Le fou du Pacifique

Transcription

Le fou du Pacifique
Sud Ouest
19 mai 2009
15 000 KILOMÈTRES A LA RAME. Le bateau du cardiologue qui part traverser l'océan a
été préparé à Beauville
Le fou du Pacifique
Olivier Damaisin et Victor Fraga de la société MPS Composites ont préparé l'aviron du cardiologue qui
traversera l'océan Pacifique dans quelques mois. (PHOTO THIERRY SUIRE)
Ce n'est pas le bateau de d'Aboville mais celui de Beauville. Il y a quelques jours, cet aviron d'un
nouveau genre a sorti son museau de l'atelier MPS Composites pour la mise l'eau. « Et il flotte », se
réjouit son propriétaire, Serge Jandaud. Plutôt rassurant quand on sait que ce cardiologue toulousain
s'apprête à traverser l'océan Pacifique, entre le Pérou et l'Australie, à la force des bras. 15 000
kilomètres, ça fait combien de coups de rame ? « Je ne sais pas trop, soupire l'intéressé. Le but c'est
de faire entre 50 et 100 kilomètres tous les jours. » À ce rythme, il devrait effectuer la traversée en
huit ou dix mois.
« Ça paraît fou vu de l'extérieur, mais ce cardiologue a la tête sur les épaules, rassure Olivier
Damaisin, le responsable commercial de MPS Composites. Et de toute façon, il faut se méfier des
fous. Je connais un original qui a traversé l'Atlantique sur des skis flottants. C'était son rêve, et il est
allé jusqu'au bout. C'est la même chose pour le cardiologue. Nous avons envie de l'aider à réaliser
son rêve. »
Beauville, capitale navale ?
Mais comment un aviron calibré pour une Trans-Pacifique peut-il être bichonné dans un chantier
naval amarré sur les hauteurs du Lot-et-Garonne, à mille miles de tout océan ? « Il y a quand même
le lac de Beauville ici », sourit Olivier Damaisin avant d'expliquer sérieusement : « Notre société est
spécialisée dans la construction des bateaux Optimist et des avirons. C'est pour cette raison que
l'aventurier toulousain nous a contactés. »
Le chef d'atelier, Victor Fraga, a bichonné une bête d'endurance pour cette traversée de l'impossible :
« Le bateau est trois fois moins lourd que celui de d'Aboville pour sa traversée de l'Atlantique. » Les
matériaux utilisés ne sont plus les mêmes que dans les années 80. « Et on a inventé la nourriture
lyophilisée depuis. D'Aboville utilisait des conserves », ajoute Olivier Damaisin.
Pour aider le rameur à digérer l'océan, les techniciens ont revu tout l'aménagement intérieur du
bateau. Ils ont même mis au point une machine à laver qui utilise la force des rames ainsi qu'un four
solaire. Et comble de la technologie, « on a rajouté un pouf dans la petite cabine. C'est Michel
Desjoyaux qui a trouvé cette idée pendant le Vendée Globe pour éviter de subir le roulis pendant le
sommeil. » Un pouf dans un bateau ultramoderne, c'est le secret pour avaler 15 000 kilomètres de
coups de rame.
Des romans dans l'océan
Dans quelques mois, le rameur fou partira défier l'océan, armé d'une canne à pêche, de quatre
balises Argos et de romans prêtés par des amis : « Lors de ma traversée de l'Atlantique à la rame en
2006, j'ai eu de la chance, car on m'avait prêté le superbe livre de Romain Gary, « La Promesse de
l'aube », et celui d'Alain Kalita, « Je suis né deux fois ». Ce type a construit son bateau de ses
propres mains pour faire le tour du monde. Son aventure est d'une authenticité absolue. »
Avec son pouf et ses romans, le cardiologue a peut-être l'impression de ramer dans le luxe. « Ce que
va faire Serge Janaud est extraordinaire, rend hommage Olivier Damaisin. C'est le premier homme à
traverser le Pacifique dans ce sens. » À partir de janvier 2010, le rêveur du Pacifique sera quelque
part dans l'océan, à des milliers de kilomètres du lac de Beauville.
Auteur : arnaud dejeans
[email protected]