Liberté chérie de Mika Gianotti Ils parlent du film

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Liberté chérie de Mika Gianotti Ils parlent du film
 Liberté chérie de Mika Gianotti
Ils parlent du film :
IRTS Ile-de-France
MONTROUGE / NEUILLY-SUR-MARNE
Fondation ITSRS « On peut penser au poème de Paul Eluard, Liberté, publié en 1942. Sur mes
cahiers d’écolier / Sur mon pupitre et les arbres / Sur le sable sur la neige / J’écris
ton nom… Si le poème fut alors une des armes de la lutte contre les oppresseurs,
c’est sur la pellicule que Mika Gianotti l’écrit, sa liberté.
Dans une narration un peu foutraque – c’est aussi ça la liberté – et habilement
construite entre fiction et réalité, Mika Gianotti déambule libre, provoque le dialogue
intergénérationnel, accompagne des personnes qui vont bien, à dire leur liberté
passée, présente, future… Et c’est pour le futur que la liberté est mise à mal. Vieillir,
c’est la vie, mais lorsqu’on perd la raison, que les gestes intimes du quotidien sont
faits par un autre, que l’on souffre...
Pas didactique, pas classique, ce documentaire est écrit à la première personne. Les
savoureux dessins et commentaires de PIEM, Brigitte Bardot en deux versions…
c’est drôle et on s’en rappellera.
Une fois le film terminé, c’est à nous, spectateurs, de faire cet exercice de la pensée.
Est-ce un film qui parle de la mort ? Oui, sous l’angle de la préservation de la dignité.
Est-ce un film qui convoque le législateur ? Oui, dans la lignée des combats pour les
droits : à l’avortement, au divorce par consentement mutuel… Est-ce un
manifeste ?...
C’est surtout un film qui nous oblige à s’arrêter, s’arrêter pour penser, s’arrêter
pour dire : Et moi, je vois cela comment ? »
Marie-Christine Girod, Biennale du Film d’Action Sociale
« Depuis la nuit des temps, les hommes tentent d’appréhender la mort et les
chemins qui nous y mènent. Dans Liberté chérie, cette interrogation universelle
devient la pierre de touche d’une réflexion aux contours mieux délimités : outre le fait
d’être partagées par tout un chacun, les idées que l’on se fait de la vieillesse sont
aussi le résultat d’une sensibilité individuelle. Très souvent axés sur des
problématiques ayant rapport à la dignité humaine et aux droits de la
personne, les témoignages qui nous sont livrés dans ce documentaire
fonctionnent ainsi comme autant de plaidoiries en faveur de la liberté de
penser. »
LC.
« J ’ai vu ce film comme une ballade poétique, sur la jeunesse, la vieillesse, la mort
et la vie, la solitude et la solidarité, et toujours l'amour, qui m’a fait rencontrer des
personnages et des bribes de situations en apparence dans tous les sens, mais
finalement dans un sens très précis…C’est la forme qui m’a le plus accroché ,
comme un genre littéraire nouveau, une "nouvelle", un re-port-âge ni fiction ni
documentaire, une manière libre et à part, oui, un Essai, transformé, et qui
correspond au beau titre de Liberté chérie… »
Alain Joxe
« Ce film touche le spectateur par le rythme de la vie, scandé par les interrogations
sur les limites de notre existence d’humains. L’auteur les soumet à ses
personnages. La vieillesse, la solitude, la perte des moyens physiques, celle de la
création (les scènes avec le dessinateur Piem, les acteurs du théâtre de l’Aleph) qui,
seule, a le pouvoir de rendre immortel et de donner l’illusion de la toute-puissance. A
qui finalement appartient notre corps ? Le désir à travers les âges de la vie d’une
femme est incarné par Iza, qui parle de la liberté sexuelle, de la séduction fanée, du
fléau représenté par le sida dans les années 1980, entrave à la sexualité
insouciante. Le théâtre de la mort et son cortège de fantômes nous protège de sa
réalité qui nous échappe. Nous pouvons, certes, anticiper l’échéance, abréger la
douleur physique ou psychique, mais le vieillissement qui fait partie de la vie, est, lui,
l’affront qui ne connaît pas de parade. Ce film, c’est ainsi que je l’ai vu, rappelle,
avec les images de la femme âgée, dépendante et en maison de retraite, que la fin
de vie résonne avec le début, lorsque le tout-petit dépend, pour sa survie, d’un
autre secourable. Nous ne pouvons nous affranchir de cette dépendance, surtout
dans les épreuves intolérables. Cette acceptation n’est-elle pas la vraie liberté ?
Nos vies sont nos propres créations parfois sculptées, ciselées dans le pire ou
l’obscène, mais aussi dans le plaisir du corps et de l’esprit. Cependant, elles
n’échappent jamais au souvenir des premiers liens. »
Sylvie Sesé-Léger, psychanalyste et présidente de la Société de Psychanalyse
Freudienne
« De l’insouciance à la responsabilité, de la danse aux pas mesurés, la liberté se vit,
se dit…et tente de se penser jusqu’au bout. Etre libre jusqu’au bout. On attend que la
joie se redynamise ; on se demande si le droit serait suffisant et si l’éthique n’est pas
encore à construire. Comment jusqu’au bout agir ? Prévoir ou commencer ?
Protéger ou garantir la liberté ? »
Delphine Bouit, philosophe, juriste et présidente de l’Association Vivre la philosophie
concrètement
« Dixième création de Mika Gianotti — qu’elle a produit avec la société qu'elle a
créée, Act Media Diffusion et Les Films d’un Jour —, Liberté chérie c'est le deuxième
film de Mika Gianotti que j'ai eu la chance de voir. Dans celui-ci, comme dans le
précédent (« Zones d’ombre », avec Dominique Schaffhauser), le thème
philosophique qui est au fond assume bien sûr le rôle de protagoniste.
Dans « Zones d’ombre » c'était d'abord question de l'exercice de la justice,
entraînant au cours du film plusieurs questions sur le sens profond d'une « justice
juste » par rapport à la nature humaine et au besoin de justice de chacun.
Dans "Liberté chérie", sur un canevas de départ extrêmement ouvert, des gens
sensibles aux questions de liberté et aux Droits de la personne (Iza, Horacio, la
Famille Brajtman, Eloïse, Tatiana et le dessinateur "humaniste" PIEM) s'interrogent
sur les questions universelles de la liberté, face aux droits plus fragiles et vulnérables
qui sont toujours menacés, dans la vie de chacun. Au passage de moments critiques
inévitables — comme la mort ou la vieillesse, souvent accompagnée par des
limitations plus ou moins graves. Mais aussi au passage de traumatismes évitables,
comme l'avortement, les ruptures familiales et amoureuses, la perte du travail et
cetera.
D'ailleurs, dans ce film-essai, même plus que dans les précédents, on est amenés à
considérer combien la liberté pour s'enraciner vraiment dans une société a besoin de
la vérité (vérité indispensable dans une idée de "justice juste ; vérité qui devient carte
de tournesol de toute proposition ou déclaration de liberté).
"La liberté ce n'est pas se sauver au sommet d'un arbre", comme chantait Giorgio
Gaber dans les années 1970, "la liberté est dans la participation". Participation qui
devrait conjurer toute exclusion.
Car une société libre est surtout une société qui n'abandonne à eux-mêmes les gens
ni les animaux.
Emblématique à ce propos est le final extrêmement dramatique et apparemment
sans espoir de l'euthanasie d'un chien « au bout du rouleau ». L'exemple de l'animal
« aidé à mourir » rentre dans une vision positive et humaine d'une société qui se
charge de l'accompagnement des êtres qui ont perdu leur autonomie et, en mourant
avant de souffrir — sans qu'il y a ni espoir de survie ni raison aucune — profite aussi
d'une mort assez digne.
Paradoxalement les rôles se sont inversés entre l'homme et l'animal qui lui est le
plus proche, jusqu'ici ce sont les humains qui meurent comme des chiens...
Ce serait incomplète ou déplacée une analyse des films de Mika Gianotti — et de ce
dernier "Liberté chérie" en particulier —, qui se passât de cette conception
universelle et solidaire de la liberté.
Cependant, j'ai vu dans ce film, j'ai entendu dans la voix de personnages qui se sont
fait connaître et aimer, quelques chose d'encore plus universel que la justice et la
liberté même, des valeurs qui risqueraient de se figer dans une espèce d'abstraction
en dehors de nous, s'il n'y avait pas de sens dans l'existence. S'il n'y avait pas de
volonté et de but.
« Aller jusqu'au bout du bout ! » Voilà le message de fond qui relie dans un sentiment
commun tous les personnages qui animent dans le film une véritable « discussion
sur le sens de la vie » qui n'est pas un hymne à la pure rationalité ni à la "prise de
distance" vis-à-vis des cauchemars, tabous ou faux idoles qui seraient en nous avec
le seul but de nous paniquer.
La liberté que Mika Gianotti revendique c'est surtout la liberté de dire non, la liberté
de suivre nous-mêmes. Et, plus en général une valeur qu'on ne doit pas coincer dans
une dimension individuelle, un droit que toute une société doit partager.
Et aussi dans la façon de tourner ce film-documentaire la réalisatrice opte pour un
critère de liberté : d’abord elle pose aux interlocuteurs choisis les multiples questions
essentielles sur le thème, ensuite elle filme-enregistre leurs réactions de manière
décalée dans le temps, pour se donner et donner au public un temps de réflexion.
Dans une récente interview que j’ai lue sur le web, elle s’explique : « Je voulais que
ce soit un film où chaque mot compte, en quelque sorte. On était sur une réflexion
importante, profonde, quelquefois enfouie, qui nécessitait du temps pour émerger.
On ne filmait pas la réponse spontanée. On reprenait le lendemain, le temps que
s’approfondisse la pensée. »
Je crois que ce ne soit pas un hasard si cette excellente réalisatrice a choisi pour Iza,
le personnage principal du film, une ancienne copine des temps glorieux du théâtre
Aleph.
En fait, nulle volonté ne se déclenche sans une rêverie quelconque. D'ailleurs, pour
atteindre des bribes de liberté, il faut toujours avoir envie de vivre, être capables
d'entretenir notre volonté de vivre. Et la rêverie qui coule sous les ponts de cette
difficile liberté contemporaine se relie forcément à la mémoire des années des
expériences heureuses et des choix primordiaux.
Même une réalisatrice à l'esprit objectif et rigoureux — essayant toujours de s'effacer
derrière le filtre du récit, du reportage ou de l'essai — a besoin de relier sa propre
volonté d'aller « jusqu'au bout du bout » à la première étincelle qui a fait déclencher
son talent d'ouverture humaine et sociale.
C'est le plateau du théâtre Aleph, où elle aussi a joué et appris pour la première fois
le sens et la valeur inestimable de la vie. »
Giovanni Merloni, peintre et écrivain
PAROLES DE SPECTATEURS
« C’est une heureuse légèreté pour un sujet grave. »
« Ce film, c’est un parcours initiatique. Il t’amène à penser… C’est un processus
de réflexion auquel la réalisatrice nous invite à entrer…C’est quelque chose qu’on a
tous en tête forcément, mais avec plus ou moins le désir ou le courage de l’aborder.
Je suis rentré dedans, puis ressorti, car on a ses défenses…
Comme dans le restaurant de la rue Quincampoix où tu manges dans le noir en
aveugle, ce film, plutôt qu’une histoire racontée, est une histoire qui s’expérimente,
une cérémonie, hors de mes habitudes… »
« C’est une prise de conscience de sa propre liberté qui chemine naturellement vers
la "liberté finale". Un beau travail de cheminement.
On ne sait pas si ce qu’on nous raconte est vrai ou faux, mais peu importe, on
est chez quelqu’un sur son canapé, et il nous emmène sur notre propre
canapé. »
« C’est perturbant car l’érotisme est mêlé à la fin de vie. Doit-on sortir léger ou
plongé dans l’eros-thanatos, cette totale contradiction ? Plein d’interrogations en
tout cas. C’est un itinéraire de questionnements, chacun va suivre le sien… Une
pensée ouverte, un rapport à l’interdit, au tabou. »
« Un film qui déroute. Le personnage principal, une "personne de liberté"
confrontée à "ça", l’innommable dégradation de soi-même? »
« Le film nous laisse libre, il ne sème que des indices d’interprétation. »
« Un rythme, une mise en scène qui fait que je suis "touché" ; un côté théâtral qui
me prend avec légèreté, liberté, humour, et me laisse ma liberté de penser. »