la regionalisation final - Actu

Transcription

la regionalisation final - Actu
1
Ahmed SOUSSAN *
LLA
AR
REEG
GIIO
ON
NA
ALLIIS
SA
ATTIIO
ON
N
P
PR
RO
OB
BLLEEM
MEES
S EETT P
PEER
RS
SP
PEEC
CTTIIV
VEES
S --
LA PROBLEMATIQUE REGIONALE
La régionalisation a été, tout au long de l’histoire contemporaine du Maroc, une préoccupation
constante pour le pouvoir central.
Sous le protectorat français (1912-1956), le découpage du territoire de 1940 en 7 régions
relevait d’un modèle militaire et sécuritaire, destiné à assurer le contrôle du territoire.
•
Le découpage de 1971, en 7 régions également, se réclame d’une logique
économique. La région y est ainsi définie comme:
«un cadre économique dans lequel des études seront entreprises et des programmes
réalisés en vue d’un développement harmonieux et équilibré des différentes parties du
Royaume » (Article 2). (1)
Mais, fait surprenant, ces sept régions dites « économiques » correspondent presque
exactement aux régions militaires du protectorat
(2)
.
La régionalisation, stratégie initiée par le pouvoir central, a fait l’objet de critiques dans sa
forme et dans son contenu, mettant notamment en exergue les disparités inter et intra
régionales d’ordre à la fois administratif et économique. En fait, le bilan de cette période s’est
révélé en deçà des ambitions attendues.
•
Le nouveau découpage de 1997 en 16 régions procède de la même logique que
celle de 1971. Il s’agit, en fait, d’un assemblage au sein d’un ensemble régional de plusieurs
provinces aux atouts naturels différents, en vue d’une mise en valeur des complémentarités de
leurs ressources au profit d’un développement intra régional.
Or, l’année 1997, coïncidait avec des élections législatives ; ce qui laisse à penser que le souci
électoral fut quasi-présent dans le découpage régional du Maroc.
•
Le projet de découpage de la Commission Consultative de la Régionalisation (CCR)
a été présenté à SM le Roi, au mois de mars 2011, juste un an avant les élections de 2012.
Après plus de 30 ans de fonctionnement, le bilan de la politique régionale économique
reste très limité. Les disparités et les déséquilibres économiques et socio-spatiaux auxquels la
régionalisation a voulu remédier, se sont en fait amplifiés.
(1) : Dahir n° 1-71-72 du 16 juin 1971, BO n° 3060 du 23 Juin 1971
(2) : Hors ex-zone espagnole naturellement non incluse dans le découpage de 1940.
2
1- LE DECOUPAGE ADMINISTRATIF DU PAYS
La division administrative du Royaume du Maroc comprend deux niveaux d'administration
territoriale hiérarchisée :
i) un niveau déconcentré : les régions
ii) un niveau décentralisé : les wilayas, les préfectures, les provinces et les communes.
1.1- LE DECOUPAGE ADMINISTRATIF DE 1971 : 7 REGIONS
Il comprenait 7 régions économiques divisées en préfectures et provinces :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
Le Sud
Le Tensift
Le Centre
Le Nord-Ouest
Le Centre-Nord
L'Oriental
Le Centre-Sud
:
:
:
:
:
:
:
12 provinces
3 préfectures
7 préfectures
3 préfectures
3 préfectures
3 provinces
2 préfectures
et
et
et
et
5
6
7
5
provinces
provinces
provinces
provinces
et 4 provinces
Tableau 1 : Le découpage administratif de 1971
Régions
Préfectures
SUD
TENSIFT
CENTRE
Marrakech-Médina
Marrakech-Ménara
Sidi Youssef ben Ali
Casablanca-Anfa
Aïn Chock-Hay Hassani
Aïn Sbaâ-Hay Mohammadi
Ben Msik-Sidi Othman
Sidi El Barnoussi-Zénata
El Fida-Derb Soltane
Mohammadia
NORD-OUEST
Rabat
Salé
Skhirat-Témara
CENTRE-NORD
Fès El Jadid-Dar DbibaghFès-Médina
Zouagha-Moulay Yacoub
ORIENTAL
CENTRE-SUD
Meknès El Manzeh
Meknès El Ismaïlia
Provinces
Agadir
Assa-Zag
Boujdour
Es-Smara
Guelmim
Laâyoune
Ouarzazate
Oued Eddahab
Tan-Tan
Taroudant
Tata
Tiznit
El Kélaa Sraghna
Essaouira
Safi
Chichaoua
El Haouz
Azilal
Béni-Mellal
Benslimane
El Jadida
Khouribga
Settat
Chefchaouen
Larache
Kénitra
Khémisset
Sidi Kacem
Tanger
Tétouan
Al Houceïma
Boulemane
Taounate
Taza
Sefrou
Figuig
Nador
Oujda
Errachidia
Ifrane
Khénifra
El Hajeb
(1) Instauré par le Dahir n° 1-71-72 du 16 juin 1971, B.O n° 3060 du 23 Juin 1971
(1)
3
1.2- LE DECOUPAGE ADMINISTRATIF DE 1997 : 16 REGIONS
La loi n° 47-96 du 2 avril 1997 relative à l’organisation administrative du pays a opté pour un
découpage en 16 régions
(1)
.
En 2002, lors des élections législatives, des changements partiels à ce découpage ont été
introduits concernant essentiellement l’adaptation du découpage communal, notamment en
milieu urbain, aux nouvelles dispositions de la charte communale, en particulier celles relatives
à l’unité de la ville.
Depuis le début de l’année 2009, 13 nouvelles provinces et préfectures ont vu le jour :
Ouazzane, Sidi Slimane, Guercif, Driouch, Berrechid, Sidi Bennour, Youssoufia, Rhamna, Fqih
ben salah, Midelt, Tinghir, Sidi Ifni et Tarfaya.
De la sorte, le découpage administratif en vigueur actuellement au Maroc se présente comme
suit (Voir carte n° 1 – Le découpage administratif du Maroc et le tableau 2).
(1) In B.O n° 4470 du 3 Avril 1997
4
Tableau 2 : Le découpage administratif actuel du Maroc
N°
1
Régions
OUED EDDAHAB – LAGOUIRA
LAAYOUNE – BOUJDOUR-SAKIA EL HAMRA
2
3
GUELMIM – ES-SMARA
4
SOUSS-MASSA – DRAA
5
GHARB - CHRARDA – BNI HCENE
6
CHAOUIA – OUARDIGHA
7
MARRAKECH –TENSIFT- AL HAOUZ
8
L'ORIENTAL
9
LE GRAND CASABLANCA
10
RABAT-SALE-ZEMMOUR-ZAËR
11
DOUKKALA-ABDA
12
TADLA-AZILAL
13
MEKNES-TAFILALET
14
FES-BOULMANE
15
TAZA-AL HOUCEIMA-TAOUNATE
Provinces
AOUSSERD
OUED EDDAHAB
LAAYOUNE
BOUJDOUR
TARFAYA
GUELMIM
TATA
ASSA-ZAG
ES-SMARA
TAN-TAN
AGADIR IDA-OUTANAN
CHTOUKA AÏT BAHA
INEZGANE AÏT MELLOUL
TAROUDANT
TIZNIT
OUARZAZATE
ZAGORA
TINGHIR
SIDI IFNI
KENITRA
SIDI KACEM
OUAZZANE
SIDI SLIMANE
SETTAT
KHOURIBGA
BENSLIMANE
BERRECHID
AL HAOUZ
CHICHAOUA
EL KELÂA DES SRAGHNA
ESSAOUIRA
MARRAKECH
RHAMNA
JRADA
BERKANE
TAOURIRT
FIGUIG
OUJDA ANGAD
NADOR
DRIOUCH
CASABLANCA
MOHAMMADIA
MEDIOUNA
NOUACEUR
KHEMISSET
RABAT
SALE
SKHIRATE-TEMARA
EL JADIDA
SAFI
SIDI BENNOUR
YOUSSOUFIA
AZILAL
BENI MELLAL
FQIH BEN SALAH
MEKNÈS
EL HAJEB
ERRACHIDIA
IFRANE
KHENIFRA
MIDELT
BOULEMANE
FES
SEFROU
MOULAY YACOUB
AL HOUCEIMA
TAOUNATE
TAZA
GUERCIF
5
CARTE N° 1 : LE DECOUPAGE ADMINISTRATIF ACTUEL DU MAROC
6
2- LE BILAN DE LA REGIONALISATION : DISPARITES ET DESEQUILIBRES
A l’exception du développement spectaculaire des provinces sahariennes qui ont bénéficié d’un
grand effort d’investissement, à la frontière de la politique de régionalisation, le bilan de la
politique de développement régional reste mitigé compte tenu de l’aggravation des disparités
et des déséquilibres régionaux.
Ces derniers seront appréhendés à travers l’évolution de certaines variables pertinentes telles
que la répartition régionale :
-
de la population et son évolution ;
-
des établissements économiques et de l’effectif de l’emploi ;
-
des principales grandeurs économiques du secteur industriel ;
-
de la consommation des ménages ;
-
du Produit Intérieur Brut (PIB) et de l’Indice de Développement Humain (IDH).
2.1- REPARTITION ET EVOLUTION DE LA POPULATION
2.1.1- Densité et population
Graphe 1 : Population des 16 régions du Maroc en 2004
2 470
R16
1 807
R15
1 573
R14
2 142
R13
1 451
R12
1 984
R11
2 366
R10
3 631
R09
REGIONS
1 918
R08
3 103
R07
1 656
R06
1 860
R05
3 114
R04
462
R03
256
R02
99
R01
0
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
POPULATION
Source : Source : Recensement Général de la population et de l’Habitat de 2004 (RGPH 04)
3 500
4 000
7
Tableau 3 : Le poids démographique des 16 régions
Population
(en milliers)
Région
OUED EDDAHAB – LAGOUIRA
LAAYOUNE – BOUJDOUR-SAKIA EL HAMRA
GUELMIM – ES-SMARA
SOUSS-MASSA – DRAA
GHARB – CHRARDA – BENI HCENE
CHAOUIA – OUARDIGHA
MARRAKECH -TENSIFT- AL HAOUZ
L'ORIENTAL
LE GRAND CASABLANCA
RABAT-SALE- ZEMMOUR- ZAÊR
DOUKALA – ABDA
TADLA – AZILAL
MEKNES – TAFILALET
FES – BOULEMANE
TAZA- AL HOUCEIMA-TAOUNATE
TANGER – TETOUAN
Total
3
1
1
3
1
3
2
1
1
2
1
1
2
29
99
256
462
114
860
656
103
918
631
366
984
451
142
573
807
470
892
%
0,3
0,9
1,5
10,4
6,2
5,5
10,4
6,4
12,1
7,9
6,6
4,9
7,2
5,3
6,0
8,3
100,
0
Superficie
(km²)
50
139
133
70
8
16
31
82
1
9
13
21
74
19
24
11
710
880
480
730
880
805
760
160
820
615
580
285
757
578
795
155
570
850
Densité
(Hab./km²
)
1,9
1,8
3,5
43,9
211,2
98,8
99,6
23,2
2 248,3
247,0
149,3
66,7
28,7
79,5
74,8
213,5
100,0
Source : Elaboration à partir des données du RGPH 04
La répartition régionale de la population fait apparaître une concentration sur cinq régions qui
totalisent près de la moitié de la population du Royaume (49,1%), avec de fortes densités :
• Le Grand Casablanca (12,1%)
• Souss-Massa-Drâa (10,4%)
• Marrakech-Tensift-Al Haouz (10,4%)
• Tanger-Tétouan (8,3%)
• Rabat-Salé-Zemmour-Zaër (7,9%).
A l’opposé, les régions du sud (Oued Eddahab-Lagouira, Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra et
Guelmim-Es Smara) qui occupent 46% de la superficie du Royaume abritent seulement 2,7%
de la population totale avec des densités très faibles (2 à 3 habitants au km²).
2.1.2- Evolution de la répartition régionale de la population
La répartition spatiale de la population et son évolution selon les régions reflètent un
déséquilibre important et des disparités profondes.
Tableau 4 : Répartition de la population du Maroc par région en 1994 et 2004
Population
Pourcentage
(en milliers)
Région
1994
2004
1994
2004
OUED EDDAHAB – LAGOUIRA
TAAM*
94-04 en %
37
99
0,1
0,3
10,3
LAAYOUNE – BOUJDOUR-SAKIA EL HAMRA
176
256
0,6
0,9
3,8
GUELMIM – ES-SMARA
386
462
1,5
1,5
1,8
SOUSS-MASSA – DRAA
GHARB – CHRARDA – BENI HCENE
2635
1625
3114
1860
10,1
6,2
10,4
6,2
1,7
1,4
CHAOUIA – OUARDIGHA
1509
1656
5,8
5,5
0,9
MARRAKECH –TENSIFT- AL HAOUZ
2724
3103
11,4
10,4
1,3
L'ORIENTAL
1769
1918
6,8
6,4
0,8
LE GRAND CASABLANCA
3127
3631
12,0
12,1
1,5
RABAT-SALE- ZEMMOUR- ZAÊR
DOUKALA – ABDA
1986
1793
2366
1984
7,6
6,9
7,9
6,6
1,8
1,0
TADLA – AZILAL
1325
1451
5,1
4,9
0,9
MEKNES – TAFILALET
1904
2142
7,3
7,2
1,2
FES – BOULEMANE
1322
1573
5,1
5,3
1,8
TAZA- AL HOUCEIMA-TAOUNATE
1720
1807
6,6
6,0
0,5
TANGER – TETOUAN
2036
2470
7,8
8,3
2,0
8
Total
Source : Les recensements de 1994 et 2004
26074
29892
100,0
100,0
1,4
TAAM : Taux d’Accroissement Annuel Moyen
Cette évolution s’est faite vers un renforcement des régions riches. C’est ainsi que les régions
atlantiques (Souss-Massa-Drâa, le Grand Casablanca, Rabat-Salé-Zemmour-Zaër) plus riches
économiquement, connaissent une dynamique démographique soutenue. A l’inverse, certaines
régions (Taza-Al Houceïma-Taounate, Tadla-Azilal, l’Oriental) enregistrent une baisse de leur
poids démographique.
2.2- REPARTITION REGIONALE DES ETABLISSEMENTS ECONOMIQUES ET DE L’EMPLOI
Tableau 5 : Répartition régionale des établissements économiques et de l’emploi par région
Etablissements
Total
%
OUED EDDAHAB – LAGOUIRA
3.223
0
LAAYOUNE – BOUJDOUR-SAKIA EL HAMRA
10.612
1
GUELMIM – ES-SMARA
11.381
2
SOUSS-MASSA – DRAA
78.917
11
GHARB - CHRARDA – BENI HCENE
35.726
5
CHAOUIA – OUARDIGHA
32.279
4
MARRAKECH -TENSIFT- AL HAOUZ
71.587
10
L'ORIENTAL
53.386
7
LE GRAND CASABLANCA
128.166
17
RABAT-SALE- ZEMMOUR- ZAÊR
70.130
9
DOUKALA – ABDA
38.059
5
TADLA – AZILAL
27.840
4
MEKNES – TAFILALET
53.138
7
FES – BOULEMANE
46.728
6
TAZA- AL HOUCEIMA-TAOUNATE
24.818
3
TANGER – TETOUAN
64.926
9
Total
750.916
100
Source : Recensement économique, 2000-2001, HCP, Direction de la statistique
Région économique
Effectif
Total
6.975
23.852
18.311
185.086
82.686
90.121
169.300
119.630
662.032
219.399
96.918
53.402
111.280
148.077
51.502
200.721
2.239.292
%
0
1
1
8
4
4
8
5
30
10
4
2
5
7
2
9
100%
Selon le dernier recensement économique de 2002, 8 régions sur 16 totalisent 76% du nombre
d’établissements économiques et 81% de l’effectif global de l’emploi.
A la tête de ce peloton, trois régions offrent près de la moitié de l’emploi national à savoir le
Grand Casablanca (30%), Rabat-Salé-Zemmour-Zaër (10%) et Tanger-Tétouan (9%).
Graphe 2 : Répartition régionale des établissements économiques et de l’emploi en %
9
2.3- REPARTITION REGIONALE DES PRINCIPALES GRANDEURS INDUSTRIELLES
Tableau 6 : Grandeurs économiques du secteur industriel selon les régions (en %)
Nombre
Chiffre
C.A
Valeur
Effectif
établissements affaires Export
Ajoutée
Oued Ed-Dahab-Lagouira
0
0
0
0
0
Laâyoune-Boujdour-Sakia El Hamra
3
1
3
1
1
Guelmim-Es-Smara
1
0
1
0
1
Souss-Massa-Draa
7
5
5
4
6
Gharb-Chrarda-Béni Hssen
3
2
2
1
3
Chaouia-Ouardigha
6
5
4
4
4
Marrakech –Tensift- Al Haouz
6
2
2
3
4
Oriental
5
3
1
3
2
Grand Casablanca
33
50
29
49
40
Rabat-Sale-Zemmour-Zaer
7
4
4
5
8
Doukkala-Abda
4
14
33
14
4
Tadla-Azilal
3
1
0
1
1
Méknès-Tafilalt
3
2
0
3
2
Fès-Boulmane
8
3
2
4
5
Taza –Al Hoceima- Taounate
2
0
0
0
1
Tanger- Tétouan
10
6
13
8
18
Maroc
100
100
100
100
100
Source : Département de l’Industrie, les industries de transformation, Ex ; 2009, Ed. 2010.
Régions
Investissement
0
1
0
4
1
5
2
3
53
3
10
2
2
2
0
11
100
L’implantation géographique des industries de transformation reste caractérisée par une forte
concentration dans quatre régions : Le Grand Casablanca, Doukkala-Abda, Tanger-Tétouan et
Souss-Massa-Drâa qui totalisent à elles seules :
-
54%
75%
78%
68%
80%
75%
du
de
du
du
de
de
nombre des établissements
la valeur de la production
montant des investissements
total des effectifs
la valeur des exportations
la valeur ajoutée industrielle.
Dans ce lot, le Grand Casablanca prédomine avec :
-
33%
50%
53%
40%
29%
49%
du
de
du
du
de
de
nombre des établissements
la valeur de la production
montant des investissements
total des effectifs
la valeur des exportations.
la valeur ajoutée industrielle.
Ainsi, malgré tous les avantages et encouragements attrayants accordés par les différents
codes des investissements et la charte d’investissement en vue d’attirer les investisseurs vers
d’autres
régions,
ceux-ci
accusent
encore
une
préférence
pour
les
mêmes
régions,
particulièrement pour le Grand Casablanca.
2.4- PIB PAR HABITANT OU INDICE DE DEVELOPPEMENT HUMAIN (IDH)
UNE REPARTITION REGIONALE INEGALE
Dans ce cadre, il convient de saluer les grands efforts du Haut Commissariat au Plan (HCP)
dans l’élaboration des comptes régionaux, notamment le PIB régional et les dépenses de
10
consommation finale des ménages par région. C’est une grande première au Maroc attendue
depuis fort longtemps.
Le tableau et le graphe suivants présentent respectivement la répartition du PIB et du PIB par
tête par région.
Tableau 7 : PIB selon les régions par ordre décroissant (Année 2007)
Rang
Régions
PIB en MDH
%
%
cumulé
1
Grand Casablanca
131 247
21,3%
21,3%
2
Rabat-salé-Zemmour-Zaër
83 597
13,6%
34,9%
3
Marrakech-Tensift-Al Haouz
54 737
8,9%
43,7%
4
Tanger-Tétouan
54 137
8,8%
52,5%
5
Souss-Massa-Draâ
49 172
8,0%
60,5%
6
Doukkala-Abda
39 255
6,4%
66,9%
7
Meknès-Tafilalet
32 227
5,2%
72,1%
8
Oriental
31 698
5,1%
77,3%
9
Chaouia-Ouardigha
30 689
5,0%
82,2%
10
Fès-Boulmane
27 890
4,5%
86,8%
11
Gharb-Chrarda-Bni Hssen
24 012
3,9%
90,7%
12
Régions du Sud
21 696
3,5%
94,2%
13
Taza-Al Houceima-Taounate
18 650
3,0%
97,2%
14
Tadla-Azilal
16 224
2,6%
99,8%
15
Enclaves extraterritoriales
1 024
0,2%
100,0%
616 255
100,0%
Total
Source : HCP
Graphe 3 : Répartition indiciaire du PIB par habitant selon les régions (100= Moyenne nationale)
177
167
120
105
100
97
91
86
85
81
76
74
63
R09
R10
R123
R16 National R11
R06
R07
R14
R08
R04
R13
R05
55
51
R12
R15
Ils mettent en évidence une forte inégalité dans les performances économiques d’une région à
l’autre :
•
Cinq régions sur 16 créent près de 60,5% de la richesse nationale :
11
- Marrakech-tensift-Al
•
Dans
Grand Casablanca (21,3%)
Rabat-Salé-Zemmour-Zaër (13,6%)
Haouz (8,9%)
Tanger-Tétouan (8,8%)
Souss-Massa-Draâ (8,0%)
quatre
régions,
le
PIB
par
habitant
dépasse
la
moyenne
nationale (Répartition indiciaire) :
-
Grand Casablanca (177)
Rabat-Salé-Zemmour-Zaër (167)
Les régions du Sud (120)
Tanger-Tétouan (105)
Les régions du Sud se présentent avec un score élevé. Ceci peut s’expliquer par leur faible
population, mais surtout par l’importance des transferts dont bénéficient ces territoires.
•
En bas de la liste, les régions suivantes présentent le PIB par habitat le plus faible :
-
Meknès-Tafilalet (74)
Gharb-Chrarda-Bni Hssen (63)
Tadla-Azilal (55)
Taza-Al Houceima-Taounate (51)
Dans ce classement, les régions du Sud se trouve, avec un PIB de 21,7 milliards de dirhams, à
la douzième place.
Mais, au-delà de la production, comment mesurer l’état de développement d’un pays ? Les
institutions internationales (Banque Mondiale, PNUD) proposent une panoplie d’indicateurs
dont l’Indice de Développement Humain ou IDH publié, depuis 1990, par le PNUD
(1)
(Programme des Nations Unies pour le Développement)
Le Maroc a été classé, en 2007-2008, à la 126ème place
(2)
sur l’échelle de l’IDH, perdant ainsi
trois places par rapport à 2006. Cependant, tout porte à croire que la mise en œuvre récente
de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) est appelée à améliorer
sensiblement ce rang dans les années à venir.
Le graphe ci-après donne le classement des régions du Maroc selon le niveau de l’IDH.
(1) L’ IDH est un indicateur composite adopté par le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) pour comparer les niveaux de développement humain atteints par les
divers pays. Il synthétise le taux d’alphabétisation des adultes, le taux brut de scolarisation tous niveaux confondus – l’espérance de vie à la naissance et le produit intérieur brut réel
ajusté par habitant et exprimé en partie de pouvoir d’achat (PIB en PPA/hab.)
(2) On ne manquera pas, ici, de rappeler que le HCP conteste le mode de calcul du PNUD dont
les données ne sont pas mises à jour, et de ce fait pénalise le classement du Maroc.
12
Le développement humain est à son niveau le plus bas dans les régions de Taza–Al HoceïmaTaounate, Marrakech-Tensift-Al Haouz, Doukala-Abda, Gharb-Chrarda-Bni Hssen, Tadla-Azilal,
Tanger-Tétouan, Souss-Massa–Draa, Fès–Boulmane, l’Oriental et Chaouia-Ouardigha.
Ces régions se caractérisent par un IDH inférieur à la moyenne nationale. Inversement, les
niveaux de développement humain les plus élevés sont affichés dans les régions de Laâyoune–
Boujdour-Sakia El Hamra, Oued Eddahab-Lagouira, le Grand Casablanca, Rabat- SaléZemmour-Zaër, Guelmim-Es-Smara et Meknès–Tafilalet. Ces régions se caractérisent par un
IDH supérieur à la moyenne nationale.
Graphe 4 : Classement des régions selon le niveau de l’IDH en indice (100 = National)
122 122
R02
R01
115
R09
109 107
103 100 100
R10
R03
R13
R06
NAT
99
R08
98
R14
98
R04
97
95
95
93
93
R16
R12
R05
R11
R07
89
R15
Source : Elaboration à partir des données du PNUD
2.5- DISPARITE REGIONALE DE LA DEPENSE DE CONSOMMATION FINALE DES MENAGES PAR REGION
A l’échelle nationale, la dépense annuelle moyenne par personne a augmenté en dirhams
constants de 8.280 DH en 2001, à 11.673 DH en 2007, enregistrant ainsi un taux
d’accroissement annuel moyen de 5,9%.
Mais cette moyenne nationale cache des disparités importantes entre d’une part les milieux
urbain et rural, et d’autre part, entre les différentes régions du Royaume.
En effet, selon les derniers résultats du HCP sur la consommation et les dépenses des ménages
pour l’année 2007, il ressort que les disparités régionales s’aggravent d’année en année.
La région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër occupe la première place au niveau de la dépense
moyenne avec 15.976 DH par tête. Elle est suivie des régions de Tanger-Tétouan, du Grand
Casablanca, du Sud et de Fès-Boulmane avec respectivement 15.602, 14.843, 14.118 et
11.996 DH, la moyenne nationale étant de 11.673 DH.
13
Graphe 5 : Dépense annuelle moyenne par personne selon les régions (en indice 100 = National)
137
134
127
121
103
100
99
96
87
86
83
77
76
76
70
R10
R16
R09 SUD R14 NAT R08
R07
R06
R13
R04
R12
Source : Elaboration à partir des données de l’ENCDM 2000-2001
R15
R11
R05
14
3- LE PROJET DE LA COMMISSION CONSULTAZTIVE DE LA REGIONALISATION
(CCR) :12 REGIONS
Au delà des principes et critères retenus pour l’élaboration du nouveau découpage, ce qui
retient au premier lieu l’attention du grand public est le nombre de régions proposé : 12 au
lieu de 16 en vigueur (voir tableau 3 et carte n°2 correspondante).
C’est ainsi que certaines régions comme le Gharb-Chrarda-Bni Hssen, Chaouia-Ouardigha,
Doukkala-Abda ont disparu de la nomenclature se fondant dans des super-régions comme
Rabat-Salé-Kénitra ou Casablanca-Settat.
Certaines provinces ont émigré vers d’autres régions ; c’est ainsi que Ouazzane a quitté le
Gharb-Chrarda-Bni Hssen pour rejoindre Tanger-Tétouan (plus proche culturellement).
Ouarzazate et Zagora n’appartiennent plus à la région de Souss-Massa-Draa, mais à une
nouvelle région Drâa-Tafilalet (très vaste mais peu riche économiquement). Fès et Meknès se
sont unies pour former la région de Fès-Meknès.
Cependant, le projet de découpage maintient la même configuration des provinces du sud en
trois régions moyennant une redistribution des provinces qui les forment.
Qu’apporte de nouveau ce projet ? Rupture ou continuité avec le découpage en vigueur ?
Est-il susceptible d’atténuer les disparités et les déséquilibres que l’on a souvent reprochés au
découpage actuel ?
Mais n’anticipons pas, il s’agit d’un projet appelé à une grande consultation nationale qui ne
manquera pas de l’affiner pour le rendre acceptable par tous et pour tous.
15
Tableau 8 : Projet de découpage de la CCR
16
CARTE N° 2 : LE PROJET DE DECOUPAGE DE LA CCR
17
3.1- Répartition de la population des 12 régions
Graphe 6 : Répartition de la population des 12 régions
19,5%
13,7% 13,2%
12,9%
9,1%
8,4%
7,9%
7,8%
4,5%
1,2%
1,4%
R6
R4
R7
R3
R1
R5
R9
R2
R8
R10
R11
0,5%
R12
La répartition régionale de la population selon le projet de la CCR fait apparaître une
concentration plus accentuée :
•
5 régions totalisent dans le découpage actuel près de 50% de la population ;
•
4 régions totalisent dans le projet de la CCR près de 60 % de la population totale.
Découpage actuel
R09- Le Grand-Casablanca
R04- Souss-Massa-Dräa
R07- Marrakech-Tensift-Al Haouz
R16 –Tanger-Tétouan
R10- Rabat-Salé-Zemmour-Zaër
Sous total
Projet de la CCR
21,1%
10,4%
10,4%
8,3%
7,9%
R6R4R7R3-
Casablanca – Settat
Rabat-salé-Kénitra
Marrakech-Safi
Fès- Meknès
49,1%
Sous total
19,5%
13,2%
13,2%
12,9%
59,3%
3.2 Répartition de la superficie des 12 régions
Graphe 7 : Répartition de la superficie des 12 régions
19,7%
18,6%
18,4%
7,6%
R11
R8
R12
R9
6,5%
R10
5,8%
R5
5,6%
R3
5,5%
R7
5,1%
R2
2,7%
2,6%
1,9%
R6
R4
R1
Là également, trois régions détiennent 57 % de la superficie du pays contre 50%
actuellement.
18
Découpage actuel
R02- Laâyoune-Boujdour-Sakia-Al Hamra
R03- Guelmim-Es Smara
R08- l’Oriental
Sous Total
19,6%
18,8%
11,7%
50,1%
Projet de découpage de la CCR
R11- Laâyoune-Sakia-Al Hamra
19,7%
R8- Drâa–Tafilalet
18,6%
R12- El Dakhla-Oued-El-Daheb
18,4%
Sous Total
56,7%
3.3- Répartition des régions selon la densité de population
Graphe 8 : Répartition des régions selon la densité de population (en hab/km²)
- Découpage actuel)
2248,3
211,2
247,0
R9
R10
213,5
R16
149,3
R5
R11
99,6
98,8
R7
R6
79,5
R14
74,8
R15
66,7
R12
43,9
R4
42,1
MA
28,7
R13
23,2
R8
3,5
R3
1,9
R1
1,8
R2
Graphe 9 : Répartition des régions selon la densité de population (en hab/km²)
- Projet de découpage de la CCR)
312,9
234,9
206,4
104,9
100,4
67,2
63,6
46,0
43,9
10,5
R6
R4
R1
R7
R3
R2
R5
R9
MA
R8
9,3
R10
2,6
R11
1,2
R12
19
•
Dans le découpage actuel, 11 régions sur 16 atteignent une densité supérieure à la
moyenne nationale (42,1 hab/km2), avec un score de 2.248,3 habitants au km2 pour la
région 9 (le Grand Casablanca).
•
Dans le projet de découpage de la CCR, 8 régions sur 12 affichent une densité
supérieure à la moyenne nationale (43,9 hab./km²), avec un score de 312 ,9 hab/km² pour
la région 6 (Casablanca-Settat).
3.4- Distribution de la richesse : une méga-région : Casablanca-Settat
Graphe 10 : Répartition du PIB selon les 12 régions (en %)
25,0%
13,7%
12,3%
11,2%
9,4%
7,7%
6,9%
6,4%
4,1%
1,8%
R6
R4
R7
R5
R3
R2
R9
R1
R8
R11
1,3%
0,2%
R10
R12
Le projet de découpage de la CCR accentue les inégalités déjà présentes dans le découpage
actuel. En effet, 3 régions sur 12 (Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Marrakech-Safi) se
voient attribuer un peu plus de la moitié de la richesse nationale (51%).
A l’inverse, la grande région de Drâa-Tafilalet avec 18,6% de la superficie du pays, devrait se
contenter de 4,1% de la richesse nationale.
R09R10R07R16-
Découpage actuel
Le Grand Casablanca
Rabat-Salé-Zemmour-Zaër
Marrakech-Tensift-Al Haouz
Tanger-Tétouan
Sous Total
21,3%
13,6%
8,9%
8,8%
52,6%
Projet de découpage de la CCR
R06- Casablanca-Settat
25,0%
R04- Rabat-Salé-Kénitra
13,7%
R07- Marrakech-Safi
12,3%
Sous Total
51,0%
20
Quant au PIB par habitant, il se présente de la manière suivante :
Graphe 11 : Répartition indiciaire du PIB par habitant selon les 12 régions (Indice 100= national)
157,4
134,2
127,9
100,0
100,0 97,9
97,8
93,6 90,6
86,6
73,2
69,9
41,5
R11
R5
R6
R4 National R2
R10
R7
R8
R9
R3
R1
R12
Dans 3 régions Lâayoune-Sakia Al Hamra (157,4), Béni Mellal- Khénifra (134,2) et
Casablanca-Settat (127,9), le PIB par habitant dépasse la moyenne nationale.
A l’inverse, la région Ed Dakhla-Ouad Ed Dahab présente le PIB par habitat le plus
faible (indice 41,5).
CONCLUSION
La régionalisation constitue, au Maroc, une approche privilégiée du développement.
Or, l’analyse des résultats de cette expérience montre des inégalités de développement
économique et social entre les différentes régions aussi bien au niveau des secteurs productifs
(agriculture, industrie, tourisme, etc.) qu’au niveau des secteurs sociaux (population, emploi,
enseignement, santé, niveau de vie, etc.).
Réduire ces déséquilibres et disparités devient un enjeu de taille.
Une nouvelle impulsion a été donnée à la régionalisation par le discours royal du 6 novembre
2008, à l’occasion du 33ème anniversaire de la Marche Verte : SM le Roi invite la société civile à
réfléchir sur le concept d’une « régionalisation avancée et graduelle » propre au Maroc.
« Nous attendons de chacun qu’il fasse preuve d’une forte mobilisation
et qu’il prenne la pleine mesure des enjeux stratégiques de ce chantier
déterminant qu’est la régionalisation élargie, à l’aune duquel on appréciera
le succès des grandes réformes structurantes que Nous conduisons »
SM le Roi Mohammed VI
L’installation de la Commission Consultative de la Régionalisation annoncée dimanche 03
janvier 2010, par SM le Roi Mohammed VI est un grand pas en avant dans la concrétisation de
ce chantier stratégique de la régionalisation.
21
La publication du projet de régionalisation de la dite commission a le mérite de poser le
problème dans sa globalité en termes de développement durable.
Or, repositionner la région en tant que centre de développement passe par le renforcement de
ses ressources financières et humaines à tous les niveaux du découpage administratif :
régional, provincial et communal.
La région, dotée de moyens adéquats nécessaires, pourrait ainsi jouer pleinement le rôle qui
lui est dévolu.
Mais, déjà quelques voies critiques s’élèvent, non pas sur les principes et critères qui ont
déterminé ce nouveau découpage en 12 régions, mais sur la configuration même de ces
régions.
Le débat est donc ouvert !
* Ancien professeur à la Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales de Rabat – Agdal
Membre de l’association « ARTISANS DU MAROC »
Directeur fondateur du Bureau d’Etudes, d’Enquêtes et de Recherche –Béta-structures - Consultant.