n°148 - Archives municipales de Nantes

Transcription

n°148 - Archives municipales de Nantes
S UPPLÉMENT
À
N ANTES P A SSION , M AGAZINE
DE L ’I NFORMATION MUNICIPALE N °148
-O CTOBRE 2004
LES 11 QUARTIERS NANTAIS
HISTOIRES DE QUARTIERS
Quinze pages d’actualité
L’hopital Bellier
à Doulon et le tour
de Chantenay
sur votre lieu de vie
HISTOIRES DE QUARTIERS
Départ du 22e Tour
de Chantenay en 1948.
Chantenay
Tour de Chantenay : la nostalgie
est toujours ce qu’elle était
Créé pour permettre aux ouvriers
des chantiers navals de se dépenser hors de leurs ateliers, le Tour de
Chantenay propose sa... 79e édition
le dimanche 31 octobre sur un
parcours totalement inédit, mais
dans le strict respect de la tradition
et des valeurs.
vec Sedan-Charleville qui souffle
cette année ses quatre-vingt
quatre bougies, le Tour pédestre de
Chantenay fait partie du petit peloton des précurseurs de ce qui est devenu,
depuis une trentaine d’années, le phénomène de la “course sur route” avec ses dizaines de milliers d’adeptes au départ de
classiques comme les 20 km et le marathon de Paris, Paris-Versailles ou Marseille-Cassis pour n’en citer que quelques
unes, chères au cœur des “joggers”.
A
Syndicalistes et militants communistes
Na n te s a u q u o t i d i e n
Les ouvriers des chantiers navals du Bas
Chantenay étaient à quelques millions de
foulées de ces préoccupations au tout
début des années 20. Et pourtant... La Première Guerre mondiale venait de s’achever
et le travail était dur sur le port ou dans les
ateliers de la navale et de l’industrie alimentaire. C’est dans ce contexte que
naquit l’idée de créer une association bap-
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tisée “Sport ouvrier chantenaysien”. Largement impulsée par des syndicalistes et
des militants communistes, cette structure, affiliée à la Fédération sportive du travail (aujourd’hui FSGT) avait pour objectif
de proposer aux ouvriers, qui travaillaient
souvent plus de soixante heures par
semaine, une activité physique et sportive
en dehors de leur cadre d’activité.
“C’était aussi une façon de leur faire
prendre une autre route que celle des
innombrables bistrots des quais où ils se
retrouvaient à la sortie des usines”, souligne Gérard Perron, ancien président du
Métallo sport chantenaysien (nouvelle
appellation du SOC depuis 1946) et garant
de la mémoire du club.
Une course au parcours longtemps immuable
La course à pied s’imposa logiquement
comme la discipline de base des membres
de l’association : “Il s’agit d’une activité
naturelle et... de nature, accessible à tous,
Place Jean-Macé (1979).
Arrivée en 1947,
place Jean-Macé.
quel que soit le niveau, et de surcroît très
peu onéreuse”, reprend Gérard Perron.
Les ouvriers se retrouvaient donc au gré de
leurs horaires à la sortie du travail pour
fouler les routes d’un quartier où la majorité d’entre eux résidaient. C’était l’occasion de défis, de courses... L’idée d’en
organiser une, plus formelle, devenait une
évidence. Elle fut bien sûr tracée à Chantenay avec, le dimanche 23 octobre 1921, un
départ donné à 9 h 30 à vingt-six coureurs
sur la place Jean-Macé où était également
jugée l’arrivée. Le parcours, longtemps
immuable, empruntait notamment les
boulevards de la Liberté et de l’Égalité, la
place Zola, les boulevards de la Fraternité
et des Anglais, la route de Vannes, le chemin de La Rochefoucauld et une kyrielle de
rues (Pont Saint-Joseph, Corps de Garde,
Pavillons, Réformes...). Le Populaire relate
en termes fleuris et éloquents cette première : “L’épreuve fut chaudement dispu-
tée entre tous les as pour la première place
qui revint au camarade Lagadic du SOC
avec un style remarquable et digne d’éloge, ainsi que le résultat d’un bon entraînement dans le merveilleux temps de 39
minutes. D’autres camarades comme
Cariou, Rousset, Drouais, Delassalle sont
dignes d’encouragement car pour le commencement de la saison de cross, ils ont
fourni une course splendide. On peut
signaler Drouet et Amiot qui ont réussi à se
classer malgré leur jeune âge, Bretesche
et Leduc qui ont dû abandonner, l’un par
chute, l’autre par point de côté !”
En espadrilles ou en sandales
Le Populaire remerciait aussi les donateurs “ayant offert au groupe une certaine
somme pour organiser l’épreuve” ainsi
que “les contrôleurs pour leur impartialité
et leur dévouement” mettant ainsi en
valeur tous les ingrédients qui, avec les
évolutions liées aux années passées,
constituent encore le fondement d’une
course sur route au 21e siècle.
Les vingt-six pionniers, majoritairement
membres du SOC, même si des coureurs
d’autres clubs nantais, en particulier l’Association sportive des ouvriers nantais
(ASON) avaient répondu à l’invitation,
étaient-ils conscients d’écrire la première
page d’une histoire ? C’est fort improbable.
Les tenues des coureurs furent longtemps
très sommaires. La plupart gardaient le
béret sur la tête, ancêtre sans doute des
casquettes actuelles. Ils portaient des
pantalons de golf ou des shorts tombant
aux genoux. Si quelques-uns, un peu plus
fortunés, se faisaient confectionner des
chaussures de cuir, la plupart se contentaient d’espadrilles ou de sandales nouées
autour des chevilles dont ils enduisaient
les semelles de goudron pour éviter de
glisser. Une foule nombreuse se massait
sur le circuit mais surtout place Jean-Macé
pour fêter les coureurs et participer au...
vin d’honneur d’une journée placée sous le
signe de la fête.
Équipe Métallo sport chantenaysien en 1947/1948.
Les éditions se succédèrent annuellement,
seulement interrompues par la Deuxième
Guerre mondiale qui vit, hélas, bon nombre
d’ouvriers et sans doute de coureurs tomber au champ d’honneur. C’est pour pallier
une disparition presque inévitable du SOC,
suite aux conséquences de ce conflit,
qu’une concertation des comités d’entreprises des Anciens chantiers Dubigeon, de
la Compagnie nantaise de réparations
navales (CNRN) et des Établissements
Joseph Paris déboucha sur la création en
}
1946 du Métallo sport chantenaysien.
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Dans l’après guerre naît le Métallo
sport chantenaysien
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HISTOIRES DE QUARTIERS
} Si le club aux couleurs jaunes et bleues
proposa alors à ses adhérents (ouvriers et
leurs familles) une palette d’activités élargie (football, basket, culture physique et
par la suite volley, rink-hockey, pétanque,
tennis...) il s’inscrivit dans la lignée du
SOC, avec notamment une forte section
athlétisme-cross et la relance dès 1947 du
Tour de Chantenay. Les grands dirigeants
du Métallo, MM. Leho, Nassel, Bruneau,
les présidents Clenet, Jahier, Delangle,
Perron et aujourd’hui Patrick Rouxel, ont
toujours perpétué les valeurs édictées par
le SOC : “Le Tour de Chantenay les illustre
bien, explique Gérard Perron. Il y a d’abord
la proximité puisque la course n’a jamais
quitté le quartier même si les parcours ont
évolué, notamment pour s’adapter aux exigences de la circulation, avec un quartier
général désormais installé, par commodité, devant la mairie. Il y a aussi le bénévolat et l’amateurisme intégraux. Les gens
qui viennent courir chez nous peuvent prétendre à une coupe selon leur classement
et à un verre... ou plusieurs lors du pot de
l’amitié. Il y a surtout la tradition et la
convivialité. La tradition est illustrée, en
général tous les cinq ans, par les tenues de
coureurs ou déguisements des années 20
que nous arborons en mémoire des pionniers. La convivialité enfin, par l’esprit festif qui anime les organisateurs et les 150 à
200 participants dont une bonne bande
d’enfants du quartier disputant de petites
courses avant celle des adultes limitée à
une dizaine de kilomètres pour rester
accessible au plus grand nombre.”
qu’elle était. Gérard Perron évoque avec
émotion “les équipes qui partaient à l’assaut de petits lots pour les coureurs : une
boîte de sardines chez l’épicier ou une
chopine au café du coin, quitte à ressortir
un rien éméché comme Corentin Bourvéau
dit “Tintin”, recordman de l’épreuve avec
neuf victoires. Ce qui du reste ne l’empêchait pas de courir et de gagner le lendemain !” La machine à alcool qui tirait les
résultats un à un a cédé la place à l’informatique. Les ouvriers côtoient aujourd’hui
au Métallo le professeur d’université, le
prêtre, le boucher, le juriste ou le cheminot, signe de la mutation sociologique du
quartier. Chantenay évolue, mais son Tour
pédestre, lui, demeure. Fidèle, Indéracinable.
Corentin Bourvéau, dit “Tintin”,
recordman de l’épreuve
JACQUES CHANÉAC
Alors, bien sûr, l’eau a coulé sous le pont
de Cheviré avec le temps... Les femmes,
longtemps non grata dans le milieu des
routards, y ont pris toute leur place.
La “réclame” de proximité n’est plus ce
Horaires (départ et arrivée, mairie de
Chantenay) : Courses jeunes (poussins à
minimes) : 10 h. 79e Tour de Chantenay,
1er Trail urbain nantais : 10 h 30.
Renseignements : 02 40 49 51 22.
www.mscnantes.fr.st
Au centre “Tintin”
Bourvéau, recordman
de l’épreuve avec
neuf victoires.
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Gérard Perron, ancien président du Métallo sport
chantenaysien et mémoire du club.
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Le Tour à l’heure
du “trail”
Dimanche 31 octobre, Fréderic Chocteau,
coureur sur route de niveau national, formé
au Métallo sport, tentera d’égaler le record
de neuf victoires détenu par Tintin Bourvéau.
Outre ses adversaires, il devra domestiquer
un parcours tout à fait original.
“Nous avons voulu utiliser les ressources
et les reliefs du quartier Chantenay pour
proposer un de ces tracés, baptisés “trail”,
alliant découverte de la nature et difficultés
dont raffolent de plus en plus les coureurs
hors stade, notamment citadins, soit la
majorité de nos participants, explique le
président Patrick Rouxel. En fait, il s’agit
d’une balade... mais en courant, tout en
sachant que le Tour se parcourt à allure libre.
Il n’est surtout pas interdit de s’arrêter en
haut des marches de Sainte-Anne pour
admirer la Loire en contrebas, ni de regarder
la fresque des Acadiens.”
Alternant rues, chemins de terre, ruelles,
parcs et escaliers, le nouveau parcours
devrait - aux dires des organisateurs permettre aux habitants de redécouvrir leur
quartier : “Ça été le cas pour nous !” Entre
sites nouveaux, anciens et... insolites, les
coureurs traverseront entre autres le parc de
la Boucardière, le square Maurice-Schwob,
ils longeront des maisons typiques et
rendront hommage aux sites industriels des
quais (Amieux, Blanzy Ouest, raffinerie de
sucre, Dubigeon) découvriront le musée
Jules-Verne après avoir escaladé la butte
Sainte-Anne, et passeront devant l’école des
Garennes (immortalisée par le film Mercredi
folle journée !). L’ensemble des deux boucles
représente 13,1 km mais la beauté de ce tracé
justifie l’effort...
Doulon
Construit au début du XXe siècle sur
la fortune et la propriété d’ÉmileLéon Bellier, l’hôpital qui porte
toujours son nom a vécu au rythme
de Doulon et son canton, de l’afflux
d’ouvriers, aux bombardements de
1944, jusqu’à sa transformation en
pôle gériatrique en 2003.
est sur un terrain de 6 000 m 2
entre un jardin à l’anglaise et un
potager qu’Émile-Léon Bellier, a
construit il y aura bientôt cent ans,
l’hôpital cantonal de Doulon qui porte son
nom. Né en 1835 à Angers, fils d’un magistrat du tribunal d’Angers et petits-fils d’un
officier de marine, il a fait toute sa carrière
dans l’administration des Eaux et Forêts,
jusqu’au poste d’inspecteur général. C’est
en visitant une maison hospitalière au
cours d’une de ses inspections aux environs de Paris, que lui vient l’idée de créer
l’hôpital dans la propriété familiale de la
Chalandrie. Veuf depuis 1898 et sans enfant, l’homme est très sensible à la souffrance de ses concitoyens. En 1895, avec
un premier don en or, il avait déjà doté la
commune de Doulon d’une subdivision de
vingt sapeurs-pompiers. Léon Bellier dessine lui-même les plans de l’hôpital qui
C
’
sort de terre après deux ans de construction. “Il a bien senti que c’était une nécessité dans le coin, souligne Noël Guillet de
l’association Doulon histoire. À l’époque,
le quartier était composé d’une population
rurale vers le Vieux-Doulon et d’ouvriers du
côté de Toutes-Aides avec la présence de la
Manufacture de tabac et de nombreuses
usines. Des cheminots et des conducteurs
de tramways sont aussi venus s’installer”.
En février 1903, Léon Bellier fait don du
nouvel établissement hospitalier au
Conseil général à la condition exclusive
que “les malades de la commune de Doulon et des autres communes du canton de
Carquefou ainsi que les étrangers se trouvant dans les communes de ce canton y
soient traités”. Deux autres dons permettront d’équiper l’établissement (meubles,
linge, literie, matériel médical) et de payer
}
les premiers mois de fonctionnement.
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L’Hôpital Bellier : une histoire
de souffrance et de dévouement
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HISTOIRES DE QUARTIER
Noël Guillet de l’association “Doulon
histoire” raconte l’hôpital Bellier,
de sa création au début du siècle
dernier, à nos jours.
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} Une fréquentation en hausse
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L’hôpital ouvre ses portes le 1er février
1904. Les bâtiments, composés d’une partie centrale et de deux ailes avec sous-sol
et un étage, permet d’accueillir trente-sept
patients. Un pavillon isolé au fond du parc
est destiné aux malades contagieux.
L’équipe médicale est dirigée par le docteur Labeyrie, médecin chirurgien, et assistée par cinq sœurs franciscaines de SaintPhilbert-de-Grandlieu. On peut s’y faire
soigner, opérer, faire des radios ou consulter un spécialiste (ORL et ophtalmologiste).
La première année, soixante dix-huit
patients y sont soignés soit 2 657 journées
de traitement. L’hôpital acquiert vite un certain renom et sa fréquentation augmente
avec la population du quartier. “En trente
ans, entre 1896 et 1926, la population de
Doulon a doublé pour atteindre 10 035
habitants”, note Noël Guillet. Le rapport
d’activité pour l’année 1914 fait état de
quatre cent cinquante et un malades
accueillis et 12 164 journées de traitement.
En 1921, le docteur Labeyrie est remplacé
par un trio formé à l’internat nantais, les
docteurs Ertaud (chirurgien), Mauger (ophtalmologiste) et Lucas (médecin). “Le docteur Paul Lucas a soigné toutes les vieilles
familles de Toutes-Aides, souligne Noël
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L’hôpital touché
par 18 bombes le 27 mai 1944.
Guillet. Il se déplaçait toujours en voiture
avec son chauffeur pour aller visiter ses
malades.” Son cabinet installé rue Francisde-Préssencé, à deux pas de l’hôpital, lui
permettait de concilier ses deux activités.
Les dures années de la guerre
Rendu à la vie civile, dès le début de la
guerre, à cause de son âge, Paul Lucas
reste le seul médecin en poste à Bellier. Il
parvient à détourner les convoitises des
Allemands et à cacher de jeunes requis
pour le travail obligatoire et déportés en
permission. “Par des subterfuges adroits :
centre de contagieux, maison de tuberculeux… nous réussîmes à détourner leur
attention et continuer notre œuvre”,
raconte Paul Lucas, dans L’hôpital Bellier,
publié en 1964. Pour faire face à la
demande de la population, une extension
des bâtiments est achevée en été 1942. Le
16 septembre 1943, l’aviation américaine
visant le port bombarde l’Hôtel Dieu.
“Bellier a sans doute été protégé par la
croix rouge peinte sur son toit”, suppose
Noël Guillet. Les blessés sont envoyés à
l’hôpital de Doulon où le docteur Lucas
dirige un poste de secours. “La nuit venue,
nous continuâmes notre besogne à la
lueur lugubre des lampes à pétrole, le cou-
Émile-Léon Bellier, 1835-1912.
L’hôpital Bellier
au début du siècle.
Du provisoire en attendant la
reconstruction
À la Libération, il faut penser à reconstruire et convaincre le Département et le
ministère de la Santé de la nécessité de
rétablir l’hôpital. En attendant le résultat
de ces tractations, l’équipe médicale s’installe en juin 1946 dans une ancienne
fabrique de parfums, “l’Œillet Maritime”,
rachetée par le conseil paroissial. Le bloc
opératoire, un cabinet de pansement et
une radio sont installés ainsi que des
chambres permettant l’accueil de trente
malades. “À la fin du mois, tous les lits
étaient occupés et nous étions obligés de
refuser des malades, faute de pouvoir les
loger”, écrit Paul Lucas. Il faut attendre le
22 avril 1948 pour que le Conseil général
vote la reconstruction de l’établissement
hospitalier. Le 26 février 1949, les travaux
sont inaugurés en grande pompe. L’architecte départemental Ferré, qui dirige le
chantier, conserve son aspect extérieur
mais rénove l’intérieur : le bloc opératoire
est modernisé, les dortoirs laissent la
place à des chambres. Les Doulonnais
retrouvent enfin leur hôpital en juin 1950.
Il ne compte que trente lits, mais ils sont
d’autant plus appréciés que suite aux
bombardements, la capacité hospitalière
de Loire-Atlantique est tombée au 81e rang
des départements français.
L’équipe médicale reprend son activité
puis, après quelques années, est remplacée par d’autres médecins détachés du
Centre hospitalier régional. Une collaboration renforcée en 1961 quand l’hôpital cantonal Léon-Bellier devient hôpital public
par décret. Médecins, chirurgiens, spécialistes vont continuer de soigner les habitants de Doulon et du canton de Carquefou
encore une trentaine d’années. “On venait
pour se faire enlever l’appendice ou pour
de petites opérations”, se souvient Noël
Guillet. Après la construction d’une nouvelle aile en 1972, l’hôpital connaît une
dernière transformation plus radicale à la
veille de son centenaire. Les équipements
vieillissant, le CHU décide en 1997 de
reprendre à son compte l’activité chirurgicale et de donner à l’établissement une
vocation gériatrique exclusive. À l’automne 2000, de grands travaux d’extension et
restructuration sont lancés. L’hôpital Bellier connaît alors sa troisième naissance.
En octobre 2003, il offre une capacité de
cent lits gériatriques et vingt-cinq places
en hôpital de jour de psychogériatrie.
Peut-être compte-t-il dans ses patients
des anciens du quartier qui se souviennent
de la générosité d’Émile-Léon Bellier et du
dévouement du docteur Lucas.
LAURENCE COUVRAND
Luc Aspaul (Paul Lucas), Une page de
l’histoire nantaise : l’hôpital Bellier,
1964.
Société d’Histoire de la Médecine
et des Hôpitaux de l’Ouest.
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rant ayant été coupé, témoigne le médecin.
À 3 h 30, le lendemain matin, nous achevions de panser le dernier blessé, 97e
dénombré.” Après le deuxième bombardement du 23 septembre, le préfet ordonne
la fermeture de Bellier. Les malades sont
évacués dans les hôpitaux du département. Le personnel et le matériel sont
répartis entre l’hospice de Vertou et le
Gâvre. Le docteur Lucas reste seul sur
place avec les sœurs franciscaines et aménage un poste de secours de la Défense
passive en abri de bombardement. Situé à
proximité du nœud ferroviaire de Montigny
où se rejoignaient les lignes venant de
Bordeaux, Tours, Paris, Rennes et Caen,
l’hôpital vivait avec une épée de Damoclès
au-dessus de la tête. La nuit du 27 mai
1944, dix-huit bombes américaines tombent sur l’établissement. Les cinq malades
hospitalisés et les religieuses ont le temps
de se réfugier dans la cave mais c’est un
bâtiment en ruine que l’on découvre au
petit matin. “Il y a eu quatre-vingts morts
dans le quartier, rappelle Noël Guillet et il
ne restait plus rien du tout dans ce coin”.
Le poste de secours étant inutilisable, les
blessés sont évacués vers l’hôpital complémentaire installé à l’école Livet.
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