Les plus marginaux des bénévoles - Centre d`action bénévole de
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Les plus marginaux des bénévoles - Centre d`action bénévole de
DOSSIER s u l p s Le naux i g r s a e l m névo é b s de r sacre n o c à oles res et v é n é i des b impopula de le e v i t o s ue qui m des cause mieux q ssés. e c st ps à ? Quoi de ux intére Qu'e m e t rmés o es ipa du f c é s s n i i n l r ra ina xp lais t ient plus a marg ander au é r t n s Mo ne pourra olat. dem e d c i e v es av ience, qu s le béné r t n o r Renc eur expé ur vie san par l aginer le im 1er juin 2015 | ITINERAIRE.CA 19 Bénévolat extrême Les bénévoles sont des denrées rares et précieuses au Québec, la province qui a le plus faible taux d'engagement volontaire au pays. Alors qu'on se bouscule aux portes d'organismes aux causes populaires comme l'aide à l'enfance, les volontaires sont beaucoup moins nombreux à s'engager auprès d'une clientèle marginalisée et stigmatisée comme les délinquants sexuels, les détenus ou encore les gens atteints du VIH-sida. Malgré tout, certains répondent à l'appel. Peut-on alors parler de bénévoles de l'extrême ? PAR CATHERINE GIROUARD S elon Statistique Canada, les trois principales raisons qui poussent les gens à faire du bénévolat sont le désir de contribuer à la communauté (93 %), celui de mettre à profit leurs compétences et leur expérience (78 %), ou encore le fait d'être personnellement touchés par une cause (59 %). Mais, certaines causes sont plus populaires que d'autres. «Nous manquons toujours de bénévoles pour le soutien aux personnes âgées, les popotes roulantes, les visites amicales et les accompagnements médicaux, énumère François Lahaise, agent des communications au Centre d'aide bénévole de Montréal, qui aide les organismes à recruter des volontaires. Et lorsqu'on publie des annonces de bénévolat pour s'impliquer auprès de délinquants sexuels avec le Cercle de soutien et de responsabilité du Québec (CSRQ), par exemple, nous ne recevons pas une tonne de réponses non plus.» Pascal Bélanger, coordonnateur général de l'ARCAD, un organisme qui offre des activités aux détenus dans les 20 ITINERAIRE.CA | 1er juin 2015 pénitenciers fédéraux, croit que ces difficultés à recruter pour des organismes comme le sien sont inhérentes à la peur. Dans le cas des prisons, la peur est amplifiée par la fausse représentation qu'en font les médias. «Je n'ai pas encore vu un seul bénévole dans Unité 9, alors qu'il y en a 9000 impliqués dans les prisons du pays», fait-il remarquer au passage. «Il faut rappeler que le bénévolat n'est pas considéré comme séduisant en soi», ajoute M. Lahaise. Les Québécois ne sont d'ailleurs que 33 %, selon les statistiques, à répondre à l'appel. En plus d'être moins nombreux à s'y adonner que dans le reste du pays, ils y consacrent aussi moins d'heures. François Lahaise croit même que ces statistiques dressent un portrait plus rose de la réalité qu'elle ne l'est. «Ça voudrait dire que plus de 2 millions de Québécois font du bénévolat, souligne-t-il. Si c'était le cas, des centres de recrutement de bénévoles comme le nôtre n'existeraient pas.» Selon M. Lahaise, notre faible taux d'engagement pourrait s'expliquer en partie par la perte de notre esprit de «vivre ensemble», encouragé depuis plusieurs années par la promotion de l'individualisme. «On se fait répéter jour après jour à travers des centaines de messages publicitaires de penser à soi; ça finit par avoir des répercussions sur nous.» «Mais essayer le bénévolat, c'est l'adopter», assure l'agent des communica- DOSSIER Envie de vous engager? Plus de 600 activités au sein de plus de 400 organismes sont offertes sur le site du Centre d'action bénévole de Montréal. cabm.net Il n'est pas plus difficile d'aider une personne en détention qu'un élève en difficulté. tions. Tous les bénévoles rencontrés dans le cadre de ce dossier étaient du même avis. Même des études le prouvent : le bénévolat serait bon pour la santé psychologique et physique de ceux qui le pratiquent. minceur – est passé de quelques dizaines de milliers de dollars par année à zéro. Pascal Bélanger, Ces causes ne passant pas bien la rampe coordonnateur général de l'ARCAD de l'opinion publique, elles peinent à trouver d'autres sources de financement. L'ARUne réputation à refaire CAD et le CSRQ sont donc voués à une mort imminente – «Il n'est pas plus difficile d'aider une personne en détention qu'un élève en quelques mois à peine – si rien ne change. Il y a pourtant là un enjeu de santé publique important. difficulté», fait valoir Pascal Bélanger. «Il n'y a, quant à moi, d'extrême que le «Moins les gens pourront recevoir d'aide, plus la société sera contexte; l'activité en tant que telle est pas mal plus soft qu'on peut l'imaginer.» Tous sont encore une fois d'accord sur ce point. Leurs causes n'auraient donc malade», prévient M. Lahaise. Ces compressions budgétaires coupent l'herbe sous le d'extrêmes que leur réputation. «Les bénévoles qui travaillent chez Tel-Aide ou Suicide Action ou auprès d'enfants gravement malades vivent à mon avis des pied de gens qui sont pourtant prêts à s'impliquer corps et âme pour le bien-être de la société. «Ce qui me fait situations plutôt extrêmes», nuance M. Lahaise. peur, c'est que ces coupures m'enlèvent presque cette pasOrganismes et bénévoles en voie de disparition sion et ce désir de m'engager. Ça finit par ronger», dira Mais cette réputation qui colle à la peau d'organismes comme l'ARCAD ou le enfin Annick Lavogiez, bénévole engagée dans plusieurs CSRQ n'est pas sans répercussions. Attirant peu de capital de sympathie poli- causes, dont le CSRQ. Et ces mots résonnent fort, quand tique, surtout auprès des Conservateurs, ils sont maintenant victimes de coupures ils viennent de la bouche de la médaillée de la paix par les financières majeures. Leur budget de fonctionnement – pourtant déjà au régime YMCA du Québec pour la qualité de son engagement... 1er juin 2015 | ITINERAIRE.CA 21 Une main tendue entre les barreaux Les mardis et jeudis soir, Jacques Fréchette est toujours occupé. Il soupe en vitesse après le travail, pédale jusqu'au métro Saint-Michel où il rejoint son groupe de covoiturage, direction Laval. Ce n'est pas pour ses soirées hockey ou entre gars, mais plutôt pour ses soirées de bénévolat où il anime des activités sociales dans des pénitenciers. PAR CATHERINE GIROUARD PHOTO : CATHERINE GIROUARD J acques Fréchette a commencé à faire du bénévolat en prison par accident, raconte-t-il autour d'un café sur la rue Masson. Un ami hongrois lui a lancé l'invitation durant sa maîtrise. Déstabilisé par cette offre qui sortait de l'ordinaire, il réfléchit pendant six mois avant de tenter le coup. Il était alors loin de se douter que la prison ferait dès lors partie prenante de sa vie. 14 ans plus tard, le quinquagénaire qui travaille le jour à LEUCAN se rend encore aux pénitenciers deux fois par semaine, un soir pour jouer à des jeux de société, l'autre pour jouer au volleyball. «Il y a parfois des choix qui nous choisissent, dit-il avec philosophie en sirotant son double court. On ignore parfois pourquoi, mais il y a des choses qui nous interpellent et le cœur répond à l'appel. J'ai simplement envie d'offrir une main tendue.» La réalité vs le préjugé : deux poids, deux mesures Au début, Jacques ne savait pas du tout à quoi s'attendre. Il avait certaines craintes. Même si l'organisme ARCAD, par l'entremise duquel il s'implique, prévient les bénévoles que la réalité en prison est différente de l'image véhiculée par les médias, le choc fut grand. «Il y avait un fossé en moi entre la réalité et l'image que je m'étais construite de la prison, se souvient-il. Quand tu es à l'intérieur, la prison prend toute une dimension humaine insoupçonnée.» Ne pas porter de jugement sur les détenus qu'il côtoie ne s'est pas fait du jour au lendemain. «Au début, je voulais en savoir le moins possible sur ce qu'ils avaient fait pour ne pas les juger. Moins j'en savais, mieux c'était», avoue-t-il. Peu à peu, il a appris à voir l'homme derrière le crime. «Quand tu connais l'histoire de ces gars-là, tu te rends compte qu'ils ont manqué d'amour et qu'ils ont été laissés à eux-mêmes trop jeunes, affirme-t-il. Ils étaient à la base des victimes qui ne se savaient pas victimes.» En tendant la main aux prisonniers durant des activités 22 ITINERAIRE.CA | 1er juin 2015 de socialisation où ils sont traités comme tout le monde, Jacques et les autres bénévoles de l'ARCAD cherchent à humaniser l'incarcération. «Le gouvernement Harper opte plutôt pour la vieille approche punitive. Mais veut-on que les détenus puissent fonctionner dans notre société à leur sortie de prison, ou veut-on simplement leur mise aux fers?», questionne-t-il. Aller au bout de son petit mystère Inutile de chercher de midi à 14 h ce qui motive Jacques. « Je n'ai d'autres explications à donner que mon désir de faire ma petite part, de donner un sens à la vie », expliquet-il après un moment de silence, s'appliquant à trouver les mots justes. Ce dernier ne considère pas son bénévolat comme étant extrême en soi. «Je suis sportif et compétitif de nature, je m'amuse vraiment quand je vais en prison!, lâche-t-il. Pour moi, ce qu'il y a d'extrême dans mon bénévolat, c'est de ne rien attendre en retour.» Son implication a-t-elle changé la personne qu'il est? «Tout à fait, c'est comme si j'avais ouvert une toute petite fenêtre en moi qui aère les pièces de mon intérieur», répond-il avec poésie. Son bénévolat le rend-il plus heureux? «Plus entier», ditil plutôt. Dans quelques heures, Jacques se rendra justement en prison pour une partie de volleyball. Un soir de match éliminatoire du Canadien. En enfilant son casque, Jacques me dit qu'on devrait parler de sa passion pour le vélo, lors d'une prochaine entrevue. Adepte depuis ses 15 ans, il ne compte plus les kilomètres qu'il a parcourus sur deux roues. «J'habitais à la campagne durant ma jeunesse; mon vélo me permettait de m'évader de ce que je percevais comme étant ma prison. Mais je n'avais pas compris que ma prison était dans ma tête.» Comme quoi tous les outils sont bons pour faire tomber les murs... même une main tendue. DOSSIER Pour moi, ce qu'il y a d'extrême dans mon bénévolat, c'est de ne rien attendre en retour. Je donne, mais je plonge sans attente. - Jacques Fréchette L'ARCAD Depuis 1965, l'Association de rencontres culturelles avec les détenus organise des activités de socialisation entre des détenus et des citoyens libres. Des jeux de table, des activités sportives ou artistiques servent de prétexte pour permettre aux détenus d'agir dans un contexte plus humanisant et où ils sont traités comme tout le monde. L'organisme compte presque uniquement sur l'action de bénévoles pour mener ses activités. Budget annuel de l'organisme : 70 000 $ Mort annoncée : fin juillet, si le gouvernement ne change pas son fusil d'épaule. « Avec mon budget annuel, je fais voler un CF18 pendant deux heures », ironise le coordonnateur de l'organisme, Pascal Bélanger. 1er juin 2015 | ITINERAIRE.CA 23 J'apporte un peu de tendresse à ceux qui en ont besoin. - Marguerite Ronaldo 24 ITINERAIRE.CA | 1er juin 2015 DOSSIER Toucher pour guérir Tous les jeudis après-midi, Marguerite Ronaldo se rend à la Maison d'Hérelle. Depuis 1994, la massothérapeute aujourd'hui à la retraite offre bénévolement des massages aux résidents atteints du VIH-sida. PAR JULIE LEVASSEUR PHOTO : JULIE LEVASSEUR A u troisième étage du centre d'hébergement se do fait régulièrement des bilans avec les intervenants trouve une petite pièce chaleureuse aux lumières et les usagers. Certains bénéficiaires se surprennent tamisées et à l'atmosphère de détente. C'est là eux-mêmes lorsqu'ils remarquent l'amélioration de leur que Marguerite Ronaldo reçoit les bénéficiaires de ses qualité de vie et sont très reconnaissants envers la bénéséances de «thérapie émotionnelle et corporelle», comme vole. «Ils n'ont pas toujours les mots pour le dire, mais on le elle les décrit. sent», confie-t-elle souriante. La massothérapie est complémentaire aux traitements médicaux, explique la bénévole. «Le toucher a un S'aider en aidant pouvoir à mi-chemin entre la psychologie et la médecine. La massothérapeute en apprend beaucoup sur elle-même Les massages permettent aux clients de faire le point, de dans le cadre de son implication. La Maison d'Hérelle lui donne, entre autres, l'occasion de confronter prendre conscience de leur corps et de profiter ses préjugés. «J'ai appris qu'il n'existe pas de aussi du moment.» clientèle type; le VIH-sida peut toucher n'imMme Ronaldo donne aux personnes séroJe ne veux porte qui dans la société. Ma mission est d'aipositives l'occasion de prendre soin d'elles et de se sentir mieux dans leur peau. «C'est pas changer der les gens plus démunis et rejetés pour leur apporter un peu de richesse humaine.» un acte d'amour pour leur donner un second le monde, Après 20 ans de bénévolat, l'expérience souffle», résume-t-elle. est toujours aussi gratifiante pour Marguejuste faire rite Ronaldo. Un baume sur la maladie «Il y a une forme de liberté dans ma part. Au-delà des massages, le bénévolat de l'acte d'aider les autres sans rien attendre en Marguerite Ronaldo repose en grande parretour», estime-t-elle. Son implication lui tie sur l'écoute active. «Les clients ont connu procure un équilibre et lui permet de satisun cheminement difficile et ont eu plusieurs deuils à faire faire son côté humanitaire. «Je me soigne en soignant les à la suite de leur diagnostic : leur santé, leur emploi, leur autres. C'est un travail à la chaîne où chacun donne au entourage qui les rejette, etc.», révèle-t-elle. suivant pour améliorer la situation sociale.» Son défi est d'apprivoiser la «clientèle» parfois difficile d'approche. Elle les accompagne dans les différentes étapes de la maladie, que ce soit vers la rémission ou la fin de leur combat. Pour bien des «clients», il s'agit d'une Située en plein cœur de Montréal, la première expérience de massage. «Il y en a qui n'ont Maison d'Hérelle est un centre jamais été touchés comme ça dans leur vie», révèle Mme d'hébergement communautaire adapté Ronaldo, qui doit être patiente et y aller étape par étape. aux besoins des personnes atteintes du «Tout est dans la façon de désamorcer les peurs, afin de créer un lien de confiance.» VIH-sida. Depuis sa fondation en 1990, Au fil des séances, la massothérapeute établit une relala Maison d'Hérelle a accompagné près tion de proximité avec les résidents de la Maison d'Héde 1000 personnes séropositives. relle, qui sont «comme une grande famille». Mme Ronal- La Maison d'Hérelle 1er juin 2015 | ITINERAIRE.CA 25 Bénévoles et marginaux Leur engagement et leur mobilisation rendraient jaloux plusieurs employeurs. Pour preuve : ils sont quatre bénévoles à accompagner leur coordonnateur – lui aussi bénévole depuis peu en raison des coupes budgétaires du fédéral – à venir rencontrer L'Itinéraire. Leur cause n'est pourtant pas des plus séduisantes : soutenir et responsabiliser des délinquants sexuels à haut risque de récidive. PAR CATHERINE GIROUARD PHOTO : CATHERINE GIROUARD D ifficile de dresser un portrait type du bénévole du Cercle de soutien et de responsabilité du Québec (CSRQ) après un tour de table. Maxime Falardeau, un policier membre de l'équipe de soutien aux urgences psychosociales. Fernand Bessette, Frère et doyen de l'organisme du haut de ses 71 ans. Christophe De Muylder, venu de Belgique pour apprendre les méthodes avantgardistes de justice réparatrice des CSR. Et Annick Lavogiez, une jeune femme dans la trentaine, très impliquée dans plusieurs causes. Leur trait commun : ils se sentent tous investis d'une double mission. «En aidant ces délinquants sexuels à se reprendre en main, ce n'est pas juste leur vie qu'on aide à remettre sur le droit chemin, c'est aussi plein de victimes potentielles qu'on essaie d'éviter », explique d'entrée de jeu Annick Lavogiez. Une fois par semaine, ces quatre bénévoles et des dizaines d'autres prennent le temps d'écouter, de soutenir, de rassurer et de conseiller des délinquants sexuels qui ont terminé de purger leur peine, mais qui sont toujours considérés à haut risque de récidive. Ils deviennent les confidents de ces hommes marginalisés, leur apportent un soutien et les aident à lutter contre leurs démons intérieurs. Cette aide n'est pas banale quand on sait que l'isolement social est l'une des plus grandes causes de récidive pour ces hommes stigmatisés et rejetés. Des bibittes rares L'implication de ces bénévoles fait parfois l'objet de discussions animées. Pas étonnant : la délinquance sexuelle est considérée comme étant le crime suprême. Mais l'impopularité de leur cause explique en quelque sorte une des raisons de leur implication. «J'avais envie de m'impliquer auprès d'eux parce que ces hommes sont négligés par le système, affirme le policier Maxime Falardeau. Les alcooliques, les hommes violents, les femmes abusées, tout le monde a son service d'aide, sauf eux.» «Ça convient aussi à mon goût personnel d'être dans la marge, avoue pour sa part Christophe De Muylder. Il faut 26 ITINERAIRE.CA | 1er juin 2015 bien que quelqu'un soit là où personne n'a envie d'aller.» Mais l'histoire de ces hommes n'est-elle pas des plus lourdes à partager ? Oui, parfois. Le Frère Bessette se souvient d'avoir quitté un cercle un soir, attristé et préoccupé par l'état d'un des hommes. Ce dernier était révolté d'être habité par des envies qu'il savait malsaines. «Il se sentait comme harcelé, agressé par ses pulsions», se souvient-il. Relation donnant-donnant Malgré tout, ces bénévoles disent recevoir autant qu'ils donnent, sinon plus, de la relation qu'ils développent avec les membres du Cercle. «On est tous un peu égoïstes; si ça ne nous faisait pas plaisir, on ne le ferait pas», fait remarquer Annick Lavogiez, un sourire en coin. «Je pensais que j'étais vivant en Inde, où j'ai habité pendant plusieurs années, mais je me rends compte à 71 ans que ces hommes me donnent vie, raconte le Frère Fernand Bessette. Quand je vois la volonté qu'ils ont de s'en sortir malgré tout, ça ne peut que me donner vie à moi aussi. La recette de mon bonheur, c'est ça.» Ces hommes sont la preuve vivante de notre capacité à évoluer et nous battre, avancent-ils. «C'est paradoxal que ce soient les pires criminels qui nous donnent foi en l'humanité!», commente Maxime Falardeau. Paradoxal en effet, mais leur bénévolat auprès de ces délinquants sexuels a bel et bien quelque chose d'apaisant, disent-ils. «Je suis toujours impressionné par leur faculté à regarder ce qu'ils sont et ce qu'ils ont fait, souligne Christophe. Ils m'apprennent à me regarder tel que je suis et à essayer de parler des vraies affaires.» «Ça a quelque chose de recadrant de venir ici», conclut Annick. Quelque chose d'extrême, aussi? «Quand je viens au Cercle, je viens discuter; c'est tout sauf extrême, comme bénévolat!», répond-elle sous l'approbation générale de ses pairs. Les femmes majoritaires On pourrait croire que la proportion de femmes bénévoles auprès des délinquants sexuels est à peu près représentative de notre tablée – une femme pour trois hommes. Au contraire, deux tiers des bénévoles du CSRQ sont des femmes, et 88 % d'entre elles ont moins de 30 ans. De gauc he à droite : le Frère Fernand Bessette, le policier Maxime Falardeau, le coordonnateur du CSRQ Maxime Janson et Christophe De Muylder. Annick Lavogiez préférait ne pas être photographiée. DOSSIER Je vois les cercles de soutien comme la cordée en escalade. Pour des délinquants sexuels, réinsérer la société, c'est pire que de gravir la plus haute des montagnes. Faire ça seul, ce serait suicidaire. - Le Frère Fernand Bessette Ce que ces hommes ont de plus monstrueux, on l'a en nous aussi. La ligne est tellement ténue entre la part monstrueuse et la part lumineuse en nous. - Christophe De Muylder Le Cercle de soutien C'est le seul organisme à offrir des services aux délinquants sexuels. Il vise notamment à accroître la sécurité des collectivités et à diminuer le nombre de victimes d'actes criminels en accompagnant, en aidant et en responsabilisant des personnes qui ont commis des infractions de nature sexuelle et qui retournent dans la collectivité, afin qu'ils mènent une vie responsable et productive. Mort annoncée : L'organisme devrait être déjà mort. Depuis le 31 mars dernier, il ne reçoit plus aucun financement public. Si ce n'était pas du don personnel du Frère Fernand Bessette, pris à même son héritage familial, l'organisme aurait déjà cessé ses activités. L'équipe peut assurer ses activités jusqu'en septembre prochain, mais après cette date, si rien ne change, le CRSQ n'existera plus. Des dizaines de délinquants sexuels à haut risque de récidive se retrouveront donc sans aucun soutien. 1er juin 2015 | ITINERAIRE.CA 27