Étudier le théâtre Studying Theatre Estudiar el Teatro

Transcription

Étudier le théâtre Studying Theatre Estudiar el Teatro
Association internationale du théâtre à l’université
International University Theatre Association
Asociación Internacional de Teatro Universitario
AITU/IUTA
Étudier le théâtre
Studying Theatre
Estudiar el Teatro
Actes/Proceedings/Actas
Congrès mondiaux/World Congresses/Congresos Mundiales
Valleyfield-Québec (1997)
Dakar (1999)
Maria S. Horne
University at Buffalo, The State University of New York. (USA)
Jean-Marc Larrue
Collège de Valleyfield (Québec – Canada)
Claude Schumacher
University of Glasgow (United Kingdom)
AITU PRESS/Presses collégiales du Québec
1
© Les presses collégiales du Québec Enr.
20, rue Récollet
Salaberry-de-Valleyfield (Québec) J6S 2H5
Canada
Courriel : [email protected]
AITU Press - TULg
Quai Roosevelt 1b
Bât. A4
B-4000
Liège, Belgique
Dépôt légal : 1er trimestre 2001
Bibliothèque nationale du Québec
ISBN 2-921314-09-6
2
Table des matières
Contents
Contenido
MOT DU PRÉSIDENT/PRESIDENT’S FOREWORD/PREFACIO DEL PRESIDENTE, Robert Germay ........................5
ÉTUDIER LE THÉÂTRE/STUDYING THEATRE/ESTUDIAR EL TEATRO,
Maria S. Horne, Jean-Marc Larrue, Claude Schumacher ..........................................................8
LES ÉTUDES THÉÂTRALES À L’UNIVERSITÉ/STUDYING THEATRE
AT UNIVERSITY/ESTUDIOS DE TEATRO EN LA UNIVERSIDAD .................................. 13
THE CABBAGE IN THE CATHEDRAL: A CULTURAL PATHOLOGY OF UNIVERSITY THEATRE
IN ENGLISH CANADA, Alan Filewod ............................................................................................. 14
DE L’ALTERNANCE ENTRE LE SAVOIR ET LE JEU POUR QUE LA RAISON L’EMPORTE
SANS QUE LE CŒUR NE RENONCE, Christian Pratoussy ................................................................... 24
LA MISE EN ŒUVRE DES SAVOIRS THÉORIQUES DANS LES ENSEIGNEMENTS PRATIQUES (ET RÉCIPROQUEMENT)
À L’INSTITUT D’ÉTUDES THÉÂTRALES (SORBONNE NOUVELLE), Jean-Pierre Ryngaert ..................... 29
LE THÉÂTRE À L’UNIVERSITÉ FRANÇAISE, FORMATION PROFESSIONNELLE
OU FORMATION CULTURELLE ?, Lucile Garbagnati ......................................................................... 35
SOUS LE REGARD DE LÉONARD : THÉÂTRE ET INGÉNIEURS, Françoise Odin ........................................... 43
THE GOLDEN TRIANGLE : EMPOWERMENT AND OWNERSHIP IN THEATRE STUDIES, David Jones ..............52
LA INVESTIGACIÓN TEATRAL EN LA UNIVERSIDAD, María Elsa Chapato .............................................. 60
A PROPÓSITO DEL CONCEPTO DE PRÁCTICA TEATRAL EN EL TEATRO UNIVERSITARIO
LATINOAMERICANO, Alejandro Finzi ............................................................................................. 66
MISIÓN Y VOCACIÓN DEL TEATRO EN LA UNIVERSIDAD: EL CASO COSTARRICENSE, Maria Bonilla ......... 70
APPROCHES DU JEU ET DE LA MISE EN SCÈNE/TOWARDS ACTING
AND DIRECTING/ACTUACIÓN Y DIRECCIÓN ................................................................. 77
THE NATIONAL THEATRE SCHOOL OF CANADA: AN EXPERIMENT
IN CULTURAL ENGINEERING, Jane Baldwin .................................................................................... 78
3
L’ENSEIGNEMENT DE LA MISE EN SCÈNE AU DÉPARTEMENT DE THÉÂTRE
DE L’UNIVERSITÉ D’OTTAWA, Tibor Egervari ................................................................................84
THEORY AND PRACTICE: THE ALEXANDER TECHNIQUE AS A TOOL FOR DIRECTORS
AND CHOREOGRAPHERS, Annmarie K. Davis and Jana Tift ........................................................... 90
LA NOTION D’AUTOPOÏÉSIS ET LA MÉTHODE FELDENKRAISMD AU SERVICE DE LA FORMATION,
DE LA RECHERCHE ET DE LA CRÉATION THÉÂTRALES, Odette Guimond ............................................. 99
SEMIOTIC THEORY AS APPLIED TO DIRECTORIAL STUDY AND PRACTICE, Mark Malinauskas ................. 110
LA FORMATION DE L’ACTEUR DANS LES DÉPARTEMENTS FRANÇAIS D’AMÉRIQUE, Alvina Ruprecht ........ 116
CONFRONTATION, ADJUSTMENTS AND COMPROMISES BETWEEN TWO CULTURES, David Jiang ................ 122
ANTROPOLOGÍA TEATRAL Y EXPRESIÓN CORPORAL: DISCIPLINAS ALTERNATIVAS PARA
EL ENTRENAMIENTO CORPORAL DEL ACTOR, Gabriela Cubas Pérez y Martín Rosso ...................126
ACERCA DE LA RELAJACIÓN EN EL MÉTODO STRASBERG, Maria S. Horne ...........................................135
APPROCHES DU TEXTE/TEXTUAL STRATEGIES/INTERPRETACIÓN DE TEXTOS ......139
ADVENTURES IN SPACE : REALIZING THE EDUCATIONAL PLAY TEXT, Rob Brannen ..............................140
DU BON USAGE DES DIDASCALIES, Claude Schumacher ..................................................................... 146
FOLIE, THÉÂTRE ET POLITIQUE CHEZ CALIGULA ET SES ANCÊTRES, Sophie Bastien ................................ 153
EL DOTOR A LONJAZOS DE RAÚL ECHEGARAY: ENTRE LA CRÍTICA SOCIAL
Y EL DIDACTISMO ESTÉTICO, Teresita Maria Victoria Fuentes .................................................... 161
THÉÂTRE ET ESPACE/THEATRICAL SPACE/ESPACIO TEATRAL .....................................169
POUR UNE MÉTHODE D’ANALYSE DE L’ESPACE DANS LE TEXTE DRAMATIQUE, Hélène Laliberté .............. 170
LE SENS DU LIEU : NOUVELLES APPROCHES, Jean-Marc Larrue .......................................................... 178
¿OBTIENE LO QUE BUSCA LA GENTE QUE VA AL TEATRO? Miguel Angel Santagada ........................... 187
COLLABORATEURS ET COLLABORATRICES/CONTRIBUTORS/COLABORADORES ...........................................192
4
MOT DU PRÉSIDENT DE L’AITU
à Cracovie, et certainement pour de longues années à venir.
Certes, si toutes les communications étaient
intéressantes, elles ne se retrouvent pas toutes
ici : toutes ne nous sont pas parvenues. On regrettera tout particulièrement le grand silence du
continent africain qui a pourtant tant de choses à
nous apprendre sur le domaine qui nous occupe.
Supposons que ce n’est que partie remise.
La parution des premiers numéros du Bulletin de l’AITU était déjà un bon pas en avant—
merci Jean-Marc Larrue. L’édition de ces premiers actes en est un aussi décisif—merci Claude
Schumacher, merci Maria S. Horne et merci…
Jean-Marc.
C’est donc un président heureux qui formule
ses meilleurs vœux pour un millénaire de publications des actes de l’AITU.
L’AITU est encore bien jeune : 6 ans en 2000.
C’est un âge où l’on apprend encore à avancer,
pas à pas.
Trois Congrès mondiaux, et le quatrième est
déjà là : pas si mal pour un bambin. Encore fallait-il laisser des traces écrites de ces grands pas.
Le théâtre est certes l’art de l’éphémère par excellence et le théâtre universitaire l’est sans doute
plus que tout autre, mais le « tout petit monde »
de l’université a aussi ses règles de jeu : il faut
du noir sur blanc ! Et c’est le nouveau grand pas
du gamin : la publication—enfin—d’actes des
différents colloques qui nous ont promenés d’Europe en Amérique puis en Afrique. Si cette dispersion géographique prouve bien notre jeune
vitalité, elle n’a pas simplifié la tâche des responsables de ce travail d’édition. Qu’ils soient
ici remerciés et félicités.
À la dispersion géographique, correspond
aussi une grande diversité des thèmes abordés.
Qui s’en plaindra ? Mais on constate en tout cas,
avec satisfaction, que notre champ d’investigation répond de plus en plus à la spécificité de
l’AITU, à savoir les rapports de l’université au
théâtre, tant sur les plans pratiques et institutionnels que sur le plan de la recherche théorique.
Une bonne moitié des communications soulèvent en effet des questions chères à notre association : l’enseignement du théâtre en particulier, la formation et l’éducation en général, bref
la place qu’occupent la recherche et la pratique
théâtrale au sein de l’Alma Mater. Plus traditionnellement, mais non moins important, le thème
des approches du texte n’est pas oublié, non plus
que le point de vue architectural. Enfin, on voit
aussi poindre le sujet de l’ « interculturel », celui-là même qui nous occupera tout spécialement
THE IUTA PRESIDENT’S FOREWORD
The IUTA is still in its infancy : 6 years old in
2000. At that age the toddler is still learning to
walk, step by step.
Three World Congresses and a fourth just
round the corner : not bad for a youngster. But
these great steps forward are yet to leave a trace.
The theatre is, by essence, a vanishing art, leaving no traces; and even more ephemeral is the
university theatre. But our academic microcosm
has its rules : it needs to see black signs on white
paper! So the kid has to take urgent steps towards publication and to make available the proceedings of the colloquia which took us from
Europe, via America to Africa. If this geographical spread is a sign of our youthful vitality, it has
not made any easier the task of our editors.
Our wide geographical spread is mirrored by
the diversity of themes touched upon by our
members. But that does not mean dispersion. The
5
PREFACIO DEL PRESIDENTE DE AITU
wealth of approaches is focused on the issues
which are IUTA’s proper concern : the rich interrelationship between the university and the
theatre, on the institutional, practical and theoretical levels. The majority of our contributions
deal with questions which are at the heart of our
activity, namely the teaching of theatre, the training for the theatre, and the place of theatre in the
general scheme of education, in short, the place
of theatre in life and academe. More traditionally, but just as importantly, textual approaches
and analyses, as well as architectural considerations are also evoked. Finally some contributors raise the subject of ‘interculturalism’ which
will be at the centre of our discussions in Cracow
and, no doubt, for a long time thereafter.
If all congressional presentations were of interest, all are not to be found here. We are particularly disappointed by the silence of the African continent, since our African colleagues have
so much to teach us. Let us hope that their voice
will be heard, clear and loud, in our next volumes.
The publication of the first issues of our IUTA
Bulletin was a great step forward—thank you,
Jean-Marc Larrue. The publication of our first
conference proceedings is another step towards
adulthood—thank you, Claude Schumacher,
thank you, Maria S. Horne and… thank you,
Jean-Marc.
I am a very happy president : I send my very
best wishes to all our members and readers, and
I hope for a thousand years of publication of
IUTA conference proceedings.
La AITU está aún en su infancia : cumplió seis
años en el 2000. A esa edad el infante todavía
está aprendiendo a caminar, paso a paso.
Tres Congresos Mundiales y el cuarto a la
vuelta de la esquina : no es poca cosa para nuestro niño. No obstante, esos primeros grandes
pasos adelante no han alcanzado a marcar la
huella. El teatro, en esencia, es un arte efímero
que no deja rastros y es más fugaz aún en el caso
del teatro universitario. Pero nuestro microcosmo académico tiene sus reglas : requiere ver las
cosas en blanco y negro! Por ese motivo nuestro
niño ha iniciado su urgente marcha en el área de
la publicación y en la tarea de difundir los materiales resultantes del diálogo que nos ha llevado
desde Europa pasando por América hasta Africa. Si esta expansión es un signo de juvenil energía, por cierto no ha simplificado la misión de
nuestros editores.
Nuestra amplia expansión geográfica se refleja en la diversidad de temas abordados por
nuestros miembros. Pero esto no significa dispersión. Los distintos aportes contemplan básicamente los temas que conciernen prioritariamente a AITU : la rica relación entre la universidad y el teatro en los aspectos institucionales,
prácticos y teóricos. La mayoría de esas contribuciones se refieren a cuestiones que constituyen la base de nuestra actividad tales como enseñanza del teatro, el entrenamiento actoral y el
lugar del teatro en el programa general de la educación. En una palabra, el lugar que corresponde al teatro en la actividad académica universitaria y en la actividad humana. Más tradicional
pero igualmente importante son la aproximación
al texto y al análisis como así también las consideraciones arquitectónicas. Finalmente, algunas
6
contribuciones presentan el tema del
interculturalismo que será el tema central de
nuestras deliberaciones en Cracovia y, sin lugar
a dudas, por largo tiempo después.
Si todas las participaciones en el congreso
revisten interés, todas no serán encontradas aquí.
Deploramos especialmente el silencio del continente africano pues nuestros colegas africanos
tienen mucho que enseñarnos. Es nuestra esperanza que sus voces puedan ser escuchadas, clara y fuertemente, en nuestras próximas publicaciones. La publicación de los primeros números
del Boletín de AITU ha sido un gran paso adelante - gracias, Jean-Marc Larrue.
La publicación de las actas de la conferencia
es otro de los pasos hacia la madurez : gracias,
Claude Schumacher; gracias, Maria S. Horne; y
…gracias, Jean-Marc.
Soy un muy feliz presidente : envío mis mejores augurios a todos nuestros miembros y nuestros lectores, y hago votos por mil años de publicaciones de actas de conferencias de AITU.
7
Introduction/Introducción
ÉTUDIER LE THÉÂTRE
Depuis une vingtaine d’années, le champ des
études et de la pratique théâtrales à l’Université1
connaît une progression constante et une formidable diversification. Les programmes se sont
multipliés et ouverts à de nouveaux types d’activités, souvent multidisciplinaires, abordant
autant la théorie que la création, la formation que
la pédagogie. Ce développement se double d’un
autre phénomène tout aussi marquant : l’accroissement considérable des compagnies et des rencontres théâtrales universitaires. Cette situation
soulève une multitude de questions dont certaines ne datent pas d’hier. Celle du rapport et de
l’apport de l’université au théâtre est de celleslà. Elle est, en effet, aussi vieille que la présence
du théâtre dans les universités, collèges et autres
établissements de l’ordre tertiaire. Mais le décloisonnement et la diversification des pratiques,
tant dans les programmes et départements - de
théâtre ou autres - que dans les activités universitaires moins encadrées, nécessitent une approche plus souple et plus ouverte que ce qu’offrent
d’ordinaire les rencontres savantes traditionnelles. D’autant plus que le théâtre aussi évolue.
Des besoins nouveaux apparaissent, d’autres sont
à prévoir, d’autres ont tout simplement disparu
Le rapport de l’université au théâtre est donc
non seulement pluriel et polymorphe, il est aussi
en perpétuelle mutation. On constate des mouvements de fond de plus en plus rapides et des
transformations radicales. Dans certaines régions, on observe des rapprochements entre les
écoles de formation professionnelle et les universités, les premières tentant parfois d’obtenir
un statut universitaire, les secondes cherchant
souvent des moyens de mieux adapter leur cursus au besoin du marché du théâtre. Ailleurs, on
remarque une volonté de mise en commun des
ressources et des énergies ; ailleurs encore, on
s’efforce de redéfinir des frontières et des aires
de responsabilités. La question du rapport du
théâtre universitaire avec la formation et le milieu professionnel est d’une brûlante actualité
dans plusieurs régions du monde, et non des
moindres.
C’est donc à un bien vaste chantier que s’est
risquée l’Association internationale du théâtre à l’Université (AITU) lorsqu’elle a proposé
à ses membres de réfléchir collectivement à ces
questions au cours de ses deux derniers congrès.
D’accord avec le Comité exécutif de l’AITU, les
comités organisateurs de ces deux congrès ont
convenu de procéder par étape. Le premier congrès mondial concerné, qui a eu lieu en 1997 à
Valleyfield et à Québec (Québec, Canada), avait
un thème volontairement ouvert et général : Étudier le théâtre: Recherche, formation et création. Son objectif était de proposer un premier
tableau d’ensemble de l’activité théâtrale à l’université sous toutes ses formes, à l’aube du troisième millénaire. Le congrès mondial suivant,
qui s’est déroulé à Dakar (Sénégal) en 1999, a
poursuivi la réflexion mais dans une perspective plus pointue encore : L’Université et la formation professionnelle.
Les deux congrès ont donné lieu à près de
deux cents interventions scientifiques qui, tant
par leur forme que par leur contenu, illustrent
8
bien la diversité et, en même temps, la nécessaire complémentarité et la convergence des pratiques universitaires en matière théâtrale. L’université forme des théoriciens, mais elle a largement contribué et continue de contribuer à la
formation de praticiens professionnels de la
scène et à celle de formateurs (enseignants généralistes, spécialistes, etc.).
Quelle a été cette contribution dans le passé ?
Quelle forme a-t-elle prise ? Qu’en est-il ressorti ? Et aujourd’hui, de quels moyens dispose
l’université pour maintenir cette contribution ?
Qu’en fait-elle ? Quelles avenues propose-t-elle
dans le domaine de la formation, des pratiques
créatrices, de la théorie et de la recherche théorique ?
C’est donc à ce large éventail de questions,
toutes liées à la mission de l’université à l’égard
du théâtre, que quatre cents chercheurs, créateurs,
praticiens, praticiens-chercheurs et formateurs du
milieu universitaire issus du monde entier ont
réfléchi pendant près de deux semaines à Valleyfield et Québec dans un premier temps, à
Dakar dans un second. Les actes que le Comité
de publication de l’AITU a décidé de produire à
la suite de ces deux événements avec le concours
des comités organisateurs concernés n’offrent
qu’un tableau forcément restreint de l’entièreté
et de la vigueur des échanges qui ont eu lieu mais
ils illustrent bien la richesse et la variété de nos
intérêts et de nos pratiques.
Ces actes, qui ne peuvent malheureusement
pas rendre compte de ce type d’interventions
dynamiques et précieuses que sont les démonstrations et les ateliers, reflètent cependant la dimension internationale de l’AITU.
Nous tenons à remercier Luis Thenon, professeur à l’Université Laval de Québec et co-
président du Congrès mondial de 1997, ainsi que
Ousmane Dhiakaté, professeur à l’Université
Cheikh Anta Diop de Dakar - qui présidait le
Congrès de 1999 -, de leur généreux et précieux
concours. Sans eux et sans l’appui des comités
organisateurs de ces rencontres marquantes, la
publication de ces actes aurait été impossible.
STUDYING THEATRE
Over the past twenty years, the field of theatre
studies and theatre practice at the university2 has
been steadily growing and diversifying.
Programmes have multiplied and made room for
new practices, often multidisciplinary, dealing
with theory and creation, training and pedagogy.
Another equally significant development has
been the marked increase in the number of university companies and theatre events.
This situation raises many issues, some of
which are not recent. The relationship between
university and theatre, and the university’s contribution to theatre, is one such question: it has
been asked ever since theatre has been present
in universities, colleges and other postsecondary
institutions. However, the more decompartmentalised and diverse practices now found in programs and departments (whether in theatre or
other fields), as well as in less formal university
activities, require a more flexible, more open
approach than what is ordinarily offered in traditional scholarly gatherings. In addition, theatre itself continues to evolve. New needs appear; others can be foreseen; others have simply
disappeared.
The relationship between university and theatre, therefore, is not only plural and polymorphous, but also perpetually changing. Radical
shifts and transformations have become more
and more frequent over the past decade. In some
9
regions, professional training schools and universities have tended to become closer, with
schools in some cases seeking university status
and universities trying to adapt their programs
to the needs of the theatre market. Elsewhere,
there is a determination to share resources and
energy, or an effort to redefine boundaries and
areas of responsibility. Thus, the relationship
between university theatre and professional training and environments is a complex issue.
The relationship between university theatre
and professional training and groups is a highly
topical issue in several major regions of the
world.
In other words, the International University
Theatre Association (IUTA) accepted a big
challenge when it asked its members to ponder
these issues at its two most recent world congresses. In agreement with the IUTA’s Executive Committee, the organising committees of
both congresses agreed to proceed by stages. The
first of the two congresses, held in Valleyfield
and Québec City (Québec, Canada), was deliberately given a very open, general theme –
“Studying Theatre: Research, Training and Creation”. The purpose of the congress was to propose a first overview of university theatre activity, in all of its forms, at the beginning of the
third millennium. The next congress, held in
Dakar (Senegal) in 1999, continued along the
same lines, but with a more focused theme: “The
university and professional training”.
The two congresses elicited some two hundred scholarly interventions which, in both form
and content, illustrate both the diversity and the
necessary complementarity and convergence of
university practices in the field of theatre. The
university trains theoreticians, but it has also
made, and continues to make, a major contribution to the training of professional theatre practitioners and teachers (including generalists, specialists, etc.).
What has this contribution been in the past?
What form has it taken? What has been its impact? And today, what resources can the university call on to maintain its contribution? What is
it doing with these resources? What avenues is
it suggesting in the areas of training, creative
practices, theory and theoretical research?
Four hundred scholars, creators, practitioners,
practitioner-scholars and teachers from the academic world, coming from every region of the
globe, focused on this wide range of questions –
all related to the university’s mission in the field
of theatre – for close to two weeks, first in
Valleyfield and Québec City, then in Dakar. The
Acts that the IUTA Publishing Committee has
decided to produce after these two events with
the help of the two organising committees involved, while they cannot do justice to the wholeness and vigour of the exchanges that took place,
do at least illustrate the richness and variety of
our interests and practices.
Unfortunately, the flavour of certain valuable
and dynamic events – demonstrations and workshops – cannot be conveyed in these Acts. However, the Acts do reflect the international dimension of the IUTA.
We would like to thank Luis Thenon, professor at Université Laval in Québec City and cochairman of the World Congress of 1997, and
Ousmane Dhiakaté, professor at Université
Cheikh Anta Diop in Dakar, who chaired the
1999 Congress, for their generous and valuable
support. Without them, and without the support
of the organising committees of these important
10
gatherings, these Acts would never have been
published.
bién los mejores medios para adaptar su cursus
a las necesidades del mercado teatral. El interrogante de la relación del teatro universitario
con la formación y el medio profesional es de
una actualidad candente en muchas regiones del
mundo, y no es para menos.
Consecuentemente, la Asociación Internacional de Teatro Universitario emprendió la vasta
labor de proponer a sus miembros la reflexión
colectiva sobre estas cuestiones en el marco de
sus dos últimos congresos. El Comité Ejecutivo
de la AITU junto con los Comités Organizadores de dichos congresos acordaron proceder por
etapas. El Primer Congreso, realizado en 1997
en Valleyfield y en Quebec (Quebec, Canadá),
tuvo un tema voluntariamente abierto y general:
‘Estudiar el Teatro: Investigación, Formación y
Creación’. Su objetivo fue proponer un primer
panorama de la actividad teatral en la universidad, en todas sus manifestaciones, en los albores del tercer milenio. El Segundo Congreso,
que se desarrolló en Dakar (Senegal) en 1999,
prosiguió la reflexión pero dentro de una perspectiva aún más específica: ‘La Universidad y
la Formación Profesional’.
Estos dos congresos han dado lugar a más
de doscientas ponencias científicas que, tanto por
su forma como por su contenido, ilustran bien la
diversidad y al mismo tiempo el necesario carácter complementario y la convergencia de las
prácticas universitarias en materia teatral. La
universidad forma teóricos, pero también ha contribuido extensamente y continúa contribuyendo en la formación de profesionales de la escena
y educadores (incluyendo generalistas, especialistas, etc.)
¿Cuál ha sido esta contribución en el pasado? ¿Qué forma tomó? ¿Qué resultado se obtu-
ESTUDIAR EL TEATRO
Desde hace una veintena de años, el campo de
la práctica y estudios teatrales en la universidad3
experimenta una progresión constante y una formidable diversificación. Los programas se han
multiplicado y abierto a nuevos tipos de actividades, generalmente multidisciplinarias, que
abordan la teoría, la creación, la formación, y la
pedagogía. Se suma a este desarrollo otro fenómeno de la misma magnitud: el aumento considerable de compañías y de encuentros teatrales universitarios. Esta situación aviva una multitud de preguntas que por cierto no son recientes. Una de ellas es la relación y el aporte de la
universidad al teatro. En efecto, esta cuestión es
tan antigua como la presencia del teatro en la
universidad, liceos y otros institutos de nivel terciario. Pero la apertura y la diversificación de
prácticas, tanto dentro de los programas y los
departamentos -de teatro u otros- como dentro
de las actividades universitarias menos formales, necesitan un acercamiento más flexible y
abierto que el que usualmente ofrecen los encuentros académicos tradicionales. Pero el teatro también cambia. Nuevas necesidades aparecen, otras pueden preveerse y otras simplemente desaparecen.
Actualmente, la relación entre la universidad
y el teatro no solamente es múltiple y poliforme
sino que se encuentra en mutación perpetua.
Cada vez más seguido se advierten cambios profundos y transformaciones radicales. En ciertas
regiones se observan los acercamientos entre los
institutos de formación profesional y las universidades, los primeros en búsqueda de obtener un
status universitario y las segundas buscando tam11
vo? En la actualidad, ¿qué medios dispone la
universidad para mantener esta contribución?
¿Qué hace? ¿Qué caminos propone en el dominio de la formación, prácticas creadoras, teoría
e investigación teórica?
Es a esta larga lista de preguntas, todas relacionadas con la misión de la universidad en cuanto al teatro, que cuatrocientos investigadores,
creadores, practicantes, practicantes-investigadores, y formadores del medio universitario provenientes del mundo entero, reflexionaron durante cerca de dos semanas en Valleyfield y en
Quebec en el primer tiempo, y en Dakar en el
segundo. Las actas, que el Comité de Publicación de la AITU ha decidido publicar a continuación de esos dos eventos con el apoyo de los
comités organizadores concernientes, no ofrecen
sino una visión restringida de la totalidad y de la
fuerza de los intercambios que tuvieron lugar,
pero constituyen evidencia de la riqueza y variedad de nuestros intereses y nuestras prácticas.
Estas actas, que lamentablemente no documentan las intervenciones dinámicas e
insustituibles que son las demostraciones y los
talleres, de todas maneras reflejan la dimensión
internacional de la AITU.
Queremos agradecer a Luis Thenon, profesor de la Universidad Laval de Quebec y co-presidente del Congreso Mundial de 1997, así como
a Ousmane Dhiakaté, profesor de la Universidad Cheikh Anta Diop de Dakar -que presidió el
Congreso de 1999-, por su generosa y valiosa
colaboración. Sin ellos y sin el apoyo de los comités organizadores de estos importantes congresos, la publicación de estas actas no hubiera
sido posible.
Maria S. Horne, University at Buffalo, The
State University of New York (États-Unis/
USA/Estados Unidos)
Jean-Marc Larrue, Collège de Valleyfield
(Québec, Canada/Quebec, Canadá)
Claude Schumacher, University of Glasgow
(Royaume Uni/United Kingdom/Reino Unido)
1
Conformément à la charte de l’AITU\IUTA,
par université, nous entendons tout établissement
relevant de l’ordre d’enseignement supérieur
(collèges nord-américains, écoles supérieures,
etc.).
2
In accordance with the IUTA Charter, the word
university applies to any institution of higher
education (North American colleges, “écoles
supérieures”, etc.).
3
Conforme a los estatutos de la AITU/IUTA, se
entiende por ‘universidad’ a todo establecimiento
relevante a nivel de enseñanza superior, universitaria o terciaria (post-secundaria).
12

Les Études théâtrales à l’Université
Studying Theatre at University
Estudios de Teatro en la Universidad

13
The Cabbage in the Cathedral: A Cultural
Pathology of University Theatre
in English Canada
ALAN FILEWOD
ture are contested. The cabbage leaf versus the
cathedral.
My intention is to examine a crisis produced
by the conflicting pressures of two interrelated
discourses. The first is familiar to all of us—I’m
referring to the introspective cultural crisis on
the humanities and the liberal arts in an instrumental university culture. The second may not
be so apparent, but is becoming very much so in
Canada, or that part of Canada that has no name
for itself or its people: that is the crisis in the
foundational structure of nation that has historically provided the social imperative for the professional enterprise of the arts.
I would like to suggest as a hypothesis (and
I’ll come back to it) that there is a definable relationship between the professionalization of
artistic culture and the ideology of nationhood.
In university theatre programs we find ourselves
in what has been proposed historically as one of
the main sites and expressions of this relationship. I will go further and suggest that maintaining and patrolling this relationship of culture and
nation has been one of the chief functions of
university theatre departments, although it has
rarely been articulated in such terms. And because we have been established to sustain a relationship that is fast breaking down in Canadian society, we are reproducing within our own
I need to apologize for my grandiose title. I don’t
pretend for a minute that I’ll actually deliver what
it promises, but it does mark my remarks. I’d
like to start with two images, drawn from the
literatures of two foreign countries. The first is
from Mark Twain’s short story, ‘Captain
Stormfield’s Visit to Heaven’. It tells of a Yankee sea captain whose inadvertent landfall in
heaven is the author’s pretext to satirize American society. Our hero hears the story of a common tailor named Billings, renowned in heaven
as the greatest poet who ever lived. But his poems were never printed because his hillbilly
neighbours in Tennessee thought he was a fool
and crowned him with cabbage leaves. He was
a great poet in a time and place where poetry
had no meaning.
My second image is from Poland, from the
Wavel Castle in Krakow. There in the vaults of
the cathedral you can walk among the tombs of
the men and women who have defined Poland.
Among them is the playwright and poet
Mickiewicz, who rests with kings, queens and
saints as a sacred symbol of Polish nationhood.
These two images help me frame the problem I want to outline in English Canadian university theatre programs. They enable me to locate the particularities of our condition in a wider
sphere in which two opposing attitudes about cul14
renegotiates. As an industry, the theatre manifests the constructedness of the community
which it redefines in the process of performance.
The material theatre encloses a conceptual
space in which the nation finds meaning as a
formative principle of social subjectivity. The
narratives which that space generates are the
most common object of critical analysis. We look
at dramaturgy and performance as cultural practices which circulate through the conceptual
space of the theatre. But that conceptual space
is materialized in an industry which replicates
the social ideologies that enable and contain it.
In this conceptual space, the canon that comprises the national drama recreates the plural contestations, struggles and differences through
which a nation continually reinvents itself. This
is a particularly complex issue for us because
there is a sense in which Canada is a postcolonial
fiction that provides legal and infrastructural
cohesion to a country that has never succeeded
in enlisting its citizens in a common national
principle. You don’t need to spend much time in
Quebec to realize that for many Quebecois, this
is a nation without a country. In English Canada
we face the opposite problem: we are a country
without a nation.
We’re not the only country to share this dilemma. It may be a defining condition of
postcolonial settler societies. The Australian
playwright Louis Nowra once made a comment
that provides a useful comparison when he referred to the ‘black hole’ of our common history, a void where our national souls should be.
He ascribes this to ‘our refusal to come to terms
with the fact that we conquered a race of people
and confiscated their land without understanding the immoral enormity of what we had done’
structures broader social crises at the same time
as we are faced with disciplinary crises, produced
by deep questions in the world of the theatre.
No wonder we’re a little paranoid. The fundamental epistemology of cultural expression and
the formation of identity is deeply fractured in
English Canada.
I want to break this hypothesis down into
manageable portions to expose how we have—
and have not—adjusted to these forces. I’ll approach this in three steps, considering in turn the
relationship of profession and nation, the current crisis in the discipline, and our own responsibility as teachers and scholars.
Instituting Tradition
The iconic relationship of the drama, considered
as the surviving textualities of performance, and
the nation that produces it is a familiar problem
in dramatic theory. It is most familiar in its romantic tradition, which argued that the drama
exalts the collective will of a people. And although we may distance ourselves from that kind
of rhetorical excess, we still tend to accept that
in some way, the idea of a national drama, produced in a national theatre, has some integral
connection to the fundamental existence of the
nation state. Thus the theatre is often the site in
which major historical changes are signified in
the body politic.
The reason for this I suggest is that the theatre is a platform on which we enact simulations
of nationhood in a material context that reproduces the economic and hierarchical values that
enable the nation. This entails a homology between the theatre as a material enterprise and the
textualities it produces. This productive relationship is a modelling of the discourse of nation
that enables it, and which it in turn expands and
15
(Nowra). There are other reasons for this absence
of national principle in English Canada: our history of regional settlements, our political origins in the disenfranchized loyal Americans who
lost the revolutionary war; our deep implication
in the language and economics of American
mass culture.
But how do we reconcile this condition, of a
country without a nation, with the idea of the
drama as a national formation? My answer to
this lies in the historical process by which university theatre departments were founded in
Canada. They appeared as necessary ancillaries
in the larger project of building a cultural infrastructure in the years after the Second World War.
The oldest theatre department, at the University
of Saskatchewan, was founded in the late 1940s,
followed shortly by the University of Alberta.
We now have close to twenty university departments that offer degree programs in Drama or
Theatre. The names themselves are generational
signifiers: most programs founded before the
later 1960s carry the name of Drama; more recent programs usually identify themselves as
Theatre. Whatever the name, they fall into two
categories: conservatory programs that offer
Bachelor of Fine Arts degrees in acting, directing, design, playwriting, etc., and liberal arts
programs that offer similar courses as part of a
wider humanities curriculum. On paper, the difference is structural, but in practice it is a matter of scale. The BFA programs tend to be bigger, with larger faculty and more courses, hence
they provide more specialization. The smaller
BA programs may have a higher ratio of research
scholars, but that isn’t always the case. My own
department is likely quite typical: in our faculty
of eight we number two designers, one play-
wright and five academic scholars who also practice as directors and dramaturges. We hire parttime sessional staff members to teach acting, as
is often the case.
Along with this group of twenty or so university departments, we can include a growing number of diploma programs in community colleges.
Most of these are two-year programs, and like
the university conservatories, claim to offer ‘professional’ or ‘pre-professional’ training. Some of
these directly service specialized niches in the
commercial theatre market, training musical
comedy chorines and technicians. To these we
can add the handful of private or independent
conservatories, the most important of which is
the National Theatre School in Montreal.
I have numerous questions to pose against this
array of training programs. But the most important is simply, why do we have so many theatre
schools? The obvious answer, that they supply
an industry, doesn’t work, because the theatre
industry in Canada, struggling to survive with
decreasing funding, is collapsing in the face of
the multinational corporate spectacles that are
sucking up the audiences like a vacuum cleaner.
At any given moment in Canada there are probably more students in theatre schools than there
are working actors.
One reason for the continued existence of theatre programs is student demand. In the age of
the market state, that is a powerful argument,
although it can be humiliating to see how we
pander to that kind of thinking by justifying small
enrolment seminar classes with high enrolment
‘service’ courses, usually in film studies. But the
student demand is also a reflection of the availability of programs: in the liberal arts departments we have found that many students drift
16
an ‘unripe state of national culture’1. Elsewhere
we find the phrase, ‘a young country, only recently aware of its own increasing maturity
among the nations of the world’2. This trope has
great currency in Canada, even if we point out
that as a national state Canada is the same age as
Italy, and that there have been European theatrical performances in what is now Canada since
the days of Shakespeare.
The invention of tradition, the enunciation of
cultural maturity, needs a cultural heritage—
which is why English Canada’s largest theatre is
a Shakespearian festival. It also needs a professional institution, and this became the task which
newly created theatre departments fulfilled. In
the 1950s we see across the country the proposition of classical theatre as an industrial condition which justifies the creation of a producing
theatre enterprise and the training programs that
explain it.
In this sense, the founding of theatre departments across Canada in the postwar decades
marked the last outpost of the British empire.
The homology of cultural ideology and academic
discourse was clearly established in the curricula
of the programs, which canonized British theatrical traditions, taught British accents (which for
a long time in Canada were considered to be
signs of ‘real’ acting), and which reproduced the
methodologies of positivist humanism. Some departments, especially those in Western Canada,
had more concrete affinities with American
pedagogies, especially in acting and directing.
But in the main, universities welcomed the establishment of Drama and Theatre departments
not because they would service and supply a local industry, but because they marked the arrival
to a state of hypothetical cultural maturity. I need
into theatre studies because it’s as far away from
organic chemistry as they can get and still stay
in university.
There is a deeper reason for the existence—
for the prolificy—of theatre programs, and it has
to do with the question I have raised about the
idea of nation. To borrow a phrase from Alex
Hawkins, who teaches theatre history at the University of Alberta, the theatre schools produce
‘trained cultural mercenaries’ who, if they beat
the odds and enter the working theatre, reproduce the material boundaries of professional status.
A nation, I have suggested, is known—is
made known—through its representations. This
is true even of ‘wannabe’ nations, states that seek
to enact themselves as nations. The state is only
interested in the arts insofar as they enact the
conceptual boundaries of nationhood. It is not
art but the presence of art that matters to the state,
because without an artistic heritage and a cultural tradition it cannot claim space in the virtual reality that nations occupy.
In order to establish this heritage, it is necessary to invent tradition. Historically, this necessity has been presented as a need to cultivate the
conditions of national maturity, by emerging out
of colonial dependency into an undefined
decolonized autonomy. This was the thinking
that introduced cultural policies and artistic subsidies into Canadian society in the 1950s, following the arts council model instituted in the
United Kingdom. The famous Royal Commission report that outlined a cultural plan in 1951
argued that as a mature nation Canada must pour
money into a cultural infrastructure, and promote
training in the arts. The report referred to Canada
as ‘this young nation, struggling to be itself’ with
17
II. Managing paranoia
hardly add at this point that I consider that to be
a pathological state of postcolonial insanity.
The canonical defence of drama is not heard
very often any more but it still lingers. Many
departments, like my own, were sectioned out
of English literature departments and their curricula tended to reflect the enthusiasms of the
academics who engineered these changes. Other
departments were founded by hungry artists,
actors or directors with classic training, who were
recruited by universities to give them an air of
traditional authority to hide their increasing complicity in the business of transnational corporate
science.
One more complexity adds to the irrationality of this system. Because the theatre programs
were founded in the same decades that the theatre industry in Canada came into being, they
produced between them a new academic discipline of Canadian theatre studies. This began
with English Literature professors dipping into
local theatre history, and now has expanded into
an academic field as plural and contentious as
any other which demands academic units to sustain it.
We are faced then with a large number of
Drama departments that continue to do what they
have always done, albeit without the imperial
self-importance that started them, with a tenured
professoriate that does what it does, supplying a
failing industry, giving university credit for skills
that belong more appropriately in technical colleges to students who can’t find work. That’s a
familiar condition in any university theatre department, but its particular experience with the
wavefront of disciplinary crisis in an age of government cuts is the second part of my talk.
In our increasingly stressed working lives we run
madly from committee to classroom, hating ourselves for submitting to the rhetorical directives
of an anti-intellectualist government: ‘Let the
market decide; do more with less.’ Doing more
with less has never been good news for the theatre.
The fundamental equation of the theatre and
the national enterprise has been fractured in
Canada, but it is also increasingly subsumed by
the new transnational ideologies of marketplace
business that have begun to reconfigure cultural
industries in the overdeveloped West. These ideologies have generated their own discourses of
oppositionality in the critical theories of
postmodernism, and the in lived experience of
cultural pluralism, in an ongoing reflection that
the mass media have dubbed ‘the culture wars’.
The contestations of canon and subjectivity, of
pluralism and national tradition have had intense
significance in countries like Canada which propose new national ideologies of multiculturalism.
The more we investigate the real meanings and
practices of multiculturalism, the more we expose the hidden texts of history, race and imperialism that have formed our curricula over the
decades.
In the university theatre this has brought about
the same kind of deep interrogation of the nature of disciplinarity that we find across all the
humanities, for similar reasons. One result of this
has been a fruitful expansion of the boundaries
of theatre research, which is increasingly productive and sophisticated in its methodologies.
In academic circles, the interrogation of discipline has been articulated mainly as a conflict
between theory and positivist empiricism. This
18
has been an ongoing subject of debate in all of
the North American societies in the field. In
drama studies we see the debate in the arena of
history and criticism; in conservatory training it
emerges in debates between the relative values
of traditional humanist (that is, Stanislavskian)
pedagogies and more recent innovations that refer to other systems of communication. In the
institutional frame of the university theatre departments, the debate is materialized in the often bitter division between ‘academic’ and ‘practical’ subjects.
Theatre programs in Canada and the United
States have been wrestling with these unresolved
binaries for decades. And will continue to do so;
It’s part of the fun of being a drama professor.
But this articulation of a perennial debate comes
at a time when Canadian universities are cannibalizing themselves in a frenzy of restructuring
occasioned by government funding cuts. Unlike
the United States, Canada has no private universities; all are publicly funded, and dependent on
government revenues. In the market-driven instrumentalist logic of the university, the humanities are at risk—as I suspect we all know with
common cause. Theatre is even more at risk,
because the social assumptions that introduced
it to the university are no longer current, because
theatre facilities are expensive to equip and maintain, and because we cannot meet what is becoming an implicit measure of disciplinary success: the earning power of our graduates. That
may sound ludicrous, but only last year an editorial writer in The Globe and Mail suggested
that professors should be paid according to just
that criteria. For theatre faculty, that seemed to
mean that we should get a share of the tips our
graduates earn as waiters in restaurants.
In the case of my own department, the restructuring mania has come at a time when we were
deep in crisis about the nature of the subject we
teach, on both the conceptual and pragmatic levels. Five years ago we embarked on an ambitious curricular revision. We threw out the old
canonical courses, the ones with names like ‘Aspects of Tragedy’ and ‘World Drama’, instituting instead a curriculum based in a kind of cultural materialism.
We couldn’t get very far, because we were
unable to supplant the most entrenched artefact
of the complex of theatre/nation/profession. Like
most drama programs, we produce plays in our
own theatre. All work on these plays is courserelated, so that a large number of our courses
service the performance of dramatic texts. Moreover this is done in a material structure that replicates the traditional structure of theatrical organization, with its hierarchy of values emanating from the centralized creative power of the
professor/director, and passed down through
vertical structures of power which bump the actor to the bottom. Many of us have pointed out
for years that this system of competitive auditions, patriarchal hierarchies and textual canonicity contradicts the increasingly common experience in the theatre, where young actors have
to create their own work, and often develop collective methodologies. My favourite description
of present conditions in the working theatre
comes from the playwright and actress Cindy
Cowan, who once said, ‘when there are no jobs
for actors, the obvious job for an actor is to create acting jobs’. But in our curriculum we continue to reproduce a structure which devalues
and disempowers the actor.
19
Even so, we were moving in the right direction, and with a bit of creative interpretation of
the rules, we began to find ways to enable the
students to create their own projects. This carried its own peril, because it encourages an attitude, held as sacred by many of our students,
that if they feel artistic, then they are making
art. On the one hand we feel an obligation to
remind them that the theatre does have standards
of artistry that must be learned, that are contingent on talent; on the other we welcome the signs
of creative revolution that are their only hopes
of making a career for themselves.
For a brief period, we were optimistic. Then
the funding cuts started to hit us, in the usual
ways. Central administration would ask us to
prepare a hypothetical budget cut, and—fools
that we are—we would oblige, only to learn the
fine distinction between hypothesis and reality.
After a few years of this we were cut back by
about twenty-five percent of our operating budget. And then, after the shock waves subsided,
the people of Ontario elected a right-wing deficit-cutting government that cut all university
funding by twenty percent. In practice this meant
that we had to lose our part-time sessional faculty, most of whom were working actors, directors and playwrights. The number of courses
declined, but because we were deeply invested
in a material structure of producing a theatrical
season, the courses that shrank were mainly in
the areas of dramatic literature and history and
film.
This has had a paralysing effect on our pedagogical theorizing, because we have found that,
inadvertently, as we absorbed the cuts, we have
ended up with a curriculum that defies logic, in
which students are encouraged to theorize about
texts that they aren’t asked to read, in which we
struggle desperately to cover a semblance of a
discipline that we aren’t quite sure about in any
case. I suppose it won’t come as a surprise that
in our own case, our drama department has now
been merged with English Literature.
This has placed us in a precarious situation
because it has exposed the deep fault that was
already destabilizing theatre programs even before the budget cuts. The only possible response
a department in any discipline can have to cutbacks is to identify a minimum standard for covering the discipline. But this idea of disciplinary
coverage is under attack everywhere, because
many of our senior administrators come from
the sciences where disciplines converge and reform frequently to accommodate new ideas and
technologies. ‘Don’t try to cover a discipline’,
they say, ‘that’s impossible. Do what you can
with what you have.’ The BFA conservatories
have more success with the claim for coverage,
because they present themselves as professional
schools that need to meet minimum standards
(which they conveniently define). Unfortunately
for them, their future survival is contingent on
the survival of the profession they have helped
to construct.
III. Prognosis
The condition I describe is bleak but not catastrophic; we can bumble along for quite some
time, dying the death of frozen hirings. At the
most recent conference of the Association for
Canadian Theatre Research, there was a session
called Strategies for Survival. After two hours
of meandering discussion, the session proposed
a number of avenues to conserve theatre programs. They included various levels of political
lobbying, faculty association activism and pro20
fessional concerns committees. The group, most
of whom were established professors, saw the
problem as primarily industrial: how do we make
the seats of power—administrators, deans, politicians, research boards —see that we need a
bigger piece of the pie?
My short answer is we can’t. Obviously we
must never submit quietly to the voice of the
biologist who announced at my university senate that the arts are a luxury we can’t afford, and
that universities merely need mediocre arts departments to service the sciences. But at the same
time we need to take some responsibility for the
perception we create.
If we aren’t covering a discipline and if we
have repudiated the imperial mission of the theatre as a means of creating a national culture,
why do we have so many theatre programs?
What’s the point?
The romantic canonical response is that the
theatre is a source and expression of community
that projects a culture through history; a place
of human survival. In this metaphysic, the theatre belongs in the university because we act as
an archive of humanist possibilities. By this
logic, the more a society devalues the theatre,
the more imperative is that the universities sustain it. I’m not persuaded by this, because it invests a particular historical configuration of theatre—the theatre of the bourgeois revolution and
its modernist successors—with a mystical, transcendent supracultural value.
I’m not persuaded by this, tempting as it is,
because it seems to me rooted in the complex of
nation I’ve already introduced. The theatre may
be a cathedral, but it stands on a ground fixed in
history. The vision of the theatre as a great sign
of civilization is only understandable when civi-
lization is expressed in terms of national enunciation, according to a sentiment of nationhood
that simply breaks down in Canada. I recognize
that it does apply elsewhere. It was because the
theatre could enact the survival of the nation that
Mickiewicz rests with royalty. At a dark hour
when Poland had disappeared from the map, he
wrote it alive in his epic drama.
But if the theatre is not a cathedral in which
we preserve consecrated traditions that stand
outside history, it is a cultural practice entirely
contingent on the specificities of historical experience: a form of social communication reproduced through sets of artistic conventions. If that
is the case, what is the fundamental difference
between Mickiewicz in his tomb in Wavel castle
and Elvis in his at Graceland? We ordain the one
and dismiss the other because of the industrial
contexts in which he worked.
This exposes the cultural crisis that faces us
today as we try to draw our lines in the sand in
the curriculum. If we are not inducting our students into imperial tradition as trained cultural
mercenaries, what skills are we instilling? The
answer we give is that theatre studies encourage
analytical and critical thinking, that the process
of pedagogy is more important than the actual
content. That makes sense to me. But then, why
do we situate this study in a tradition we are actively engaged in repudiating in our individual
research? Why reiterate the great deeds of European directors whose work our students will
never see, and examine the evolution of playhouses they may never visit? Why perpetuate a
Eurocentric model of theatre to an increasingly
diverse student population? The other side of that
question is the one that really puts us on the defensive: why do we ignore the performative
21
structures of the world of representations our
students actually occupy?
Most of our students in English Canada come
to theatre studies with very little exposure to the
theatre; I have had students majoring in Drama
who had never seen or read a play. But they have
lived through more hours of dramatic representation than any generation before them. They tell
me they know nothing of dramaturgy, but when I
ask them to count the number of hours they have
spent watching serial TV, they begin to understand
that they have a deep but inarticulate knowledge
of narrative techniques. But it is a knowledge that
is disallowed in the university. My students may
have little experience of the theatre as we talk
about it here, but they live in a densely theatrical
world. Here are just some of the ways in which
the theatrical—if not the theatre—touches their
daily lives:
mosh pits
monster truck rallies
Michael Jackson’s ‘History’ tour
festival parades
Entertainment Tonight
Riverdance
street demonstrations
Star Trek fan clubs ( I think of my student
who speaks fluent Klingon)
computer games
virtual reality
powwows
body art
autoperformance
fashion shows
Denis Rodman
Baywatch (and watching Baywatch)
transgressive sexuality
football
We touch on many of these things in our
teaching practice, usually to re-situate canonical texts and traditions. But we seem incapable
of building a curriculum and pedagogy that accepts these cultural representations as the real
theatre we create. No one can deny that television is the most pervasive cultural form of our
time, which is why international disputes on cultural protectionism tend to focus on broadcasting policies. But in my own department—and
we’re not alone—we don’t offer a single course
on television. When television is taught in Canadian universities, it is in communications programs, which look at it as a mass technology
rather than a representational art. Well, it is a
mass technology. But so is the theatre. When I
began talking about a seminar course that would
consider the history of dramatic theory in terms
of Melrose Place, many of my colleagues were
horrified, because to put Castelvetro and Heather
Locklear on the same page violates the academic
tradition of consecrated knowledge. Our acting
teachers tell the students that TV performance
isn’t ‘real acting’. Because we don’t make them
read film and TV scripts, we signal that these
aren’t ‘real’ plays. No wonder they’re confused,
when they are asked to deny their embodied cultural knowledge to be inducted into an artistic
tradition that most of them will never have a
chance to appreciate. And having been complicit
in this process, which amounts to a form of colonialism (somewhat akin to the acting school
that claims to tear you apart and rebuild you) we
have the nerve to express surprise when our students ask us where to go to apply for jobs in this
theatre we’ve invented for them.
The striking thing about the list I just read is
that most of the things on it are American. The
22
imperial canonical tradition was implemented in
Canada to resist this absorption into the narrative of Americanism. But in the failure of the
national principle in English Canada, our youth
are finding ways of living in and negotiating with
the new imperium of American mass culture.
They live in it, redeploy it, reconstruct it, re-enact it, and in so doing rehearse new possibilities
of community identity defined through structures
of difference.
If, like the poet Billings, we are destined to
teach and practice an art in a society that cannot
value it, then maybe we need to leave the cathedral, repudiate the failed historical narrative of
national culture, move away from our allegiance
to an archaic model of theatrical value, and pay
closer attention to those arts which really do enact who we are as a people. Maybe we need to
embrace a cultural studies of performance.
Maybe, to echo words I have just learned were
spoken by Copeau, we have to leave the theatre
to save the theatre.
Notes
1. Canada. Report of the Royal Commission on
National Development in the Arts, Letters and
Sciences 1949-1951 (Ottawa: The King’s Printer,
1951), Vol. 2, p. 11.
2. Ibid., Vol. 2, p. 211.
23
De l’alternance entre le savoir et le jeu
pour que la raison l’emporte
sans que le cœur ne renonce
CHRISTIAN PRATOUSSY
ment supérieur, fait le constat suivant : « On ne
rompra pas du jour au lendemain avec cette représentation de la hiérarchie des aptitudes, qui
place au pinacle la production de théorèmes et
la spéculation abstraite, et à la base l’ingéniosité
pratique du bricoleur4. »
Il n’empêche que conflit ou tension n’entraîne
pas systématiquement impuissance à dépasser ce
conflit ou cette tension. Penser l’alternance ontologique du théâtre n’est pas vouloir à tout prix
la dissoudre, ou seulement la réduire. Et penser
l’alternance sur ce terrain-là conduit à penser l’alternance dans ce champ plus restreint qui est,
donc, celui de la formation. Non seulement cela
conduit à penser la formation mais, de plus, cette
dernière peut tirer parti et profit de la tension
originelle. Rien de bien nouveau dans cette hypothèse. Pourtant, il faut bien se rendre au constat d’une certaine résistance au changement.
Jean-Pierre Sarrazac, ancien directeur de l’Institut d’Études théâtrales à l’université Paris IIISorbonne nouvelle, a tenté, comme moi, de ne
pas se contenter d’un état de fait : « De la difficulté qu’éprouvent depuis trente ans les études
théâtrales à se situer par rapport à la profession
il ne faut pas trop s’émouvoir. C’est ainsi dans
notre pays : l’Art et l’Université se regardent en
chien de faïence et le dialogue entre eux—à
l’image de celui qui s’instaure parfois entre leurs
La notion d’alternance est peu fréquente dans
le champ lexical théâtral. Et pourtant, elle me
semble symboliser la problématique du théâtre,
partant de l’enseignement universitaire du théâtre. Elle est la problématique, tout d’abord, du
théâtre, car, dans notre culture, le théâtre va et
vient du texte à la scène. Le théâtre s’extrait essentiellement du champ littéraire, non sans mal
d’ailleurs. Danièle Sallenave, dans une sorte de
dialogue philosophique, fait dire à l’un de ses
personnages : « Il y a la guerre ! Que vous le
vouliez ou non, entre le texte et le metteur en
scène1. »
Dario Fo, à distance, alimente la polémique :
« Le théâtre n’a rien à voir avec la littérature,
quoi qu’on fasse pour l’y réduire. Brecht disait
avec raison de Shakespeare : “ Dommage qu’il
soit beau, même à la lecture : c’est son seul défaut, mais il est grave. ” Il avait raison. Une
œuvre théâtrale valable, paradoxalement, devrait
ne pas plaire à la lecture et ne révéler sa valeur
qu’à sa réalisation scénique2. » Et Dario Fo
d’orienter ce débat originel et perpétuel vers des
questions de pouvoir : « Les conflits entre gens
de théâtre et gens de lettres durent depuis toujours3. » Et l’on retrouve cette dualité au niveau
de l’enseignement : pour sa part, Robert
Fauroux, qui a rendu récemment un rapport sur
la situation française de l’enseignement, notam24
autorités de tutelle, Culture et Education nationale—reste assez sporadique. On peut le déplorer, bien sûr, et même rêver de structures de formation qui, sans confondre les plans et les vocations, réuniraient enfin la pratique et la théorie.
Que je sache, la coexistence en un même lieu
d’une école d’acteurs et d’un cursus d’études
théâtrales universitaires ne nuiraient ni à l’esprit
de la création ni à celui de la recherche5. »
Nous sommes un certain nombre à penser une
formation qui ne se contente plus de dire, en un
tracé bref, que la théorie est pour les uns et la
pratique pour les autres. Je peux faire référence
à plusieurs situations caractéristiques d’une rencontre possible. Jean Florence, le directeur du
Centre d’études théâtrales de l’Université Catholique de Louvain est convaincu, avec d’autres,
que « l’Université doit être partie prenante de la
création culturelle et que l’inventivité scientifique elle-même ne peut se passer d’échanges
étroits et de confrontation avec les créateurs6. »
Ces déclarations d’intention ne sont pas spécifiques aux universitaires. Françoise Maimone,
directrice de la Salle Gérard Philippe, à Villeurbanne (France), me faisait part récemment de sa
demande à l’université « de créer des lieux de
rencontre, de dialogue, de polémique entre professionnels, entre lesquels par ailleurs, et à cause
des subventions, il s’est installé le jeu de la concurrence. » Par ailleurs, le célèbre colloque de
Karpacz (1979), en Pologne, avait voulu « examiner les points de contact possibles entre les
arts de la vie—essentiellement le théâtre—, et
les sciences de la vie7 » en invitant deux « tribus »—pour reprendre l’expression de Jean-Marie Pradier—, à savoir « des gens de théâtre et
des gens de laboratoire compétents qui, ayant
en commun un désir d’étonnement et d’explora-
tion, accepteraient d’être troublés par l’autre sans
pour autant flétrir expérience et connaissances
particulières8. » En l’occurrence, il s’agissait,
pour les scientifiques, de Henri Laborit et
d’Abraham Moles, et pour les hommes de théâtre, de Jerzy Grotowski9 et d’Eugenio Barba. Plus
récemment, et là nous sommes un peu plus dans
le champ de la formation universitaire, Daniel
Benoin, directeur de la Comédie de SaintÉtienne, m’a dit être à l’origine d’un diplôme de
maîtrise ayant à voir très spécifiquement avec la
traduction de textes de théâtre (espagnol, allemand, anglais). Directeur de théâtre, metteur en
scène, comédien, recevant des textes en provenance de différents pays qu’il n’avait pas le temps
de lire, il a proposé alors à l’université Jean Monnet, toujours à Saint-Étienne, de créer des comités de lecture dont la mission serait de
présélectionner certains d’entre eux. Ces comités de lecture ont ainsi donné naissance à des
travaux de traduction, lesquels valident désormais cette maîtrise.
Peut-on se contenter de ces quelques éléments
épars ? Oui, dans l’absolu, car ce qui est présenté là est porteur d’un certain possible. En contrepartie, peut-on s’en satisfaire, et dire que tout
va pour le mieux dans la meilleure des universités possibles ? Jean-Claude Mézière, auteur d’un
rapport très récent sur les relations entre le théâtre et l’éducation, rapport qui fera référence, répond par la négative : « Sans noircir le tableau à
souhait, on peut dire qu’une véritable révolution
dans l’enseignement universitaire reste à opérer. Et on ne peut souscrire, en termes statistiques au moins, à l’optimisme d’un participant
au colloque de la Cité Internationale (mars 1993)
qui déclarait : “ Les oppositions entre enseignement académique des textes littéraires et prati25
que scénique, le clivage entre pratique amateur
et pratique professionnelle se sont estompés. ”
On constate, certes, qu’existent des démarches
“ progressistes ” à l’université. Il est clair qu’elles voisinent (parfois au sein de la même université) avec les plus traditionnelles10. » Dès lors,
comment, à partir des initiatives de certains, initiatives louables, locales et réussies, en arriver à
des processus un peu stabilisés à l’endroit de la
formation ? Pour offrir des éléments de réponses, je me propose d’analyser ce qui se fait en
divers lieux de formation, et ce, dans la perspective annoncée dès le début, celle des formes que
prend l’alternance dans l’énoncé des contenus.
Et, puisqu’il n’y a pas contenus sans finalités,
j’examinerai tout ce qui peut être caractéristique de la formation théâtrale, en l’espèce aussi
bien les filières universitaires que les écoles professionnelles car la problématique de l’alternance
offre tout autant un aspect géographique, si je
peux m’exprimer ainsi, qu’un aspect pédagogique : « En Europe occidentale, l’art dramatique
est enseigné tantôt à l’université, tantôt dans les
écoles professionnelles (conservatoires ou cours
privé). Cette séparation qui pense trouver sa légitimation entre théorie et pratique est particulièrement funeste, puisqu’elle empêche tout approfondissement de l’une comme de l’autre et prolonge
une opposition artificielle que l’université autant
que l’école aurait intérêt à dépasser11. »
Dans les deux cas, l’alternance est présente,
mais à des échelles différentes. Pour ce qui est
des études théâtrales à l’université, il est manifeste que « théorie » et « pratique » sont prises
en compte. Pour prendre l’exemple du diplôme
de licence en études théâtrales, les cours d’histoire, de sociologie, d’esthétique, entre autres,
côtoient les ateliers, qu’ils soient de jeu, de mise
en scène, ou d’écriture, sans parler des stages
qui peuvent être proposés dans le milieu professionnel. Si une parité existe bien entre connaissance du monde professionnel, enseignement
théorique, atelier de pratique, il n’est pas dit pour
autant qu’au sein de la formation, ces pôles se
rejoignent vraiment en une compréhension préméditée de l’acte théâtral, ce qui permettrait à
l’étudiant d’entrer en contact direct avec l’objet
auquel il s’intéresse.
L’alternance dans les cursus universitaires rejoint celle qui commence à être mise en place
dans les écoles professionnelles, mais là aussi
sans qu’il soit annoncé plus qu’une juxtaposition. Quand Jean-Louis Martinelli s’exprime
concernant l’École du Théâtre National de Strasbourg, il prône un complément à la formation
strictement technique : « Il y a les cours de base
qui portent sur des enseignements spécifiques.
Le jeu, bien sûr, interprétation, improvisation ;
le corps : danse, aïkido, tai-chi, et même tir à
l’arc ; la voix : savoir lire, savoir dire, connaître
sa voix. Un apprentissage qui passe aussi par le
chant, la musique, ou la pratique d’instrument.
L’histoire du théâtre, la littérature dramatique ont
bien entendu leur place, tout comme la dramaturgie et, j’y tiens essentiellement, la philosophie12. » Si la philosophie est aussi importante
aux yeux de Martinelli, et ce n’est pas moi, par
principe, qui irais contre, cet élément de la formation n’est pas justifié autrement que comme
un principe, ou un pari. Par ailleurs, les étudiants
de l’École du TNS ont, « durant les trois années
d’études », à produire « un mémoire rendant
compte de leur recherche dans les domaines de
la scénographie ». Marcel Bozonnet qui, lui, dirige le Conservatoire Nationale Supérieur d’Art
Dramatique, à Paris, souligne l’importance de
26
traper sur ce plan-là les écoles d’art dramatique,
il m’apparaît comme un minimum de considérer que la pratique, dans un cursus de formation,
ne doit pas être considérée comme une compensation de la théorie. Les études théâtrales n’ont
pas à rendre seulement compte de la réalité,
même si une ou des « sciences » du théâtre ont à
faire un effort d’intelligibilité du réel ; elles sont
aussi des sciences de la création, partant elles
ont à produire éventuellement elles-mêmes de
nouvelles pratiques.
Et cette méprise sur la pratique à l’université
vaut la méprise sur la théorie au théâtre. À la
suite de cette crainte, une hypothèse peut néanmoins être émise. Qu’une « théorie », ou une
« réflexion », ou une « culture » soit un supplément d’âme pour un artiste, je n’en disconviens
pas. Mais la vraie valeur d’une théorie ne devrait-elle pas être de se rendre indispensable et
disponible à la pratique, théorie prise dans le sens
d’un corps d’hypothèses à vérifier sur la scène,
partant de rendre nécessairement plus esthétique,
et non pas artistique, la création ?
Pour prolonger dans ce sens, et pour délimiter le « théâtre à l’université », en tant que discipline et en tant que recherche, il ne faut pas craindre d’être toujours exigeants sur le plan méthodologique car le théâtre à l’université peut très
bien devenir un théâtre d’étudiants sans éthique
universitaire. Auquel cas la problématique n’est
plus strictement pédagogique, mais sociologique,
psychologique, culturelle, politique, etc.
La recherche théâtrale universitaire, parce
qu’elle est universitaire, n’est pas un type d’expressions dramatiques parmi d’autres, mais bien
une pratique universitaire, donc à caractère scientifique : elle ne saurait s’établir sur une finalité
incertaine, même téméraire. Ma position par rap-
l’histoire : « Le département d’histoire du théâtre, étude et pratique de la langue, avec Robert
Abirached d’une part, et François Régnault, qui
a succédé à Michel Bernardy, parti à la retraite,
d’autre part, est un élément très important du cursus. Il s’agit d’apprendre à situer les textes, les
grands courants de pensée, à réfléchir sur la matière même de l’art dramatique, la langue. Ce
sont des artistes que nous formons, mais aussi
des citoyens qui doivent être le mieux armés
possible pour défendre leur art, leur place dans
la société13. » Mais, de la même façon que l’on
peut se le demander pour les étudiants d’études
théâtrales—l’on voit ainsi que les mondes se rapprochent en une certaine manière—, il n’est pas
assuré que, par exemple, le mémoire du TNS
fasse autre chose que de clore une recherche plutôt que de générer des hypothèses esthétiques,
partant de fournir un alibi théorique à une formation qui se veut avant tout pratique ; il suffit
de renverser la proposition pour l’appliquer à
l’université.
Parce que c’est bien de ce doute dont souffre
l’université—je ne saurais pas vraiment me prononcer pour les écoles d’acteurs. Le décloisonnement est peut-être plus souvent un vœu pieux
qu’une réalité. L’alternance n’est pas une partie
de rhétorique, à défaut d’être de plaisir. Ne valant que pour et par les sujets, ces derniers sont
très sensibles à cette question qui les engage dans
le présent, et dans l’avenir. Les étudiants, comme
les enseignants chargés de la pratique, ne sont
pas en peine de témoigner de l’insatisfaction
qu’ils ressentent parfois face à une théorie et une
pratique qui ne se rejoignent pas.
Si les récriminations ont généralement à voir
avec une question de quantité, ce qui en soi n’est
pas intéressant car ce ne serait qu’essayer de rat27
8
port à cette question de l’alternance se fonde principalement sur la vocation scientifique, et éducative de l’université. C’est-à-dire que je souhaite défendre l’idée d’un enseignement universitaire du théâtre qui allie, bien évidemment, les
théories et les pratiques, mais pas seulement en
termes de juxtaposition. L’alternance que je préconiserais serait plutôt à caractère interactif, probablement la seule à pouvoir engendrer de nouveaux savoirs scientifiques—à condition de revoir certaines conceptions par trop académiques
de « la » science—, et des productions scéniques
innovantes—qui sauraient se dégager de la simple reproduction de la pratique artistique à caractère commercial.
Dont il faut souligner l’élection au Collège de
France, à la chaire d’anthropologie théâtrale,
chaire qui avait été créée pour lui (cf. Le Monde,
7 mars 1997).
10
J.-C. Mézière. Théâtre et éducation. Constats
et enjeux. Tome 1. Paris, Association nationale
de recherche et d’action théâtrale, 1994, p. 248.
11
P. Pavis. Article « Théâtre et université’, in
M. Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre. Paris, Bordas, 1991, p. 851.
12
A. Héliot. « Vingt fois sur le métier’, entretien avec Jean-Louis Martinelli. Télérama, hors
série « Profession comédien’, 1996, pp. 46-47.
Université de Lyon 2
13
A. Héliot. « Les règles du jeu’, entretien avec
Marcel Bozonnet. Loc. cit., pp. 42-45.
Notes
1
D. Sallenave. Les Épreuves de l’art. Actes Sud,
1988, p. 23.
2
D. Fo. Le Gai savoir de l’acteur. Paris, L’Arche, 1990, pp. 258-259.
3
Ibid.
9
Ibid.
4
R. Fauroux. Pour l’école. Rapport de la commission présidée par Roger Fauroux. Paris,
Calmann Lévy, La documentation française, p.
153.
5
J.-P. Sarrazac. « Nécessité d’un langage commun’. Registres, n°1, n°1, 1996.
6
J. Florence. Éditorial. Études théâtrales, n°1,
1992, p. 7.
7
J.-M. Pradier. « L’Énergie et l’intelligence du
« off »’. Théâtre/Public, n°126, 1995, pp. 13-17.
28
La Mise en œuvre des savoirs théoriques dans les
enseignements pratiques (et réciproquement) à
l’Institut d’Études théâtrales
(Sorbonne Nouvelle)
JEAN-PIERRE RYNGAERT
qu’elles comportent une large part de formation
sur le tas, des périodes d’apprentissage où les
individus en formation entrent de plain-pied dans
le monde du travail et se soumettent à ses normes et à ses lois. Curieusement, ce mode de pensée est aussi appliqué aux activités artistiques ;
règne alors l’idée que si l’on sait « faire » (mais
quoi ?) on trouve du travail (mais lequel ?). On
le voit, notre débat sort alors du champ académique dans lequel il a longtemps été engagé, et
apparaît en filigrane l’idée que les enseignements
théoriques ne « servent à rien » ou même—la
culpabilisation est toujours une arme efficace—
qu’un enseignement trop théorique (sous-entendu désadapté aux réalités économiques) engendre du chômage. Cette pensée est relayée par
l’idéologie de l’extrême droite qui se présente
sous les traits du bon sens et de la démagogie :
l’art ne sert pas à grand chose (personne n’y comprend rien) et il est d’autant moins crédible qu’il
n’est pas enseigné (en supposant qu’il le soit)
comme une activité concrète. Toute parole et
toute réflexion sur l’art—et notamment sur le
théâtre—seraient donc frappées d’emblée d’irréalité et renvoyées à un petit monde totalement
coupé des « vraies » règles de la « vraie » vie.
Pour reprendre un lieu commun souvent entendu,
un boulanger qui sait faire du pain n’a qu’une
façon de l’enseigner à d’autres, c’est de leur
Un de mes collègues donnait cette définition un
peu cynique des études théâtrales universitaires
voici une vingtaine d’années : beaucoup de théorie et un peu d’expression corporelle. Je ne sais
pas s’il avait raison, mais, dans sa brièveté, sa
définition posait bien les termes de ce curieux
mélange dont nous n’avons cessé depuis de reconsidérer les proportions, une sorte de recette
où, comme pour le pâté d’alouettes, les spécialistes cherchaient la juste part de cheval et
d’alouette, ou, si vous le voulez, de théorie et de
pratique.
Ironie mise à part, les proportions et la nature
des ingrédients demeurent au centre des débats.
Ceux-ci sont relancés par l’évolution de la clientèle étudiante qui demande toujours plus de pratique, comme si les universités françaises en
avaient les moyens et la vocation, ou comme si
n’importe quel enseignement en atelier, pourvu
que « ça bouge », allait résoudre toutes les difficultés.
L’ambiguïté augmente en période de crise,
crise politique et économique. Les tutelles ministérielles exigent que les universités fassent les
preuves de leur efficacité et que les formations
débouchent sur des métiers du spectacle. Les
responsables économiques et les patrons des
entreprises pensent souvent que les formations
professionnelles sont d’autant plus efficaces
29
montrer comment il le fait, il n’a pas besoin de
paroles pour cela. Du pain au spectacle, la démagogie ordinaire estime qu’il n’y a qu’un tout
petit pas.
Il n’est pas étonnant que nos étudiants poussent dans le sens de « toujours plus de pratique »
car ils y trouvent la sensation immédiate de satisfactions qu’apporte l’impression de faire
comme les artistes accomplis et de ne pas s’embarrasser de savoirs dont l’utilité ne leur semble
pas plus évidente qu’aux démagogues de tout
poil.
Nous savons pourtant que très souvent le désir artistique de nos étudiants, s’il est bien réel,
ne correspond pas aux organigrammes professionnels et qu’il lui manque parfois l’essentiel,
un point d’application. Le temps de l’éducation
est aussi ce temps de repérage à l’intérieur des
métiers artistiques. Il est, essentiellement, le
temps de l’indispensable détour. Le temps où les
savoirs s’emmagasinent en strates, sans que la
question de leur utilité immédiate soit forcément
réglée. Combien d’entre nous, metteurs en scène,
scénographes, acteurs, et bien d’autres encore,
ont puisé dans ces réserves des années plus tard,
un jour de disette, sans même toujours s’apercevoir qu’ils disposaient d’un précieux stock, d’une
encyclopédie personnelle aux contours heureusement bien plus ambitieux que le minimum de
savoir-faire que voudrait nous imposer une formation professionnelle trop hâtive.
Je voudrais donc reprendre la question sous
un autre angle, celui des relations effectives (ou
parfois secrètes, mystérieuses) entre la part de
formation théorique et la part de formation pratique.
Pour reprendre la métaphore culinaire, je crois
que l’on a cessé de se préoccuper seulement des
proportions pour s’intéresser à une autre dimension de la question, la façon dont les ingrédients
se combinent entre eux, comment le mélange de
départ cesse d’être un agrégat artificiel et qu’il
trouve au contraire du liant : la façon dont les
liens entre théorie et pratique se nouent est l’histoire essentielle de nos formations.
Nous les avons souvent pensés dans le même
sens, de manière élémentaire, en fonction de
deux logiques contradictoires et toutes deux
vouées à l’échec.
Dans un premier cas, on fait comme si la pratique du théâtre n’était que le prolongement logique de la démarche de la pensée, comme si le
jeu dépendait entièrement de la dramaturgie,
comme si le metteur en scène pensait d’abord et
agissait ensuite. Ce privilège exorbitant accordé
aux enseignements théoriques explique alors
facilement leur faillite ou, en tout cas, leur reflux. On ne s’étonnera pas que les élèves du
Conservatoire de Paris assistent peu (ou aient
peu assisté dans le passé) aux quelques cours
dits théoriques qui leur sont proposés ; ils les
jugent sans rapport avec l’exercice futur de leur
métier, dès lors qu’ils cherchent en vain une relation de cause à effet, ou une sorte de justification a priori de la bonne conduite future de l’acteur.
Dans un second cas, la pratique du théâtre
s’affirme comme activité pure, soupçonne tout
exercice de la pensée d’être inutile, mais accueille en revanche le moindre vagissement du
corps et la moindre trace de sueur comme la
preuve suprême du bien-fondé de l’action qui
libère des énergies secrètes et invalide toute réflexion qui ne naîtrait pas de la seule expérience
reconnue, celle du plateau.
30
Les enseignements développés ces dernières
années à l’Institut d’Études théâtrales révèlent
la volonté d’articuler des savoirs et des savoirfaire, de confronter des connaissances à l’exercice d’activités qui esquissent les territoires de
professions théâtrales diverses. Ils ne sauraient
prétendre à être « professionnels » puisqu’ils demeurent limités en nombre d’heures et que notre statut universitaire les ouvre à un grand nombre d’étudiants. Ils sont cependant des lieux d’essai où les participants sont confrontés à des « applications » de leurs connaissances, à la vieille
question de ce qu’ils « font de ce qu’ils apprennent ». Dans notre mission première de formation et de recherche, nous incluons ces carrefours
où s’élaborent les passages délicats du désir à
l’exercice réel de responsabilités. On y expérimente, parfois en direct, parfois sous la forme
de simulations, des pratiques diversifiées liées à
des savoirs théoriques. Combien d’étudiants entrevoient-ils d’emblée les relations possibles
entre les enseignements académiques qu’ils reçoivent et les démarches de la création théâtrale ?
C’est pourtant l’essentiel de tout apprentissage
et, donc, ce que je voudrais mettre en avant.
Sans doute est-ce une démarche difficile à expliquer à tous ceux qui, étrangers au sérail, voudraient des réponses simples et une cartographie
des métiers du théâtre aussi rigoureuse que l’organigramme d’une entreprise industrielle. Pourtant, il nous faut leur dire que les ateliers d’écriture encadrés par des dramaturges ne « forment »
pas forcément des écrivains ; que l’enseignement
de la critique théâtrale par un journaliste n’a pas
nécessairement pour objet de produire des bataillons de plumitifs et que les ateliers de jeu
débordent d’étudiants qui n’ont jamais songé à
être acteurs. Ces paradoxes d’un enseignement
Longtemps, ces positions que je caricature un
peu, ont servi à opposer les pédagogues aux comédiens, les universitaires aux artistes. Leur rassemblement dans les mêmes lieux d’enseignement, parfois avec les mêmes missions, n’a pas
forcément tout résolu, mais il nous a fait avancer sur la nature des liens entre théorie et pratique : ceux-ci ne peuvent être pensés en termes
de primauté. En revanche, il me semble que toute
formation prend véritablement son sens quand
les enseignants et les étudiants inventent les relations entre des formes de travail vécues à l’origine comme antagonistes. Je ne tente pas ici une
impossible synthèse qui risquerait de n’être que
rhétorique. Je préfère réfléchir à quelques-uns
de nos enseignements où la mise en œuvre des
connaissances fait sens pour l’étudiant : il me
semble que l’apprentissage commence le jour où
celui-ci comprend quels liens, évidents ou secrets, il est capable de tisser entre des enseignements dont les relations ne lui étaient pas encore
apparues.
Le tango des retrouvailles et la valsehésitation
Ainsi, l’histoire des relations entre théorie et pratique dans les enseignements artistiques à l’université est jalonnée de doutes et de retrouvailles.
On y danse le tango des avancées définitives et
des reculs inattendus, en comptant les espaces si
petits et les étudiants si nombreux. Je voudrais
pourtant m’interroger ici sur un phénomène plus
particulier, sur des enseignements que l’on pourrait appeler théorico-pratiques (ou pratico-théoriques !) et qui ne concernent pas que le jeu. Je
ne traiterai donc pas de la pratique du théâtre
exclusivement du point de vue de l’art de l’acteur.
31
artistique ne devraient susciter ni mauvaise conscience ni ironie facile à propos du « flou » supposé d’enseignements multiformes pour un public hétérogène et parfois hésitant sur la précision de sa propre vocation. Il arrive que le désir
de théâtre emprunte des chemins sinueux que la
machine à orienter n’a pas prévus. Les quelques
exemples qui suivent donnent un aperçu partiel
de l’état des lieux.
La question est moins de savoir que faire des
savoirs théoriques que de faire découvrir leurs
liens multiples avec les métiers du théâtre. Nous
enseignons donc moins des « techniques »
(d’écriture, de jeu, de communication) que nous
ne proposons des circonstances de travail où des
connaissances diverses, acquises dans l’ensemble du cursus, sont réactivées et mises au service d’une pratique particulière.
œil les répliques des maîtres anciens ou la facture des textes contemporains. La circulation
entre lecture et écriture convoque des savoirs et
des curiosités. L’entraînement à l’écriture dans
un chœur d’écrivants suscite l’invention sans
qu’il soit nécessaire de l’opposer à l’information dramaturgique. On sort rarement auteur d’un
tel parcours, mais on en sort sûrement avec une
vision plus fine et plus intérieure du travail théâtral. Un objectif artificiel de professionnalisation
de ces écritures amènerait à se poser la question
des normes et celle de la fabrication d’un texte
plus vite rentable. Le choix du « banc d’essai »
n’écarte pas une telle échéance, mais il la renvoie à la décision de l’étudiant sans qu’il soit
soumis, dès sa formation initiale, à un usinage
dont les résultats ne seraient pas garantis. Le
tressage entre les savoirs dramaturgiques et le
défi concret de l’écriture s’effectue ici quasi naturellement.
D’autres enseignements portent sur l’écriture.
Ainsi Jean-Pierre Han, lui-même critique, propose une réflexion sur la critique dramatique où
il articule l’enseignement théorique et l’exercice
d’écriture de critiques en atelier. Pour sa part,
Anne-Françoise Benhamou envisage « d’initier
les étudiants à la conception rédactionnelle et à
la réalisation d’une publication consacrée au
théâtre » et également de situer cette publication
par rapport aux revues existantes. Dans les deux
cas, l’aspect informatif et théorique (état des
lieux et analyse de celui-ci) est complété et relancé par la mise en œuvre de travaux en simulation ou en grandeur réelle. Tout au long de l’année, les étudiants constitués en comité de rédaction, se sont attaqués à la fabrication d’une revue, ironiquement intitulée Numéro Zéro et soustitrée « Quel théâtre pour un monde en crise ? ».
Écritures
Je prendrai comme premier exemple les ateliers
d’écriture, enseignés à l’origine (depuis une
quinzaine d’années) par Michel Vinaver, puis par
Jean-Pierre Sarrazac, Daniel Lemahieu et Joseph
Danan, tous auteurs dramatiques. Les textes produits dans ces lieux émanent de sensibilités différentes, jamais soumises au moule d’une écriture indifférenciée ou à des normes dramaturgiques définies une fois pour toutes. Les standards
de la mode ou les recettes-miracles y sont évités, vu les dégâts qu’a déjà faits ailleurs un enseignement quasi-industriel de l’écriture de scénario. L’exercice de l’écriture est une formidable occasion de se retourner sur son propre parcours théâtral, et, écrivant, de porter un autre
regard sur les œuvres du répertoire et leurs secrets, voire sur leurs mises en scène. Celui qui a
essayé une fois d’affronter, par exemple, la difficile épreuve du dialogue, examine d’un autre
32
sure des choix esthétiques et éthiques de la personnalité invitée.
Quelques étudiants qui signent des articles
s’étaient fait remarquer lors des grèves de décembre 1995 par la virulence des textes provocateurs qu’ils envoyaient aux théâtres institutionnels, histoire de susciter débats et réflexion. Ils
ont « pratiquement » trouvé le support pour lancer un débat qui leur tenait à cœur, mais dans
une forme organisée où se posait la question du
réusage de leurs réflexions en direction d’un
public spécifique.
Pour une didactique du jeu.
Depuis longtemps, nous avons expérimenté dans
des ateliers une dimension didactique. Richard
Monod fut un pionnier d’une formation au jeu
dramatique où les participants alternaient la réflexion théorique avec des expérimentations en
milieu scolaire et entre formateurs. Gisèle Barret
a toujours mis l’accent sur les questions de didactique dans ses ateliers d’expression dramatique. Bernard Grosjean anime actuellement un
enseignement de « conduite d’ateliers » dans le
cadre de notre nouveau diplôme à visée professionnelle. Sans qu’y soient imposés de modèles
contraignants, ces chantiers poussent l’étudiant
à s’interroger sur sa capacité à faire et à refaire à
son tour ; en s’essayant comme en s’opposant,
il rencontre de vraies difficultés, celles qui suscitent le retour à la réflexion.
La mise en perspective du travail artistique
ne tient pas lieu de pratique artistique et ne doit
pas servir d’alibi. Cependant, toutes ces activités posent bien le problème du réemploi des savoirs dans l’exercice d’un savoir-faire et du vaet-vient entre le discours et l’essai sur le terrain.
Pour ne prendre qu’un exemple, Josane Rousseau a ainsi interrogé systématiquement les écrits
de Jacques Copeau en passant par des phases de
jeu avec ses étudiants.
Personne ne peut prétendre enseigner la direction d’acteurs, mais il est utile que le mystère
des répétitions ou que le discours que tient un
metteur en scène aux acteurs soit un banc d’essai pour ceux qui débutent. G. Banu avait interrogé les formes de répétitions lors d’un enseignement qui a abouti à une recherche et à une
importante publication1. Un peu en écho à cette
Organisation de rencontres
Dans un tout autre domaine, Georges Banu a
animé régulièrement un séminaire-atelier qui a
pour objet l’organisation de rencontres avec des
professionnels du spectacle. Les étudiants prennent en charge le choix des invités, l’organisation matérielle de la rencontre et l’essentiel des
questions qui leur seront posées ainsi que le bilan de ces dialogues. Ils doivent donc faire appel à des qualités très différentes, du domaine
des « relations publiques » comme de la réflexion
sur une politique culturelle (qui invite-t-on et
pourquoi ?). Chaque invitation permet de rassembler des connaissances particulières qui correspondent à des savoirs mis en œuvre lors de la
confrontation avec le spécialiste. Là encore, il
est important que la coquille ne soit pas vide et
que le jeu mondain n’occulte pas les enjeux de
la rencontre. Quand la médiatisation tend à imposer des modèles d’entrevues où le savoir-faire
relationnel l’emporte sur le sens de l’échange,
on mesure ce qu’une professionnalisa-tion hâtive peut faire comme dégâts si elle ne s’appuie
pas sur de bonnes connaissances théoriques.
Mais quand le face-à-face est replacé à l’intérieur du champ artistique, que l’actualité théâtrale rencontre l’histoire récente ou plus ancienne, les participants prennent mieux la me33
réflexion, je propose un atelier intitulé « Jouer,
faire jouer », où les étudiants se mesurent à la
direction d’acteurs. Les compétences nécessaires sont variées ; elles font appel à des savoirs
de tous ordres. Les relations personnelles des
étudiants au texte, à l’image, à l’espace, à des
choix esthétiques, à des questions de dramaturgie qui semblaient lointaines ou un peu vaines,
et, bien sûr, leurs relations à une équipe, prennent corps. Dans de telles pratiques, je suis frappé
par les premières tentatives de ceux qui s’essaient
au « passage » et à la façon dont ils saisissent
les liens avec l’ensemble des enseignements
qu’ils reçoivent.
Je n’ai rien dit des nombreux ateliers dont les
intitulés pourraient faire croire qu’on s’y consacre exclusivement à l’enseignement de techniques théâtrales. Ils sont bien entendu le lieu d’une
indispensable pratique, mais je crois qu’ils sont
de moins en moins coupés des autres enseignements. Ils trouvent aussi une partie de leur sens,
à l’université, par la façon dont ils suscitent leur
propre théorisation, c’est-à-dire une réflexion sur
ce qui s’y apprend, sur la façon dont on l’apprend et sur l’intérêt de telles acquisitions par
rapport à l’exercice des métiers du théâtre. La
dimension théorique de ces enseignements ne
vient pas « du haut » ; ce ne sont pas forcément
les savoirs livresques qui éclairent l’espace des
exercices, mais à travers un état d’esprit particulier, ces exercices qui interrogent la façon de
faire du théâtre, y compris du point de vue de
l’éthique et du politique. On le voit, nous nous
éloignons de ces définitions facétieuses qui fai-
saient des études théâtrales universitaires le curieux mélange d’un peu « d’expression corporelle » et de beaucoup de savants discours. La
coupure menace encore, mais les nouveaux passages creusés entre les deux univers les rendent
de moins en moins étrangers l’un à l’autre.
Naturellement, il faut se garder de l’envie
d’imposer des modèles aussi bien que de la transmission superficielle de mécanismes hâtifs ou
schématiques. Si ces enseignements se multiplient, c’est qu’ils correspondent à un vrai besoin des étudiants de s’essayer sans trop de risques ou avec des risques mesurés. Proches du
réel, mais pas submergés par le réel, ainsi pourrait-on définir ces lieux de l’entre-deux. Bien sûr,
nous n’avons pas les moyens de l’essai grandeur
nature dans de « vraies » productions, ni d’un
encadrement individuel des étudiants. Je ne crois
pas pour autant que le développement de ces
pratiques intermédiaires soit un alibi à notre pauvreté économique. La tradition et notre spécificité universitaire rencontrent actuellement des
étudiants très demandeurs de « pratiques ». Nous
avons à maintenir la particularité d’un institut et
de sa vocation première, en créant cependant des
lieux d’essai où les recherches historiques, esthétiques, dramaturgiques, trouvent à s’épanouir.
Notre avenir ne me semble pas être dans une
soumission à des exigences professionnelles
standardisées, mais dans la réinterrogation permanente et fragile des conditions d’exercice du
travail artistique.
Note
1. Alternatives théâtrales, N° 52-53-54 ; Bruxelles, 1997.
34
Le Théâtre à l’université française,
formation professionnelle ou
formation culturelle1?
LUCILE GARBAGNATI
Introduction : professionnalisation ou
appétence culturelle
métiers du spectacle sont ceux qui connaissent
le plus fort taux de chômage. Dans ces conditions, n’est-il pas contradictoire de mettre en
place des formations coûteuses dont on connaît
d’avance l’absence de débouchés ? Ne serait-il
pas plus judicieux de développer l’appétence
culturelle, voire la compétence, de tout étudiant
quelle que soit sa discipline d’origine ?
La France dispose pour la formation des comédiens de plus de deux cents écoles privées plus
ou moins coûteuses et prestigieuses situées pour
la plupart à Paris, de classes d’art dramatique
dans les Conservatoires municipaux et régionaux, à Paris et en province, d’écoles liées à un
Centre Dramatique National, de trois établissements supérieurs à recrutement fortement sélectif que l’on peut apparenter aux « grandes écoles » : le Conservatoire National Supérieur d’Art
Dramatique (CNSAD), l’École Supérieure d’Art
Dramatique de Strasbourg (TNS), l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du
Théâtre de Lyon (ENSATT). Depuis la création
de l’Institut d’Études théâtrales en 1959 par Jacques Scherer, on assiste au développement des
formations théâtrales à l’université à différents
niveaux, du Deug au doctorat, en passant par tout
ou partie du cursus2. Cette inflation est due en
partie au développement des classes de l’enseignement secondaire à option théâtre et au « bac
théâtre ». Quant aux universités, elles sont sommées de se professionnaliser, c’est-à-dire de donner une formation directement utilisable sur le
marché de l’emploi, quitte à perdre de vue leur
mission traditionnelle de recherche et de réflexion sur la connaissance. Simultanément les
1. La demande en formation théâtrale :
Il y a une demande de la jeunesse, et l’université
se doit de répondre à cette demande. En effet,
les élèves du secondaire ont pu suivre au cours
de leur scolarité un enseignement optionnel de
théâtre, pris en compte de manière facultative
ou obligatoire dans le cadre du baccalauréat. Ils
ont pu également choisir dans le cadre des enseignements obligatoires un enseignement de
spécialité de quatre heures hebdomadaires, avec
épreuve au baccalauréat. « En 1997, 112 lycées
répartis sur 73 départements ont proposé un enseignement obligatoire subventionné par la direction de la musique, de la danse, du théâtre et
des spectacles. Le baccalauréat « expression dramatique » sanctionne une initiation approfondie
à cette discipline mais ne tient lieu ni de qualification professionnelle ni d’apprentissage préprofessionnel. L’entrée dans le métier de comédien suppose une préparation spécifique délivrée
par des écoles professionnelles publiques ou pri35
vées3. » Les élèves (plus de 2000 chaque année)
titulaires de ce diplôme sont donc en droit d’attendre de l’État une formation supérieure à l’instar de celle qui prolonge les autres baccalauréats.
Traditionnellement l’université française ne
forme pas à un métier ni ne donne de formation
professionnelle, à l’exception des IUT. Elle offre une formation générale qui permet ensuite
une insertion professionnelle dans différents secteurs d’emploi. Toutefois, un des débouchés traditionnels des diplômés de l’université est l’enseignement ; or, dans cette discipline il n’y a pas
d’enseignants spécifiques puisque l’enseignement est dispensé par une équipe pédagogique
réunissant des professeurs de lycée et des professionnels du théâtre (metteurs en scène, comédiens) ayant reçu l’aval du Ministère de la Culture. Le jeune bachelier « option théâtre » se
trouve donc confronté à la question de son avenir et l’université à celle de sa fonction, au moment même où l’État lui enjoint de
professionnaliser ses formations.
y sont également plus nombreuses : leur part est
deux fois plus élevée… que dans l’ensemble de
la population des demandeurs d’emploi4. » La
Note 16, « L’offre d’emploi intermittent dans
l’audiovisuel et les spectacles en 1994 d’après
les fichiers de la Caisse des congés spectacles »,
souligne que l’offre d’emploi intermittent demeure fortement centrée sur l’Île-de-France ; les
durées de contrat y sont en moyenne plus longues et les rémunérations plus élevées que dans
les autres régions.
Les situations sont très hétérogènes d’une région à l’autre. Le niveau de l’offre d’emploi intermittent est fortement corrélé avec la taille de
la population active de la région. Ainsi, par exemple, l’offre est dix fois supérieure en Rhône-Alpes à ce qu’elle est en Limousin, en Basse-Normandie, en Auvergne ou en Franche-Comté.
Ainsi, trois groupes de régions peuvent être distingués. Un premier groupe est constitué de deux
régions : Provence-Alpes-Côte d’Azur et RhôneAlpes, qui offrent à elles seules le tiers du volume d’emploi intermittent des régions hors Îlede-France. Un second groupe est composé de
sept régions offrant chacune entre 5 % et 6 % de
l’emploi intermittent des régions hors Île-deFrance. Enfin les treize autres régions représentent, chacune moins de 3 % de l’emploi intermittent offert en province. Ces différences dans
les évolutions régionales tiennent sans doute à
un ensemble de facteurs extrêmement divers et
sont, au moins pour partie, extérieures à l’activité de spectacle : situation économique et sociale des différentes régions, présence de grande
métropole, éléments de politique culturelle, recours à l’intermittence dans des activités précédemment accomplies par des personnels perma-
2. Le statut du comédien
2.1 Les comédiens face à l’emploi
« Les Notes de l’Observatoire de l’emploi culturel » sont extrêment révélatrices. La Note 15,
« Les demandeurs d’emploi dans les professions
culturelles en juin 1997 d’après le fichier de
l’ANPE », établit les faits suivants : les professions culturelles sont fortement touchées par le
chômage ; il y a deux fois plus de demande d’emploi que d’offres. Dans ce champ d’activité, les
artistes de la musique et du chant, les artistes
dramatiques représentent à eux seuls plus de
70 % des demandeurs d’emplois. « Les femmes
sont davantage touchées. Près de la moitié des
personnes sont au chômage depuis au moins un
an. Les demandes d’emploi de très longue durée
36
nents, caractéristiques des pratiques culturelles
régionales…5
La Note 17, « Les marchés du travail des artistes et des techniciens intermittents de l’audiovisuel et des spectacles en 1995 d’après les fichiers de la Caisse des congé spectacle », établit qu’entre 1985 et 1995 on assiste à une nouvelle explosion des effectifs intermittents. Le
décalage toujours plus marqué entre la croissance
de l’emploi, désormais faible, et celle des effectifs nettement réactivés a des conséquences évidentes sur la situation des professionnels concernés ; ils connaissent aujourd’hui une aggravation du risque de sous-emploi et une exacerbation de la concurrence interindividuelle. Ainsi
44 % d’intermittents se trouvent exclus du régime spécifique d’assurance chômage. Les revenus baissent malgré une augmentation des salaires journaliers, puisque le temps de travail est
moins long. Ces conclusions sont reprises et affinées dans l’ouvrage de Pierre-Michel Menger,
La Profession de comédien, formations, activités et carrières dans la démultiplication de soi,
où il rappelle quelques particularités de l’emploi de comédien : l’hégémonie parisienne et « le
pouvoir de manipulation des réputations et des
valeurs qui en découlent dans une espace aussi
dense d’interaction et d’interconnaissance6 »,
l’obligation d’intégrer un réseau pour trouver un
emploi. Si les femmes sont plus nombreuses,
elles sont en situation inégale devant la carrière :
« leur horizon de carrière est plus court […] la
concurrence interindividuelle est plus intense7 »,
leurs salaires sont inférieurs à ceux des hommes.
cial du comédien montre que « l ’artiste n’est pas
le dieu libre et sans racines qu’il proclame si souvent être, mais plutôt le membre d’une communauté professionnelle qui se recrute d’abord dans
les milieux instruits et aisés et qui se compose
d’une proportion significative de conjoints et de
collatéraux artistes8. »
2.3 Une profession à très haut risque
de chômage
Ainsi les études sociologiques confirment les
idées reçues : une profession à très haut risque
de chômage où sélection et compétition sont impitoyables, où l’emploi se joue dans les grandes
métropoles. Il est difficile de vieillir, surtout pour
les femmes. Le recrutement est fortement endogène.
L’étudiant moyen de province va devoir surmonter une série de handicaps qui ne dépendent
pas seulement de son seul talent. Face à cette
situation, on peut se demander quelle est la place
des formations théâtrales universitaires, plus particulièrement celles de province, sur les chances
de réussite et sur les profils de
professionnalisation.
3. Université et formation du comédien
3.1 État des lieux
« Les cours privés forment à eux seuls autant de
comédiens que toutes les autres filières réunies
[…] Les conservatoires forment plus ou moins
précocement et plus ou moins durablement, plus
d’un quart des comédiens9. » Ils préparent aux
grandes écoles de théâtre. Ils sont la première
étape d’une multiformation pour la majorité de
ceux qui les ont fréquentés et qui vont s’installer à Paris et en Île-de-France. Néanmoins ces
grandes écoles produisent moins de 20 % des
comédiens. Les formations d’études théâtrales
à l’université répondent au moins à deux impé-
2.2 L’environnement du comédien
Les comédiens sont majoritairement issus de milieu aisé, et l’hérédité professionnelle est largement répandue. L’étude de l’environnement so37
ratifs : démocratisation, aménagement du territoire. La création d’option théâtre dans l’enseignement secondaire et d’un baccalauréat spécifique, sans parler de la pratique amateur, a augmenté la demande de formation à laquelle l’université se doit de répondre. Par ailleurs la politique de décentralisation et de régionalisation invite à créer des formations de proximité, à l’instar des écoles de CDN et des conservatoires pour
fixer les jeunes au pays face à l’attraction des
grands centres urbains. Ces formations sont
d’autant plus attractives qu’elles sont gratuites,
contrairement aux cours privés, et non sélectives, contrairement aux conservatoires et aux
grandes écoles. Les diplômes sont conformes aux
arrêtés ministériels qui fixent, pour chacun, les
masses horaires, les grandes lignes du programme, la proportion entre théorie et pratique.
En général, les heures de théorie sont assurées
par un enseignant titulaire, les heures de pratique par un vacataire-professionnel du spectacle.
On serait en droit d’attendre une concurrence
honnête entre les différentes formations, exception faite des grandes écoles. Il n’en est rien.
grandes métropoles, est d’entrée de jeu un handicap. En effet au niveau de la formation, comme
des débouchés, elles se trouvent en dehors des
réseaux qui génèrent des relations et des emplois.
Les étudiants s’inscrivent à l’université en attendant. Tôt ou tard, ils seront pour ainsi dire
happés par une grande ville, vraisemblablement
Paris.
Ainsi on peut conclure à des effets pervers puisque la formation loin de fixer les étudiants dans leur région les pousse à la quitter
pour trouver les réseaux et l’effervescence culturelle unique de la capitale. Il est inutile d’insister sur le paradoxe, à la limite du cynisme,
qui existe entre les injonctions du ministère de
faire correspondre les filières, et les emplois et
la création d’enseignement dont on sait que les
débouchés sont plus qu’aléatoires. La création
d’un enseignement théâtral peut être considérée
comme un moyen de pallier la baisse des effectifs d’étudiants et de stabiliser, voire d’augmenter, le budget de l’université, qui est en rapport
avec le nombre d’étudiants.
4. Formation professionnelle et
formation culturelle
4.1 Programme et niveau de
compétence
3.2 Des effets pervers
« Les filières professionnalisantes conduisent à
une insertion plus rapide sur le marché du travail, tandis que le passage par l’université correspond à des comportements d’attente et de
semi-professionnalisation, qui décalent d’autant
l’entrée définitive sur le marché du travail et,
avec elle, l’exposition complète au risque professionnel10. » Or, plus le comédien entre tôt dans
la carrière, plus il a de chance de réussir. De plus,
« les études théâtrales ne figurent dans aucun des
itinéraires qui conduisent à une école supérieure11 », qui est un des sésames de la profession. Leur implantation en province, hors des
Si d’une façon générale il est difficile de trouver
une exacte adéquation entre une filière généraliste et l’emploi, ceci est encore plus difficile pour
le métier de comédien. En effet, « les compétences requises sont malaisées à déterminer et à
formaliser dans un protocole pédagogique simple et généralisable12 », tant pour le métier luimême que pour les possibilités de différenciation de ses activités. Le niveau requis est difficilement évaluable selon les critères universitaires. De plus, « l’information que délivrerait un
38
diplôme sur les aptitudes du candidat à un emploi n’est ni répandue ni très utile, tant l’apprentissage générateur de compétences est une grandeur composite et évolutive13. »
Ce paradoxe, que souligne Patrice Pavis, professeur à l’université de Paris VIII, qui a le plus
ancien département d’études théâtrales en
France, se double d’une contradiction entre formation professionnelle et vocation universitaire.
« La tendance est à une professionnalisation de
l’enseignement supérieur, à une préparation directe aux métiers de la scène […] La spécialisation croissante des techniques et des connaissances théâtrales, l’inquiétude des étudiants et des
administrations face à l’avenir poussent à une
compartimentalisation du savoir […]. Il faut
donc réinventer, au besoin par la ruse et à contre-courant, des espaces de réflexion à l’université, ce qui nous oblige à repenser la cohabitation et la discontinuité entre théorie et pratique
[…] à réévaluer l’objet des études théâtrales et
les conditions de la pratique théâtrale14. » Cela
n’exclut pas l’apprentissage : « La formation à
l’université n’est plus seulement théorique, mais
elle n’a pas non plus la prétention de déboucher
sur un simple savoir-faire professionnel approfondi, coupé de l’ensemble de la mise en scène
et de sa théorisation15. »
Mais ça n’a pas de relation fondamentale […]
Le travail d’acteur est sans doute un travail mental, mais ce n’est pas un travail d’intellectuel.
Tout ce qu’on a appelé la dramaturgie, tout ce
qui est, en principe, enseigné aux acteurs au cours
des séances de travail à la table, tout cela doit se
faire. Mais dans le cours du travail physique, concret. C’est à l’occasion du choix entre un geste
et un autre geste que l’idéologie, l’histoire, la
politique peuvent s’engouffrer16 .»
Ainsi les formations théâtrales à l’université
soulèvent une série de paradoxes voire de contradictions sur l’aménagement du territoire, le
rapport entre des formations coûteuses et des débouchés professionnels très limités, la question
même des programmes, pour s’interroger sur la
formation de l’artiste et la finalité de l’université.
4.3 Formation théâtrale et formation
continue.
Patrice Pavis constate également que « si les
étudiants ont longtemps réclamé de la pratique
pour compléter la théorie jugée trop abstraite,
ils formulent souvent à présent une demande de
théorie, notamment les professionnels venus acquérir une formation continue et complémentaire17 ». Il rejoint les conclusions de l’enquête
de P.-M. Menger : « La fréquentation de l’université intervient majoritairement après une formation préalable à l’art dramatique. La forte proportion de comédiens issus de cette filière qui
sont titulaires de diplômes universitaires des
deuxième et troisième cycles conduit à penser
que bon nombre des comédiens ont reçu là une
formation théorique et que la dimension universitaire de l’apprentissage du métier de comédien
ne peut être dite spécifique que si l’on élargit à
d’autres fonctions que celle du jeu de l’interprète
4.2 Peut-on former un artiste ?
La question de la formation et de la recherche
théâtrale à l’université soulève celle de la spécificité de l’artiste comme le souligne Antoine
Vitez : « Pour moi c’est très clair ; il n’existe
aucun rapport entre l’étudiant en théâtrologie et
l’acteur. De la même manière on peut faire de la
musicologie et ne pas être musicien, c’est sans
rapport. Naturellement on peut aussi être
théâtrologue et acteur, musicologue et musicien.
39
l’exercice de la profession, par exemple à la fonction d’auteur ou à celle de metteur en scène.
L’autre hypothèse est celle d’une réorientation
après des études universitaires achevées ou non,
vers l’activité de comédien, le passé de l’individu et notamment une familiarisation avec l’art
dramatique durant son adolescence lui fournissant certaines des ressources mobilisées ensuite
dans ce métier18. »
Ainsi l’université en retrouvant sa fonction
fondamentale de réflexion répond également à
sa fonction sociale, par le biais de la formation
continue. Cette fonction est d’autant plus importante dans les régions car c’est là que se trouvent le plus de comédiens autodidactes19, et pour
lesquels l’apport universitaire serait le plus profitable.
Il en est de même pour les DEUST (Diplôme
d’Études Universitaires au Spectacle et au Théâtre) qui forment en deux ans comédiens et régisseurs, en partenariat étroit avec les scènes locales, avec une sélection et un recrutement bisannuel.
culturels, la plupart des jeunes ne connaissent
que le noyau dur de la « culture jeune », à savoir, la sortie au cinéma et la sortie au concert
de rock. Si un jeune sur trois est allé au théâtre
ou au musée, c’est dans le cadre de « sorties scolaires », « une sorte de minimum obligé ». « De
manière générale les activités préférées sont aussi
celles que l’on a le plus envie de pratiquer davantage et, inversement, on a d’autant moins
envie de pratiquer une activité et d’autant plus
tendance à la détester qu’on ne la connaît pas. »
N’est-ce pas alors à l’université de susciter cette
envie, quelle que soit la discipline de base de
l’étudiant, en organisant les conditions d’une
rencontre réussie. Elle peut être intégrée au cursus universitaire et validée, ou demeurer une
pratique libre, en fonction de la motivation des
étudiants. Il ne s’agit plus de former des professionnels du spectacle, mais des êtres humains
sensibles à l’art, et dans le cas qui nous occupe,
à l’art théâtral.
5. Université, théâtre et culture
On peut, en effet, envisager le théâtre dans les
cursus universitaires sous forme de double cursus ou de module optionnel transdisciplinaire.
L’objectif n’est pas de former des « professionnels du théâtre, praticiens ou théoriciens », mais
plus modestement de compenser la monoculture
de la formation universitaire par une formation
artistique pratique et théorique.
Ainsi, à l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA), de Lyon, il existe une section
« Théâtre-Études »22 ; à l’université Blaise-Pascal, dans le cadre de la formation d’ingénieurs
d’électronique, une formation théâtrale complète celle d’ingénieur23. Utilisée pour de futurs ingénieurs, elle pourrait l’être également
5.1 Le théâtre dans les cursus de
l’enseignement supérieur
Les études théâtrales, avec le problème de la formation professionnelle, ne concernent que les
élèves qui souhaitent s’engager dans un cursus
spécialisé. Elles éludent, en fait, la question de
la formation artistique, qui est d’autant plus prégnante que la démocratisation augmente le nombre d’étudiants d’origine modeste, qui n’ont pas
eu ou peu d’approche de la culture « des clercs ».
L’enquête du Ministère de la Culture et la communication, Les 12-25 ans et la culture, est révélatrice20, et confirmée par une enquête locale21.
À l’égard de la culture, ils n’éprouvent ni refus
ni appétence : elle ne les concerne pas, elle est
pour les autres. Des diverses formes de loisirs
40
pour de futurs cadres et enseignants, quels que
soient leur discipline de base et leur domaine
d’intervention.
Si un double cursus et des modules optionnels relèvent des exigences de la validation universitaire, il n’en est pas de même pour la pratique amateur encadrée par un professionnel,
libre de tout programme académique. Elle n’en
est pas moins soumise à la même exigence de
qualité et se donne comme référents et modèles aussi bien Bertolt Brecht qu’Antoine Vitez24.
Le brassage inter-facultaire qu’elle implique
permet aux étudiants d’élargir le cercle de leur
formation respective, leur fait expérimenter la
nécessaire interculturalité, l’indispensable
transdisciplinarité.
Notes
Conclusion : Université et culture de
citoyenneté
5
1
Voir le Bilan du Congrès, dans Coulisses, no
22, mai 2000.
2
Trois universités parisiennes possèdent le cursus complet : Paris III, Paris VIII, Paris X ; en
province : Lyon-Lumière II, Strasbourg.
3
Guides des formations aux métiers de la culture, Théâtre spectacle, Ministère de la Culture
et de la communication, La documentation française, février1999.
4
Observatoire de l’emploi culturel, Note 15,
1998, Les Demandeurs d’emploi dans les professions culturelles en juin 1997 d’après le fichier de l’ANPE.
Observatoire de l’emploi culturel, Note 16,
1998, L’Offre d’emploi intermittent dans l’audiovisuel et les spectacles en 1994 d’après les fichiers de la Caisse des congés spectacles.
Ainsi l’université française, dans une région
moyenne ou petite, se trouve devant un choix :
mettre en place, au bénéfice de quelques-uns,
des formations théâtrales, débouchant presque à
coup sûr sur le chômage—ce qui va à l’encontre
des instructions ministérielles—ou mettre en
place, pour le plus grand nombre, une politique
de formation, à la fois disciplinaire et artistique
et par là-même humaniste. La réponse ne relève
plus du rapport entre formation généraliste ou
professionnalisante, théorie ou pratique, mais
une fois encore à la fonction même de l’université, à sa relation à la culture. La formation apportée par le théâtre n’est plus alors l’apanage
de quelques « théâtreux » mais, de par les expériences qu’il propose, sociale, relationnelle, esthétique et créative, il constitue, pour adopter
l’expression en vogue, une « culture de citoyenneté ».
6
Pierre-Michel Menger, La Profession de comédien, formations, activités et carrières dans
la démultiplication de soi, Ministère de la Culture et de la communication, département des
études et de la propective, La documentation
française, Paris 1997, p. 28.
41
7
Ibid., p. 35.
8
Ibid., p. 40.
9
Ibid., p. 51.
10
Ibid., p. 85.
11
Ibid.
12
Ibid., p. 65.
13
Ibid., p. 397.
14
21
Patrice Pavis, « Théorie et pratique dans les
études théâtrales à l’université », Théâtre ; Collection Arts, no 8, L’Harmattan, 1998.
15
Françoise Odin, « Des ingénieurs sur un plateau », Théâtre et Sciences, actes du colloque,
Presses du Centre UNESCO de Besançon, novembre 1998, p. 179. Voir, dans ces actes-ci, l’article de Françoise Odin, « Sous le regard de Léonard : théâtre et ingénieurs ».
Ibid., p. 125.
16
Émile Copfermann, Conversations avec Antoine Vitez, P.O.L., 1999, p. 146.
17
Pavis, loc.cit., p. 105.
18
Menger, loc.cit., p. 53.
19
Voir Menger, ibid.
Guy Barbier, mémoire de DEFA, Montbéliard.
22
23
Pierre Bonton et Bernard Avron, « Un atelier
théâtre et sciences pour une autre vision », Théâtre et Sciences, p. 189.
24
20
Département des Études et de la prospective,
Ministère de la Culture et de la francophonie.
Novembre 1994 Les 12-25 ans et la culture.
42
Voir Copfermann, op.cit., p. 146.
Sous le regard de Léonard : théâtre et ingénieurs
FRANÇOISE ODIN
Les Jésuites de l’âge classique faisaient pratiquer le théâtre à leurs élèves non pas—et surtout pas !—pour en faire des comédiens en un
siècle où l’Eglise excommuniait ceux-ci, mais
comme expérience vivante dans une formation
humaniste plutôt livresque. De la même manière,
à l’INSA (Institut National des Sciences Appliquées) de Lyon, nous proposons à de futurs ingénieurs un parcours théâtral, encadré par des
professionnels du spectacle et intégré pendant
quatre ans à leurs études scientifiques, dans un
Institut des Sciences Appliquées, que l’on appellerait sans doute Université technologique
dans d’autres pays.
En effet le rapprochement entre ces deux activités devient envisageable dès lors qu’on s’éloigne d’une analyse positiviste des connaissances,
qui sépare radicalement sciences, techniques et
arts, et qui s’est prolongée jusque dans les années 60 avec le thème des « deux cultures »1 où
l’humaniste viendrait donner à la scientifique un
supplément d’âme. Dans cette perspective il est
vrai qu’une pratique théâtrale pour des ingénieurs
pourrait apparaître comme un gracieux colifichet
sans grande valeur épistémologique ou cognitive.
Nous poserons donc en ces termes notre problématique : pourquoi le théâtre, comme prati-
que, peut-il être une notion recevable dans une
formation d’ingénieur ?
Observons d’abord qu’il semble être un outil
privilégié dans des domaines apparemment hétérogènes. Nous constatons par exemple que se
pratiquent et se développent des ateliers de théâtre dans les prisons, dans les banlieues dites difficiles, dans les hôpitaux psychiatriques, et dans
les écoles et les universités. Ce dernier développement n’est après tout qu’un rattrapage par rapport à bien d’autres pays européens ou nordaméricains, et c’est plutôt le signe d’une ouverture dans un enseignement très académique et
théorique. Pourrait-on considérer alors qu’il y a
un vide dans les systèmes éducatifs (et sociaux)
que le théâtre viendrait combler ?
Nous proposons donc une pratique théâtrale
pour de futurs ingénieurs principalement pour
les raisons que nous développons ci-dessous.
1. Le théâtre révèle en quelque sorte la carence
humaniste de ces formations.
On distingue souvent, en effet, lorsqu’on analyse les compétences professionnelles d’une personne, ce qui relève de ses savoirs (relativement
possibles à cartographier), de ses savoir-faire
(encore envisageables à mettre en évidence) et
enfin de son savoir-être, que les systèmes de
formation ont parfois l’ambition d’enseigner ou
43
de développer. Ce néologisme à la mode dans
les entreprises manifeste un certain goût pour
les formules simples, proche ici d’une tournure
aporétique, car peut-on considérer un savoir sur
et/ou de l’être comme possible ? Il signifie en
tout cas une conscience du nécessaire développement personnel des futurs ingénieurs, qui passe
par différents registres de la formation humaine,
de la connaissance de soi et des autres. Faut-il
laisser ce territoire à la sphère privée et ne l’aborder que tangentiellement dans certaines pédagogies (comme les projets, les stages, le sport ?)
ou cela relève-t-il de la mission formative des
établissements d’enseignement supérieur ?
Beaucoup d’enquêtes le proclament : le besoin
dans ce domaine est tellement manifeste qu’il
appelle des réponses novatrices et variées. En
ce qui nous concerne, c’est la légitimation de la
pratique théâtrale intégrée à la formation scientifique principale. Il s’agira en somme d’ouvrir
une place au sujet et à la relation dans la connaissance et l’expérience. Ce qui est particulièrement nécessaire pour des ingénieurs.
La situation de la France à cet égard est bien
particulière, avec une double caractéristique.
Depuis deux siècles, et jusqu’à ces dernières
décennies, la sélection des élites s’est faite par
la culture scientifique. Cette formation est donnée non dans des universités, où se côtoient des
enseignements différents, mais dans des écoles
spécialisées, les « Grandes Ecoles », microcosmes menacés par le danger d’une monoculture
technicienne.
Pourquoi cet état de fait, qui participe sans
doute à l’« exception culturelle » française autoproclamée ? Nous en tracerons brièvement l’origine dans la définition historique du mot ingénieur. Sous la polyvalence des significations de
ce terme à la fin du Moyen Âge affleure progressivement ce qui distingue l’ingénieur : son
ingéniosité (étymologiquement son ingenium,
son génie), sa capacité à faire face à des problèmes neufs et pratiques, ses capacités d’invention. Jusqu’au XVIIIe siècle l’ingénieur est militaire, constructeur d’ouvrages de défense ou de
machines de guerre, au service du roi ou des
grands féodaux.
Puis se mettent en place les caractéristiques
de l’ingénieur moderne. On désigne ainsi un
technicien qui exerce ses compétences en dehors
du génie militaire. Il est formé dans des écoles
spéciales qui sont créées pendant et après la période napoléonienne. Il est au service d’un grand
corps de l’État (ponts et chaussées, génie civil…). Il est alors défini par sa formation (dans
les écoles spéciales), par les qualités qu’elle sait
développer (essentiellement mathématiques) et
par le service dans les institutions étatiques.
Même si l’industrie privée va donner naissance aux ingénieurs chefs d’entreprise, la spécificité demeure d’une formation très contrôlée
par la puissance publique.
2. Les savoirs scientifiques et techniques se fragmentent et se spécialisent avec la formidable
accélération des inventions technologiques.
Où se situe en effet l’ingénieur dans les représentations sociales ordinaires des activités
humaines ? Entre le scientifique ( « le chercheur ») et l’artisan (« l’homo faber ») ?
Il est certain que notre épistémè moderne
s’adosse à la séparation qu’a opérée la philosophie des Lumières entre le savoir-faire de l’artisan, le savoir du scientifique et le monde de l’art.
Le métier d’ingénieur semble hésiter dans sa
définition entre les deux premiers pôles. À
preuve d’ailleurs le statut pour le moins flottant
44
4. En France un ingénieur est encore largement défini par sa formation, plus que par sa
fonction. Ce qui rend donc cruciaux les contenus et les modes de formation, et pertinente l’interrogation sur la place d’une dimension artistique dans cette formation.
Les petites annonces de recrutement spécifient la plupart du temps l’école d’origine dont
on souhaite embaucher un ingénieur. Son diplôme, garanti par la très officielle Commission
des titres, est un passeport pour l’entreprise.
Même si l’on observe actuellement des glissements sémantiques vers le substantif comme
« l’ingénierie pédagogique » ou des fonctions
telles qu’« ingénieur d’idées » (lu récemment
dans la presse), on comprend l’importance d’inscrire la pratique théâtrale dans une formation
initiale, considérée jusqu’à présent comme la
formation professionnelle du jeune ingénieur.
Cet enjeu de taille décline ses dispositifs sous
différentes formes.
Par exemple, un intérêt, voire un certain engouement des entreprises pour le « relationnel »
au sens large, amène à introduire dans les programmes d’enseignement de notre Institut des
modules obligatoires d’une trentaine d’heures
d’approche théâtrale pour « dégrossir » les étudiants, les aider à être plus conscients et donc
plus responsables de leur image, de leur voix,
de leur démarche, de leurs modes de relations
gestuels et verbaux aux autres. De nos futurs
ingénieurs, de moins en moins techniciens et de
plus en plus « managers », chefs de projet, conducteurs d’équipes, on veut donc faire de surcroît de grands « communicateurs ». Avec la
perspective fréquente ( le danger ?) d’instrumentaliser la pratique théâtrale pour en faire un magique ou mythique remède communicationnel,
des SPI (Sciences pour l’Ingénieur) dans la classification universitaire officielle.
Sont donc à l’œuvre quelques dichotomies
simplificatrices, qui s’appuient sur la coupure
opérée par l’économie bourgeoise entre production industrielle et création artistique : art/technique, invention/ innovation, création/conception.
3. C’est pourquoi, sans être sottement nostalgique ou réactionnaire, nous nous plaçons sous le
regard emblématique de Léonard, l’ingénieur
humaniste de la Renaissance.
On ignore en général que Léonard a été concepteur de théâtre, au sens où on a retrouvé dans
ses dessins une vue d’architecture pour la mise
en scène de Danaé qu’il a faite à Milan en 1496.
Il avait conçu une scène de théâtre systématiquement unifiée par la perspective, préfigurant
ainsi la scène de Sebastiano Serlio2, et inventé
un dispositif scénique original pour la mise en
scène de l’Orphée de Politien à Milan.
Mais cette activité est relativement anecdotique. Si on considère Léonard comme le « génie » complet de l’époque moderne, c’est que
ses travaux d’architecte ou de peintre étaient indissociables de ceux du scientifique ou de l’ingénieur. C’est dans cette dernière dimension qu’il
montre comment il dépasse un savoir-faire de
technicien et une approche empirique par une
réflexion technologique, en s’intéressant, par
exemple, aux principes mêmes de la mécanique
et des mécanismes. La science n’est pas pour lui
un objet de contemplation, mais l’outil d’une
action attachée à la résolution de problèmes pratiques.
C’est dans l’ombre tutélaire de ces ingénieursartistes polyvalents que nous souhaitons placer
notre initiative de formation par le théâtre.
45
ignorant totalement les enjeux artistiques du
théâtre.
les sciences de la matière, dans les années 90 les
sciences et technologies de pointe portent plutôt
sur le vivant et les langages. D’où la place légitimée, aux côtés de langues naturelles requises
dans la compétence d’un ingénieur, de la pratique des langages artistiques et d’une ouverture
à la créativité.
5. Même si le métier moderne d’ingénieur
(depuis le XVIIIe siècle) est largement dominé par
le calculatoire et le géométrique, on ne peut
oublier l’histoire et l’étymologie qui rappellent
que l’objet créé, « l’engin » est le prolongement
de l’ingenium qui gouverne l’esprit de son créateur. Autrement dit, l’instrument est
organiquement lié à l’acte intellectuel de sa conception. S’ouvre alors un débat actuel sur les
« sciences de la conception » et sur les conditions propices à l’innovation, à la création, à la
créativité. Nécessité économique certainement,
plus que gracieuse spéculation intellectuelle,
dans un environnement de farouche compétition
mondiale, où la valeur des entreprises repose très
largement sur l’aptitude à innover, à déposer des
brevets et à inventer du neuf.
L’équivalent anglais du terme conception,
« design », pointe opportunément qu’une conjonction de fonctions cognitives sont à l’œuvre
dans cette activité polyvalente : concevoir / construire / inventer / représenter ou modéliser. Aptitudes que l’on reconnaît habituellement dans
l’activité de l’architecte, de l’ingénieur, comme
du compositeur, de l’écrivain ou de l’homme de
théâtre. Voici peut-être une porte entrebâillée qui
nous aidera à fonder plus solidement, en la légitimant, la place du théâtre dans la formation d’ingénieurs.
Ce qui a, en effet, longtemps bloqué l’émergence des « sciences de l’ingénieur » en tant que
La section Théâtre-Études de l’INSA
La particularité de l’INSA (Institut National des
Sciences Appliquées) de Lyon réside dans le fait
d’avoir été fondé il y a quarante ans par un philosophe, qui a eu le souci de doter cette école
d’ingénieurs d’un Centre des Humanités où s’enseignent langues, gestion, communication. Plus
récemment se sont mises en place des sections
artistiques en musique, arts plastiques, danse et,
enfin, théâtre que j’ai créée. Ces quatre sections
rassemblent environ dix pour cent de nos 4 500
étudiants.
La section Théâtre-Études permet de parler
véritablement d’une formation artistique intégrée aux études d’ingénieur, grâce à :
• un emploi du temps soutenu : six heures
par semaine environ ;
• un cadre de travail avec des professionnels : comédiens, metteurs en scène, éclairagistes, écrivains ;
• une formation sur quatre ans avec présentation annuelle des travaux en public (au
total entre 600 et 1 000 heures de formation par étudiant) ;
• des échanges réciproques avec de nombreux partenaires au sein de l’AITU ;
• une large contribution à la vie culturelle
sur le campus.
D’une certaine manière, on peut aussi considérer que ces formations artistiques, originales
et uniques en France, accompagnent le changement de statut des savoirs, qui manifeste l’entrée des sociétés dans l’âge post-industriel, et la
culture dans l’âge post-moderne. En effet, alors
que dans les années 60 on interrogeait les relations science/société et science/formation dans
46
telles (et pas seulement considérées comme des
sciences appliquées, c’est-à-dire une forme mineure des sciences d’analyse : physique, mécanique) est l’idée que toute science devait avoir
une forme hypothético-déductive, et que les
fonctions de « théorie » et d’« expérience » devaient être conçues comme opposées l’une à
l’autre. Avec l’hypothèse épistémologique contemporaine sur le statut plénier des « sciences
du génie » (et les travaux en particulier d’Herbert Simon sur les sciences de l’artificiel) s’ouvre
un champ de recherche et d’expériences. Cette
théorie amène à redéfinir la fonction et donc la
formation des ingénieurs. Il s’agit de rompre avec
l’émiettement des catégories professionnelles,
émiettement dû à la fois à la multiplication des
« sciences » et une perspective étroitement économiste du rôle de l’ingénieur. Ce qui conduisait au caractère de plus en plus spécialisé des
enseignements.
Avec l’accent mis sur une démarche (celle de
la conception) plus que sur une série d’expertises, on va chercher à développer la faculté de
créativité, dimension de l’imaginaire qui nourrit inventions, créations et irrigue la vie de l’esprit, qui se canalisera ensuite dans une démarche de conception. Les créatifs, ce sont des concepteurs, pas des calculateurs. Tous nos étudiants, qui ont à conduire un projet de fin d’études et à travailler sur des problèmes ouverts, sont
amenés à chercher des solutions inédites, inconnues au départ et que personne ne leur a enseignées. Tous nos étudiants en formation théâtrale
qui ont à chercher un personnage, une proposition de mise en scène, la conception d’un éclairage, une idée de scénographie, un choix de
musiques, ont à inventer, à faire du neuf. Dans
les deux cas la dimension cognitive déborde la
démarche d’application, se tourne vers l’adaptation et s’épanouit parfois en création.
Ces qualités mitoyennes aux domaines du
théâtre et des sciences de la conception permettent en partie de justifier l’existence au sein de
notre Institut de la section théâtre, dont l’intérêt
apparaît certain pour les promoteurs d’une vision systémique plus qu’analytique de l’enseignement : le global plutôt que le séquentiel. C’est
l’ambition d’un étudiant puis d’un ingénieur
« ensemblier » d’être capable de relier des briques de connaissances, de les assembler et de
leur donner sens. C’est une métaphore qui a cours
dans les pédagogies les plus innovantes. L’année dernière, par exemple, pour la création d’un
nouveau département de Télécommunications à
l’INSA, j’ai fait écrire et jouer par les étudiants
une pièce, Le Grand Ensemblier, qui montrait
sous forme divertissante les réalisations technologiques prodigieuses de ces futurs ingénieurs.
Le théâtre est alors représentation (spectacle) et
présentation de connaissances qui en se représentant se construisent.
6. Il a toujours existé un théâtre des ingénieurs
Les ingénieurs ont toujours eu un rapport fort
au théâtre, par la construction des bâtiments et
des machineries. De manière contemporaine on
peut saluer les dispositifs impressionnants de
Luca Ronconi, les premières utilisations systématiques du micro HF par Bob Wilson, la présence soutenue de films et vidéo dans de nombreux spectacles, le métissage des corps et des
technologies dans les productions de Robert
Lepage et les labyrinthes numériques du théâtre
interactif. Sans ingénieurs pour concevoir, réaliser et produire ces artifices, point de telles esthétiques.
47
parfaits dans son univers mécanisé. En outre dans
les mises en scène de Meyerhold le dispositif
scénique n’est plus un décor illustratif : c’est un
assemblage de plates-formes, roues et passerelles, voire de toboggans, de « machines à jouer »
qui donnent dynamisme au spectacle.
7. Même hors de ce courant historique du constructivisme, sans doute réducteur par le rabattement qu’il opère de l’esthétique sur le social,
on peut s’interroger sur les relations entre arts
et techniques.
Rappeler tout d’abord leur très longue proximité sémantique, puisque le latin ars a servi
d’équivalent au grec tekné, et que jusqu’au XIXe
siècle, art en français a le sens général de
« moyen, méthode, connaissance » dont on retrouve la trace actuellement dans les expressions
les règles de l’art ou les arts et métiers. C’est
l’époque romantique, sous l’influence de l’allemand, qui va transporter le terme d’art dans le
domaine de l’esthétique et distinguer l’artiste de
l’artisan. Quant à technique il garde de son sens
originel, « construire, fabriquer », la signification contemporaine de « manière précise de procéder en quelque domaine que ce soit ». C’est
l’acception que lui donne Marcel Mauss : « Nous
avons fait, et j’ai fait pendant plusieurs années
l’erreur fondamentale de ne considérer qu’il y a
technique que quand il y a instrument. » Il fallait revenir à des notions anciennes, aux données platoniciennes sur la tekné, comme Platon
parlait d’une technique de la musique, et en particulier de la danse, et étendre cette notion. Mauss
poursuit : « le premier et le plus naturel objet
technique et en même temps moyen technique
de l’homme, c’est son corps […]. Avant les techniques à instruments il y a l’ensemble des techniques du corps […]. Toutes ces techniques se
Un moment historique privilégié de cette
complémentarité, revendiquée et théorisée, est
bien sûr le constructivisme soviétique, tel qu’il
se définit dans les années 1920, puisqu’il est tout
à la fois un mouvement artistique d’avant-garde
et un courant productiviste voué à la transformation de la société. Il s’oppose à une conception classiquement marxiste de l’art comme reflet du réel et milite pour l’idée de construction
opposée à celle de composition.
Les artistes-constructeurs font des objets (tableaux, statues, poèmes, etc.). Ils perçoivent les
objets créés par les constructeurs techniciens (les
machines, les ponts, les paquebots) non seulement comme des objets proches, mais comme
des objets qui peuvent les aider sur la voie de la
mise en forme d’un nouveau style3.
Dans tous les cas il est manifeste qu’on trouve
au centre de ces réflexions et pratiques artistiques la figure magnifiée de l’ingénieur : « un
ingénieur vaut mieux que mille esthètes4 » ! On
rêvait même d’« ingénieurs du mode de vie »
capables de mettre en forme un quotidien scientifiquement organisé et de susciter la naissance
d’hommes nouveaux5. Dans les années vingt, la
scène apparaît comme le haut lieu de l’utopie
socialiste et le théâtre comme un laboratoire de
formes esthétiques et sociales, grâce à Meyerhold
et sa technique de la biomécanique. Cette pratique s’appuie sur tout un discours scientifique qui
déborde largement le cadre de l’efficacité théâtrale : l’acteur était un « automoteur », il se comportait comme un « laboratoire physico-chimique » dont il devait apprendre le fonctionnement.
La biomécanique pouvait ainsi devenir, aux
yeux de certains, une science auxiliaire dans l’enseignement du travail industriel en montrant au
prolétaire idéal comment accomplir des gestes
48
rangent très facilement dans un système de montages symboliques […] ce concours du corps et
des symboles moraux et intellectuels6. »
Prenant appui sur ce cousinage signifiant, on
est fondé à examiner les analogies entre conception d’un objet technologique et invention/création d’un spectacle de théâtre. On peut les faire
se rencontrer autour du terme, artefact défini
comme tout objet tangible ou symbolique non
« naturel ». Car, comme le dit Apollinaire, « le
théâtre n’est pas plus la vie qu’il interprète que
la roue n’est une jambe ».
Les ingénieurs donc produisent des artefacts,
des objets physiques, qui donnent une représentation du monde, comme le théâtre produit des
artefacts symboliques qui représentent l’univers
sensible des hommes. Dans les deux cas, une
démarche pragmatique, partant d’un projet et de
contraintes. À cet égard on peut signaler l’étymologie oubliée du terme projet, le « proujet »
en ancien français. C’était la reconnaissance
avancée d’une ville, l’une des attributions de l’ingénieur militaire. Celui donc qui sait prévoir et
organiser.
Le metteur en scène ne serait-il pas dans ce
voisinage avec la flèche dramaturgique qui soustend la visée de son spectacle et lui donne sa
cohérence ? Mais saisir le temps et l’espace, c’est
aussi être en amitié avec eux, de manière plastique et adaptable. À l’évidence cartésienne des
raisons et des causes préférer la pertinence du
moment opportun, et même la congruence au
sens de la philosophie chinoise, c’est-à-dire ce
qui convient parfaitement à une situation donnée : « la vérité du plateau », diraient d’aucuns.
Ces qualités de flexibilité, de souplesse et
d’adaptabilité, alliées à l’aisance, l’assurance, la
présence, la force de conviction que développe
chez nos étudiants la pratique du théâtre intéressent les responsables pédagogiques et les recruteurs qui sont à la recherche plus de personnalités que de banques de données humaines. C’était
déjà la perspective pédagogique des Jésuites pour
qui le théâtre était une médiation corporelle de
la connaissance. La pratique théâtrale engage
l’être profondément, car elle fait explorer à chacun son corps, ses émotions, ses relations à
autrui. Elle nous inscrit dans cette « corporéité »
de l’expérience et de la cognition que Francisco
Varela définit comme « englobant à la fois le
corps en tant que structure vécue, expérientielle,
et le corps en tant que contexte au milieu des
mécanismes cognitifs ». Cette démarche couplée
de la pensée et de l’action, pour laquelle il a forgé
le concept d’« enaction », c’est-à-dire une « action incarnée » manifeste que « les processus
sensoriels et moteurs, la perception et l’action
sont fondamentalement inséparables dans la cognition vécue7 ».
Certains étudiants ayant cette double expérience mettent leur savoir scientifique au service
de développements technologiques liés au théâtre. Ils ont ainsi réalisé un logiciel d’aide d’adaptation des décors aux salles de tournée. Nous
collaborons aussi avec l’une des plus importantes écoles de formation d’acteurs en France pour
la co-réalisation d’un diplôme de directeur technique de salles de spectacles.
8. Génie théâtral
Nous apercevons maintenant qu’une véritable convergence entre la formation d’ingénieur
et une dimension théâtrale pourrait alors s’interroger autour du terme générique de génie. qui
est caractéristique de la démarche de l’ingénieur.
Si nous nous plaçons en effet dans la perspective d’une épistémologie constructiviste qui
49
considère que la connaissance se construit en se
représentant, nous sommes au cœur de la problématique théâtrale. Lorsque Brecht analyse le
théâtre de « l’ère scientifique » en montrant qu’il
doit faire passer le spectateur de l’expérience
naturelle de ses « automatismes perceptifs » à
une « expérience réfléchie », il indique que la
représentation théâtrale construit en la montrant
une signification qui sollicite le sujet : le spectateur, mais bien évidemment les acteurs au premier chef8. Ne sommes-nous pas assez proches
de cette perspective beaucoup plus contemporaine ?
Cette inséparabilité de la connaissance et de
la représentation entendues dans leur
distinguable activité, l’expérience intentionnelle
du sujet connaissant et la construction tâtonnante
du sujet représentant la connaissance, constituent
sans doute l’hypothèse fondatrice forte sur laquelle se définissent aujourd’hui les connaissances enseignables, scientifiques et communes que
légitiment les épistémologies constructivistes9.
Pourrait-on alors parler de génie théâtral
comme on parle de génie mécanique ou énergétique ou génétique et proposer l’équation suivante : « génie = conception + mise en œuvre
d’artefacts + ces productions elles-mêmes » ?
On trouve déjà dans certains départements
universitaires de théâtre une appellation assez
surprenante, « sciences et technologies des arts »,
proche de cette conception10. De même qu’apparaissent au Canada sur les affiches de spectacles les « concepteurs », c’est-à-dire les créateurs
de la scénographie, des lumières, son et costumes.
Le français, avec le double sens du mot « génie », garde par cette homonymie la proximité
étymologique des termes latins « genius » et
« ingenium », là où l’anglais par exemple distingue « genius » de « engineering ». Le premier
qui signifie une aptitude particulière de l’esprit
va désigner, par métonymie, un homme supérieur, alors que le second appartient au domaine
de l’ingénieur. Mais la « recette » du génie semble aussi inexplicable dans certaines réussites
techniques qu’elle l’est dans des chefs-d’œuvre
de l’art. Comment a-t-il fait ? comment a-t-il
trouvé cela ? Enigme… « Serendipity… » D’où
surgit une interrogation sur « les règles de l’art ».
Si, comme l’écrit Kant, « le génie donne ses règles à l’art », on pourrait essayer de définir ainsi
les caractéristiques communes au génie technique et artistique :
1) le génie est un talent ; l’originalité doit être
sa première propriété ;
2) les produits du génie doivent être en même
temps des modèles, c’est-à-dire être exemplaires (sans avoir été eux-mêmes engendrés par
imitation, ils doivent toutefois servir aux autres
de mesure ou de règle de jugement) ;
3) le génie ne peut décrire lui-même comment
il produit : il ne sait pas comment se trouvent en
lui les idées qui se rapportent à son art11.
Ainsi, puisqu’on a pu définir le génie comme
une entreprise de conception des possibles, pourrait-on forger le concept et le terme de « génie
théâtral » ? Il résiderait sans doute dans la conception et la mise en œuvre d’une conduite de
spectacle, avec ses mots, ses corps, ses lumières, son espace, ses musiques, qu’un metteur en
scène élabore et aboutit, en mettant en résonnance les talents et les techniques de tous ses
collaborateurs et interprètes.
Jouer, sentir, comprendre, inventer, créer,
construire, concevoir et apprendre, ce n’est pas
un fourre-tout paresseux ou un amalgame hâtif
50
Notes
qui rassemble ces dimensions de l’être humain.
On peut y voir une ambition formatrice pour des
étudiants qui auront à devenir des acteurs polymorphes de la société technologique.
Finalement pourquoi faire pratiquer le théâtre à de futurs ingénieurs ? Dans les sociétés
contemporaines en crise, on aperçoit que le modèle du travail, présenté uniquement comme
transformation des choses et non des personnes,
touche ses limites. On voit aussi que l’innovation technologique n’entraîne pas forcément le
progrès économique qui à son tour n’est pas le
vecteur assuré d’un mieux-être social, politique,
mental ou moral. On en verrait à l’heure actuelle
plutôt des contre-exemples nombreux et dramatiques. Peut-être faut-il alors chercher ailleurs
un développement qui ne se confondrait pas avec
la croissance cumulative des objets.
Chez nos étudiants la pratique du théâtre entraîne des processus de transformation réciproque d’expérience en connaissance, des métamorphoses personnelles parfois spectaculaires. Elle
leur apprend un rapport à une œuvre, à une entreprise commune et partagée, à travers laquelle
la transformation des choses ou des données n’a
de sens que s’accompagnant de la transformation de soi-même.
Ce sont, au sens propre, des prises de conscience.
1
Ch. Snow. Conférence de Cambridge, 1959
2
Daniel Arasse, Léonard de Vinci, Hazan, 1997
pp.10 et 62.
3
I. Ehrenbourg essai de 1922 intitulé « Et pourtant elle tourne ! ».
4
Cité par Christine Hamon-Sirejols, Le Constructivisme au théâtre. CNRS, 1991, p. 79.
5
« Le L.E.F se battra pour un art-construction
de la vie », L.E.F n°1., mars 1923.
6
Marcel Mauss, Sociologie et anthropologie,
PUF, 1950. pp. 371-2.
7
F. Varela, L’Inscription corporelle de l’esprit,
Seuil, 1993, p. 318.
8
B. Brecht, L’Achat du cuivre, L’Arche, pp. 5360.
9
J.-L. Le Moigne, Les Epistémologies constructivistes, PUF, 1999, p.20.
10
Université Paris 8, à Saint-Denis, UFR
d’« esthétique, sciences et technologies des
arts ».
11
Voir l’article de Jean Attali, « Peut-on jeter un
pont entre génie artistique et génie technique ? »,
Séminaire de didactique des disciplines technologiques, Cachan 1995-96.
51
The Golden Triangle : Empowerment and
Ownership in Theatre Studies
DAVID JONES
life and work? This involves taking a culturally
democratic stance and I agree with John Phillips
when he says :
There is no kind of pure aesthetics that
can only be understood by an élite. Culture is everything, everyone has culture.
Yet our word for culture is only for the
2
‘cultured’ .
Let me say at the outset that although I am
concerned with the interrelationship of theatre and
community, I denigrate neither the Conservatoire
training of performers nor the pure study of theatre per se. My concern is to re-value within the
academy the idea of the theatre worker—the person who appreciates that the cultural project for
which they are training is in equal measure artistic/theatrical and sociocultural. I am interested in
the strategies we adopt to enable our students to
find their voice and to discover the places to express that voice.
The process of theatre making is encoded with
the comprehensions and values of the society in
which it is created. The resultant piece of theatre
presents a picture of the world—but whose world?
If the theatre makers are not in some way representative of the breadth of society but, rather, stand
for a cultural élite then the theatre piece will have
little relevance for the majority. Consumers of the
Paulo Freire said that ‘education is cultural action for freedom and therefore an act of knowing
and not of memorisation1’. The kind of knowing
which interests me has, therefore, to do with experiential learning and its outcomes rather than
with the virtue of amassing propositional
knowledge. My argument centres on Beardsley’s
concept of aesthetic justice and its relationship to
the student experience. The idea of aesthetic justice which describes the degree of cultural participation of different groups in a society serves
only to identify its polar opposite. The picture
which it reveals is of an aesthetically unjust society in which the lives, worlds, values and comprehensions of many social groups are culturally
invisible.
My frame of reference is university performing arts departments and the equity is promotes
is, therefore, cultural but the emphasis is firmly
on empowerment—on taking action for change
rather than replicating existing structures. I am
going to use some of my research into the community play and, in particular, the concept of communal theatre making as a paradigm which I hope
will illuminate the debate about the nature of the
student experience. The question I want to try and
address is : how can we best enable performing
arts students to promote aesthetic justice in their
52
piece will see in it a world picture which does not
correspond to their comprehension of the world,
but which presents them with distorted meanings.
These distortions deny full cultural participation.
In the early 1970s the American philosopher,
Monroe Beardsley, framed a theory of aesthetic
justice. This theoretical philosophy of the arts can
form the foundation of an examination of the aesthetic circumstances of ordinary people. Beardsley
talks of aesthetic wealth, aesthetic value and aesthetic welfare and proposes that the ‘totality of
aesthetically valuable objects is the aesthetic
wealth of a society3’. He invokes the notion of
empowerment when he identifies the general potential of aesthetic wealth to shape aesthetic circumstances by suggesting that ‘wealth is a potentiality; welfare is its actualization4’. The concept
of aesthetic welfare provides a means of measuring the level of aesthetic justice of a society and
can be framed by reference to notions which have
become known as ‘access’ and ‘participation’. The
underlying questions are those of the mechanics
of providing everyone in our societies with the
opportunity to benefit from the total aesthetic
wealth of that society and, therefore, to share in
its cultural capital. These mechanics are the cornerstone of aesthetic justice.
In Theatre of the Oppressed Augusto Boal
gives an aesthetic dimension to traditional ideas
of justice. He indicates that understanding based
on Greek systems use perceived reality as their
starting point and do not ‘consider the possibility
of transforming the already existing inequalities5’.
This idea of transformation is powerful for our
students. According to Su Braden,
In the nineteenth century Marx and
Engels sought to define the authentic
portrayal of reality in art and stated that
it was only by meeting the real observations of the public that artists could raise
6
the perceptual consciousness of society .
Raising the perceptual consciousness of society is plainly our business, but I am keen to pursue the Marxist idea of ‘the real observations of
the public’. How do we assist our students to engage in the identification of these perceptions of
reality—these pictures of the world? We are asking our young theatre workers to balance their
professional training with their own ordinariness—their own membership of the public sphere;
to find mechanisms for counteracting the aesthetic
injustice which denies the cultural participation
of the many. To promote equality, to be, at one
and the same time, ‘cultured’ and ‘uncultured’ in
order to ensure, as Raymond Williams has it, that
‘culture is ordinary—not just for Lord and Lady
Mink’. Boal concludes that justice derived from
traditional understandings will always be proportional rather than equal and that, for good citizens, ‘happiness consists in obeying the laws7’.
Systems based on these types of compliance work
counter to Beardsley’s idea of aesthetic welfare.
These are the principles of aesthetic equity : the
principles which we need to incorporate into our
working relationships and teaching programmes.
I am arguing both for aesthetic justice for our students and for their future working communities.
The heart of this debate lies in the different
agendas which inform performance activity in its
various contexts and in the separation of presentation from participation. We can be singlemindedly product-focused and train performers,
directors, designers and technicians to operate as
practitioners exclusively in the realm of presentation—for there must be circuses and people must
be amused. We can be determinedly academic and
53
train our students to be clones of ourselves in our
research-driven Gradgrindian Coketown.
Both of these areas of endeavour are necessary in university performing arts departments.
Necessary but not sufficient, because I believe that
we focus on these approaches to the potential detriment of a wider vision. The agenda for performance is clear; it deals with technical ability, professional experience and, to a certain extent, acceptance of the status quo of the world of performance—a hierarchy which is often headed by the
director and producer and which leaves the performer in a fairly lowly position. Often not one in
which the performer can voice any critique developed in training. The agenda for theatre and
community is a blend of the social and the
performative which balances participatory activities such as workshop leading, devising and group
skills with equality of opportunity, ownership,
race, gender and, most importantly, class. This
balance can be used to counteract aesthetic injustice.
The presentation of performance symbolizes
meaning. Participatory theatre focuses on the collaborative construction of meaning prior to the
consideration of an appropriate theatrical symbol
for that meaning. A symbol which may well be
provocative and combative—which will argue for
change. The opposition of presentation with participation is, to a certain extent, the opposition
between product and process and, importantly, an
example of passivity (watching the presentation
of a product) versus action (participating in the
process of theatre making).
In the cultural laboratory which university performing arts departments represent we centre our
pedagogy, not on these two points in opposition
but, on a golden triangle—making theatre, re-
searching theatre and teaching theatre. Our academic structures (principally course work and
examination) often make separations between the
three points of the triangle; indeed we make separations between the laboratory itself and the socalled ‘real world’ of professional practice. This
implied separation of the academy from the profession means that we conceive of our students
as, in some sense, ‘training’ for ‘real life’ outside
the university. It is founded on the notion that
universities in general somehow stand separate
from the world, observing and commenting. I am
arguing that the line which separates the inside,
the safe world (where we train) from the outside,
the unsafe world (for which we need training) also
divides the golden triangle by putting teaching and
researching inside and leaving making outside
thus forcing us to find ways of making connections.
We are very good at making these connections
and there are many examples which range from
lecture/demonstrations through residencies to
teaching projects but, because they are founded
on the idea of inside versus outside, they tend only
to be able to effect change in a gradualist as opposed to a radical way. From my point of view
this is problematic because whatever form our
connection making takes it remains as aspect of
the democratization of culture rather than a step
towards cultural democracy. If we merely assist
in the democratization of culture our focus will,
inevitably, centre on the idea of access—of learning about existing art products and we will fall
prey to a kind of liberal aesthetic Utopianism
which is predicated on the idea of the canon : the
idea that something called ‘the best of the arts’
actually exists and can be quantified in some
Leavisite fashion. We would be in danger of
54
types of empowerment, but also as a model for
communal theatre practices in universities. The
concept of communal theatre offers a means of
clarifying the differences between participation
and collaboration in the making of community
theatre. I am arguing that where community theatre is participatory, community plays which
extend this participation and promote aesthetic
justice by using collaborative methods are making theatre communally. Interviews with participants in the 1995 Bridlington Town community
play, Come Hell or High Water, indicated the
replacement of simple participation with the development of a strong sense of collaboration in
the process. One of the participants said : ‘It’s
our environment’s history being put in to a
play… But with their skills we’ve moulded it
into an art. Its a shared experience9’.
The difference between participation and collaboration in community theatre is marked by the
concept of ownership—the degree of ‘shared experience’. Participation comes from the idea of
‘taking part’ whereas collaboration is rooted in
the idea of ‘working together’. There is considerable difference, from the point of view of the
amateur, between taking part in a professionally
organized community theatre project and working in conjunction with others, both amateur and
professional, in the creation of an artistic event.
The differences have to do with:
• the level of democracy of planning and organization,
• the hierarchies of relationships within the
project,
• the perceived ability of the participants to
influence the direction of the project, and
• the skill of the arts workers in de-mystifying their profession.
colluding in the creation of a kind of aesthetic
welfare state and of prescribing cultural benefits
for the masses. These benefits would centre on
externally directed cultural consumption and only
offer what Owen Kelly calls ‘secondary understandings’, that is, knowledge and information
which is derived from the investigation of existing arts products. However, if we take a culturally democratic approach and move away from
the idea of access towards the idea of participation we can enable the development of ‘primary
understandings’; that is, knowledge and information which can only arise from participatory arts
activity. The debate is not about the merit, or otherwise, of studying existing theatre but about what
Kelly calls ‘the dubious assumption that this could,
on its own, form a substitute for direct participation in the production of a living culture8’. We
need strategies which enable our students to have
this direct participation and empower them to
enable others to do the same.
The term ‘empowerment’ is, to a certain extent, problematic. As it has become less acceptable to use the term ‘political’ so the notion of a
more general empowerment has found favour but
it raises a number of questions about the ethics of
the enabling process, and whether professional
theatre workers are, indeed, able to ‘empower’
amateur participants without condescension. But
if the term is viewed as an aspect of cultural participation, then the debate begins to centre around
three key areas of empowerment :
• as a self-development process for the participant,
• to develop specific theatre skills,
• to promote social action.
I want to use the process of community
playmaking as an example, not only of these
55
ing about popular theatre, theatre for the masses,
means refusing to have our plays organized by
public institutions11’.
These developments in the name of cultural
education and empowerment have taken a number of forms which have been represented by Baz
Kershaw12 with this grid:
Making
Taking
theatre <—————————> theatre
for
to
Making
Mounting
theatre <—————————> theatre
with
in
Communal theatre sits squarely in the ‘making theatre with’ box. My example is taken from
the Belgrade Theatre, Coventry’s 1992 community play Diamonds in the Dust which was devised in partnership with a large community
group. The event was both representative and inclusive of its audience/community and it was developed with a strong sense of shared ownership.
Now, there may always be a point, close to the
performance, at which devised work will be
‘handed over’ to a director and this may be done
willingly, and with the agreement of the participants, but it can produce tensions. This was illustrated at the Belgrade by a debate over the choice
of title. There was, as one participant said, ‘a bit
of a shemozzle about the title’ which centred on
the difference between the words ‘dark’ and ‘dust’.
Many participants felt that the title Diamonds in
the Dust gave the wrong message about them as
people, about their situation and about the perceived industrial grime of Coventry, whereas Diamonds in the Dark seemed to them to be redolent
of community opportunity. One participant said:
It upset a lot of people… we had a meeting, we argued about it, we came to a
An examination of these factors allows any community theatre project to be placed on a continuum of ownership and part of the ownership
issue consists in setting up the circumstances in
which the very existence of this particular continuum can be discovered, presented and discussed by all participants. There is, I believe, a
direct parallel with practical work in university
theatre departments.
Community playmakers seek to present a view
of the world as being in flux rather than immutable and, as such, can be seen to be descended in
a direct line through Boal from Brecht. As Boal
says:
All these experiments of a people’s theatre have the same objective—the liberation of the spectator, on whom the
theatre has imposed finished visions of
10
the world .
Brecht moved the aesthetic space from the
stage area, hitherto sacrosanct for the actors, out
into the auditorium. In Boalian practice the aesthetic space becomes the interface between actor
and spectator. Grappling with the same issues,
community playmakers use devising techniques
and theatrical conventions which extend Brecht’s
theory, or take it back, in some respects, to
Reinhardt, and abolish the divisions of the aesthetic space allowing actor and spectator to
mingle. They also have the opportunity to use
Boal’s methods to construct a performance which
is of, by and for, its community, thus making the
aesthetic space and the communal space congruent.
Community playmakers are part of an empowering tradition of proletarian theatre which seeks
to share the control both of process and product
with the participants. According to Dario Fo, ‘talk56
decision and the next week it was announced that the title was this.
Another said:
At the time I said that I liked the title but
I did think it was rather high-handed the
way they overturned the decision made
13
by the committee that discussed it .
This debate focused attention on the key areas
of empowerment in the project as a whole. It represented a blow to the democratic process by
making apparent the previously hidden existence
of a hierarchy which gave more power to the professional workers. The participants who expressed
concern about the choice of title did so in ways
which indicated that they felt they had lost a previously perceived power to influence the whole
direction of the project. The three key factors of
democracy, hierarchy and influence over direction, compromised the paid workers who, by failing to exercise their enabling skills in this particular respect, effectively moved the whole
project away from collaboration and back towards
participation. Community theatre workers need
to be as skilled at dealing with people as they are
with their professional specialism.
In applying the principles of communal theatre making to university performing arts departments we need to redefine the tutor/student relationship. This will force a re-examination of our
teaching and learning strategies especially if we
measure our work by the yardstick of Kelly’s ‘direct participation in living culture’. We need to
grapple with the results of analysing our courses
from the perspective of student ownership of the
means of production. How would this affect:
• the level of democracy of planning and organization,
•
the hierarchy of relationships within the
course,
• the perceived ability of the students to influence the direction of the course,
• our skill in de-mystifying our profession?
In a sense I am arguing for a congruence of the
aesthetic space, the communal space and the
academic space which will empower our students
by democratizing control, and therefore ownership, of the process. What distinguishes this approach to cultural participation is the importance
it places on the primacy of the voice of the student and a shared approach to constructing the
framework of the course as a whole. Student
evaluations and peer assessments may be valuable components of this, but I also believe that
we need to ensure that we teach alongside theatre other disciplines which affect the production and reception of performance: history, philosophy, politics, sociology. The responsibility
of university performing arts departments is to
appraise the relationship between art and society in order to contribute to the moving of the
dividing line between the inside and the outside.
I have focused on community theatre but there
seems to me to be no reason why communal theatre principles should not apply either to
Conservatoire training or to the pure study of theatre, if the aim is to make transparent the ownership of the means of production with a view to
altering the status quo. I want our students to find
their voices, to criticize and then to take social
action—to make changes and to act as the cultural shock troops of the next millennium.
I have tried to draw a parallel between the
working practices of participatory community
theatre and those of university performing arts
departments, a parallel which centres on the idea
57
It seems to me, from the perspective of the
United Kingdom, that this conference is timely
(June 1997). There is a new spirit abroad in British politics—a spirit which fits these sentiments
well. The new Secretary of State for National
Heritage, Chris Smith, addressing the Royal Academy on 22 May gave a clear indication of the
importance of access and participation to the new
government. He talked about his fundamental
belief ‘that the individual citizen achieves his or
her true potential within the context of a strong
community’, and he added: ‘It is culture in its
widest meaning that gives us our sense of identity […] it enables us to understand and articulate
our experiences, our values and traditions.’
Smith’s cardinal principles seem to me to accord
well with the approach I am advocating. He said:
Cultural activity is not some élitist exercise that takes place in reverential
temples aimed at the predilections of the
cognoscenti. The opportunity to create
must be fostered for all… There can be
no artificial boundaries erected to prevent or discourage access to those experiences.
of negotiated, collaborative decision making. This
idea values process and, therefore, brings art making out of the realm of the élite and into the common arena.
John Berger, in Art and Revolution, talks about
the production of art in Soviet society as seeming
mysterious and remote because works of art reach
the public as ‘something already finished, as a
fait accompli… as something given instead of
arrived at’. Taking the artistic process for granted
means that it will always be exterior. He goes on
to say that:
It is no more than the supplied vehicle
in which experience is placed so that it
may arrive safely at a kind of cultural
terminus. Just as academicism reduces
the process of art to an apparatus for the
artist, it reduces it to a vehicle for the
spectator. There is absolutely no dialec14
tic between experience and expression .
Communal theatre making reveals this dialectic. Instead of ensuring that our students move
endlessly around the golden triangle of making,
researching and teaching, this focus puts the student into the centre of the triangle, able to call on
each of its points as appropriate and, more importantly, using the three points of the triangle as equal
bases, to cross the line which separates the inside
from the outside and to rise up from the centre,
turning the triangle into a pyramid. Rising from
these three bases our students will move away
from the question, ‘what is theatre?’, and start to
engage with the question, ‘what is theatre for?’
The triangle as base represents the artistic/theatrical project and, through developing collaborative, communal theatre practices, they will rise
into the sociocultural project.
Notes
1
Paulo Freire, Cultural Action for Freedom (Penguin, 1972), p.13.
2
John Phillips, in Su Braden, Artists and People
(London: Routledge, 1978), p.163.
3
Monroe Beardsley, ‘Aesthetic Welfare, Aesthetic
Justice and Educational Policy’, Journal of Aesthetic Education, Vol. 7, Part 4, 1973, p. 50.
4
5
Ibid., p. 51.
Augusto Boal, Theatre of the Oppressed (London: Pluto Press, 1979), p. 23.
58
6
Su Braden, Artists and People, p. 128.
7
Boal, op. cit., p. 24.
8
Owen Kelly, Community, Art and the State:
Storming the Citadels (London: Comedia, 1984),
p. 100.
9
David Jones, ‘Two Cultures?’, Mailout, August/
September issue 1995, p. 13. The participant is
referring to the play’s organizers in general,
Remould Theatre Company.
10
Boal, op. cit., p. 155.
11
Dario Fo, ‘Some Aspects of Popular Theatre’
New Theatre Quarterly, Vol. 1, No. 2, 1985.
12
Baz Kershaw, The Politics of Performance
(London: Routledge, 1992), p. 244.
13
David Jones, Aesthetic Justice and Communal Theatre, Ph.D. thesis: University of Warwick,
1996.
14
John Berger, Art and Revolution (London:
Penguin, 1969), p.63.
59
La Investigación Teatral en la Universidad
MARÍA ELSA CHAPATO
relación entre la práctica teatral y la investigación se encuentra ‘en un lamentable estado de
confusión’.
Aclarar algunos aspectos y dimensiones de
análisis involucrados en el problema puede contribuir a bosquejar algunas líneas directrices para
articular la práctica artística y la investigación
teatrológica en las universidades, las que a mi
juicio se han mantenido relativamente separadas hasta el presente.
Partimos de considerar que toda forma de
producción de conocimiento debe ser entendida
en el contexto en que se produce y, particularmente, en relación con las condiciones objetivas y subjetivas que intervienen tanto en la definición de su posibilidad, como en la conformación de representaciones sobre los actores que
las realizan, su propia naturaleza y valoración.
En este sentido las prácticas artísticas e
investigativas suelen pertenecer a diferentes contextos de producción y legitimación. Es el carácter universitario que las reúne en un mismo
espacio el que problematiza su relación.
Es a partir de este supuesto que quisiera analizar tres tipos de cuestiones que entiendo convergen en la situación, dándole carácter problemático:
Voy a ocuparme en esta exposición de un tipo
de actividad que viene preocupando a quienes
integramos instituciones educativas teatrales en
ámbitos universitarios. Tal es la investigación
teatral, sus posibilidades de desarrollo y los obstáculos que se nos presentan para conformar una
práctica sujeta a condiciones de coherencia y
continuidad.
La investigación teatral se plantea como un
espacio conflictivo en el que emergen y se
entrecruzan intereses, objetivos, argumentaciones y fuerzas diferentes que afectan tanto los
avances teóricos como a la misma práctica teatral.
Si bien la aproximación al problema que hoy
comparto con ustedes debe ser entendida en función de las características del contexto universitario específico al que pertenezco, en el que funcionan determinadas regulaciones sobre las actividades de investigación, diversos artículos y
actas de congresos internacionales publicados
recientemente parecen indicar que la temática
excede un marco territorial determinado, constituyendo una problemática central para la consolidación de nuestro campo profesional.
Podríamos decir, coincidiendo con los conceptos expresados por nuestro colega Luis
Thenon en un artículo publicado en 1996, que la
60
las modalidades de gestión, en la distribución
presupuestaria y en la valoración de las producciones que genera cada sector. Es decir, la actividad científica universitaria instala en la universidad un tipo de tradición que suele contraponerse con aquellas propias de las actividades
artísticas.
En Argentina, particularmente, las carreras
artísticas en la universidad son escasas y si bien
tienen alguna trayectoria, pocas veces han encaminado sus políticas académicas a sistematizar
el conocimiento sobre la práctica de producción
artística y en muchos casos se han mantenido
apartadas del sistema científico. Los esfuerzos
realizados en los últimos años por participar de
los circuitos de investigación han puesto en evidencia el conjunto de cuestiones a los que me
estoy refiriendo. Se trata de la creación de distintos organismos de investigación teatral, de la
conformación de los equipos docentes dedicados a esta tarea en relación directa con la creación artística y a los criterios a partir de los cuales obtienen financiamiento institucional y es
evaluada su producción.
En este marco, las tareas de investigación teatral y sus supuestos implícitos parecen enfrentarse con las lógicas dominantes en la investigación científica, las que generalmente proceden
de las ciencias duras. Es frecuente que en estos
contextos se asocie la investigación al paradigma positivista y que sean los propios investigadores quienes desde esta concepción nieguen la
posibilidad de construcción de un conocimiento
vigoroso de nuestros objetos de estudio. A ello
se suma, reforzando este presupuesto, la propia
actitud intelectual de nuestros teatristas.
La cuestión se encuentra planteada en términos de oposición de dos racionalidades, a mi
•
la tensión existente entre la racionalidad
que guía a la actividad científica universitaria y aquella que viene caracterizando al
campo de la producción artística,
• las relaciones que se establecen entre teoría y práctica en el campo teatral,
• la confrontación entre abordajes
reduccionistas y un enfoque epistemológico del Teatro como objeto de conocimiento complejo.
El análisis que proponemos no agotará, seguramente, la totalidad de cuestiones que podrían
incluirse, pero puede contribuir a dar algún orden a la reflexión y generar algunos interrogantes
para revisar nuestras prácticas y, quizás, a que
nos propongamos algunos algunos objetivos
comunes de trabajo.
Racionalidad científica vs.
racionalidad artística
Como punto de partida debemos considerar que
la investigación constituye una de las actividades
caracterizantes de la universidad como espacio
institucional, que legitima su existencia por el
análisis, sistematización, crítica y generación de
nuevo conocimiento. Sus otras funciones,
enseñanza y extensión, se articulan con la primera y cobran sentido en tanto son capaces de
recoger y transferir el conocimiento generado en
sus ámbitos al conjunto de la sociedad, con ella
y a su servicio. De hecho, el prestigio de las
universidades suele estar fuertemente asociado
a la transcendencia académica de sus
investigadores y sus contribuciones a campos
especializados del saber.
En este sentido, la preeminencia de los sectores científicos de la institución universitaria
parece instalar unas lógicas que influyen en los
criterios organizadores de la propia actividad, en
61
entender, falsamente contrapuestas. Del lado de
los investigadores especialistas en otros campos
se sostienen como intereses predominantes la
sistematización de enunciados discursivos sobre
objetos y problemas definidos en campos delimitados, sustentados en corpus de conocimiento previos consensuados por la comunidad científica de pertenencia. La producción de nuevos
conocimientos (discursivos) se orienta a la producción de regularidades significativas a las que
se exige ciertas condiciones de comunicabilidad
general que permita su circulación en la comunidad científica. Esta última ejerce funciones de
regulación y control, a través de la generación
de normas que establecen condiciones para la
realización de las actividades de investigación y
validan los hallazgos y aportes al conocimiento,
por medio del juicio de los pares, comisiones
evaluadoras y referatos.
En contraposición a esta dinámica y sus criterios de base, podemos encontrar que la lógica
predominante entre los artistas del teatro, aún
dentro del ámbito universitario, suele sostenerse en supuestos referidos a la singularidad de la
obra, a la que se atribuyen procesos creativos
idiosincrásicos, cualidades estéticas particulares,
y cuya comunicación se produce en el encuentro entre artistas y espectadores. Complementariamente se sostiene la inefabilidad de la experiencia estética y la autonomía relativa del artista o, como mucho, la adhesión a movimientos
estéticos no regulados. Es más, en numerosas
oportunidades se sospecha que todo esfuerzo de
sistematización de las prácticas de producción
artística o de enunciación teórica van en contra
de la calidad de la experiencia estética y de la
creatividad del artista.
No es extraño ver que las mayores sistematizaciones respecto del teatro como objeto de
conocimiento estén vinculadas a otros campos
del saber, tales como los estudios literarios o la
historia del arte o la semiótica. Es precisamente
así por la distinta procedencia disciplinaria de
los estudiosos de estos campos, que tienen una
larga trayectoria en la investigación.
Los artistas teatrales, en cambio, cuentan con
escasos antecedentes en la elaboración de cuerpos de conocimientos agregados a las propias
producciones, conocimiento que ellas mismas
permiten construir con el mismo rigor que cualquier otro campo del saber en el que esté implicado un conjunto de acciones prácticas. La relación entre la producción de hechos artísticos y
la producción de conocimiento sobre esa práctica aparece escindida y esto constituye otra de
las fuentes problemáticas de la situación.
Los conceptos de teoría y de práctica
en el campo teatral
La mayor parte de los estudios procedentes de
otros campos disciplinares han abordado
distintas dimensiones del hecho teatral, pero han
eludido el abordaje de la práctica de la
producción y creación artística en sus
intimidades metodológicas. Paralelamente sólo
escasos artistas han elaborado materiales que den
cuenta de los procesos y procedimientos
adoptados para la producción. Estos materiales
suelen adoptar la forma de métodos o manuales,
cuentan con fuertes adhesiones entre sus
seguidores y pocas veces permiten inferir los
fundamentos teóricos de las propuestas o las
definiciones conceptuales en que se basan. Los
cuerpos de conocimientos generados así por unos
y otros suelen no reconocerse mutuamente, por
lo cual la completa e integral comprensión del
62
Teatro como fenómeno artístico y cultural
complejo se ve fuertemente disminuida.
Una de las principales consecuencias de este
estado de situación es la propia debilidad de los
sistemas conceptuales con que contamos para
definir, analizar y comprender las formas teatrales, los modos de representación y los procedimientos involucrados en las prácticas. Se deriva
de esta debilidad la confusión acerca de los alcances de los términos y conceptos con que nos
referimos a distintos aspectos y factores
intervinientes en la actividad teatral y la supuesta oposición entre escuelas o líneas de pensamiento y sus enfoques metodológicos.
Este estado del campo, que podríamos caracterizar como preparadigmático, es sumamente
rico por su heterogeneidad, pero al mismo tiempo limita las posibilidades de generar acuerdos
básicos a partir de los cuales construir un marco
conceptual capaz de ordenar los interrogantes y
los modos de validación del conocimiento.
ción escénica, la creación colectiva o la dirección de escena. Cada uno de estos valiosos aportes parece desconocer al resto o suponer que el
aspecto analizado es capaz de dar cuenta de la
totalidad del objeto.
Estas versiones fragmentarias refuerzan la
separación entre teoría y práctica teatral, como
si se refirieran a objetos diferentes. El posicionamiento de quienes participan de uno u otro tipo
de práctica constituye un fuerte obstáculo para
abordar el Teatro como un objeto de conocimiento y una práctica social multidimensional y compleja.
Situarse en un modelo de análisis comprensivo, que lo aborde como totalidad inteligible,
requiere una reconceptualización del objeto Teatro, que alcance a mostrar las múltiples relaciones que se establecen entre los elementos que
participan de su construcción, su densidad
sígnica, los procesos psicológicos, cognitivos,
sociales e ideológicos comprometidos en la elaboración de los productos artísticos así como de
los factores y dinámicas en las que se inscribe
tanto la creación como la recepción de espectáculos.
Versiones reduccionistas vs. modelo
complejo de definición del objeto
El tercer aspecto que quisiera analizar parece
desprenderse de los anteriores, pero a mi
entender constituye la base y origen del problema
por el cual vemos limitada la investigación
teatral. Los emprendimientos que han dado
origen a distintos estudios sistemáticos sobre
problemáticas teatrales han venido abordando
aspectos relevantes de la actividad, pero lo han
hecho sobre una visión fragmentaria del objeto.
Tenemos así una larga tradición en el análisis
de los textos teatrales, de las etapas históricas
del teatro, de los movimientos estéticos, sistemas y escuelas, estudios sobre la circulación y
recepción de los espectáculos y manuales y métodos sobre la formación del actor, la produc-
La reconceptualización del teatro
como guía de la investigación
El panorama que venimos describiendo en sus
rasgos generales exige nuevas bases de
legitimidad, nuevos argumentos a partir de los
cuales sustentar nuestras prácticas de
investigación al interior de las instituciones
universitarias. Se trata de recuperar las porciones
de conocimiento elaborado a partir de preguntas
parciales sobre partes del fenómeno para
construir el mapa total de la actividad. Se hace
necesaria una revisión abarcadora de los
abordajes parcializados que se disponen sobre
63
el campo teatral, de manera de alcanzar algún
grado de concurrencia epistémica que permita
reintegrar la complejidad y la dinámica que lo
caracteriza.
Los fenómenos teatrales, concebidos como
sistemas complejos, permiten posibilidades de
análisis diversos, a distintos niveles y desde distintos anclajes disciplinarios. Reconocen también
la necesidad de incorporar los conocimientos
desarrollados por otras disciplinas científicas y
los recursos metodológicos que probadamente
permiten la indagación conceptual y práctica.
Sobre ellos debe ejercerse una vigilancia
epistémica que nos permita reconocer la continuidad de nuestros interrogantes y la permanencia de nuestras preocupaciones y valoraciones
intelectuales.
La investigación generada y dirigida por estos interrogantes constituirá el medio y la condición para la construcción de un sistema teórico comprensivo del arte teatral. Ello no es obstáculo para que podamos continuar desarrollando investigaciones de distinta naturaleza, mientras se mantenga presente una representación
totalizadora del campo. Así, hace falta un esfuerzo continuado de investigación teórica, destinada a la construcción y discusión de marcos conceptuales que permitan definir los objetos, conceptos y procedimientos propios, ejerciendo el
control de la coherencia interna de los modelos
o concepciones interpretativos que tienen o tuvieron vigencia en la explicación de la actividad.
Simultánea y articulada con la anterior es preciso desarrollar la investigación práctica, referida al hacer y cuyo objetivo es transparentar los
objetos y situaciones sobre los que se pretende
intervenir, a los que se busca dar solución, es
decir una indagación destinada a contribuir en
la comprensión y orientación de proyectos de
acción.
Considerando a la práctica artística en estos
términos, la investigación debe permitir bucear
y elucidar los procesos de producción, reconocer los procedimientos que conducen a determinados resultados, registrar las decisiones y sus
efectos en la obra artística, en última instancia
narrar el proceso de creación. En tal caso, la investigación está dirigida a profundizar el conocimiento de las búsquedas y hallazgos de los artistas en cuanto a los códigos específicos del sistema de representación por los cuales construyen sus creaciones y sobre los procedimientos,
modos y medios que le otorgan valor estético.
Me refiero a la necesidad de conceptualizar la
práctica, de reflexionar desde la práctica y sobre
la práctica, de manera que resulte posible la organización de un discurso que comente, comunique y facilite el análisis crítico sobre los procesos de creación artística.
Las actividades que puedan desarrollarse en
esta dirección permitirán reconciliar la fractura
entre los estudios teóricos sobre el teatro y el
“saber hacer” propio de los teatristas. Esta no es
sólo una reconciliación de campos o de comunidades especializadas, sino el claro reconocimiento de la doble y articulada condición del hecho
teatral mismo. Implica reconocer que todo hacer, toda práctica, supone aunque sea implícitamente una dimensión teórica, y que ésta recíprocamente remite y se dirige a una acción práctica.
Por cierto que para lograr este reconocimiento y ahondar estas posibilidades debemos enfrentar el duro trance de revisar nuestras lógicas profesionales, rechazar el inmediatismo y procurar
64
la eliminación de las subvaloraciones atribuidas
mutuamente entre quienes hasta ahora se han
dedicado preferentemente a la teoría o a la práctica. En lo que nos atañe como universitarios y
docentes teatrales, estas consideraciones tienen
consecuencias pedagógicas relevantes. Los procesos formativos de profesionales del teatro que
pretendan superar las contradicciones y antagonismos que hemos descripto, se expresarán en
modalidades de enseñanza que contemplen:
• el abordaje interdisciplinar de los hechos
teatrales y de los procesos de producción
artística,
• la elaboración de dispositivos metodológicos que favorezcan la articulación permanente entre teoría y práctica y permita
visualizar su interdependencia como matriz de conocimiento y acción,
• la provisión de recursos conceptuales y
dominio técnico, pero fundamentalmente
el desarrollo de actitudes reflexivas y estrategias metacognitivas que favorezcan el
reconocimiento y análisis de procesos y
resultados,
• la disposición de medios y habilidades para
traducir la actividad artística en términos
de sistemas discursivos susceptibles de tratamiento sistemático,
• el conocimiento de procedimientos y técnicas de indagación adecuadas a la naturaleza de los objetos propios del campo
teatral y de las reglas de transformación
que permitan la comunicabilidad del conocimiento artístico, más allá de la obra
misma.
El proceso formativo de los artistas que se impulsa desde las instituciones universitarias no
puede concebirse como opuesto al pensamiento
crítico. Antes bien, se busca que los teatristas
puedan ser capaces de analizar sus propias experiencias creativas, de generar registros
cognitivos de las mismas, reconocer sus
dominancias e informar sobre ellas. Los elementos conceptuales de que dispongan pueden constituirse en nuevas fuentes para incrementar la
sensibilidad artística e impulsar la exploración
de nuevas alternativas estéticas.
En lo que respecta a los investigadores teatrales, conviene recordar que la identidad disciplinar estará dada por la pertinencia y magnitud
de los interrogantes que seamos capaces de formular sobre el Teatro, incluyendo la variedad de
propuestas interpretativas que seamos capaces
de formular para comprenderlo.
No escapará a nuestro análisis el hecho de
que el progreso y la generatividad de las actividades de investigación compromete los intereses y valores que la comunidad teatral sostiene
y propicia y de los objetivos intelectuales que la
guían. Las posibilidades de desarrollo de la investigación no alcanzan solamente a una acumulación significativa de conocimiento o al despliegue técnico-metodológico, sino a la proyección ética de la actividad creativa y al espacio
social y cultural donde los artistas se expresan.
Quizás el reto más provocativo que debamos
enfrentar no se refiera a la profundización de los
saberes disciplinares sino a preguntarse por el
valor de esos saberes y su destino.
65
A Propósito del Concepto de Práctica Teatral en
el Teatro Universitario Latinoamericano
ALEJANDRO FINZI
siendo cualquier cosa. Recientemente, la voluntad de poner de acuerdo estas terminologías, ha
llevado a dar forma al saludable proyecto de redactar un diccionario de términos usuales en el
campo de la pedagogía teatral1.
En el campo preciso del teatro universitario,
al menos en el horizonte universitario latinoamericano, la cohabitación de numerosos y diversos
ensayos institucionales hace que el teatro en
nuestra institucion, muchas veces, sea un monstruo de cien cabezas, desconocido o temible, que
vive en las cavernas de cada una de las Casas de
Altos Estudios y que exhala por sus narices las
etiquetas de un infierno de talleres ofrecidos
como un surtido menú.
Debe decirse que la asociación sinonímica tradicional -establecida en algunas perspectivas de
análisis emergentes sobre todo del campo de la
sociología teatral-, crea un vínculo entre el teatro universitario y el amateurismo, pero esta relación debe ser hoy redefinida y estudiada en profundidad, ya que la definición de amateurismo,
por sí sola, no contiene al monstruo ni le da de
comer.
El marco institucional universitario tiene hoy
objetivos de formación teatral que se formulan
cada vez con mayor complejidad y competencias múltiples y, frente a ellas, los modos de práctica teatral pueden tener mayor o menor desa-
Tanto en el campo universitario como en el campo de los estudios teóricos especializados y en
otros dedicados a la enseñanza de las disciplinas dramáticas, es posible constatar una grave
indeterminación en el empleo de la terminología propia y específica del hecho teatral.
Esto nos enfrenta a un espacio de problemas
muy complejo, al no poder establecerse un glosario universalmente reconocido, ni un corpus
de nociones que acuerden entre sí competencias
comunes. Ciertamente, hay puntos de contacto,
pero las experiencias de montaje son tan diversas y las formaciones actorales tan fuertemente
contextualizadas en las diversas realidades socio-culturales y socio-económicas, que no hay
acuerdos -aún en la práctica de las Escuelas de
actuación más difundidas- entre los conceptos
que, se enuncia y proclama, son utilizadas en
común. Se comprenderá, con razón, que esto es
una riqueza y en cierto sentido lo es, porque refleja mundos de experiencias confrontados en
sus diversas procedencias; pero también es necesario decir que esto nos enfrenta a la problemática de la incomunicación si, por ejemplo, al
apelar a la noción de juego en el aula la comprensión de la noción ‘juego’ termina siendo ese
‘golpe de dados que jamás abolirá el azar’, o,
para decirlo con otras palabras que las empleadas por el poeta francés, prosaicamente termina
66
rrollo en la traducción institucional de los mismos. Estos objetivos, con todo, nunca están al
margen, ni van por vías paralelas, ni se limitan
al espacio exclusivo de la acreditación sociocultural de la institución. Ha de buscarse, es necesario hacerlo, nos parece, el camino para ir más
allá de los meros ensayos descriptivos en los cuales se ve envuelta hoy, en muchas oportunidades, la discusión sobre las características
tipificadoras del teatro en la universidad. Estos
comentarios, que convergen siempre en un anecdotario o en expresiones festivas, no permiten
comprender, es posible presumir esto, que más
allá de esas prácticas peculiares existe la posibilidad de definir un espacio interdisciplinario del
quehacer teatral en la enseñanza superior, susceptible de establecer nexos de intercambio más
allá de los encuentros recreativos, entendiendo
que la aceptación de esta interdisciplinariedad
esclarece, promueve y consolida el vasto universo caracterizador de estas prácticas dramáticas.
Hace ya un poco más de doscientos años, Kant
en su opúsculo El Conflicto de las Facultades,
hablaba de las relaciones fundantes entre la universidad y la sociedad, buscando determinar las
especificidades de esa relación.
Más recientemente, en los años sesenta, Martín Wiebel2, busca establecer las características
globales del teatro universitario internacional en
los siguientes parámetros que tienen, para él, un
carácter universal:
1) El placer de actuar.
2) La ausencia de estilos uniformes; el alejamiento de ese esfuerzo por asemejarse al
teatro profesional.
3) El actuar de una manera sincera, no afectada.
4) La conciencia de realización grupal, por
sobre la de realización del director teatral
a cargo de la puesta en escena.
5) La libertad de la elección de un repertorio
más allá de los límites de producción del
teatro profesional.
6) La preocupación instalada en los practicantes no de verse como transmisores específicos de los bienes culturales sino mas
bien la de verse como participantes de un
proyecto pedagógico.
7) La preocupación por parte de los practicantes de poner en evidencia ciertas relaciones socio-económicas.
8) El asumir la libertad de reescribir
escénicamente las obras teatrales.
9) El entender el teatro universitario como
destructor de las ideologías imperantes en
la sociedad.
10) El compromiso de la crítica teatral y de la
experiencia estilística artesanal que busca
la realización dramática a través de los recursos teatrales.
En el campo del teatro latinoamericano, los
rasgos que permiten una reflexión sobre el vasto
dominio de su teatro universitario son la
conciencia de la realización grupal y la puesta
en práctica de los dispositivos de trabajo
expresivo, por lo cuales se entiende que el saber
se construye entre todos, desarrollado con fuertes
objetivos motivacionales de identidad y
pertenencia. Asimismo, también la libertad de
elección de los repertorios, permanece como
amplia frontera de decisiones ante la frecuente
ausencia de condicionantes de explotación
comercial de las producciones. En el mismo
sentido, el teatro universitario como destructor
de ideologías, se sostiene como un espacio desde
67
donde se discuten los espacios de política
institucional y aún proselitista, y esto continúa
aún en tiempos en que los conductores
mediáticos inter-universitarios parecen estar en
su apogeo, también en nuestros países
tercermundistas.
Desde una perspectiva exclusivamente histórica, no puede negarse, por ejemplo, el papel
que le cupo a la universidad en el nacimiento
del nuevo teatro mejicano o, asimismo, el lugar
que le cabe a nuestra institución en la conformación de ciertos grupos teatrales dentro de la vanguardia donde nuevas tendencias estéticas son
integradas a la visión renovadora de la dramática sudamericana. Tal es el caso, por ejemplo, del
Teatro Experimental de Cali, dirigido por el
maestro Enrique Buenaventura, cuyo orígenes
se remontan a los espacios de estudio e investigación abiertos en la Universidad Del Valle de
Cali. Idéntico desarrollo le cabe a universidades
como la de San Marcos de Lima o la Católica de
Chile, o la Nacional de Córdoba en Argentina en los tiempos heroicos donde allí enseñaba
María Escudero-, que han sido capaces de exhibir verdaderos laboratorios donde la investigación y la creación se daban la mano formando
un puente que caracteriza la cultura artística de
su tiempo. En este orden de cosas, reducir la exposición de modelos de trabajo al único perfil
de los ensayos teatrales recreativos, con todos
los legítimos méritos que concierne a estas prácticas, nos parece una mirada insuficiente y
reducccionista de un fenómeno que hoy está lejos de ser comprendido en toda su amplitud y
complejidad. En este espacio, el amateurismo
teatral universitario, entendido como una de las
especialidades del teatro en la universidad, tiene un rol fundamental en tanto amplio ámbito
permanente de puertas abiertas y además, lo que
constituye una riqueza y potencialidad extraordinarias, como campo de ensayo de los modos
artesanales de producción de puesta en escena,
de actuación y de generación convocante de nuevos públicos.
En los años setenta y al igual que el teatro
universitario latinoamericano en su mejor tradición, también Bernard Dort se preguntaba sobre
la especificidad del teatro universitario, diciendo que el teatro universitario puede ser un ejemplo para el teatro profesional recordándole que
todo teatro es aprendizaje y contestación del
mundo.
Si buscamos un concepto que sirva de vínculo a un territorio de prácticas teatrales tan diversas, podemos decir que hoy el teatro universitario latinoamericano se muestra como un campo
donde se hace efectiva esa ‘Ética de la discusión’ de la que habla Jurguen Habermas3: si se
establece la relación entre derecho y democracia, el ciudadano debe ser un sujeto consciente
que participa y toma decisiones. Frente a una
democracia representativa y una directa, dice
Habermas, está la radical, en la que la relación
social está fundada sobre la profundización y la
extensión de las prácticas de autodeterminación
colectivas.
En este sentido, las diferentes prácticas teatrales que se dan en nuestras universidades consagran un espacio donde se discute la institución misma y se comprende el ejercicio dramático en sus diferentes formatos como una vía de
autodeterminacion y de deliberación colectiva:
esta deliberación es programática, en tanto, por
ejemplo, puede ser curricular, o no formal, como
en las múltiples experiencias recreativas existentes, pero está presente en los dos casos y don68
de los participantes de una experiencia expresiva o de creación deciden en común sobre ellos
mismos.
Si de una democracia emerge el principio de
auto-organización -y las democracias, en nuestros países latinoamericanos son un ensayo de
esto todos los días-, el teatro universitario latinoamericano en sus modalidades tan diversas se
manifiestan en la práctica de la búsqueda de los
mecanismos de solidaridad como estructuras de
aprendizaje, de la corresponsabilidad y de una
práctica del derecho colectivo en el seno de una
institución, que, como lo es la universidad, es
fuertemente dirigista.
La cuestión de lo artístico en el seno de la
práctica dramática significa, en las teatralidades
universitarias latinoamericanas, una ruptura con
las modelizaciones establecidas por lo mercados, que pone en su lugar una discusión abierta
y una práctica informal de la deliberación del
grupo. Esto, en una sociedad llamada post-industrial pero que para quienes hacemos teatro
en Latinoamérica será por mucho tiempo, una
sociedad en vías de desarrollo, donde el espacio
universitario y sus ofertas formativas no cesan
de modificarse y buscar vías de integración comunitaria.
1
Se trata del reciente proyecto de edición de un
diccionario de pedagogía teatral redactado por
especialistas belgas, canadienses y españoles.
2
Martin Wiebel, Teatro y Política, Diez Tesis
sobre el Teatro Universitario (Buenos Aires, Ediciones de la Flor, 1968)
3
Stephane Haber, Habermas et la sociologie
(Paris, PUF, 1998)
69
Misión y Vocación del Teatro en la Universidad:
El Caso Costarricense
MARIA BONILLA
trae consigo también problemas sociales nuevos,
aun de relativa envergadura: se anula el ejército;
se constituyen elecciones; se promulga la constitución; se fundan colegios y escuelas; se editan, importan y exportan libros y revistas.
Una de las mayores preocupaciones del nuevo Estado fue la educación superior. En 1940 y
como institución pública y autónoma del poder
político, se funda la Universidad de Costa Rica,
financiada por el Estado, con una ley propia para
decidir sobre su manera de organizarse, garantizar la libertad de cátedra y estructurada en tres
pilares de acción: docencia, investigación y acción social. Es decir que la Universidad de Costa Rica se concibió no como un centro de formación de los profesionales requeridos por la
sociedad, sino como un centro de reflexión y
alternativas de solución a los grandes problemas
nacionales. A decir con las palabras de Luis
Demetrio Tinoco:
Una Universidad en que se recuerde
todo el tiempo que además de ser el
centro educativo y científico superior
de la nación, es también el organismo
pleno de vida en que se forma, moral e
intelectualmente, el grupo destacado de
personas que un día u otro tomarán en
sus manos las riendas del Estado y
constituirán las dirigencias del país en
Contrariamente a lo ocurrido en el resto de América Latina, la experiencia histórica del descubrimiento en 1502 no significó, en Costa Rica,
el aniquilamiento de una vasta cultura autóctona.
Se cree que existían unos 30.000 indígenas, pertenecientes a dos razas, pero se sabe poco de su
historia, tradición. lengua y costumbres. La conquista y la colonia no fueron tampoco procesos
históricos sangrientos y traumáticos, como sí lo
fueron en América Latina.
La pequeñez geográfica de Costa Rica, sus
escasos habitantes, su pobreza y su aislamiento
llevan su historia, relativamente desligada de lo
aborigen, a una historia también relativamente
desligada de la cultura española.
Mientras América Latina llega al Siglo XX
con dolorosas y violentas luchas de independencia, Costa Rica la recibe con poca sangre y escaso dolor, comparativamente hablando. Un enfrentamiento: la guerra de Ochomongo, de corta
duración.
Los costarricenses de la época, muchos de
ellos educados en Europa y en otros países latinoamericanos, se abocan con decisión a la construcción del Estado, estrechamente ligado a la
tierra, bajo tres principios: democracia, libertad
y paz. Bajo los principios de un liberalismo democrático y americanista, auspiciado por el florecimiento del café, cuyo cultivo y exportación,
70
el campo social, económico, político,
educativo, financiero.
Una Universidad que sienta por las labores de investigación la pasión que por
ellas sentían las universidades medievales, y por todo aquello que signifique una sana inquietud, la pasión de una
Universidad joven del siglo en que vivimos, que es el siglo de las luces. Una
Universidad, en fin, que prepare a las
generaciones jóvenes para la época de
grandes transformaciones que se avecina.
Desde sus orígenes hasta muchas de sus
manifestaciones más recientes, las experiencias
teatrales se han ligado, como afirma Federico
García Lorca, al latido social e histórico de los
pueblos que viven y crean; como una ineludible
necesidad de expresión y comunicación.
Hombres de teatro de todos los tiempos y de
todos los lugares, han luchado por transformar
su quehacer escénico en un instrumento a través
del cual, como defendería Giorgio Strehler, la
colectividad tuviera la posibilidad de discutir
consigo misma, de profundizar en su vida social, en su historia y en su pensamiento, de verse a sí misma, de analizarse y gozarse, entendiendo que el teatro no es solamente una manifestación estética del hombre, sino que también,
como lo soñó Jacques Copeau, le da al hombre
razones para creer, para esperar, para realizarse,
logrando poner en manos de sus contemporáneos, como diría Bertolt Brecht, una realidad que
pudieran transformar, para que cada día esté más
cerca de la medida y del potencial del hombre,
concebido como un ser humano integral.
Si pensamos que una Universidad está siempre ligada a la creación, perpetuación y utiliza-
ción del conocimiento por cuanto es una institución plena de interlocutores que, en condiciones
de libertad, difunden, preservan, ponen en duda
y transforman ese conocimiento, participando así
directa e ineludiblemente en los cambios sociales que genera, podemos comprender la importancia de la función y la pertinencia del teatro en
el seno de una Universidad.
Y fue esta función, la que llevó al entonces
Rector Licenciado Rodrigo Facio junto a otras
autoridades, a crear en el año de 1950 en nuestra
Universidad de Costa Rica, el Teatro Universitario organizado bajo la supervisión de dos actores españoles de la Compañía Lope de Vega,
que entonces visitaba San José. El italiano Luccio
Ranucci se hace cargo de su dirección y logra
organizar un elenco de jóvenes actores relativamente estable. En este período se estrenan obras
de Sartre, Wilde, Williams, Lorca, Moliere y
Anouilh. Después de un breve período de inactividad, José Tassies se hace cargo de la dirección y monta Esperando al Zurdo de Odetts. En
1963 el dramaturgo y director Daniel Gallegos
toma la dirección y monta Shaw, Giraudoux,
Dürrenmatt, O’Neill y Strindberg.
Ya en 1971 Alfredo Catania monta una obra
costarricense: Las Fisgonas de Paso Ancho de
Rovisnky y Lenín Garrido monta La Segua de
Cañas, con elencos integrados en su mayoría por
estudiantes de la recién creada Escuela de Artes
Dramáticas, en donde se estudia hasta el nivel
de Maestría. Los profesores Donald Wadley y
Juver Salcedo continúan esta labor y ponen en
escena obras de Fay y Michael Kanin, de Rangel
y Fernández, de Miller y de Lizarraga. Durante
este período se llevan a escena trabajos finales
de graduación y montajes curriculares con obras
de Dragún y Pirandello.
71
En 1977 el Teatro Universitario adquiere un
presupuesto más estable y por lo tanto logra mayor continuidad en su programación. A partir de
1988 el Teatro Universitario se reorganiza bajo
la responsabilidad de la Escuela de Artes Dramáticas.
Actualmente, el Teatro Universitario es un
centro académico de producción, creación y experimentación teatral, adscrito a la Escuela de
Artes Dramáticas de la Universidad de Costa
Rica, cuyo presupuesto y políticas generales
deberán ser supervisadas y aprobadas por su
Consejo Asesor, y concebido como un elemento
activo que participa de la evolución histórica de
su sociedad, con los aportes que la Universidad
de Costa Rica tiene el deber y el derecho de discutir con su comunidad. Es un teatro profesional en el sentido de que asumirá su tarea artística con la responsabilidad y la ética de quienes lo
practican como forma de vida y como trabajo.
Es un teatro experimental en el sentido de que
estimulará la búsqueda de nuevas formas de expresión escénica, tanto en el aspecto ideológico
y estético como técnico, colaborando en la
estructuración de la identidad cultural del costarricense. Además, el Teatro Universitario tiene
como misión difundir el arte teatral entre los sectores sociales que por condición socioeconómica,
no tienen acceso al teatro profesional el área metropolitana y al mismo tiempo mantener un propósito permanente de traer directores invitados
del extranjero y de ser un laboratorio de trabajo
y experimentación para la Escuela de Artes Dramáticas.
El Teatro Universitario cumplió 40 años en
1991. Por lo tanto es la institución teatral más
antigua de un país sin tradición teatral, aunque
no haya mantenido continuidad regular. Sin
embargo se ve abocada a los años más difíciles
de su historia por carecer de sala propia y por
ver considerablemente disminuida su capacidad
de producción debido a su presupuesto. A pesar
de ello monta una o dos obras al año con textos
latinoamericanos, costarricenses, clásicos y contemporáneos universales de importancia. No sigue una línea de repertorio coherente en el sentido de que al igual que la Compañía Nacional
de Teatro y el Teatro Nacional, instituciones del
Ministerio de Cultura, reflejan la puesta de acuerdo al criterio de varios miembros de lo que se
llama Junta Directiva o Consejo Asesor, que la
mayoría de las veces no tienen una misma visión ni del teatro, ni de la cultura, ni de la vida.
Para el movimiento teatral costarricense, la
década de los ochenta resulta rica en contradicciones y cambios violentos en su estructura de
producción. Por lo pronto, hemos caído en una
seductora trampa: creemos que la mayoría del
público no quiere ver teatro serio, ni que haga
pensar, ni que le muestra su propia vida. Nos
sentimos frustrados porque ya no se hacen buenos textos, la cartelera teatral es simplona y
monotemática, sexualmente hablando, y el público parece cada vez más indiferente. El conflicto teatral parece debatirse entre por qué el
público no asiste al teatro y qué tipo de teatro
queremos hacer y para quién. En palabras de Blas
Braidot el problema se define entre: ¿Cómo llegamos nosotros al público organizado? ¿Cómo
organizamos nosotros al público? Visto desde
esta perspectiva hemos coleccionado contradicciones y falacias en lugar de soluciones y alternativas.
Existe un teatro de tendencia seudo-comercial (no es posible calificarlo de comercial si lo
comparamos con el de las grandes capitales lati72
noamericanas como Lima, México o Buenos Aires), que se caracteriza por productos cómicos
de risa fácil, llenos de concesiones a los estereotipos de los roles femeninos y masculinos y al
reforzamiento de las visiones míticas de la familia, el matrimonio, Dios, etc.. Entre ellos se
destacan el Teatro del Angel y el Teatro Chaplin,
ambos con sala propia y que con vistosos vestuarios y escenografías, aunque siempre con un
aire casi idéntico, cuentan con buena afluencia
de público. Este tipo de teatro era casi desconocido en la década de los años 70 y tiende a aumentar en la década del 90.
Tenemos también un caso muy interesante:
existen cuatro salas teatrales que se autodefinen
como teatros o grupos independientes, las cuatro de diversas facturas y práctica teatral, que
son manejadas por lo que podríamos llamar
“seudo-empresarios”. Por un lado. los empresarios en el sentido más exacto de la palabra, ya
que la elección y producción total del repertorio
son de su exclusiva decisión, como lo son
Nicholas Baker y su teatro Laurence Olivier, y
William Esquivel y el Teatro Arlequín (llamado
la mayor parte de esta década Teatro Tiempo).
Tienen un repertorio que bordea el teatro comercial, con una producción anual como promedio,
que no busca una coherencia ideológica que vaya
más allá de tener éxitos desde el punto de vista
económico, con textos reconocidos en lugares
como Londres o Nueva York, en el caso de Baker.
Los otros dos, Teatro Surco en la Sala La Comedia y Teatro La Máscara en la antigua Sala de la
Compañía Nacional de Teatro, son en realidad
manejados por semi-empresarios, en el sentido
de que no hay participación evidente de otros
miembros del grupo en asuntos fundamentales
para un teatro independiente, como por ejem-
plo, la elección del repertorio. Es necesario aclarar que La Comedia es un local teatral, no así el
Teatro Surco, de gran trayectoria como grupo
de producción y que sí mantiene un repertorio y
una actividad continua, con textos importantes
alrededor de las figuras de sus dos actores principales: Marcelo Gaete y Sara Astica.
Tenemos también algunos intentos de grupos
teatrales independientes, en el sentido argentino-uruguayo del término, de poca continuidad,
que a veces no resisten muchos años de vida.
Entre ellos el Teatro Ubu, el Teatro Quetzal, el
grupo Abya Yala, el grupo Skené y el grupo
Giratablas.
Aunque no de manera sistemática y continuada, tanto el Teatro Universitario como los antes
mencionados hacen giras al interior del país
como parte de su política teatral. Muchas veces
no es su afán hacer una proyección cultural y un
encuentro y/o confrontación con otros públicos
alejados del teatro, sino hacer funciones para
pagar la producción y mantenimiento de su teatro. En la década anterior también existieron teatros independientes en el sentido latinoamericano del término como por ejemplo Tierranegra,
Cilampa y Teatro Tiempo, hoy desaparecidos.
Revisemos algunos aspectos que se destacan
en el panorama anterior: existe una actvidad teatral profesional continuada; existe un teatro de
tendencia seudo-comercial que convive no sólo
pacífica sino promiscuamente con el teatro de
tendencia artística y experimental(los actores
trabajan indistintamente en uno y otro, por ejemplo); no hay una distinción consciente entre el
teatro de tendencia comercial, el artístico y el
experimental; los repertorios de los grupos e instituciones mencionadas, no siempre tienen políticas teatrales y culturales coherentes y con iden73
tidad propia; no hay un concepto claro entre grupos independientes y teatros de empresarios, y
por lo tanto, no hay tampoco una política que se
desprenda de ello; las salas teatrales no están llenas y en la mayoría de los casos se han reducido
las temporadas, antes de martes a domingo, ahora
de jueves a domingo. Costa Rica ha sufrido una
vertiginosa crisis económica y social y, en consecuencia, un deterioro en sus instituciones culturales y sociales, que explica en parte lo ocurrido y que el espacio no nos permite ampliar.
A lo anterior es necesario agregar no solamente la escasa importancia que le otorgan los
medios de comunicación colectiva al teatro, sino
además, el menosprecio o ignorancia con que lo
consideran y que se refleja en que de los cuatro
diarios más importantes, sólo dos mantienen
comentaristas teatrales y el de mayor importancia del país, desde el punto de vista del tiraje,
mantiene una crítica teatral basada en la instauración de mitos históricos: mito del talento y la
inspiración, mito del teatro inmutable frente a la
historia, etc.. Más aún, dedican páginas completas a espectáculos de corte comercial, la mayoría provenientes del extranjero. De los canales
de televisión, ninguno mantiene una crítica teatral aunque alguno tiene una sección de espectáculos que a veces no alcanza a diez minutos semanales. Lo anterior se ha fortalecido y hecho
explícito en esta década. Parece existir una política definida por parte de los responsables del
discurso hegemónico, como diría Juan Villegas,
para menospreciar y aniquilar al movimiento teatral costarricense, en cuanto a su función ética y
social. Todo ello ha incidido de forma certera en
los problemas de supervivencia, coherencia e indefinición apuntados anteriormente.
En este panorama complejo y contradictorio,
a partir de su larga y discontinua trayectoria como
institución, el Teatro Universitario se ha debatido y se debate aún, entre varias opciones, en
busca de una definición: ¿Debe ser un teatro profesional que compita con el mercado comercial
del país? ¿Cuál debe ser su relación con el medio profesional costarricense que se debate entre lo que hace el teatro comercial, lo que dicta
el teatro estatal y lo que proponen los teatros
independientes? ¿Debe ser una relación de dependencia en la cual las características del mercado laboral condicionen las búsquedas teatrales? ¿Debe ser, por el contrario, una relación de
proveedor de materia prima para el movimiento
teatral profesional del país, como lo es en buena
parte, actualmente? ¿Debe ser un laboratorio de
los estudiantes de la Escuela de Artes Dramáticas? ¿Debe preparar, en ese sentido, al actor que
el medio necesita, o al actor que haga crecer y
transforme ese medio? ¿Debe fomentar la unión
de actores y la creación de grupos de profesionales graduados de la institución solamente o
debe procurar su diseminación en grupos ya
constituidos? ¿Debe, más bien, resignarse a ser
considerado un teatro estudiantil, es decir, no
profesional, visto que algunos de los estudiantes son considerados profesionales cuando trabajan en la Compañía Nacional de Teatro, por
ejemplo? ¿Debe ser un teatro experimental?
¿Debe, en ese sentido, difundir los movimientos
de vanguardia, a veces alejados a nivel de lenguaje del público general? ¿Debe dedicarse a la
profundización del instrumento expresivo del
lenguaje teatral o a la búsqueda de nuevas formas escénicas? ¿Es una unidad de carácter académico? ¿Cómo, en ese sentido, puede adaptar-
74
se a las exigencias institucionales de la universidad, algunas incomprensibles e inadecuadas
para la formación teatral? ¿Debe luchar, por el
contrario, con el estatismo académico en busca
de un status particular y propio? ¿Es un servicio
de Acción Social? ¿Cómo se relaciona con los
grupos socioculturales y demás aficionados que
hacen teatro en las instancias de la universidad?
¿Qué puede y qué no puede aceptar, profesional
y teatralmente hablando, en relación a la labor y
status del que gozan estos grupos en la universidad?
En pocas palabras: ¿Cuál es la definición posible, verosímil y real de un teatro universitario
hoy en día? ¿Es un hijo menor, a veces bastardo,
a veces prodigio, a veces renegado del teatro profesional? ¿Es el hijo mayor, especie de Edipo,
del teatro sociocultural en la universidad? ¿Quién
es?
De la respuesta a este interrogante de carácter ideológico-estético, depende el futuro del teatro en la universidad. Su supervivencia, su horizonte y su función, están siendo señaladas más
por una especie de costumbre negligente de
cotidianidad, muy peligrosa, que por una decisión elegida. ¿Adónde puede conducirnos todo
esto? La única reflexión posible sería una paráfrasis de Einstein y su dilapidario grito de alerta:
Dios no juega a los dados con el mundo, no lo hagamos tampoco nosotros.
Y decir: aunque la sociedad y la universidad estén
jugando a los dados con el mundo, no lo hagamos
también nosotros.
75
76

Approches du jeu et de la mise en scène
Towards acting and directing
Actuación y Dirección

77
The National Theatre School of Canada: An
Experiment in Cultural Engineering
JANE BALDWIN
ment of Canadian theatre? Has its role changed
over time? Has it contributed equally to the
French and English-speaking theatre?
In 1960, a spirit of optimism and idealism
characterized the School’s pioneers, many of
whom were foreigners, usually French or English. As outsiders, their understanding and
knowledge of Canada were wanting. And although apparently striving to develop a new theatrical model, they were perpetuating their own
dramatic traditions. Foremost among them was
the actor, director, and teacher Michel SaintDenis who had founded, developed, and run three
drama schools which during their life spans were
arguably the most innovative in the Western
world. Saint-Denis, having successfully integrated the English and French theatrical traditions, seemed to provide a paradigm for the future Canadian artist. The founders’ mission was
to bring the French and English-speaking cultures closer, promote ethnic expression, and build
a unique theatre.
In those early years one way of achieving their
grand design appeared to lie in incorporating bilingualism, rather than colingualism, into the
training. There is a subtle distinction between
the two words, colingualism implying separate
but equal. And so in quest of a national theatre
(and in keeping with the faculty view of what
The emergence of a vital professional Canadian
theatre is frequently traced to the founding of
the Stratford Theatre Festival in 1953. But perhaps more important was the establishment of
the National Theatre School (NTS) in 1960
whose mandate was to promote the development
of a national theatre. The School was created as
a colingual institution which would serve not
only two separate cultures, Anglophone and
Francophone, but the needs of Canada as a
whole. Paradoxically, it was to foster the growth
of two distinct theatres, while developing ‘an
approach to the theatre that will be both unique
and Canadian1’.
At its inception, there were approximately 100
professional actors in the country (most of whom
were not earning a living at their craft) and few
venues. The School was in the paradoxical position of training artists for a theatre that did not
yet exist. Likely, at no other time in theatre history has such heavy responsibilities been placed
on a drama school.
Though the School has two programs—Acting and Technical—I shall only present the Acting program and address the following questions:
Did the National School fulfill its mandate? Has
it continued to do so more than thirty-five years
on? What does that mandate mean today? How
key a player has the School been in the develop78
Canada ought to be) classes cut across language
lines. Teachers fluent in French and English
taught in both languages; otherwise, bilingual
students acted as interpreters. Hard reality soon
intervened. The demands of the curriculum were
sufficiently stringent that the imposition of working in a second language sometimes presented
an insurmountable obstacle. Further, finding
qualified instructors was difficult enough without the proviso that they be bilingual. After a
few years, almost all bilingual classes disappeared.
As bilingualism faded from the curriculum,
a major socio-political event was occurring
which militated against the experiment in unification—Québec’s struggle to find and assert its
identity, an identity rooted in language and
ethnicity. As the French Section of the School
grappled with the same issues, its aims became
inextricably linked to the political aims of the
province, as did those of the emerging Québécois
theatre.
At the School, the Francophones rejected anything English, which further widened the schism
between the two Sections. Searching for an authentically Québécois voice, the French Section
struggled to break away from what it viewed as
its colonial status, an ambition partially achieved
in 1971 when André Pagé became the first of a
continuing line of Québécois directors. Pagé
brought changes to the Section of a socio-political nature, the most significant being the commissioning and mounting of new Québécois
plays as public performances. Delighted with the
new works, the French Section rebelled against
the classical repertoire which served as the basis of the training. Rejecting any cultural imposition, the students refused to learn to speak
French with a Parisian accent. While never completely neglecting traditional theatre, for more
than a decade they resisted performing ‘masterpieces’.
Their desire to see the depiction of the
Québécois experience on stage led to the establishment of a French playwriting program in
1975, a departure from the School’s guidelines
or ‘blueprint’. The program became a fundamental element of the training which more and more
focused on the expression of national identity. A
serendipitous effect was that the Playwriting program recharged the French Acting Section with
which it was affiliated. The two components
developed a synergistic relationship resulting in
significant cross-fertilization. Thus, it is not uncommon to find graduates of the playwriting program who often act and direct professionally as
well as write. Or, conversely, actors who turn to
dramaturgy.
Rejecting the past, the French Section celebrated the present through experimentation, innovation, and invention. It became a major participant in the astonishing burst of creativity taking place in Québec from the late 1960s into the
80s. The French Section contributed and continues to contribute important actors, playwrights, scenographers, and directors to what has
become its national theatre, which is certainly
not the one envisaged by the School’s founders.
As a national school, NTS is very much in
the public eye and, therefore, subject to more
criticism than customary for a drama school. One
interpretation of this scrutiny is that it validates
the School’s importance to the nation. The English Acting Section has borne the brunt of most
of the fault-finding and has been scapegoated
for problems that relate to larger socio-political
79
and cultural issues of Anglophone Canada.
Anglophone Canada, vast in area, sparsely populated, culturally diffuse, heterogeneous, has traditionally suffered problems of self-definition;
often its identity has seemed amorphous even to
itself. Québec, on the other hand, smaller and
linguistically isolated, could and did define itself against English Canada. While there are diverse points of view within Québec politically—
to separate or not to separate—there is a consensus that there must be a viable, strong
Québécois national identity. No corresponding
consensus exists in English Canada.
The School reflects Canadian political realities. Two of the most frequent complaints about
the English side of the School have been that it
lacks a cultural ideology and, consequently, is
conventional, some would say timid, in its approach to theatre. Historically, the English Section has lacked the focal point that allowed the
French Section to forge a collective identity and
develop a style of its own. If the French Section
took a revolutionary path, that of the English has
been evolutionary. Revolution is goal directed,
evolution implies trial and error, a process of
becoming (just what is uncertain), that is ongoing within the English Section.
The English Acting teaching staff tries to imbue its students with idealism, desirous that they
be the innovators of tomorrow’s English-Canadian theatre. In the words of Perry Schneiderman,
the director of the English Acting Section since
1990: ‘As well as producing artists who are maintaining a tradition, we have to have people who
are going to be leaders, who are going to contribute to the culture other than just as practitioners of it2.’ But, in practical terms, the School
must prepare students for the market place or it
will not have any students.
What has that market place been in English
Canada? At the School’s inception, the Stratford
Festival was the foremost theatrical institution
in Canada. With an eye perhaps to future employment of their graduates, the ‘Blueprint’
called for a link between NTS and Stratford in
the form of summer sessions. It was thought that
the association would be mutually beneficial; a
stable of talented, well-trained actors would undoubtedly be an asset to the Festival. Although
the link proved too impractical to maintain, NTS
has contributed to the roster of artists employed
by Stratford over the years.
As the School matured, the developing
Anglophone theatre offered more employment
opportunities, particularly in regional theatre. Regional companies typically present a classical
and modern repertory that demands the kind of
vocally and physically trained actors produced
by the English Section of NTS.
One crucial domain for which the Anglophone
actors were not prepared was that of new dramaturgy, a lack which only became noticeable
as English Canadian playwriting emerged in the
1970s. Criticism from directors trickled back to
the School; the students simply did not know
how to approach original work. For the School’s
detractors, this was evidence that Anglophone
students at NTS and English-Canadian theatre
were being short-changed. The solution many
felt lay in splitting the school asunder and relocating the English section to Toronto. Situating
the Anglophone students in a major Englishspeaking theatrical centre would put them in
touch with current practice and innovation, pro-
80
vide them with a model they lacked, and
demystify the professional world they would enter.
By 1975, pressure from the Toronto advocates was so great that Canada Council convened
a special session to investigate relocation. Ultimately, the School’s critics conceded that if NTS
were to remain truly national, Montréal was its
only possible location. To divide the institute
would destroy its concept. Financially, it was
impractical since once divided, the School’s
splendid facilities could no longer be shared. And
would funding sources feel the French Section’s
existence justified, given there are other
conservatoires in Québec?
Attempting to revitalize the program, in 1980,
NTS introduced an Anglophone playwriting
course of study, both to close the gap in the training and in the hope of emulating the success of
the Francophone program. The initial venture
was unsuccessful and short-lived. Under Perry
Schneiderman’s aegis, playwriting has been revived, revised, and thoroughly integrated into the
Acting Section. A limited number (on average
three) promising playwrights are accepted annually who follow a course of study similar to
the Francophone students. In their final year, the
dramatists write a full-length script, which, if accepted, is produced for the public.
In a departure from the French model, the English Playwriting course is taken by all acting
students who, over a two-year period, broaden
their skills through analysing and writing dramatic texts, which they perform. A secondary
motivation is to awaken a talent for playwriting
in actors who might otherwise never have discovered it. Inspiration for this aspect was pro-
vided by the careers of Ann-Marie MacDonald
and Judith Thompson, graduates of the English
Acting program and award-winning Canadian
dramatists. The program has obvious potential,
but has not yet produced any significant dramatists. However, several graduates have been accepted by the playwriting unit at the Tarragon
Theatre.
Where does the School stand now at the beginning of the twenty-first century? How is it
viewed by its teachers, students, competitors, the
profession? There are a number of ways to evaluate a program. As stated earlier, the School has
been repeatedly assessed through official surveys. In the 1970s and 80s, these were most often conducted by Canada Council. More recently,
the Ministry of Education in Québec evaluated
Québécois professional training programs in the
performing arts. Included were NTS, the two
branches of the Conservatoire d’art dramatique
du Québec, and four programs at the cégep level.
The report is, of course, inconclusive for Canada
as a whole, but none the less sheds considerable
light on the National Theatre School’s achievements.
Among the elements assessed were admissions selectivity, student satisfaction levels, and
employment statistics. The respondents included
129 students who graduated from acting programs from June 1992 to June 1994. Information was gathered on their employment between
June 1994 and June 1995.
NTS’s number of applicants has increased
steadily and dramatically since the School’s beginning when the total number of candidates for
all programs was 116. By 1988, the French and
English Acting Sections combined numbered
81
673 applicants; five years later, the tally was 812,
an increase of 20% and it continues to mount.
From 1988 to 1993, both Acting Sections at NTS
were in the enviable position of accepting on average one student in thirty. It is noteworthy that,
in spite of its problems, applicants for the English Section almost always outnumber those for
the French. Surprisingly, Québec’s political
stance has not affected enrolments in the English
Section. In the year following the last referendum, there was a record number of applicants,
535 for 12 places.
By contrast, in the five-year period from 1988
to 1993, the cégeps accepted on average one applicant in five, the Conservatoire d’art
dramatique in Québec one in seven, and the
Conservatoire in Montréal one in nineteen.
As far as student satisfaction is concerned,
NTS graduates, both French and English, held
their school in higher esteem than any other
school’s graduates.
Employment statistics, unfortunately, offer
less intelligible information. The cégeps had a
total of sixty-seven graduates, of whom 81%
found employment as actors. The Conservatoire
in Québec City graduated eighteen students; all
worked as actors the following year. The
Conservatoire in Montréal had seventeen graduates; all found work during the following year.
The English Section of NTS had sixteen graduates; all found work. The French Section of NTS
graduated twenty-five students, twenty-four
worked as actors the following year. One conclusion that can be drawn from these statistics is
that Québec is a good place to train as an actor.
What these statistics do not tell us is the kind
and quality of the work that the graduates found,
nor how much they earned. Perhaps the high
satisfaction rates of the NTS graduates are an
indicator of rewarding employment.
Looking beyond the Ministry of Québec’s report: The widespread emulation of NTS’s program is another index of its achievement. Within
a few years of the School’s founding, Canada
saw a proliferation of training programs, most
modelled on the National Theatre School. The
success of the School was sometimes viewed as
a mixed blessing as other programs sought to
copy its pedagogy, thereby creating competition
and occasionally provoking questions concerning the necessity of maintaining NTS. In broad
terms, its structure and philosophy have been
adopted by other programs, new and old, such
as those at the Conservatoires d’art dramatique
in Montréal and Québec. Among these borrowings are mask work, improvisation, period style,
and a final performance year, distinctive features
of Saint-Denis’s schools. Parenthetically, several
of the teachers I spoke to who teach both at NTS
and the Conservatoire in Montréal remarked that
while the programs are similar, NTS does a superior job.
Although aspects of the School’s approach
have been emulated, it remains a unique institution in Canada, if not in the world, in the following ways. It serves all of Canada, actively recruiting throughout the country, is colingual, and
its range of programs is unparalleled. It trains
actors, writers, designers, technicians and, when
possible, directors.
The entire teaching staff, which includes a
small permanent faculty, augmented by top-flight
Canadian and international artists, are working
professionals. The program has a built-in flexibility which allows for change, while remaining true to the School’s principles.
82
The fate of the National Theatre School has
always been linked to Canadian politics. Its future, if there is to be one, will depend on the
path Canada elects to follow.
1
‘Blueprint, Plan for the National Theatre
School of Canada’, 1960, p. 7.
2
Personal interview, 24 March 1997
83
L’Enseignement de la mise en scène au
Département de théâtre de l’Université d’Ottawa
TIBOR EGERVARI
metteur en scène individuel vers le milieu du XIXe
siècle.
L’explication la plus courante est celle de progrès techniques accomplis au cours du XIXe siècle, que résume Paul Blanchart : « Le metteur
en scène moderne a été engendré par une complexité croissante des moyens matériels du spectacle, devant quoi le régisseur de naguère et
l’auteur lui-même n’étaient plus suffisamment
armés. » À cela, Bernard Dort oppose sa vision
sociologique : « dès la seconde moitié du XIXe
siècle, il n’y a plus de public homogène et nettement différencié selon le genre de spectacles qui
lui sont offerts. Dès lors aucun accord fondamental préalable sur le style et le sens de ces
spectacles n’existe plus entre spectateurs et hommes de théâtre. »
On comprend aisément que si l’explication
de Blanchart était juste, il serait relativement aisé
de former des metteurs en scène, en leur transmettant l’art de manipuler la machine théâtrale
dans toute sa complexité, comme on transmet
aux futurs ingénieurs la somme accumulée de
techniques. Or, tout porte à croire que l’explication de Dort est la bonne et que devant cette rupture il fallait qu’émergent des individus capables de recréer cet accord, ne serait-ce que le
temps d’un spectacle, et que leur action relève
La prise de pouvoir au théâtre par le metteur en
scène au cours du siècle qui s’achève rend quelque peu malaisée la discussion sur l’enseignement de son art. Après tout, le pouvoir n’aime
guère qu’on l’analyse mais surtout il tient à assurer sa propre succession selon les règles définies par lui-même. Si, en France par exemple,
l’École Nationale de l’Administration fournit
l’essentiel de la classe politique, les chemins vers
le sommet, là comme ailleurs, sont impénétrables et entourés d’assez de mystère pour écarter
quiconque ne se serait pas soumis à la nécessaire initiation.
Il en va de même pour l’essentiel des pays
industrialisés quand il s’agit de former des metteurs en scène. En effet, dans ces pays, la presque totalité des théâtres subventionnés sont dirigés par des metteurs en scène. Leur pouvoir est
sans partage et l’accession dans leurs rangs est
aussi mystérieuse qu’arbitraire. Une telle situation n’a pu se développer que parce que le théâtre a jeté aux orties ses codifications traditionnelles… au moment de l’apparition du metteur
en scène, se débarrassant ainsi, contrairement à
la musique, de toute possibilité de jugement un
tant soit peu objectif. Pour bien saisir l’importance de ce phénomène pour notre propos, il faut
que je fasse un court rappel de la naissance du
84
de la création d’un style, ou si vous préférez pour
rester dans l’analogie de génie, de l’inventeur.
Mais comment former des inventeurs ? Avant de
pouvoir répondre à cette question il faut examiner en quoi consistait leur action et quelles en
furent les conditions.
Ces nouveaux metteurs en scène, pour créer
leur style, se sont heurtés à des obstacles dont la
résistance des comédiens n’était pas la moindre.
Permettez-moi ici une parenthèse brechtienne.
Un jour, le maître du Berliner Ensemble, répétant avec ses vedettes issues de la « vieille
école », et manifestement mécontent d’elles,
aurait lancé vers ses assistants : « Et comment
voulez-vous qu’avec des cabotins pareils on n’ait
pas inventé la distanciation ? » Cette pensée a
dû se former dans bien des têtes de Chronegk à
Stanislavski, d’Antoine à Craig ou Copeau. Et
la plupart ont conclu que la seule façon de se
débarrasser de leurs « cabotins » était de former
leurs propres comédiens. Ainsi se sont-ils faits
fondateurs d’écoles… de comédiens. L’impulsion pédagogique du metteur en scène date donc
pratiquement de son apparition, mais cette pédagogie n’avait qu’un seul objet : l’actrice ou
l’acteur. Jamais le metteur en scène. Et cette tendance a engendré son image inversée : le pédagogue de jeu qui se croit obligé d’être metteur
en scène. Mais je m’éloigne de mon propos.
En dépit de la multiplication d’écoles de théâtre, le metteur en scène, fidèle à son origine, continue à « sortir du rang » par des chemins individuels qu’il croit souvent n’avoir trouvés que
grâce à son talent exceptionnel. Pourtant ces
chemins sont parfois bien balisés. Prenons quelques exemples : qu’est-ce que Lindsday Anderson, Peter Brook, John Barton, Richard Eyre,
William Gaskill, Peter Hall, Frank Hauser,
Johnatan Miller et Trevor Nunn ont en commun ?
Eh bien, ils sortent tous des universités de Cambridge ou d’Oxford. À cette liste, tirée d’une
étude réalisée en 1989 par The Calouste
Gulbenkian Fundation sur la formation des metteurs en scène en Grande Bretagne, on pourrait
ajouter Ariane Mnouchkine.
De ce côté-ci de l’Atlantique, et en particulier aux États-Unis, de très nombreux programmes universitaires de MFA, voire de doctorat,
forment des metteurs en scène qui ne semblent
guère pouvoir rivaliser avec la liste précédente.
Ces universités sont-elles moins bonnes ? Certaines peut-être, mais pas toutes.
La différence, me semble-t-il, se situe dans
la nature des programmes et dans les environnements respectifs. Nous avons dit comment les
écoles de théâtre se sont multipliées sous l’impulsion du metteur en scène, et que toutes ces
écoles avaient pour objet le comédien. En un siècle la formation du comédien est devenue une
véritable industrie dans le monde occidental et
aucun programme de théâtre universitaire et, a
fortiori, aucune école professionnelle ne voudrait, pour rien au monde, se priver d’une telle
locomotive. Or qui a jamais entendu parler de
comédiens formés à Oxbridge ? Personne. Nous
voilà au cœur du problème et peut-être près d’une
partie de la solution.
La formation du comédien est une chose relativement bien codifiée depuis quelque temps.
Un programme de mise en scène qui cohabite
avec une formation de comédiens y est forcément soumis et ce pour plusieurs raisons dont je
ne mentionnerai que quelques-unes et très rapidement : le nombre, le temps, l’espace, l’assurance et la certitude qui entourent chaque méthode de formation de comédien. Dans cette at85
mosphère prévaut la perception que le metteur
en scène doit être un pédagogue : même débutant, voire apprenti, le metteur en scène doit s’appliquer à « enseigner ». Or, l’apprenti-comédien
sent bien qu’il perd son temps avec l’apprentimetteur en scène car celui-là n’apprend pas assez et celui-ci se rend bien compte qu’il n’enseigne pas assez. Cependant, rarement leur vient-il
à l’esprit que l’un et l’autre se trompent d’aspiration et d’objectif.
Voilà donc le premier piège que nous croyons
avoir évité au département de théâtre de l’Université d’Ottawa. Nous ne formons pas de comédiens et nous n’avons pas l’intention de le
faire. Notre département est un mélange d’études universitaires théoriques, d’apprentissage de
certaines techniques et pratiques de l’exercice
du théâtre, y compris le jeu. Nous plaçons l’accent sur la formation du metteur en scène, tant
du point de vue théorique que pratique. Nous
l’avons fait jusqu’ici au niveau du baccalauréat
spécialisé et bientôt, si Dieu nous vient en aide,
nous le ferons au niveau de la maîtrise sous forme
de MFA.
Mais avant d’arriver à la manière dont nous
nous y prenons pour former des metteurs en
scène, je vous dois quelques explications sur
l’ensemble de notre programme. Je me limiterai
à de grandes lignes qui seront largement suffisantes. Notre but est d’enseigner l’événement
théâtral dans sa totalité. De fait, les premiers
cours sont des écoles de spectateurs. Ensuite
chaque étudiante et chaque étudiant doivent se
familiariser avec les aspects fondamentaux du
théâtre : le jeu, la technique, l’histoire et la théorie. J’ai dit que nous ne formons pas de comédiens, et c’est strictement vrai. Il y a des cours
de jeu d’où peuvent émerger des talents, et nous
en avons vu, mais personne n’est soumis à un
entraînement méthodique et surtout personne ne
se fait dire qu’en sortant il ou elle sera
comédien(ne).
Ajoutons que le département est bilingue,
c’est-à-dire que l’anglais et le français cohabitent au niveau des cours de la première et de la
deuxième années, mais que dès la troisième année il commence à y avoir des cours bilingues
qui deviennent la règle en la quatrième année.
Dans cet environnement, le metteur en scène fait
ses études comme les autres et prépare ses spectacles en jouissant d’une sorte de marché libre.
Je m’explique.
Celles et ceux qui désirent étudier la mise en
scène passent par deux étapes. La première est
un cours complet, de septembre à avril, au cours
duquel ils étudient la théorie, font des exercices
en classe, mettent en scène une scène d’une durée de 10 minutes, et une pièce en un acte. À la
fin de ce cours, ils peuvent présenter une autre
pièce en un acte afin de concourir pour pouvoir
monter, l’année suivante, un spectacle complet.
Tout cela en parallèle avec les autres cours que
tous les étudiants suivent.
Tous ces spectacles demandent une quantité
de comédiennes et de comédiens, de techniciens
et d’espace. Le département fournit l’espace
parce qu’il reconnaît que dans le domaine de la
pratique sa priorité est la formation de metteurs
en scène. Comme nous l’avons vu, tout le monde
suit des cours techniques et ces cours requièrent
la participation active à des spectacles. Je ne dis
pas que cela va sans heurt mais, bon an mal an,
cela fonctionne. Reste la question des comédiens.
Bien que tous sachent que nous ne formons
pas de comédiens, un bon nombre d’étudiantes
et d’étudiants rêvent de jouer et saisissent toutes
86
les occasions possibles pour le faire. Leur énergie et leur désir de jouer affluent aux quelque 25
pièces en un acte, aux deux spectacles complets
et aux quatre spectacles « officiels » du département montés par des professeurs ou des metteurs
en scène invités, sans parler des exercices en
classe. Mais de même que les apprentis metteurs
en scène ne sont pas tenus de jouer aux pédagogues vis-à-vis de leurs camarades, ils ne sont pas
obligés non plus de les prendre dans leurs spectacles. Le recrutement est libre et chacun peut
engager, sans les payer bien entendu, qui bon lui
semble. Voilà pour la liberté qui nous semble
essentielle si l’on veut former des inventeurs et
non seulement des ingénieurs. Avant de passer à
quelques contraintes, je voudrais dire un mot sur
celles et ceux qui veulent jouer et que nous refusons de former. Vous aurez deviné qu’ils jouent
bien plus devant un vrai public que dans certaines écoles spécialisées en jeu. Leur arrive-t-il
de prendre de mauvais plis ? Certainement. Leur
arrive-t-il de se décourager ? Pas de doute làdessus. Mais la plupart profite de cette débauche de jeu car, après tout, n’est-ce pas de cela
qu’il s’agit : jouer devant le public ? Et puis à
chaque tournant ils peuvent trouver un professeur
pour les conseiller, s’ils le désirent.
Pour en revenir à mon analogie, pour être inventeur il faut être sinon ingénieur, du moins
versé dans la technique de son domaine. La discipline de l’apprentissage est donc indispensable pour que la liberté puisse jouer son rôle.
Celle-ci se manifeste sous différentes formes
dont je n’esquisserai que quelques-unes.
fisante en histoire du théâtre, en technique de la
scène et en organisation théâtrale. Ce cours est
de niveau 3000, c’est-à-dire, et bien que nous
utilisions le système de promotion par matière
et non pas par année, grosso modo de la troisième année. Il n’y a pas d’audition à proprement parler car il n’y a rien de plus difficile que
de déceler un talent de metteur en scène. Cette
question de talent est sans doute une des plus
lancinantes et j’y reviendrai à la fin de cet exposé. Durant ces cours donc (je dis ces car il en
existe un français et un en anglais) sont abordées les phases les plus importantes du travail
du metteur en scène, à savoir, la motivation, la
préparation, la conception et, enfin, l’exécution.
Comme le travail solitaire du metteur en scène
est relativement peu connu par rapport à son rôle
dans une salle de répétition, nous insistons beaucoup sur les premières phases. De longues analyses de pièces, d’exercices de placement et de
direction de comédiens alternent avec un examen critique et approfondi de l’histoire de la mise
en scène et des personnalités qui l’ont marquée
et façonnée. Jusque-là rien d’inhabituel. Cela
semble même assez standard. Et de fait les cours
supérieurs, de même que notre projet de maîtrise relèvent de la même orientation. Alors où
se trouve l’originalité au-delà la liberté engendrée par l’absence de formation officielle de comédiens ? Elle est à mon avis dans les quelques
constatations que vingt ans de pratique ont mises en lumière dont quelques-unes perceront dans
ce qui suit.
Les cours
Il est étrange de parler de principes après leur
application mais comme ils sont plus importants
que tout le reste, je voulais les laisser pour la
fin. Quelle est la nature de la pratique de la mise
Les principes
L’admission dans le premier cours qui traite spécifiquement de la mise en scène se fait sur résultats scolaires faisant état d’une préparation suf87
en scène et quelles sont les aptitudes nécessaires pour l’exercer ? Lorsque j’ai commencé à
penser à enseigner la mise en scène de façon
systématique, je me suis d´abord tourné vers mes
collègues en musique et leur ai demandé ce dont
un chef d’orchestre avait absolument besoin. La
réponse unanime fut « l’oreille ». Transposant
cette constatation au metteur en scène, on pourrait ajouter l’œil, voire parfois l’odorat ! En
somme, il s’agit de capacités de perception ! Dès
lors je me suis rendu compte qu’une attitude
particulièrement irritante chez les metteurs en
scène pouvait être contrée assez tôt. Cette attitude est le « je veux » au lieu de « je choisis ».
Car enfin le metteur en scène est d’abord quelqu’un qui choisit la meilleure, ou la moins mauvaise solution entre toutes celles qui s’offrent à
lui. Cependant, afin de choisir à bon escient fautil encore se rendre compte des possibilités, qu’il
s’agisse de telle ou telle proposition de jeu par
un comédien ou tel ou tel filtre de couleur devant un projecteur. Apprendre à développer ses
sens d’observation est aussi important chez le
metteur en scène, sinon plus important, que chez
le comédien. Il faut cependant bien distinguer
entre ce qu’observe un comédien qui utilise « la
méthode » et le metteur en scène pour qui l’option disponible doit toujours se référer à une ligne générale de conception par rapport à laquelle
la décision doit être prise. L’apprentissage de
cette technique, doit-on le dire, exige une grande
discipline.
nes sur dix s’entendraient sans doute pour dire
que Dustin Hofmann a du talent et qu’il joue
bien. La proportion devait être la même s’agissant de Rudolfo Valentino ou Erol Flynn à leur
époque. Cependant, rien ne dit que ces trois acteurs auraient pu réussir à une époque différente
de la leur. Il s’ensuit que le talent doit correspondre à des possibilités existantes ou virtuelles. (Il est inutile d’avoir du talent pour le football australien si l’on vit toute sa vie en Hongrie
ou en Mongolie.)
Il faut donc non seulement déceler un talent,
mais reconnaître s’il est utilisable, si j’ose dire.
En l’occurrence celui de créer un style, c’est-àdire ce pour quoi le metteur en scène moderne
est venu au monde.
Je ne sais pas comment sont les autres mais
pour moi le signe le plus clair du talent d’un comédien est la constatation que ses yeux reflètent
l’existence d’un monde auquel, sans son regard,
je n’aurais pas d’accès. Chez l’aspirant metteur
en scène ce n’est plus d’un regard qu’il s’agit
mais d’une vision où l’espace, le temps et le
monde prennent forme et agissent. Cela s’exprime souvent aussi maladroitement que le regard du jeune comédien. La formation fournira
le nécessaire pour mettre le talent en œuvre avec
autant d’aisance que possible. Mais ce que la
formation ne doit faire sous aucun prétexte, c’est
rendre cette expression conforme à des modes
ou à une école de pensée. Voilà pourquoi il me
paraît normal que l’enseignement de la mise en
scène se fasse dans une université qui n’a d’autre
obligation que d’assurer la libre expression de
l’impertinence de la pensée, mise toutefois dans
un cadre acceptable. Lorsque je compare notre
département à une école professionnelle, j’utilise la métaphore suivante. « Au moment d’en-
Le talent
Après le comment, j’en arrive donc au quoi,
à ce qui relève du talent et ce qui est, après tout,
le plus important. Comme dans l’enseignement
ce qui est crucial, c’est de déceler un talent, et
ne rien faire qui puisse lui nuire. Neuf person88
trer dans une école professionnelle on vous demande de vous déshabiller (collants noirs pour
tous, la bienfaisante uniformité) et petit à petit
on vous apprend l’art de vous habiller avec goût.
À la fin vous aurez rejoint les rangs de celles et
de ceux qui savent porter un costume. Chez nous
on vous accompagne chez le costumier et on
vous expose les règles élémentaires de conduite
dans une réserve de costumes (ne pas fumer; laver, nettoyer les costumes après usage, les remettre en place, etc.). Pour le reste vous êtes libre d’essayer toutes les combinaisons, même les
plus farfelues. À vous de trouver la bonne. »
Je crois que c’est ça, la mise en scène.
89
Theory and Practice: The Alexander Technique as
a Tool for Directors and Choreographers
ANNMARIE K. DAVIS & JANA TIFT
and movers are a sense of fullness and lightness
in the body; a sense of connection of limbs to center; less tension and rigidity, less pain and injury;
endless possibilities in movement challenges; and
joy in moving! The Alexander Technique brings
the body to an optimum starting point for creative
process.
What we discovered is that the Alexander Technique is an amazingly effective tool, but the happy
by-product was the changes that the study of the
Technique made in our work as director and choreographer. Because the Alexander Technique
deals not only with the space within the body, but
also our perceptions of the space outside the body,
we promptly discovered that we had greater spatial awareness when dealing with bodies and space
on stage.
In the October 1996 issue of American Theatre, John Jory, producing director of The Actor’s
Theatre of Louisville, wrote an article entitled,
‘Why Directors Can’t Direct’. One of his complaints is that directors do not possess spatial intelligence. The Alexander Technique can help
teach a director or choreographer spatial intelligence through the concepts listed in the latter part
of this article, particularly when the director has
experienced these concepts in a very personal
way—in her body.
The Alexander Technique is a system of movement training that promotes freedom and ease of
movement and enhances kinesthetic awareness
brought about through work with a teacher oneto-one. Through study of the Alexander Technique, students learn how to release and change
chronic patterns of misuse in the body. These postural or physiological patterns, which may be the
result of trauma, stress, ‘bad coaching’, and/or illness, have an intrinsic effect on the body. Students alter movement habits through use of their
own kinesthesia or proprioception (proprio = self;
and ceptor = belong to: belonging to self). This
gentle self-awareness allows the student to identify tension and overefforting in simple activities
such as speaking or walking, resulting in release
out of the pattern of misuse and improved range
of motion.
F.M. Alexander was an actor, and no profession reaps the benefits of the Alexander Technique
more than stage performers. Particularly in the
last twenty years, theatre practitioners have noted
(with glee) the positive effects of Alexander training for the actor: less tension in the vocal apparatus resulting in fuller, richer voices; gestural life
more connected to center, and thus, to emotional
stimulus; greater awareness of the whole body and
its use on stage. Some of the benefits for dancers
90
As a result of the change in space inside our
bodies, and the changed perception of space outside our bodies, we found that we became more
accurate when a moment on stage was muddied
because bodies were too close or distant, and it
was with more confidence that we could suggest
to an actor, ‘Let’s see what happens if you keep
more distance between you throughout the scene’,
or ‘Let’s use this as a starting point and see what
develops from here.’ Over and over we found that
the answers lay in the student (actor, dancer), and
their answers to our questions were interesting,
grounded choices that moved the rehearsal process forward.
It was these powerful implications that intrigued us; we experienced SPACE, (call it permission or opportunities or freedom), space to
explore, to provide productive, creative, working
atmospheres in rehearsals and workshops. As a
result of the greater space we sensed in our bodies, we developed great skill in the area of communication and collaboration.
As we examined these benefits, those of improved communication and collaboration, we discovered that our perception of what had to happen in rehearsal had changed. Instead of merely
pushing actors to create our vision of a play or
dance number, we became collaborators, giving
the actor his space within the whole project, allowing one discovery to lead us on to other discoveries, a bit at a time, trusting that information
would be in place at the end of the rehearsal process which would clearly communicate the play
or dance to the audience. This is the way the
Alexander Technique is taught: there is a body of
information that belongs to the student—it is in
the muscles of the student, and the teacher’s job
is to facilitate release which is already in the
muscle memory. The student doesn’t learn additional or new movement, he simplifies what he is
already doing, eliminates stereotyped responses,
and allows for productive change. As director or
choreographer, then, the Alexander Technique
gives a language that invites actors and dancers
to freely explore character and movement. It also
helps us to let go and trust in the abilities and skills
of our cast and designers, and allow them the freedom to make choices..
This improved freedom manifests itself in a
number of ways. In The Art of Changing, A New
Approach to the Alexander Technique, Glen Park
states that, ‘Before you begin to move take notice
of the space you have to move in. Place yourself
within that space. Feel a part of it1’. As a choreographer, Annmarie notices that the Technique
strengthens her perception of the dancer’s needs.
She now senses the appropriate time to pause and
absorb information for herself and the dancers,
so that she does not ‘overload’ them or herself
with too much information.
Another of Jory’s contentions is that directors
do not know how to create a positive atmosphere
in dealing with actors, designers, shop managers,
and so on. ‘Good work is generated by positive
atmosphere’, he says. Though we sympathize with
his problem, it was somewhat affirming to read
that we are not the only ones who have suffered
from lack of communication. But it was also gratifying to learn that in the Alexander Technique we
have a tool at our disposal which allows us to be
better director and choreographer.
Alma Hawkins states in Moving From
Within… A New Method For Dance Making: ‘In
developing our potential as fully functioning individuals, we must be concerned with nurturing
both the inner and outer ways of experiencing and
91
Primary control
expressing. We must make it possible for individuals […] to break through […] in order to make
imaginative discoveries and enrich themselves2’.
The Alexander Technique provides opportunities
to ‘break through’. According to Hawkins, the
choreographer is faced with questions such as:
‘How do you create an atmosphere than encourages […] to attend inwardly and become aware
of feelings and images? […] How do you “free”
[…] so that they are able to allow the inner voice
to guide the flow of movement and the shaping
of the externalized movement event? In other
words, how do you create an environment that
makes it possible for the individual to respond
intuitively and let the movement form autonomously3’? The Alexander Technique provides the
skills necessary to ‘break through’ and create such
an environment.
In his thorough and very useful Directing:
Analysis, Communication and Style, Frances
Hodge writes, ‘The director’s field of action is
communication… Although the director’s ultimate responsibility is to touch and move audiences with a play, he cannot do so by himself, but
must tell audiences how he thinks and feels
through actors, […] his agents4’. As this is also
true of the choreographer, we feel that the tools
of the Alexander Technique are essential to every
director and every choreographer. While we are
writing about these tools—and they will be of help
to directors and choreographers who implement
them—we strongly recommend that directors and
choreographers seek training from a qualified
Alexander Technique teacher, as these tools become second nature to the person who has experienced them in his body. It is that experience
which we share through the concepts which follow.
The head/neck/spine connection allows the body
to balance. If the head is tilted down and back (as
opposed to forward and up), the spine becomes
less flexible, peripheral vision narrows, and the
range of movement in the limbs lessens.
‘When the neck is fixed, sensory information
we can receive is reduced5’. In his introduction to
Alexander’s The Use of Self, John Dewey explains
that ‘the employment of the primary control conditions all other reactions, brings the conditioning factor under conscious direction, and enables
the individual to take possession of his own potentialities. It converts the fact of conditioned reflexes from a principle of external enslavement
into a means of vital freedom6’.
We have noticed that when we experience freedom of the head and neck, we are able to be
broader, flexible, and yet more specific (see, below, ‘part within the whole’) with our actors and
dancers. Before we experienced the Alexander
Technique, though we desired these qualities, we
achieved them only sporadically, no matter how
hard we tried to give directions to actors and dancers in a way that allowed them to be flexible and
participate in the creation of the work of art. We
felt like dictators. Now, after studying the
Alexander Technique and free our bodies, we find
that the spine of the dance or the productions has
more flexibility and includes more possibilities
for what fits within it. And the ‘limbs’ of the productions, the actors, dancers, and designers, feel
that. They feel that they have the space to explore
within the wider vision (and there is not just one
choice that fits within the vision but many) and
consequently, we see more interesting and more
grounded choices being made. Creativity ‘speaks
[…] Once you have discovered the seed, it has a
92
character that dictates its own continuity. Once
you understand that, you allow it to grow on its
own. Just stay out of its way7’.
Therefore, we strive to begin every rehearsal with
‘I don’t know what’s going to happen’ in mind—
the actors may need to go in an entirely different
direction than what you had planned. Go for it.
Also, the dancers may be trying something new;
give them an out: ‘I don’t know what’s going to
happen.’ Free them to fail if necessary. Actors
sense when we have only one expectation, and
they stifle their own impulse in trying to please
us. It’s a greater tool for giving ourselves a way
out as well. If we tell the actors, ‘I don’t know
what’s…’, we don’t have to be right either. What
we do find is that what comes up is fresh and original, and the choices are strong, so that if they don’t
work, ninety-nine percent of the time we know
why, and we have a new direction to go.
I don’t know what’s going to happen
‘The process of directing energy out of familiar
into new and unfamiliar paths, as a means of
changing the manner of reacting to stimuli, implies of necessity an ever-increasing ability on the
part both of teacher and pupil to ‘pass from the
known to the unknown’; it is therefore a process
which is true to the principle involved in all human growth and development8’. In an Alexander
lesson, it is essential that the student change habits; he must believe that he can make a change.
When the teacher says: ‘I don’t know what’s going to happen’, the student is freed to make a
choice, any choice—there is no expected result.
There is no ‘right’.
The truth is we don’t know what is going to
happen. Many times, when we make a suggestion to an actor, what does happen is more wonderful than we imagined. And if we expanded our
thinking to include the possibility that anything
can happen, then we are able to find the good in
what does happen, even when the actor’s choices
don’t go in a direction which we ultimately want
them to go. It’s easier to shift gears and make other
suggestions, rather than wasting time recovering
from the disappointment of our narrow vision not
being met.
Fear of failing, not being ‘right’, can cause an
actor or dancer to block, as we all know, to make
small choices, to tighten muscles. According to
Michael Gelb, ‘fear […] interferes, both psychologically and physiologically, with an individual’s
ability to respond freely and to function naturally9’. For a director or choreographer, taking the
fear factor to a minimum is of utmost importance.
Part within the whole
‘The dancer speaks through the integrated totality of movement, not through separate body parts.
His concern with parts should always be directed
towards the improved functioning of the total body
instrument. This means that as he increases his
skill and control of the parts of the body, he must
at the same time learn to move with the total body
awareness10’.
When creating a dance, elements such as time,
weight, force and space are explored. Each element is separate in and of itself, and when rehearsing it is often necessary to concentrate on one elements at a time, but a dance cannot exist without
the presence of all these elements.
Remember that, even as director or choreographer, we are only part of the big picture is a
humbling experience, and it certainly can improve
communication. This simple idea can free actors.
Many is the time we have reminded an actor or
dancer, ‘You don’t have to do the whole show by
yourself, there are lots of talented people here to
93
support you.’ And we watch them settle in and
trust themselves and the other performers.
The concept of ‘part within the whole’ encourages actors and dancers to be aware of others.
Knowing how they fit in the big picture can help
with focus, rhythm and clarity, particularly when
dealing with large numbers of actors or dancers
onstage. Traffic management improves for the director, because everyone is more focused on it.
release (see ‘endgaining’), before identifying what
the tension is. Sometimes release just happens;
the muscle recognizes its tension, and the student
doesn’t have to consciously identify it. However,
there are times when a muscle won’t release, and
the student is ‘stuck’. Often identifying why or
how he feels stuck is the first step toward finding
the ‘means whereby’ change can take place.
Directors and choreographers will recognize
the value of this phrase in working with actors
and dancers. Most of the time, we must identify
the problem before we can begin to offer solutions. Sometimes this requires taking a big breath
before speaking; sometimes it means leaving the
scene alone for a day or two to see if the problem
goes away or becomes bigger so that it can be
identified; sometimes it involves talking to the
actors or dancers—often they can tell you where
or why they feel uncomfortable, and in the personal understanding, if you listen closely, you will
hear what the overall problem is.
What would happen if…
In Alexander terms, this phrase is applied to a
movement habit, such as overtightening the hand
which holds a pen when writing. The questions is
asked, ‘What would happen if you didn’t tighten
that hand?’ The answer is almost invariably, ‘I’m
afraid I’ll drop the pen!’ But through gentle release and re-education with the assistance of a
teacher, the unproductive movement habit (and
accompanying discomfort) can be changed.
‘What would happen if…’ has become one of
our favorite phrases. It opens the door to possibility without giving the actor the impression that
this is the only choice available. It also asks a questions which starts the actor or dancer thinking in
a particular direction, without saying, ‘Your current choice isn’t working—try something else.’
Also, implied is that there are innumerable ‘What
would happen ifs…’ which gives the actor the
freedom to try a choice without feeling locked
into it. Sometimes the answer to ‘What would
happen if…’ is that the new choice doesn’t work
at all. Great! We are now closer to our goal—we
know something that doesn’t work. We don’t have
to try that choice again.
Endgaining
‘As Alexander discovered, saying the directions
[i.e., directions to release] without inhibiting the
habitual behavior is of no value. Nor is giving
directions without careful observation of what is
going wrong. Similarly with affirmations, we need
to pause, create space and take time to get in touch
with what is really going on and then let go of
what we don’t want any more and put the new
[…] direction in its place11’. The Alexander Technique emphasizes the process of changing, rather
than the results.
It is essential that the Alexander student remembers that the discoveries he makes, as he releases and forms new habits, will take him toward the end he desires. ‘When a person has
reached a stage of unsatisfactory use and func-
You have to know where you are before
you can make a change
This phrase is used when a student of the
Alexander Technique is trying to move ahead to
94
tioning, his habit of endgaining will prove to be
the impeding factor in all his attempts to profit by
any teaching method whatsoever12’. This is an extremely important concept when working with
performers. Say the actor wants to improve his
gestural life. But the problem (the Alexander
teacher observes but does not point out) is more
than just in his gesture, it is in the way he lifts his
chin and holds his breath before he says the first
words of the monologue. The teacher will work
with the student to allow him to discover and then
release these movement habits, realizing that the
gestural life will take care of itself, if the student
eliminates these other tensions. In order to achieve
the desired result, the student must, at every step
in the process, give himself permission to go in a
different direction, not to speak the lines or take
the first dance step—this is essential in changing
habitual behavior. Once the student decides, ‘I’m
going to say the line right now’, he is endgaining,
and his habitual tensions may return. Many is the
time we have observed in an Alexander performance class, when a dancer never danced, but simply made discoveries about his ‘everyday’ movement, which profoundly affected his dancing in a
positive way.
When we began studying the Alexander Technique, we never expected our bodies to release
all over at one time in the first lesson. We knew it
was a process that would lead us to greater freedom and ease of movement. As a result of this
profound body experience, we no longer push our
actors and dancers to ‘give us the scene’ all in one
rehearsal. Jana no longer asks actors in an early
rehearsal to ‘pick up cues’—when they are still
exploring text and relationship. Now we understand, in a very deep way, how unproductive that
is. Glen Park states: ‘as Alexander discovered,
saying the directions (i.e., directions to release)
without inhibiting the habitual behavior is of no
value. Nor is giving the directions without careful observation of what is going wrong. Similarly
with affirmations, we need to pause, create space
and take time to get in touch with what is really
going on; then let go of what we don’t want any
more and put the new… direction in its place13.’
Of necessity, directors and choreographers
work from an image of what the performance
should be when it is polished. But we often fail to
include the changes in the actor’s/dancer’s process necessary for them to achieve our vision. In
order not to endgain—force the actor or dancer in
a direction he may not be capable of going—we
must always direct or choreograph from the point
of view that we are making choices, and any
choice may go in another and equally satisfying
direction. The process is not fixing the talents of
performers, but allowing them to make choices
that are suited to their talents and yet these choices
still fall within the collective vision for the performance. It is the ultimate test in the director’s
trust in her abilities, that she can let the fullness
of each choice add up to a fully realized, cohesive production.
Discovery
In studying the Alexander Technique, every discovery is a valuable one, because it provides useful information. Even ‘not knowing’ can be valuable, because it means that the possible choices
are infinite. Alexander teachers do not lead a student by the nose, the student is given the time and
the space to make discoveries about her own use
of herself. Any discovery, no matter how small,
is honored, because each discovery brings more
information about the whole.
95
In rehearsal, even a ‘bad’ choice takes the performance somewhere, and is useful as a piece of
information. This takes the pressure off the actor
to have to be ‘right’ in rehearsal all the time, and
it keeps the director from frustration and anger
when the actors are not ‘giving her what she
wants’. As director, look at what is happening from
a realistic point of view, not from the point of view
of ‘should’, which is endgaining, but at what is
really going on with the actor and how to use this
information to help her achieve a viable performance. That is to say, there are dozens of ways to
play a given action, and a performance will be
more connected and lively if the actor is given
the space to find his way of playing it (making
his discovery), rather than imitating the director.
The choreographer acknowledges (or must acknowledge) the unpredictability of the creative
process with herself and her dancers. Creativity,
progress, and development may reach a plateau,
surge, or regress since it depends on the ‘unique
perception and expression of the self14’. ‘Not every move, nuance, and breath has to be established
before rehearsal. Flexibility and quickness to see
what works and what does not must be maintained
by the choreographer. He should be asking himself: what dance steps don’t work, and why? How
could they be made to work, or how can the same
effect be achieved in another way? How can the
steps work better15’?
ceeds in creating more tension. Sometimes ‘the
means whereby’ a release in one part of the body
can happen, means focusing or releasing another
part of the body. Sometimes it means saving that
release for another lesson.
In using the Alexander Technique in directing
and choreographing, the end is not to say a line or
dance the step well, the end is to use the whole
organism in a different way, so that a better performance becomes possible, the line becomes part
of the use of the whole person. Often we will ask
actors or dancers to try a movement exercise or
play a silly game like tag, which may have no
direct bearing on the scene, just to free their bodies and get them thinking in a different direction.
Jana used to agonize over, ‘What would be the
right exercise to free them in this scene?’ Now,
because of the means whereby, I know that any
exercise will give us valuable information, and it
will of necessity, take us in a different direction.
As Arvin Brown, the former Artistic Director of
the Long Wharf Theatre says, ‘Nothing that happens in rehearsal is ever entirely forgotten.’
Sometimes the ‘the means whereby’ we are
going to achieve the desired end, may be to walk
away from the scene. Maybe we (the actors and
director, the choreographer and dancers) have so
much information that we can’t sort it out. We
may need some down time to allow the creative
subconscious the space to make sense of the information. Knowing when we’ve done enough
work on the scene or dance for a single rehearsal—
learning to see when the actors or dancers eyes
are glazing over and they appear frustrated, is one
of the most valuable tools the Alexander Technique has given us. If we’re endgaining, we aren’t
going to notice—we’re going to be focusing on
‘getting what we want’. If we are remembering
The means whereby
‘The principle of a reasoning consideration of the
causes of the conditions present, and an indirect
instead of a direct procedure on the part of the
person endeavoring to gain the desired end16’. In
an Alexander lesson this principle presents itself
when the student must find an alternative to
efforting to achieve release. Efforting only suc96
our part, but not the whole, we won’t notice either—our vision will be too narrow. If we have
not stopped to notice where we are, we won’t see
the actors—we’ll be too focused on what just happened or what is about to happen.
One of the most profound experiences we have
learned from these principles was a number of
years ago, when Jana was directing undergraduates in a production of Richard Harris’s Stepping
Out. The actors were doing a warm-up exercise,
in which they used sound and movement to claim
and give focus, an important skill when there are
ten actors on stage for most of the action of the
play. The exercise works best when the focus
moves from person to person rapidly, and the actors knew this, and had played it that way in the
past, but on this particular occasion, it seems that
the actors were moving through molasses, and a
horse and wagon could have passed through the
pauses between the changes in focus. Jana was
frustrated, feeling that they were refusing to do
the exercise because they didn’t want to be at rehearsal on a Sunday afternoon, they were resisting, her, etc. etc… when she paused to look at all
of them. The actors, without exception, were putting their weight back on their heels. A light bolt
went on over her head. If she had not made this
observation, she would have stopped the exercise,
and berated them all for their non-participation,
at least, that they were not participating in the way
she wanted them to. But, when they stopped, she
paused and asked them how the exercise had gone
for them. Though she wouldn’t want to be accused
of endgaining, she knew there was no way the
students could say it had gone well, though she
did not know how they would express it. Then
she asked if anyone could offer what may have
caused the exercise to go poorly, as we had had
successful times with it in the past. Actors ventured various options—tiredness, Sunday afternoon, etc., which seemed viable enough. She did
ask them in order to prove them wrong; she genuinely wanted to know what they thought, and she
did not endgain in that she expected or didn’t expect someone to notice what she had noticed. She
then shared with them her observation—no blame,
just a statement: ‘This is what I noticed.’ Light
dawned on every face—Stepping Out is a play
that takes place in an adult tap dance class, and
these actor-dancers knew that weight on the heels
is death to a tap dancer. We went on to have an
absolutely splendid run-through that Sunday afternoon. And ‘weight forward’ became a backstage byword and an onstage practice throughout
the run. Jana can’t recall taking a single note on
pace throughout the run.
These principles work. They always work.
They have made us better as director and choreographer. They have improved the quality of the
productions on which we have worked. And they
continue to support us in innumerable ways as
we meet new challenges and opportunities in our
fields.
Notes
1
Glen Park, The Art of Changing, A New Approach to The Alexander Technique (Bath, England: Ashgrove Press Limited, 1989), p. 163.
2
Alma M. Hawkins, Moving From Within
(Pennington, NJ: A Cappella Books, 1991), p.11.
3
Ibid.
4
Frances Hodge, Directing: Analysis, Communication and Style (Englewood Cliffs: Prentice-Hall,
Inc., 1994), p. 69.
5
97
Park, op. cit., p. 64.
6
John Dewey, Introduction: F.M. Alexander’s The
Use of Self: Its Conscious Direction in Relation
to Diagnosis, Functioning and The Control of Reaction, (New York: Dutton, 1932), pp. xiii-xix.
7
Alwin Nikolais, Interview with Alma M.
Hawkins, Creating Through Dance (Pennington,
NJ: Princeton Book Company, 1988), p. 78.
8
F. Matthias Alexander, The Use of Self…(New
York: Dutton, 1932), p. 87.
9
Michael Gelb, Body Learning, an Introduction
to the Alexander Technique (London: Aurum
Press).
10
Alma M. Hawkins, op. cit.
11
Park, op. cit., p. 173.
12
Alexander, op. cit., p. 62.
13
Park, op. cit., p. 173.
14
Sysab Kabger, Feeling and Form (New York:
Charles Scribner’s & Sons, 1953), p 33.
15
Robert Berkson, Musical Theatre Choreography (New York: Back Stage Books, 1990), p.142.
16
Alexander, op. cit.
98
La Notion d’autopoïésis
et la méthode FeldenkraisMD au service
de la formation, de la recherche
et de la création théâtrales
ODETTE GUIMOND
conséquences du règne de ce cogito concentrationnaire :
C’est sous la forme d’un dilemme que
l’angoisse s’exprime le mieux : soit notre connaissance possède un fondement
fixe et stable, un point d’où elle part,
où elle s’établit et repose, soit nous ne
pouvons échapper à une sorte d’obscurité, de chaos ou de confusion. Ou bien
il y a un sol ou fondement absolu, ou
2
bien tout s’écroule .
Cette angoisse témoigne d’une rigidité, d’une
méconnaissance fondamentale de la vie et du
mouvement. Or l’éducation somatique est un
champ disciplinaire qui rassemble des méthodes développées depuis plus d’un siècle en Occident (qui rencontrent sur plusieurs points une
tradition millénaire orientale) et qui se préoccupent de l’apprentissage de la conscience du corps
en mouvement dans l’espace. Elles ont pour but,
entre autres, la poursuite d’une forme d’apprentissage qui s’arrête actuellement à peu près à
l’âge de l’éducation scolaire. À partir de cet âge,
l’éducation se trouve divisée en deux branches :
l’éducation physique et l’éducation intellectuelle—souvent, dans les deux cas, beaucoup de
bruit pour rien. Au mieux, l’éducation religieuse
ou « morale », la psychologie populaire, l’édu-
Comment et où avons-nous appris à devenir des
humains ? À quel moment nous sommes-nous
arrêtés dans cette quête ? Nous sommes-nous arrêtés ? Quelle idée avons-nous de notre humanité ? Pour devenir des acteurs, il faut laisser « la
bête » s’exprimer en nous. Nous devons retrouver en nous toute cette angoisse, toute cette violence indomptée de l’homme de Cro-Magnon,
qui ne sont peut-être guère différentes de celles
de l’homo sapiens. Essayant de faire le point sur
les choix qui s’offrent actuellement aux humains,
Francisco Varela, biologiste et spécialiste des
sciences cognitives, dans son récent ouvrage
Quel savoir pour l’éthique ?, prend pour point
de départ cette affirmation : « Je partirai du principe que l’éthique se rapproche plus de la sagesse que de la raison : il s’agit de comprendre
ce qu’est être bon plutôt que d’avoir un jugement correct dans une situation particulière1 ».
Comment et où se font donc actuellement
l’éducation de la sagesse et celle de la sensibilité ? À l’heure où se publient de plus en plus de
livres autour du thème de l’erreur de Descartes,
on continue à la perpétuer, concevant encore
l’être humain comme un composé d’un esprit
rationnel (si ce n’est d’une âme divine) et d’un
corps bestial. Varela, dans un ouvrage précédent,
L’Inscription corporelle de l’esprit commente les
99
entre sa conscience, ses fonctions biologiques
et l’environnement. Il suppose un processus d’inter-relations et, chez l’être humain que l’on considère de plus en plus comme prématuré à la
naissance comparativement aux autres espèces
animales, une liberté de choix en ce qui a trait à
l’organisation de son action. L’action est en effet le principe intégrateur de l’apprentissage.
L’action permet la transformation du soma en
lui-même, sa survie, c’est-à-dire son autopoïésis.
C’est sûrement Moshe Feldenkrais qui s’est exprimé le plus clairement sur cette idée dans son
livre le plus connu, La Conscience du corps,
quand il affirme : « L’image du moi se compose
de quatre données qui participent à chacune de
nos activités : le mouvement, la sensation, le sentiment et la pensée. Ces composantes sont aussi
parties intégrantes de chaque action […]. Si l’un
des éléments de l’action se rétrécit au point de
ne plus exister qu’à peine, la vie elle-même peut
se trouver menacée3. »
Le soma humain a développé un mode de pensée différent de celui des autres animaux, qui
rend son apprentissage et son éducation extrêmement complexes. Il a développé une faculté
d’auto-observation qui lui permet une mobilité
de perception face à lui-même. Le jeu de dédoublement dont il reste le maître (du moins le souhaite-t-il) lui permet de se saisir à volonté dans
sa dimension de je et dans sa dimension de il. La
somatique renouvelle la problématique traditionnelle opposant objectivité et subjectivité. Thomas Hanna (praticien de la Méthode Feldenkrais,
qui a par la suite développé sa propre approche
et que l’on considère comme le fondateur du
domaine de la somatique) définit les humains
comme des « illusions optiques » dans la mesure où ils peuvent être « vus » de deux maniè-
cation artistique comblent le gouffre et l’angoisse
créés par une telle scission dans l’unité de la personne, pour laquelle l’apprentissage prend de
moins en moins de sens. L’éducation des sens,
de la sensibilité fine, de l’émotion comme soutien d’une intention, tout cela est délaissé et s’apprend « sur le tas », en amateurs. C’est à cet
immense domaine de l’humain (au-delà et en
deçà des muscles et de l’intellect, de la bête et
du concept) que s’ouvre l’éducation somatique,
nourrie par la notion d’autopoïésis. Parler du
soma et de son autopoïésis nécessite de changer
de paradigme. C’est une occasion de se dégager
de l’erreur de Descartes, et de ramener le corps
à la vie.
Qu’est-ce que le soma ?
Ce mot hérité du grec signifie « corps vivant »,
le corps perçu et vécu de l’intérieur, pour le différencier du corps-objet, du corps mort; ce terme
soutient la notion d’« embodiment »
(« corporéité » ou « incarnation »). Le mouvement est lié directement à la reformulation de la
vision du monde proposée par la somatique.
Celle-ci s’appuie au départ sur le passage d’une
interrogation intellectualiste et essentialiste en
ce qui concerne le vivant, à une vision phénoménologique et existentielle. Ne plus tenir la vie
pour une abstraction lui redonne un sens. Le
mouvement est ce qui permet de distinguer ce
qui est vivant de ce qui ne l’est pas. On peut
observer, dans le mouvement, comment la vie
se manifeste. Pour Moshe Feldenkrais, le mouvement est le meilleur indicateur de la santé du
système nerveux, de la personne. Le mouvement
permet d’intervenir dans le processus de la vie.
Le mouvement, c’est la vie.
L’apprentissage est ce qui détermine le processus des inter-relations que l’homme établit
100
res différentes, mais qu’ils ne peuvent être
« conscients » que d’un seul point de vue à la
fois4.
L’humain doit conséquemment apprendre à
éviter un certain nombre de pièges. Il doit veiller
à ne pas être victime du jeu de miroir qui lui
ferait prendre l’autre pour un il, alors qu’il est
lui aussi un je. Mais il doit aussi reconnaître que
ce je ne peut être assimilé au sien : il est différent. Une relation humaine a lieu entre des je
capables d’apprentissage, qui renoncent au fait
de se traiter comme des ils, et qui savent que la
seule manière de connaître l’autre je est de partager un même mouvement. L’exercice du langage, auquel est liée l’invention du il, permet en
partie la connaissance par un jeu de dédoublement. Mais il entre en conflit avec une activité
relationnelle, s’il n’est pas soutenu par le mouvement qui permet véritablement la connaissance. Le langage referme l’individu sur luimême, le mouvement l’ouvre au partage de l’expérience. Je reviendrai plus loin sur cette idée
centrale, qui constitue le cœur de mon exposé.
Pour Moshe Feldenkrais, l’apparition de l’objectivité chez l’enfant coïncide avec une perte
de contact avec lui-même, avec un arrêt de croissance de la conscience, avec une régression du
potentiel et un nivellement de la pensée. La représentation du monde qu’il apprend à considérer comme la réalité devient plus importante que
celle qui surgit de son expérience. Or celle-là
seule répond de son individualité, de sa liberté,
somme toute, de son humanité. L’objectivation
de « la réalité » dépend d’un consensus social.
Elle se manifeste dans le comportement en société, témoigne de l’appartenance de l’individu
à une culture et à une civilisation. Elle répond
aux yeux de tous de sa santé mentale. L’objecti-
vité est le dénominateur commun à un ensemble
de sujets, et ne constitue qu’une partie de la réalité subjective beaucoup plus riche. La subjectivité est en somme la seule réalité à explorer, dans
une perspective d’éducation somatique5.
C’est dans ce sens que celle-ci vise d’abord
une connaissance « intérieure », subjective, de
son corps en mouvement qui souvent s’est arrêtée avec la découverte du langage, pour l’amener à la rencontre d’un savoir objectif plus « extérieur », celui-là souvent hypertrophié. L’hypertrophie de sa faculté d’abstraction, au détriment
de son expérience somatique, empêche souvent
l’humain de réagir adéquatement au danger immédiat, alors qu’il est l’animal qui possède potentiellement le plus de mobilité. Il faut bien
parler dans ce cas d’une atrophie humaine des
sens qui met en péril sa survie. C’est aussi une
telle atrophie qui est à l’origine de la perception
courante de soi en tant qu’étranger, en tant qu’objet à l’intérieur duquel l’esprit est enfermé et
coupé de tout lien avec « le monde ». Thomas
Hanna rattache un tel sentiment à l’ignorance
neurologique que les personnes ont d’elles-mêmes.
C’est dire la primauté de l’expérience sur la
théorisation chez les vivants, et la possibilité de
modification dans l’organisation de toute structure vivante par la remise en mouvement de fonctions atrophiées, ce qui est primordial dans la
pratique de la Méthode Feldenkrais. Le principe
de l’organisation du vivant est également fondamental chez Feldenkrais. Ce principe a été mis
en lumière par la notion d’autopoïésis liée à celle
de connaissance biologique, que l’on évoque
métaphoriquement en parlant « d’intelligence du
corps ». Celle-ci a pour fonction d’assurer la
101
survie de l’organisme en lui permettant de créer
constamment du sens.
de par sa circularité homéostatique, de par son
processus d’auto-régulation, est auto-référentiel.
On aura compris que si la notion d’organisation apparaît à Maturana et Varela comme ayant
valeur opératoire dans la description d’une unité
vivante, c’est qu’elle assure la stabilité et constitue l’identité de l’unité, alors que ses composantes et sa structure sont en mouvement. Un tel
processus de transformation ne prend fin qu’avec
l’impossibilité d’homéostasie, l’impossibilité
d’intégrer l’imprévu, de poursuivre un processus de connaissance, et conséquemment avec la
perte d’identité et la désintégration de l’unité vivante, la mort.
Tout être vivant apparaît ainsi comme
autopoïétique, c’est-à-dire comme se
recréant constamment lui-même jusqu’à perte d’identité, un système clos
sur lui-même, mais en même temps partie essentielle d’un environnement avec
lequel il entretient des interactions vitales.
L’organisation vivante est conservatrice et répète
inlassablement ce qui marche, ce qu’elle a appris dans son expérience passée, ce qui a jusqu’ici assuré sa survie et qui constitue son identité. On ne saurait mieux souligner l’importance
des habitudes et la difficulté de s’en dégager.
Paradoxalement l’organisation vivante qui assurera le plus longtemps sa survie se reconnaît à
sa capacité d’adaptation, c’est-à-dire à sa capacité de synthétiser, d’apporter des changements
à ses habitudes, d’intégrer l’expérience présente.
Le présent est en effet le seul temps du vivant.
Le vivant n’agit toujours qu’en fonction de sa
propre survie. Ainsi en est-il de l’acteur. Mais
qu’en est-il de la représentation ? En quoi est-
La notion d’autopoïésis
Créateurs de la notion d’autopoïésis en 1972, que
l’on retrouve dans Autopoiesis : The
Organization of the Living6, les biologistes
Maturana et Varela reconnaissaient au départ
l’impossibilité de décrire une unité vivante ni
par l’addition de ses composantes, ni par sa structure, ni par sa fonction, de quoi faire réfléchir
ceux qui tentent de décrire la « représentation
théâtrale » vivante et génératrice de sens. Leur
description du vivant est centrée sur la notion
d’organisation circulaire des interactions (qui
rappelle la notion d’intelligence de Feldenkrais)
dont le processus se reconnaît au sein de l’activité de chaque cellule. Ils ont mis en lumière
que c’est le mouvement qui maintient constante
l’organisation circulaire des interactions, en produisant les composantes qui la font fonctionner
et qui la définissent comme unité d’interactions,
alors que composantes et structures varient au
cours du développement et diffèrent entre les
membres d’une même espèce : elles sont à proprement parler individuelles. Ce qui importe,
c’est qu’elles assurent la survie de l’individu et
donnent un sens à sa vie.
Définir une unité vivante par sa fonction la
présuppose de ce fait comme non distincte, non
autonome, remplaçable au sein d’un ensemble
(le social, l’environnement). C’est ce qui a amené
Maturana à repenser profondément la spécificité
de l’unité biologique. Il lui est alors apparu que
celle-ci n’est pas un système ouvert, mais un système clos sur lui-même. Toute unité, par définition, ne peut être décrite que par sa différence
pour se poser comme distincte, individuelle,
autonome et irremplaçable. Tout système vivant,
102
elle l’alliée ou l’ennemie du processus de connaissance et de survie de l’acteur ?
matique particulière du théâtre et la situation délicate de l’acteur, humain autopoïétique au sein
d’une œuvre d’art allopoïétique.
Maturana invite en effet à différencier le domaine biologique de la connaissance du domaine
de la représentation linguistique. Quand on conçoit le corps de l’acteur comme un corps fictif
au théâtre, c’est que l’on choisit de confondre
ces deux domaines et que l’on renie une fois de
plus le phénomène corporel de la connaissance,
au profit du domaine fabulatoire du discours à
propos de cette connaissance. On peut supposer
que, dans un théâtre vivant, le corps de l’acteur
est présent, qu’il ne se substitue à rien ni à personne d’autre. Comme il n’est pas un objet, il
est irremplaçable et il n’est pas ouvert à la lecture. Il n’est fonction de rien, mais le théâtre est
fonction de son identité organisée au sein de différents types d’interactions. Que devient alors
la fabulation, dont nous sommes si friands, en
tant qu’humains ? Est-elle à proscrire ? Est-elle
nocive à la santé ? Tout est question d’éducation !
Le domaine linguistique est une spécialisation produite par l’activité cognitive, contribuant
à l’homéostasie de l’organisme. Par la voie de
ce monde fictif, production du système nerveux
dans l’organisation de ses mécanismes de survie, il devient possible d’interagir avec son propre monde de représentations qui peuvent devenir pures relations. Dans la pensée abstraite, l’organisme trouve le moyen d’interagir avec luimême par la représentation de son expérience
passée, telle qu’il la ré-arrange pour assurer sa
survie dans le présent, et par une représentation
des probabilités concernant son expérience future, tirées de ce ré-arrangement dans le phénomène présent de la mémoire, le présent qui est
La représentation : alliée ou ennemie ?
À la différence des notions de structure et de
fonction, la notion d’organisation permet de décrire l’unité vivante comme unité distincte et
autonome dans des rapports de différents types
avec d’autres unités. Maturana et Varela distinguent alors les machines vivantes (les unités biologiques) des machines non vivantes (les objets)
comme relevant de deux modes d’organisation
différents. Les unités vivantes, dites autopoïétiques, homéostatiques, auto-référentielles (auquel
le feedback est intégré) se distinguent des machines allopoïétiques qui produisent autre chose
qu’elles-mêmes et dont l’organisation fonctionnelle implique ce qui est extérieur à ce qui les
constitue comme unités.
Le soma humain est autopoïétique. L’œuvre
d’art, par ailleurs, correspondrait à ce que
Maturana et Varela qualifient d’allopoïétique.
Sauf que l’artiste aura su y créer l’illusion d’une
unité autopoïétique par le processus que l’objet
d’art suscite chez le spectateur/lecteur, qui aura
le sentiment d’interagir avec elle. N’oublions pas
qu’en esthétique, le mouvement est le critère
commun à tous les arts qui permet d’évaluer la
qualité de l’œuvre. C’est du moins ce que proposait déjà Suzanne Langer dans Feeling and
Form7. Ainsi l’œuvre « ouverte », telle que définie par Umberto Eco8, obéit-elle à une organisation de machine non-vivante, et arrive-t-elle
paradoxalement à créer l’illusion d’une machine
vivante quand elle renvoie l’humain qui entre
en interaction avec elle, par le mouvement, à sa
propre organisation en circuit fermé où se crée
le sens, phénomène auto-référentiel. Voilà qui
peut nous aider à mettre en lumière la problé103
le seul temps du vivant. Le domaine linguistique fictif, théorique, fabulatoire, s’organise de
manière analogue à celui de la connaissance, et
fonctionne en vue d’assurer la survie de l’organisme. Il est lui aussi conservateur et appelé pourtant à s’adapter au changement. Il faut cependant se rappeler que si le domaine biologique
existe sans le domaine linguistique, l’inverse est
pure illusion.
Que privilégions-nous au théâtre ? La connaissance ou l’illusion de celle-ci ? Rappelonsnous le jeu de miroir qui caractérise la pensée
humaine et les pièges qui la guettent. L’émergence du domaine linguistique a vu en effet la
création, dans l’organisme humain, d’une identité fictive, devenue en Occident plus « réelle »
et plus crédible que l’identité biologique : celle
de l’observateur. Cette identité fictive a pour
fonction de décrire, mais en est culturellement
arrivée à confondre la description et le phénomène, le discours et la pensée, la représentation
et la connaissance. Là seul réside le danger. Il
faut rééduquer somatiquement l’observateur en
nous, ce qui est l’un des principes majeurs de la
Méthode Feldenkrais d’éducation somatique.
Sans cette rééducation, la projection de probabilités risque d’être alors régie par des lois articulées à propos d’un monde de plus en plus
fictif, qui permettent moins l’intégration anarchique du présent que la constante reformulation
d’une puissance fictive du passé, refusant le présent et détachée du phénomène vivant. Ces lois
peuvent alors contribuer paradoxalement à la
désintégration de l’organisme qu’elles devaient
au départ servir, si le domaine cognitif ne peut
plus à travers lui assurer son homéostasie. Ainsi
les humains se détruisent-ils dans un monde de
fabulations impuissantes qui n’a plus rien de
commun avec eux-mêmes, avec ce qu’ils refusent de connaître. Qu’en est-il au théâtre ?
L’observateur en nous a acquis la capacité de
décrire un phénomène « comme si » physiquement il en était coupé. Ce qu’il décrit en fait, ce
qu’il codifie, ce qu’il « sémiotise », c’est a posteriori l’interaction de son expérience cognitive
avec son domaine de représentation pré-existant.
C’est lui-même qu’il tente de codifier, son processus de pensée en interaction avec le langage.
Mais la pensée n’est pas le langage : elle interagit
avec lui. Le langage est un outil qui tente de « traduire » la pensée. Celle-ci est de l’ordre du mouvement, qui, on l’aura compris, n’a rien à voir
ici avec le geste construit et sémiotisable.
Celui qui participe à l’organisation d’un phénomène, comme composante en rapport avec
d’autres composantes dans une structure en transformation (comme le spectateur et l’acteur dans
le présent de la « représentation » théâtrale,
l’auteur ou le metteur en scène dans le présent
de leur création), celui-là ne « sémiotise » pas,
il vit une expérience. Seul l’observateur
sémiotise quand il nie le présent et sa présence à
l’expérience. Il fait alors « comme si » il n’était
pas vivant, « comme si » il était absent. Il
sémiotise, par ce jeu, sa rupture avec l’expérience, son absence à l’expérience. Ce qu’il
sémiotise, c’est l’auto-observation de son domaine de représentations plus ou moins transformé par le domaine de son expérience selon
qu’il y aura été plus ou moins présent.
Cette dénégation du présent relève bien sûr
du jeu et contribue à créer théories et fictions
qui, si elles ne se reconnaissent pas pour telles,
deviennent à la fois naïves et dangereuses, créant
une distance de plus en plus grande entre la description et le phénomène (ainsi que le dénon104
développent des mouvements aussi différents
que les individus le sont eux-mêmes. Une chose
est certaine : ils n’échangent pas d’information,
ainsi que le feraient des machines non-vivantes,
parce qu’ils n’ont aucune prise l’un sur l’autre.
Ce sont des systèmes clos, à la différence des
ordinateurs.
Une théorie de l’information supposant un
émetteur, un récepteur et un message, apparaît
inapplicable à une description de la communication entre des humains. Je ne m’étendrai donc
pas sur les limites à imposer à l’efficacité des
études sémiologiques, particulièrement en ce qui
a trait au domaine de la perception du spectateur
ou à la genèse du sens. De même, des théories
supposant chez les humains des pulsions et des
processus de stimulus-réponse ne devraient être
évoquées qu’à titre de métaphores. En termes
biologiques, on ne peut pas se référer à une transmission électrique ou à un échange d’informations entre des vivants. On peut uniquement parler de déformation proposée à leur organisation
par leur interaction, déformation sur laquelle ni
supposé émetteur ni prétendu transmetteur n’ont
aucun autre contrôle que celui d’assurer leur
survie. La déformation est intégrée ou non par
l’unité vivante à son processus homéostatique.
Si la déformation proposée est intégrée, elle
sera transformée au sein de l’unité vivante en
cette unité vivante même. Si elle ne l’est pas, ou
bien il y aura rejet de la proposition et l’unité
ressortira intacte de l’interaction ; ou bien il y
aura désintégration de l’unité. Le système nerveux est ce qui assure l’homéostasie de l’organisme : il n’est ni encodeur/décodeur, ni transmetteur d’information. Si l’approche computationnelle en sciences cognitives a pu connaître
son heure de gloire et participer au développe-
cent, dans plusieurs champs de recherche,
théoriens et praticiens dérivant en des mondes
de plus en plus distincts), une distance de plus
en plus grande entre soi et ses semblables. Où
commence et où finit la connaissance ? Comment traverser le jeu de miroirs de la représentation ? Ces questions nous amènent à tenter de
clarifier les enjeux de l’interaction cognitive et
ceux de la communication linguistique.
Interaction cognitive et communication
linguistique
Selon Maturana et Varela, il est possible à un
être humain d’apporter du changement dans un
autre système vivant, d’entrer en relation avec
lui, de deux manières. La première s’inscrit dans
le domaine biologique de la connaissance ; la
seconde dans le domaine linguistique de la communication. Dans le premier cas, il y a interaction : les deux systèmes vivants changent ensemble et l’un par rapport à l’autre. Quand il y a
interaction entre deux vivants, il s’agit d’un processus par lequel ils créent ensemble un mouvement homéostatique, pouvant aller (grâce à la
reproduction) jusqu’à la création d’un autre système autopoïétique autonome. C’est l’interaction
entre vivants, la qualité de leur présence et de
leur mouvement qui, au théâtre comme dans la
vie, génèrent la connaissance et la survie individuelle et collective.
Dans le cas de la communication, les deux
systèmes vivants rétablissent l’un et l’autre, dans
un jeu par le langage, l’organisation individuelle
de leurs représentations. Le domaine de représentations de chacun peut être plus ou moins bouleversé et de manière plus ou moins stable ou
divergente par un tel processus de ré-arrangement. Les deux individus ne partagent jamais un
même mouvement, une même connaissance, ils
105
ment de l’intelligence artificielle des ordinateurs,
machines allopoïétiques créées par l’homme, elle
se montre très limitée quand à l’étude du cerveau humain. Le système nerveux fait en sorte
de transformer toute représentation qui lui est
proposée en la confrontant à l’organisation actuelle de ses représentations acquises, et en l’y
intégrant. Faute de quoi, le système nerveux la
rejette : l’organisme n’en a pas besoin dans le
présent. Personne n’a jamais été transformé ni
détruit par la rencontre d’une idée, mais bien par
le mouvement, l’émotion qui la portait.
Toute interaction cognitive entre deux individus suppose en effet un mouvement partagé dans
le présent entre deux systèmes autopoïétiques.
Toute communication linguistique repose au contraire sur un malentendu plus ou moins créateur entre les individus. Toute communication
par le langage, dans la mesure où la déformation n’y est pas rejetée, permet au mieux l’orientation de l’autre dans un sens qui n’est pas prévisible, mais jamais le partage de la connaissance
individuelle. Le malentendu le plus créateur
opère alors sur le mode connotatif.
On le sait, dans le domaine linguistique, s’il
y a dénotation entendue comme signification,
celle-ci ne crée pas de sens. Maturana et Varela
rejoignent là Umberto Eco qui avait déjà senti
l’importance de distinguer la signification de
l’information, en soulevant par ailleurs l’importance de l’inférence9 dans sa description du sens
comme absence de structure10, dans L’Œuvre
ouverte, La Structure absente, puis Lector in fabula. Il ne se produit du sens que dans la mesure
où il y a intégration de la déformation proposée
à l’organisme dans son processus d’autopoïésis,
un processus de transformation de l’identité en
cette même identité. Ce qui nous amène à soule-
ver quelques questions préoccupantes, relatives
au théâtre et à l’acteur.
Quelques questions relatives au théâtre
et à l’acteur
« Machine autopoïétique » particulière, le soma
humain est un chercheur et un créateur. Cela implique au départ qu’un théâtre et un acteur vivants entretiennent une démarche constante de
recherche et de création, un intérêt à modifier
les habitudes où se reconnaît une tradition qui
leur assure elle aussi une partie de ce qui est nécessaire à leur survie.
« Machine autopoïétique » particulière, le
soma humain s’est donné comme possibilité
unique de pouvoir créer des « machines
allopoïétiques » de tous ordres, dont les plus
complexes et les plus magiques sont sans doute
les œuvres d’art. Dans le cas des arts de la performance, ce pouvoir créateur est non seulement
complexe, mais implique des choix éthiques. La
question la plus brûlante que me semble poser
une approche expérientielle de la notion
d’autopoïésis, en art, au théâtre, comme dans
l’organisation sociale même est celle de la qualité des relations humaines, et de la relation que
l’on entretient avec soi-même.
Comment en effet « utiliser »( ?), « respecter »( ?), prendre en compte, en tout cas, la présence de machines autopoïétiques à l’intérieur
d’une autre, de nature allopoïétique ? Comment
traiter les humains au théâtre ? Comme des vivants ou fictivement comme des objets, des matériaux de construction ? Comment se traite-ton soi-même, quand on est un acteur ?
L’oxymore est une fascinante figure de style, très
agréable pour l’intellect, pour décrire l’art du
théâtre et le jeu de l’acteur. Les usines, les hôpi-
106
taux psychiatriques et les cimetières aussi sont
des oxymores.
Apprendre à jouer en santé, à améliorer sa
performance et à clarifier ses choix artistiques,
tels sont du moins actuellement les objectifs
d’Autopoïésis, École d’Art FeldenkraisMD, dans
notre programme destiné aux acteurs professionnels. Les questions suivantes y sont abordées et
servent de thèmes à l’intégration que nous faisons de cette méthode d’éducation somatique au
travail de recherche, de performance et de création de l’acteur.
L’art de la présence et de l’action constitue
notre premier thème de recherche. La connaissance qui peut se créer au théâtre tient en premier lieu, on l’aura compris, à la présence des
acteurs et à la qualité de leur action intégratrice.
Or la quête d’absolu, de transcendance, amène
les acteurs à privilégier les notions de tension et
de conflit. La tradition récente a mis l’accent sur
les aspects psychologique, social, idéologique et
spirituel d’un art caractérisé en conséquence par
la souffrance nécessaire et salvatrice des acteurs.
Plus récemment encore, conflit et tension corporelle ont servi à une écriture où la scène devient livre et peinture. L’expérience quotidienne
d’une pratique autopoïétique des acteurs permet
de reformuler cette tradition. La pratique de la
Méthode Feldenkrais peut servir de guide ou
d’alternative face à cette problématique.
Le processus créateur et les préférences individuelles retiennent aussi notre attention. La
possibilité de créer repose sur une reconnaissance, une acceptation, un respect de ses préférences personnelles, et sur un choix de contraintes privilégiées. La disponibilité à soi et au contexte choisi ou du moins accepté permet le passage du connu à l’inconnu, le processus de con-
naissance, avec la force et la constance nécessaires à la réalisation d’une œuvre encore inconcevable, bien qu’intuitionnée. Une pratique
autopoïétique des acteurs soutient un tel processus. La méthode Feldenkrais s’appuie sur de tels
principes.
« Personnages » et mise en jeu des schèmes
neuromoteurs sont une préoccupation constante
pour l’acteur. Comment en effet une « machine
autopoïétique » peut-elle créer une « machine
allopoïétique » à même son propre soma ? Cela
est impossible. Cette « machine » ne peut que
se créer elle-même ad infinitum. Or les humains
définissent leur personnalité à partir d’un choix,
en grande partie inconscient, de manières de
bouger, d’habitudes de comportements, de pensées, de réactions, bref de schèmes neuromoteurs. Ils confondent aisément ces habitudes inconscientes et acquises au cours de leur histoire,
avec leur identité. Les acteurs ont l’intuition que
leur identité est plus riche, plus malléable, plus
« neutre » ou plus mobile, que celle de leur histoire individuelle, ou de leurs « personnages »
privilégiés. Leur fonction est-elle de soumettre
tout discours à des habitudes inconscientes ? Une
pratique autopoïétique du jeu théâtral nous permet d’apprendre, au contraire, à déjouer ces habitudes, à en faire des matériaux créateurs au
service d’un discours original et plus conscient.
La pratique de la Méthode Feldenkrais devient
ainsi un outil particulièrement précis de création
et de performance.
L’art de l’autonomie et de l’interdépendance
permet au théâtre, comme dans d’autres activités humaines, la rencontre de l’éthique et de l’esthétique. La création suppose un dialogue entre
apprentissage et performance, entre remise en
question et maîtrise technique. L’art est égale107
ment le produit d’une relation étroite entre créateurs, et d’une relation aussi intime que
distanciée avec ceux à qui son art est destiné. Le
discours théâtral, comme tout autre discours, dépasse l’individu qui le porte, dans la mesure où
celui-ci reconnaît en lui-même l’humain, l’artiste, qui, par définition et par expérience,
n’existe jamais seul, alors même qu’il est mis
en demeure de répondre aux exigences de sa propre solitude, de sa propre liberté, de son humanité. Une pratique autopoïétique du théâtre nous
permet d’apprendre non plus à figurer un dieu,
un héros, un surhomme… mais simplement à
devenir plus humains. Que savons-nous profondément des limites à devenir plus humains ? La
pratique de la Méthode Feldenkrais peut nous
aider à poursuivre cette recherche.
Que se passe-t-il en effet quand des somas
humains décident de créer collectivement une
« machine allopoïétique » aussi complexe qu’un
spectacle théâtral ? On y retrouve bien sûr une
représentation de la connaissance, de l’expérience biologique de chacun des artistes impliqués—une représentation qui, en soi, ne pourra
jamais communiquer qu’elle-même. On y retrouve une représentation collective soigneusement orchestrée, à l’intérieur de laquelle une
autre expérience biologique est vécue dans l’instant et qui, elle, n’est pas représentée, mais qui
génère ou non du sens.
Comment se vivent les interactions, et la
transformation fictive d’autres somas en images,
en mouvements, en bruits et en sons ? Apparemment de la même manière que se vivent des phénomènes semblables partout ailleurs dans notre
collectivité. Est-il possible de vivre différemment
les interactions, et de créer une œuvre d’art qui
ne soit pas que la représentation des fantasmes
du plus fort matérialisant ceux-ci par la manipulation d’autres somas pour en faire fictivement
des objets au profit de son propre discours ?
La représentation théâtrale est une machine à
créer du sens dans la perception du public. Elle
le renvoie non seulement à ses propres fantasmes, mais à son expérience de la vie en société.
Que faisons-nous réellement au théâtre ? Bien
plus que nous n’avons conscience de faire et,
surtout, bien plus que ce que nous avons conscience de dire. Comment nous conduisons-nous
les uns envers les autres ? Comment traitonsnous le public ? Agissons-nous comme des chamans ou comme des gestionnaires culturels ?
Comme des anarchistes et des provocateurs,
comme des amuseurs, comme des spécialistes ?
L’ouverture d’esprit est-elle seulement possible
sans l’ouverture du cœur ? Aimons-nous ou
méprisons-nous ? Que faisons-nous de notre
passion et de notre compassion ? Comment faisons-nous ce que nous pensons faire ? Cela est
peut-être plus important que nous nous l’imaginons, peut-être au moins autant que le concept
ou le lieu théâtral, en lesquels nous mettons actuellement toute notre complaisance.
Notes
1
Francisco J. Varela, Quel savoir pour l’éthique ? Action, sagesse et cognition, Paris, Éditions la découverte, 1996, p. 15.
2
Francisco J. Varela, Evan Thompson, Eleanor
Rosch, L’Inscription corporelle de l’esprit,
Sciences cognitives et expérience humaine, Paris, Seuil, 1993, p. 201.
3
Moshe Feldenkrais, La Santé en 12 leçons, Paris, Marabout Service no 211, 1972, pp. 42-43
(paru sous le titre initial de La Conscience du
corps, Paris, Robert Laffont, 1971 et réédité sous
108
le titre Énergie et bien-être par le mouvement,
Paris, Éditions Dangles, 1993).
4
Thomas Hanna, « Optical Illusion : Reflections
of the Editor’, Somatics, Magazine-Journal of
the Mind/Body Arts and Sciences, Novato, Vol.1,
No. 3, Autumn 1977, Inside Front Cover. Thomas Hanna est l’éditeur fondateur de la revue
Somatics.
5
Moshe Feldenkrais, The Elusive Obvious,
Cupertino, Meta Publications, 1981, pp. 82-85.
6
Humberto R. Maturana & Francisco J. Varela,
Autopoiesis, The Organization of the Living fut
publié à l’origine au Chili sous le titre De
Maquinas y Seres Vivos, Editorial Universitaria
SA, 1972. Publié ensuite avec Humberto R.
Maturana, Biology of Cognition (1970), dans un
ouvrage qui regroupe les deux essais :
Autopoiesis and Cognition et The Realization of
the Living, D. Reidel Publishing Company, Dordrecht : Holland/Boston : Boston Strdies in the
Philosophy of Science, volume 42, 1980.
7
Suzanne Langer, Feeling and Form, London,
Routledge & Kegan Paul, 1953.
8
Umberto Eco, L’Œuvre ouverte, Paris, Seuil,
1965 (Points 107).
9
Id., Lector in fabula, Paris, Grasset, 1985.
10
Id., La Structure absente, Paris, Mercure de
France, 1968.
109
Semiotic Theory
as Applied to Directorial Study and Practice
MARK MALINAUSKAS
which mirrors another as a result of the writer’s
observation and deliberate intensification of real
life experience.
In order to assist the interpreter in becoming
aware of the fictional speaker/actor, the playwright gives the performer certain sign vehicles.
These are of three types:
• 1) words of dialogue - text.
• 2) extended, italicized character descriptions of a bio-psychological dimension
(some concomitant descriptions are purposefully placed to create an environmental milieu, for instance, time of year, of day,
etc., which act as behavioral conditioners.)
• 3) A semakinesic dimension in the form
of parenthetical adverbial and adjectival
symbol which function as semiotic vehicles. Thus, when the symbols ‘angrily’,
‘aghast’, ‘with cajoling smile’ appear, an
immediate behavioral code is clearly indicated.
A bio-psychological depiction normally provides
us with an understanding of sex, age, heredity,
physiological constructs (health), psychology,
emotional states and physical medium. The point
of this, to borrow form Bouissac, is that ‘given a
fixed number of choices, it would seem that once
the initial choice is made the probability that a
particular choice will appear next could be cal-
My argument stems from a desire, as a director,
to serve playwrights’ intentions when they provide character descriptions, parenthetical commentary, and interlinear affect displays. I also
wish to assist actors when they are searching for
solutions to performance problems in realistic
genres.
My thesis rests on the notion that parenthetical commentary as employed by playwrights
forms an emotive, playable lexicon of non-verbal communication acts. Further, the description
and commentary is purposefully chosen for its
relation to reality and its grounding in an accepted cultural code.
You needn’t be reminded that a theatrical performance is a remarkably precise sequence of
programmed actions in which nothing should be
left to chance. It is highly metaphoric and poetical as each speaker speaks in turn with a carefully chosen point of view and objective in mind.
The performance reaches its stage of precision
during an extended rehearsal period in which
posture, gestures, manners, attitudes, affect states
and paralinguistic factors are investigated, tried,
and finally selected as appropriate to what should
be communicated to an audience. The whole
process begins in the simple reading of the text.
That text is comprised of characters who fictively
exist within a cultural context. It is a context
110
culated1’. Thus, a man wearing a top hat and tails
is expected to act in a particular way. An action
film with Harrison Ford and Kathleen Turner has
certain coded expectations built into it. Consequently, there is a combination of rules which
govern an act on a micro level which in sum
equal a character on the macro level.
Age, as in old age, normally is expected to
produce and signal an aspirated and hoarse vocal quality. Or, as O’Neill described Ol’Cabot
of Desire Under the Elms speaking in ‘a queer
strangled emotion in his dry cracking voice’. The
words ‘dry’ and ‘cracking’ as being indicative
of desired effect. Or, as Shakespeare aptly described the vocal sound of age — ‘And his big
manly voice, turning again to childish treble,
pipes, and whistles in its sound.’ (Jacques, As
You Like It)
Heredity, a factor often overlooked in character preparation, conditions postures, gestures,
physiognomy, and voice in such a way as to determine for an audience what the son or daughter of a parent must be like given the appearance
and actions of the parent… It has the reverse
effect when the progeny make initial appearances. Thus, Ephraim Cabot’s behaviors which
equal a text form a permanent set of ordered elements which are duplicated in the lesser
Cabots’; Simeon, Peter and Eben. The sons’
manners and behaviors serve as predictors and
prototypes of the older Cabot’s program.
Physiology and health are additional elements
which enter into this communication code. That
‘dry, cracking voice’ earlier referred to becomes
an estimate of and judgement on the apparent
virility, strength and ‘concentrated power’ of
Ephraim. It signals the withering person masking a reality with a pseudo sense of power. It
demonstrates that energy is limited rather than
limitless. The expectant velocity of movement
and activity have a narrow range and duration.
They are replaced by an underlying body manner and attitude which is typical of what the audience recognizes as the actual and real physiological construct. In this case, it is the picture
of a decaying man.
Psychology of a speaker/actor can limit degree of physical expression and effect intended
intonational patterns or paralinguisitc activity.
A basically shy person lacks inflectional variety
and is confined to a monotonal scale of verbal
activity. In the same regard, forcefulness of expression is minimal if at all present. Gesticulation and facial display are minuscule and microscopic when displayed.
Emotional states, that is, brief affect displays,
are generally given singular sign vehicles of parenthetical commentary. They differ from attitude
in that they are of short duration whereas the latter reflects a prolonged mental and emotional
set. A depiction of an emotional state is generally limited to the time taken to speak the verbal
phrase or sequence of short phrases. At their disappearance an affect blend emerges. Thus, the
state of surprise generally blends into fear, anger or pleasure along a tense relaxed dimension.
Another aspect of the bio-psychological code
is that of social background. Poyatos has created what he terms a horizontal and vertical classification for this category2. In the horizontal area
four elements are listed: Individual, marital status, family (clan) and social or work group.
The first of these, individual, relates to the
idiosyncratic personal habits of the speaker/actor. It includes types of emblems employed,
artefacts worn and manipulated, gestural adap111
tors. In the last item we’re talking about how a
person might scratch himself and sometimes
when. With individuation, permitted innovation
apart from set cultural patterns is typical. Yet
these innovations continue to form a part of a
programmed code so that, while the habits may
depart from a shared cultural pattern, a definite
idiosyncratic pattern emerges and serves to define the set of signs which will eventually be
employed in a performance. Sets of signs tend
to become systems of signs forming a patterned
social behavior3. The result is that the person as
person himself sets up a code which now dictates his choices for expression along what might
be termed a character continuum. Character is
limited to where he has placed himself in the
social code and his choice of activity is no longer
limitless but culturally coded.
The second horizontal category is that of
marital status. It is anticipated that couples in a
dramatic script will show and share similar
kinesic activity as a result of their prolonged
years of association. Poyatos called these ‘mutual borrowings4’. Preparing marital couples in
rehearsal requires ensemble effort. Tobias and
Agnes of Albee’s, A Delicate Balance are expected to frequently mirror verbal constructions
of an imitative nature. They will share likened
postures, movements, and emotional reactions
to presenting conflicts and problems.
Finally, social or work group delineates what
might be termed occupational vocabulary and
gesture in a discussion of lexical and gestural
inventory. On the dramatic side, one need only
refer to the amateur dramatic society peopled by
Bottom, Snout, Quince, and Starveling. As characters they have a preconceived notion of performing techniques and audience humor is
evoked when their display compliments our own
preconceived code of amateur theatricians.
The categories distinguished by Poyatos on
the vertical plane range from the refined person
who consciously controls his linguistic-kinesicparalinguistic activity to the rustic5.
It should be clear at this point that the intended
bio-psychological and social background advanced by the playwright for a character is a form
of communication in itself. This communication
concerns culturally inspired habits which are
consciously and subconsciously acquired by individuals within a society. These habits can be
captured and performed by the actor in his creation of fictive dramatic character. At the same
time, the habits form a communication structure
and exist as codes between the speaker/actor and
the receiver.
*
Let me now consider the second sign vehicle the semantic-kinesic dimension which involves
the application of adverbial and adjectival symbol. By semantic, I understand, an attempt to
direct a relationship of the sign to the object it
designates which is, in this case, a form of prescribed kinesic activity. In the case of dramatic
literature, it generally deals with movement
though paralinguistic designations also form a
part of the text. This is not limited to parenthetical commentary for often the verbal text provides
clues for behavior. One such quotation can illustrate the point: ‘How is it that the clouds still
hang on you?’ I take this to be descriptive commentary on posture, manner, gesture, attitude,
degree of muscular tension as it relates to a
character’s demeanor and carriage. As audience,
we agree with the wearing of an ‘inky cloak’ and
112
‘veiled eye’ as they accompany the desultory and
initial remarks of the Danish Prince.
Kinesic activity can be separate or combined
with linguistic elements to generate a communicative statement. As separate entities, they appear in facial expression, posture, gesture and
manner of the dynamic body. Some kineticists
have included facial display as gestural movement and an argument can be made for such inclusions. However, for our purposes, let us consider them as distinct categories. We can examine each separately and relate each to an italicized description resulting in a micro signature
which is absorbed in the full character depiction.
Posture for the speaker/actor, is the conscious
positioning of the body in stasis or in movement
which may alternate or combine with verbal language to produce a communicative statement.
Postural habits to some extent are behaviors conditioned by furniture, personal artefacts and a
reaction/response adjustment to one’s intended
or actual social class and costume. A straight
backed chair yields one posture and a chaise
longue another. A pipe smoker is expected to fitfully and deliberately practice his ritual of filling, tamping, and lighting his pipe.
General disposition is easily conveyed by the
way in which an individual aligns his body silhouette. An inferior psychological model is expected to display the following traits: slight lowering of the head; trunk has rounded shoulder;
stomach protrude or paunches; feet are slightly
bent at the knees; face has the brow pulled down
and furrowed with a slight depression at the corner of the lips. The hands hang listlessly at the
sides and slightly pulled back of the hips. Such
a postural attitude may be described with simple
sign vehicles such as; ‘sullen’, ‘broken’, ‘exhaus-
tion apparent’, plodding mechanically’ and so
forth. Of course, accompanying paralinguistic
effects my be deliberately coded or noted. The
quality of the voice is aspirated and breathy, pitch
level is low, rate is slow with a soft intensity.
Incidentally, since posture varies along a
tense-relaxed dimension, degree of anxiety level
can be discerned by the control of exhibited
muscular tension. This is related to attitudinal
display.
When we take the reverse psychological profile of the above, posture communicates ‘defiance’, ‘pride’, ‘arrogance’, or ‘contempt’. The
bodies alignment now mirrors a raised head
along with trunk and chest; feet are firmly
grounded; facial expression is broad and expansive; hands at the side are now forward of the
hips with the palms facing outwards. Gesticulation, when it occurs, is sweeping and wide with
a deliberate velocity. It is coded into the dialogue
of, ‘And now our cousin Hamlet, and our son.’
These postural codes are frequently communicated by the playwright in describing a
character’s initial appearance. They seldom greet
subsequent entrances. Understand they are not
fixed dispositions for changes occur within situational contexts. However, and this is a significant point, since the body naturally tends to fall
into a fixed attitude, it can be assumed the initial
posture signature is one which will be frequently
shown and is one to which the performer should
return.
Aside from posture, specific affect displays
are given one word reference in scripts. These
displays generally find their expression in the
face of the speaker/actor.
Gesture can be thought of as set movements
which are consciously or unconsciously pro113
duced. In the case of the speaker/actor, he should
consciously and purposefully organize them into
a program which follows the recognized cultural
code. As sign vehicles, these italics of the writer
become highly prescriptive elements of the performance. The culture itself has made certain
demands in judging the credibility of the interpretation of the sign. Consequently, certain sign
factors must be present for the sign of anger to
be decoded properly. As an example, all three
facial atlas areas must be involved when anger
is present. The brow is lowered and pulled together; the eyes have a direct gaze and may
squint; and the jaw. Such facial display accompanies an explosive verbal outburst with the
limbs in frantic motion. An encoder may stomp
his feet, slam or throw objects, clench fists and
hit out at others. Posturally, the degree of muscular tension may be said to be overtense and
the striking out is directed with overfast velocity.
With the display of fear, as another example,
we expect the brows to be raised and drawn together; the eyes are open with the lower lid tense;
the mouth has lips slightly pulled back in a horizontal plane. Movement becomes inhibited.
Checked breathing occurs. Cautious linguistic
and kinesic habits ensue.
The basic affect displays of man can be described in a fashion similar to the above. These
depictions are culturally controlled and learned
behaviors which have universal application.
Even in the case of pan cultural performances
such physiological changes are expected message systems.
The decoding of the fidelity and veracity of
such facial activity is also governed by a code
which attests to the sincerity of the display. I have
already mentioned, for example, the expected
blending of affect displays. If a display occurs
over too prolonged a period of time, it becomes
suspect. And should the intensity reaction of the
emotion not match the provoking stimuli, the
affect is judged to be deceptive. These are only
a few clues to a judgement of truthfulness in
performance.
Apart from facial displays, gestural inventories of limb movements, especially hand movements form a repertoire of communicative signs
which can precede text, accompany it, or occur
during an unfilled pause. Perhaps the most important behavior of this type is called an emblem.
David Efron, in Gesture, Race and Culture, who
identified this class of body movement, defined
an emblem as ‘representing either visual or a
logical object by means of a pictorial form6’. The
important thing to keep in mind about emblems
is that they are body acts performed by the
speaker/actor which are received by the decoder
as actions which have deliberate, intended meanings. They follow an accepted semiotic code of
non-verbal statements directly relaying information about attitude, emotion, and physical state
of the encoder to the decoder. As parenthetical
commentary, they are relayed by the use of such
words as ‘spitting with disgust’, ‘stuttering movement’, ‘sneer’, embarrassed’, ‘nodding vaguely’,
‘finger on lips’, and so forth.
The importance of bio-psychological and
semakinesic dimensions in character building
and performance is clear. They obviously assist
in illuminating sub-text rather than darkening it.
The playwright, as he reflects observed behaviors, is required to find code words which will
present his intended meaning to the speaker/actor/interpreter. The playwright through the me114
Notes
dium of the performer seeks to communicate
precise fictive characters to his audience. These
characters share in behavior patterns which have
been conditioned by sociocultural filters. A performance is successful when ambiguities are
cleared and the message system which is established rests on the presupposition that one thing
can stand for another in a given context. Described physical activity is charged with meaning which amplifies text and specifies message.
In conclusion, let me leave you with this little
ditty:
Every little movement has a meaning
all its own,
Every thought and feeling by some posture may be shown.
1
Paul Bouissac, Circus and Culture
(Bloomington: Indiana University Press, 1976),
p. 17.
2
Fernando Poyatos, ‘The Communication System of the Speaker-Actor in His Culture: A Preliminary Investigation’, Linguistics, 83, May
1972, p. 73.
3
Charles Morris, ‘Foundations of the Theory
of Signs’, International Encyclopedia of Unified
Science (Vol. 1, Part 1), Edited by Otto Neurath,
Rudolf Carnap & Charles Morris (University of
Chicago Press, 1955), p. 91.
4
Poyatos, loc. cit., p. 73
5
Ibid., pp. 73-4.
6
David Efron, Gesture, Race, and Culture (The
Hague: Mouton, 1972), p. 96.
115
La Formation de l’acteur
dans les Départements français d’Amérique
ALVINA RUPRECHT
La formation des professionnels de la scène martiniquaise et guadeloupéenne est inévitablement
marquée par le statut départemental de ces îles.
Pour les praticiens de théâtre originaires des Départements français d’Amérique (DFA), il s’agit
de répondre aux critères d’une formation classique française tout en exprimant le vécu d’une
culture syncrétique locale, à travers un corps issu
de multiples métissages. Cet acteur est inévitablement écarté de l’institution théâtrale métropolitaine car, relégué aux personnages antillais
sur les scènes de l’hexagone, il devient signe
d’une différence qui n’a pas encore sa place dans
le répertoire canonique de la France européenne1.
Toutefois, la conscience de cet acteur n’est pas
celle d’un manque, mais plutôt celle d’une mémoire errante, d’une expression créatrice en
transformation perpétuelle entre son lieu d’origine et la métropole, une conscience dont les
possibilités créatrices sont multiples et complexes mais confrontées à des paradoxes et à des
ambivalences.
Au départ, on constate que parmi toutes les
instances de formation locale, l’université reste
le grand absent. Le théâtre n’est plus une discipline à l’Université des Antilles et de la Guyane
(UAG). En 1996 Michèle Césaire, directrice artistique de la compagnie Théâtre Racines, avait
mis en place un Diplôme d’études théâtrales
(DETUAG). Mais, depuis qu’elle n’enseigne
plus, ce programme d’études n’est plus offert.
Le diplôme comportait l’analyse de pièces en
français et en créole, une formation destinée aux
étudiants en lettres, peut-être dans l’espoir de
produire des dramaturges car les praticiens déplorent l’absence de textes écrits pour la scène,
malgré l’existence d’un corpus dramaturgique
important2. Le statut du théâtre créolophone à
l’université est d’autant plus difficile à évaluer
que la plupart des textes en créole ne sont pas
publiés et, donc, pas au programme du Diplôme
en Créolistique à l’UAG.
Il existe, toutefois, une animation théâtrale
au campus de Schoelcher (UAG-Martinique),
conçue comme activité para-scolaire. Elle est
menée par Simone Fédée, professeur d’éducation sportive et physique, formée à la danse
moderne avec Martha Graham, au ballet jazz, à
la danse afro-cubaine et au yoga. En 2000 elle
fut invitée à présenter un spectacle au Forum
européen de théâtre universitaire à Albi. Cette
animation devient un tremplin pour les jeunes
qui visent une carrière professionnelle parce que
le directeur artistique du Théâtre de la soif nouvelle (Elie Pennont) encourage les étudiants de
Mme Fédée à se présenter aux auditions des productions professionnelles.
116
culture du Ka, du Lewoz, du Bélé et tout ce que
ces pratiques permettent de signifier à travers la
chanson, la musique, la gestualité et les mouvements rythmés.
Les acteurs antillais ont toujours eu accès à
une formation classique dans l’hexagone. Pour
ramener ces artistes vers les Antilles, Aimé Césaire a créé le Festival d’été de Fort-de-France
en 1972, une rencontre internationale annuelle,
destinée aussi à rapprocher les Antilles des pays
du monde noir7. Pour répondre à l’effervescence
théâtrale issue de ce premier événement, Aimé
Césaire a créé le SERMAC (Service municipal
d’action culturelle) en 1976. Situé au Parc Floral, au centre de Fort-de-France, le SERMAC
organise des ateliers de formation théâtrale destinés au grand public, devenus au fil des années
un véritable vivier de la profession. Le SERMAC
a mis sur pied une formation semi-professionnelle assurée par des spécialistes invités, dont
Jean-Marie Serreau, Pierre Debauche, Robert
Angebaud, René Loyon, Pierre Vial. Le résultat
de ce premier stage pour des praticiens déjà rodés à la scène était la création de la première
troupe professionnelle aux Antilles, le Théâtre
de la soif nouvelle (TSN), dirigée par Annick
Justin-Joseph jusqu’en 1989 et par Elie Pennont
jusqu’en 1997.
Actuellement donc, la formation des comédiens professionnels en Martinique est assurée
par le TSN et par le CDR8, dont la mission revient, depuis 1998, à Michèle Césaire qui a créé
le Théâtre des Antigones.
Dans le passé, les stages du CDR, d’une durée de six semaines, furent assurés par une variété de spécialistes : Maura Michalon a donné
des cours de psychophonie ; Jean-Claude
Lamorandière et Vava Grivallier, danseurs et
Les spectacles montés par les étudiants de
l’UAG sont aussi le fruit d’une collaboration
fructueuse avec des professionnels de la scène
martiniquaise, tels que Joby Bernabé3, Roger
Robinel4 et Bérard Bourdon5. Par exemple le scénario poétique de Bernabé établit la continuité
du spectacle, Parodie d’une vie estudiantine sur
le campus, inspiré d’une réflexion mythique sur
le passage de l’âge adolescent à l’âge adulte,
présentée par les étudiants en mai 1995 au Théâtre du Grand Carbet du Parc Floral :
Et vint le temps de la première migration. Après les saisons de l’enfance, ils
s’étaient attardés dans les savanes
« d’Entre-deux-âges » au pays dit
d’adolescence, peuplé de jardins d’allégresse, de pieds, de tentations, de bassins d’insouciance ou de mélancolies
6
et de mille pâturages de rêves .
Toutefois, la démarche chorégraphique de
Simone Fédée semble accorder moins d’importance au texte qu’aux possibilités créatrices du
corps. Elle prépare les étudiants par un entraînement qui s’inspire à la fois du mime, de la mimique burlesque, de la danse populaire (salsa, zouk,
etc.) et du yoga. Les étudiants apprennent à transmettre les émotions à partir d’une démarche corporelle qui comprend la manipulation de l’appareil respiratoire, technique perfectionnée par
Joby Bernabé pour qui le « dire », la performance
sonore de l’appareil vocal est l’essence de la création scénique antillaise. Pour lui, les expirations,
les inspirations et les blocages facilitent le mouvement et la production des émotions. Ce qui
ressort de cette expérience est la prise de conscience que l’expression intellectuelle et spirituelle peut être somatisée par un corps rompu
aux rituels de la vie antillaise : le carnaval, la
117
animateurs, ainsi que José Exelis ont initié les
comédiens aux techniques des arts martiaux, des
échasses et du laghia (une lutte dansée avec accompagnement de tambour) ; Ina Césaire et Jacques Rey Charlier sont intervenus sur les thèmes « Théâtre et pratiques orales » ; les
écrivaines guadeloupéennes Gerty Dambury et
Maryse Condé ont donné des stages d’écriture
dramatique, et Wolé Soyinka a donné des stages
pratiques dans le cursus général de la formation
du CDR. D’autres stages sont offerts selon la
disponibilité des artistes ou selon la programmation de l’année théâtrale par des metteurs en
scène invités. Par exemple, Mehmet Ulusoy a
formé des acteurs dans le cadre de sa mise en
scène de L’Alchémiste, d’après le roman de Paulo
Coelho (janvier 1996) ; Raphaël Serreau a donné
des stages lors de sa mise en scène de
Totolomannwèl de Frankétienne, (mai 1999).
De son côté, le TSN continue la formation
professionnelle d’acteurs, danseurs, animateurs
et scénographes. Serge Ouaknine a donné des
stages dans le contexte de sa mise en scène
d’Othello présentée au Festival de Fort-deFrance en juillet 1998. Actuellement le TSN
mène une formation avec la collaboration de
L’Académie expérimentale des théâtres (Paris)
sous la direction de Michèle Kokosowski. Le
projet de l’Académie, une Université nomade,
était à l’origine d’un deuxième stage assuré par
Serge Ouaknine en octobre 1999—des cours
théoriques et pratiques sur l’histoire de la mise
en scène, l’éclairage, et le jeu. Il s’agissait plus
particulièrement d’une historique des lieux scéniques pour montrer l’omniprésence de la forme
du cercle dans l’espace théâtral—allant de l’amphithéâtre grec à l’espace du conteur arabe ou
indien, et du pitt à coq antillais9. L’enseignement
d’Ouaknine met en valeur les éléments fondateurs du théâtre antillais dans la mouvance
transculturelle des théâtres du monde.
Souvent, ces formations ne sont que la première étape d’autres expériences pédagogiques
qui mènent les acteurs beaucoup plus loin.
Evelyne Guillaume, par exemple, a travaillé en
Russie, traduit des textes russes et sert de lien
entre des créateurs russes et le milieu théâtral
antillais. Gilbert Laumord est diplômé de l’Ecole
nationale de théâtre de Kobenmayn au Danemark. Joby Bernabé a commencé une carrière
en métropole avec des expériences piscatoriennes d’agit-prop réalisées avec une troupe afroantillaise. Cette découverte d’un théâtre engagé
a abouti plus tard à son retour en Martinique où
il a entrepris une réflexion sur le « dire », un travail de manipulation de la voix, comme véritable instrument du corps, pour renouveler l’art
du conteur. Eli Pennont, acteur, metteur en scène,
formé par les stages du SERMAC avec des maîtres français et par des stages sur l’art du Griot
avec Sotiguy Kouyaté, réalise ses propres monologues et ses adaptations de textes canoniques
(Sophocle et Shakespeare—où le conteur joue
un rôle central)10 à partir d’un enseignement rigoureux sur le « dire » porté par le rythme de la
respiration. Les traces de la culture du griot africain sont évidentes dans le travail de Pennont et
de Lucette Salibur.
Lucette Salibur, directrice du Théâtre du flamboyant, a suivi des stages de marionnettiste en
France à l’Institution nationale de la marionnette.
Elle a aussi appris l’art du Griot à la Cartoucherie de Vincenne avec Sotigy Kouyaté. Actuellement, en tant que conteur féminin, elle réalise
l’interaction entre acteurs et poupées géantes
(Mamiwata, 1999), la rencontre de la tradition
118
des marionnettes africaines11 et des marionnettes géantes du Bread and Puppet Theatre12.
En Guadeloupe la formation théâtrale a suivi
un trajet légèrement différent. La majorité des
praticiens sont autodidactes. José Jernidier, Harry
Kancel et Arthur Lérus ont été formés sur le tas,
dans des groupements associatifs où ils ont développé des techniques d’improvisation et de
création collective, inspirées des mélodrames
bourgeois observés chez des troupes de passage
(Gosselin). D’autres sources furent les téléromans, l’expérience du conteur et le besoin de
s’exprimer sur la politique locale. Leurs premières expériences théâtrales se font surtout en
créole et puisque jouer en créole impose des codes précis de diction, d’intonation et de gestuelle,
leurs sketches portent la trace de la culture créole.
Jernidier, créateur du théâtre TTC+Bakanal avec
José Egouy, crée des comédies dans un style
naturaliste burlesque inspirées des téléromans.
Harry Kancel, fondateur avec Jean-Michel Palin,
de la troupe Pawol a nèg soubarou, et Arthur
Lérus (Théâtre du Cyclone), forment leurs propres acteurs à partir d’une recherche sur la
specificité du jeu créole. Kancel parle même d’un
« gestus social guadeloupéen » qui présuppose
tout un répertoire d’expressions physiques et
physiognomiques, propres à l’acteur guadeloupéen. Philippe Calodat mène ses recherches sur
la formation de l’acteur à partir d’un dialogue
entre danseur et tambourineur.
Depuis 1996, l’Artchipel, la scène nationale
de Basse-Terre sous la direction de Claire-Nita
Lafleur, présente une programmation régulière
où des metteurs en scène, chorégraphes et musiciens sont invités dans des conditions semblables à celles du CDR. Dans ce contexte, Philippe
Adrien, professeur au Conservatoire national su-
périeur de Paris, qui fut, dans un premier temps,
directeur artistique de l’Artchipel, assure des
cours de jeu et de diction, souvent dans le cadre
d’une mise en scène (ateliers d’écriture avec
Gerty Dambury,1996 ; ateliers de jeu avec Arthur Lérus et Hervé Denis, 1996). Ces stages
visent des semi-professionnels, ceux qui ont eu
une certaine expérience de la scène et qui veulent faire carrière.
Dans les années 1980, le Centre d’action culturelle de la Guadeloupe (CACG), dirigé par
Michèle Montantin, avait organisé des festivals
de théâtre et dans ce contexte, les praticiens locaux ont pu rencontrer des metteurs en scène.
Un stage de trois mois avait été organisé par le
CACG avec la participation des dramaturges
guadeloupéens Maryse Condé et Hector Poulet.
Cette rencontre comportait des ateliers d’écriture scénique et de scénographie. Parmi les stagiaires se trouvaient Joël Jernidier, Patricia
Kancel et Patrick Dubois (directeur de la compagnie de marionnettes Moov’art). L’atelier
d’écriture a abouti à la création d’un spectacle
intitulé La Poupée noire, sur un texte produit par
Patricia Kancel.
Parfois, des comédiens vont en métropole où
ils forment souvent leurs propres troupes puisqu’il est difficile de se faire engager dans des
théâtres métropolitains. Parmi les initiatives importantes on remarque la troupe du martiniquais
Julius Amédée Laou, la Compagnie du 21ème
siècle et la troupe Axe Sud de Greg Germain qui
a adapté l’œuvre de Derek Walcott, Pantomime,
devenu Vendredi Crusoé en français. Il a présenté cette pièce au Centre national des Arts à
Ottawa, lors du colloque sur les théâtres francophones et créolophones en 199713. Depuis 1998,
l’année du cent cinquantenaire de l’abolition de
119
l’esclavage, Axe Sud, la troupe de Greg Germain,
dirige l’ensemble Théâtres d’outre-mer en Avignon (TOMA), et propose en spectacles « offoff » une programmation de théâtres d’outre-mer,
de la Guyane, de la Réunion, de la Martinique,
de la Guadeloupe et des spectacles par des troupes parisiennes « créolisées »14.
Malheureusement, l’absence de continuité en
ce qui concerne la formation de l’acteur dans les
Départments français d’Amérique semble se
confirmer. Nous pourrions même dire que les
conditions de cette formation perpétuent des
structures qui assurent son inefficacité. Il existe
des stages qui intègrent de jeunes chômeurs et
des demandeurs d’emploi qui ne sont pas nécessairement des comédiens, et qui travaillent côte
à côte. Parmi les comédiens, l’inégalité des niveaux d’expérience complique encore davantage
l’enseignement. Les stages peuvent regrouper
des praticiens chevronnés qui ont une longue
expérience, à côté de stagiaires débutants ou qui
n’ont jamais vu de théâtre en dehors de la région. Dans ces conditions, les stages peuvent
devenir des expériences théâtrales très ténues et
il va de soi que dans ces conditions, la possibilité d’une formation ciblée est presque exclue.
Comment assurer des ateliers de mise en scène,
de scénographie ou de techniques de jeu, si au
départ, il faut travailler sur des terrains presque
vierges ou avec des groupes d’apprentis qui ne
sont pas homogènes ? Pour cette raison, l’enseignement a tendance à être général et à laisser
sur leur faim ceux qui cherchent un plus grand
perfectionnement technique.
Pourtant, les praticiens ne visent pas nécessairement une formation dans l’optique d’un
théâtre métropolitain. Au contraire, on constate
que la majorité des expériences personnelles de
ces créateurs sont des tentatives de trouver une
voie spécifiquement « antillaise » ou « créole »,
d’emprunter des chemins qui permettent aux artistes de cerner les cultures locales dans toute
leur diversité. Comment, donc, intégrer une vision d’ailleurs aux nécessités d’ici. Cette fusion
est-elle même pertinente si ces artistes ont du
mal à travailler en métropole ou si les œuvres
antillaises arrivent sur les scènes institutionnelles uniquement quand elles sont prises en main
par des metteurs en scène de la métropole ? La
pratique artistique ne peut faire abstraction d’une
réflexion éthique ou idéologique. Voici les questions épineuses qui devraient préoccuper les artistes ainsi que ceux qui prétendent leur apporter les moyens de maîtriser les techniques de la
scène. La problématique est posée mais elle est
loin d’être résolue.
Notes
1
Philippe Adrien déclare que « les comédiens
antillais devraient jouer d’autres rôles que des
Antillais… Les Anglais y arrivent. Une troupe
anglaise a monté Le Cid en Avignon avec un
Antillais. Il faut y arriver mais ce n’est pas si
simple. Quant-à-moi, je suis proche de ces cultures, j’y porte un véritable intérêt et pourtant
dans mes propres mises en scène je n’y suis pas
encore passé ». Propos recueillis à Montréal, 16
octobre 1998.
2
Voir Bridjet Jones, Sita E. Dickson Littlewood,
Paradoxes of French Caribbean Theatre. An
Annotated Checklist of Dramatic Works from
1900, London, Department of Modern
Languages, Roehampton Institute, 1997. Répertoire des pièces de théâtre aux DFA, en français
et en créole, publiées et non publiées.
120
3
9
Comédien et directeur du groupe Kimafoutésa,
Martinique
Voir Gaoussou Diawara, « L’Espace circulaire
du dire », Théâtres et sociétés au Mali, Bamako,
Editions Tériya, 1999, p. 16
4
Comédien, metteur en scène et directeur du
Théâtre existence, Martinique.
10
Sophocle, Pè Filoktèt (1990) ; Shakespeare,
Othello (1998). Spectacles présentés par le Théâtre de la soif nouvelle à Fort-de-France.
5
Comédien, metteur en scène et directeur du
Poutyi Pa Teat, Martinique.
11
Diawara, « Le théâtre des marionnettes au
Mali », p. 134.
6
Joby Bernabé, « Prologue », Parodie d’une vie
estudiantine sur le campus, manuscrit, texte du
directeur artistique (Simone Fédée). Spectacle
présenté du 10 au 13 mai 199, par les étudiants
de l’Université des Antilles et de la Guyane,
Campus de Schoelcher, Fort-de-France.
12
Françoise Kourilsky, « Acteurs ou marionnettes ? », Le Bread and Puppet théâtre, Lausanne,
La Cité, 1971, pp. 139-44.
13
Colloque sur les théâtres francophones et
créolophones de la Caraïbe organisé par le centre de recherche CALIFA (Centre d’analyse des
littératures et langues françaises d’Amérique) de
l’Université Carleton, en collaboration avec le
Département de Théâtre de l’Université d’Ottawa, 15-17 octobre 1997.
7
Alvina Ruprecht, « Devenons flamboyants ! Le
28e Festival Culturel de Fort-de-France », Cahiers de théâtre JEU, no 93, p. 124.
8
En 1987, le Théâtre de la soif nouvelle reçoit la
mission du Centre dramatique régional de la
Martinique, une unité théâtrale professionnelle
qui s’oriente vers la formation (scolaire, associative et professionnelle), la gestion, la programmation, la création, la production, la diffusion.
Ceci se fait avec l’agrément du ministère de la
Culture et le Conseil régional de la Martinique.
La mission d’intérêt public consiste à faire du
CDR un pôle de création et de diffusion théâtrales de haut niveau en recherchant l’audience d’un
large public. Le CDR est géré par le TSN, sous
la direction d’Annick Justin-Joseph (1982-89),
et d’Elie Pennont jusqu’en 1997.
14
Œuvres déjà présentées par le TOMA :
D’Chimbo, la dernière surprise de l’amour
d’Elie Stephenson, mise en scène d’Odile PedroLeal, Le Guyane art théâtre (1998) ; Madame
Huguette et les Français souche de souche de
Julius Amédée Laou, Le Théâtre des Pharaons
(1998) ; L’Esclave et le molosse, d’après le roman de Patrick Chamoiseau, mise en scène de
Greg Germain, Théâtre Axe Sud (1999).
121
Confrontation, Adjustments and Compromises
between Two Cultures
DAVID JIANG
was to make use of Chinese theatre to present a
Western masterpiece.
Although the materials were different, my
purpose in mounting an intercultural production
was the same. I believe that by blending of Chinese theatre into a modem theatre production,
which involves an exchange between East and
West, we will enrich and improve the performance, so that we can create unique and innovative works on stage.
To achieve this aim, everyone involved must
have an open-minded attitude towards a culture
he or she is not familiar with. Only when you
are enthusiastic about another culture, fullheartedly embrace it and try your best to understand it, can a proper production become feasible. There are different ways of doing this. The
1980s saw examples of how Westerners performed Chinese Peking opera, which is definitely
interesting, however, my work in the Leeds
Workshop Theatre is of another type and has
another purpose. As a native Chinese, I am working with English performers, for a (mainly) English audience. Therefore on the one hand, ‘I’,
the director/teacher, with experience in the Chinese theatre and a certain amount of Western
education, should try fully and effectively to introduce Chinese culture to the performers, but
at the same time do my best to learn from them
During the years from 1993 to 1996, I have been
doing three intercultural theatre productions, all
of which blended Chinese theatre and western
theatre, at the Department of Theatre Studies of
the University of Leeds. This was a result of my
long period of work in China before 1989, as
well as my study of and practice of Western theatre in both the US and England.
In 1993 I directed Yao Yiwei’s The Legend of
the Tree God, which tells the story of the dramatic rise and fall of two tramps during the
1980s’ miraculous economic boom in Taiwan.
Then in 1996 I directed Zhang Xiaofeng’s Return from Utopia which uses an old tale about
how a poor fisherman found an earthly paradise,
only to abandon it later to discuss the topic of
what is the real Heaven and where it can be
found. For these two Chinese plays, my task was
to get my English actors/students to touch, feel
and understand another culture about which they
had no previous knowledge, and then perform
with their understanding in order to make the
audience understand and enjoy.
My 1994 production of Shakespeare’s
Macbeth obviously was quite different. For me,
a ‘Chinese’ touch should be evident in the performance, as a way of adopting mainly the basic
concepts of traditional Chinese theatre, along
with some of its techniques. So my major goal
122
as well. It goes without saying that I should never
attempt to limit their own natural ways of stage
expression. On the other hand, ‘they’, the English performers / students, ought to accept the
training in a different method, and make the fullest possible use of what they have learned. I
strongly believe that how to conduct the relationship between ‘me’ and ‘them’ is a key factor
in mounting a successful intercultural production.
Each of these three productions involved a
different working process. However, they shared
some common features. I found the following
approaches to be necessary and important :
- Basic training in Chinese theatre;
- understanding, absorbing and digesting
what has been learned;
- making free use of what has been understood and gained in rehearsals.
My aim was not to reproduce a play in its original staging—this is obviously impossible since
all my actors were English. So, my emphasis did
not lie on literal imitation of Chinese theatre.
What became essential was to feel and to understand. Because The Legend of the Tree God is
set in a modem capitalist society, I asked the
actors to use their experiences of their own lives
in acting, and to ‘forget’—for a moment—that
the story happened in Taiwan. This was possible
because of a certain similarity of life in Taiwan
and England; as one of the actors said : ‘I feel
this could also happen in this country, in my life.’
Certain indications of the nationality only came
when the characters referred to each other by
name or else to some specific events, and only
became evident in their costumes and some special ways in their action such as carrying a bird
cage, kneeling, kowtowing, etc. The result was
a quite natural method of acting. The actors did
not need to pretend to be Chinese. They expressed their own feelings as they would in their
daily life, while the text written by a Taiwanese
author dealt with Taiwan’s issues: that particular story could only happen in Taiwan, though
there are many similarities to what goes on in
Western countries.
The pre-rehearsal workshop played a considerable part in bringing the two cultures closer to
each other—I had tried this method out when I
directed Macbeth and Return from Utopia. The
objectives of the workshops were to learn something about the Chinese theatre, to understand
and make sense of it, and to make free use of it
in the text. These were the three main steps of
our work:
1) Learning something about traditional Chinese theatre. I had no intention to introduce any
arbitrary imitations of traditional Chinese theatre in these productions (this would have been
interesting, though, as others have followed this
method before). I fully realized that Chinese
theatre has its own inner logic and system, therefore a professional Chinese actor needs to be
trained for at least seven to eight years. However, it was certainly possible and necessary for
performers to understand the essential concepts
and to learn some stage skills, on the basis of
which they would then be able to improvise and
build their own creations. So, in our workshops,
we experimented with a number of selected basic body movements and methods of stage expression.
2) Making sense and trying out. On the basis
of what they had learned about the Chinese theatre, the performers were then encouraged to take
part in games and exercises involving different
123
situations. I asked them to employ certain techniques if they liked), yet to use ideas from the
Chinese theatre so ignore most of the exact stylized movements and gestures, (although they
could as to develop their own acting. The various exercises included riding a horse, sailing a
boat, meeting people in a tense situation, fighting in a battle, and so on. The main point was
that everyone had to try his or her best to express a certain situation with a vivid approach,
and this should be inspired by the basic concept
of ‘externalization’ in Chinese theatre. As long
as ‘externalization’ was employed, there would
be no harm in mixing Western style since I considered absorbing concepts to be more important than merely imitating techniques.
3) Improvisation based on the text. Performers learned the action in the scenes from the text
and were instructed to apply what they had
learned so far from the workshops to improvise
on the basis of the action. During our work on
Macbeth, we did a number of pieces which were
linked with the text, such as the war scenes at
the beginning and end of the play, Dunce’s murder, the banquet in which Banquo’ s ghost appears, as well as the scenes in which Macbeth
meets the apparitions, the murder of the Macduff
family, and so on. For Return from Utopia, we
practised fishing, boating, doing farming work,
confronting a stranger, eating and drinking at a
banquet, and so on.
These workshops eventually paved the way
for our final destination, and a rough draft of the
future performance had already begun to take
shape. For example, in Macbeth, the scene in
which Macbeth, led on by the witches, meets
the apparitions, was the result of a workshop.
We adopted the method of ‘boating’ in traditional
Chinese theatre, getting Macbeth and three
witches onto a boat and making them sail on the
stage which was supposed to be a lake, in order
to see the apparitions. A group of actors tried
out various styles of poses as the apparitions to
address Macbeth. The miming of the movements
lent the performance a special touch, and the
whole experiment was later directly transformed
into a formal scene. This was a well-received
part of the performances both in China and England. In Return from Utopia, the first scene, in
which four fishermen are quarrelling about who
should be held responsible for the fish that have
escaped, was actually completed during the time
we did exercises in the workshop. Also, the confrontation between the fisherman Huang
Daozhen and the people of Peach Blossom village after he has first arrived was the result of
the performers, own improvisation, inspired by
the knowledge they learned from Chinese theatre.
I take this process as a critical point because
any theatre production relies on the performers.
They are the basis of the theatre. Only when they
are ready to accept new concepts and techniques
can an intercultural production come into being.
Based on this foundation, any innovation can
then be created. The work we did on conveying
simple emotions, such as suspicion or courtesy,
through the actors’ voices, body movements,
behaviour and so on, was very helpful. After a
short time the whole group seemed to have
learned how to convey the required feelings with
confidence and precision. Once these skills had
been developed, it was easy to trigger the correct response.
The workshops made things easier for further rehearsals on the text, because the actors
124
had grasped the fundamental idea of what we
were doing. As the director, I continued to bring
my ideas, especially those from Chinese theatre, to the actors, but they contributed their own
creative ideas too. I kept stimulating them by
introducing new ideas but I never expected that
all should be accepted. My aim was that the actors should blend my idea into their creation.
Here I quote some comments written by the
actors/students after the performances of Return
from Utopia:
When the rehearsal process began there
was a keen emphasis on practical exploration of Chinese theatre, beginning
with some physical gestures taken from
Peking opera and moving on to add our
own interpretations to these foundations. I felt that this practical exploration was an essential part of the process, and that it helped for much of it to
take place before the introduction of a
text. Without this insight into the importance of physical action I believe the
text may have appeared a little impenetrable. (Zoie Kennedy)
I feel the open and free atmosphere of
rehearsals, in which people were not
frightened to put forward ideas, really
helped this. It meant there were both
Chinese and British viewpoints working together. (Dick Brown)
This is precisely what I had hoped to achieve.
Introducing and conveying Chinese theatre to
English actors does not really mean to train some
English Chinese opera performers. The point is
that they can benefit from learning about Chinese theatre in order to expand their range of
stage expressions and performing methods.
Therefore I believe it is important to introduce
the basic concepts and principles to them, rather
than merely techniques.
The issues of intercultural theatre are complex, but as a practitioner, I see this in a rather
simple way. From my three productions, I could
see that the transformation of ‘Chinese to English’ and ‘English to Chinese’ took place throughout the whole process, therefore I believe that
intercultural theatre is a two-way traffic beneficial to all. When a production is finally achieved,
it becomes a new creation, with different meaning of its source cultures. When two cultures
converge, as when East meets West, they need
not harm each other. Neither would ‘swallow’
the other one. On the one hand, we must take
thorough study as the basis to deal with different cultures; yet on the other hand we should
also keep a broad and open mind that never limits ourselves by any kind of prejudice. It is advisable not to link this issue with terms such as
‘national dignity’, ‘discrimination’, ‘colonialism’, ‘hegemonism’ and so on, as it should not
be the cases or debates in the United Nations!
We are doing theatre. All efforts in intercultural
theatre should go towards creating new, innovative and unique performances on stage.
125
Antropología Teatral y Expresión Corporal:
Disciplinas Alternativas para el Entrenamiento
Corporal del Actor
Gabriela Pérez Cubas, Martín Rosso
da al eclecticismo tan utilizado en la educación
teatral a falta de sistematicidad.’
Se hace necesario establecer un método de
entrenamiento corporal que acompañe en su evolución al desarrollo de las técnicas aplicadas a la
interpretación. Así como en los métodos de actuación se plantea una introducción y un aprendizaje gradual del lenguaje teatral, debería existir una técnica que permita el acceso y el desarrollo a un nuevo lenguaje corporal del individuo, que se adapte a las características de su vida
escénica. Esta nueva pedagogía teatral debería
formularse considerando, según Serrano: ‘…el
estado de los cuerpos de los alumnos tal como
se presentan al comenzar sus estudios. ¿Qué
puede hacerse con esos cuerpos civilizados y
racionalizados, poco habituados al juego y al
riesgo físico como al compromiso afectivo?’
En base a las consideraciones anteriores establecemos la finalidad del presente trabajo que
pretende discutir la posibilidad de articular dos
disciplinas, que desde diferentes ángulos desarrollan técnicas para el trabajo corporal, dentro
de una propuesta metodológica para el entrenamiento corporal del actor. Las disciplinas, que
se convertirán en nuestro objeto de análisis son
la Antropología Teatral desarrollada por Eugenio
La formación del actor, particularmente en la
Argentina ha adquirido, en especial a partir de
la década del sesenta, una sólida base en cuanto
a métodos de interpretación. Desde entonces,
según Osvaldo Pellettieri, se consolidan en nuestro país las ideas de Stanislavski sobre la práctica escénica y la preparación de actores. A partir
de ese momento las técnicas de abordaje de personajes se han ido puliendo y perfeccionado hasta nuestros días. Pero no han experimentado la
misma suerte las propuestas de trabajo corporal
para el actor. El estudio del cuerpo y su entrenamiento, en función de las características propias
de la actividad, han corrido por cuenta de las
innumerables técnicas que desde diferentes ópticas abordan el trabajo corporal, generándose
así una carencia de metodologías que apunten
específicamente al desarrollo corporal del actor.
Coincidimos con Raúl Serrano en que ‘…el
problema no es la falta de respuestas sino su
exceso. Todos los profesores y las metodologías
que hemos consultado hasta ahora parecen contener algún gramo de utilidad y apuntar a una
parte de los temas a resolver. Lo que ocurre, y
resulta enormemente dificultoso, es que necesariamente debe hallarse una síntesis capaz de caber en los programas y que al mismo tiempo elu-
126
Barba, y la Expresión Corporal Técnica
implementada en la Argentina por Patricia
Stokoe.
La razón por la cual hemos elegido estas dos
líneas teóricas para nuestro estudio reside en que
ambas proponen una metodología que apunta al
autoconocimiento del hombre a través de su experiencia práctica en el desarrollo de sus posibilidades psico-físicas. La diferencia entre ambas,
que nos hace pensar en la posibilidad de articularlas, se centra en el grado de especificidad de
cada una. Para llevar a cabo la discusión planteada realizaremos un análisis de los supuestos
teóricos de cada una de estas disciplinas. Buscaremos estudiar dentro de este análisis, la coherencia entre los supuestos teóricos y las propuestas metodológicas de cada línea para, posteriormente, intentar determinar cuáles han sido las
principales influencias en la conformación teórico-metodológica de cada una. El desarrollo de
estos aspectos nos permitirá arribar a la discusión acerca de la posibilidad de articular y ordenar a la Antropología Teatral y a la Expresión
Corporal con miras a una propuesta pedagógica
que aborde lo corporal en función de la actuación teatral.
Patricia Stokoe, bailarina argentina de sólida
formación en danza clásica y contemporánea ha
desarrollado en nuestro país su propia concepción de la danza definiéndola como ‘el lenguaje
propio de cada ser humano…’. Egresada de la
Royal Academy of Dance, de Londres, estudió
con Katherine de Vos, Agnes de Mille, Sigurd
Leeder y con algunos discípulos de Martha
Graham. Posteriormente trabajó con Rudolf Von
Laban, Moshe Feldenkrais y Gerda Alexander.
La actividad de Stokoe en nuestro país ha sido
por demás fructífera y su aporte al ámbito artís-
tico, pedagógico y terapéutico ha dado lugar a
una línea de trabajo corporalista denominada por
ella misma Expresión Corporal.
El objetivo principal de su propuesta es el
desarrollo sensitivo-motriz del ser humano integral en relación consigo mismo y con el mundo
que lo rodea. Investigando en la conciencia y
noción global, específica y fragmentada de su
propio cuerpo, ahondando en el sentido
cinestécico del individuo, busca profundizar en
el autoconocimiento y enriquecimiento de las
posibilidades expresivas que favorecerán en el
individuo el desarrollo artístico de su personalidad. De acuerdo con Stokoe debe considerarse
artístico a todo lo que desarrolla la sensibilidad,
el sentido estético, la creatividad y la comunicación. Patricia Stokoe, define a la Expresión Corporal, como ‘la danza al alcance de todos’, entendiendo por danza ‘el conjunto de movimientos de todo el cuerpo o partes de él, ordenados
rítmicamente y acordes con alguna motivación
individual o grupal, que expresa emociones, sensaciones, sentimientos, ideas o situaciones1’.
Según ella, las dificultades, deformaciones y
faltas de armonía de la expresión técnico-motriz
han sido en gran parte adquiridas, aunque de
manera inconsciente. Reintegradas en la conciencia, pueden ser reconocidas y modificadas por
una apropiada acción voluntaria poniéndolas al
servicio de la expresión. Para Stokoe la sensibilización y liberación del movimiento psico-motriz influyen sobre el nivel afectivo del individuo. A medida que se profundiza el trabajo, el
individuo adquiere mayor confianza en sí mismo y sus posibilidades de relacionarse con el
entorno, logra reforzar la conciencia de su espacio personal, propioceptivo (interno) y
exteroceptivo (externo). Los ejercicios llevados
127
a cabo mediante esta técnica incitan a una actitud analítica y crítica del ejecutante en relación
con su cuerpo y con los resultados obtenidos.
De esta manera se conforma lo que podría denominarse el trabajo consciente sobre sí mismo.
La Expresión Corporal ha sido, y es actualmente, una disciplina desarrollada en los más
variados ámbitos. Se ha experimentado por personas que se dedican a actividades disímiles,
desde amas de casa hasta quienes se ocupan de
una rama específica del arte. Dadas las características de sus ejercicios pueden ser trabajados
por niños y ancianos, incluso por aquellas personas con dificultades físicas o síquicas.
Los ejercicios se desarrollan sobre el gesto,
el ademán, el movimiento o la quietud del cuerpo realizando estas actividades en silencio o con
algún acompañamiento sonoro que puede generar el individuo, una grabación o algún músico
que participe del encuentro. El estímulo para
generar la conducta nace de sensaciones, sentimientos o ideas de un individuo, de parte del
grupo de trabajo o de la totalidad del mismo.
Según Stokoe, su trabajo consiste en la fusión de distintas técnicas que focalizan su interés en diferentes aspectos de lo corporal. Lo ideal
sería poder trabajar todas las técnicas, conociéndolas en profundidad para seleccionar de este
aprendizaje lo que cada uno considera pertinente para su trabajo expresivo.
Eugenio Barba, de origen italiano, estudió en
la Escuela Teatral de Varsovia, uniéndose posteriormente a Jerzy Grotowski, con quien pasó tres
años. En 1964 inicia en Oslo junto con actores
rechazados por la Escuela Teatral del Estado, el
grupo que se convertiría en el Odin Teatret. Su
trabajo ha culminado con la fundación del
I.S.T.A. (International School of Theater
Anthropology) en 1979, un centro para el intercambio teatral transcultural y para la investigación de la Antropología Teatral definida como
el estudio del comportamiento del hombre a nivel biológico y sociocultural, en situación de
representación.
Barba ha realizado sus investigaciones sobre
la concepción de que el actor en tales situaciones rige sus comportamientos de acuerdo con
una forma determinada que es diferente a la que
utiliza en su vida diaria. A estas formas diferentes las denomina técnicas extra-cotidianas. La
Antropología Teatral y específicamente el
I.S.T.A., bajo la dirección de Eugenio Barba,
centra su objeto de estudio en los principios que
regulan las técnicas extra-cotidianas del cuerpo
que se encuentran en la base de los diferentes
estilos y tradiciones teatrales. No intenta fusionar en un sola todas las técnicas estudiadas, busca
la técnica de las técnicas, pretende definir la base
común de los métodos de formación actoral
mundiales. Según su creador, busca generar la
forma de ‘aprender a aprender’. Atiende
específicamente al campo de la experiencia práctica del actor, en oposición a las teorías que se
definen en el plano de la abstracción.
De esta manera, descubrir, individualizar y
analizar estos principios que conforman el núcleo del trabajo del actor estudiando para ello
las diferentes manifestaciones mundiales, es la
principal tarea de la Antropología Teatral. El
estudio y sistematización de tales principios,
pretende brindar un servicio tanto a quienes son
conscientes de su utilización y organizan su actuación de acuerdo a éstos, como a aquéllos que
realizan su trabajo sobre bases diferentes.
Barba y los investigadores del I.S.T.A. han
determinado que existe una serie de principios
128
que se repiten, que retornan en cada una de las
técnicas analizadas. La aplicación de los mismos sobre el equilibrio, el uso de la columna
vertebral, de las extremidades, y de la mirada
generan tensiones orgánicas en el cuerpo del
actor que funcionan a nivel pre-expresivo, es
decir en el aspecto específicamente orgánico de
la expresión. En este nivel importa más la calidad física de los movimientos que el significado
de los mismos. Según Barba, el uso de una cualidad de las fuerzas orgánicas diferente de las de
la vida cotidiana, otorga al cuerpo del actor un
carácter decididamente vivo, aún antes de actuar. La pre-expresividad, entonces, atiende al
‘bios escénico’ del actor, para utilizar las palabras de Barba.
En base a la incorporación de tales principios
el actor realiza un trabajo de descomposición y
recomposición de los elementos surgidos de la
realidad. Busca destruir los automatismos que
pone en juego en la vida cotidiana y trabaja,
mediante la aplicación de las técnicas extra-cotidianas, en el logro de equivalencias que puedan ser utilizadas en el espacio escénico. […]
Para encontrar la técnica extra-cotidiana del cuerpo, el actor no estudia fisiología, sino que crea
una red de estímulos externos a los cuales reaccionar con acciones físicas2.
Será el entrenamiento el medio a través del
cual el actor pondrá en práctica los principios
antes enunciados. Gracias al entrenamiento el
actor podrá colonizar su cuerpo, conquistar una
‘segunda naturaleza’. Su sistematización consiste
en poner en práctica, por medio de ejercicios simples, los principios que retornan estudiados en
el I.S.T.A. El trabajo con los ritmos orgánicos
propios, descubriendo y remodelando las energías, en el nivel de la pre-expresividad permite
una conexión con sí mismo que enriquece la
personalidad creativa del actor. Este logrará conocerse, aprender sobre sí mismo en función del
teatro y de su trabajo actoral. En definitiva a través del entrenamiento el actor logrará manejar
sus energías, conocerlas. Mediante los ejercicios
podrá poner a prueba sus fuerzas, los ejercicios
no son un fin en sí mismos, son un medio para
lograr esta segunda colonización.
Por medio de partituras o rutinas el entrenamiento podrá estructurarse y organizarse para la
repetición de una serie determinada de movimientos. La repetición de rutinas posibilita la
ejercitación continua de los elementos que el
actor se ha propuesto trabajar. Una vez que tales
elementos se han dominado, estos ejercicios deben cambiarse y estructurar otra rutina que trabaje en base a nuevos objetivos.
Pero los ejercicios no son lo más importante
del entrenamiento, es la actitud personal del actor lo que de veras importa. ‘…El entrenamiento se ha transformado en un proceso de
autodefinición, alejado de cualquier justificación
de tipo utilitario y guiado por la subjetividad individual. Cada uno decide por sí mismo su sentido. Una vez más las formas exteriores no tienen importancia. Pero la autodisciplina se queda3.’
Con el fin de analizar las disciplinas que de
un modo u otro han ejercido influencia tanto en
Antropología Teatral como en Expresión Corporal, hemos logrado relacionar distintas teorías,
desarrolladas en variados ámbitos como el artístico, el deportivo, el terapéutico, etc.
El hecho de establecer vínculos entre unas y
otras nos ha permitido determinar un origen en
común para todas ellas, nos referimos al Movimiento Corporalista o Movimiento por la Libe129
ración del Cuerpo, surgido a fines del siglo XIX,
cuya concepción central era el hombre como ser
integral e indivisible. Partiendo de este origen
común se ha podido establecer una división entre disciplinas corporalistas y teatralistas. Si bien
en cada ámbito las investigaciones han respondido a objetivos diferentes, ambos coinciden en
su objeto de estudio: el hombre en relación con
su cuerpo.
En el caso de Patricia Stokoe, la relación con
quienes la autora determina como sus principales influencias y su línea teórico metodológica
es directa. Stokoe reconoce en sus libros como
sus maestros a Laban, Feldenkrais y Gerda
Alexander. Por lo tanto no debe sorprender que
los textos escritos por Stokoe resulten una
reelaboración, basada en la experiencia práctica
de la autora, de las teorías aquí estudiadas.
Por otra parte, en sus producciones teóricas
Barba alude reiteradamente a numerosas personalidades que se encuentran vinculadas también
al movimiento corporalista. Desde Dalcroze a
Grotowski, pasando por todas las manifestaciones de teatro oriental Barba realiza una especie
de inventario de los puntos en común entre su
propia teoría y las teorías citadas.
Podemos establecer, entonces, dos aspectos
a través de los cuales las teorías aquí estudiadas
logran unificarse. Uno es el que se relaciona con
el movimiento corporalista y su concepto central: el hombre como unidad cuerpo mente indivisible y su posibilidad de desarrollo a través
del autoconocimiento. El otro aspecto, también
compartido por ambas, es el vínculo o la influencia que ha ejercido en cada uno las disciplinas
orientales, tales como el yoga, las danzas o el
teatro oriental, etc. Este último aspecto no hace
más que confirmar la pertenencia de las teorías
estudiadas al movimiento corporalista, dado que
fueron, en gran parte, las disciplinas orientales
quienes gestaron en occidente tal movimiento,
por lo menos en cuanto a disciplinas artísticas
se refiere.
Una vez analizadas las propuestas teóricas de
cada autor intentaremos determinar los conceptos nucleares de cada teoría, para estudiar la forma en que los mismos se vinculan al interior de
cada disciplina.
En el caso de la Antropología Teatral hemos
determinado que los conceptos de pre-expresividad, entrenamiento y extra-cotidianeidad conforman el núcleo teórico sobre el cual se desarrolla la disciplina. Eugenio Barba ha dado en
llamar nivel pre-expresivo a todo aquello que
constituye la estructura sobre la cual el individuo se expresa, nos referimos al aspecto biológico del comportamiento humano. Lo que constituye en el actor, según Barba, el nivel del ‘bios
escénico’. Para trabajar sobre la pre-expresividad, el actor debe llevar a cabo un entrenamiento sistematizado. La forma en que se sistematice,
correrá por cuenta de cada uno, pero los elementos puestos en juego en el entrenamiento serán
determinados por una serie de principios que
guían el trabajo. La utilización de estos principios en el trabajo del actor generará una técnica
que podrá regular el comportamiento del hombre en situaciones extra-cotidianas referidas a la
realidad escénica.
En lo que respecta a la Expresión Corporal,
se encontraron tres conceptos que conforman, a
nuestro criterio, la matriz conceptual de tal disciplina. Sensación, percepción y movimiento;
toda la técnica desarrollada por Stokoe gira en
torno a estos conceptos. El desarrollo de las capacidades sensitivas y perceptivas del individuo
130
logrará, a través del movimiento corregir y mejorar la relación del individuo con su entorno y
consigo mismo. Los conceptos de sensación y
percepción se encuentran fusionados en una técnica del movimiento denominada Sensopercepción.
La sensopercepción sistematiza y hace consciente el proceso de autoconocimiento llevado a
cabo por el individuo a partir de diversos principios trabajando siempre con la unidad cuerpomente del hombre.
Intentaremos ahora vincular los conceptos
nucleares de cada disciplina, pero esta vez relacionando ambas líneas. Recordemos que los conceptos que conforman la matriz conceptual de
la Antropología Teatral son: pre-expresividad,
entrenamiento y extra-cotidianeidad; por su parte
la Expresión Corporal está conformada en su
núcleo conceptual por: sensación, percepción y
movimiento. De la vinculación entre una y otra
línea hemos determinado que:
• La sensopercepción puede ser entendida
como una técnica extra-cotidiana. Creemos que la Expresión Corporal y en particular la Sensopercepción, que conforma
gran parte de esta disciplina, puede ser
considerada como una técnica extra-cotidiana, porque regula el comportamiento
del individuo de acuerdo a principios que
difieren a los utilizados por el hombre en
su vida cotidiana.
• El entrenamiento es un concepto que puede aplicarse tanto a la Antropología Teatral como a la Expresión Corporal. Dado
que el entrenamiento es la sistematización
de una serie de ejercicios que, gracias a la
reiteración de ésta, logra modificaciones
sobre el cuerpo de su ejecutante, tanto
•
•
•
131
Patricia Stokoe como Eugenio Barba lo
consideran como el medio más adecuado
para lograr la reeducación del individuo.
La sensopercepción es parte integrante de
ambos entrenamientos. En el caso de la
Expresión Corporal toda la disciplina se
basa en el desarrollo sensoperceptivo del
individuo. Con respecto a la Antropología
Teatral el hecho de reconocer los ritmos
orgánicos propios, poner a prueba las propias fuerzas no es otra cosa que conocer
las posibilidades psico-físicas propias.
Además, la forma en que el individuo reconoce en sí mismo sus capacidades, físicas, síquicas e intelectuales se logra a través del desarrollo de su capacidad
sensoperceptiva.
El movimiento es la forma a través de la
cual ambas propuestas llevan a la práctica
sus teorías. Es en ambos casos el estudio,
el descubrimiento y la reformulación del
propio movimiento lo que permite el éxito de estas disciplinas.
La pre-expresividad es una categoría de
trabajo por ambas líneas compartida.
Eugenio Barba abstrae a la pre-expresividad del conjunto de la expresividad con
una finalidad didáctica. El nivel pre-expresivo del actor se refiere a la estructura
sobre la cual éste basa su expresividad.
Esta estructura es su propio cuerpo. Por lo
tanto la pre-expresividad apunta al desarrollo de las estructuras de la expresividad. De acuerdo con esto seria imposible
negar que la pre-expresividad está implícita en el trabajo de Stokoe. La diferencia
en este punto entre una y otra disciplina
consiste precisamente en que Barba abs-
aprender a aprender6. Aclara además, que la
Antropología Teatral no surge de la fusión de
diferentes técnicas de actuación sino que ‘…busca lo simple: la técnica de las técnicas, esto es
un modo de decir con diferentes palabras aprender a aprender7.’
De la lectura de estas citas surge la diferencia
de especificidad a la que hacemos referencia. La
Expresión Corporal busca el desarrollo de un
lenguaje paralingüístico propio del hombre y
para ello utiliza variadas técnicas que se fusionan con el fin de desarrollar en el individuo sus
capacidades innatas. La Antropología Teatral
también se propone desarrollar las capacidades
innatas del individuo, pero este individuo se encuentra abocado a una tarea: la actuación, y la
forma en que se establece este desarrollo no es
por medio de una fusión de técnicas sino por la
utilización de principios comunes a las más variadas tradiciones y disciplinas teatrales. Stokoe
propone desarrollar la propia expresividad, Barba trabaja sobre las estructuras de la expresividad del individuo y esta tarea se direcciona en
función de la expresividad teatral no de la expresión del hombre en su desarrollo habitual.
Llegados a este punto, ¿es posible pensar en
una articulación entre ambas líneas?, ¿es útil?,
¿no puede cada una, independientemente de la
otra, ser aplicada al entrenamiento del actor, logrando resultados similares?
Según Moshe Feldenkrais, uno de los pioneros de la conciencia del desarrollo personal a través del movimiento, la evolución de la humanidad, y por lo tanto de cada individuo, se sucede
en tres etapas.
La primer etapa corresponde al desarrollo de actitudes instintivas que debido al proceso de socialización por el que atraviesa todo ser
trae a la pre-expresividad con el fin estudiar el comportamiento del hombre a nivel biológico. Mientras que Stokoe trabaja unificadamente lo pre-expresivo y lo
expresivo, lo orgánico y lo expresivo.
• La principal diferencia entre una y otra
disciplina se centra en el grado de especificidad de cada una. Stokoe afirma que ‘la
expresión corporal es un conducta que
existe desde siempre en todo ser humano.
[…] La Expresión Corporal como quehacer específicamente ordenado tiende,
como actividad específica, a la modificación del ser humano en su vida cotidiana
en general, así como al enriquecimiento
de sus otros lenguajes artísticos […] se
puede definir como uno de los lenguajes
artísticos que son patrimonio del ser humano […] Es la danza al alcance de todos´…4’ Con respecto a su metodología de
trabajo manifiesta ‘…mi propósito es llevarlos a poder crear su propio lenguaje
corporal. Yo trabajo con fusiones ya que
las distintas técnicas corporales focalizan
su atención en diferentes conceptos; lo
ideal sería trabajar todas las técnicas posibles en profundidad y cada uno extraer de
ellas lo que le sirve…5’
Con respecto a la Antropología Teatral Barba
afirma ‘… es el estudio del comportamiento
escénico pre-expresivo que se encuentra en la
base de los diferentes géneros, estilos y papeles,
y de las tradiciones personales o colectivas […]
indica un nuevo campo de investigación: el estudio del comportamiento pre-expresivo del ser
humano en situación de representación organizada […] El conocimiento de los principios que
gobiernan el bios escénico permite algo más:
132
humano adoptan las características propias del
núcleo socio-cultural al cual el individuo pertenece.
En la segunda etapa, que Feldenkrais denomina individual, se ha evolucionado hacia la
adquisición de habilidades particulares de cada
individuo. Las personas adquieren habilidades
propias sobre las formas naturales. Un modo
particular de leer, cantar, saltar, tocar un instrumento, etc.. En esta fase cuando una persona ha
desarrollado un método propio y éste demuestra
ser eficaz para la comunidad, el método individual se generaliza, se extiende a todo el contexto social.
En la tercer etapa, el desarrollo del individuo
se enfrenta a un proceso de sistematización de
un método específico que deja de ser natural para
producirse gracias al conocimiento del hombre.
En esta etapa podemos ubicar a todo lo que significa sistematización de determinada tarea, ya
sea laboral, deportiva, artística, etc. Tanto la
Expresión Corporal como la Antropología Teatral se pueden ubicar en esta tercer etapa del desarrollo humano. El hecho de ser ambas disciplinas que sistematizan el comportamiento del
hombre de acuerdo con principios estudiados
acerca de sus posibilidades de desarrollo expresivo, las incluye dentro del tercer grupo.
Agregaremos a este punto la división de niveles de organización en el trabajo del actor establecida por Barba en La Canoa de Papel. Estos niveles, que se funden en un único perfil dando como resultado la labor individual del actor,
son:
• el individual en el cual se manifiesta la
personalidad única e irrepetible del actor;
• el cultural, que corresponde a la tradición
escénica y al contexto histórico cultural a
través del cual la irrepetible personalidad
del actor se manifiesta;
• el transcultural, en el que la utilización del
cuerpo-mente del actor se realiza sobre los
principios comunes extraídos del estudio
de variadas técnicas extra-cotidianas de
actuación. La determinación de estos principios transculturales ha dado lugar a la
conformación de la denominada pre-expresividad, convirtiéndose en el objeto de
estudio de la Antropología Teatral.
Considerando esta diferenciación de niveles,
podremos ubicar a la Expresión Corporal, como
disciplina que desarrolla la capacidad individual
de expresarse en relación con su medio, en el
segundo punto dentro de los niveles de organización del trabajo del actor, denominado cultural. En cuanto a la Antropología Teatral, definida como ‘el estudio del comportamiento preexpresivo del hombre en situación de representación organizada’ sobre la base de principios
transculturales su ubicación no puede ser otra
que en el tercer nivel de esta división.
Se puede refutar esta clasificación argumentando que Barba ha elaborado la misma para otorgar un lugar de importancia a su disciplina. Consideremos entonces el perfil hipotético de un
aspirante a actor, que ingresa en un espacio de
formación teatral trayendo consigo todas las formaciones por las que ha atravesado en su vida
(trabajo, familia, escolarización). ¿Será posible
agregar a éstas, ya desde el comienzo una forma
más: la teatral? Nos estamos refiriendo a la formación teatral basada en el ejercicio de la
autodisciplina, la autorregulación y la incorporación de principios que regulan su nivel biológico y que pertenecen a las más variadas tradiciones que el individuo tal vez ni siquiera co133
nozca. Es más, tal vez no conozca algunas de las
principales características de su propio ‘nivel
biológico’, ni la riqueza de posibilidades que sus
características personales le ofrecen.
¿Cómo podremos establecer un pasaje entre
el lenguaje cotidiano, entre estas formas adquiridas en la vida social y el acceso al lenguaje
codificado del teatro? Creemos que la solución
se presenta entendiendo que debe establecerse
una metodología de trabajo que posibilite en el
individuo su autoconocimiento, el reconocimiento de su individualidad, el estudio de sus características motrices, físicas, expresivas,
comunicativas, etc. Por esta razón ubicaremos
en este momento del proceso de formación del
futuro actor al trabajo con las ideas y la metodología de Patricia Stokoe.
Proponemos para ello, la incorporación de una
parte de la Expresión Corporal, sin dudas la más
importante, aquella que aborda el desarrollo
sensoperceptivo del ser humano y cuyo objetivo
primero es lograr el autoconocimiento y desarrollar el interés por una reeducación orientada
por el ámbito de formación pero regulada por sí
mismo.
Sólo después de haber atravesado esta etapa
de descubrimiento, de reconocimiento, el futuro
actor estará en condiciones de adquirir conocimientos más específicos acerca de la disciplina
artística en la que se está formando. Es entonces
cuando entra en escena la Antropología Teatral
y su concepción de entrenamiento actoral, ampliamente desarrollada en este trabajo. Esta nueva presencia no supone el fin del
autoconocimiento ni de la reeducación, sino la
reorientación de estos elementos de acuerdo con
objetivos más específicos que responden a técnicas que desarrollan exclusivamente la actuación.
1
Patricia Stokoe, Expresión Corporal. Guía
Didáctica para el Docente (Buenos Aires,
Ricordi, 1978) p.14.
2
Eugenio Barba, La Canoa de Papel (Buenos
Aires, Catálogos, 1994) p. 60.
3
Eugenio Barba, Mas Allá de las Islas Flotantes, (Buenos Aires, Firpo & Dobal, 1987) p. 102.
4
Patricia Stokoe y A. Schachnter, La Expresión
corporal, (Buenos aires, Paidos, 1981) pp. 1314.
5
Patricia Stokoe, El actor no es acaso un ser
humano? (ArteFacto No. 4)
134
6
Barba, La Canoa de Papel, p. 26.
7
Ibid., p. 26.
Acerca de la Relajación en el Método Strasberg
Maria S. Horne
con entrenamiento técnico posee como
herramientas esenciales de su trabajo.
En el Método Strasberg, el foco del entrenamiento del actor es el trabajo consigo mismo. Cada
alumno progresa a su propio ritmo, el crecimiento es netamente individual. El Método enfatiza
la diferencia entre la ‘comprensión mental’ con
la que tantos actores se contentan usualmente, y
la ‘completa experiencia mental, física, y emocional’ de la cual cada individuo es capaz.
Las sesiones de trabajo han sido diseñadas
específicamente para abarcar todas las facetas
del trabajo actoral. El actor, sostenido por una
técnica específica, explora sus reacciones e impulsos a los que canaliza interactivamente con
la palabra y la acción.
El entrenamiento diario comienza con la relajación del actor, plataforma sobre la cual se
erige aprendizaje de El Método. El objetivo principal de la relajación es liberar al actor de tensiones físicas, mentales y senso-emocionales.
Strasberg define tensión como exceso de energía. Consecuentemente el actor debe encontrar
su equilibrio energético. Un actor tenso no puede fluir libre y artísticamente; ni física, ni emocional ni mentalmente. El ejercicio de Relajación en la Silla, conceptualizado y elaborado por
Al considerar la obra de Lee Strasberg, más allá
de su trascendente aporte como actor y director,
se destacan con luces propias dos contribuciones fundamentales:
• Lee Strasberg, Director Artístico del legendario Actors Studio, forjador de cuatro
generaciones de actores donde brillan
nombres como James Dean, Marlon
Brando, Marylin Monroe, Paul Newman,
Joanne Woodward, Shelley Winters, Sally
Field, Jane Fonda, Eli Wallach, Ellen
Burstyn, Robert De Niro, Dustin Hoffman
y Al Pacino entre muchos otros.
• Lee Strasberg, el maestro, el pedagogo
creador de El Método que ha sido reconocido mundialmente como una de las influencias más importantes en el desarrollo de las técnicas actorales contemporáneas. Actualmente, elementos de sus descubrimientos en el área de la actuación son
utilizados por educadores de las más prestigiosas instituciones de formación teatral.
Ejercicios como Momento Privado, Animal, Memoria Emotiva, Memoria Sensorial y por supuesto la Relajación en la Silla; por nombrar algunos, son parte del
vocabulario indispensable que todo actor
135
Lee Strasberg, es una de las técnicas que ha probado ser eficaz en este área.
La necesidad de la relajación en el actor es
un punto de coincidencia entre diversas técnicas
del arte teatral. La relajación juega un rol fundamental para la concreción de una acabada actuación escénica. Por cierto, las técnicas de relajación han sido utilizadas históricamente no
sólo en artes escénicas sino en un sin fin de aplicaciones. Específicamente, y a través de la experimentación en variadas técnicas de relajación,
el ser humano puede aliviar, de manera efectiva,
las tensiones creadas en sí por el diario vivir.
Sin embargo, las necesidades de relajación como
persona difieren de las necesidades de relajación
como actor. A nivel personal, la relajación puede ser practicada en una completa privacidad
donde se logre crear una atmósfera que conduzca a acentuar esa relajación (música, incienso,
azanas). En contraposición, el actor debe ser
capaz de mantener un estado de relajación activa no sólo en el escenario sino en presencia de
público. Asimismo y en este estado de relajación activa, el actor debe ser capaz de experimentar simultáneamente situaciones de alto contenido emocional (que de por sí causan un alto
grado de tensión) sin tensionarse y sin perder el
estado de relajación necesario. Esta condición
crea un círculo vicioso. Cabe destacar entonces
que no sólo es necesario para el actor lograr un
estado de relajación ‘antes’ de entrar al escenario, sino más importante aún, el actor debe trabajar activamente en su relajación ‘durante’ la
actuación en el escenario. Es decir, momento a
momento.
En qué se diferencia la relajación de Strasberg
de otras técnicas de relajación, muy valiosas por
cierto? En que es una relajación activa y
trifacética: física, mental, y senso-emocional. La
relajación de estas tres áreas debe ser virtualmente simultánea donde el cuerpo, la mente y la
senso-emoción, trabajen de manera interactiva.
Por lo tanto, el ejercicio de relajación en la silla
está diseñado para poder lograr esa simultaneidad y a la vez incorporar la proyección de la voz.
Mediante esta técnica de relajación, Strasberg
logra arribar de una manera consciente al subconsciente para ubicarse intencionalmente en lo
que Stanislavsky denominara ‘el modo creativo
del actor’.
La relajación en la silla se inicia con el actor
sentado. Es importante que esta silla no tenga
apoya brazos. La posición técnica que se debe
adoptar y mantener durante la relajación es la
siguiente: una pierna debe mirar al frente, la otra
pierna debe estar abierta cuarenta y cinco grados al costado, las caderas desniveladas, el torso mirando hacia el frente, los brazos colgados
a los costados, y finalmente, lentamente, se comienza a rotar la cabeza hasta lograr que cuelgue hacia atrás totalmente relajada en la base de
la nuca. Utilizando el movimiento y la exploración mental/física/senso-emocional, el actor se
pone en contacto con las áreas de tensión. Una
vez que se identifica un punto específico de tensión, se emite sonido. Se utilizan únicamente dos
clases de sonido técnico: a) sonido largo y mantenido con resonancia de pecho que se proyecta
con apoyo diafragmático, y b) sonido corto y
explosivo. Durante la relajación y al contactar
áreas de tensión, se emite sonido técnico junto
con movimientos técnicos. Es a través del cuerpo y la voz, que se expresa y se exterioriza sin
ideas preconcebidas de cómo debe ser expresado, lo que de otra manera está contenido dentro
de ese instrumento y es la causa de esa tensión.
136
Como esta relajación es tri-facética y virtualmente simultánea, el instrumento actoral (cuerpo,
mente y senso-emoción) trabaja interactivamente
para lograr la relajación deseada. Es importante
destacar que este proceso no es catártico sino
que obedece a claras directivas técnicas.
La relajación es uno de los elementos fundamentales para el aprendizaje del Método y es
además, la parte del entrenamiento quizás más
difícil y menos espectacular. Obviar o disminuir
las exigencias en la técnica de relajación constituiría un grave error pedagógico. Sin cimientos
básicos como la relajación, no puede edificarse
la sólida estructura metodólogica del Método.
Strasberg enfatiza la específica y correcta práctica de su metodología comenzando siempre por
la relajación. No hay caminos cortos. No existen atajos.
Paralelamente con la relajación, se trabaja el
desarrollo de la concentración. Relajación y concentración, son las llaves que abren las puertas
de nuestra imaginación. Este entrenamiento se
realiza a través de la memoria sensorial.
Strasberg desarrolla dentro del Método una cronología específica de ejercicios sensoriales diseñados para afinar el instrumento del actor. Estos ejercicios son para el actor lo que la barra es
para el bailarín o las escalas para el pianista.
De los ejercicios sensoriales, uno de los primeros y tal vez el más conocido, es el de ‘la taza
de café’. A éste le siguen una larga y detallada
lista, que luego evoluciona hasta combinar tres
o más ejercicios simultáneamente. Los ejercicios
deben ser practicados repetidamente antes de ser
presentados en sesión de clase. Esta tarea consume tiempo, dedicación y una nueva actitud de
observación del mundo sensorial que nos rodea.
Eventualmente, el trabajo sensorial llega a con-
vertirse en una actividad subconsciente continua
de veinticuatro horas diarias.
Este actitud de trabajo indefectiblemente afecta el acercamiento a las escenas. La palabra clave es especificidad. El Método asigna una gran
atención a los detalles. El actor entrenado en el
Método es siempre específico. Este actor no
omite nada: todo detalle por insignificante que
parezca requiere la debida atención. Este actor
hace sus propias elecciones y selecciones, crea
urgencias, toma riesgos, busca en cada momento de la escena algo que lo excite y lo propulse a
la acción. En este método de trabajo jamás se
busca la emoción como resultado. La intención
de los ejercicios sensoriales es la de entrenar la
sensibilidad del actor para que responda a los
objetos y situaciones en el escenario de manera
que sea tan creíble como en la vida real y evitar
así caer en el peligro de ‘indicar’ una emoción.
De acuerdo con Strasberg, existen básicamente tres tipos de actuación: inspiracional, externa,
e interna. El actor entrenado por Strasberg no
depende de la inspiración o el entrenamiento físico, sino que utiliza todas sus capacidades de
observación del mundo que lo rodea y memorias de las cosas que ha vivido, para intentar recrear el alma de un personaje en el escenario. Es
decir, que esta técnica que se denomina El Método es el proceso por el cual un actor utiliza su
memoria afectiva para controlar sus pensamientos, sus emociones, y su cuerpo, ó más
concisamente, su instrumento, para poder crear
esa realidad. De allí, la gran importancia de la
relajación trifacética: corporal, mental y emocional. Tal como el niño que debe aprender sus
primeros pasos antes de poder competir en una
maratón, el actor debe afinar su instrumento, es
decir a sí mismo, antes de poder utilizar ese ins137
trumento en la composición de una obra de arte.
Cómo lograr un personaje no tenso, si el actor/
persona está tenso?
No intento aquí tratar de describir o enseñar
apresuradamente cómo se dan los primeros pasos en esta hermosa aventura que es el Método.
Este entrenamiento debe ser transmitido de
maestro a alumno, de generación en generación,
a la manera de las tradiciones orientales.
La vigencia del Método es un hecho concreto e innegable. Es una herramienta de trabajo
que capacita al actor para atacar problemas específicos y arribar a una solución práctica. Por
supuesto hay quienes no necesitan de este entrenamiento: Eleonora Duse nunca oyó hablar de
la relajación según Strasberg. Sin embargo, para
muchos el Método ha probado ser un instrumento
eficaz que ayuda a abrir compuertas al talento
artístico, compuertas que de otra manera permanecerían cerradas.
Lee Strasberg sostenía que todo ser humano
ha nacido con talento aunque hay quienes necesitan re-aprender a cultivarlo. El Método es solamente una puerta de acceso a ese talento. Se
trata simplemente de un acercamiento al trabajo
del actor que ha dado resultados concretos. No
es, ni pretende ser, la única respuesta al paradigma actoral.
138

Approches du texte
Textual strategies
Interpretación de Textos

139
Adventures in Space :
Realizing the Educational Play Text
Rob Brannen
atre text lets me down, and what role can a university play in adding to the catalogue of contemporary texts available?
In writing Tales Untold, and particularly in
producing criteria for the series, I was forced to
examine current professional theatre practice in
Britain and trends in professional play texts being produced. Having done so, my conclusion
had to be to put aside what existed for the profession and prioritize criteria for the perceived
needs of my students. Let me begin by outlining
why the needs or products of the professional
theatre are often diametrically opposed to the
requirements of those of us working within education.
This contextualization comes, of course, from
a British theatre perspective, where the politics
of performance activity are dominated by state
subsidy, and the decisions subsequent governments make regarding the amount of subsidy
available and those who receive from the public
purse.
By the mid-80s in Britain, the Thatcher
government’s public funding restrictions had
taken a firm hold, leading to a now familiar position of crisis theatre management. As recent
disquieted voices from the theatre world have
signalled the New Labour government have not
yet delivered the much hoped for reversal of for-
July of this year (1999) saw the publication of
my play Tales Untold. I am not a playwright.
This particular text has never been performed
professionally, has not been staged at a theatre
of national importance or at a festival to vast
audiences. The play, I will admit, has nothing
earth- shattering to say; it is a gently subversive
retelling of folk tales. However, the writing of
Tales Untold came directly from my experiences
of creating theatre within a university environment. Following submission to the publisher, the
play was read by a number of people working in
theatre within an educational context. Their reports, and sales of the text, which followed, were
most favourable. I was asked to write a second
play, and to become the Editor for a series of
play texts, which would meet the needs of those
working within education. The series title is
Adventures in Space, referring to the challenge
of creating theatre within the performance space,
but also to the text allowing space for the performer to have an adventure within.
The process so far has been an eye-opening
one, not least because the initial impulse to write
came from the despair of not being able to find a
contemporary text from the professional theatre
world which directly met the needs of the context within which I am working—University
Theatre. Why do I feel that the professional the140
Percentage of Overall Repertoire for Arts Council
Building-Based Theatre Companies
Classics
Shakespeare
Post-war
Musicals
Children’s
Adaptations
New work
Others
1971-75
20%
5%
43%
6%
6%
6%
12%
3%
1976-80
18%
6%
35%
9%
7%
5%
13%
7%
1981-85
13%
6%
46%
8%
5%
5%
12%
6%
1986-90
11%
6%
32%
12%
8%
20%
7%
6%
1990-95
9%
5%
22%
18%
10%
13%
15%
10%
1996-99
9%
7%
24%
14%
15%
12%
12%
6%
(Source: Arts Council Statistics Unit, New Theatre Writing Unit, Arts Council of England)
by Arthur Miller and any play on the school syllabus. Then, comes the rise of the ‘safe’ product. Along with Shakespeare, we have the meteoric assent of the musical (whose percentage of
the total output would be far higher if we were
to include London’s West End Theatre). Also
with an increased share is work for children,
which includes the traditional English pantomime, and adaptations of well-known books or
films, selling upon the familiar. This leaves us
with new work, which, as risky product, was
threatened with terminal decline by the late 80s,
until funding bodies created new writing proposals, like the last ditch try of the emergency
medic—and subsequently diverted funds returned new work back to its original share. How
should universities practising theatre react?
Shore up the classical repertoire through University Theatre productions? Bow down to the
market and introduce Lloyd-Webber on to the
curriculum? Run new modules entitled ‘How to
Play Safe and Influence Funding Bodies’? It is
within this context of the risky and the safe the-
tunes. The tight grip upon state subsidy for the
arts initiated by Thatcher has not yet been loosened by Blair, and over the past twenty years
has produced a seismic shift in approach to practice affecting all areas of the profession. In 1986,
working as a Theatre researcher for the Arts
Council, I attempted to record broad trends in
the professional theatre repertoire in England.
The following table uses the model I established
and brings the figures up to date, recording the
percentage of the total repertoire for each category and in doing so provides some insight into
professional activity during the last thirty years
of this century.
Significant for my purposes here are the following :
First, the decline in the classical repertoire.
This is largely due to the large cast demands of
many of the classics, rendering them
unaffordable. The exception is Shakespeare,
who, selling on brand-loyalty, remains remarkably constant in the market. The same fate befalls
postwar work, whose share is now propped up
141
atre product that I would like to examine the new
texts available to us.
A look at the broader picture concerning subsidized theatre output in Britain would show us
that the average number of productions per theatre has fallen from 10 per year in the mid-80s
to 7 per year in the mid-90s. Aside from the
grand-scale musicals, the professional theatre
world is shrinking; shrinking in terms of the number of productions but also in terms of the cast
employed to perform these productions. In terms
of new writing, no Artistic Director will take the
double risk of staging an unknown work and taking on a hefty bill for a large cast. Writers who
have helped to shape British theatre, like David
Hare, Edward Bond, Caryl Churchill, David
Edgar, Howard Brenton, all had professional
work staged in the 70s for casts of forteen and
upwards. The climate in existence in the mid80s led to Anthony Minghella’s now infamous
quote: ‘A play used to be something with three
acts, now a play is something with three actors.’
Whilst the content of British drama moved from
the broad brush strokes of the ‘state-of-the-nation’ play to the politics of the individual, the
number of actors employed mirrored this
downsizing of vision. This restriction upon cast
numbers is now so entrenched that it operates as
an unspoken but all dominating criterion if a new
play is to be considered for professional staging. The perversity of this situation was brought
home to me in the example of Goliath, a onewoman play by Bryony Lavery focusing upon
the riot-torn Britain of the early 90s. As a professional production, the actress Nichola
Mcauliffe played twenty-two characters. When
the writer was invited by me to work at the university with our students, the piece became trans-
formed into an ensemble cast piece rather than a
star vehicle. At the university twenty-two characters meant twenty-two actors.
The Royal Court Theatre’s first West End season at the beginning of 1996 confirms the changing product, but also highlights a further concern regarding professional practice. The season
included two contemporary plays, Ron
Hutchison’s Rat in the Skull and Terry Johnson’s
Hysteria, both with a cast of four; one was all
male and the other three men and a woman. The
third play of the season was a revival David
Storey’s The Changing Room, written in the early
70s, with a remarkable cast number of twentythree, again all male. A world renowned New
Writing Theatre launching a new venue with
three male playwrights and employing thirty men
and one woman on their stage? As a woman
critic’s introduction of the season concluded,
with some anger, ‘I defy anyone to think up a
three play season involving a cast of thirty
women and one man.’ (Claire Armistead, The
Guardian, 22 November 1995). As if the gender-imbalance of on-stage opportunity in Britain wasn’t bad enough, a 90s exploration of
maleness made it worse. Notable British plays
of the 90s—including Jez Butterworth’s Mojo,
Patrick Marber’s Dealer’s Choice, Kevin Elyot’s
My Night With Reg—have all-male casts, followed closely by ‘mostly men and one woman’
plays—Mark Ravenhill’s Shopping and Fucking,
Connor McPherson’s The Weir, Harry Gibson’s
stage adaptation of Trainspotting. Plays written
by, and consequently providing opportunity for,
women remain at a depressing twenty percent
of the total repertoire. Yet for those of us working in educational contexts, in terms of numbers
alone, it is the woman’s voice which demands
142
opportunities to be heard. My last university production group consisted of twenty-two women
and two men, before that twenty women and five
men, and so on, following a similar ratio.
My own experience was confirmed by responses from selected readers working in post16 education who were asked to consider the
Adventures in Space series idea. They indicated
a real desire to engage students in production
work, but despair at the texts available to them.
Their response not only confirmed, but also
helped to shape the eventual criteria for the series. For example, a priority for one lecturer
would be that, ‘the roles are weighted fairly
equally so that every participant would feel that
their role had significance… This obviously allows for assessment opportunities as I would
want to use the text as vehicle for practical examination.’ Some of the original criteria concerning style of playing were questioned by the readers who requested that the series should incorporate a diversity of styles.
Finally, it was decided that a play in the series should meet as many of the following criteria as possible. The text should allow for a variable cast size of between eight and forty performers; ‘equal’ roles avoiding specific star parts;
the strong possibility of more women than men
in the cast, or non-gender specific; allowing the
performers’ creative input through an ‘open’ text,
giving them a sense of ownership.
The text format for the series includes the
play, context notes encouraging analysis, and
performance exercises to kick-start practical
exploration. There is also a hidden criterion for
the series, which may or may not be met, that
the gender imbalance identified should be ad-
dressed in the playwrights selected as well as
cast opportunities.
Now let me address the final criterion, which
concerns the performers’ sense of ownership, and
in doing so examine possibilities of form for
these texts. The vision for the series is to produce texts for the students to play with. Tales
Untold is a dramatization of fantastical folk tales,
designed to allow the student to take not just an
imaginative step, but a giant leap in theatrical
possibility and opportunity. The text contains no
prescriptive stage directions, but rather it sets
rules for the game before play commences. The
original student production of Tales Untold began by presenting the group with a pile of sticks
of various lengths and some squares of material.
Workshops followed which set the game rules
and explored possible tactics of play. The overriding instruction was to use only the properties
specified and their own bodies within the empty
performance space. The play is littered with,
what I have called, ‘impossible’ staging moments—one character expands to three thousand
times his own size, another plucks out his own
eye, twelve sisters turn into ravens and fly away
over the treetops. There are no prescribed solutions in the text. There is an underlying philosophy of performer empowerment. My text also
draws heavily upon, as one reader for the publishers put it, ‘techniques for allowing actors to
interrupt the traditional actor/audience relationship’. One section of Tales Untold begins with a
performer saying to the audience: ‘In this story I
play the part of God, please use your imaginations as freely as you wish.’ Later a group of
characters are identified as Ugly Children and
another group identified as Handsome Children.
One of the Uglies breaks out of the narrative to
143
say: ‘Those of us playing the Ugly Characters
would like to remind the audience that we are
only pretending to be ugly, and that these roles
are testing our acting ability to the full.’ One of
the Handsome Ones immediately breaks in with,
‘Those of us playing the Handsome Children
have been specifically chosen for the roles, which
come quite naturally to us.’ The next in the series, my new piece, The Yarn, includes a section
where the performers openly disagree where the
narrative should begin, and later must deal with
the staging of a cow falling out of the sky and
landing at their feet. Participants are encouraged
to be brave on stage. Both these aspects were
welcomed by readers’ responses. Possibilities of
student ownership distances the lecturer from the
final product, allowing students to realize their
own collective vision rather than a lecturer’s direction, leading to a greater degree of objectivity in assessment. Playing with the actor/audience relationship encourages an exploration of
form, of ‘live’ theatricality, at a time when the
fourth-wall convention is still remarkably dominant in British theatre, even in new writing. ‘Why
Boys? Why Rooms?’ came the cry when new
writing came up for discussion at a recent Theatre Conference in Birmingham. If the professional theatre was giving us—in sweeping
terms—a realistic representation of a small number of mostly male characters talking to each
other in a room, was theatre practice within education providing other possibilities?
I put my toe in the water and was swept away.
I sent out a Call for Scripts to eighty selected
universities and colleges, along with the series
rationale identified. In the last four months alone
forty-two scripts have been submitted to me, representing a vast resource of previously untapped
educational material. The plays were mostly
written by lecturers, but some shaped by the
teacher from work devised with student groups.
Four of these have gone forward to the publishers for consideration. In 1999 new writing for
the professional theatre, we are told by the media, is thematically concerned with the internal
search of those disenchanted by Thatcher’s dictum, ‘There Is No Such Thing as Society’, and
disillusioned by the failure of ideology. However, the plays submitted from educational contexts throw up a gloriously broad sweep of content. These include explorations of the politics
of ethnicity, of gender, of class, dependency and
addiction, approaches to death, the nature of
punishment, three different versions of Alice in
Wonderland—including an ‘Alice Does Drugs’.
There are also diverse explorations of form,
which the ‘safety-first’ restraints of professional
theatre limit. There are plays which allow for
audience participation, texts which allow space
for improvisation or physical theatre technique,
there are ‘dance plays’ where the text becomes a
stimulus for movement, multi-media plays and
even a verse/rap play. These plays are generally
concerned with large, loud collective voices delivered across performance spaces filled with
movement, theatrical imagination and explorations of the audience/actor relationship—not the
70s state of the nation play, but political with a
small ‘p’ none the less.
Just before I came away (to Dakar, in November 1999) a play arrived from Catherine
Roberts, a lecturer at the University of Plymouth.
The play entitled POA—Public Order Act deals
with the right to gather, communal activity and
the law, not pondering the convictionless vacuum
at the end of the millennium but the collective
144
energy of the future, played out with twentyseven characters—twenty-two of them women,
naturally.
Of course there is a balance to be struck. Students should be aware of, and practically engage
in, best practice in the profession. A student spoke
to me of her rich performance experience. In one
module she was performing an extract from a
contemporary play which called for her to be a
young single mother on the breadline, and all
the demands that this entails. In Tales Untold, at
various points, she was called to be an actress
addressing the audience, a mythical character, a
narrator, a marionette, the leg of a chair and a
raven in flight. Now that there is the opportunity for these texts to be in the public domain,
the next step would be the possibility for professional performance, perhaps beginning with collaborations or co-productions. Texts nurtured in
the university environment creating a space for
resistance to the status quo within the profession. Clearly these texts are not specifically training tools for the professional theatre as it exists;
rather, in their own way, they are the best of
University Theatre work, they critique professional practice and add to the debate concerning
what could or, possibly, should be.
145
Du bon usage des didascalies
Claude Schumacher
Mais la même année Corneille exprimait un avis
contraire dans son Discours sur les trois unités :
Je serais d’avis que le poète prît grand
soin de marquer à la marge les mêmes
actions qui ne méritent pas qu’il en
charge ses vers, et qui leur en ôterait
même quelque chose de leur dignité. Le
comédien y supplée aisément sur le
théâtre ; mais sur le livre, on serait assez souvent réduit à deviner.
Pour nous, étudiants de théâtre, il est fort dommage que Corneille n’ait pas, lui-même, suivi
ce principe : l’eût-il fait nous aurions une idée
beaucoup moins enténébrée de la vraie pratique
du théâtre classique. Malheureusement, la tyrannie académique l’a emporté… La remarque cornélienne souligne deux points très importants :
— premièrement, en suggérant que les indications scéniques soient « marquées à la
marge », le dialogue et le paratexte sont
clairement différenciés ( comme le feront,
par exemple, bien plus tard Jean Vauthier
dans Capitaine Bada et Le Personnage
combattant, ou Arlette Namiand dans Surtout quand la nuit tombe) ;
— deuxièmement, Corneille demande que le
comédien incarne ces indications dans son
jeu, et par là il marque la différence radi-
La notion de « didascalie » (« indication de jeu
dans une œuvre théâtrale ») est assez récente,
même si le vocable remonte à l’antiquité grecque. Le mot n’est entré dans la langue française
que dans la deuxième moitié du dix-huitième
siècle. Quant à l’expression « indications scéniques », elle est encore plus récente. Très précisément, par didascalies, j’entends le texte — ou
métatexte — écrit par le dramaturge lui-même,
à l’exclusion de toute autre surcharge textuelle
ajoutée par les éditeurs (comme c’est souvent le
cas pour les pièces grecques et latines, et pour le
théâtre shakespearien).
Au dix-septième siècle, le classicisme français bannissait les indications scéniques (c’est à
peine si on en trouve une poignée chez Corneille,
Molière et Racine), car le dialogue dramatique
devait contenir toutes les informations nécessaires à la compréhension de la fable et à sa représentation. Dans sa Pratique du théâtre, publiée
en 1657, l’abbé d’Aubignac écrit :
Toutes les pensées du poète, soit pour
les décorations du théâtre, soit pour les
mouvements de ses personnages, habillement et gestes nécessaires à l’intelligence du sujet, doivent être exprimées par les vers qu’il fait réciter.
146
cale entre le texte écrit et la représentation
théâtrale.
En passant, notons les deux ou trois indications
scéniques qui se trouvent dans les tragédies de
Racine. Dès sa première entrée, après quatre vers
haletants, Phèdre s’assied :
Et mes genoux tremblants se dérobent
sous moi.
Hélas ! (Elle s’assied. - Acte I, sc. iii)
Cette indication, « Elle s’assied », est unique
dans la tragédie, et elle pourrait paraître superflue. Mais une reine qui s’assied n’était pas chose
courante, et Racine tenait à souligner ce fait extraordinaire : elle ne s’assied pas royalement en
majesté, mais par faiblesse. Quel contraste avec
la transgression protocolaire d’Agrippine (Britannicus, Acte IV, sc. ii) qui s’installe sur le trône
de son fils, avant de l’inviter auprès d’elle,
comme si Néron partageait encore son pouvoir
avec elle. L’action d’Agrippine n’est pas contenue dans le dialogue, mais elle est essentielle au
drame qui se joue. Donc, comme Corneille le
demande, cette action doit impérativement être
« marquée » puisque sans elle ni le lecteur ni le
spectateur ne saisiraient l’importance de l’enjeu.
Le troisième et dernier exemple racinien est
encore plus étonnant. Lorsque dans la dernière
scène de Bazajet, Atalide, l’amante du prince,
apprend la mort de celui-ci, elle se tue—ce qui
est contraire à tout ce que nous avons toujours
appris sur le théâtre classique ! Et non seulement
elle se poignarde sous les yeux des spectateurs,
mais l’auteur a recours à une didascalie (« Elle
se tue. »), car cette action n’est pas implicite dans
le texte. Il est vrai que sa suivante nous informe
qu’« elle expire », mais sans révéler la raison de
cette mort.
Bien que d’Aubignac ait intitulé son ouvrage
Pratique du théâtre, l’abbé traitait le théâtre
comme une branche de la poésie, mais Racine
ne se souciait guère de l’orthodoxie classique
quand les impératifs de l’action ne pouvaient s’en
accommoder. Molière, lui, fait figure de moderne
et il sépare très précisément le texte de la mise
en scène (terme qui n’a acquis son sens moderne
qu’à la fin du dix-neuvième siècle). Dans son
avis « Au lecteur », de L’Amour médecin, Molière écrit :
Il n’est pas nécessaire de vous avertir
qu’il y a beaucoup de choses qui dépendent de l’action. On sait bien que
les comédies ne sont faites que pour être
jouées.
« Jouées », et non pas lues ; et il ne recommande
la lecture du théâtre qu’aux gens qui ont de l’imagination :
Je ne conseille de lire [cette pièce]
qu’aux personnes qui ont des yeux pour
découvrir dans la lecture tout le jeu du
théâtre.
Dommage que Molière ait fait confiance à ses
lecteurs, sinon il aurait peut-être décrit « tout le
jeu du théâtre » de ses comédies, et comme avec
Corneille, nous aurions une meilleure connaissance de la pratique scénique, et une compréhension plus profonde de ces comédies si ambiguës que sont Tartuffe, Don Juan, Le Misanthrope ou L’Avare. On pourrait en dire autant,
bien sûr, de la commedia dell’arte, des théâtres
de Marivaux, Voltaire ou Beaumarchais, en bref
de tout le théâtre joué jusqu’à l’époque naturaliste, jusqu’à Antoine et à l’avènement du metteur en scène.
Laissons maintenant ces considérations par
trop théoriques, et prenons quelques exemples
147
pratiques de « jeux du théâtre », tels que j’ai pu
en faire l’expérience.
En 1959 j’étais un jeune acteur au Théâtre
populaire romand (TPR), en Suisse française, et
nous répétions La Cruche cassée de Kleist, dans
une traduction d’Arthur Adamov, texte largement
dépourvu d’indications scéniques. Selon le choix
de mise en scène (c’est-à-dire, selon les jeux du
théâtre), la pièce de Kleist est soit montée en
farce ou en drame social (voire en pièce à thèse).
Au centre de l’action se trouve le juge Adam qui
préside un procès pour tentative de viol, et la
seule pièce à conviction est la cruche cassée du
titre, que la plaignante a écrasée sur le crâne de
son agresseur. Comme vous le savez, le coupable est le juge lui-même et il s’efforce d’accuser
le fiancé de la jeune fille victime de son « attention ». Dans la société allemande du début du
dix-neuvième siècle, le juge pouvait espérer réussir dans son entreprise scélérate, mais il a un gros
problème : il est chauve et il porte une blessure
sur son crâne qu’il ne peut pas cacher car une de
ses perruques est chez le perruquier, et l’autre
est occupée par une portée de chatons ! Pire : un
inspecteur judiciaire, le conseiller Walter, est en
tournée et il a décidé d’assister au procès, durant lequel il devrait jouer un rôle totalement
passif. Au TPR c’est moi qui jouais Walter, et
pendant de longues répétitions je n’avais strictement rien à faire (ni l’auteur ni le metteur en
scène ne s’occupaient de mon jeu). Un dimanche après-midi, j’ai mis la main dans une poche
de mon pardessus et j’en ai sorti des cacahuètes
que j’ai joliment disposées devant moi ; puis
tranquillement, je les ai décortiquées et je me
suis mis à les grignoter, sans trop me préoccuper de ce qui se passait. Tout à coup le metteur
en scène, un individu colérique, braille : « For-
midable, parfait, très bien, Claude, continue ! »
O, merde, je me suis dit, voilà les ennuis qui
commencent… Mais il n’était ni ironique ni en
colère, il était ravi de mon « invention » : l’inspecteur de justice, assis côte à côte avec le juge,
machouillant tranquillement ses cacahuètes donnait la fausse impression qu’il se désintéressait
de l’affaire, mais les spectateurs, le voyant de
face, se rendaient compte que pas un mot, pas
un geste ne lui échappait. Tous les critiques du
spectacle ont mentionné ce jeu de scène ; certains ont même écrit qu’il était au cœur de la
conception de la mise en scène. Ce n’est qu’un
exemple d’un jeu de théâtre auquel l’auteur
n’aurait jamais pensé, mais qui fut porteur de
sens et riche de théâtralité.
Quatre ans plus tard, nous sommes en 1963,
je mettais en scène pour la première fois une
pièce d’un auteur contemporain, avec qui je pouvais collaborer directement : il s’agit de La Cage,
du Suisse Bernard Liègme, un ami avec qui j’ai
eu grand plaisir à travailler. L’action de La Cage,
écrite en 1958, est située dans un camp de personnes déplacées, immédiatement après la
Deuxième Guerre mondiale, et trois vieux loufoques fort décrépis (Arthur, Tatzelwurm, et
Ariana) s’y créent des vies de fantaisie. Selon
les moments, le style de jeu est banal ou lyrique,
parodique ou tragique. Les répétitions avançaient
bien et nous nous amusions beaucoup, et j’ai
pensé que le moment était venu d’inviter l’auteur
et de profiter de ses conseils. La vieille Ariana—
décrite comme « une femme fatiguée, fripée »—
s’imagine que Tatzelwurm, qui vient d’arriver
au camp, est un héros, un général victorieux…
et elle se met en tête de le séduire. Les indications scéniques de Liègme disent : « elle essaie
148
d’attirer son attention par quelques manières un
peu osées », et tout excitée, elle s’écrie :
Tu peux me battre, comme si j’étais ta
chose, enfoncer tes bottes entre mes
jambes !
(Souvenez-vous que ce texte date des années 50
quand la « phallocratie » s’exhibait encore sans
complexe—ou presque, comme vous allez le
voir !)
Donc, l’actrice jouant Ariana, en un costume
fait de lambeaux de robes datant du début du
siècle, tournait autour de Tatzelwurm et se frottait à lui, mais sans aucun succès. Finalement,
n’en pouvant plus, elle lui suggère d’enfoncer
ses bottes entre ses jambes, et elle s’étale, jambes écarquillées, sur le sol, comme le laisse entendre l’auteur quand il dit de ses personnages :
Arthur, Tatzelwurm, Ariana sont des
êtres de chair, non des pantins. Ils ont
un passé, ils respirent, ils pleurent, ils
rient, ils se réjouissent, s’impatientent,
se fâchent.
Mais que croyez-vous qu’il advint ? L’auteur fut
horrifié et quitta le théâtre sans un mot. Le lendemain il me demanda si je n’avais pas honte de
faire jouer une actrice avec une telle indécence…
Nous avons passé outre, et il n’y eut pas de scandale. (En fait notre jeu ne comportait aucune indécence : la jeune actrice de 23 ans campait une
magnifique folle de 70 ans et tout se passait dans
une espèce de rêve fantasmagorique !) Je cite les
didascalies telles qu’elles figurent dans le texte
publié en 1972. Ceci n’est qu’un exemple d’un
auteur qui, à sa table de travail, ne considère pas
toutes les conséquences de son texte, avant que
la mise en scène ne vienne matérialiser son imagination — et il peut souvent y avoir un gouffre
entre texte écrit et représentation. Mais il est
impératif que les lecteurs, et surtout les metteurs
en scène, lisent attentivement tout le paratexte
pour nourrir leur imagination théâtrale.
Selon le lieu et le temps, les didascalies acquièrent d’autres significations. Les conventions
de jeu, elles aussi, évoluent, mais le texte imprimé reste immuable. Il serait donc faux de
vouloir suivre aveuglément les indications de
l’auteur. En 1971 j’ai mis en scène Les Justes de
Camus à l’Université de Manchester (en traduction anglaise). J’avais décidé de monter la pièce
dans une configuration « en rond » pour augmenter l’impact émotionnel de la tragédie, et j’ai
expliqué mon choix et ses raisons à mes acteurs—qui semblaient satisfaits. Mais le lendemain de la première lecture, la jeune actrice qui
allait jouer Dora est venue me trouver, tout agitée et vraiment inquiète (elle avait relu la pièce
immédiatement) et elle m’a déclaré qu’il était
impossible de monter Les Justes en rond.
Comme vous le savez, l’action des Justes est
basée sur un fait historique : l’assassinat du
Grand-Duc de Moscou par un groupe d’anarchistes, en 1905. Dans la version de Camus, il y a
deux terroristes, extrêmement attachants, sympathiques et pleins de scrupules. Ce sont Dora
et Yanek, qui vivent aussi un amour douloureux
car ils se refusent toute satisfaction (et douceur)
pour ne pas contrarier leur idéal révolutionnaire.
C’est Yanek qui a été choisi pour jeter la bombe
sur le Grand-Duc : il sera arrêté et condamné à
mort. Au cours du cinquième acte, Dora attend
avec ses camarades l’annonce de l’exécution
d’Yanek. Lorsque, enfin, Dora apprend la mort
de son ami, Camus écrit : « elle se jette contre le
mur ». Mon actrice avait raison : si tu joues en
rond, tu ne peux pas te jeter contre un mur.
149
J’ai répondu à son objection, qu’à mon avis,
les didascalies de Camus étaient déplacées dans
le contexte culturel de 1971, d’autant qu’après
s’être jetée contre le mur, Dora doit, selon Camus, parler « d’une voix égarée » et hurler. Toute
cette théâtralité était parfaitement acceptable en
1949 (date de la création des Justes) surtout si
l’on se souvient que c’est Maria Casarès qui a
créé le rôle. Mais vingt-deux ans plus tard, après
Brecht et Beckett, après Vilar et Planchon, un
tel exhibitionnisme mélodramatique aurait été
ridicule. J’ai donc demandé à « ma » Dora de
dire son dernier monologue, qui est si poignant,
sans la moindre trace d’émotion, sans le moindre mouvement, sans élever la voix, sur un ton
monotone, comme si toute vie l’avait abandonnée, comme si ce passage était écrit sans aucune
ponctuation :
Ne pleurez pas. Non, non, ne pleurez
pas ! Vous voyez bien que c’est le jour
de la justification. Quelque chose
s’élève à cette heure qui est notre témoignage à nous autres révoltés ; Yanek
n’est plus un meurtrier. Un bruit terrible ! Il a suffi d’un bruit terrible et le
voilà retourné à la joie de l’enfance.
Vous vous souvenez de son rire ? Il riait
sans raison parfois. Comme il était
jeune ! Il doit rire maintenant. Il doit
rire, la face contre la terre !
Le travail d’intériorisation auquel s’était livrée
l’actrice pour canaliser une émotion qu’elle pouvait à peine retenir a eu des effets dévastateurs
sur les spectateurs qui n’avaient plus honte de
sortir leur mouchoir. Si nous avions suivi Camus, ces mêmes spectateurs auraient reconnu le
côté histrionique du jeu et n’auraient pas été touchés—ou beaucoup moins. Évidemment il était
très important que l’actrice eût connaissance des
intentions de l’auteur pour arriver à l’intensité
requise par la situation paroxystique, sans s’y
laisser prendre.
Arlette Namiand, dans Surtout quand la nuit
tombe, écrit en 1983, fait un usage tout à fait
singulier (et nouveau) des indications scéniques,
qui prennent la valeur d’un récit parallèle. Dans
sa préface, Namiand écrit :
Le récit qui court tout au long de la
pièce entre les dialogues doit faire partie intégrante du spectacle mais je n’ai
pas précisé davantage sous quelle
forme ; je préfère laisser ce choix s’imposer en cours de répétitions.
L’action de Surtout quand la nuit tombe se passe,
« maintenant », dans un hôtel maternel de la banlieue parisienne. Trois filles enceintes, de quinze
à dix-sept ans—seules, abandonnées ou en cavale—attendent la naissance de leur enfant dans
ce cadre institutionnel. La pièce est divisée en
six scènes qui se déroulent sur six dimanches
soirs au cours desquels Samia, Monika et Gil
expriment leurs frustrations, leur colère et leur
rage, mais aussi leurs tristes rêves dérisoires et
leur espoir d’une vie meilleure. Le jeu des actrices doit être au paroxysme de leurs émotions
presque tout au long de la pièce—si le spectacle
est réussi, l’expérience théâtrale sera à la limite
du supportable, pour les actrices et pour les spectateurs. Paradoxalement, pour rendre les émotions encore plus concrètes, Arlette Namiand a
introduit une espèce de coryphée dont le rôle est
de prolonger et de transmettre les émotions exprimées par les actrices. L’inclusion de ce « récit » recherche l’effet contraire à celui du narrateur/chanteur dans Le Cercle de craie caucasien
de Brecht : ici le récit nous rapproche des per150
sonnages, les rend encore plus réels et augmente
notre sympathie pour eux.
La scène finale réunit les trois jeunes mères
après leur accouchement : elles ne rêvent plus,
mais savent pertinemment qu’une existence douloureuse les attend. Une dernière fois elles crient
leur colère, avant de sombrer dans une résignation qui, pour le spectateur, devient intolérable.
Elles s’éloignent les unes des autres, physiquement et émotionnellement, pendant que la scène
s’assombrit. Elles ne font que balbutier quelques
formules désenchantées. Au lieu d’un dialogue
final structuré, Namiand fait porter l’essentiel sur
le récit « paratextuel » et transforme ainsi ce qui
pourrait paraître une scène convenue en un poignant poème, tant murmuré qu’incarné :
MONIKA. C’est encore pire, bien pire…
L’image de trois arbres calcinés le long de routes désertes et dont personne ne se soucie est
d’une justesse et d’une tristesse admirables, et
d’une force toute particulière à cause de l’adéquation parfaite entre forme et contenu, et c’est
pour cette raison que le spectateur ne ressent pas
l’énonciation des indications scéniques comme
une intrusion étrangère à la fable, mais la reçoit
comme une composante nécessaire. Pour l’anecdote, lorsque nous avons monté Surtout quand
la nuit tombe à Glasgow en 1986 nous avons
confié la majeure partie du récit au personnage
de l’infirmière (qui est pratiquement inexistant),
et nous l’avons parfois diffusé par haut-parleur.
Un autre cas de figure, très original, est représenté par Michel Vinaver. Dans certaines de
ces pièces, Vinaver non seulement se passe de
toute indication scénique (et de ponctuation),
mais il omet même d’attribuer les répliques à un
personnage. Dans À la renverse, par exemple,
une pièce publiée en 1980, et qui met en scène
la guerre implacable que se livrent deux fabricants de parfumerie, les sept dernières pages ne
contiennent pas la moindre attribution, mais le
texte lui-même est divisé d’une manière fort
compliquée (à la limite du compréhensible) en
récit et une succession de courtes répliques sans
lien apparent entre elles. Ici, par exemple, le récit raconte :
Les grands couturiers ont lancé la mode
de la peau blanche
Courrèges puis Dior Cardin le coup de
grâce
Et le « dialogue » dit :
— Ou alors j’y suis
— Ah une seconde
— Il faut se demander pourquoi
— On se tait depuis si longtemps
Insensiblement, Samia s’est approchée
de son coin de fenêtre et petit à petit
s’est laissée glisser au sol, le doigt
pointé sur le carreau dessinant on ne
sait quel code secret avec la buée.
SAMIA. Fehla… Fehla… c’est foutu…
Monika a juste tourné la tête vers le
dehors, le regard accroché aux grands
arbres et tout bas, tout bas…
MONIKA. Il peut encore venir…
Gil a approché son visage du sol, lentement, les genoux repliés sous elle…
GIL.
…Ça sent bon la cire…
Maintenant on ne distinguait plus que
leurs trois silhouettes, trois formes immobiles, noires et silencieuses comme
les arbres calcinés le long des routes et
que personne ne remarque.
151
— Laisser mûrir
— Fou je vous dis
— Vous y étiez aussi ?
— Il pleut oui
Quand j’ai demandé à Vinaver si ceci n’était pas
une coquetterie d’auteur pour jouer à l’original,
il m’a répondu qu’il ne savait vraiment pas qui
disait quoi, qu’il ne se souciait pas à qui attribuer telle ou telle réplique, mais qu’il savait que
c’était cette réplique-là qui devait être dite à ce
moment précis ! Cette attitude est particulièrement paradoxale venant de Vinaver qui s’insurge
contre l’hégémonie du metteur en scène qui, selon lui, usurpe, depuis les années 40, le rôle de
créateur au théâtre, rôle que seul le dramaturge
peut et doit assumer.
Comme Vinaver, Ionesco ne supportait que
rarement l’intervention du metteur en scène dans
la création de ses œuvres, car il était persuadé
que ce dernier ne s’intéressait nullement à la
pièce (à sa forme ou à son message), mais qu’il
ne cherche qu’à se faire valoir au détriment de
l’auteur.
C’est quand le metteur en scène est apparu, dit Ionesco, que tout s’est gâché.
Le metteur en scène est une superfétation. Il s’arroge jusqu’au droit de modifier l’auteur. Il se substitue à lui.
L’auteur n’a plus rien à dire. Sous l’influence du metteur en scène le théâtre
n’est plus, à proprement parlé, un art.
Pour tenter de juguler ce nouveau barbare, Ionesco a écrit de nombreux textes supplémentaires (que l’on peut considérer comme autant
d’« indications scéniques » qu’il aurait aimées
contraignantes). De même Genet, après la mise
en scène de Jouvet des Bonnes, a publié une série de réflexions fort intéressantes dans Comment
jouer Les Bonnes, parce que, disait-il, Jouvet
n’avait rien compris à sa pièce. Il est évident que,
quel que soit le choix artistique du metteur en
scène d’aujourd’hui, la lecture de Comment jouer
Les Bonnes s’impose avant de monter la pièce,
libre ensuite aux metteurs en scène et à ses actrices de faire leur propre choix.
Et c’est ici que je m’arrête, abruptement et
délibérément, puisque, à l’opposé d’Ionesco, nous
trouvons Fernando Arrabal qui déclare : « Une
fois écrite, la pièce ne m’appartient plus ! » Et
que le metteur en scène se débrouille.
152
Folie, théâtre et politique
chez Caligula et ses ancêtres
Sophie Bastien
Prométhée est le personnage antique qui ressemble le plus à Caligula : tous deux mènent une
lutte solitaire contre un destin implacable2. Roger Grenier propose ce rapprochement qui évoque la notion d’absurde : « Caligula, Prométhée,
Sisyphe : trois héros qui se heurtent à l’impossible.3 » Edward Freeman a une perception analogue : selon lui, le ton nietzschéen de Caligula
trace un trait d’union entre lui et Prométhée4. Et
Roger Quilliot, dans une optique girardienne,
reconnaît en ces personnages des victimes sacrificielles : « Caligula prend sur lui la haine du
monde, comme Prométhée la haine de Zeus5. »
Mentionnons que quelques critiques, et principalement James Arnold6, ont perçu Caligula
comme un écho de Dionysos—d’après la description qu’apporte Nietzsche du dieu de l’irrationnel. Et dans la même veine, Madeleine Valette-Fondo a détecté chez lui l’influence d’Artaud, tant de ses notions mythiques—Révolte,
Peste, Cruauté—que de son personnage romanesque des plus éclatés, Héliogabale7.
Tâchons maintenant de cerner les sources du
« Caligula-Hamlet »—pour reprendre l’expression de Jean Grenier. En 1950, Guy Dumur analysait Caligula dans un article au titre éloquent :
« Le Théâtre dans le théâtre ». Selon Dumur,
« l’empereur-comédien » présente une folie sha-
Le Caligula de Camus est certes un personnage
singulier dans l’histoire de la littérature dramatique, à cause des proportions qu’atteint sa folie
et des aspects qu’elle revêt. Malgré cette originalité, certains de ses traits se retrouvent chez
d’autres personnages littéraires, principalement
dans le théâtre tragique. À cet égard, des études
comparatives ont été entreprises qui approfondissent notre compréhension du personnage
camusien.
Jean Grenier, le premier critique de Caligula,
dont il avait lu un manuscrit en 1941, remarquait
déjà la complexité du protagoniste : il trouvait
un « Caligula-Hamlet », un « Caligula romantique », désespéré comme l’ombre de Lorenzaccio, et un « Caligula-monstre1 ». Dans les années
qui suivent, Camus, secoué par la gravité des
événements, développe dans sa pièce une réflexion politique dirigée contre le totalitarisme.
Il publie ce nouveau texte en 1945 mais ne cesse
de le travailler jusqu’en 1958. La version définitive est donc nettement plus riche que celle
qu’a lue Jean Grenier, et les parallèles qu’elle
inspire en sont d’autant plus variés.
Quelques exégètes de Camus ont noté l’influence sur Caligula du Prométhée enchaîné
d’Eschyle, éclairant ainsi un aspect de la démesure caliguléenne. James Arnold affirme que
153
kespearienne dans sa lucidité8. En 1968, Graham
Jones expose une comparaison plus élaborée :
« Camus’s Caligula: the Method in his
Madness ». Ce titre suppose déjà un parallèle ;
il applique à la « logique » de Caligula une observation de Polonius au sujet d’Hamlet :
« Though this be madness, yet there is method
in’t. » (II, 3) Tout en admettant que Caligula se
distingue clairement d’Hamlet par sa perversion,
Jones énumère de nombreuses similarités entre
ces deux personnages :
Both belong to a ruling family and are
heirs to a throne. Both are brought into
a state of emotional upset and brutal
confrontation with life by the sudden
death of a loved one. Both […] extend
their own personal grief to a general
condemnation of life; for both […] the
world in which they live is ‘rotten’. In
both cases there is an absolute and
uncompromising refusal to come to
terms with life, so that both young men
find themselves left with a problem
with which ultimately they cannot
9
cope .
Jones remarque aussi que les deux héros se débattent contre un entourage politique insipide,
les sénateurs romains pour l’un, les courtisans
danois pour l’autre ; mais surtout, qu’ils tournent constamment l’action en un « théâtre dans
le théâtre », auquel s’intègre le thème de la folie, laissant ainsi le spectateur perplexe quant à
la vérité de cette folie. Pour Jones, l’influence
de Shakespeare sur Camus est évidente, et dépasse Hamlet : Caligula utilise la terreur comme
Richard III et Coriolan ; avec sa folie feinte ou
réelle, il renvoie au Roi Lear ; et de façon plus
générale, son énergie sauvage ainsi que son hu-
mour morbide s’inscrivent dans la vision torturée du monde qu’offre le théâtre élisabéthain.
Le « Caligula-Lorenzaccio », qu’avait aussi
identifié Jean Grenier, correspond à une autre
facette du personnage camusien. Jean-Claude
Brisville baptise Caligula « le Lorenzaccio de
l’existentialisme », à cause de son hyperlucidité
et de la teinte poétique que prend sa rébellion,
se doublant d’une quête d’absolu10. À propos de
cette quête, Catherine Muder Huebert adopte un
point de vue original, que résume le titre de son
article : « The Quest for Evil : Lorenzaccio and
Caligula »11. Pierre Cogny souligne pour sa part
que l’engagement désespéré de Lorenzo illustre
le mythe de Sisyphe, comme la synthèse de la
faiblesse et de la grandeur12. Et selon Frantz Favre, Caligula et Lorenzo, en jeunes idéalistes,
sont « possédés par l’idée qui les habite », mystérieuse et fulgurante, d’une « irrésistible puissance ». Mais ils deviennent « la proie de leurs
monstres intérieurs »13. Ils partagent la douleur
du désenchantement, qu’ils expriment avec ironie et, quand ils ne portent pas de masques, avec
lyrisme.
Les « masques » chez Lorenzo et le « théâtre
dans le théâtre » chez Hamlet sont donc des expressions qu’on a aussi appliquées à Caligula, et
qui ne manquent pas d’évoquer la manière
pirandellienne. Aussi quelques critiques ont-ils
présenté Henri IV de Pirandello comme un ancêtre de Caligula. Francis Jeanson, le premier,
observe qu’Henri IV est un faux empereur qui a
l’allure d’un véritable, alors que Caligula est effectivement empereur mais ne se conforme pas
à ce statut14. Voilà donc deux personnages-acteurs qui, de surcroît, se font metteurs en scène.
C’est que Camus et Pirandello, explique Guy
Dumur, peignent « au théâtre des hommes qui,
154
dans la réalité, seraient déjà des acteurs—c’està-dire dont les réflexes, les souffrances et le langage représentent en eux-mêmes une rupture
avec la vie quotidienne »15. Edward Savage, dans
« Masks and Mummeries in Enrico IV and Caligula », se penche sur les rapports entre cette théâtralité et la folie : Henri IV et Caligula ne croient
pas en la validité de la réalité ; celui-ci se jette
dans une folie agitée, et celui-là, plus passif, se
complaît dans la fantaisie de son décor théâtral
(sauf le temps d’un coup d’épée).
The conflict arises because for such
characters as the psychatrist (in Enrico
IV) or the politicians (in Caligula), conventional, external realism represents
the truth. Their misconception brings
on the unassumed, or real, madness of
the heroes. On the other hand, the play,
artificial, stylized, reveals an inner,
more significant reality […]. Pirandello
and Camus invite us to contemplate the
16
deepest recesses of human existence .
Abordons maintenant le « Caligula-monstre »
qu’avait perçu Jean Grenier. Jean Onimus l’apparente à Ubu, cette autre incarnation du despotisme. Mais, nuance-t-il, si le registre de Jarry
est unique, l’intelligence de Caligula l’est
aussi17. Selon l’article d’Anne Greenfeld, « Camus’ Caligula, Ubu and the Surrealist Rebel »,
Caligula suit dans sa démence certains principes formulés par Breton. Le surréalisme tend à
résoudre les contradictions ; or, l’absurde en est
une, que Caligula voudrait abolir. Ce dernier
obéirait aussi à cet énoncé inspiré par Jarry et
tiré du Second manifeste du surréalisme :
« L’acte surréaliste le plus simple consiste, revolver aux poings, à descendre dans la rue et à
tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule18. »
Caligula s’arroge la même liberté qu’Ubu, une
violence arbitraire qui finit par l’isoler. C’est
qu’il tente d’imiter les forces qu’il ne peut maîtriser : « Like Ubu, he wants to own and to be
the entire universe19. »
Continuant de graviter autour de l’amalgame
folie-théâtre-politique, nous nous proposons ici
d’établir un nouveau parallèle avec le Néron de
Britannicus de Racine. Référons-nous d’abord
à la biographie de Caïus Caligula par Suétone,
dans les Vies des douze Césars, la source de
Camus, et à celle de Néron par Tacite, dans les
Annales, la source de Racine. Car entre les personnages historiques existaient déjà des ressemblances, qui préfigurent celles que nous relèverons entre leurs homologues fictifs.
Caligula et Néron appartiennent à la même
période de l’Histoire, l’Empire romain, et leurs
règnes sont très rapprochés. Il existe d’ailleurs
entre eux un lien de parenté : le premier est l’oncle maternel du deuxième. Au début de son règne, Caligula était apprécié, même s’il avait l’air
égaré dans le domaine politique, peu motivé par
ses fonctions. Peu après son accession au trône,
une de ses sœurs, Drusilla, avec qui il affichait
une relation incestueuse, mourut. Son deuil dégénéra en troubles mentaux. Ses caprices et ses
fantaisies s’avéraient peut-être les premiers signes de cette démence. Aussi, on trouvait anormale sa passion pour les arts scéniques et ses
exhibitions. Mais le plus symptomatique était sa
cruauté. Elle fit de lui un véritable despote, qui
finit assassiné.
La première période du règne de Néron fut
paisible. Toutefois, il scandalisait par son côté
théâtral et sa sexualité débridée. Puis sa violence
éclata, outrancière : il exécuta même des proches. Les excès de son tempérament le font ap155
paraître comme un surgeon de son oncle. Par
ailleurs, il s’en distingue en se révélant un ambitieux stratège, dont les comportements tyranniques protègent le trône, alors que la folie sanguinaire de Caligula semble gratuite. Nous verrons maintenant que des œuvres dramatiques fort
différentes récupèrent ces deux portraits de manière à conserver à la fois leurs points communs
et leurs divergences.
Avant que commence l’action de Britannicus,
personne n’avait lieu de se plaindre de Néron.
Au contraire, Albine (I, 1) et Burrhus (I, 2) évoquent un « empereur parfait ». Décrivant Caligula à ses débuts, Cherea emploiera exactement
les mêmes termes (I, 1). Mais la première scène
de Britannicus nous apprend qu’Agrippine désire voir son fils alors qu’il est introuvable, ce
qui lui fait pressentir une dangereuse « tempête » : selon elle, il finira en tyran (I, 1). Caligula aussi s’ouvre sur l’absence du protagoniste :
il a disparu, suite à la mort de Drusilla, et Cherea
voit dans cette fuite un mauvais présage (I, 1).
Au début de chaque pièce donc, s’enclenche une
métamorphose, menaçante pour l’entourage. Fidèle aux historiens latins, Racine compare l’évolution de Néron à celle de Caligula, par la bouche d’Agrippine (I, 1) :
Toujours la tyrannie a d’heureuses prémices :
De Rome, pour un temps, Caïus fut les
délices ;
Mais sa feinte bonté se tournant en fureur,
Les délices de Rome en devinrent l’horreur.
Les patriciens qui tentent de comprendre Caligula font allusion à sa jeunesse. L’un d’eux allègue que « c’est encore un enfant » (I, 2) et
Caesonia reprend ce même argument (I, 6). De
même, l’âge de Néron est pris en considération
par certains analystes de Britannicus. Claude
Venesoen, par exemple, associe sa révolte à une
crise d’adolescence 20 . Et selon Serge
Doubrovsky, la pensée infantile, comme le régime totalitaire, engendre le fantasme de la toutepuissance.21
Néron est pris d’un besoin pressant d’affirmation, sur les plans politique et personnel (I,
2). Dans ce mouvement global, il exprime une
intolérance terrible, apparaît injuste et méprisant.
À la fin de la pièce, la vie même n’aura pas de
valeur. De son côté, Caligula résume, dans ses
propres termes, la pièce de Camus : il s’agit de
sa « conquête de la liberté » (I, 10). Et lui-même
dira qu’il est libre aux dépens des autres (II, 9).
Comme Néron, il effectue sa trajectoire dans le
dégoût généralisé, faisant fi de toute morale.
L’agressivité chez eux se double de vanité.
Agrippine remarque que Néron mêle l’orgueil
qu’il prit dans le sang de son père avec la fierté
qu’il puisa dans le flanc de sa mère (I, 1). Et
Narcisse fait voir que la conquête de Junie répondrait à l’orgueil d’un tyran (II, 2). Lorsqu’il
se déguise en Vénus, Caligula se prend pour « la
puissance divine », « le destin lui-même dans sa
marche triomphale » (III, 1). Il explique à
Scipion que « pour un homme qui aime le pouvoir, la rivalité des dieux a quelque chose d’agaçant » (III, 2). Mais Cherea le dénonce, le juge
« égoïste et vaniteux ». « Admire ma puissance », lui rétorque Caligula (III, 6). S’adressant à Néron, Britannicus met en question le
pouvoir absolu (III, 8) :
Rome met-elle au nombre de vos droits
Tout ce qu’a de cruel l’injustice et la
force,
156
Les emprisonnements, le rapt et le divorce ?
Cette réflexion est reprise dans Caligula, par
l’intermédiaire de Cherea (surtout) : « Ce n’est
pas la première fois que, chez nous, un homme
dispose d’un pouvoir sans limites, mais c’est la
première fois qu’il s’en sert sans limites, jusqu’à
nier l’homme et le monde. » (II, 2) Agrippine
résume ce commentaire, en parlant de Néron :
« C’en est fait : le cruel n’a plus rien qui l’arrête. » (V, 7) Se référant à la mort de Britannicus, Burrhus décrit la calme cruauté de Néron
comme si elle était innée (V, 7). Néron porte en
effet son caractère dans son sang (comme le remarquait Agrippine quand il s’agissait de sa vanité) : il a l’hérédité meurtrière de sa mère et, ce
qui est plus frappant, de son oncle. Pourtant,
quand Scipion le traite de tyran, Caligula le corrige (III, 2) :
Un tyran… sacrifie des peuples à ses
idées ou à son ambition. Moi, je n’ai
pas d’idées et je n’ai rien à briguer en
fait d’honneurs et de pouvoir. Si
j’exerce ce pouvoir, c’est par compensation… à la bêtise et à la haine des
dieux… Plus j’y réfléchis et plus je me
persuade que je ne suis pas un tyran.
Et Scipion de répondre : « Qu’importe si cela
nous coûte aussi cher que si tu l’étais. » Bien
que ses mobiles relèvent de la philosophie, Caligula cause les mêmes dommages que Néron.
La pièce de Camus s’apparente donc à celle de
Racine pour ce qui est de la réflexion politique.
Après l’empoisonnement, Agrippine prédit à
Néron un avenir auto-destructeur (V, 6). Ce
qu’annonce la fin de Britannicus pour Néron est
au centre de la pièce de Camus pour Caligula.
La liberté excessive se détruit elle-même, et les
deux empereurs s’attireront de fermes conspirateurs. Mais dans Caligula, ce message n’est pas
divulgué par l’entourage du protagoniste : il
sourd de sa propre prise de conscience, dans ses
monologues introspectifs (III, 5 et IV, 14),
comme l’aboutissement de son plan, le résultat
attendu, désiré tel un suicide.
Une autre analogie fondamentale entre Néron et Caligula concerne leur propension au théâtre. Cet aspect est manifeste chez Caligula, notamment quand il agit en souffleur et metteur en
scène, en dictant à Lepidus, dont il a tué le fils,
les paroles qu’il doit prononcer pour simuler la
joie (II, 5), et quand il incarne Vénus—avec costume, voix empruntée, musique, piédestal, estrade, spectateurs (III, 1). Cette scène-ci, la démonstration de danse et le concours de poésie
constituent, selon l’expression de Jeannette
Laillou-Savona, des « pièces à l’intérieur de la
pièce22 » que crée Caligula.
Mais aussi, ce phénomène s’insinue à tout
moment comme un élément intrinsèque de son
caractère, que Raymond Gay-Crosier appelle sa
« virtuosité ludique23 ». Cherea définit Caligula
comme « un empereur artiste » (I, 2), Hélicon
se présente comme « son spectateur » (I, 5) et
les patriciens le traitent de « comédien cynique »
(II, 1). Certaines répliques de Caligula montrent
que son comportement extravagant est intentionnel. Ainsi, à un intendant préoccupé d’économie, il répond : « Je consens… à tenir le Trésor
public pour un objet de méditation… Je rentre
dans ton jeu et je joue avec tes cartes. » (I, 8)
Après un dialogue qu’il voulait intime avec Caligula, Scipion déplore son absence d’authenticité : « J’ai joué », acquiesce Caligula (II, 14).
Dans un dialogue avec Cherea, une didascalie
indique qu’« il semble naturel pour la première
157
fois depuis le début de la pièce », et un peu plus
loin, il dit « cesser le jeu de la sincérité et recommencer à vivre comme par le passé » (III, 6).
Deux répliques de Caligula, qui encadrent la
pièce, sont particulièrement explicites. Dans le
premier acte, Caligula annonce le corps de la
pièce lorsqu’il invite Caesonia « à une fête sans
mesure, à un procès général, au plus beau des
spectacles, [précisant qu’il lui] faut du monde,
des spectateurs, des victimes et des coupables »
(I, 11). Et dans le dernier acte, il utilise la même
métaphore théâtrale avant de la tuer : « Tu as
suivi jusqu’au bout une bien curieuse tragédie.
Il est temps que pour toi le rideau se baisse. »
(IV, 13)
La propension au théâtre chez Néron est en
partie décrite par ce passage de Narcisse (IV, 4).
Néron, dit-il, excelle
À se donner lui-même en spectacle aux
Romains,
À venir prodiguer sa voix sur un théâtre,
À réciter des chants qu’il veut qu’on
idolâtre,
Tandis que les soldats, de moments en
moments,
Vont arracher pour lui les applaudissements.
Mais la théâtralité de Néron, comme celle de
Caligula, déborde le spectacle et colore toute sa
personnalité. Elle émerge dans le recours à la
feinte, que confirme la contradiction entre les
paroles et les actions de Néron. Remarquons que
ce dernier n’apparaît jamais seul en scène ; considérant que le monologue est la forme de discours dramatique qui garantit la transparence du
personnage, il est permis de croire que Néron
porte continuellement un masque… À ce sujet,
voici ce que dit Agrippine, dès la première scène
de la pièce : Néron « se déguise en vain : je lis
sur son visage […] l’humeur triste et sauvage. »
Et elle fait le récit d’un événement qui montre la
mise en scène que son fils effectua insidieusement, en manipulateur, comme un premier geste
de rébellion :
L’ingrat, d’un faux respect colorant son
injure
Se leva par avance, et courant m’embrasser,
Il m’écarta du trône où je m’allais placer.
Un peu plus loin, elle déplore son manque de
spontanéité. « Sa réponse est dictée, et même son
silence » (I, 1) : il s’étudie comme un acteur qui
travaille son texte, ses pauses, ses attitudes.
Dans la scène suivante, il se dit passionnément
amoureux de Junie. Là surgit le phénomène du
théâtre dans le théâtre, selon Doubrovsky : l’histrion Néron s’y déploie, joue cette scène devant
Narcisse spectateur24. Antoine Soare perçoit
l’amour foudroyant pour Junie comme une merveilleuse façade qui camoufle le mobile réel—
d’ordre politique—de l’éviction de Britannicus.
Néron chercherait à transformer l’image de son
rapport avec son frère : d’un rival politique il fait
un rival amoureux, ce qui donne au meurtre l’allure d’un crime passionnel25.
Auprès de Junie, il joue la jalousie amoureuse.
Se faisant metteur en scène, il conçoit le moment où elle devra faire croire à Britannicus
qu’elle ne l’aime plus. Pour la surveiller, il sera
le spectateur caché de cette scène. Cette manigance, à la fois théâtrale et sadique, s’apparente
à celle de Caligula. Plus loin, Néron surprend
un dialogue entre les deux amants, et sa réaction
montre avec quelle aisance il verse dans l’hypo158
crisie (III, 8). Il est pertinent de rappeler ici l’étymologie de ce mot : hupokrisis, en grec, signifie
« jeu de l’acteur ». Jouer est donc pour lui une
seconde nature.
Narquois, il prétend regretter l’impossibilité
de céder le pouvoir à Agrippine, puis contrefait
la victime qui subit l’ambition maladive de sa
mère. Celle-ci montre qu’elle n’est pas dupe :
« Mes soins et mes tendresses / N’ont arraché
de vous que de feintes caresses », lui reprochet-elle (IV, 2). Cela le porte à s’enfoncer davantage dans la feinte pour tenter de l’amadouer : il
prononce une longue tirade truffée de faussetés
et réussit avec talent à la convaincre. Doubrovsky
observe que Néron s’impose dans son rôle historique, qui est à la fois histrionique ; car sa libération se fonde sur sa théâtralisation. En effet,
la représentation théâtrale comble le désir de
pouvoir, « délivre la toute-puissance exigée par
la passion infantile comme par la passion impériale26 ».
Après la retraite de Junie chez les vestales,
Albine décrit, dans la scène finale, un Néron qui
a l’air fou, de par sa démarche et son regard
perdus, « son silence farouche » (V, 5). Cette
apparence de désespoir adoucit l’opinion à l’endroit du tyran : la peine amoureuse qui semble
l’envahir le déculpabilise. De même, pour les
patriciens de Caligula, qui attribuent le comportement dérangé de l’empereur à la mort de
Drusilla, l’amour a un effet attendrissant et apparaît comme une excuse (I, 1).
Au terme de cette étude, remarquons que du
Caligula de l’histoire à celui de Camus, en passant par les avatars abordés ici, des rapports permettent de tracer une filiation, dans laquelle fo-
lie, politique et théâtralité forment un tout organique. De ce tableau, se démarque le Caligula
camusien, en cristallisant les ressorts de la pensée de l’auteur. En effet, sa folie thématise un
problème tout à fait moderne, l’athéisme ; et par
la révolte qu’elle représente contre l’absurde, elle
provoque la critique de la tyrannie, directement
liée à l’actualité.
Notes
1
A. Camus et J. Grenier, Correspondance 19321960, Gallimard, 1981, p. 70.
2
A. J. Arnold, « La poétique du premier Caligula », Caligula—version de 1941, Gallimard,
coll. «Cahiers Albert Camus», no 4, 1984, p. 129.
3
R. Grenier, Albert Camus—soleil et ombre,
Gallimard, 1987, p. 142.
4
E. Freeman, « Camus, Suetonius, and the Caligula myth », Symposium, XXIV, No. 3, 1970.
5
R. Quilliot, La Mer et les prisons, Gallimard,
1956, p. 73.
6
A. J. Arnold, ‘Camus’ Dionysian Hero : Caligula in 1938’, South Atlantic Bulletin, vol.
XXXVIII, No. 4, 1973.
7
M. Valette-Fondo, « Camus et Artaud », Albert
Camus et le théâtre (Actes du colloque
d’Amiens, 1988), Paris, Imec, 1992.
8
G. Dumur, « Le Théâtre dans le théâtre », La
Table ronde, no 35, 1950.
9
G. C. Jones, « Camus’s Caligula: the Method
in his Madness », Essays in French Literature,
No. 5, 1968, p. 96.
10
J.-C. Brisville, « Caligula, Saint-Just », Âge
d’Or, nos 5-6, 1946.
159
11
22
C. Muder Huebert, « The Quest for Evil: Lorenzaccio and Caligula », Romance Notes, Vol.
18, No. 1, 1977.
J. Laillou-Savona, « La Pièce à l’intérieur de
la pièce et la notion d’art dans Caligula» , Albert Camus 7 : le théâtre, Lettres modernes,
1975.
12
P. Cogny, « Étude de Lorenzaccio », dans
Lorenzaccio, Bordas, 1971.
23
R. Gay-Crosier, « Caligula ou le paradoxe du
comédien absurde », Albert camus et le théâtre
(Amiens, 1988), p. 19.
13
F. Favre, « Caligula et Lorenzaccio, essai
d’étude comparative», Albert Camus et le théâtre (Amiens, 1988).
24
14
F. Jeanson, « Pirandello et Camus à travers
Henri IV et Caligula », Les Temps modernes, no
61, 1950.
15
Doubrovsky, op. cit.
25
A. Soare, « Antochius, Héraclius, Britannicus », Biblio 17 (supplément aux Papers on
French Seventeenth Century Literature), no 59,
1990.
Dumur, loc. cit., p. 164.
26
16
E. Savage, « Masks and Mummeries in Enrico
IV and Caligula », Modern Drama, vol. 6, no 4,
1964, p. 401.
17
J. Onimus, « D’Ubu à Caligula ou la tragédie
de l’intelligence », Face au monde actuel, Paris-Bruges, Desclée de Brouwer, 1962.
18
A. Breton, Manifestes du surréalisme, Gallimard, 1971, p. 78.
19
A. Greenfeld, « Camus’ Caligula, Ubu and the
Surrealist Rebel », Romance Notes, Vol. 26, No.
2, 1985, p. 85.
20
C. Venesoen, « Néron et Agrippine », Jean
Racine ou le procès de la culpabilité, Paris, La
Pensée universelle, 1981.
21
S. Doubrovsky, « L’arrivée de Junie dans Britannicus : la tragédie d’une scène à l’autre »,
Parcours critique, Paris, Galilée, 1980.
160
Doubrovsky, op. cit., p. 117.
El Dotor a Lonjazos de Raúl Echegaray: Entre la
Crítica Social y el Didactismo Estético
Teresita María Victoria Fuentes
¿Desde dónde se parte para crear? Una y mil
hipótesis podríamos formularnos y, formal, dialéctica o tal vez circularmente encontraríamos
otras tantas respuestas. Sin embargo para el autor que nos ocupa una sola suponemos válida.
Raúl Echegaray diría: Es desde el trabajo junto
a los otros, es desde, por y para la comunidad, es
desde la solidaridad entre los hombres donde está
el punto de partida para mostrar que la vida cotidiana guarda en su interior la posibilidad de
descubrir e interpretar a la humanidad en su conjunto. En una obra de arte que reúne una vivencia particular, también se expresan problemáticas universales.
En esta oportunidad son los aportes teóricos
del Teatro Comparado (como disciplina puesta
al servicio de un mejor conocimiento del teatro
nacional, internacional y supranacional, que trabaja con traspolación de los problemas de la Literatura Comparada a los estudios teatrales)1 los
que enmarcarán nuestro trabajo comparativo
entre dos textos.
La obras que nos ocupan Le médecin malgré
lui (1666) y El Dotor Lonjazos (versión criolla,
1987) pueden ubicarse en el marco de los problemas de la internacionalidad, es decir, de
‘aquellos cuyo punto de arranque lo constituyen
las literaturas nacionales y su dinámica de
interrelación o intercambio2’.
Particularmente estos dos textos se vinculan
entre sí a partir del concepto de adaptación, que
para Jorge Dubatti ‘es una versión teatral (dramática y/o escénica) de un texto previo (dramático o no) reconocible y declarado; versión elaborada con la voluntad de aprovechar la entidad
del Texto Adaptado para implementar sobre ella
los cambios de diferente cantidad y calidad3.’
El investigador citado considera como elemento clave para abordar el problema de la adaptación: la autoría, ya que ‘la doble naturaleza
autoral de la adaptación implica que su carácter
de novedad resulte paradójico: […] El adaptador crea nuevas condiciones para un texto ajeno
y/o previo, que impone sus reglas de diferentes
formas4’.
Nuestro trabajo pretenderá entonces analizar
la reelaboración textual entendida como adaptación operada por Raúl Echegaray. Pero es necesario hacer una salvedad: la relación entre el escrito de Moliere y el del autor tandilense se presenta mediada por un tercer texto, constituyéndose así una forma particular de apropiación del
primero. La obra que medió entre las estudiadas
es la adaptación realizada por Fernández de
161
Moratín en España, bajo el título ampliamente
conocido en nuestro país El médico a palos ya
que cuando el autor tandilense produce su obra
cree estar trabajando sobre una traducción de
Moliere, pero lo estaba haciendo sobre una adaptación. Entonces si bien nuestro análisis
involucrará a los textos del español y del argentino indudablemente no dejará de remitirse al de
Moliere.
Pues bien, antes de abordar el estudio de los
textos dramáticos, creo necesario referirme aunque no sea más que brevemente a Raúl
Echegaray, ‘un hombre con una concepción
integradora de la cultura, que ha trabajado en su
postura ética-ideológica en la búsqueda constante
de privilegiar la coherencia entre lo dicho y lo
que se construye5’. Autor, director teatral, productor y coordinador de proyectos para el área
cultural local, ex-funcionario en el ámbito municipal y activo partícipe en distintas instituciones de bien público nació en Tandil, hace 44 años.
Su propuesta teatral se concretó en la formación
del grupo ‘El Tablón’ que bajo su dirección e
integrado por actores aficionados tenían como
objetivo ‘llevar el teatro al pueblo’ (los barrios,
la zona rural, las localidades vecinas)6. Su intención siempre fue difundir el arte y sus ideas
entre un público habitualmente marginado de la
cultura.
Podemos dividir su producción en tres etapas: la primera, en la que se inicia como dramaturgo con Por qué te quiero Buenos Aires (1978),
Y fue por este río (1979), Viaje al fondo del sábado, en colaboración con J. Varela y D.
Dicósimo (1983), Tute Cabrero (1983) adaptación basada en la película homónima cuyo guión
estuvo a cargo de Roberto Cossa7 y Tierra posible (1983). La segunda, que nace con la crea-
ción del grupo ‘El Tablón’ en 1985 y se desarrolla mientras escribe: El tesoro del cofre de la casa
de la bruja (1984), Y sucedió en la vía (1986) y
El doctor a Lonjazos (versión criolla, 1987.
Adaptación de El médico a Palos de Moliere)
que no se estrena hasta 1994. La tercera etapa se
inicia con A doña Tenia entre todos, rajémosla
de algún modo (1991), último texto dramático
que ha escrito hasta el momento. Desde esta fecha hasta la actualidad ha centrado su tarea en la
narrativa y la historieta.
Recurriremos a la propuesta metodológica de
Jorge Dubatti abordando el análisis en los niveles de la fábula, el discurso y lo semántico.
En el Nivel de la fábula: se confrontarán los
componentes contenidistas de la historia (unidades narrativas, tema, motivos, personajes,
ideas, símbolos, etc.) del Texto Adaptado y del
Texto de la Adaptación.
Las unidades constitutivas invariantes (aquellas que no pueden variarse sin alterar radicalmente la substancia de la historia), se mantienen
en el texto de Echegaray tanto como las unidades variantes (aquellos componentes
contenidistas catalizables, que pueden ser alterados sin modificar esencialmente la naturaleza
de la historia).
Respeta la división formal en Actos y Escenas que había señalado Fernández de Moratín,
sólo incluye una variación en las escenas 9 y 10
del Acto III, el final de la pieza, cuando incluye
un personaje más ‘Don San Bartolo’. También
respecto de la estructura podemos decir que
Echegaray agrega antes del comienzo del primer acto una murga que caminando por los lugares cercanos en que se realiza la representación va invitando al público y anunciando su
cometido, diciendo por ejemplo:
162
Traigan un banco, una silla/ para poderse sentar,/ traigan algo pa’ picar y
un vinito por si acaso,/ que hoy…/ ‘El
dotor a Lonjazos’/ les vamos a presentar.
Y al finalizar, dirigiéndose al público, Don
Prudencio los invita a bailar:
(Se ejecuta una ranchera, los personajes bailan primeramente entre sí, y lue8
go sacan a bailar al público.)
En el Dotor a Lonjazos se conserva el número y
la función de los personajes tal como los había
presentado el adaptador, pero son modificados
sus nombres y algunas de sus características. Se
proponen personajes con rasgos costumbristas,
teñidos con elementos folclóricos. Bartolo
(Sganarelle)9 pasará a ser Remigio, en la pieza
de Echegaray, Martina se conserva igual en los
tres textos, Ginés (Valere), será Cabo Cisneros;
Lucas, Segundo; Don Jerónimo (Geronte), Don
Prudencio; Andrea (Jacqueline), María; Dona
Paula (Lucinde), Tomasita; Leandro (Leandre),
Benicio.
Es importante destacar que al trabajar sobre
el texto de la adaptación el autor tandilense perdió a tres personajes: MM Robert, Thibaut y
Perrin. Por consiguiente descartó la graciosa escena segunda del primer acto y la segunda del
tercero, redujo a tres las cinco escenas de apaleo, intentando no interrumpir la fábula con distracciones episódicas, según una advertencia
aparecida en la edición de la obra de Fernández
de Moratín en París fechada en 1825. No le llegaron asimismo las expresiones demasiado alegres del supuesto médico, que no se hubieran
tolerado en ningún teatro español en pleno
neoclasicismo dejando asimismo de lado aquellos elementos que rozaban lo vulgar10.
Presenta los mismos motivos pero
recontextualizados, uno de ellos es la crítica a la
ineficiencia de los médicos. Mientras que
Moliére, despiadadamente presentaba la incapacidad de los doctores de su época, Fernández de
Moratín desprovee al personaje de los aspectos
que exageraban sus defectos. Echegaray, valiéndose del personaje embrague, propone una ampliación del concepto doctor, menciona a los
‘dotores’, entendiendo por ellos a todos los individuos que haciendo alarde de algún estudio
específico se valen de su apariencia para engañar a los demás y generalmente abusarse de su
confianza.
En el Nivel del discurso: se tratará de discernir la articulación estética o formal de los componentes de la fábula a través de la descripción
poética, es decir como conjunto de procedimientos que por selección y combinación genera un
efecto teatral y porta una ideología estética11.
Antes de iniciar este análisis es preciso señalar que tanto la adaptación de Echegaray como
la de Moliere son adaptaciones poéticas internacionales, ya que ambos elementos de la adaptación pertenecen al género teatral y a países diferentes.
En cuanto a la enunciación inmediata sólo se
modifican algunos elementos debido a la necesidad de adaptar el vocabulario al nuevo contexto (Ej.: se permutarán términos como palos,
por rebenque) y se ampliarán pocos parlamentos, pues el propio autor confiesa que escribió el
texto urgido por la necesidad de la puesta en escena del mismo y que por lo tanto siguió casi
fielmente la redacción del español, que por cierto es muy parca en este aspecto.
Respecto de la enunciación mediata,
Echegaray opta por presentar en los parlamen163
tos de sus personajes un lenguaje caracterizado
por la presencia de giros presentes (Por ejemplo: ‘Remigio:…Y güeno comeré y chuparé
mejor…’ y perdidos ‘Remigio: No intente
juir…’)12 del habla rural combinados con palabras y modismos usados en los barrios periféricos
de los pueblos de la zona pampeana argentina.
A propósito de la estructuración estética del
relato, se mantiene la función cómica de los parlamentos pero se vuelve a recontextualizar, buscando expresiones posiblemente conocidas por
el público del lugar para lograr efectivamente la
risa. A modo de ejemplo podemos citar en la escena 5 del Acto II, donde Remigio pretende explicar la incomprensible mudez de Tomasita:
Tomasita: Cosas muy serias dijo… A
ver hija, sacá la lengua […] Dijo /refiriéndose a un fingido médico ilustre/
»Secula Seculorum, anclas, barcus, San
Pilín, bona turcus bolicherus, ginebrín,
porrón pilún… Que quiere decir faltando coagulación en la lengua, causa lla13
gas…
Es necesario notar que en este caso comienza el
pretendido parlamento en latín con palabras conocidas popularmente por pertenecer al ámbito
de lo religioso, mientras que Fernández de
Moratín en su texto presentaba la declinación
del adjetivo bonus/a en latín, del siguiente modo:
Bartolo: No importa. Dijo: Bonus bona
bonum, uncias dua, mascula sunt
14
maribus, honora medicum…
Por otra parte se encuentran en el texto El
Dotor a Lonjazos un número importante de
exageraciones a partir de las expresiones verbales de los personajes, especialmente en Remigio,
que funcionan otorgándole mayor comicidad a
las situaciones. Por ejemplo, él pretende
presentarse luego de ser halagado como un gran
conocedor, pero contrariamente al sabio en
medicina requerido por Segundo y Cabo Cisneros, se muestra como un experto en negocios
poco claros y pulperías. Dice:
Cisneros: Venimos por usté porque los
hombres sabios son siempre buscados
y como nos hemos anoticiau de sus virtudes y sus maravillas.
Remigio: La verdá es que siempre fui
sencillito nomás, soy hombre de buen
saber, si hay que llevar una tropilla o
un arreo puedo ofrecerme pa’ decirles
a quien se la pueden vender, conozco
mejor que naides las pulperías del pago
y se dir con los ojos vendados hasta lo
de Ramallo que’ s donde se corren las
15
mejores cuadreras .
En el Nivel semántico: se tratará de discernir a
través de los mecanismos de producción de sentido del Texto Adaptado y del Texto de la Adaptación y a partir de todo lo estudiado en los niveles de la fábula y el discurso, los aspectos relativos al significado, la función ideológica y la
intencionalidad semántica del Texto de la Adaptación respecto del Texto Adaptado16 .
Para abordar al análisis en este nivel debemos recordar el proyecto creador que enmarca
la tarea de Echegaray. Decíamos en otros trabajos que en su concepción de la cuestión artística
se partía de una necesidad de manifestarse con
sus mensajes a la comunidad. Había un fuerte
compromiso entre el trabajo y la realidad circundante. Su preocupación esencial pasaba por
el ‘teatro’ y las cuestiones sociopolíticas inherentes al ser humano, poniendo el acento en lo
local y lo nacional. La intención del grupo El
Tablón, para quien escribe este texto estaba diri164
gida principalmente a los chicos, a los barrios, a
la familia.
Entonces en el texto de Fernández de
Moratín17, él halla una comedia ágil y divertida
que contenía una temática adecuada a sus propósitos ya que la propuesta político-ideológica
de Raúl Echegaray aparece expresada en la visión de mundo virtual del corpus de sus textos
(y en éste, por supuesto), coincidente con su visión del mundo real, que se fundamenta en los
siguientes valores y creencias: el trabajo, la coherencia entre el decir y el hacer, la justicia social, la unión solidaria, la fe, la verdad, el grupo
o clase de pertenencia (familia, trabajadores), la
concepción integradora de la cultura (unión de
lo culto y lo popular), todo lo cual hará posible
la construcción de un proyecto nacional comunitario a partir de la democracia. Por oposición
rechaza valores como: la haraganería, las contradicciones éticas, la injusticia, el parasitismo,
el individualismo, la mentira, la colonización
mental18.
Aquí, en El Dotor a Lonjazos (versión criolla) como hemos mencionado antes le interesa
particularmente:
• Imprimir regionalismo, color local,
contextualizar el texto, para acercarlo a su
público. Es dable recordar que el autor
propone un teatro nacional, popular, festivo e incluye elementos como el baile y la
murga para enfatizar dichos fundamentos.
• Criticar a los ‘dotores’, a quienes identifica con: políticos, médicos, abogados rurales, embaucadores de la sociedad que ha
recogido y tipificado la literatura nacional. Dice el texto de Echegaray:
Don Prudencio:(Subiendo arriba de un
banco)… Escuchen esto… Nosotros en
nuestra inorancia le creíbamos al dotorRemigio como palabra santa. Y ansina
es el mundo nomás… Hay quienes se
creen dotoraus en muchas cosas y los
demás les creemos; no sólo por lo que
pueden saber que puede ser mucho y
mal, sino por la idea que nos hacemos
19
de ellos .
Estos personajes que manejando aparentes conocimientos sojuzgan a otros valiéndose del poder que ellos mismos se otorgan o que los otros
le ceden. El ejemplo didáctico que propone el
autor es Don San Bartolo con quien refuerza su
intención de mostrar la actitud del personaje
embaucador, farsante, portador de la ‘viveza criolla’ de la zona campesina de nuestro país, que es
puesto al descubierto por un grupo unido.
Echegaray, mirando a Moratín redescubre a
Moliere. Podemos decir que el texto de Raúl
Echegaray es una adaptación estetizante
contextualizadora ya que aunque respeta las características del texto original se permite ciertas
libertades en el manejo de los mecanismos de
recontextualización. Conserva la fábula, los parlamentos y el sentido cómico que había ofrecido Moratín en su adaptación, pero consideramos
que ha operado en el texto algunas modificaciones interesantes, a saber:
• Le devolvió a la obra el matiz popular, que
Moliere había propuesto y del cual
Fernández de Moratín la había desprovisto. Aunque lo hace recontextualizando el
texto. Proveyéndole elementos que permiten situarlo en nuestro país, en la región
pampeana y hacia fines del siglo pasado,
ya que implícitamente alude al Tata Dios,
personaje entre curandero, caudillo y
mesías que pertenece a la tradición
165
revisionista y gauchesca. También le otorgó un matiz nacional, donde se enfatizan
los valores de la gente del pueblo, de la
comunidad, de la familia.
• Propuso para el texto un matiz costumbrista, lo folclórico, profundamente inserto en
el sentir de las comunidades periféricas,
para quienes el escribió este texto.
• Desplazó el tema central: Moliere proponía una despiadada crítica a los médicos
de la época. Moratín ofrece una comedia
que produce risa, que no problematiza, que
se presenta correctamente estructurada.
Echegaray busca hurgar en un tema cercano: la mentira, el engaño. Pero la mentira situada en aquellos que tienen poder.
Un poder definible como autoritario, encubierto pero autoritario al fin.
• Imprimió al texto el didactismo propio de
su teatro. Coherente con las características de los destinatarios del mismo: los
chicos, las familias, el pueblo marginado
del circuito oficial de la cultura. Esto convierte en central la voluntad itinerante del
grupo El Tablón, que con su ‘teatro en la
calle’ salió con urgencia a intentar llenar
las necesidades de un olvidado espacio
cultural, y propuso textos como éste que
invitaran a la fiesta y la reflexión, tal como
lo había hecho Moliere en su época.
En suma: su texto a través de la crítica social
apela al receptor ofreciéndole un mensaje
ejemplificador.
2
Ibid., pp. 21 y sss.
3
Ibid., p.37.
4
Ibid., p.41.
5
Liliana Iriondo, Prologo a Echegaray Raul,
Sucedio en la Via (Mar del Plata, VIII Encuento
de Teatro Marplatense, 1996) p.7.
6
Entrevista a Raúl Echegaray realizada en 1995.
7
Uno de los autores argentinos más reconocidos. Ha producido alrededor de veinte textos
dramáticos. Ha obtenido el premio Konex de
Platino al dramaturgo sobresaliente de la década, distinción para la que fue ternado con
Griselda Gambaro, Ricardo Monti, Eduardo
Pavlovsky y Mauricio Kartun.
8
Echegaray, El Dotor a Lonjazos, p. 17.
9
En el presente párrafo, los nombres de los personajes que aparecen entre paréntesis corresponden al texto de Moliere.
10
Fernández de Moratín agrega en dicha advertencia « Si Moliere viviese, haría en ésta y en
otras piezas las mismas correcciones con más
severidad y mayor acierto ». Supuesto que hoy
por hoy, creemos discutible.
11
Dubatti, op. cit., 1995, p.52 y sss.
12
Echegaray, op. cit., 1987, p.6.
13
Ibid., p.9.
14
Moliere, El Medico a Palos, adpatación de
Fernández de Moratín, (Buenos Aires, Salvat
Editores, 1970), p. 167.
1
Jorge Dubatti, Teatro comparado. Problemas
y conceptos (Buenos Aires UNLZ; FCS., 1995),
p.17.
166
15
Echegaray, op. cit., 1987, p. 4.
16
Dubatti, op. cit., p. 54.
17
Aunque Echegaray siempre pensó que su obra
la estaba realizando basado en una traducción y
no en una adaptación de la de Moliére. (Para clarificar los conceptos de traducción y adaptación
remitirse al Teatro Comparado de Jorge Dubatti.)
18
Fuentes - Gardey: Raúl Echegaray: Un teatro
itinerante. Ponencia presentada en las Segundas
Jornadas de Dramaturgos del Interior, organizadas por el I Nacional de Artes del Espectáculo,
Facultad de Filosofía y Letras - Universidad
Nacional de Buenos Aires.
19
Echegaray, op. cit., p. 16.
167
168

Théâtre et espace
Theatrical space
Espacio Teatral

169
Pour une méthode d’analyse de l’espace dans le
texte dramatique
HÉLÈNE LALIBERTÉ
Ubersfeld, « c’est dans le domaine de l’espace
que le travail préalable sur le texte est le plus
important2 ». En effet, les données spatiales d’un
texte renseignent non seulement sur le cadre de
l’action, soit les lieux scéniques et extra-scéniques, mais sur la dynamique même de l’action.
Elles se manifestent à travers le comportement
des personnages et le type de relations qui caractérise leurs échanges. Elles tendent à imposer un rythme, à créer une atmosphère. Elles
participent à la thématique de l’œuvre et contribuent à la mise en relief de son esthétique. En
fait, ces données touchent autant les décors, les
accessoires, les éclairages et l’environnement sonore que les traits distinctifs des personnages et
la façon dont ils perçoivent et interprètent, par
leur gestuelle et leur discours, l’ensemble de
l’univers fictionnel. L’analyse de l’organisation
spatiale d’un texte permet donc d’esquisser une
vision globale de l’œuvre et de saisir les récurrences, les oppositions et les analogies qui peuvent servir à assurer la cohésion d’une éventuelle
représentation scénique.
« La tâche du sémiologue (et du « dramaturge ») dans le domaine du théâtre, écrit
Ubersfeld, est de trouver à l’intérieur du texte
les éléments spatialisés ou spatialisables qui vont
pouvoir assurer la médiation texte-représentation3 ». Par ailleurs, à partir de « l’inventaire des
Au théâtre, l’espace se révèle être un domaine
de recherche et d’étude privilégié. Son champ
d’action, tant sur le plan de la représentation scénique que sur celui du texte dramatique, n’est
plus à démontrer. La méthode d’analyse que je
propose ici prend pour appui le texte dramatique qui, à mon sens, dans sa complexité et sa
spécificité, pose la problématique de l’espace
comme élément central de son organisation interne. Dans l’optique où je le considère, l’espace
dramaturgique, espace qui émane du texte dramatique, se présente comme une architecture à
laquelle chaque composante d’une œuvre donnée vient se greffer et participer à sa fondation.
Pour examiner cette architecture, j’emploie des
concepts empruntés à la sémiotique et aux théories de la « nouvelle communication ». Cette
dernière discipline, assez récente, fournit à l’analyste des outils encore peu employés à ce jour
qui permettent d’éclairer, de façon significative,
une large part de la nappe spatiale, particulièrement sur le plan des rapports entre les personnages et leur milieu. Finalement, afin d’illustrer le
fonctionnement de certaines notions, je puiserai
des exemples dans la dramaturgie de René-Daniel Dubois.
Alors que, pour Michael Issacharoff, la
spatialité est « la dimension irréductible de tout
texte destiné à la mise en scène1 », pour Anne
170
éléments de l’espace […] des lectures plurielles
peuvent et doivent être tentées4 ». La méthode
d’analyse que je préconise, en permettant de
scruter à fond l’espace dramaturgique, est conçue pour ouvrir la porte à des possibilités de constructions multiples en fonction du point de vue
ou des signes retenus par les concepteurs de la
représentation. Mais en quoi consiste l’espace
dramaturgique ? Sur quels critères se baser pour
en effectuer une étude pratique ? Afin de mettre
en évidence ses nombreuses facettes, je l’ai divisé en trois sous-groupes ou sous-systèmes :
l’espace physique, l’espace dramatique et l’espace textuel5. Si je parle ici de sous-systèmes,
c’est pour marquer le fait que non seulement
chaque sous-système est dépendant du système
qui l’englobe, mais que les éléments d’un soussystème donné peuvent également être en relation avec un autre sous-système. Ces divisions
ne sont donc pas étanches puisqu’une communication peut s’établir et s’établit, souvent sous
une forme métaphorique, entre les signes des différents sous-systèmes. Par contre, elles ont
l’avantage de délimiter et de structurer l’univers
spatial pour en faciliter le décodage.
par le public », et à l’« espace diégétique », c’està-dire l’espace physique qui est « référé dans le
discours des personnages et qui se limite à une
existence verbale6 ». La nécessité d’opposer espace mimétique et espace diégétique découle du
fait que cette division est une des spécificités du
texte dramatique. Fréquemment, la dialectique
« en scène » / « hors-scène », outre le rôle qu’elle
joue dans l’esthétique de l’œuvre, procure une
piste d’interprétation significative sur la manière
dont l’auteur organise l’action, sur l’effet de distance ou de proximité qu’il cherche à établir entre les éléments de la fiction. Même s’il est loisible à un éventuel metteur en scène de ne pas
respecter les indications de l’auteur concernant
la localisation et la configuration des lieux (et la
pratique est de plus en plus courante), l’analyse
de l’espace physique permet de faire ressortir
certaines caractéristiques formelles ou fonctionnelles qui se répercutent sur la structure de l’action dramatique. Ainsi, dans Being at Home with
Claude, la présence de deux portes qui donnent
accès au lieu scénique, contrôlées l’une par l’inspecteur et l’autre par le meurtrier, fait écho au
rapport de force symétrique qui s’instaure dès le
début de la pièce entre les protagonistes.
J’ajoute à ces deux catégories d’espace, mimétique et diégétique, une troisième dimension,
le « off », terme emprunté à Richard Monod et
qu’il définit de cette façon : « Sont « off », les
actions qui se déroulent dans le temps du fragment, mais non dans son espace : actions perçues par les personnages en scène comme se
passant là, tout près, mais hors de la vue du spectateur7 ». L’espace « off », qui est en rapport de
contiguïté avec l’espace mimétique, peut se manifester sur scène par le biais, par exemple, d’une
répercussion auditive ou, au contraire, n’exister
L’espace physique
J’entends par espace physique, toute portion
d’espace, qu’elle soit décrite dans les didascalies ou tout simplement mentionnée dans le dialogue, désignant le ou les lieux fictifs privilégiés par le dramaturge. La première étape d’une
analyse spatiale consiste donc à dresser une liste
des différents lieux et de leurs attributs qui soustendent l’action et la narration en prenant soin
de spécifier ce qui appartient en propre, selon la
terminologie de Michael Issacharoff, à l’« espace
mimétique », c’est-à-dire l’espace choisi par
l’auteur pour être « représenté sur scène et perçu
171
que par l’intermédiaire de la narration. Comme
l’espace diégétique, il est donc un « ailleurs »,
mais connexe à l’espace mimétique et dont une
des principales caractéristiques est d’être, en
écho au « en scène », un « maintenant » assurant une « extension de l’effet dramatique8 ». La
façon dont un auteur traite l’espace « off »
s’avère généralement significative d’une esthétique particulière de l’œuvre. Dans 26 bis, impasse du Colonel-Foisy, René-Daniel Dubois
joue constamment sur les limites de l’espace
« off » en abolissant et rétablissant au besoin la
frontière qui sépare la scène de la salle. Il amalgame la réalité et la fiction qui, ainsi fusionnées,
transcendent l’illusion pour introduire un univers où le concept de métathéâtre bouleverse la
perception que le lecteur virtuel se fabrique de
l’espace fictionnel.
Une étude de l’espace physique, comme le
préconise, entre autres, Anne Ubersfeld, s’intéressera aux objets, à leur aspect « utilitaire »,
« référentiel » ou « symbolique9 », l’un n’excluant pas nécessairement l’autre, à la géographie et à la géométrie des lieux, mais également
à l’usage qui en est fait par les personnages. À
cet égard, des notions comme celles de « territoire fixe » ou « situationnel », de « région antérieure » ou « postérieure », décrites par le
psychosociologue Erving Goffman fournissent
des indices importants sur le caractère fonctionnel des lieux. Les territoires fixes sont des lieux
qui « sont géographiquement jalonnés et qui dépendent d’un seul ayant droit », Goffman définissant l’ayant droit comme « la partie au nom
de laquelle le droit est revendiqué ». À l’inverse,
les territoires situationnels sont des lieux qui
« sont mis à la disposition de la foule en tant que
biens d’usage10 ». L’analyse de Being At Home
with Claude à l’aide de ces concepts est éloquente, notamment parce qu’elle jette un éclairage particulier sur une des grandes dichotomies
de l’œuvre, celle qui oppose le rêve à la réalité11.
Par ailleurs, qui dit territoire, dit possibilité de
violation. Il s’agit donc de voir si les territoires
de l’univers fictionnel sont soumis à des offenses territoriales et, si oui, quelles sont les modalités des violations enregistrées. Il convient également d’examiner les lieux en fonction du comportement régional des personnages. Régions antérieure et postérieure, que Goffman compare
respectivement à la scène et aux coulisses de
théâtre, s’opposent en ce sens que, dans la première région, les personnages adoptent un type
de comportement en vue de présenter, à un public choisi, une image idéalisée d’eux-mêmes,
tandis que, dans la seconde région, ces mêmes
personnages peuvent, étant à l’abri des regards
indiscrets, « contredire sciemment l’impression
produite12 » en public. Un lieu donné, donc, se
pose-t-il en région antérieure ou postérieure ? Se
transforme-t-il en cours d’action ? Si oui, quels
événements sont à la source de la modification ?
Finalement, on peut se demander si c’est le lieu
qui conditionne le comportement des personnages ou le comportement des personnages qui
conditionne le lieu.
L’espace dramatique
Parallèlement à l’espace physique, se profile un
espace plus abstrait que les dernières considérations concernant les concepts territoriaux et régionaux introduisent et qui s’attache principalement à des idées de mécanisme mental, d’ambiance relationnelle et de dynamique des échanges. Ce second sous-système spatial, l’espace
dramatique, se construit, explique Patrice Pavis,
« lorsque nous nous faisons une image de la
172
structure dramatique de l’univers de la pièce :
cette image est constituée par les personnages,
par leurs actions et par les relations de ces personnages dans le déroulement de l’action13 ». Le
principal sujet d’investigation de l’espace dramatique est donc le personnage que j’aborde sous
trois angles : l’espace égocentrique, l’espace
interactionnel et l’espace cinétique. L’appellation « espace égocentrique » fait référence à ce
que Goffman nomme les « réserves égocentriques », c’est-à-dire, ici, à ce qui est lié intrinsèquement à l’objet personnage. Cet espace peut
être analysé à partir des souvenirs des personnages, de leurs rêves, de leurs illusions, mais également prendre la forme d’un schéma de pensée
qui détermine leur discours. Toujours dans Being
At Home with Claude, le système de pensée contradictoire qui caractérise le meurtrier et l’inspecteur entrave la communication entre ces deux
personnages. Pour l’inspecteur, les réactions
d’Yves après le crime sont incompréhensibles
et tant qu’il s’acharne à prendre le jeune homme
en défaut par la logique, ses tentatives restent
vaines. L’espace égocentrique peut aussi être
abordé par le biais, selon la terminologie de
Goffman, de certains « territoires du moi »
comme « l’espace personnel », soit « la portion
d’espace qui entoure un individu et où toute pénétration est ressentie par lui comme un empiétement14 », « l’enveloppe », c’est-à-dire le corps
comme tel et, « à peu de distance, les habits qui
recouvrent la peau », « le territoire de la possession » qui inclut « tout ensemble d’objets identifiables au moi et disposés autour du corps »,
ou encore « les réserves d’information » qui regardent « l’ensemble de faits qui le concernent
dont l’individu entend contrôler l’accès lorsqu’il
se trouve en présence d’autrui15 ».
Outre l’espace relatif à l’objet personnage pris
comme unité signifiante, la spatialité d’un texte
dramatique se manifeste également à travers le
mode de communication que les personnages
établissent entre eux. À cet égard, je qualifie
d’« interactionnelle » la seconde classe d’espace
dramatique parce qu’elle témoigne d’un ensemble organisé d’éléments jouant un rôle prépondérant dans le processus tridimensionnel des rapports interpersonnels entre les individus fictifs.
Certains principes issus des théories de la nouvelle communication, décrits par Paul
Watzlawick, Janet Helmick Beavin et Don D.
Jackson dans Une logique de la communication,
s’avèrent efficaces pour cerner les particularités
de l’espace interactionnel. Le théâtre cherche à
rendre compte, par l’intermédiaire de l’imitation,
de la caricature et/ou de la symbolisation, de situations auxquelles nous pouvons être confrontés dans la réalité. Pour construire ces situations,
l’auteur utilise le plus souvent des personnages
en interaction, dont les échanges répondent à certains critères inhérents à la dynamique de la communication humaine. C’est ainsi que ces échanges entre les protagonistes peuvent être analysés, entre autres, en fonction de l’aspect que revêt la relation les unissant (principe de « règles »), de la position adoptée par chaque
interactant (principe de « symétrie » et de « complémentarité »), d’une recherche d’équilibre (principe d’« homéostasie ») et/ou de l’expression d’un
ordre relationnel (principe de « métacommunication »). Les règles tendent à régir le comportement des personnages en interaction et à se manifester, de façon redondante, à chaque fois que
les partenaires en question se retrouvent en situation de communication, « même si le contenu
de la communication concerne des domaines très
173
divers16 ». Symétrie et complémentarité se réfèrent à des types de comportement que les partenaires en présence adoptent dans le cadre de leurs
échanges. Alors qu’une interaction symétrique
appelle un équilibre des forces et « se caractérise donc par l’égalité », une interaction complémentaire génère un contraste où « l’un des
partenaires occupe une position qui a été diversement désignée comme supérieure, première ou
haute…, et l’autre la position correspondante dite
inférieure, seconde ou basse17 ». Le terme « homéostasie » recouvre deux interprétations possibles. D’une part, il se rapporte à « l’existence
d’une certaine constance en dépit des changements (externes) » et, d’autre part, il désigne le
mécanisme servant « à atténuer les répercussions
d’un changement18 ». Quant à la métacommunication, elle permet de mettre au jour les règles
qui dictent les échanges ainsi que la relation qui
a cours entre les interactants. Il convient par
ailleurs de noter que ces multiples notions doivent obligatoirement être observées sous l’angle du contexte où elles se reproduisent et peuvent trouver un point d’ancrage dans le cadre de
l’espace physique. À cet effet, Le Printemps,
Monsieur Deslauriers de Dubois présente un
haut niveau de cohérence entre les différents éléments de l’espace dramaturgique. Ainsi, la surface glacée de la patinoire sur laquelle évoluent
les personnages, en éveillant l’image paradoxale
de l’équilibre et du déséquilibre, répond, entre
autres, à l’opération menée par monsieur
Deslauriers qui, en déstabilisant le système familial, cherche à lui redonner une harmonie.
Il se dégage de la perspective spatiale relative à la communication une idée de mouvement
qui se répercute autant sur le plan physique que
dramatique. En fait, l’espace dramaturgique est
caractérisé par le mouvement qui, non seulement
marque l’évolution de l’action et indique un
changement dans la structure de la situation initiale, mais se fait sentir extérieurement par le
biais du trajet parcouru par les personnages. Ce
mouvement essentiellement concret des protagonistes, qui se rapporte à l’espace cinétique,
peut cependant être relié aux composantes abstraites qui découlent des rapports de force entre
les individus fictifs. Cet espace cinétique, je le
définis en partie en fonction de certains préceptes émanant de la théorie de la « proxémique »
dont une des propriétés concerne, selon l’anthropologue Edward T. Hall, « les distances que nous
observons dans nos contacts avec autrui19 ». Par
ailleurs, A.J. Greimas et J. Courtés disent à propos de cette discipline sémiotique : « La
proxémique ne saurait se satisfaire de la seule
description des dispositifs spatiaux, formulés en
termes d’énoncés d’état ; elle doit envisager également les mouvements des sujets et les déplacements d’objets, qui ne sont pas moins significatifs, car ils sont des représentations spatio-temporelles des transformations (entre les états)20. »
J’englobe donc, dans la catégorie de l’espace cinétique, les notions de distances respectées par
les personnages dans le déroulement de leurs
échanges, ainsi que l’action reliée au fait de se
placer et de se déplacer dans l’espace. Dans Le
Printemps, Monsieur Deslauriers, l’espace cinétique reflète fondamentalement la dynamique
de l’interaction et se concrétise, entre autres, par
le mouvement rotatoire des personnages qui semblent tourner en rond entre des moments d’immobilité traduisant, d’une part, la rigidité impassible de monsieur Deslauriers et, d’autre part,
l’impuissance de ses enfants. Mais le mouvement peut aussi apparaître comme une compo174
sante essentielle du discours des personnages
sans nécessairement appartenir à la catégorie
des indications spatio-temporelles proprement
dites. Il en est ainsi, dans 26 bis, impasse du Colonel-Foisy, de toutes les images en rapport avec
la mobilité de l’eau qui court par opposition à la
fixité de l’eau qui gèle. Ce qui m’amène à parler
du troisième sous-système relatif à l’espace dramaturgique : l’espace textuel que je définis
grosso modo, à l’instar de Patrice Pavis, comme
étant « l’espace considéré dans sa matérialité graphique, phonique ou rhétorique21 ».
les figures de style (comparaisons, métaphores,
métonymies, etc.) qui contribuent à instaurer une
poétique de l’espace. « Ainsi l’espace scénique
peut-il être la transposition d’une poétique textuelle24. » Dans 26 bis, impasse du ColonelFoisy, Madame, emportée par son lyrisme, se
décrit dans un long poème qui prend la forme
d’une complainte à travers les caractéristiques
de son château devenant, par le fait même, cette
« Citadelle oubliée de la vie25 » qui l’abrite.
L’image porte à conclure, comme Diane Pavlovic
le remarque à propos de la façon dont le personnage contrôle ses mouvements et ses déplacements dans l’espace physique, que « Madame
se conçoit elle-même comme un décor26 ». Cet
exemple, qui prend appui sur des éléments relatifs, d’une part, à l’espace textuel et, d’autre part,
à l’espace cinétique, vient démontrer la nécessité de repérer à l’intérieur du texte dramatique,
tant sur le plan abstrait que concret, les récurrences de termes et les redondances d’idées qui,
par leur emphase, leur omniprésence ou leur omnipotence, tendent à se constituer en système
mettant en relief, directement ou indirectement,
un domaine précis de l’espace dramaturgique.
Dans un second temps, l’investigation de l’espace textuel prendra en considération l’architecture de la « partition », soit la configuration et la
succession des phrases, des répliques, des discours et des scènes, le rythme imposé par leur
enchaînement, la corrélation existant entre le
dialogue et les didascalies, enfin, toute particularité formelle qui concourt à l’esthétique d’une
œuvre et peut trouver à se concrétiser sur scène.
Toujours dans 26 bis, impasse du Colonel-Foisy,
l’usage généralisé du monologue, mis en parallèle avec l’absence prétendue de coupures temporelles ou narratologiques—puisqu’il s’agit
L’espace textuel
« Tout texte de théâtre contient des marques
spatiales qui ne sont pas explicitement liées au
projet de représentation », constate Jean-Pierre
Ryngaert, ajoutant par la suite que ces multiples
marques mettent toutefois en évidence « un système révélateur, parfois plus riche que ne
l’étaient les seules informations techniques22 ».
Dans un premier temps, une étude de l’espace
textuel s’intéressera au matériau textuel comme
tel, au vocabulaire, aux images que l’on peut
regrouper en isotopies autour d’un point précis
de la thématique. Le discours des protagonistes
comporte généralement un lexique orienté vers
un aspect quelconque de la spatialité. C’est ainsi
que des données, pour n’en nommer que quelques-unes, ayant trait aux couleurs, aux formes
géométriques ou aux parties du corps humain
peuvent devenir suffisamment prégnantes pour
instaurer une dimension spatiale représentative
des préoccupations des personnages, du regard
qu’ils posent sur eux-mêmes, sur les autres, sur
leur environnement. Plus encore, remarque
Louise Vigeant, « parfois, un seul mot dans un
texte sert d’indice pour la création d’un décor23 ».
À ce lexique distinctif, viennent se juxtaposer
175
donc au niveau de l’élaboration d’un schéma de
travail regroupant des concepts reliés à l’espace
qui autrement seraient disséminés. De plus, les
outils théoriques utilisés ont pour fonction de dégager certains éléments essentiels qui échapperaient à une analyse ne privilégiant qu’un aspect
de l’espace, permettant ainsi d’appréhender l’ensemble des données spatiales quelle que soit la
forme qu’elles empruntent, de les comparer ou
de les confronter, enfin de multiplier de façon
significative les perspectives sous lesquelles elles se présentent au regard ou à l’entendement.
Là où, particulièrement dans le théâtre contemporain comme le remarque Jean-Pierre Ryngaert,
« les actions et les faits sont plutôt rares ou difficiles à repérer, la construction du substrat narratif aussi bien que l’élaboration d’un point de
vue sur le récit font problème28 », il m’apparaît
qu’une étude de l’espace pris au sens large
comme système de signes s’impose.
Espace dramaturgique (émanant du texte dramatique)
1. Espace physique
(lieux)
a) Espace mimétique
b) Espace diégétique
c) Espace « off »
2. Espace dramatique
(personnages)
a) Espace égocentrique
b) Espace interactionnel
c) Espace cinétique
3. Espace textuel
(discours)
a) Matériau textuel
b) Architecture textuelle
d’une pièce en un acte—, confère au texte un
aspect continu ; aspect qui, d’un autre côté, est
fortement ébranlé par le caractère souvent fragmenté du discours. On saute d’une idée à l’autre
et, par le truchement de l’utilisation fréquente
d’un langage télégraphique suscitant l’effet de
lire le découpage technique d’un vidéo-clip, les
mots se transforment en images. Lorsque Madame dit : « Ah ! Théâtre ! Que tu sais nourrir
l’esprit, et quels flots impétueux d’impressions
ne pouvons-nous pas nous relancer en toute fugacité, esquivant les lourdes paraphrases, en deux
mots : en utilisant le langage moderne » (p. 64),
elle dénie, par sa grandiloquence, le contenu
même de son discours. On se retrouve donc dans
cet univers textuel en présence d’une dualité qui
juxtapose deux styles d’écriture : lyrique et télégraphique, les deux ayant toutefois pour effet
de brouiller les pistes entre le signifiant et le référent du discours.
Considérant, à l’instar de Jean-Pierre
Ryngaert, que « le travail sur l’espace débusque
des réseaux de sens qui ne concernent pas nécessairement l’espace scénique mais qui font
avancer dans la compréhension du texte27 », la
méthode d’analyse de l’espace dramaturgique
que je viens d’exposer dans ses grandes lignes
n’est pas conçue pour donner des indications
précises de scénographie, mais pour orienter les
concepteurs de la représentation (metteur en
scène, scénographe, acteur) dans leur travail en
faisant ressortir de façon tangible l’univers ou
les univers spatiaux contenus dans toute œuvre.
Par ailleurs, la méthode de classification que je
propose a pour objet non pas de compartimenter
les diverses composantes spatiales, mais d’en faciliter le repérage dans le texte. L’intérêt de cette
méthode d’analyse et de classification se situe
176
Notes
16
Paul Watzlawick et al., Une logique de la communication, Éditions du Seuil, 1972, p. 134.
1
Michael Issacharoff, Le Spectacle du discours,
José Corti, 1985, p. 69.
17
Ibid., p. 67.
18
Ibid., p. 144.
2
Anne Ubersfeld, L’École du spectateur. Lire le
théâtre 2, Éditions sociales, 1981, p. 105.
19
Edward T. Hall, La Dimension cachée, Éditions du Seuil, 1971, p. 142.
3
Id., Lire le théâtre, Éditions sociales, 1982, p.
152.
20
A. J. Greimas et J. Courtès, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage,
Paris, Hachette, 1979, p. 300.
4
André Helbo et al., Théâtre, modes d’approche, Bruxelles, Editions Labor, 1987, p. 176.
5
Voir, à la fin de l’article, le schéma illustrant la
méthode de classification adoptée.
21
Pavis, op. cit., p. 146.
22
6
Jean-Pierre Ryngaert, Introduction à l’analyse
du théâtre, Bordas, 1991, p. 79.
Issacharoff, op. cit., p. 72.
7
Richard Monod, Les Textes de théâtre, Lyon,
Cédic, 1977, p.142.
8
Ibid.
9
Ubersfeld, op. cit., p. 180.
23
Louise Vigeant, « De la métonymie à la métaphore : la didascalie comme piste », Jeu, no 62,
1992, p. 36.
24
10
Ubersfeld, op. cit., p. 161.
25
Erving Goffman, La Mise en scène de la vie
quotidienne, vol. 2 : Les Relations en public, Éditions de Minuit, 1973, p. 44.
René-Daniel Dubois, 26 bis, impasse du Colonel-Foisy, Montréal, Leméac. (Coll. « Théâtre Leméac », no 122.), p. 53. Les deux autres
pièces de Dubois auxquelles je me réfère sont :
Being At Home with Claude, Montréal, Leméac ;
et Le Printemps, Monsieur Deslauriers, Montréal, Guérin littérature.
11
Je me réfère ici à mon article intitulé « Espaces et territoires dans Being At Home with Claude
de René-Daniel Dubois », L’Annuaire théâtral,
no 21, printemps 1997, p. 119-131
26
12
Diane Pavlovic, « Le Déploiement d’un cri.
Sur deux œuvres de René-Daniel Dubois », Jeu,
no 32, 1984, p. 90.
Erving Goffman, op. cit., p. 100.
13
Patrice Pavis, Dictionnaire du théâtre, Éditions sociales, 1987, p. 147.
14
15
27
Goffman, op. cit., p. 44.
28
Ryngaert, op. cit., p. 81.
Id., Lire le théâtre contemporain, Paris,
Dunod, 1993, p. 176.
Ibid., p. 15.
177
Le Sens du lieu : nouvelles approches
JEAN-MARC LARRUE
térêt pour le lieu théâtral n’est pas nouveau, loin
de là, mais il est parsemé de pièges et d’embûches.
Les premières réflexions marquantes sur le
sujet remontent à la Renaissance italienne. Elles
étaient motivées, chez Palladio, Aleotti3 et leurs
collègues, par le souci de recréer la magie du
théâtre antique et c’est donc par nécessité qu’ils
s’intéressèrent à la structure et à l’organisation
architecturales des vieux théâtres dont ils pouvaient observer les ruines en s’appuyant sur le
traité De Architectura de Vitruve4 . Le travail de
ces pionniers, qui était d’ordre archéologique, a
fixé des balises, imposé une méthode. En dépit
de leurs maladresses et d’interprétations parfois
curieuses, ces pionniers ont établi les principes
de base de l’approche historique moderne en
théâtre, tirant leurs conclusions de l’observation
méthodique des données dont ils disposaient.
L’objectif de ces premiers chercheurs n’était pas
de faire l’histoire du théâtre mais de recréer une
pratique révolue dont ils n’avaient que des indices. L’acquisition de connaissances historiques
n’était qu’une retombée secondaire et sans
grande valeur à leurs propres yeux.
Après la Renaissance, l’intérêt des chercheurs
pour le lieu s’estompa. Non pas que ce lieu cessa
de jouer un rôle central dans les pratiques théâtrales—parce que le lieu (et plus globalement
Dans son essai Mémoires du théâtre, Georges
Banu traite à fort juste titre la pratique théâtrale
d’« art de la chose remémorée1 ». Sur quoi, en
effet, repose notre approche traditionnelle du
théâtre sinon sur les textes écrits de spectacles
présentés—quand ils existent—et sur le souvenir que des contemporains ont eu d’une représentation ou sur le souvenir qu’en ont gardé et
transmis des artistes ? Du texte dramatique que
doit-on dire sinon que le développement du
champ des études théâtrales au cours du dernier
quart de siècle a permis de le remettre à sa juste
place, celle d’un élément parmi d’autres dans
l’histoire du théâtre. Et qu’y a-t-il de plus incertain que la mémoire et le souvenir d’un spectateur, d’un critique ou d’un artiste ? Bref, l’historien de théâtre évolue sur un terrain glissant et
ne dispose d’aucune ressource sûre et complète.
Comme le rappelle Ronald Vince2, faire l’histoire du théâtre c’est, au mieux, faire l’histoire
d’un souvenir ; au pire, faire l’histoire du témoignage d’un souvenir ou bâtir à partir d’« indices
indirects et de spéculations ».
C’est à cause de ce manque de prise sur un
passé fuyant que les historiens de théâtre ont
cherché d’autres voies. Depuis les années 1970,
on voit ainsi se multiplier les recherches sur la
scénographie et les costumes mais surtout, et bien
davantage encore, sur les lieux théâtraux. L’in178
l’espace) y est central—, mais les analystes et
les critiques de la période classique ne l’abordèrent qu’accessoirement. Ils lui préféraient, et de
loin, l’analyse des textes et les biographies d’artistes.
Ce n’est que trois siècles après la Renaissance
et la construction du Teatro Olimpico que paraissent les premières véritables études de nature historique sur le lieu et ses attributs. À la
différence des chercheurs du quattrocento, ceux
de l’époque romantique se sont intéressés au lieu
pour mieux le connaître et le comprendre mais
aussi pour pouvoir reconstituer—au moins en
imagination—les conditions pratiques de la production et de la réception d’un spectacle dramatique. Cette tendance « reconstructiviste » est
encore aujourd’hui très importante et connaît
d’ailleurs des développements spectaculaires.
Qu’on songe à cet égard à la reconstruction récente du Globe à Londres et à toute la vague de
restaurations qui, de Moscou—avec le Théâtre
d’Art—, à Prague, Paris, Toronto et même Montréal5 , permet la revitalisation de scènes historiques longtemps délaissées, voire oubliées.
Relayée par la Nouvelle école allemande, dominée par Max Herrmann6 , puis par l’École des
Annales de Lucien Febvre et Marc Bloch (au début des années 30), l’étude du lieu suscite un
intérêt sans cesse grandissant chez les historiens.
Et on comprend pourquoi, mais on doit en même
temps s’en inquiéter.
L’histoire moderne, de l’École des Annales à
l’Histoire nouvelle7 des Le Goff, Jacques Revel
ou Joseph Donohue, a érigé en valeur suprême
la découverte de la preuve-tangible-qui-confirme-l’hypothèse. Et comment pourrait-on imaginer preuve plus tangible d’un événement que
le lieu physique où il s’est produit ? Ce lieu a
pris d’autant plus d’importance chez les historiens au cours des dernières décennies qu’il a
une existence autonome et qu’il perdure alors
que tout le reste, ou presque, relève de l’éphémère. Cette réalité en apparence facilement observable qu’est le lieu théâtral—quand il
existe—et cette obsession de la preuve tangible
et objective des gens des Annales et de tous les
tenants de l’Histoire nouvelle ont eu pour effet
de propulser le lieu du rang d’objet d’étude à
celui de caution scientifique dont aucune recherche sérieuse en théâtre ne saurait aujourd’hui se
dispenser8 . Mais ce lieu théâtral réhabilité a
d’étranges qualités. Il assure, confirme, atteste.
Il donne l’impression de valider parce qu’il y a
dans sa pierre, sa brique ou son bois quelque
chose d’immuable, de permanent qui inspire
confiance. Le lieu a le don de rassurer l’historien. Il se crée entre eux une relation curieuse
qui, paradoxalement, n’a rien de scientifique.
L’historien le plus vigilant, le plus exigeant
n’échappe pas au charme envoûtant d’un lieu
réputé chargé d’histoire—vraie ou fausse—et
perd, face à lui, son acuité critique. Il suffit
d’avoir visité les loges d’un vieux théâtre, s’être
glissé sous sa scène, s’être installé dans le trou
du souffleur pour comprendre cette fascination.
Ce phénomène d’envoûtement constitue bien
un paradoxe du lieu théâtral. Réhabilité par les
scientifiques pour ses vertus objectives et sa matérialité, le lieu parle d’abord aux sens et ne cesse
d’émouvoir parce qu’il est chargé de passé, de
mémoire. Et il y a chez nous, historiens, qui sommes souvent des défenseurs acharnés du patrimoine culturel, un véritable amour pour ces
lieux, d’autant plus fort, qu’ils sont toujours en
danger. Nos théâtres, nos cinémas, ne sont ni
des cathédrales, ni des châteaux royaux ! Le pre179
mier cinéma du Canada9 n’est même pas identifié par une plaque commémorative, le plus vieux
théâtre francophone et professionnel du continent—le Théâtre-National10 —croupit dans un
état pitoyable et pourrait s’embraser à tout moment ! Sujet aux aléas des modes et du marché,
objet convoité par les spéculateurs fonciers, en
raison justement de sa situation dans la cité, le
lieu théâtral a tous les attributs d’un lieu sacré
sans en avoir le statut. On le transforme sans
vergogne, on le recycle sans égard pour ce qu’il
a été. Parfois, on le rase, tout simplement, et il
ne reste de lui qu’un trou béant dans une rue fréquentée ou une trace sur un mur mitoyen soudainement mis à nu. L’historien, pas plus qu’un
autre, ne saurait rester indifférent au spectacle
d’un théâtre ou d’un cinéma recyclé en centre
d’affaires ou d’un palace cinématographique
transformé en pharmacie d’escomptes ?
Je ne connais pas d’historien de théâtre qui
soit insensible à la tragédie dont tant de lieux
théâtraux et cinématographiques sont les vedettes bien involontaires. L’historien du lieu théâtral est, par définition, un historien engagé. Si le
lieu théâtral émeut, et c’est là le premier piège
qu’il nous tend, il a aussi pour caractéristique
d’exciter l’imagination. Il n’y a pas de vieux
théâtre qui n’ait son fantôme, son drame secret,
son pendu et, plus prosaïquement, ses grandes
vedettes et ses grands moments. Là aussi, les
capacités du chercheur sont mises à rude épreuve.
Il doit se prémunir contre toute dérive, rester terre
à terre. Parlant de grand moment, il faut avoir
entendu le crépitement des lampes à gaz, le grincement des vieux planchers de scène en bois pour
démystifier le jeu romantique, saisir la nécessité
de ses élans oratoires, de sa gestualité marquée.
Il faut observer le système de herses des vieilles
scènes ou leurs dégagements pour remettre en
une plus juste perspective les prouesses scénographiques dont la presse d’époque faisait régulièrement la description élogieuse.
Il faut être assis dans un vieux théâtre, derrière une colonne, dans un siège trop étroit, non
rembourré, alors qu’il fait trop chaud, trop froid
ou trop humide pour comprendre le comportement animé et les impatiences du public d’autrefois. Mais là encore, la magie joue et tout est
trouble. Quel autrefois ? Les lieux théâtraux et
cinématographiques ne font qu’évoluer et on ne
peut jamais précisément dater ce qu’on y voit.
Là non plus, il n’y a guère de certitudes.
Quel étonnant parcours ! Les historiens de
théâtre se sont intéressés et continuent de s’intéresser au lieu parce qu’il s’agit bien là, avec les
costumes et les éléments scénographiques, de ce
que le théâtre a de moins éphémère. Pourtant, ce
lieu est aussi, par sa nature même, ce qu’il y a de
plus trompeur justement parce que, contrairement au souvenir, on ne s’en méfie pas. Les pierres parlent, dit-on, mais il faut les redouter car
elles peuvent dire n’importe quoi. Le spectacle
théâtral est éphémère et le lieu est trompeur. Que
reste-t-il alors ? Sommes-nous en plein désarroi ? Nous le serions sans doute si l’approche du
lieu ne s’était pas renouvelée et diversifiée. Depuis dix à quinze ans, heureusement, des changements radicaux sont survenus et le lieu, comme
objet d’enquête et de réflexion, a pris une nouvelle dimension. Cette évolution s’est faite à peu
près simultanément dans trois champs bien distincts.
Répondant à l’appel que Lucien Febvre lançait dès 1934—qui préconisait, donc, de privilégier les documents non écrits et de recourir à
des sciences voisines pour faire l’histoire so180
meilleur endroit possible. Le choix du lieu est si
crucial qu’il a conduit à la naissance d’une discipline nouvelle, la théorie économique de l’espace12 . Cette théorie a entraîné l’élaboration de
divers modèles d’analyse, dont la théorie de la
localisation optimale. Le défi, pour les tenants
de cette approche, consiste à définir un modèle
théorique qui, en tenant compte de multiples variables—la nature du marché, la mobilité des
consommateurs potentiels et de la maind’œuvre—dont le système de transport—, la nature du produit, les coûts de production, etc.—
permet de localiser les endroits, dans une ville,
une région, un pays ou un continent, où le centre de production et, éventuellement, de diffusion sera le plus rentable13 . Ce modèle, qui a
toutes les qualités et les travers d’un modèle
théorique, n’en est pas moins riche d’enseignements. Il permet de mieux saisir les enjeux qui
provoquent le déplacement, la concentration ou
au contraire la dispersion des lieux théâtraux. Il
amène parfois à découvrir des lieux oubliés.
Ces trois approches convergentes—historique, géographique, économique—centrées sur
le lieu, n’ont pas seulement conféré à ce dernier
un statut inégalé en tant qu’objet de recherche
scientifique, elles ont ouvert de nouvelles voies
dont on ne sait trop encore jusqu’où elles vont
nous mener. C’est donc là que nous en sommes.
Depuis 1990, nous nous consacrons à cette approche plurielle et renouvelée du lieu théâtral et
cinématographique, un lieu inscrit dans la ville
physiquement, architecturalement, socialement,
culturellement—et linguistiquement dans le cas
de Montréal—, économiquement et symboliquement.
ciale—, des collaborateurs des Annales et des
artisans de l’Histoire nouvelle ont mis en place
cette approche, devenue depuis discipline, qu’est
la géo-histoire. La géo-histoire utilise le lieu non
monumental—construit ou naturel—comme
principal révélateur de la vie d’une communauté
à une époque et dans une région données.
Parallèlement, les tenants de la géographie humaine, qui devenaient de plus en plus sensibles
aux questions culturelles et aux rapports entre
les groupes sociaux, ont découvert dans l’organisation et la genèse du paysage urbain des indices précieux de l’évolution démographique et
socio-économique des cités. Véritable « entrepôt de la mémoire sociale11 », le paysage urbain
est ainsi devenu l’objet de recherches multidisciplinaires. L’architecture—qui jusqu’à récemment s’était peu préoccupée de questions sociales ou politiques et s’intéressait surtout au monumental—, l’histoire sociale—qui ne s’était
guère penchée sur l’espace et le design—et, bien
entendu, la géographie culturelle naissante—les
géographes découvrant l’importance du phénomène d’identité et d’appartenance culturelles
dans l’organisation et l’évolution de la ville—
ont recentré leur intérêt sur le lieu et l’abordent
désormais de façon globalisante, tenant compte
de la conjoncture et des valeurs symboliques
qu’il recèle.
Le lieu a aussi soulevé l’intérêt des économistes et on comprend bien pourquoi. Dans un
contexte d’activités diversifiées où la concurrence est très présente—comme c’est la cas dans
les zones urbaines à forte densité : celles, justement, où se déploient le théâtre et le cinéma—et
où les facteurs de rentabilité jouent un rôle prédominant, il est essentiel de situer le « centre de
production » de biens ou de services dans le
181
Et qu’avons-nous appris ? Le bilan, à vrai
dire, est difficile à tracer tant il est vaste et incomplet encore. En voici un aperçu.
Nous avons certains acquis, nous avons aussi
fait des constats. Pour commencer, nous avons
réalisé, ce qui est élémentaire mais bien utile,
une typologie des lieux fondée sur des indices
physiques. Par exemple le « museum », le théâtre de vaudeville américain, le scope, le palace,
le théâtre de répertoire, la scène burlesque, le
cabaret. Dans la plupart des cas, nous sommes
en mesure d’établir, sans trop d’erreur, une corrélation entre le bâtiment—tel qu’il existe ou tel
que ses traces nous l’indiquent— et le genre de
spectacles et de public qu’on y trouvait à une
période donnée. La situation géographique des
bâtiments, la disposition des salles, l’organisation du hall d’entrée, la forme du cadre de scène,
les dimensions de la scène, ses dégagements
verticaux et latéraux, son accessibilité, l’emplacement et la forme des loges, les matériaux et
techniques utilisés dans la construction du bâtiment, des facteurs comme la présence d’un lustre ou de baignoires, d’un grand escalier, l’ornementation, sont certains des indices clés que nous
utilisons pour cette typologie. Ce sont des indices clés, ce sont également des indices assez sûrs
puisque, le plus souvent, ils sont imprimés dans
la pierre et y laissent des traces quand ils sont
disparus.
De cette typologie et de l’analyse géographique et culturelle que nous pouvons en déduire,
il ressort qu’il n’existe pas à Montréal, toujours
pour la période donnée—1895-1915—, de hiérarchisation des théâtres fondée sur la stratification des spectateurs en fonction des classes sociales. Les théâtres accueillent des spectateurs
de toutes les classes. La seule marque de discri-
mination à cet égard se fait parfois dans la répartition des sièges et dans l’accès à ces sièges.
Les bourgeois sont au parterre auquel ils accèdent par l’entrée principale. Le menu peuple va
au dernier balcon par une porte arrière et une
cage d’escalier dérobée—de sorte que ces groupes de spectateurs ne se croisent jamais. Cette
absence de hiérarchisation stricte est l’une des
singularités montréalaises. On constate d’ailleurs
que les quelques théâtres locaux qui imposent
une séparation physique des spectateurs sont soit
le fait d’étrangers soit conçus à partir de plans
architecturaux venant ou inspirés de l’étranger14 .
D’autres corrélations sont possibles et assez
prévisibles. Toujours au plan géographique, on
observe un déplacement progressif des théâtres
du premier plateau (le Vieux-Montréal) vers le
deuxième plateau (la rue Sainte-Catherine) au
cours la fin du XIXe siècle. Ce glissement correspond à la croissance démographique de la ville
qui s’étend désormais vers le nord. Ce qui étonne,
c’est qu’il se fasse de manière si rapide et si concentrée. Près de 80 % des 350 noms de salles de
théâtre, de cinéma et autres lieux d’attraction que
nous avons répertoriés entre 1895 et 1915, se
trouvent à moins de 15 minutes de marche de
l’intersection de la rue Sainte-Catherine et du
boulevard Saint-Laurent. Ce coin est tout aussi
névralgique un siècle plus tard. Le Spectrum,
l’Impérial, la Place des Arts, le TNM, le Monument-National, les Foufounes électriques, le
Quartier-Latin, le Saint-Denis, ExCentris, sans
parler des discothèques et boîtes de nuit—installées dans d’anciens théâtres et cinémas—, se
trouvent ainsi dans ce même périmètre restreint.
Le cœur de Montréal continue de battre après la
fermeture des bureaux et des commerces et il
bat toujours au même endroit, depuis un siècle !
182
Cela aussi est assez atypique pour une métropole nord-américaine.
Mais revenons à notre période—1895-1915—,
qu’y observe-t-on encore ? Une frontière linguistique très nette. Aucun lieu théâtral anglophone
n’est viable à l’est de Saint-Laurent, aucun lieu
francophone ne l’est à l’ouest du même boulevard. Le principal théâtre francophone, le Théâtre-National, véritable navire-amiral entouré
d’une flottille de scènes de moindre envergure,
se trouve retranché à l’est, de l’autre côté de
l’Université Laval (bientôt rebaptisée Université
de Montréal). Quant au plus prestigieux théâtre
anglophone, le His Majesty’s, il se situe loin dans
l’ouest de l’autre côté de l’Université McGill.
Pourtant, en 1893, les francophones inauguraient
leur « Monument-National » sur Saint-Laurent
et les anglophones posaient la première pierre,
sur ce même boulevard, mais plus au nord, de
ce qui devait devenir « le principal foyer culturel anglais » du nord-est de l’Amérique—et qui
ne le devint jamais. Or, le Monument-National,
qui devait « affirmer d’une manière pratique la
puissance de notre race », en être le « phare »,
le « sanctuaire », l’« arsenal », s’imposer comme
le « temple15 » à la gloire des Canadiens français de Montréal et de toute l’Amérique, connut
une destinée fascinante mais totalement différente de ce qui avait été prévu16 .
Le boulevard Saint-Laurent n’a jamais appartenu à personne. Perçu d’abord comme une frontière à déborder pour les uns—les anglophones—
, à défendre coûte que coûte pour les autres—
les francophones—, il n’a pas été le champ de
bataille symbolique appréhendé. La « guerre »
de la « Main17 » n’a pas eu lieu. Au contraire, ce
boulevard est devenu la zone de contact ethnique par excellence, celle où francophones et an-
glophones se côtoyaient sans tension et où, tout
naturellement, ont déferlé, une à une, les vagues
successives d’immigrants qui ont atteint Montréal, la première en importance étant l’immigration juive des années 1890 à 1915.
Les lieux théâtraux et cinématographiques de
ce secteur—essentiellement le boulevard SaintLaurent—sont caractéristiques de cette coexistence multiethnique, toujours en effervescence.
Ils sont en général petits, aisément
transformables, peu développés au plan technique. Et les spectacles qu’ils offrent ne sont évidemment pas centrés sur le texte. Ce sont des
cinémas muets, des scènes musicales, des scènes de burlesque ou de variétés. Les grands spectacles et les établissements les plus glorieux sont
ailleurs, rue Sainte-Catherine.
Le boulevard Saint-Laurent, que la police ne
fréquente pas—elle ne comprend ni la langue ni
les mœurs de ceux qui y vivent—est en quelque
sorte une zone franche qui attire un public plus
jeune, plus ouvert, plus curieux. Et le boulevard
Saint-Laurent est le lieu des audaces, audaces
artistiques mais aussi audaces morales. L’érotisme y côtoie l’avant-garde, s’y mêle parfois.
Cela donne lieu à des spectacles étonnants qui
nous forcent à réviser nos notions historiques sur
la modernité au Québec. Une modernité qui, au
théâtre, n’arrive pas avec la Deuxième Guerre
mondiale ou la fondation des Compagnons de
Saint-Laurent du père Legault, mais avec les
troupes juives, les troupes de recherche et d’expérimentation, francophones et anglophones, qui
se multiplient sur la « Main » à l’ombre du vénérable Monument-National.
La dimension économique du lieu théâtral et
cinématographique révèle aussi des surprises. Si
les grands théâtres montréalais ont été l’œuvre
183
des anglophones et des Américains et si les francophones ont tardé à se risquer dans le marché
du théâtre professionnel18 , ils se sont lancés sans
aucune retenue dans le marché du cinéma naissant, pressentant fort tout son potentiel. Il faut
relire, en parallèle le Paris-Palaces de Jean-Jacques Meusy—sur les cinémas à Paris entre 1894
et 1918—et les travaux qu’André Gaudreault,
Germain Lacasse et Jean-Pierre Sirois-Trahan
ont consacrés à cette même période à Montréal
pour saisir l’étonnante singularité de la conjoncture montréalaise. Montréal, dès 1907-1908,
compte trois salles de cinéma de plus de mille
places, ce qui est remarquable !
Il y aurait beaucoup à dire encore sur le lieu
théâtral et cinématographique, sur son organisation comme sur sa conjoncture, sur ceux et celles qui les ont animés, financés et construits. Mais
ce que nous constatons de plus en plus c’est que,
en partant du lieu, comme nous le faisons pour
écrire l’histoire d’une pratique—le cinéma ou le
théâtre–, nous accédons inévitablement, parfois
à notre insu, à d’autres champs de connaissance
et de recherche. Comme si l’historien du lieu
théâtral devait aussi être un géographe de la culture urbaine, un spécialiste du bâti urbain, un
historien social, un économiste, un démographe,
voire un juriste, en un mot, l’historien de la
cité19 !
« Montre-moi tes théâtres, je te dirai qui tu
es ! » Tel pourrait bien être le slogan de cette
histoire renouvelée du lieu que nous pratiquons.
Les nostalgiques de l’autre histoire du théâtre
auraient raison de nous reprocher certains oublis,
de nous accuser de réductionnisme. Nous faisons peu de cas du texte dramatique, nous accordons peu d’importance aux personnalités individuelles, nous favorisons la conjoncture au
détriment de l’événement. Mais par notre démarche, nous replaçons le théâtre là où il doit être et
rester, au cœur de la cité, une cité dont il fait
partie et dont il apparaît de plus en plus comme
l’un des principaux révélateurs.
Annexe
Extrait du discours prononcé lors de la « première » pose de la première pierre du MonumentNational de Montréal, par le sulpicien
Démétrius-Charles Lévesque, le 25 juin 1884,
journée qui, selon lui, « restera à jamais gravée
dans la mémoire de tous les Canadiens [français]
d’Amérique ».
Oui, messieurs, ce monument national
sera le gardien fidèle de nos traditions
et de nos souvenirs ; le temple où seront chantées les louanges et les gloires de la patrie, l’arsenal qui nous fournira les armes nécessaires à sa défense,
le sanctuaire où se conservera toujours
ardent et lumineux le feu sacré de notre patriotisme. Ce sera le cœur de notre vie nationale, le centre de nos affections, le témoignage de notre union,
le principe de notre action, le foyer où
nous aimerons à nous rencontrer, la
bannière de notre ralliement, le phare
lumineux qui nous guidera dans nos entreprises, le boulevard inexpugnable de
notre langue, de nos institutions, de nos
lois et, dans une certaine mesure, de no20
tre religion elle-même .
Le Monument-National est né. L’essentiel, pour
l’heure, consiste à rassembler des fonds. L’abbé
Démétrius-Charles Lévesque évoque cette réalité bien terre-à-terre en rappelant le « glorieux
sacrifice » qu’avaient consenti les Juifs pour
184
6
« l’Arche d’alliance de nos saints livres ». Et il
conclut :
L’Arche d’alliance était, comme vous
le savez, le monument religieux et national des Juifs… Je voudrais [qu’on
ne puisse] pas accuser les Canadiens
français d’avoir moins de patriotisme
21
que les Juifs .
Voir Erika Fischer-Lichte, « From Text to Performance : The Rise of Theatre Studies as an
Academic Discipline in Germany’, Theatre
Research International, Volume 24, Number 2,
Summer 1999, pp. 168-178.
7
Avec à sa tête Jacques Le Goff et Jacques Revel. Voir, en particulier, les volumes I et II de la
série Faire de l’histoire (Gallimard 1974). L’appellation Histoire nouvelle a été consacrée par
Guy Bourdé et Hervé Martin dans leur ouvrage
de synthèse, Les Écoles historiques.
Notes
1
Georges Banu, Mémoires du théâtre (Actes
Sud, 1987), p.13.
2
Ronald Vince « Theatre History as an
Academic Discipline » dans Thomas Postlewait
et Bruce A. McConachie, dir., Interpreting the
Theatrical Past (Iowa City : University of Iowa
Press, 1989), pp. 1-18.
8
Il suffit pour s’en convaincre de relire le Dictionnaire encyclopédique du théâtre de Michel
Corvin, l’ouvrage collectif dirigé par Daniel
Couty et Alain Rey ou les grandes synthèses réalisées par Oscar Brockett, Patti Gillespie ou
Kenneth Cameron.
3
Le premier a conçu le Teatro Olimpico de Vicence, terminé en 1585 par Scarmozzi ; le second a construit le Théâtre Farnèse de Parme en
1618. On reconnaît en ces deux bâtiments l’annonce du théâtre dit « à l’italienne ».
9
Il s’agit du Théâtre Palace où a eu lieu la première projection cinématographique au Canada
en juin 1896. Voir André-G. Bourassa et JeanMarc Larrue, Les Nuits de la « Main », Montréal, HMH-Hurtubise, 1993, pp. 71-80.
4
Le livre V du traité est consacré au bâtiment
théâtral. Marcus Vitruvius Pollio, dit Vitruve,
serait mort en 26 av. J.C.
10
Inauguré le 12 août 1900, le Théâtre-National
est situé au 1220 de la rue Sainte-Catherine Est
à Montréal, à deux pas de l’ancien
Ouimetoscope.
5
Songeons à la restauration du Winter Garden à
Toronto au cours des années 1980, à celle du Monument-National de Montréal au début des années 1990 et, plus récemment encore, à celle du
Théâtre Corona, toujours à Montréal. Cet intérêt pour la restauration, la redécouverte et la préservation des lieux théâtraux et cinématographiques a donné naissance à des organismes et groupes de pression dans la plupart des pays occidentaux. Au Canada, il s’agit de la Société des
salles historiques.
11
L’expression est de Dolores Hayden, The
Power of Place in History —Urban Landscapes
as Public History (Cambridge, Mass. : MIT,
1995), p. 9.
12
Dont les principes de base ont été développés
par l’économiste français Claude Ponsard. Voir
en particulier son ouvrage History of Spatial
Economic Theory (Berlin : Springer, 1983).
185
13
Voir Alain Scharlig, « La localisation optimale », Où construire l’usine ? La localisation
optimale d’une activité industrielle dans la pratique (Paris : Dunod, 1973), pp. 7-26.
17
La Main ou « Principale » est le nom familier, même affectueux, que les Montréalais donnent au boulevard Saint-Laurent qui sépare l’est
de l’ouest.
14
18
Le plus bel exemple en est le Monument-National. Quelques années à peine après son inauguration, l’escalier principal de l’établissement
était réaménagé de façon à donner accès à toutes les parties de la salle.
Les raisons en sont multiples. Il y avait les
réticences du clergé mais aussi, et peut-être davantage, les lois du marché. Celui-ci était totalement dominé par les entreprises anglophones—
américaines—qui recrutaient une large part de
leur clientèle chez les Canadiens français.
15
Extrait du discours de l’abbé Démétrius-Charles Lévesque prononcé le 25 juin 1884 et publié
dans La Presse du 24 juin 1884 (p. 1). Il s’agit
de la seule version intégrale de ce discours dont
La Minerve du 27 juin 1884 (p. 3) n’avait donné
que des extraits. Voir annexe 1, infra.
19
À cause de l’analyse nécessaire et riche en
enseignement de la vaste documentation légale.
20
Discours de l’abbé Démétrius-Charles Lévesque.
21
16
Voir à cet égard Jean-Marc Larrue, le Monument inattendu—Le Monument-National de
Montréal (1893-1993) (Montréal : Hurtubise
HMH, 1993).
186
La Presse, 24 juin 1893, p. 4.
¿Obtiene lo que Busca la Gente
que Va al Teatro?
MIGUEL ANGEL SANTAGADA
ductores, empresarios y críticos, la práctica teatral se retraía de modo creciente debido al deterioro del poder adquisitivo de los espectadores.
Por el lado del teatro oficial, la poca afluencia
de público se explicaba invocando la competencia de otros medios de entretenimiento, que cobraron auge en forma progresiva y que resultaron ser competidores muy poderosos para la alicaída práctica teatral. En cuanto al teatro alternativo, el número reducido de asistentes quedaba explicado por el carácter elitista o marginal
de los productos que se ofrecían.
Aunque cada una de esas explicaciones retiene algo de cierto, ninguna de ellas se ajusta
estrictamente a los hechos. Aún en el período de
mayor crisis económica algunos espectáculos
comerciales siguieron convocando tan masivamente como en los mejores tiempos; ciertos productos alternativos lograron un impacto sin precedentes en el género, y el teatro oficial pudo
jactarse de haber llenado las salas con algunas
de sus ofertas. En el mismo sentido, el argumento
de los medios de entretenimiento alternativos,
tales como el video doméstico o la televisión por
cable no es válido en todos los casos; el supuesto de que la asistencia al teatro es equivalente a
cualquier otra fuente de entretenimiento, por
ejemplo, no considera que la copresencia física
puede ser para los espectadores un elemento
Los estudios de recepción teatral a que hacemos
referencia en este trabajo fueron desarrollados
con el propósito de analizar un aspecto del consumo cultural que por diversas circunstancias no
había sido abordado convenientemente. Por una
parte, la escasa tradición en nuestro país de investigaciones acerca de la práctica teatral del público impedía acceder a las demandas reales de
los espectadores en materia de temáticas, estilos
y propuestas escénicas. En general, los informes
acerca de los gustos o preferencias del público
carecían de la seriedad que suele exigirse en
ámbitos científicos y sólo quedaban validados
por la intuición o la audacia de los empresarios
o los críticos que los suscribían. De este modo,
el nivel de audiencia de un espectáculo sólo se
determinaba mediante el recurso a los hechos
consumados, sin que fuera posible preverlo con
razonable margen de realismo. Por otra parte, la
atención casi exclusiva dispensada a la producción estética dejaba sin asidero a cualquier preocupación por la calidad y el tipo de respuestas
de los espectadores frente a las ofertas teatrales.
Estos motivos ilustran la inadecuación de muchas explicaciones formuladas a raíz de la supuesta extinción del público teatral.
Por ejemplo, la merma de público del teatro
comercial1 provocaba que el negocio se hiciera
deficitario en algunas salas. En opinión de pro187
irreemplazable por el tipo de experiencias que
ofrecen los medios electrónicos.
Nuestro propósito, por lo tanto, fue analizar
los motivos por los cuales algunos espectáculos
mantenían la convocatoria y el nivel de respuesta del público, a pesar de los factores a los que
se adjudicaba ser la causa de que otros espectáculos tuvieran niveles muy bajos de concurrencia. Para ello adoptamos un criterio de análisis
según el cual la práctica de los espectadores es
afectada por disposiciones y competencias fundadas en la circulación de otros bienes simbólicos y en la forma de consumo cultural que los
propios espectadores hacen de esos bienes. De
este modo, la relación de los espectadores con
el teatro es concebida como coherente con sus
hábitus2 culturales, lo que puede implicar que
ciertos grupos de espectadores se vinculen con
el teatro a partir de modalidades preferenciales
de disfrute estético favorecidas por ámbitos no
teatrales de circulación cultural.
A primera vista, nuestro criterio de trabajo es
más bien obvio. De él puede derivarse que las
personas que consumen telecomedias, probablemente sólo irán al teatro a encontrarse personalmente con las estrellas de televisión. Sin embargo, nuestra pretensión no es demostrar un hecho
que los productores de teatro comercial ya conocen. Más bien, queremos enfatizar otro aspecto
de la cuestión, a saber: que la lectura de un texto
espectacular3 sigue, en líneas generales, el formato característico de los productos estéticos
más consumidos. En otras palabras, el problema
de la asistencia a las salas teatrales es planteado
no a partir de la rivalidad de las otras ofertas
culturales, sino desde una cierta complementariedad que el público de teatro encuentra en las
ofertas teatrales.
Un estudio realizado con públicos de teatro
comercial y no comercial parece indicar que la
decisión de ir al teatro no se refiere a un problema entre ofertas culturales competitivas4 . En
opinión de los espectadores, una salida se decide independientemente de su destino central; la
decisión de ir al teatro o al cine y la de cenar
afuera se toman casi siempre en forma conjunta,
aunque a veces por razones económicas muchas
parejas o grupos de amigos desistan de alguna
de ellas. Ahora bien, de hecho los espectadores
prefieren el cine. Para limitarnos a nuestro estudio, más del 80% manifestó sus preferencias por
el cine debido a variadas razones. Entre las personas con instrucción universitaria, la causa invocada más frecuentemente fue la del insuficiente número de ofertas valiosas. Entre las personas con instrucción media, se indicaron predominantemente dos razones: la poca difusión de
las actividades teatrales y el hecho de que casi
todas las salas teatrales se encuentren en el centro de la ciudad (mientras que hay salas cinematográficas en diversos barrios periféricos).
Es sugestivo que entre el grupo de entrevistados con mayor instrucción no se invocara la
cuestión de la promoción de los espectáculos más
que marginalmente. No obstante eso, muy pocos individuos de este grupo (al igual que el del
otro, de menor nivel de instrucción) pudieron
recordar espectáculos en cartel. Esta circunstancia parece confirmar que la gran mayoría de los
espectadores teatrales no repara en la cartelera a
la hora de decidir su ida al teatro. Entre los motivos de que eligieran el espectáculo en cuya función se tomó la encuesta figuran, en orden decreciente las recomendaciones de personas conocidas, la trayectoria o celebridad de los actores, el costo accesible de la entrada y finalmente
188
la crítica especializada. En las encuestas tomadas entre público de teatros no comerciales predominaron las respuestas por el costo accesible
y la trayectoria de los actores. En ningún caso
los espectadores respondieron que la temática o
el género fueran de su preferencia, o que conocieran la línea argumental o la propuesta estética del director. Aún entre los entrevistados que
dijeron concurrir asiduamente al teatro fue pequeño el número de respuestas afirmativas a la
pregunta de si consideraba, de algún modo, las
críticas especializadas.
Aunque no estamos del todo satisfechos con
la representatividad de los datos obtenidos, creemos razonable conjeturar que las disposiciones
del público teatral son en general bastante indiferentes respecto de las propuestas estéticas,
innovadoras o no. No es que sospechemos que
al grueso de los espectadores le resulta igual una
actuación técnicamente brillante que un desempeño mediocre. Simplemente puntualizamos que
estos rasgos de las ofertas escénicas no aparecen ni en las referencias a un espectáculo, ni en
los invocados motivos de la decisión de presenciarlo. Esta poco exigente relación de los espectadores con el teatro se asemeja sorprendentemente a las formas de vincularse con textos
massmediaticos, cuya circulación sólo merece
de parte de los consumidores la aceptación testimoniada en la sintonía o encendido del electrodoméstico correspondiente5 . De todas maneras, aunque sólo pueda hablarse en este caso de
un parecido superficial, vale la pena interrogarse acerca de otras formas de influencia ejercida
por los textos massmediáticos sobre las disposiciones generales de los espectadores teatrales.
Un caso que confirmaría dicha influencia es
la dificultad de muchos entrevistados por
conceptualizar la temática aludida por la
ambientación escenográfica que contrasta con la
relativa pericia con que pueden sintetizar la fábula. En diversos estudios6 encontramos que
muchos espectadores teatrales, al terminar el
espectáculo, no recordaban la disposición de los
decorados. En otro estudio, focalizado sobre la
interpretación de la escenografía, un grupo mayoritario de nuestros entrevistados manifestaron
no haber advertido aspectos tales como el tipo
de objetos que había en el escenario, si éstos
conformaban alguna indicación de época, o de
pertenencia a cierta clase socioeconómica de sus
dueños, etc.
A partir de un estudio relacionado con las
expectativas del público acerca del tipo de
ambientación que debe ofrecer un escenario se
pudo determinar que tales expectativas sólo se
refieren a decorados realistas, cuya función es
irrelevante o accesoria. Frente a estas respuestas, encontramos que los espectadores demuestran un alto porcentaje de aciertos con respecto
a preguntas acerca de la trama argumental. En
entrevistas grupales hemos observado que las
participaciones en los debates no son tan fluídas
cuando se discute el tema tratado en la obra o se
enjuicia el comportamiento de algún personaje.
En cambio, los entrevistados manifiestan mayor
interés cuando la consigna del debate se refiere
a aspectos de la fábula.
Otro caso que corroboraría la influencia del
consumo massmediático entre los espectadores
teatrales es la renuencia a proponer finales alternativos. Seis estudios en que se ofrecían diferentes variaciones para el final de un espectáculo, revelaron que la mayor concentración de respuestas se registraban a favor de la opción: el
final que tiene.
189
diversos punto de la ciudad. A diferencia de la
televisión, el teatro no es una práctica doméstica ni cotidiana, por lo que en lugar de plantear la
existencia de una vinculación general con el teatro, nuestro criterio se refiere más bien a formas
de vincularse con él a partir de hábitos de consumo más frecuentes.
El impacto producido por las denominadas
tecnologías de la comunicación es un fenómeno
muy complejo que ha afectado en más de un sentido a la cultura artística, tanto desde el punto de
vista de su producción como de su circulación y
consumo. En lo que concierne a la específica
relación del público con el teatro, observar y
cuantificar de algún modo la magnitud de dicho
impacto exige ante todo replantear el supuesto
de que el consumo teatral sería una práctica autónoma de individuos, separada de otras instancias del consumo cultural8 . Por nuestra parte,
sostenemos que para comprender la práctica de
los espectadores es insuficiente considerar sólo
sus respuestas a las diferentes ofertas teatrales,
testimoniadas en la asistencia a determinado espectáculo. Entendemos que una conceptualización de las demandas del público de teatro debe
seguir a un cuidadoso análisis de los consumos
preferenciales inducidos por los medios de mayor poder de convocatoria, dado que éstos
presumiblemente ejerzan alguna influencia en la
conformación de disposiciones y competencias
del público.
Ciertamente, nuestras indagaciones no avalan
ningún tipo de respuesta concluyente al título
de este trabajo. Sin embargo, pueden aportar a
una forma de teoría acerca de la recepción teatral donde estén incorporadas en la reflexión y
en el trabajo de campo la cuestión del vínculo
que los espectadores teatrales mantienen con
Se puede objetar que el tipo de estudios que
hemos presentado se refiere a opiniones de los
espectadores acerca del teatro, y no a estructuras más generales que puedan explicar su comportamiento. Por otra parte, a partir de la forma
en que cada espectador lee o disfruta un espectáculo teatral determinado no es seguro que pueda establecerse que sea ésa su vinculación general con el teatro. Ambas objeciones están implicadas, y por ello desarrollaremos en lo que sigue un argumento en favor del criterio que hemos adoptado.
En primer lugar, los datos que hemos reunido nos llevan a afirmar que las preocupaciones
del público, en tanto espectadores, no son compatibles con las de los estudiosos del teatro. El
consumo teatral transcurre bajo una escasa vigilancia de los propios consumidores. Al igual que
en innumerables ejemplos de la práctica cultural7, los propios agentes no están del todo seguros de las razones por las que eligen tal o cual
producto. Una mirada externa podría aventurar
alguna hipótesis al respecto, pero a riesgo de
mantener con los sujetos analizados una distancia que los estudios de campo, precisamente,
procuran reducir. De acuerdo con estas consideraciones, hemos propuesto estudiar la recepción
teatral insistiendo en las disposiciones que se han
ido forjando en los espectadores conforme la
práctica cultural logró imponer formas de disfrute preferenciales.
Por otra parte, un vínculo general de los espectadores con el teatro supondría una continuidad de ofertas y un despliegue de producción
que al menos en el contexto de nuestro país no
se registra. A diferencia del cine, el teatro no
ofrece un número tan variado de estrenos semanales, ni puede presentar ofertas simultáneas en
190
4
otros medios de comunicación artística. Dicha
cuestión permitiría tematizar la relación de los
espectadores con el teatro es de acuerdo con
modalidades preferenciales de disfrute estético
favorecidas por ámbitos no teatrales de circulación cultural.
1
Sin juzgar sobre sus méritos técnicos, denominamos teatro comercial a la práctica teatral financiada con recursos privados; teatro oficial a
la práctica financiada con recursos estatales,
desarrollada en salas públicas, y teatro alternativo a las propuestas vanguardistas, ya se financien con fondos privados, públicos o comunitarios. La distinción en la que nos apoyamos obedece más a una segmentación de públicos que a
un detenido análisis de propuestas estéticas.
El estudio se realizó entre 1994 y 1995. Se
consideraron cerca de 800 entrevistados.
5
Véase Macdonald, Masscult y Midcult, Industria Cultural y Sociedad de masas (Caracas,
Monte Avila, 1992) quien acerca de las preferencias del público, razona que es más fácil decir que es el público el que lo pide, que decir la
verdad, o sea que el público lo pide porque es lo
que le ofrecen.
6
Los estudios aludidos en este párrafo están informados Miguel Santagada, La noción de autoridad moral en En Familia de Florencio
Sánchez, VVAA, Las ópticas convergentes
(Tandil, EST, 1994)
7
Ang, 1985.
2
Pierre Bourdieu, Distinction, (Londres,
Routledge,1984)
8
Miguel Santagada, Espectáculos y espectadores Un estudio de campo (Tandil, mimeo, 1996)
3
Marco De Marinis, Semiotica del Teatro. (Milano, Studio Bompiani, 1982)
191
Collaborateurs et collaboratrices
Contributors
Colaboradores
JANE BALDWIN, Boston College (USA)
MARIA S. HORNE, University at Buffalo, The State
University of New York. (USA)
SOPHIE BASTIEN, Université de Montréal (Québec - Canada)
D AVID J IANG , University of Leeds (United
Kingdom)
MARIA BONILLA, Universidad de Costa Rica
(Costa Rica)
DAVID JONES, De Montfort University (United
Kingdom)
ROB BRANNEN, De Montfort University (United
Kingdom)
HÉLÉNE LALIBERTÉ, Université Laval (Québec Canada)
MARÍA ELSA CHAPATO, Escuela Superior de Teatro
(Argentina)
JEAN-MARC LARRUE, Collège de Valleyfield (Québec - Canada)
GABRIELA PÉREZ CUBAS, Escuela Superior de
Teatro (Argentina)
MARK MALINAUSKAS, Murray State University
(USA)
ANNMARIE K. DAVIS, Louisiana State University,
Baton Rouge (USA)
FRANÇOISE ODIN, Institut national des sciences appliquées (INSA), Lyon (France)
TIBOR EGERVARI, Université d’Ottawa (Ontario Canada)
CHRISTIAN PRATOUSSY, Université Lumière, Lyon
II (France)
ALAN FILEWOD, University of Guelph (Ontario Canada)
M ARTÍN ROSSO , Escuela Superior de Teatro
(Argentina)
A LEJANDRO FINZI, Universidad Nacional del
Comahue, Neuquén (Argentina)
ALVINA RUPRECHT, Carleton University, Ottawa
(Ontario - Canada)
TERESITA MARIA VICTORIA FUENTES, Universidad
del Centro (Argentina)
JEAN-PIERRE RYNGAERT, Institut d’Études théâtrales - Paris III (France)
LUCILE GARBAGNATI, Université de FrancheComté, Besançon (France)
ROBERT GERMAY, Université de Liège (Belgique)
MIGUEL ANGEL SANTAGADA, Escuela Superior de
Teatro (Argentina)
ODETTE GUIMOND, Cégep de Saint-Hyacinthe
(Québec - Canada)
CLAUDE SCHUMACHER, University of Glasgow
(United Kingdom)
JANA S. TIFT, Louisiana State University, Baton
Rouge (USA)
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