La maison passive: principes et exemples C1

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La maison passive: principes et exemples C1
Proceedings Passiefhuis-Symposium 2005
La maison passive:
principes et
exemples
C1
Adeline Guerriat
Auteur du livre ‘La maison
passive’, Ed. PHP 2005, Belgique
ABSTRACT
Le secteur du logement porte une part non négligeable des
responsabilités dans la consommation d’énergie et dans la pollution que
cela engendre. Il y a donc lieu d’élaborer des stratégies qui ont recours à
la sobriété, l’efficacité et la renouvelabilité énergétique.
Il apparaît clairement que la construction de maisons passives rencontre
ces objectifs et en présente une synthèse particulièrement aboutie.
Sur le plan technique, le principe de base du standard « maison passive »
est de limiter les pertes énergétiques avant toute chose. Les facteurs clés
sont donc l’isolation thermique, l’étanchéité à l’air et la ventilation. Les
apports passifs sont également les bienvenus. Il n’est donc pas question
de technologie sophistiquée mais juste d’une optimisation de principes
déjà existant. La bonne gestion de ces facteurs permet de pouvoir se
passer de système de chauffage traditionnel, la norme imposant un
maximum de 15kWh/m².an.
D’un point de vue architectural, le standard « maison passive » présente
une obligation de résultats et non une obligation de moyens: en principe,
toute architecture peut donc être passive.
La maison passive n’est donc pas une utopie!
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Proceedings Passiefhuis-Symposium 2005
1 INTRODUCTION
Les pays développés doivent faire face à une pénurie prévisible
d’énergies fossiles et aux conséquences de leur utilisation insouciante
jusqu’à présent. Ces pays sont donc obligés aujourd’hui de développer
des techniques innovantes pour apporter des solutions au moins partielles
à la double problématique de l’utilisation des ressources et de la lutte
contre la pollution. Le secteur du logement porte une part non
négligeable des responsabilités en la matière.
Dans ce contexte où, comme l’indique la démarche négaWatt, il est
préférable de consommer moins et mieux plutôt que de produire plus
d’énergie, différentes stratégies d’économie ont été mises en place. Ces
stratégies ont recours à la sobriété, à l’efficacité et à la renouvelabilité
énergétique. Il apparaît clairement que la construction de maisons
passives rencontre ces objectifs et en présente une synthèse
particulièrement aboutie.
2 PRÉSENTATION DU STANDARD « MAISON
PASSIVE »
Les maisons passives sont des bâtiments qui assurent un climat intérieur
confortable en été comme en hiver sans avoir recours à un système
conventionnel de chauffage ou de refroidissement. Pour que cela soit
possible, il est essentiel que, sous nos climats, la demande de chauffage
annuelle ne dépasse pas 15 kWh/m²an. Ceci correspond à une installation
de chauffage d’une puissance maximale de 10 W/m². Ce faible besoin de
chaleur peut alors être comblé par le système de ventilation, qui est de
toute manière indispensable (NBN 50 001) pour garantir l’hygiène et de
qualité de l’air. Cela signifie qu’une maison passive nécessite 80%
d’énergie de chauffage en moins qu’un bâtiment construit avec un
système classique de chauffage respectant les normes en vigueur.
Le terme de maison « passive » a été choisi principalement parce que
l’usage « passif » des énergies ambiantes (rayonnement solaire à travers
les vitrages) et des sources de chaleur internes (appareils et habitants)
suffit à maintenir dans le bâtiment une température intérieure agréable
durant toute l’année.
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La norme « maison passive » offre donc une manière intéressante de
réduire au minimum la demande énergétique des nouveaux bâtiments,
répondant ainsi à l’objectif de durabilité tout en améliorant le confort des
occupants. Sur cette base, il est possible de satisfaire la demande
énergétique restante uniquement à partir de sources d’énergie
renouvelables.
3 PRINCIPES DE BASE
Les deux grands principes d’une maison passive sont les suivants :
Optimiser les conditions de base.
Dans une maison passive, on rend plus performants des composants qui
sont de toutes façons indispensables : l’enveloppe du bâtiment, les
fenêtres et la ventilation. L’efficacité thermique de ces composants est
améliorée jusqu’au point où un système de chauffage conventionnel
n’est plus nécessaire. L’appoint nécessaire est amené par la récupération
de la chaleur de l’air vicié.
Minimiser les pertes.
La chaleur disponible dans un bâtiment est gardée à l’intérieur du
bâtiment aussi efficacement que possible, ce qui implique une très bonne
étanchéité. Les calculs réalisés d’après des modèles théoriques et de
nombreux exemples construits prouvent que, dans nos conditions
climatiques, une stratégie qui vise à réduire les pertes de chaleur est plus
efficace qu’une stratégie qui se concentre principalement sur l’utilisation
passive ou active de l’énergie solaire.
4 APPORTS GRATUITS
Même si la vocation première d’une maison passive n’est pas de
maximaliser les apports d’énergie mais plutôt de minimiser les pertes, il est
clair que les apports gratuits internes ou solaires ne sont pas à négliger.
Le soleil intervient pour dispenser lumière et chaleur. Une orientation
adaptée aux contraintes du bâtiment permet ainsi de réduire les
consommations de chauffage et d'éclairage. La qualité du vitrage a aussi
son importance. En effet, la température intérieure d’un bâtiment non
occupé et non chauffé peut augmenter de quelques degrés uniquement
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grâce à la chaleur du soleil captée par les vitres. Il faut donc des vitres qui
captent le plus possible de chaleur mais qui évitent également les
déperditions. En été, on veillera à pouvoir protéger les fenêtres des rayons
du soleil.
Dans les climats tempérés, les déperditions thermiques des bâtiments dues
aux différences de température entre l'ambiance intérieure (stable) et les
conditions extérieures (variables), se font principalement par conduction
au droit de l'enveloppe du bâtiment. L'architecte cherche à minimiser la
surface de déperdition tout en maximisant le volume habitable, ce qui se
traduit par une forte compacité.
A cet égard, une situation urbaine entre mitoyens est évidemment assez
intéressante et contribue à une meilleure compacité car les deux murs
mitoyens sont nettement moins déperditifs.
Une partie des apports gratuits en chaleur dans un bâtiment provient de
son occupation. Par occupation, on entend l’utilisation de l’éclairage
artificiel, de l’eau chaude sanitaire et des appareils électroménagers ainsi
que la présence même des occupants.
Ces apports résultent en réalité notamment du fait que l’électricité
consommée par les appareils électroménagers et par l’éclairage artificiel
est finalement dissipée sous forme de chaleur (incontrôlée) au sein du
bâtiment.
Dans une maison passive, l’impact des apports internes est beaucoup plus
important que dans une maison conventionnelle K55.
5 ISOLATION THERMIQUE
Compte tenu de l’installation de récupération de chaleur sur la
ventilation, les déperditions thermiques restent principalement dues aux
parois de l’enveloppe. Les éléments opaques de l’enveloppe (murs, toits,
sols) restent responsables de 50 % des pertes de chaleur.
Bien isoler pour maintenir ces déperditions aussi basses que possible est
donc indispensable au bon fonctionnement des maisons passives. Sinon,
la demande de chaleur devient trop importante et la ventilation ne suffit
plus à distribuer l’appoint.
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L’isolation vise également à garantir le confort thermique des habitants en
assurant aux parois des températures de surface élevées. En effet, lorsque
la température surfacique des parois présente une différence de plus de 3
°C avec la température ambiante de la pièce, une sensation d’inconfort
apparaît.
Le U moyen de l’enveloppe du bâtiment doit être inférieur ou égal à 0,15
W/m²K (0,1 W/m²K conseillé) pour respecter le critère « maison passive ». Il
est clair qu’un U moyen aussi faible ne peut être obtenu qu’avec des
matériaux performants, sous peine d’avoir une beaucoup trop grosse
épaisseur d’isolant.
De tous les composants de l’enveloppe, la fenêtre est l’élément le plus
critique à cause de ses multiples fonctions : outre ses qualités d’isolation,
elle doit permettre la vue vers l’extérieur, être ouvrable et pouvoir se
fermer parfaitement, et en plus, elle doit aussi capter un maximum
d’énergie solaire. Dans une maison passive, le U maximum est seulement
de 0,8 W/(m²K) !
Un coefficient U aussi bas peut seulement être atteint grâce à un triple
vitrage. L’espace entre les vitres est rempli de gaz nobles tel que l’argon,
afin de réduire le transfert de chaleur par convection.
Le degré d’isolation du châssis en lui-même est un autre facteur important.
Il convient d’avoir un châssis absolument sans pont thermique.
Les déperditions par les parois sont la principale source de perte de
chaleur dans les maisons passives. Ces pertes sont enregistrées au droit
des parois, bien entendu, mais aussi et surtout, aux coins, aux bords, aux
jonctions et aux articulations. Tous ces détails constituent les points faibles
de l’isolation. D’une part, les ponts thermiques déforcent l’isolation et,
d’autre part, ils favorisent l’apparition de condensation sur les parois
intérieures, d’où un risque de formation de moisissures. L’importance
relative des pertes dues aux ponts thermiques augmente en même temps
que le niveau d’isolation générale. Dans le cas d’une maison passive, le
niveau de performance de l’isolation est très élevé : les ponts thermiques
ont donc des conséquences importantes et sont à éviter au maximum.
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6 VENTILATION
Il pourrait paraître contradictoire d’isoler parfaitement la maison pour
ensuite l’aérer « artificiellement ». Il n’en est rien. L’isolation thermique et la
ventilation sont deux choses bien distinctes et ont des fonctions
différentes. Il est vrai cependant qu’une bonne isolation ne peut être mise
en œuvre qu’avec un bon système de ventilation car l’isolation d’un
bâtiment, quand elle est bien faite, le rend toujours plus étanche à l’air.
Or, si l’air vicié n’est pas évacué et remplacé par de l’air frais, des
problèmes d’humidité, de condensation et de moisissures se poseront
immanquablement. Cependant, ceux-ci ne seront pas dus à une isolation
excessive, mais à un défaut de ventilation.
Un air de bonne qualité est l’une des exigences fondamentales
nécessaires à un climat intérieur sain, que ce soit dans une maison passive
ou dans une maison « conventionnelle ». La ventilation permet
l’évacuation des substances nocives par un renouvellement de l’air. Il est
aussi possible de placer des filtres directement à l’entrée de l’air frais.
D’une bonne ventilation couplée à une température surfacique élevée
découle un autre avantage : celui d’éviter la condensation et donc les
moisissures. L’air ambiant contient de la vapeur d’eau qui condense au
contact des parois plus froides, puisque l’air y est plus frais et ne peut donc
contenir qu’une plus faible quantité de vapeur. Comme, dans une maison
passive, la température des parois est proche de la température
ambiante, ce phénomène risque donc beaucoup moins de se produire.
Pour assurer le renouvellement d’air nécessaire, il faut pouvoir contrôler la
ventilation ; de plus une ventilation trop importante constitue aussi une
perte d’énergie. Enfin, la ventilation « à l’ancienne » par les inétanchéités
de l’enveloppe du bâtiment est trop aléatoire.
Pour les maisons passives, seul un système double-flux (système D) est
applicable car c’est le seul à permettre la récupération de la chaleur sur
l’air extrait, ce qui constitue une caractéristique indispensable du concept
de maison passive. Le système possède un échangeur de chaleur entre
l’air vicié extrait dans les locaux humides et l’air entrant.
La ventilation occasionne certes une consommation supplémentaire
d’énergie, mais celle-ci reste minime par rapport aux déperditions ainsi
évitées. Le système D avec récupération de chaleur est en fin de compte
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le plus économe en énergie des quatre systèmes de ventilation préconisés
par la région wallonne.
En été, grâce à un puits canadien, un rafraîchissement passif de l’air peut
être envisagé en été en le faisant passer sous terre à une profondeur
d’environ 1,5 m avant qu’il ne pénètre dans la maison. On peut considérer
qu’il s’agit ici d’une climatisation passive. La température du sol est alors
inférieure à la température extérieure : ce « puits » astucieux va donc
utiliser la fraîcheur relative du sol pour tempérer l'air entrant dans le
logement. On peut ainsi réduire la température de l’air entrant de 5 à 8°C.
Bien entendu, le système fonctionne également dans l’autre sens. En hiver,
le sol à cette profondeur est plus chaud que l’air extérieur : l'air froid y est
donc préchauffé lors de son passage dans les conduites. Le puits
canadien peut remplacer la protection anti-gel de l’installation, ce qui
réduit encore la consommation électrique de la ventilation.
7 ETANCHÉITÉ À L’AIR
Une excellente herméticité de l’enveloppe du bâtiment est une condition
vitale pour une maison passive. En effet, sans une parfaite étanchéité, ni
l’isolation, ni la ventilation ne peuvent être réellement efficaces.
En ce qui concerne l’isolation thermique, il semble évident que s’il existe
des fuites d’air, c’est une perte de chaleur prévisible. De plus, les isolants
thermiques ne sont pas du tout hermétiques, l’air y circule même
facilement dans certains cas (laine minérale, cellulose), créant des
courants de convection qui nuisent au bilan énergétique global du
bâtiment.
Pour ce qui est de la ventilation, une mauvaise étanchéité induit des
courants d’air involontaires et incontrôlables qui perturbent le système et
peuvent même changer le sens du flux, ce qui n’est évidemment pas
souhaitable.
Pour éviter les fuites, le principe est simple en théorie : il suffit de garantir
une enveloppe hermétique par une mise en œuvre soignée. Dans un
projet en maçonnerie pleine, cela se traduit par exemple par un
plafonnage continu et des raccords minutieux aux fenêtres. Dans un
projet en structure bois, on installe une feuille étanche (pare-air) derrière
les chevrons et on calfeutre tous les raccords.
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Le test ‘Blowerdoor’ (pressurisation du bâtiment) permet de mesurer
l'étanchéité à l'air des bâtiments. Un ventilateur réglable est calé de façon
hermétique dans une ouverture du bâtiment et crée une différence de
pression entre l'intérieur du bâtiment et l'extérieur, toutes les portes et
fenêtres étant fermées.
On fait ensuite plusieurs mesures de débit d'air en notant les valeurs
nécessaires pour maintenir constantes une série de différences de
pression.
8 BESOIN EN ÉNERGIE
Les besoins en énergie d’une maison passive sont très faibles en raison de
son efficacité énergétique. Les systèmes traditionnels de chauffage,
largement surdimensionnés, ne conviennent donc pas.
Chauffage et eau chaude sanitaire
Dans la réalisation d’une maison passive, il y une obligation de résultats
mais pas une obligation de moyen. Quel que soit le type de projet
(maison isolée, mitoyenne, appartement…), il existe une grande diversité
des solutions envisageables : pompe à chaleur air/air, pompe à chaleur
air/eau, réseau de chaleur de ville, électricité, chaudière au gaz à
condensation, panneaux solaires thermiques, pompe à chaleur sol/eau,
granulés de bois,…
Comme le besoin de chaleur pour le chauffage est très réduit dans une
maison passive, le besoin de chaleur pour l’eau chaude sanitaire prend
proportionnellement plus d’importance. Il faut donc lui consacrer une
attention particulière, d’autant plus que, contrairement au chauffage, on
a besoin d’eau chaude toute l’année (légèrement moins l’été).
Pour le chauffage de l’eau chaude sanitaire, des capteurs solaires sont
souvent mis en place avec, au besoin, un appoint électrique ou combiné
au système de chauffage.
Pour le chauffage, les solutions techniques sont plus nombreuses. Comme
on l’a montré, le besoin de chaleur pour le chauffage d’une maison
passive est tellement faible que la ventilation est utilisée pour distribuer cet
appoint.
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Ces besoins limités simplifient grandement la distribution de la chaleur : soit
on préchauffe l’air entrant (différentes façons), soit on installe un
chauffage indépendant. Plus rarement, aucun chauffage d’appoint n’est
prévu !
Equipement électrique
Dans les maisons passives, les besoins en énergie pour le chauffage et
pour l’eau chaude sanitaire sont réduits au mieux. Si la consommation en
électricité dans ce type de maison reste identique à celle d’un logement «
normal », elle représente alors presque deux fois la consommation
d’énergie nécessaire au chauffage (sans compter l’émission de CO2).
Ceci est d’autant plus vrai dès qu’on considère l’énergie primaire puisque
l’électricité a un coefficient d’énergie primaire élevé par rapport aux
autres sources d’énergie.
Pour les maisons passives spécifiquement, il y a une raison supplémentaire
de viser l’efficacité électrique. Les sources de chaleur internes (comme le
sont les appareils électriques) continuent à produire de la chaleur en été,
ce qui est non seulement inutile, mais surtout inconfortable.
Les solutions pour atteindre une meilleure efficacité électrique échappent
malheureusement au projet d’architecture et résident principalement
dans le choix des appareils. La tâche est facilitée avec les étiquettesénergie qui informent des caractéristiques de l’appareil.
9 CONCLUSION
Matériellement et techniquement, construire des maisons passives n’est
pas une utopie. Les techniques et les matériels sont au point depuis
longtemps et il existe de nombreuses réalisations dans différents pays
européens ; ces pays se caractérisent souvent par des climats plus
continentaux et plus contrastés que celui que nous connaissons en
Belgique ; la maison passive est donc aussi une solution technique
applicable chez nous.
Et si, actuellement, l’aspect économique ne joue pas toujours en faveur
de la maison passive (certains projets restent plus onéreux, même à long
terme, qu’une maison conventionnelle), l’augmentation prévisible des
dépenses énergétiques va petit à petit renforcer l’attrait des maisons
passives du simple fait de leur faible consommation d’énergie.
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