Attitude pratique Réadaptation à l`effort du coronarien en phase II
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Attitude pratique Réadaptation à l`effort du coronarien en phase II
23/06/06 16:11 Page 31 Attitude pratique Réadaptation à l’effort du coronarien en phase II Dans le cadre de la réadaptation cardiaque du coronarien, le ré-entraînement à l’effort permet d’améliorer la condition physique du patient, de mieux contrôler les facteurs de risque et favorise l’observance thérapeutique. Dr Bénédicte Vergès (Unité de réadaptation cardiaque, CHU Dijon) S elon la définition de l’OMS, la réadaptation cardiaque est « l’ensemble des activités nécessaires pour influencer favorablement le processus évolutif de la maladie ainsi que pour assurer aux patients la meilleure condition physique, mentale et sociale possible, afin qu’ils puissent, par leurs propres efforts, préserver ou reprendre une place aussi normale que possible dans la vie de la communauté. » Il s’agit d’une approche thérapeutique globale, associant des actions multiples : ● ré-entraînement à l’effort ; ● éducation : facteurs de risque, traitements, signes fonctionnels d’alerte, activité physique et activités de la vie quotidienne ; ● prévention secondaire ; ● prise en charge psychologique ; ● aide à la réinsertion sociale et professionnelle. Cet article portera essentiellement sur l’aspect ré-entraînement à l’effort de la réadaptation cardiaque. les années 70. Elle est validée à la fin des années 80 par les premières études de mortalité dans le postinfarctus. Les années 90 voient venir de nouvelles indications, en particulier l’insuffisance cardiaque chronique. Aujourd’hui, elle est parfaitement intégrée dans l’arsenal thérapeutique cardiovasculaire. La méta-analyse de Taylor (1) a permis d’actualiser les données obtenues à partir des premières études de mortalité (2). Elle a permis de confirmer les résultats déjà connus : diminution de la mortalité de 20 % et de la mortalité cardiaque de 26 %, en faveur de la réadaptation cardiaque. La réadaptation cardiaque a fait aujourd’hui les preuves de son efficacité et de sa très bonne tolérance chez tous les coronariens (1-6) : ● en post-infarctus ; ● après une angioplastie, sans risque supplémentaire de resténose ; ● avec dysfonction ventriculaire gauche, sans effet délétère sur la fonction et le remodelage ventriculaire gauche ; ● après chirurgie coronaire ; ● plus récemment dans l’angor stable. > Historique La réadaptation cardiaque est née dans les années 50 aux Etats-Unis, dans le cadre des suites d’infarctus du myocarde. Elle arrive en France dans > Bénéfices de l’entraînement physique Tous les patients coronariens bénéfi- 31 cieront d’autant plus d’un séjour en réadaptation cardiaque qu’ils présenteront : ● un déconditionnement physique ; ● la présence ou la persistance d’une ischémie myocardique ; ● une altération de la fonction ventriculaire gauche ; ● une anxiété ou une dépression ; ● la nécessité d’une prévention secondaire et d’une évaluation de leur risque. L’entraînement physique régulier améliore les performances physiques : accroissement des capacités maximales à l’effort, se traduisant par une augmentation de la durée et de la puissance de l’effort maximal et du pic de VO2 (7, 8). Il améliore également la tolérance aux efforts sous maximaux et aide au contrôle des facteurs de risque. Le bénéfice global de l’entraînement physique passe par des effets bénéfiques sur : - le cœur : amélioration de la perfusion myocardique (5, 9), diminution de l’ischémie myocardique avec recul du seuil ischémique (10), régression des lésions coronaires à partir d’une dépense calorique de 2 500 kcal/sem (11) ; Cardio&Sport • n°8 réadaptation cets8-readaptation réadaptation cets8-readaptation 23/06/06 16:11 Page 32 les vaisseaux : vasodilatation au repos et à l’effort, restauration de la vasomotricité artérielle endothéliumdépendante et de l’angiogenèse au niveau de l’arbre vasculaire coronaire, avec augmentation du débit coronaire à l’exercice (12) ; ● le système nerveux autonome : diminution du taux de noradrénaline circulante (13), diminution de l’activité sympathique et augmentation de l’activité parasympathique, augmentation de la variabilité sinusale ; ● le muscle : augmentation du débit sanguin local (13), modification de la morphologie musculaire avec augmentation de la capacité oxydative du muscle (14), augmentation de l’endurance musculaire (15) ; ● les poumons : augmentation de la ventilation maximale volontaire (16), diminution de la ventilation/min et de la pente VE/VCO2 (17). ● > La réadaptation cardiaque en phase II Les différentes phases La réadaptation cardiaque est classiquement divisée en 3 phases successives dans le temps : ● phase I ou phase hospitalière, dont la durée ne cesse de diminuer, limitant ainsi les complications du décubitus prolongé ; ● phase II ou phase post-hospitalière immédiate, dite de “convalescence active”, durant 3 à 6 semaines, s’effectuant en unité spécialisée de réadaptation cardiovasculaire, en hospitalisation complète ou en ambulatoire ; lorsque les délais d’admission sont très précoces, la période initiale de cette phase comprend des soins de suite spécialisés et requiert un suivi cardiologique plus lourd ; • phase III ou phase de maintenance, débutant avec la reprise d’une vie active par le patient ; cette phase, dont le suivi est assuré par les prati- Cardio&Sport • n°8 ciens habituels du patient, est déterminante pour l’évolution ultérieure de la maladie, car largement conditionnée par l’observance des conseils d’activité physique, diététiques, d’arrêt total du tabac, associés au traitement médicamenteux prescrit. La prise en charge Le mode de prise en charge est fonction du risque évolutif du patient, de son lieu d’habitation et de l’organisation locale. Il peut se faire soit en hospitalisation complète, soit en ambulatoire. Cette prise en charge est remboursée par la CPAM, au même titre que tout traitement médicamenteux. La durée est variable, en fonction du mode de prise en charge et du nombre de séances par semaine (2 à 5). Le patient est pris en charge par une équipe ayant une compétence technique et une formation spécialisées : cardiologue, kinésithérapeute, infirmière, diététicienne, assistante sociale, psychologue, ergothérapeute… En dehors des actions menées par cette équipe, des consultations pluridisciplinaires doivent être organisées : diabétologie-lipidologie, psychiatrie, addictologie, pneumologie… centre reposera sur une équipe formée et une surveillance cardiologique étroite, avec une évaluation régulière et fréquente des patients : ● auscultation cardiaque et pulmonaire, avant et après entraînement ; ● surveillance du poids et des œdèmes ; ● monitoring de la fréquence cardiaque (FC), de la tension artérielle et du rythme cardiaque avant et durant l’entraînement. Le registre français des complications graves liées à l’effort, nécessitant un traitement urgent, une réanimation ou un transfert, et survenues pendant les tests d’effort et/ou le ré-entraînement à l’effort, a porté sur 65 centres au cours de l’année 2003. Sur 25 420 patients et 743 000 heures d’exercice, on ne note aucun décès. Le risque d’événements majeurs en réadaptation cardiaque est très faible (1,2 pour 10 000 tests et 0,2 pour 10 000 heures d’exercice malades) et en diminution par rapport aux études publiées auparavant (18). > Programme de ré-entraînement à l’effort Le plateau technique Le plateau technique de l’unité de réadaptation doit permettre : ● une évaluation à l’effort : test d’effort, mesure de VO 2 , parcours de marche balisé, mesure de la force musculaire ; ● une surveillance du patient : échoDoppler cardiaque, Holter, télémétrie, cardiofréquencemètre ; ● le ré-entraînement à l’effort : ergomètres variés, systèmes de poids-poulies, parcours extérieurs, piscine, matériel de gymnastique ; ● la sécurité du patient : réanimation rapide si nécessaire. La sécurité La sécurité de la réadaptation en 32 Bilan d’évaluation ● Consultation initiale Le patient coronarien admis en phase II de réadaptation bénéficie d’un programme individualisé. La consultation initiale est fondamentale, car elle précise : ● l’histoire de la maladie ; ● les facteurs de risque ; ● les facteurs pronostiques : dysfonction ventriculaire gauche, ischémie, troubles du rythme ; ces facteurs pronostiques vont permettre une stratification du risque du patient ; ● l’existence de déficiences associées ; ● la motivation initiale ; 23/06/06 16:11 Page 33 ● le retentissement psychologique de l’accident aigu ; ● le traitement en cours ; ● le poste de travail si le patient est encore en activité professionnelle. Ce bilan initial est complété par un examen clinique et un électrocardiogramme de repos. A l’issue de cette consultation initiale, le patient est déclaré apte à l’activité physique programmée s’il est soit asymptomatique, soit stable sous traitement. Au contraire, toute évolutivité ou instabilité de la maladie coronaire contre-indique temporairement la mise en place du programme. Les examens complémentaires (échographie cardiaque, Holter, évaluation de l’adaptation à l’effort) sont essentiels pour la stratification du risque du patient. Le test d’effort Le test d’effort (Fig. 1) est l’étape initiale fondamentale et indispensable avant la mise en place du programme. Ce test est le plus souvent réalisé sur cyclo-ergomètre. Dans certains cas, il est réalisé sur tapis roulant ou encore sur manivelle lorsque le test avec les membres inférieurs est impossible (problème orthopédique, vasculaire, trophique…). Le test d’effort de ré-entraînement est un test réalisé sous traitement médical. En effet, la plupart des patients sont sous bêta-bloquants, il faut donc connaître leur profil de FC à l’effort sous ce traitement, pour ne pas fausser les repères qui seront utilisés ensuite pour prescrire le ré-entraînement à l’effort et conseiller le patient dans ses activités quotidiennes. Le protocole le plus couramment admis en réadaptation est une augmentation des charges par paliers de 10 watts toutes les minutes. Ce test permet de connaître le profil du ● Figure 1 - Test d’effort de ré-entraînement. patient : tensionnel, rythmique ou ischémique. En cas de positivité du test, le seuil ischémique est déterminé et les repères pratiques bien précisés (FC ou seuil ischémique, puissance seuil). Le test permet de préciser la puissance maximale atteinte en watts et/ou METS, la fréquence maximale atteinte et la durée de l’épreuve d’effort. Si le test est couplé à une mesure des échanges gazeux respiratoires, le pic de VO 2 est déterminé en ml/kg/min. La capacité maximale d’effort a une valeur pronostique fondamentale. L’étude danoise Danami-2 (19) rapporte la valeur pronostique fondamentale du test d’effort pratiqué à la sortie (4 à 14 jours) d’une hospitalisation pour infarctus. Les patients incapables de réaliser ce test ont une mortalité à 3 ans de 41 %, contre seulement 6 % pour la population qui l’a effectué, quel qu’en soit le résultat (p < 0,001). Par ailleurs, chaque MET gagné en puissance maximale développée entraîne une diminution de 27 % de la mortalité à 3 ans. Le pic de VO2 est le facteur prédictif le plus puissant de mortalité cardiaque et de toute cause dans l’étude de Kavanagh, qui porte sur une population de plus de 12 000 patients coronariens adressés en réadaptation. Un gain en VO2 de 1 ml/kg/min améliore le pronostic de 9 % (8). 33 Outre les capacités maximales du patient, le test d’effort permet de guider le ré-entraînement en calculant la fréquence d’entraînement. En pratique, celle-ci est le plus souvent déterminée par la formule suivante : FCE = FC repos + 60 à 80 % (FC max - FC repos), dans laquelle FCE est la FC d’entraînement. Cette formule a quelques limites : elle ne prend pas en compte le niveau d’entraînement préalable et la diversité des réponses chronotropes (qui peuvent varier en fonction de l’âge et du traitement bêta-bloquant). Si le test d’effort est couplé à une mesure des échanges gazeux, on détermine la fréquence d’entraînement comme étant la FC obtenue au seuil d’adaptation ventilatoire. Stratification du risque Au terme de ce bilan d’évaluation à l’effort, une stratification du risque (20) peut être obtenue : ● risque faible : évolution clinique hospitalière non compliquée, bonne capacité fonctionnelle (> 6 METS), fonction ventriculaire gauche systolique conservée, absence d’ischémie myocardique et d’arythmie ventriculaire sévère au repos ou à l’effort ; ● risque intermédiaire : capacité fonctionnelle moyenne (5-6 METS), seuil ischémique élevé, fonction ventriculaire gauche systolique modérément altérée, ischémie myocardique résiduelle modérée, arythmie ventriculaire peu sévère (classe I ou II de Lown) au repos ou à l’effort ; ● risque élevé : évolution clinique hospitalière compliquée (insuffisance cardiaque, choc cardiogénique et/ou arythmie ventriculaire sévère), survivant de mort subite, capacité fonctionnelle basse (< 5 METS), fonction ventriculaire gauche sévèrement altérée (30 %), ischémie myocardique résiduelle sévère, arythmie ventriculaire complexe (classes III, IV et V de Lown), au repos ou à l’effort. ● Cardio&Sport • n°8 réadaptation cets8-readaptation réadaptation cets8-readaptation 23/06/06 16:11 Page 34 Mise en place du programme d’activité physique Objectif L’étape suivante est la mise en place du programme d’activité physique. Chez le coronarien, l’objectif est de réduire, pour un même effort de la vie courante, le travail myocardique, et donc, la consommation d’oxygène du myocarde. Il est unanimement admis actuellement que tout programme d’entraînement doit être basé sur une activité physique “aérobie” à forte composante dynamique, sollicitant “l’endurance” (Fig. 2 a, b et c). Pour réaliser des activités d’endurance sollicitant de larges groupes musculaires, différents ergomètres peuvent être disponibles, permettant de varier les exercices : vélo, tapis roulant, manivelle, stepper… Par ailleurs, des parcours de marche de différents niveaux sont proposés de façon complémentaire au travail en salle. ● a b Figure 2 (a, b, c) - Ré-entraînement global en endurance sur différents ergomètres. résultats comparables à ceux de l’entraînement classique (21). Renforcement musculaire De plus en plus, on propose au patient d’associer à cet entraînement en endurance, un renforcement musculaire segmentaire. L’objectif est de gagner en masse musculaire plus rapidement, afin de débuter la réadaptation chez des sujets très déconditionnés, avec une moindre sollicitation hémodynamique et rythmique si les charges sont modérées et, dans tous les cas, de parfaire le reconditionnement à l’effort de l’ensemble des patients (Fig. 3 a et b). Pour ce type d’exercice, on utilise des systèmes de poids-poulies, qui permettent de travailler groupe musculaire par groupe musculaire, en faisant faire des séries d’exercices répétés sur un rythme régulier, avec des charges modérées choisies en fonction du test d’effort initial et de la force maximale volontaire. Là encore, ces charges sont adaptées à la progression du patient, au fil du programme de ré-entraînement. ● ● Personnalisation Tout programme doit tenir compte du profil (à risque ou non) du patient et de la proximité de l’événement coronarien. Chez le coronarien qui garde une ischémie clinique et électrique, l’intensité sera très faible au début, lentement progressive, sans jamais dépasser le seuil ischémique (FC au 1er palier où apparaît l’ischémie électrique). Classiquement, chaque séance dure environ 1h et comprend : - une phase d’échauffement (5 à 10 min) ; - une phase d’exercice à proprement parler, à la FC d’entraînement ; - une phase de récupération de 5 à 10 min. Pendant les séances, les signes fonctionnels et la tension artérielle sont notés. La FC peut être surveillée par cardiofréquencemètre ou télémétrie lorsqu’il existe des critères de gravité rythmique. Au fur et à mesure de la progression, le niveau de ré-entraînement Cardio&Sport • n°8 c est réajusté en fonction de la tolérance respiratoire (aisance respiratoire) et selon l’échelle de Borg, de façon à ce que le patient ressente toujours l’effort musculaire comme étant moyennement difficile (numéros 12 à 14 sur une échelle allant de 0 à 20). Il est important d’accompagner le patient dans cette progression, de l’encourager, de le rassurer et de lui apprendre à être bien à l’écoute de ses sensations. Le but de cette éducation est de faire acquérir au patient un savoir-faire et une autonomie. L’entraînement en interval training, selon la technique des créneaux, a des 34 23/06/06 16:11 Page 35 développer la coordination, la souplesse, l’équilibre et d’apprendre à respirer de façon adaptée (inspiration/expiration) pendant l’effort musculaire. Des séances de relaxation sont également très intéressantes chez ces patients présentant souvent une anxiété importante (Fig. 5). a1 a2 Figure 3 (a, b) - Séance de renforcement musculaire segmentaire. Chez les patients très déconditionnés, à niveau de risque élevé (rythmique, hémodynamique), l’électromyostimulation des quadriceps, des triceps suraux, à basse fréquence (< 30 Hertz), est une alternative très intéressante au ré-entraînement, permettant d’améliorer la capacité aérobie des muscles, avec pour conséquence une amélioration des capacités fonctionnelles du patient (22, 23). Chez ces patients les plus sévères, ainsi que chez les patients très déconditionnés, pour lesquels parfois il est impossible de réaliser d’emblée une épreuve d’effort, le test de marche de 6 min prend toute son importance. La distance de marche mesurée est un bon reflet des capacités sous-maximales d’endurance, donnant une idée de la tolérance aux activités de la vie courante et permettant d’objectiver l’amélioration des capacités fonctionnelles des patients. Cette mesure a une valeur pronostique indépendante dans l’insuffisance cardiaque et est bien corrélée à la sévérité de celle-ci. ● Prise en charge post-chirurgicale Dans les suites de chirurgie coronaire, la prise en charge associe soins de suite et réadaptation, en tenant compte des problèmes particuliers aux opérés : ● perte de poids ; ● manque d’appétit ; ● anémie ; Figure 5 - Scéance de gymnastiquerelaxation. b douleurs pariétales ; ● problèmes de cicatrisation ; ● épanchement péricardique ; ● troubles du rythme, chez des patients souvent déconditionnés. ● Enfin, il faut rappeler que pendant toute cette période de ré-entraînement en phase II, le traitement médicamenteux associé est adapté en fonction de la surveillance à l’effort et optimisé. > Prise en charge globale Le programme est donc très individualisé et le choix des techniques dépend de l’évaluation du risque du patient. Le type et le niveau de réentraînement sont régulièrement réajustés au fur et à mesure des progrès du patient. On propose également des séances de gymnastique collective en salle ou en piscine (Fig. 4), permettant de Figure 4 - Scéance de gymnastique en piscine. 35 La prévention En dehors du ré-entraînement à l’effort, de multiples actions sont parallèlement proposées au patient, dans une démarche de prévention pour une prise en charge globale. Cette démarche de prévention comporte un volet médical (thérapeutiques efficaces, observance) et un volet éducationnel, qui implique souvent un changement de comportement et un engagement du patient et qui concerne non seulement l’activité physique et sportive, mais également la prévention nutritionnelle et l’arrêt total du tabac. La prise en charge diététique Elle est fondamentale et comporte : ● Cardio&Sport • n°8 réadaptation cets8-readaptation réadaptation cets8-readaptation 23/06/06 16:11 Page 36 des informations de groupe ; des consultations personnalisées ; ● une mise à disposition de recettes adaptées, de cours de cuisine thérapeutique, ateliers pratiques… ● ● ● L’aide au sevrage tabagique Elle doit également être organisée, structurée et envisagée dans la durée, afin de ne négliger aucune des dépendances, qu’elles soient physiques, comportementales ou psychologiques. Dans une méta-analyse portant sur 20 études de patients coronariens suivis pendant 2 ans, l’arrêt du tabac entraîne une réduction de 36 % de la mortalité toutes causes et de 34 % de la récidive d’infarctus non fatal (24). La prise en charge psychologique Elle est également primordiale. Il existe une comorbidité entre l’anxiété, la dépression, le stress psychosocial et l’infarctus du myocarde. Il est important, en début de séjour, d’évaluer le retentissement psychologique par des questionnaires adaptés (HAD par exemple) et de s’aider de spécialistes (psychologues, psychiatres) si une prise en charge médicamenteuse ou psychologique semble nécessaire. Un retentissement psychologique important peut être un frein à l’adhésion du patient à son programme de réadaptation. ● Une aide à la reprise du travail La réadaptation doit permettre une aide à la reprise du travail, en favorisant une bonne coordination entre les différents médecins intervenants. Des consultations auprès du médecin du travail et de l’assistante sociale doivent être envisagées dès le début de la réadaptation, pour évaluer la possibilité d’une reprise du travail après une amélioration des capacités fonctionnelles ou bien envisager un reclassement et orien- ● Cardio&Sport • n°8 ter le patient dans les démarches nécessaires. En fin de séjour, le bilan de sortie comprend : ● un examen clinique ; ● la vérification et la prise en charge des facteurs de risque ; ● la vérification de la cohérence du traitement médicamenteux ; ● une épreuve d’effort, permettant d’adapter au mieux les conseils de sortie : fixer une nouvelle FC d’entraînement pour la poursuite de l’activité physique en phase III, vérifier l’absence d’ischémie, l’absence de troubles du rythme et rassurer le patient sur ses capacités d’effort. durance : vélo, marche, jogging, natation… Il est important que le patient choisisse une activité qui lui plaise et qui soit adaptée à ses possibilités. Il faut l’aider à organiser concrètement son programme “sportif” en lui donnant des astuces : par exemple s’il a de nombreux déplacements en voiture, on peut lui conseiller d’avoir toujours une paire de baskets dans son coffre, ou encore, s’il a très peu de temps, de posséder un vélo d’appartement qui soit mis à sa disposition facilement. On peut préférer des séances plus longues, entre 3/4 d’heure et 1h par jour, 3 à 4 fois par semaine, le niveau d’efficacité étant déterminé par la fréquence d’entraînement (intérêt du cardiofréquencemètre), l’aisance respiratoire et/ou le ressenti musculaire de l’effort (échelle de Borg). Il est intéressant de varier les activités et de donner au patient les moyens de s’adapter à des conditions nouvelles. En dehors de cette activité cadrée et organisée, on conseille au patient de bouger plus dans la vie de tous les jours : ● aller travailler à pied ou descendre une station de bus ou de métro plus tôt ; ● monter les escaliers au lieu de prendre l’ascenseur ou l’escalator ; ● transmettre de bonnes habitudes aux enfants en les encourageant à aller à l’école à pied, à faire partie de clubs sportifs et en les accompagnant pour des sorties en famille à pied, en vélo ou en roller ! L’exemplarité tient ici une place majeure dans l’éducation à la santé et la prévention des maladies cardiovasculaires. L’observance > En conclusion Il s’agit ensuite d’encourager le patient à poursuivre, dans la durée, une activité physique régulière. Il est conseillé de pratiquer l’équivalent de 30 min de marche active par jour. Les sports conseillés sont les sports d’en- Abraham Lincoln disait : « Vous ne pouvez pas aider les hommes continuellement en faisant pour eux ce qu’ils pourraient et devraient faire eux-mêmes ». Afin de renforcer régulièrement la Les résultats Les effets favorables de la réadaptation sont obtenus avec un excellent rapport coût/bénéfice, lié principalement à une meilleure réinsertion professionnelle et à une baisse du nombre et de la durée des réhospitalisations (25, 26). Boesch (27) montre, dans une étude portant sur 78 patients en post-infarctus ou pontage coronaire et suivis entre janvier et juin 2001, qu’un mois de réadaptation en centre aide au maintien à long terme des effets de l’activité physique. Ces patients, réévalués 2 ans après, ont une capacité physique au test d’effort améliorée de 34 % par rapport à leurs données de base (p < 0,01) et la dépense calorique de leurs activités de loisirs est de 3 127 kcal/semaine, contre 977 kcal/semaine avant l’accident cardiaque (p < 0, 01). Le bilan de sortie 36 23/06/06 16:11 Page 37 motivation du patient à prendre en charge sa santé, on lui conseille vivement de participer aux activités physiques encadrées des clubs “Cœur et Santé” qui, dans toute la France, sous l’égide de la Fédération Française de Cardiologie, et avec le soutien dynamique des cardiologues parrains, aident à la réadaptation des cardiaques. Différentes activités physiques adaptées en groupe sont organisées et les patients sont “coachés” par du personnel compétent (kinésithérapeutes, éducateurs sportifs...). Ce cadre, très souvent convivial, est stimulant pour le patient et favorise incontestablement l’observance thérapeutique et le suivi médical. ❚ MOTS CLÉS Réadaptation cardiaque, coronarien, ré-entraînement à l’effort, test d’effort, facteurs de risque, programme individualisé, autonomisation Quelques éléments de réponse à des questions pratiques Les activités de jardinage et de bricolage : elles peuvent comporter très souvent une composante statique non négligeable. On conseille aux patients de fractionner leurs efforts physiques, de ne jamais bloquer leur respiration et d’éviter les charges trop lourdes mal tolérées sur le plan musculaire, respiratoire ou cardiaque (aide du cardiofréquencemètre). Le renforcement musculaire associé à l’entraînement en endurance présente un intérêt non négligeable dans la bonne tolérance de ce type d’activité de loisir. ● ● Les séjours en altitude : l’altitude est un équivalent d’effort difficilement chiffrable qui va s’ajouter à l’effort physique. Le patient doit alors bien connaître ses réactions et s’aider du cardiofréquencemètre pour adapter au mieux le niveau de son effort physique, quel qu’il soit (marche, randonnée, ski, raquettes). En hiver, le froid et le vent sont des équivalents d’effort supplémentaires. Un patient coronarien stable, bien exploré, à fonction ventriculaire normale ou peu altérée et avec une épreuve d’effort sous traitement négative peut s’adonner au plaisir des sports d’hiver en respectant quelques règles de précaution : éviter de conjuguer les altitudes trop hautes (<2000-2500 m), les températures trop basses et les vents violents, ne pas rechercher les exploits sportifs et bien s’échauffer. Dans tous les cas, un entraînement physique régulier est un préalable indispensable à toute activité en altitude. Les voyages en avion : pour les vols en avions de ligne, la réduction de la pression atmosphérique en cabine correspond à une altitude de 1 500 à 2 400 m. Les conseils sont les mêmes que pour les séjours en altitude, auxquels s’ajoutent des précautions liées au risque thromboembolique accru (port de chaussettes de contention, exercices physiques réguliers des mollets, déplacements dans l’avion). ● ● L’activité sexuelle (28) : réalisée dans un climat de confiance et calme, celle-ci correspond à un exercice physique modéré, assimilé classiquement à la montée rapide de 2 étages ou au palier de 60-80 Watts au test d’effort. Pour conseiller au mieux le patient, il faut tenir compte de son niveau de risque et de sa stabilité sous traitement. Là encore, on note l’effet facilitateur de l’entraînement physique pour la reprise rapide et la bonne tolérance des relations sexuelles. 37 Cardio&Sport • n°8 réadaptation cets8-readaptation 23/06/06 16:11 Page 38 réadaptation cets8-readaptation Bibliographie 1. Taylor RS, Brown A, Ebrahim S et al. Exercise-based rehabilitation for patients with coronary heart disease : systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Am J Med 2004 ; 116 : 682-92. 2. O’Connor GT, Buring JE, Yusuf S et al. An overview of randomized trials of rehabilitation with exercise after myocardial infarction. Circulation 1989 ; 80 : 234-44. 3. Dolansky MA, Moore SM. Effects of cardiac rehabilitation on the recovery outcomes of older adults after coronary artery bypass surgery. J Cardiopulm Rehabil 2004 ; 24 : 236-44. 4. Belardinelli R, Paolini I, Cianci G et al. Exercise training intervention after coronary angioplasty : the ETICA trial. J Am Coll Cardiol 2001 ; 37 : 1891-900. 5. 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