
du
XXe
siècle
en
délire
d’influence
ou
en
psychose
schizophrénique
achève
de
rendre
inaudible
la
parole
de
ces
sujets.
A
partir
de
ce
constat,
quel
peut
être
l’intérêt
pour
Janet
de
travailler
sur
un
possédé
?
Charcot
n’est
jamais
cité
dans
les
textes
de
notre
corpus
mais
il
est
évidemment
omniprésent
en
arrière
plan.
On
notera
que
dans
le
texte
de
1929,
Janet
place
l’épisode
de
la
cure
en
1895,
soit
4
ans
après
la
date
effective.
Le
psychologue
vieillissant
est
sans
doute
toujours
autant
fâché
avec
la
rigueur
chronologique,
cependant
on
se
permettra
d’évoquer
une
autre
hypothèse.
Entre
les
deux
dates
Charcot
est
mort
(1893).
A
travers
ce
récit
de
dépossession
qui
prend
place
à
la
Salpêtrière
c’est
aussi
la
question
de
l’héritage
de
Charcot
qui
est
posée
de
manière
subliminale
par
Janet.
Rappelons
que
sa
thèse
de
médecine
‐
Contribution
à
l’étude
des
états
mentaux
chez
les
14
Le
texte
d’Esquirol
sur
la
démonomanie
date
de
1811.
Il
est
repris
dans
Des
maladies
mentales,
vol.
1,
p.
482‐525.
15
Voir
notamment
l’article
de
Macario
dans
les
Annales
médico­psychologiques,
1843,
vol.
1,
p.
440‐480.
8
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
hystériques
‐
est
soutenue
à
l’été
1893
devant
Charcot
et
Richet.
Dans
ce
texte
le
psychologue
revient
sur
l’exorcisme
et
la
possession
en
insistant
sur
les
processus
de
suggestion,
ce
qui
ne
différencie
guère
son
approche
par
rapports
aux
membres
du
jury.
Dans
le
texte
de
1894,
postérieur
donc
de
quelques
mois
à
la
mort
de
Charcot,
Janet
rend
hommage
à
l’école
qui
accueille
ses
travaux
:
«
la
salpêtrière
[est]
le
lieu
le
plus
propice
aujourd’hui
pour
exorciser
les
possédés
et
pour
chasser
les
démons
»
(Janet,
1898,
383).
En
rappelant
que
«
tous
les
esprits
éclairés
sont
aujourd’hui
bien
convaincus
que
ces
possessions
n’étaient
que
de
simples
maladies
mentales
»,
Janet
s’inscrit
en
disciple
de
la
démarche
de
médecine
rétrospective
défendue
par
Charcot
(Ferber,
1997).
Mais
en
même
temps,
la
plaisanterie
développée
en
1894
après
la
mort
du
maître
met
ironiquement
à
distance
cette
manière
d’exposer
publiquement
la
possession.
Janet
reconnaît
certes
une
forme
de
succession
initiatique
entre
exorcistes
modernes
–
Charcot
lui
a
donné
des
conseils
sur
le
latin
des
hystériques
–
mais
le
sérieux
des
Démoniaques
dans
l’art
et
de
l’Iconographie
de
la
Salpêtrière
est
bien
loin.
Si
Charcot
connaît
bien
les
démonologues,
Janet
s’en
amuse
comme
dans
l’épisode
de
la
tentative
de
suggestion
glossolalique
en
latin
de
cuisine
:
«
da
mihi
dextram
manum
»…
Derrière
le
disciple
respectueux
qui
prolonge
la
perception
négative
des
faibles
hystériques
perce
un
autre
Janet,
plus
détaché
du
«
grand
prêtre
»
Charcot.
En
rejouant
de
manière
caricaturale
dans
les
années
1890
la
scène
du
possédé
et
de
l’exorciste,
n’est‐ce
pas
une
façon
d’y
mettre
fin
?
Comme
le
signale
Janet
dans
son
texte
de
1929,
l’Eglise
porte
à
sa
suite
un
jugement
sur
le
possédé
Achille.
Le
conférencier
du
Collège
de
France
revient
longuement
sur
cette
appréciation
religieuse
:
«
Dans
ma
naïveté
j’avais
conclu
qu’Achille
était
un
possédé.
Hélas
on
se
trompe
toujours
dans
les
diagnostics.
Les
auteurs
religieux
qui
ont
fait
la
critique
de
mon
travail
l’ont
cité
avec
intérêt
et
bienveillance,
mais
en
disant
que
j’avais
commis
une
petite
erreur.
Ce
n’étaient
pas
disaient­ils
un
possédé
;
c’était
un
pseudo­possédé.
J’aurais
bien
désiré
savoir
quel
était
le
signe
diagnostique
dont
ces
auteurs
se
servaient
pour
distinguer
le
pseudo­possédé
du
vrai
possédé.
Ils
n’ont
pas
eu
la
bonté
de
me
l’indiquer
et
ils
sont
restés
sur
leur
affirmation,
qu’Achille
n’était
qu’un
pseudo­possédé,
de
même
que
la
personne
dont
j’ai
parlé
il
y
a
quelques
années,
la
pauvre
Madeleine
ne
sera
toujours
qu’une
pseudo­extatique.
J’étais
d’abord
mécontent
de
cette
critique
de
mon
diagnostic.
En
y
réfléchissant
j’ai
trouvé
qu’ils
avaient
raison
parce
que,
dans
le
diagnostic
de
possession,
tout
n’était
pas
objectif,
qu’il
y
avait
une
partie
du
diagnostic
qui
tenait
au
médecin.
»
Janet
joue
assurément
le
faux
naïf,
mais
le
propos
est
suffisamment
ambigu
pour
que
la
question
du
rapport
de
Janet
au
religieux
soit
évoquée
en
dernier
lieu.
On
connaît
la
curiosité
de
l’homme
pour
les
pratiques
spirituelles
et
religieuses
présentées
dans
les
Médications
psychologiques,
on
sait
aussi
son
intérêt
pour
les
sujets
mystiques
:
Meb
visitée
par
sainte
Philomène16
ou
encore
Madeleine
Lebouc,
au
centre
de
l’étude
De
16
P.
Janet,
«
Un
cas
du
phénomène
des
apports
»,
Bulletin
de
l’Institut
psychologique
international,
vol
1,
1900,
p.
329.
9
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
L’angoisse
à
l’extase,
dont
Les
Etudes
Carmélitaines
se
sont
aussi
emparées17.
L’histoire
personnelle
de
Janet
semble
une
tension
entre
la
tentation
mystique
et
son
rejet.
D’après
Ellenberger,
l’homme
est
un
agnostique
issu
d’une
famille
maternelle
catholique
(famille
Hummel).
Une
tante
est
religieuse
de
l’Assomption,
une
sœur
est
aussi
une
catholique
fervente.
Une
famille
d’hommes
médecins
(son
frère
Jules)
et
de
femmes
catholiques
en
somme.
Dans
son
autobiographie
psychologique,
Janet
revient
ainsi
sur
sa
jeunesse
:
«
Mes
études
de
psychologie
me
semblent
être
le
résultat
d’une
sorte
de
conflit,
un
compromis
entre
deux
tendances
peu
compatibles
entre
elles.
J’avais
dans
mon
enfance
des
goûts
assez
marqués
pour
les
sciences
naturelles.
Mais
j’avais
en
moi
une
autre
tendance
assez
prononcée,
jamais
satisfaite,
que
l’on
ne
reconnaît
plus
guère
aujourd’hui
sous
ses
métamorphoses.
J’ai
été
jusqu’à
dix
huit
ans
très
religieux
et
j’ai
toujours
conservé
tout
en
les
réfrénant
bien
des
dispositions
mystiques…
»
(Janet,
1946,
81).
Cette
tension,
certes
métamorphosée
et
mise
à
distance
dès
les
années
1890,
se
révèle
encore
dans
la
prudente
conclusion
de
la
conférence
sur
Achille.
Janet
explique
que
la
psychologie
objective
qu’il
cherche
à
construire
n’est
en
rien
une
métaphysique
et
qu’elle
n’attaque
aucune
croyance
respectable.
Mais
plus
concrètement,
la
cure
d’Achille
favorise
une
mise
à
l’écart
symbolique
du
prêtre
aumônier
de
la
Salpêtrière
après
une
convocation
explicite
:
«
Sur
ma
demande
expresse,
M.
l’aumônier
de
la
Salpêtrière
voulut
bien
voir
le
malade,
essaya
lui
aussi
de
le
consoler,
de
lui
apprendre
à
distinguer
la
véritable
religion
de
ces
superstitions
diaboliques
;
il
ne
put
y
parvenir
et
il
me
fit
dire
que
le
pauvre
homme
était
fou
et
avait
plutôt
besoin
des
secours
de
la
médecine
que
de
ceux
de
la
religion.
»
(Janet,
1898
:
386).
Ce
recours
au
prêtre
au
sein
du
temple
de
la
neuropsychiatrie
parisienne
peut
paraître
surprenant
dans
ces
années
dont
on
sait
qu’elles
sont
le
théâtre
d’un
affrontement
politique
entre
médecins
républicains
et
cléricaux
et
qu’elles
sont
aussi
le
moment
de
la
laïcisation
des
services
intérieurs
hospitaliers
parisiens.
Mais
l’histoire
asilaire
hérite
d’une
présence
forte
des
prêtres
en
son
sein
:
il
existe
au
XIXe
siècle
des
aumôniers
dans
les
asiles
d’aliénés
(plus
de
60
dans
les
années
1870),
quatre
d’entre
eux
sont
présents
à
la
Salpêtrière
(Guillemain
2006
et
2008).
Certains
d’entre
eux
jouent
un
rôle
majeur.
C’est
le
cas
de
l’abbé
Auguste
Noel
Greuez
(1827‐1898),
vicaire
de
la
paroisse
Saint‐Marcel,
qui
est
le
premier
aumônier
de
la
Salpêtrière
depuis
1880
jusqu’à
sa
mort18.
Au
moment
de
la
suppression
du
statut
d’aumônier
en
1883
une
pétition
des
malades
femmes
est
engagée
auprès
du
diocèse
de
Paris
pour
qu’il
reste
le
référent
de
l’asile
depuis
la
paroisse
Saint‐Marcel.
L’épisode
du
renoncement
du
prêtre
à
prendre
en
charge
le
possédé
revêt
plusieurs
significations
:
il
ajoute
un
personnage
de
plus
dans
le
récit
grand
public
‐
n’en
doutons
pas
‐,
mais
il
vient
aussi
renforcer
l’idée
d’une
redistribution
du
pouvoir
:
le
médecin
psychologue
endosse
l’habit
sacerdotal
pour
gérer
la
possession.
Cette
redistribution,
ici
toute
symbolique,
s’inscrit
dans
un
processus
long
de
distanciation
de
l’Eglise
catholique
vis‐à‐vis
des
phénomènes
de
possession
démoniaque
qui
rapproche
certaines
de
ses
interprétations
de
celles
des
médecins
de
la
fin
du
XIXe
siècle,
processus
qui
se
renforce
au
XXe
siècle
jusqu’à
raréfier
la
pratique
solennelle
de
l’exorcisme
et
esquisser
une
pratique
d’écoute
17
P.
Janet,
De
l’angoisse
à
l’extase.
Etudes
sur
les
croyances
et
les
sentiments,
Paris,
1926‐1928
;
B.
de
Jésus‐
Marie,
«
A
propos
de
la
Madeleine
de
Pierre
Janet
»,
Etudes
carmélitaines,
n°1,
1931,
p.
20‐24.
18
On
trouvera
une
nécrologie
du
personnage
dans
Les
semaines
religieuses
du
diocèse
de
Paris,
26
février
1898.
10
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
qui
devient
dominante
(Guillemain,
2001).
C’est
ce
que
montre
d’ailleurs
la
critique
bienveillante
du
volume
Névroses
et
idées
fixes
par
le
jésuite
Lucien
Roure
en
1898
:
«
M.
Pierre
Janet
est
toujours
intéressant
à
lire.
Il
dit
des
choses
soigneusement
observées
et
il
les
dit
clairement.
S’il
se
montre
avare
de
conclusions
générales,
c’est
par
une
prudence
louable.
Quand
à
ses
conclusions
particulières,
plusieurs
nous
semblent
encore
trop
hasardées
:
les
faits
qu’il
cite
avec
toutes
leurs
menues
circonstances
ne
nous
paraissent
pas
contenir
tout
ce
qu’il
en
tire.
Les
psychologues
n’en
trouveront
pas
moins
profit
à
étudier
ces
curieuses
observations
sur
les
névroses
et
les
idées
fixes.
Les
travaux
dont
il
est
ici
question
ont
été
faits
dans
le
laboratoire
de
psychologie
expérimentale,
organisé
à
la
Salpêtrière
dans
le
service
de
M.
le
professeur
Raymond.
Plusieurs
avaient
du
reste
été
déjà
exposées
en
diverses
revues
notamment
dans
la
revue
philosophique.
Ici
comme
dans
d’autres
écrits,
l’auteur
ramène
la
personnalité
à
une
synthèse,
à
une
construction
de
souvenirs.
Le
cas
de
possession,
que
l’on
décrit
longuement,
est
plutôt
un
cas
de
délire
de
possession,
ce
qui
est
tout
autre
chose.»19
D’une
manière
générale
bon
accueil
est
fait
dans
les
milieux
catholiques
aux
thèses
janétiennes.
Cette
figure
de
directeur
spirituel
laïque
qui
fonde
son
approche
sur
une
interprétation
de
la
faiblesse
psychologique
et
une
pratique
d’écoute
de
la
plainte
et
d’éducation
de
la
volonté
peuvent
être
combinée
avec
l’image
du
moi
chrétien.
In
fine,
ce
qu’illustre
symboliquement
la
cure
d’Achille
au
fond
c’est
l’emprise
assumée
du
psychologue
sur
les
possédés
qui
rencontre
une
déprise
assumée
des
clercs.
La
cure
d’Achille
ne
peut
être
assimilée
à
un
simple
rejeu
mimétique
des
exorcismes
historiques
et
des
pratiques
de
l’époque
Charcot.
La
dimension
ludique
du
texte
participe
de
la
dé‐dramatisation
de
la
possession,
à
la
fois
par
rapport
à
l’histoire
religieuse,
mais
aussi
vis‐à‐vis
d’une
histoire
médicale
récente
:
celle
qu’il
prolonge
en
quelque
sorte
à
la
Salpêtrière
(Carroy,
1981).
Ne
s’agit‐il
pas
à
travers
cet
amusement
de
«
mettre
fin
au
spectacle
»
de
la
possession,
en
en
faisant
un
objet
d’analyse
psychologique
et
un
enjeu
plus
intime
?
C’est
peut
être
cela
qui
se
joue
aussi
au
XIXe
siècle
dans
l’Eglise
:
réserver
l’exorcisme
au
clerc
pour
le
soustraire
au
spectacle
et
ainsi
le
diriger
doucement
mais
sûrement
vers
le
confessionnal
ou
simplement
vers
le
dialogue
avec
le
prêtre.
Janet
«
exorciste
moderne
»
est
aussi
un
«
confesseur
moderne
»
qui
absout
l’adultère.
En
se
glissant
avec
jubilation
dans
les
habits
du
prêtre
exorciste,
après
avoir
dépassé
le
«
Saint
Charcot
»,
Janet
contribue
à
sa
manière
à
bousculer
l’ordre
médical
de
la
possession
en
affirmant
une
théorie
psychologique
de
l’hystérie
et
une
pratique
fondée
sur
la
révélation
des
souvenirs
cachés.
Faut‐il
cependant
placer
le
carnaval
janétien
sur
le
même
plan
que
la
sorcière
freudienne
construite
au
même
moment
?
Pierre
Janet
dans
les
années
1890
part
certes
de
trois
éléments
qui
pourraient
rapprocher
son
travail
de
celui
de
l’Autrichien
:
le
dépassement
de
Charcot,
l’utilisation
de
l’hypnose,
une
analyse
psychologique
fondée
sur
la
levée
du
secret
pathologique
(à
partir
de
procédés
et
de
théories
distinctes).
Cependant
la
conception
du
sujet
19
L.
Roure,
compte‐rendu
de
P.
Janet,
Névroses
et
idées
fixes,
Etudes,
5
oct.
1898,
p.
117.
Ce
texte
prend
place
après
une
série
du
même
auteur
sur
les
altérations
de
la
personnalité
publiée
en
avril
1898,
un
long
texte
en
trois
parties
discutant
les
théories
de
Binet
et
Janet.
Roure
pose
la
question
de
la
remise
en
cause
de
l’unité
de
l’âme
par
les
théories
qui
développe
l’altération
de
la
personnalité.
La
théorie
de
Janet
dans
cette
optique
semble
plus
acceptable
que
celle
d’un
Binet.
11
Hervé Guillemain, International Psychology, Practice and Research, 2, 2011
hystérique
différencie
profondément
les
deux
approches
freudienne
et
janétienne.
Par
ailleurs
on
trouvera
dans
ces
textes
sur
Achille,
un
appel
à
fonder
scientifiquement
le
traitement
moral
qui
tranche
avec
les
écrits
freudiens
de
ces
années
1890.
Après
avoir
rendu
un
hommage
appuyé
à
l’aliéniste
fondateur
de
cette
pratique,
François
Leuret,
Janet
affirme
:
«
Ce
sont
des
choses
délicates
qu’il
faut
traiter
moralement.
Une
consolation,
un
bon
conseil,
un
ordre
ou
même
une
menace,
une
punition
sont
plus
efficaces
dans
bien
des
cas
que
toutes
les
drogues
du
monde
»
20.
Bibliographie
Baderot,
A.
(1897),
Influence
du
milieu
sur
le
développement
du
délire
religieux
en
Bretagne.
Etude
statistique
faite
à
l'Asile
de
Rennes
en
1897,
Thèse
de
médecine,
Paris.
Bernand,
C.
(1987),
"Janet
exorciste:
obsessions
et
possessions
sous
la
Troisième
République",
Cahiers
de
Sociologie
Economique
et
Culturelle,
8,
93‐102.
Carroy,
J.,
Ohayon,
A.,
Plas,
R.
(2006),
Histoire
de
la
psychologie
en
France,
XIXe­XXe
siècles,
La
Découverte.
Carroy,
J.
(1982),
«
Hystérie,
Théâtre,
littérature
au
XIXe
siècle»,
Psychanalyse
à
l’université,
7­
26,
299‐317.
De
Certeau,
M.
(1970),
La
Possession
de
Loudun,
Julliard,
réédition
par
Gallimard/Julliard
en
1990.
Despret,
V.
(2006),
«
Le
secret,
une
dimension
politique
de
la
thérapie
»,
dans
T.
Nathan,
La
guerre
des
psys.
Manifeste
pour
une
psychothérapie
démocratique,
153‐155.
Ellenberger,
H.
(1994),
Histoire
de
la
découverte
de
l’inconscient,
Fayard.
Ellenberger,
H.
(1995),
Médecines
de
l’âme.
Essais
d’histoire
de
la
Folie
et
des
guérisons
psychiques,
Fayard.
Fenayrou,
A.
(1894),
Contribution
à
l’étude
des
folies
rurales,
la
folie
dans
l’Aveyron,
thèse
de
médecine,
Toulouse.
Ferber,
S.
(1997),
«
Charcot’s
demons
:
rétrospective
médicine
and
historical
diagnosis
in
the
writings
of
the
Salpetriere
School”,
dans
M
Gijswijt‐Hofstra,
H
Marland,
H
De
Waardt
(dir.)
,
Illness
and
healing
alternatives
in
Western
Europe,
Routledge,
New
York.
20
P.
Janet,
«
Un
cas
de
possession
et
l’exorcisme
moderne
»,
Névroses
et
idées
fixes,
Op.
cit.,
p.
402‐403.
12
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