La philanthropie européenne en plein essor

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La philanthropie européenne en plein essor
La philanthropie européenne
en plein essor
La philanthropie européenne est en plein développement, mais il existe autant de visages de la
philanthropie que de pays. Ce panorama de la philanthropie en Europe met en perspective les
volumes et les tendances relatives au don et aux fondations dans dix pays européens*.
Un secteur des fonds et fondations
en pleine croissance
jeune et dynamique. C’est le signe que la culture philanthropique progresse. Cela s’explique aussi par l’évolution
des cadres juridiques et fiscaux. L’introduction de nouveaux
statuts de fondations, plus souples, comme celui du fonds
de dotation en France, a par exemple modifié le paysage de
la philanthropie française.
Le nombre de fondations est en très forte croissance depuis
deux à trois décennies partout en Europe. Si certains pays
comme le Royaume-Uni ont une longue tradition philanthropique, le visage des fondations européennes est aujourd’hui
Les pays regroupant le plus grand nombre de fondations
sont l’Allemagne, la Pologne et l’Espagne.
NOMBRE DE FONDATIONS
13 700
12 400
15 778
7 500
1 100
3 691
19 150
12 909
6 220
Plus de 15 000
10 000 - 15 000
5 000 - 10 000
1 000 - 5 000
14 196
* Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni, Suède, Suisse.
Le modèle traditionnel de fondation qui repose sur la capitalisation pérenne d’un patrimoine important dont les revenus
alimentent l’activité philanthropique dans la durée marque
le pas. En effet, si la majorité des actifs restent souvent
concentrés au sein d’un petit nombre de fondations, de très
nombreuses fondations de petite taille ont vu le jour, une
tendance que l’on retrouve dans plusieurs pays : fondations
communautaires tournées vers la collecte locale, absence
de dotation initiale ou dotations non pérennes, fondations
de flux plus que de capital… Les jeunes fondations d’Europe
sont dynamiques et se définissent davantage par leurs
actions que par leur patrimoine.
Avec un total de 17 milliards d’euros de dépenses en
2014, les fondations allemandes arrivent largement en
tête des pays européens. En revanche, avec un budget
moyen de plus de deux millions d’euros par an, la France
arrive en première position du classement des dépenses
annuelles moyennes par fondation.
VITALITÉ DES FONDATIONS
(RAPPORT DÉPENSES/DOTATIONS)
42 %
En pourcentage
36 %
34 %
24 %
Les causes prioritaires pour
les Européens : solidarité internationale,
action sociale et religion
En France, les solidarités nationales priment : les
donateurs français, tout comme les donateurs espagnols, donnent avant tout pour leurs compatriotes
les plus vulnérables (37 % des dons).
Pour les Allemands, les Belges et les Suisses, l’aide
internationale et humanitaire est la priorité : 74 %
du total des dons allemands, 61 % des dons belges,
et 43 % des dons suisses y sont consacrés.
Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, c’est la religion
qui est la première cause soutenue par la philanthropie individuelle.
Des fondations européennes
pleines de vitalité
DÉPENSES DES FONDATIONS
17 000
En millions d’euros
9 950
8 520
7 400
6 000
2 800
572
Fra
nc
e
Pa
ysBa
Ro
yau s
me
-U
ni
Su
iss
e
Su
èd
e
Be
lgi
qu
e
Po
log
ne
Ita
lie
Esp
ag
ne
All
em
ag
ne
800 600
8%
5%
2%
Be
lgi
qu
e
Esp
ag
ne
Fra
nc
e
All
em
ag
ne
Les principales causes soutenues dans les différents
pays dessinent des conceptions différentes de la
solidarité.
11 %
1%
Ita
lie
Pa
ysBa
Ro
yau s
me
-U
ni
Su
èd
e
Su
iss
e
Po
log
ne
De nouveaux modèles de fondations
Peu nombreuses, les fondations françaises sont toutefois
parmi les plus actives d’Europe, avec un taux de vitalité de
34 %, et des dépenses qui représentent 1/7e du total des
dépenses des fondations.
Fiscalité : quelles incidences ?
Dans l’ensemble des pays étudiés, l’État propose un avantage fiscal aux donateurs, reconnaissant ainsi l’initiative
privée et l’engagement individuel au bénéfice de l’intérêt
général. Le dernier pays à avoir mis en place une incitation
fiscale au don est la Suède en 2012. L’incitation fiscale
semble influer davantage sur les montants versés que
sur le nombre de donateurs. En France et au Royaume-Uni,
où les systèmes fiscaux sont plus incitatifs qu’ailleurs, le don
moyen est le plus élevé d’Europe, alors que la proportion de
la population donatrice reste moyenne.
Dans la plupart des pays où l’impôt est élevé, la part de la
population donatrice est plus faible (France, Belgique, Italie).
On peut y voir une interprétation de la répartition des rôles
entre individu et État : un État fort, qui engage des dépenses
publiques élevées, alimentées par des prélèvements fiscaux
importants, est censé être seul garant de l’intérêt général.
À noter enfin un dispositif présent dans six pays européens
(Allemagne, Italie, Espagne, Suède, Suisse et Pologne) :
l’affectation directe de l’impôt vers une cause ou un
organisme d’intérêt général. Il s’agit généralement d’une
fraction de l’impôt dû (1 % en Pologne, 5 ‰ en Italie…) que
le contribuable peut destiner à la cause de son choix. Le cas
le plus connu est celui de l’Allemagne, où la taxe religieuse
vient s’ajouter à l’impôt initial à des taux très élevés (supplément d’impôt de 8 à 9 %).
Générosité des particuliers : des comportements très différents
d’un pays à l’autre
PART DES DONATEURS DANS LA POPULATION NATIONALE
En pourcentage
64 %
55 %
70 %
85 %
33 %
38 %
49 %
70 %
30 %
Plus de 75 %
50 % - 75 %
25 % - 50 %
0 % - 25 %
19 %
La population des dix pays européens interrogés compte
44,3 % de donateurs pour un montant total de dons
de 24,4 milliards € (neuf pays). Cette moyenne cache
de forts écarts selon les pays : 85 % de donateurs aux
Pays-Bas, et seulement 19 % en Espagne.
CONTRIBUTION DES DONATEURS DE CHAQUE PAYS AU TOTAL
DES DONS RECENSÉS
Suède
2%
Espagne
2%
Suisse
3%
Belgique
1%
Pays-Bas
8%
France
9%
Italie
11 %
Royaume-Uni
47 %
Allemagne
17 %
La France, en 4e position, fait partie des pays où la
générosité individuelle progresse, avec la Belgique et
l’Allemagne.
A contrario, bien que le volume des dons britanniques
surpasse fortement celui des autres pays européens,
celui-ci est en diminution constante, et connait actuellement son niveau le plus bas depuis 2004.
Le total des dons espagnols est également en baisse
(- 47 % en huit ans), essentiellement du fait de l’abaissement de la contribution moyenne par donateur.
Europe / États-Unis :
quels enseignements ?
La philanthropie est souvent associée à la société américaine et à la culture anglo-saxonne où le rapport à la
richesse est décomplexé et où le fait de reverser une
part de cette richesse pour le bien commun fait partie
intégrante du rapport de l’individu à la société. En effet,
l’Europe fait pâle figure face aux États-Unis : 44,3 % de
donateurs en Europe pour un montant total des dons de
0,2 % du PIB, versus 95,4 % de donateurs aux États-Unis
pour un total des dons représentant 1,5 % du PIB.
Pourtant émerge une autre réalité qui permet de nuancer
l’hégémonie américaine en matière de philanthropie :
le total estimé des dépenses engagées par les fondations
d’Europe est équivalent à celui des fondations américaines
(54 milliards d’euros pour neuf pays européens – 71 milliards de
dollars pour les États-Unis, soit 53,5 milliards d’euros**). En valeur
relative (rapportée au PIB), le secteur des fondations d’Europe est
ainsi autant engagé que celui des fondations américaines (0,45 %).
Si les actifs des fondations sont bien plus conséquents aux
États-Unis qu’en Europe, l’affectation de cette richesse à des
actions d’intérêt général est plus dynamique en Europe. La
moitié des pays européens étudiés, dont la France, présentent
un indice de vitalité philanthropique (rapport dépenses/
actifs des fondations) plus élevé que celui des États-Unis.
Cela s’explique par le fait que les fondations américaines sont
majoritairement des fondations de capitalisation ou de stock,
tandis que le modèle dominant et en croissance en Europe est
la fondation de flux.
EUROPE
ÉTATS-UNIS
129 975
54 milliards €
433 milliards €
12,7 %
0,45 %
104 107
71 milliards $ (soit 53,5 milliards €)
823 milliards $
8,6 %
0,45 %
44,3 %
24,4 milliards €
0,2%
95,4%
229 milliards $
1,5 %
FONDATIONS***
Nombre
Dépenses cumulées
Actifs cumulés
Vitalité (rapport dépenses/actifs)
Part de ces dépenses dans le PIB
DONS DES PARTICULIERS
% de donateurs
Total dons des particuliers
Part de ces dons /PIB
** Taux de change moyen 2013.
*** Le nombre de fondations porte sur 19 pays ; les actifs et les dépenses sont des estimations pour 13 pays.
Éléments marquants par pays
Le Royaume-Uni : le pays du don
Un donateur européen sur cinq est britannique. En valeur absolue,
le Royaume-Uni est très largement le premier contributeur de la
générosité individuelle européenne : les donateurs britanniques
contribuent à hauteur de 11,5 milliards d’euros, soit près de la
moitié du total des dons européens (24,4 milliards d’euros).
L’Allemagne : le pays des fondations
Les fondations allemandes sont les plus nombreuses d’Europe
et apportent, avec 17 milliards d’euros, la plus forte contribution
pour un pays (près d’1/3) au total du budget des fondations en
Europe (54 milliards d’euros). On citera à titre d’exemple la Fondation Robert Bosch (5 milliards d’euros d’actifs) et la Fondation
Volkswagen (119 millions d’euros de subventions attribuées par an).
La Pologne : un exemple d’émergence philanthropique
Malgré le peu de données disponibles, nous avons choisi d’inclure
dans ce panorama européen la Pologne, dont le secteur philanthropique a connu une émergence récente, encouragée par des soutiens
américains et européens dans la période post-communiste.
Avec près de 16 000 fondations, la Pologne abrite près de
15 % des fondations d’Europe. Néanmoins la plupart sont très
faiblement dotées : les relais locaux doivent se renforcer pour
mobiliser des financements.
L’engagement citoyen est également dynamique : 70 % des Polonais sont donateurs et 57 % d’entre eux reversent une partie de
leur impôt à des organismes du secteur caritatif.
L’Italie : premier capital philanthropique d’Europe
Avec 90 milliards d’euros, soit plus de 21% des actifs des
fondations d’Europe, l’Italie abrite le plus important capital
philanthropique européen. C’est la loi Amato sur la privatisation
des banques qui a profondément modifié le paysage des fondations italiennes en 1990. En séparant les activités de solidarité
des caisses d’épargne de leurs activités de crédit, cette loi a
conduit à la création de 88 fondations, qui, bien qu’elles ne
représentent que 2 % des fondations italiennes, concentrent
près de la moitié des actifs du secteur philanthropique du pays
(41 milliards d’euros).
L’intégralité de l’étude est téléchargeable sur le site fondationdefrance.org.
40 avenue Hoche
75008 Paris
Tél. : 01 44 21 31 00
Fax : 01 44 21 31 01
fondationdefrance.org
Étude avril 2015
Premier réseau de philanthropie en France, la Fondation de France réunit fondateurs, donateurs, experts bénévoles, salariés et
des milliers d’associations, tous engagés et portés par la volonté d’agir. Elle tire son expertise de 45 ans de pratique quotidienne
de la philanthropie, au titre de ses propres programmes et des associations qu’elle soutient, et au service des projets portés
par les 775 fondations qu’elle abrite. Pour étayer la connaissance du secteur et faire émerger de nouvelles formes d’interventions, l’Observatoire de la Fondation de France produit des études sur la philanthropie en France comme dans le monde.