EnergieClimatBesoinsSociaux

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EnergieClimatBesoinsSociaux
L’ENERGIE, LE CLIMAT ET LES BESOINS SOCIAUX
Introduction au débat
Par Frederico Carvalho, Vice-président de la FMTS
Prévoir est toujours difficile, surtout quand il s’agit du futur. Niels Bohr (1885‐1962) 1
Le thème proposé suscite immédiatement la question de savoir dans quelle mesure,
satisfaction de besoins sociaux, utilisation de différentes sources énergétiques et
évolution climatique globale, sont liées entre elles. Il semble aujourd’hui hors de doute
que la réponse à cette question est affirmative. On peut discerner des liens multiples
entre ces problématiques.
Nous savons que le monde où nous vivons est très inégal. Le postulat que tous les
êtres humains naissent égaux en droits est toujours loin de se traduire effectivement
dans la pratique. Les opportunités des uns et des autres sont loin d’être les mêmes et il
y a lieu de se demander par quel chemin peut on arriver à transformer une telle
situation de fait ou même si un tel chemin existe qui soit compatible avec une vie digne,
et des conditions matérielles permettant de jouir de l’indispensable santé physique et
morale.
Le devoir de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des vivants, chacun dans
la mesure de ses capacités et de son influence sociale, est, non seulement un impératif
d’ordre moral, mais aussi une question de survie de l’espèce.
La population mondiale, au début de cette année de 2010, était estimée à 6,8 milliards
de personnes. Plusieurs analystes s’accordent pour dire que ce nombre dépassera 9
milliards vers 2050. S’il est vrai que le taux de croissance de la population mondiale
montre une tendance soutenue vers une diminution, il est aussi vrai que la distribution
géographique de la population par continents ou grandes régions est en train de
changer de façon significative. En effet, les régions comprenant l’Asie, l’Afrique et
l’Amérique latine, devront représenter vers le mi-siècle, presque 90% de la population
globale, tandis que l’Europe et l’Amérique du nord, passeraient de presque 30% en
1950 à environ 12% en 2050.
On aura donc affaire à ces pays qu’on surnomme de “pays émergents” dans un sens
autre et élargi. Et les conséquences d’une telle évolution risquent d’être lourdes du
point de vue des formes et de l’intensité de l’exploitation des ressources naturelles de la
planète, que se soit des ressources énergétiques, en eau, en sol arable ou autres.
Nous avons déjà connu les révoltes de la faim dans divers “pays du sud” qui sont le
signe avant coureur “d’une crise alimentaire mondiale qui s’installe sans doute pour une
longue période, à défaut de changement radical d’orientation”1.
En effet ce “monde” qui comprend les neuf dixièmes de la population auquel on a fait
référence ci-dessus, est un “monde” où des besoins sociaux de toute première
importance ne sont pas ou ne sont que très partiellement satisfaits. On doit donc
s’attendre à ce que les peuples respectifs aspirent à améliorer leur situation et, dans
beaucoup de cas, se mobilisent pour atteindre cet objectif. L’impact qui en découlera
sur l’exploitation d’une large gamme de ressources naturelles indispensables à la vie
aura donc tendance à croître en intensité d’autant plus qu’il s’agira de subvenir aux
nécessités d’une population qui va en s’accroissant.
2
Prenons un exemple qui se revêt de grande importance: la question de la
consommation énergétique. Les tableaux suivants présentent la production énergétique
primaire per capita, la population et la production énergétique totale des États-Unis
d’Amérique, la République Populaire de Chine, la France et les correspondants chiffres
mondiaux.2 Enfin, le dernier tableau montre le PNB en PPA3 per capita, pour les mêmes
pays et aussi pour l’Inde.4
Production d’énergie primaire per capita (tep)
2000
EUA
R.P.Chine
France
2006
8,84
0,74
4,47
Monde 1,65
8,43
1,42
4,55
1,82
Population (million)
2000
EUA
R.P.Chine
France
282,3
1269
61,2
Monde 6067
2006
298,4
1314
63,3
6519
Production totale d’énergie primaire (Mtep)
2000
EUA
R.P.Chine
France
2495
937,4
273,4
Monde 10 030
2006
2517
1860
288,3
11 894
Produit National Brut per capita (PPA en US$) en 2008
EUA
France
R.P.Chine
46 716
34 045
5962
Inde
2972
Monde 10415
Les tableaux ci-dessus illustrent deux aspects importants, d’ailleurs assez connus, de la
condition de notre société globale. Le premier, est le fait que les grands
consommateurs d’énergie sont les pays où le produit intérieur brut per capita est le plus
élevé, avec les Etats Unis d’Amérique en tête. Le deuxième, est l’énorme disparité des
valeurs moyennes de la consommation d’énergie par tête, entre ces mêmes pays et
des pays pauvres du sud.
La consommation d’énergie, est directement liée à la production de biens et services,
mais aussi aux comportements individuels comme à l’organisation sociale, et, encore,
aux technologies mises en œuvre, et elle est aussi étroitement liée aux impacts
anthropogéniques sur le milieu naturel. L’effet sur le climat des émissions de gaz à effet
de serre (GES) en est un des plus sérieux, selon l’opinion des experts en la matière qui,
à présent, n’est guère plus contestée 5.À moins d’agir vite et de façon efficace nous
serions au bord du gouffre, c'est-à-dire près d’atteindre un état entraînant un
dénouement catastrophique du point de vue des équilibres naturels qui conditionnent
l’existence des sociétés humaines telles que nous les connaissons.
Un problème nous est donc posée aujourd’hui qui n’est pas de solution facile. Il s’y
attache une question d’éthique qu’il importe de souligner, car si la partie principale des
émissions de GES est liée en première ligne aux habitudes de consommation des pays
dits “développés”, ce seront les pays pauvres qui auront à souffrir le plus des effets
climatiques qui en découlent.6
Emission totale de CO2 per capita due à la consommation d’énergie (t)7
2000
EUA
Allemagne
France
R.P.Chine
Inde
20,8
10,4
6,6
2,3
1,0
Monde 4,0
2006
19,8
10,4
6,6
4,6
1,2
4,5
Partant des concepts du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD),
on dira qu’il faut réduire l’empreinte écologique 8 ― traduisant l’impact des activités
humaines sur les écosystèmes et la planète ― mais le faire sans nuire au
développement humain9. Revenant au cas de l’énergie, des résultats à court terme, si
on utilise les technologies actuelles, ne pourront être obtenus que par la diminution de
la consommation énergétique globale impliquant une diminution de l’utilisation des
combustibles fossiles ― charbon et pétrole, d’abord, mais aussi gaz naturel ―
aujourd’hui dominants.
3
Le tableau suivant 10 montre que les combustibles fossiles représentent presque les
neuf dixièmes de la production mondiale d’énergie primaire.
Production mondiale d’énergie (énergie primaire) selon la source d'énergie
Production Production
en 1998
en 2008
Pétrole
Production
Augmentation Part dans la
en 2008
2008/1998
production
(en Mtep)
73 538 Bl/j
81 820 Bl/j
3928
11%
34%
3
3
2768
35%
24%
Gaz naturel
2273 Gm
2945 Gm
Charbon
2227 Mtep
3325 Mtep
3325
49%
29%
Nucléaire
550 Mtep
620 Mtep
620
13%
5%
Hydraulique
2593 Twh
3075 TWh
696
19%
6%
Éolien
10 Gw
122 GW
60
1120%
1%
Solaire
Photovoltaïque
0,4 Gw
13,5 GW
0,68
3275%
0,04%
Total
11 402
27,1%
100%
Même si elle est en franche croissance, la contribution des énergies solaire et éolienne
à l’ensemble, est à présent négligeable. Le potentiel énergétique attaché à ces
ressources est toutefois très élevé. Il est donc possible d’espérer que la situation décrite
puisse changer radicalement à l’avenir ce que doit être accompagné d’un important
effort d’investissement en recherche-développement et dans la production industrielle
des équipements nécessaires à l’exploitation de ces ressources.
Si l’on continue à recourir au rythme actuel aux combustibles fossiles comme source
dominante d’énergie primaire, on doit s’attendre à que s’accentuent l’instabilité
climatique, le nombre, la fréquence et l’intensité de phénomènes naturels susceptibles
de mettre en cause vies et biens en peu partout dans le monde, sans exclure des
situations de catastrophe avec d’énormes coûts humains et matériels.
Ajoutons que l’élévation de la température moyenne représente en outre une menace
sérieuse à la sécurité alimentaire du monde. En effet, une étude publié par l’Académie
des Sciences des États-Unis d’Amérique, a confirmé la règle empirique connue des
écologistes des cultures céréalières selon laquelle le rendement des moisons de blé,
maïs et riz tomberait de 10% par degré centigrade d’élévation de la température.11
D’autre part, on doit tenir compte du fait que les réserves de combustibles fossiles,
surtout celles de pétrole et gaz, sont épuisables, et ne permettront pas de maintenir les
taux de consommation actuelles pendant longtemps. En effet, on estime que, aux taux
actuels de consommation, les ressources pétrolières seraient épuisées vers le milieu de
ce siècle tandis que celles de gaz naturel tiendraient encore quelques vingt années de
plus. Les réserves de charbon sont plus importantes et ne seraient épuisées que vers la
fin du siècle prochain. Une éventuelle amélioration des rendements de transformation
pourraient allonger ces délais mais pas de façon très significative.
On doit aussi tenir compte du fait que les combustibles fossiles comme source
d’énergie ont en général des applications spécifiques, c'est-à-dire, ils ne se substituent
pas les uns aux autres dans les applications. On doit tenir compte aussi des
applications non-énergétiques où jouent un rôle de grande importance des produits
dérivés des ressources fossiles dont on parle, soit dans la pétrochimie soit dans la
métallurgie, entre autres.
Pour que les sociétés humaines deviennent moins dépendante des combustibles
fossiles il faudra bien des transformations radicales pour ne pas dire révolutionnaires de
l’organisation de ces sociétés. Ces transformations demanderont d’énormes
investissements directs, humains et matériels, et de très importants efforts financiers.
Puisque le temps presse12 ont doit établir des cibles prioritaires sur lesquelles diriger les
efforts à développer pour faire face aux menaces de bouleversements climatiques qui
ne laisseront pas d’être accompagnés par des bouleversements sociaux.
Avec les technologies énergétiques actuelles, c'est-à-dire, celles qui sont aujourd’hui
pour ainsi dire à portée de la main, des économies d’énergie, qui sont possibles sans
mettre en cause la qualité de vie, peuvent se traduire dans une réduction significative
de la consommation globale de combustibles fossiles.
Les données disponibles13 montrent que près de 90% de la consommation énergétique
globale est affecté, à des parts à peu près égales, aux secteurs de l’industrie, des
transports et à celui du résidentiel et services. C’est dans ces deux derniers secteurs
que des économies d’énergie importantes pourraient être obtenues dans les délais les
plus courts. Pour y arriver il est indispensable une volonté politique et des objectifs
clairs, une planification adéquate et les moyens financiers indispensables. Cela
impliquerait dans le fondamental, la politique d’aménagement du territoire, mobilisant
tout un ensemble de secteurs d'intervention pour parvenir aux objectifs énoncés,
comprenant l’urbanisme, la politique de logement, le bâtiment et les infrastructures de
transport, aussi bien de passagers comme de marchandises.
A propos du bâtiment, remarquons qu’un rapport récent de la Royal Academy of
Engineering du Royaume Uni, affirme que l’objectif fixé pour la diminution des
émissions de carbone jusqu’à année 2050, ne seront pas atteints sans des
changements radicaux des techniques du génie civil-bâtiment14.
En parallèle, il sera nécessaire d’investir lourdement dans le secteur de la recherchedéveloppement, en vue de la construction future d’un système d’approvisionnement
énergétique “sobre en carbone, efficient et respectueux de l’environnement” 15 . `Cet
aspect est mis en relief par plusieurs auteurs qui considèrent que “la fixation des
repères de court-terme pour la réduction des émissions de GES, à Copenhague, a
conduit à prêter insuffisamment d’attention aux moyens technologiques qui
permettraient de les atteindre” 16 . Il faudra effectivement que démarre sans délai ce
qu’on pourra appeler “une course technologique globale”. On doit comprendre que la
stabilisation du climat pose un défi technologique de première grandeur. En particulier
les technologies sobres en carbone sont encore loin d’être au point. Ce qui porte
quelques uns à dire que “ce ne sera pas le lapin d’Ésope mais la tortue qui gagnera la
course”17 18.19
Isabel Galiana et Christopher Green, dans l’article récemment publié dans Nature, cité
plus haut, suggèrent qu’il serait possible de rendre compatible le taux dans
l’atmosphère de GES ― l’émission desquels devra nécessairement se poursuivre
encore pendant longtemps ― et la stabilisation du climat. Un tel objectif demanderait un
investissement considérable en RD que les auteurs estiment être de l’ordre de 100
milliards de dollars para an, d’ici à la fin du siècle. Notons que ce chiffre comprendrait
recherche finalisée mais aussi recherche fondamentale, des essais, démonstrations et
implantation d’infrastructures, embrassant l’ensemble des sources d’énergie 20 . Les
auteurs proposent dans l’article cité la création d’une taxe de US$5 par tonne de
carbone, donc une valeur assez basse, qui doublerait tous les dix ans. Cette taxe
générerait au départ une somme d’environ 150 milliards de dollars par an. Soulignons
qu’il s’agirait ici d’un chemin n’ayant rien à voir avec le nommé “marché du carbone” ou
les “crédits d’émission”. On doit probablement mettre un prix sur la tonne carbone soit
pour constituer un fonds destiné à financer directement la dite “course technologique
globale” soit afin d’y contribuer indirectement dans la mesure où la taxation
découragerait la consommation de combustibles fossiles. Il n’y a d’unanimité au sujet
de la voie à suivre21.
L’énergie nucléaire, malgré ses limitations actuelles, de nature diverse, peut et doit
donner une contribution significative pour la production énergétique mondiale. Les
réacteurs nucléaires de puissance aujourd’hui en opération, dits “thermiques”, utilisent
de l’uranium naturel faiblement enrichi en uranium 235. Or les ressources suffisamment
assurées d’uranium naturel sont assez limitées: au taux actuel de consommation elles
seraient épuisées vers le mi-siècle. L’horizon temporel en serait donc semblable à celui
du pétrole. Par contre si le développement en cours de réacteurs surrégénérateurs
fiables à neutrons rapides brûlant du plutonium aboutit dans les délais prévus, la
situation changerait radicalement22.
Quant à la fusion thermonucléaire qui se présenterait en théorie comme source presque
inépuisable d’énergie, le consortium international ITER constitué pour le développement
d’un réacteur expérimental prévoit qu’une unité de démonstration DEMO pourrait
démarrer vers l’année 2050. Les ressources naturelles nécessaires au fonctionnement
de ces réacteurs de fusion seraient le deutérium (un isotope lourd de l’hydrogène) et le
lithium. Selon les sources d’ITER, les réserves estimées de lithium dans la croûte
terrestre permettraient de couvrir la consommation mondiale d’énergie électrique
pendant plus de mille ans23.
4
La croissance économique est un des aspects plus importants à tenir compte dans les
projections de l’évolution de la consommation mondiale d’énergie. Nous devons
rappeler que les problèmes qui se posent à court et moyen termes sont, d’un côté, les
effets climatiques et, de l’autre, l’épuisement des ressources pétrolières et de gaz
naturel. On doit ajouter que le maintient des formes actuelles de fonctionnement des
sociétés humaines dépend aussi de certaines autres matières premières nonénergétiques dont les ressources sont également épuisables bien qu’indispensables24.
Le cas du phosphore, indispensable aux organismes vivants, en est un exemple 25 .
Dans le cas des énergies renouvelables ― eau, vent, soleil ― le développement
industriel intensif des infrastructures nécessaires pourrait se voir confronté aux
limitations découlant de la dimension des ressources minérales de certains matériaux,
en particulier, l’argent, l’indium, le lithium, le néodyme et le platine 26.
Le taux de croissance économique réel27 du produit mondial s’est maintenu à un niveau
proche de 3% à l’an entre 2000 et 2008. Plusieurs analystes considèrent que le
maintient d’un pareil taux de croissance n’est pas soutenable car nous sommes en train
de dépasser les limites naturels de la planète dans plusieurs domaines28. Continuer à
croître et à quel taux de croissance, arrêter la croissance ou même décroître: voilà la
question qui est posée. Dans le monde actuel, toute politique qui viserait amener la
diminution du taux de croissance économique se heurterait à de fortes résistances non
seulement de la part des puissants intérêts économiques qui seraient en jeu comme de
la part de ceux qui estiment indispensable combler le fossé qui sépare pays riches et
pays pauvres. Citant Gert Harigel, “(…) Il est douteux qu’une telle politique puisse-t-être
imposée et aboutir, mais il s’agit là d’un impératif de survie de l’humanité”. Prôner la
décroissance malgré les voix qui se font entendre ici et là 29 , n’est pas tout-à-fait
“politiquement correct”. Un aspect de la plus grande importance s’insérant dans ce
contexte est l’accroissement de la population mondiale lié en particulier au besoin
d’augmenter la production d’aliments et à son tour aux besoins en énergie. Citant
Jeffrey Sachs, “les défis du contrôle de la population et de la production d’aliments
doivent être répondus par une action conjuguée”. En ce qui concerne spécifiquement le
contrôle de la population, la clé, selon plusieurs auteurs, est l’éducation des femmes. Il
ne s’agit pas de mettre en œuvre un quelconque contrôle administratif mais de pourvoir
à une amélioration des conditions de vie par le fait d’appliquer des politiques adéquates.
Selon Jeffrey Sachs, “une réduction volontaire rapide du taux de fertilité dans les pays
pauvres, amené par un accès plus facile à la planification familiale, l’augmentation de
l’espérance de vie des enfants et l’éducation pour les filles, pourrait stabiliser la
population autour de 8 milliards de personnes vers 205030. Cela signifierait que le taux
de fécondité devrait attendre le niveau de remplacement assez rapidement31.
Ajoutons avec Lawrence M. Krauss 32: “l’objectif à long terme de réduire la pauvreté, le
fondamentalisme religieux et la surpopulation ne pourra pas être atteint sans que les
femmes autour du monde soient libérées de l’esclavage de l’ignorance. Plus
fondamental est le fait que l’éducation est un droit humain basique qui a été nié à trop
de femmes pendant trop de temps.”
5 Propos de clôture
Nous avons évoqué plus haut les économies d’énergie comme le domaine pouvant
conduire dans le court terme à une diminution significative de la consommation
énergétique ayant recours à des connaissances scientifiques et techniques
immédiatement disponibles. De pair avec un effort extraordinaire de recherchedéveloppement qui devra être entrepris dans le domaine des énergies renouvelables
(solaire, éolienne et hydraulique) et dans la fusion thermonucléaire, il serait possible de
développer le parc de centrales électriques et la génération d’électricité dans les pays
émergeants, qui vivent une croissance économique rapide, et dans les pays du sud en
général, avec recours à des centrales nucléaires de troisième et quatrième génération
substituant du même pas la consommation de charbon dans des centrales actuelles qui
utilisent ce combustible. Si on parle d’économies d’énergie, on ne doit pas oublier
l’énorme gaspillage ― gaspillage criminel ― d’énergie et matières premières
stratégiques associé au fonctionnement du complexe militaro-industriel et à la conduite
même des aventures guerrières dont dépend la domination des grandes compagnies
transnationales et même la survie du système capitaliste globalisé. Ajoutons que la
situation tendra à s’aggraver au fur et à mesure que les réserves de combustibles
fossiles et autres matières premières iront en s’épuisant. Le négoce de la guerre et le
gaspillage dont on parle, comprend aussi la phase de reconstruction consécutive aux
guerres.
L’objectif de contenir la croissance économique sans nuire au progrès social, ne peut
être obtenu qu’à condition de promouvoir une redistribution de la richesse produite et
une politique d’investissement sélectif en infrastructures destiné à combattre les
profondes inégalités des conditions de vie qui on observe dans le monde actuel.
L’aménagement du territoire dans le sens de la décentralisation de l’activité
économique, de l’emploi et du logement, conduirait à réduire la dimension des grandes
agglomérations urbaines avec de significatives épargnes d’énergie et amélioration
généralisée de la qualité de vie. Dans les transports l’évolution souhaitable serait la
substitution progressive du moteur à combustion interne par le moteur électrique
associé à une batterie au lithium ou à une cellule à combustible à hydrogène.
La décentralisation de la production d’aliments et le développement de techniques
agricoles qui conservent le potentiel productif des sols ― “agriculture de conservation”
ou “écologiquement intensive” 33 ― répondraient aussi aux besoins d’une économie
soutenable capable de pourvoir aux besoins d’une population mondiale qui ne cesse de
croire et dont la stabilisation naturelle dépendrait dans une large mesure de l’éducation
des jeunes ― et surtout des jeunes filles ― dans les pays pauvres.
Il y a là un ensemble de facteurs décisifs pour l’avenir de l’humanité, sur lesquels il faut
travailler à tous les niveaux. Les progrès qui se vérifieront seront nécessairement liés à
des transformations radicales de la société et dans notre vie en commun. Il est difficile
de croire qu’on pourra aboutir dans le cadre du système capitaliste actuel. En même
temps tout porte à croire que le système ne se laissera pas substituer pacifiquement.
Frederico G. Carvalho
le 2 février 2010
Communiqué commun Attac – Confédération Paysanne, 18 avril 2008
http://www.france.attac.org/spip.php?article8399
2
Energy Information Administration―EIA, International Energy Annual 2006, Official Energy
Statistics from the U.S. Government (http://www.eia.doe.gov/ )
3
PPA―Parité de pouvoir d’achat
4
Données relatives à 2008. PPP GDP 2008 & Population 2008, World Development Indicators
database, World Bank, September 15, 2009. Note: Les valeurs per capita ont été obtenues par la
division du PNB en PPA par les chiffres de la population.
5
Voir par exemple, l’article de David Biello “Climate change cover-up? You better believe it”
http://www.scientificamerican.com/blog/post.cfm?id=climate-change-cover-up-you-better-2009-11-24
6
Voir par exemple l’excellent article de Robert Engelman, “Population & Sustainability ”,
Scientific American Earth 3.0 (ISSN 1936-1513), Volume 19, Number 2, Summer 2009, d’où est
retiré le passage suivant: “(…) all people have not been created equal. Greenhouse gas release has
been linked overwhelmingly, at least up until recently, to the high-consumption habits of the
industrial nations. As a result, in an ethical outrage as big as all outdoors, the coming shifts in
climate and sea level will most harm the world’s poor, who are least responsible for the
atmosphere’s composition, and will least harm the wealthy, who bear the biggest responsibility.”
7
Voir note 2 “Per Capita Total Carbon Dioxide Emissions from the Consumption of Energy, Most
Countries, 1980-2006”, International Energy Annual 2006 (Metric Tons of Carbon Dioxide)
8
L’empreinte écologique vise à traduire de manière facilement compréhensible l’impact d’activités
humaines sur les écosystèmes et la planète. Elle se mesure généralement en surface (hectares par
individu, ou hectares consommés par une ville ou un pays pour répondre à ses besoins, par
exemple). Cette surface traduit, grâce à un système de conversion une quantité de ressources
nécessaires par système opérant. 9
L'indice de développement humain , ou IDH, est un indice statistique composite, créé par le
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en 1990 pour évaluer le niveau de
développement humain des pays du monde.
Le concept du développement humain est plus large que ce qu'en décrit l'IDH qui n'en est qu'un
indicateur, créé par le PNUD pour évaluer ce qui n'était mesuré auparavant qu'avec imprécision.
L'indicateur précédent utilisé, le PIB par habitant, ne donne pas d'information sur le bien-être
individuel ou collectif, mais n'évalue que la production économique. 10
Source: BP Statistical Review of World Energy 2009 (chiffres 2008) et
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ressources_et_consommation_%C3%A9nerg%C3%A9tiques_mondiales
#cite_note-BP-0
Pour l'éolien et le solaire photovoltaïque, la production est donnée en termes de puissance installée.
La conversion en énergie se fait en considérant un facteur de capacité de 25% pour l'éolien et un
ensoleillement équivalent moyen de 1 500h/an avec un rendement de 15% pour le photovoltaïque.
La conversion en Mtep se fait en équivalent à la production en considérant un rendement de 38%.
11
Lester R. Brown, “Could Food Shortages Bring Down Civilization”, in Scientific American, May
2009, pp.50-57
12
Le “Doomsday Clock” ou ”Horloge de la fin du monde“ ou encore “Horloge de l’apocalypse”
indique depuis le 14 janvier 2010, minuit moins six minutes. “À l'origine, cette horloge représentait la
possibilité d'une guerre nucléaire mondiale, en soulignant la menace liée à la prolifération des armes
nucléaires. Mais par la suite, elle a pris en considération les perturbations dues au changement
climatique, les problèmes liés aux hydrocarbures (pic pétrolier, géopolitique du pétrole) ou encore
les risques liés aux nouvelles technologies (nanotechnologie, biotechnologie,
etc.).”(http://www.thebulletin.org/content/doomsday-clock/overview ) 13
International Energy Agency, 2007 Energy Balance for World (http://www.iea.org/stats/balancetable.asp?COUNTRY_CODE=29 )
14
BBC News http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/8469070.stm, cité in ODAC-The Oil Depletion
Analysis Center, Newsletter du 20 janvier 2010
15
IEA, “World Energy Outlook”, Résumé (français)
1
Isabel Galiana and Christopher Green, “Let the global technology race begin”, Opinion, in Nature,
Vol. 462/3 December 2009,pp.570-571
17
Id. ibid.
18
Voir aussi: Jeffrey D. Sachs, “Still Needed: A Climate Plan”, Opinion, in Scientific American, July
2009, p. 32
19
Voir: Gert Jan Kramer and Martin Haigh “No quick switch to low-carbon energy” in Nature, Vol.
462/3 December 2009,pp.568-569
20
Comme terme de comparaison prenons les dépenses militaires des EUA que selon plusieurs
sources devront dépasser 1000 milliards de dollars en 2010. Notons aussi que la Commission
européenne, déjà en 2003 considérait nécessaire le recrutement de 700.000 nouveaux chercheurs
dans le cadre des initiatives nécessaires “pour donner à l'Europe une base de recherche publique
plus solide”. (Communication de la Commission européenne, COM(2003) 226 final/2). Selon les
données d’Eurostat, la dépense moyenne totale de RD par tête de chercheur actif dans les pays
membres de l’Union serait voisine de 0,2 million d’Euros par an. Un simple calcul montre que
l’accroissement de la dépense correspondant au recrutement considéré serait de 140 milliards
d’euros (ou, à peu près, 200 milliards de dollars américains) par an.
21
Voir: “Act Now on Global Warming. Boost the price on energy from carbon and give the proceeds
back to consumers”, Scientific American Perspectives, The Editors, in Scientific American, July 2009,
p.31
22
Dix pays participent au développement des réacteurs dits de “Quatrième génération”. Six types
furent choisis dont trois à neutrons rapides. On prévoit que, aux moins certains de ces réacteurs,
pourraient entrer en service commercial vers 2030.
A Technology Roadmap for Generation IV Nuclear Energy Systems, GIF-002-00, December
2002, Issued by the U.S. DOE Nuclear Energy Research Advisory Committee and the Generation IV
International Forum (http://gif.inel.gov/roadmap/pdfs/gen_iv_roadmap.pdf)
23
http://www.iter.org/SCI/Pages/FusionFuels.aspx
24
Le terme “épuisable” doit être interprété. Une espèce chimique ne disparaît que lorsqu’on a affaire
à des transmutations nucléaires; c’est le cas de l’uranium dans les centrales nucléaires ou du lithium
dans le cas de réacteurs de fusion. Quand l’élément intervient dans une réaction chimique soit
comme réactif soit comme catalyseur il ne disparaît pas, ce qui est aussi vrai dans le cas où
l’élément, soit à l’état pur soit chimiquement lié, est utile en raison de ses propriétés physiques
comme support structurel ou agent nécessaire au fonctionnement d’un système. La question est
alors de savoir si un recyclage naturel a lieu ou si un recyclage artificiel économique est possible.
25
David A. Vaccari, “Phosphorus: a Looming Crisis”, Scientific American, June 2009, pp.54-59
26
Mark Z. Jacobson and Mark A. Delucchi, “A Path to Sustainable Energy by 2030”, Scientific
American, November 2009, pp.58-65
27
Valeurs ajustées pour tenir compte de l’inflation et de la PPA. Voir: WORLD ECONOMIC
OUTLOOK April 2009 Crisis and Recovery, International Monetary Fund. Voir aussi
http://en.wikipedia.org/wiki/World_economy
28
Voir Jeffrey D. Sachs, “Transgressing Planetary Boundaries”, Scientific American, December 2009
et aussi Gert G. Harigel, “Is there a Need for Nuclear Power?”, INES Newsletter No. 52, April 2006,
16
pp.4-8
29
Eric Dupin, “La décroissance, une idée qui chemine sous la récession”, Le Monde Diplomatique,
août 2009
30
Voir note 28 ci-dessus
31
Taux de remplacement. Taux de fécondité qui permet aux couples d'avoir le nombre d'enfants
requis pour les remplacer, c'est-à-dire deux enfants environ. Une fois le niveau de remplacement
atteint, l'accroissement de la population se stabilise à terme.
32
Lawrence M. Krauss, “How Women Can Save the Planet”, Scientific American, November 2009,
p.38
33
http://www.agriculture-de-conservation.com/