Le cacique Raoni repart en guerre contre les bulldozers

Transcription

Le cacique Raoni repart en guerre contre les bulldozers
Le cacique Raoni repart en guerre contre les bulldozers
Brésil
Marie-Noëlle Bertrand
Jeudi, 5 Juin, 2014
Amazonian
Indian
tribe
Kayapo
chief
Raoni
Metuktire
(C)
and
his
successor
tribe
chief
Megaron
Txucarramae
stand
as
they
attend
from
the
audience
seating
area
a
session
of
question
to
the
governement
on
June
3,
2014
at
the
French
National
Assembly
in
Paris.
Twenty‐five
years
after
he
rose
to
fame
touring
with
pop
star
Sting,
Brazilian
indigenous
chief
Raoni
has
launched
a
new
tour
coinciding
with
the
World
Cup
to
condemn
the
ongoing
destruction
of
the
Amazon. AFP
PHOTO
/
FRANCOIS
GUILLOT
AFP
Quarante
ans
qu’il
bataille
contre
la
déforestation
et
pour
le
droit
des
indigènes
:
Raoni
Metuktire,
chef
des
indiens
kayapo,
relance
l’alerte
à
l’occasion
de
la
Coupe
du
monde
foot.
En
1989,
le
grand
public
découvrait
son
visage,
tête
d’ambre
plissée,
parée
d’une
couronne
de
plumes
jaunes,
d’une
paire
de
lunettes
ou
bien
de
peinture
rouge,
bouche
rehaussée
d’un
labret,
cet
ornement
porté
à
la
lèvre
inférieure
qui
distingue
les
grands
chefs
de
l’ethnie
kayapo.
Le
cacique
Raoni
Metuktire
engageait,
cette
année‐là,
une
tournée
dans
17
pays
aux
côtés
du
chanteur
Sting,
lequel
lui
offrait
sa
scène
et
sa
notoriété
en
guise
de
porte‐voix
pour
défendre
les
droits
des
Indiens
indigènes
du
Brésil
et
de
la
forêt
amazonienne.
Un
quart
de
siècle
après,
Raoni,
plus
ou
moins
quatre‐vingt‐quatre
ans,
a
repris
la
route.
Actuellement
à
Paris,
son
message
n’a
pas
bougé
d’un
pouce.
À
croire
que
rien
n’a
vraiment
progressé.
« Nous
avons
obtenu
une
chose
importante »,
tempère
le
cacique
Megaron
Txucarramae,
son
neveu
et
acolyte,
qui
nous
recevait
en
son
nom.
« Depuis
1992,
nous
avons
une
terre,
légalement
délimitée
par
le
gouvernement
brésilien. »
Mais,
poursuit
l’homme
d’une
cinquantaine
d’années,
cheveux
longs,
épaules
larges,
tee‐shirt
ample,
« simultanément
à
notre
lutte
et
à
nos
avancées,
les
plans
du
gouvernement
ont
progressé,
entre
autres
celui
du
Belo
Monte
(1) »,
fragilisant
des
droits
durement
acquis.
Le
déboisement
va
en
s’accélérant
Bref
retour
en
arrière.
Non
pas
au
XVIe
siècle
et
aux
premiers
colons,
mais,
plus
proche
de
nous,
aux
années
1970.
La
déforestation,
alors,
bat
son
plein.
En
plein
développement,
le
Brésil
mise
sur
les
terres
amazoniennes
pour
développer
ses
vastes
monocultures,
ainsi
que
son
élevage.
La
réalisation
d’une
mégaroute,
la
transamazonienne
BR‐230,
entraîne
de
graves
conflits
dans
la
région
du
Xingu,
entre
Kayapos
et
entrepreneurs.
Raoni
devient
fer
de
lance
d’une
lutte
visant
la
reconnaissance
de
leurs
terres.
Dans
les
années
1990,
le
déboisement
ira
en
s’accélérant,
transformant
en
fumée
près
de
20
000
km2
par
an.
Néanmoins,
cette
même
décennie
voit
aussi
les
enjeux
environnementaux
prendre
de
l’ampleur,
et
avec
eux
la
cause
des
Kayapos.
Raoni
a
remporté
le
pari
qu’il
s’était
fixé
avec
Sting,
devenu
personnalité
reconnue.
En
1992,
alors
que
le
Brésil
accueille
le
premier
sommet
de
la
Terre
de
Rio,
est
lancé
le
plus
vaste
programme
de
préservation
de
la
biodiversité
jamais
créé.
Les
Indiens
indigènes,
eux,
se
voient
accorder
des
territoires
légalement
délimités.
Dans
les
années
2000,
enfin,
le
premier
gouvernement
Lula
mettra
un
point
d’honneur
à
respecter
l’engagement
pris
de
réduire
de
80 %
la
déforestation
d’ici
à
2020.
Pour
la
première
fois,
celle‐ci
connaît
une
baisse
sensible.
Le
temps
mort
ne
durera
pas.
« Autour
de
notre
territoire,
toute
la
forêt
a
aujourd’hui
disparu »,
reprend
Megaron
Txucarramae,
brandissant
une
carte
de
l’État
du
Para,
au
nord
du
pays,
marquant
la
progression
des
monocultures
sur
la
forêt.
« La
seule
partie
intacte,
c’est
celle
du
territoire
indien.
À
ce
rythme,
dans
vingt
ans,
l’Amazonie
aura
disparu. »
Petit
à
petit,
les
appétits
des
fazendeiros
et
autres
grands
groupes
semenciers
ont
repris
leur
droit.
Dans
un
pays
où
les
conflits
fonciers
font
rage
depuis
toujours,
les
peuples
indigènes
représentent
un
obstacle
qu’ils
ne
peuvent
plus
souffrir.
« Ces
gens‐là
n’aiment
ni
les
Indiens,
ni
les
paysans
sans
terre…
ni
les
gays »,
souligne
malicieusement
Megaron
Txucarramae.
« Ils
jugent
que
le
gouvernement
nous
a
cédé
trop
de
terres
et
que
cela
nuit
au
progrès. »
Représenté
au
Parlement
par
les
ruralistas,
leur
poids
s’est
accru,
au
point
de
remporter
plusieurs
grandes
batailles.
En
2012,
les
ruralistas
gagnaient
la
révision
du
Code
forestier,
assouplissant
ainsi
les
dispositifs
en
matière
de
protection
des
zones
naturelles
et
de
la
biodiversité
au
profit
des
exploitants
agricoles.
Plus
récemment,
en
2013,
ils
présentaient
au
Parlement
des
projets
d’amendements
constitutionnels,
en
vu
de
restreindre
les
droits
d’exploitation
des
Indiens
sur
leurs
terres
et
d’augmenter
ceux
de
l’État.
Le
27 mai,
ce
dernier
recevait,
à
coups
de
gaz
lacrymogènes
les
400
chefs
indiens
–
parmi
lesquels
Raoni
Metuktire,
venus
à
Brasilia
y
manifester
leur
opposition.
Barrage
contre
le
barrage
Depuis
2009,
Raoni
et
les
Indiens
du
Para
mènent
une
lutte
contre
le
projet
de
barrage
Belo
Monte.
Situé
sur
le
fleuve
Xingu,
la
structure
de
36
mètres
de
haut
et
de
3,5
kilomètres
de
long
menace
d’inonder
668
km²,
dont
448
km²
de
forêt
primaire.
20 000
personnes
risquent
d’être
déplacées.
Le
débit
du
fleuve,
en
outre,
serait
modifié,
menaçant
les
ressources
des
Indiens
vivant
de
la
pêche.
La
pétition
en
ligne
sur
www.raoni.com.
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