Marges du texte entre lecture et écriture - TRANS

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Marges du texte entre lecture et écriture - TRANS
TRANS13 (2012)
Marges et Déviances
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Mariano D’Ambrosio
Marges du texte entre lecture et
écriture
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Référence électronique
Mariano D’Ambrosio, « Marges du texte entre lecture et écriture », TRANS- [En ligne], 13 | 2012, mis en ligne le 20
mai 2012, consulté le 25 septembre 2016. URL : http://trans.revues.org/545 ; DOI : 10.4000/trans.545
Éditeur : Presses Sorbonne Nouvelle
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Marges du texte entre lecture et écriture
Mariano D’Ambrosio
Marges du texte entre lecture et écriture
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For better or worse, it is the commentator who has the last word1.
Rien ne semble moins littéraire que l’écriture en marge d’un autre texte. L’annotation inscrite
dans les espaces blancs qui côtoient le texte est souvent tenue pour une pratique presque
barbare, déviante par rapport à l’utilisation correcte d’un livre, à la lecture d’une œuvre : les
bibliothèques interdisent strictement ce genre d’élans de la part du lecteur, tandis que le marché
de la bibliophilie assigne, à peu d’exceptions près, une plus grande valeur économique aux
livres ayant le moins de signes d’usure, et, au fond, de lecture2. Pourtant, tout livre demande
une lecture : une expérience active et non pas la consommation passive d’un signifié préétabli,
« un travail » et non pas « un geste parasite3 ». Le rôle du lecteur a été au cœur des réflexions
d’auteurs tels que Stanley Fish (qui a parlé d’un informed reader et d’interpretive strategies
qui guident la lecture) et Wolfgang Iser (qui a introduit le concept d’un implizite Leser). « [I]t
is the structure of the reader’s experience rather than any structures available on the page that
should be the object of description4 », a souligné Fish, tandis que Iser a identifié dans le texte
des gaps (ou blanks) que le lecteur est appelé à remplir: « [B]lanks indicate that the different
segments and patterns of the text are to be connected even though the text itself does not say
so5. » Iser refuse le paradigme simpliste émetteur-récepteur6, où le message-texte est transmis
tel quel et ne demande qu’à être décodé par le récepteur final ; la tension entre le texte et le
lecteur est beaucoup plus complexe, et la communication a lieu plutôt dans les espaces blancs
qui sont à la frontière entre les deux : « [T]he literary work cannot be completely identical with
the text, or with the realization of the text, but in fact must lie halfway between the two7. »
Accordant au lecteur une liberté herméneutique presque totale, Iser et les critiques du readerresponse ont émancipé le texte des intentions (plus ou moins manifestes) de cette figure
encombrante, l’auteur. Quelques objections sont arrivées de la part de ces critiques qui
sont aussi auteurs de fiction : Umberto Eco, qui avait pourtant déjà proposé les concepts
d’un Lettore Modello et d’une coopération interprétative, a plaidé contre les risques d’une
decodifica aberrante, d’une surinterprétation des textes causée par un abus de liberté
interprétative8. De telles préoccupations montrent comment le lecteur, qui dans les diverses
théories de la lecture reste virtuel, idéal, impliqué, in fabula, est bien plus difficile à saisir (et
à contrôler à travers le texte) et bien plus menaçant en tant que lecteur réel. Dans les mêmes
années, en parallèle, se développent les études sur la narrative audience et sur le narrataire9 :
les points de vue des narratologues aussi semblent bien ancrés dans les textes et leur lecteur
n’est pas aussi perturbant que le lecteur aberrant évoqué par Eco. Pour retrouver une approche
plus charnelle au lire, il faut alors revenir à un lecteur comme Roland Barthes, qui propose un
« érotisme de la lecture10 », ainsi qu’un « lecteur total » :
[C]ette imagination d’un lecteur total – c’est-à-dire totalement multiple, paragrammatique – a
peut-être ceci d’utile, qu’elle permet d’entrevoir ce qu’on pourrait appeler le Paradoxe du lecteur :
il est communément admis que lire c’est décoder : des lettres, des mots, des sens, des structures, et
cela est incontestable ; mais en accumulant les décodages, puisque la lecture est de droit infinie, en
ôtant le cran d’arrêt du sens, en mettant la lecture en roue libre (ce qui est sa vocation structurelle),
le lecteur est pris dans un renversement dialectique : finalement, il ne décode pas, il sur-code ; il ne
déchiffre pas, il produit, il entasse des langages, il se laisse infiniment et inlassablement traverser
par eux : il est cette traversée11.
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L’intended reader, l’ideal reader, ou encore le lecteur modèle semblent être, dans la libre
communauté des lecteurs, un peu plus égaux que les autres : c’est à eux de préférence que
le texte s’adresse, ce sont eux qui possèdent les outils pour mieux déceler le sens caché et
décoder le message. Le lecteur qui, par contre, abuse de sa liberté interprétative serait avant
tout un lecteur qui n’était pas prévu dans le texte, banni a priori de l’expérience de la lecture :
en somme, un intrus. Barthes, au contraire, revendiquant une liberté totale, rend le lecteur, tout
lecteur, producteur du sens du texte. Cette libération de la lecture n’exclut pas pour autant chez
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Barthes la rigueur du critique, mais la combine plutôt avec une approche désinhibée à l’égard
du texte. Ce qui frappe en lisant S/Z est justement cette combinaison : la rigueur maniaque des
catégories et de leur application tout au long du texte et la liberté avec laquelle Sarrasine est
utilisé par Barthes, morcelé, dépiécé d’abord et recomposé à la fin. Est-ce qu’une telle lecture
correspond à l’intentio operis du conte de Balzac ? Et existe-t-il une discrimination, au fond,
entre la liberté interprétative accordée aux critiques, les clercs modernes12, et celle accordée au
lecteur commun ? La plupart du temps, ce dernier semble rester sans parole, et les seuls espaces
dont il peut se servir pour répondre au texte, de façon plus ou moins conforme ou hérétique
par rapport aux lectures sanctionnées par les interpretive communities hégémoniques, ce sont
les espaces liminaires que le texte lui laisse, ces blancs en marge qui ne demandent qu’à être
remplis.
Suite aux études sur la réception et sur le rôle du lecteur, ainsi qu’au développement d’une
histoire de la lecture, l’attention des spécialistes s’est de plus en plus déplacée du centre aux
périphéries textuelles, d’où un renouvellement de l’intérêt pour les marginalia. Cet intérêt,
d’ailleurs, est aussi une conséquence de l’influence de la pensée de Jacques Derrida, de son
attention théorique aux marges de la philosophie et de ses expériences sur les dispositions
typographiques qui mettent en résonnance deux textes parallèles13. La descendance derridienne
est particulièrement évidente chez Lawrence Lipking, qui en 1977, dans son important essai
The marginal gloss, a préféré recourir aux notes en marge plutôt qu’aux classiques notes en
bas de page14. Bien que son attention se soit portée plutôt sur l’annotation originale (chez
Poe, Coleridge et Joyce) que sur l’allographe (Paul Valéry sur Léonard de Vinci), Lipking ne
manque pas de souligner que toute glose peut être à son tour l’objet d’autres annotations qui
la défient : « so long as a text exists, some space will always be left for the gloss to perform
its denials ; and every gloss becomes in turn a text to be repudiated15. » Même quand la marge
est déjà occupée par l’auteur, inquiet de cadrer la lecture et de déterminer l’interprétation, il y
aura toujours une marge à côté qui offrira un espace pour l’incessante négociation du sens : « a
writer alone cannot claim authority over the page ; the reader also has rights, prescribed by the
rules of scholarly presentation. But the contract between writer and reader may well be open
for renegotiation16 »; « "truth" of margins is that many alternate truths are possible17. » Derrida
aussi, dans un article consacré en 1988 au thème de l’annotation, après avoir mis l’accent sur
la hiérarchisation des discours comme conséquence topologique de la note en bas de page,
constate ensuite que cette relation peut être subvertie par des notes ultérieures :
Stricto sensu, le statut de la note infrapaginale implique une distribution dans l’espace normalisée,
légalisée, et légitimée, une spatialisation qui crée des relations hiérarchiques : des relations
d’autorité entre le texte dit principal, porteur des notes infrapaginales, qui se trouve placé audessus (à la fois dans l’espace et symboliquement) du texte des notes infrapaginales, qui se trouve,
lui, plus bas, dans ce que l’on pourrait appeler une marge inférieure. (Je laisse de côté la possibilité
de ces notes infrapaginales qui ont été inscrites, autrefois ou de nos jours, dans les marges latérales
et non dans la marge inférieure du texte principal) […].
Bien entendu, – comme toujours dès qu’une loi, la loi, existe – toute tromperie, toute transgression,
toute subversion devient possible […]. L’auteur du texte qui semble occuper la position principale
et supérieure a le pouvoir d’inverser ou de renverser les positions lui-même, ou bien il peut luimême être déplacé par l’annotateur et par le jeu de la note infrapaginale […]. [D]ans des situations
pragmatiques données, c’est en fait la note infrapaginale qui porte le message principal et qui a
le plus de chances d’être lue18.
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La marge du texte se rapporte donc au centre en termes de subversion et de contrôle : elle
peut renforcer le texte en indiquant aux lecteurs les prétendues modalités correctes de lecture,
mais elle peut aussi l’attaquer et entrer en conflit avec lui. Dans son analyse des éditions de
la Bible publiées en Angleterre à l’époque moderne, Evelyn Tribble a relevé comment « the
margin might affirm, summarize, underwrite the main text block and thus tend to stabilize
meaning, but it might also equally assume a contestatory or parodic relation to the text by
which it stood19 ». Tout en gardant le schéma visuel hérité de la tradition scholastique de la
Glossa ordinaria, les annotations peuvent être inspirées par un esprit bien différent : les gloses
par Edmund Becke de la réédition de la Matthew’s Bible en 1549 expliquent ainsi, entre autres,
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comment on peut lire dans les Saintes Écritures que le pape est l’Antéchrist20. Tribble étudie
aussi d’autres cas d’annotations qui entrent en compétition avec le texte central. Un exemple
est l’Orlando Furioso traduit en anglais et annoté par John Harington en 1584, dont les notes
se désintéressent souvent des problèmes textuels pour répondre à une autre exigence : « to
represent an English courtly circle which consistantly surpasses its Italian counterpart21 ». Si
elles sont subversives par rapport au texte, ces notes restent cependant encore prescriptives
pour le lecteur : ayant échappé à la dictature du texte, ne serait-il pas au final pris au piège
par les notes ?
Les analyses de Tribble portent surtout sur des annotations allographes : des marges
préexistantes ont été occupées par un lecteur ultérieur, qui a donc repoussé les frontières du
texte un peu plus loin. Chaque marge d’ailleurs génère sa propre marge dont le lecteur est
invité à profiter: « [T]he margins provide a site at which the reader could take part in, and to
some extent, interplay with the text already written22. » Ce principe a une longue tradition :
la citation rapportée est de Michael Camille, et elle est référée aux manuscrits médiévaux ;
en étudiant les marges de cette époque, Camille souligne ainsi : « reading became a kind of
writing, much as it is celebrated in contemporary critical theory23 ». Les blanks dans le texte,
théorisés par Iser, pourraient donc être comblés en remplissant les blancs qui entourent la page
physique.
Mais comment les lecteurs, de fait, remplissent-ils ces blancs, comment s’approprient-ils ces
marges ? Heather J. Jackson, spécialiste de Coleridge et du romantisme anglais, a publié en
2001 une étude approfondie sur les Marginalia de tout genre24, basée sur un très vaste corpus
de livres annotés à la main de 1700 à 2000 : un ouvrage très riche, qui embrasse les lecteurs
les plus prestigieux comme les plus humbles, voire anonymes ; les pratiques les plus obvies
comme les plus inattendues ; les intrusions les plus discrètes et innocentes comme les plus
invasives et déviantes. Parmi les marginalia les plus communes, il faudra alors se rappeler au
moins de l’ajout du nom du propriétaire sur la première page blanche, la pratique de souligner
le texte, la glose interlinéaire qui donne la traduction d’un mot étranger ou l’explication d’un
mot obscur, les Nota bene à côté du texte, les petits résumés qui peuvent border le texte ou être
indexés à la fin d’un livre, les petites marques d’approbation ou de désaccord qu’il est fréquent
de trouver en marge. Bien que le plus souvent les discours en marge suivent la typologie du
texte central (les guides touristiques appellent en marge des mises à jour du même genre,
les livres de recettes d’autres recettes25), il faut remarquer que toute marge est avant tout un
espace blanc que le lecteur peut aussi percevoir en tant que tel, sans la rapporter au texte
qu’elle entoure. Les marges des écrits d’auteurs célèbres n’ont pas échappé à un tel usage impertinent : ainsi, Samuel Maude a rédigé son journal en marge du Plan of a dictionary of the
english language de Samuel Johnson, sans que s’établisse la moindre pertinence par rapport
au texte premier26.
La marge peut aussi être un espace de dialogue – entre lecteur et texte, entre lecteur et
auteur, ou entre lecteurs. S’il n’est pas rare de trouver dans les gloses des objections, même
véhémentes, aux textes commentés, il est quand même saisissant de constater que dans certains
cas le lecteur, emporté par l’élan polémique, se met à tutoyer l’auteur, et parfois il l’attaque
avec de lourdes insultes27. Des lecteurs écrivains tels que Thomas Hardy ou Mark Twain,
ainsi que d’autres lecteurs moins célèbres, ont aussi exploité les marges comme un espace
épistolaire et de séduction, lieu d’un discours (entre) amoureux28. La circulation des livres,
pendant longtemps, a d’ailleurs encouragé la lecture collective, les prêts et les échanges plutôt
que la lecture solitaire, et l’apposition de notes, même sur un volume emprunté, n’était pas
forcément considérée comme une action délictueuse. Samuel Taylor Coleridge, par exemple,
était tellement réputé pour ses scholia que ses amis lui prêtaient leurs livres pour les récupérer
agrémentés de ses précieux commentaires en marge ; d’ailleurs, le poète, qui révisera en 1817
The rhyme of the ancient mariner (publié dans sa première version en 1798) en ajoutant des
didascalies en marge29, verra aussi ses marginalia publiées de son vivant30.
Les lectures plus personnelles, toutefois, peuvent générer des marges qui dépassent la
dimension d’un dialogisme vrai ou simulé, le risque étant de tomber dans le solipsisme et la
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graphomanie. Heather J. Jackson rapporte l’exemple de l’écrivain T.W. White et de ses obscurs
jeux d’associations d’idées inscrits sur sa copie de Two essays on analytical psychology de
Carl Gustav Jung : « [F]or White, writing marginalia was definitely a form of therapy31. »
L’objection fameuse pourrait alors resurgir : il faut bien que les auteurs se défendent de ces
lecteurs abusifs et de leurs lectures aberrantes qui, de plus, défigurent et souillent leurs textes.
Une réaction possible pourrait être de prôner la discrétion du lecteur face au texte, voire sa
disparition, comme le souhaitent les bibliothécaires et les bibliophiles. L’anathème lancé en
1345 par Richard de Bury est alors réactivé :
[I]l faut aussi particulièrement écarter du contact des livres les jeunes gens impudents qui, dès
qu’ils ont appris à reproduire la forme des lettres, commencent aussitôt à annoter fâcheusement
les plus beaux volumes, si la possibilité leur en est donnée, et, quand ils voient autour du texte
une assez large marge, la couvrent d’alphabets monstrueux, ou bien osent, si on ne les réprimande
pas, tracer sans hésitation toute autre figure frivole qui s’est présentée à leur imagination. Là
un apprenti latiniste, là un débutant en logique, là n’importe quel copiste ignorant essaient leurs
aptitudes à la plume, ce qui, nous le voyons, a très souvent réduit à rien l’utilité et la valeur de
très beaux manuscrits32.
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Néanmoins, ces impudents existent, et ils sont nombreux à essayer leurs aptitudes à la plume
sur les volumes écrits par d’autres. L’interprétation peut bien avoir des limites, l’évidence
des marges semble dire le contraire quand des lecteurs idiosyncratiques dévoient le texte par
leurs marges im-pertinentes. Il faut alors se demander si on doit tenir ce débordement pour
une pratique déviante, marginale, ou si toute expression en marge, même la plus abusive, ne
constitue pas plutôt une nouvelle production de sens digne de retenir notre attention. Cette
compétition entre texte et marge, centre et périphérie, écriture et lecture, a d’ailleurs été aussi
fictionnalisée dans des romans à structure duale, qui opposent à un texte-base son commentaire
allographe aberrant : c’est le cas notamment de Pale fire (1962), de Vladimir Nabokov, et de
House of leaves (2000), de Mark Z. Danielewski.
Les deux romans partagent la même structure : la création d’un écrivain fictionnel (le poète
John Shade et le mystérieux aveugle Zampanò) est lue et commentée par un lecteur fictionnel
(le professeur universitaire Charles Kinbote et Johnny Truant), qui submerge le texte avec un
récit second qui n’a pas toujours de pertinence par rapport au récit premier. La déviance de
la lecture dans ces deux cas semble en stricte corrélation avec la marginalité personnelle des
deux lecteurs. Charles Kinbote, ou peut-être V. Botkine, qui se prend pour Charles Xavier
Vseslav, roi déposé de Zembla, est mégalomane et paranoïaque33, et sa déception de ne pas
trouver dans Pale fire le flamboyant matériau de sa Zembla rêvée, qu’il pensait avoir suggéré
au poète, transforme sa lecture en une subversion presque ligne à ligne de l’univers de Shade,
reconduit au monde fictionnel dans lequel il préfère se réfugier. Il annote alors des mots comme
often ou parents pour ouvrir de longues digressions sur ses obsessions nocturnes ou sur sa
descendance royale34 ; même le récit de la fin tragique du poète, assassiné par erreur par un
certain John Grey, est ramené à ce schéma obsessionnel, l’assassin devenant le conspirateur
zemblien Gradus à la poursuite du roi exilé de Zembla. Johnny Truant, d’autre part, n’est pas
moins idiosyncratique et ses commentaires en bas de page peuvent interrompre le récit de
Zampanò pendant plusieurs pages pour laisser place à son journal, à ses problèmes de drogue
et d’alcool, à ses exploits sexuels, à son passé difficile d’orphelin élevé par un père adoptif
très violent et aux souvenirs de sa mère, morte après de longues années de détention dans un
hôpital psychiatrique35. Comme Kinbote, Johnny souffre d’angoisses et de forts troubles de la
personnalité, d’ailleurs certains passages de son commentaire suggèrent qu’il est probablement
schizophrène36. Étant donné que certains récits de son journal sont dénoncés par la suite comme
ayant été inventés, il est impossible de prendre au sérieux son travail de transcription du texte
de Zampanò : il confesse d’ailleurs, dès les premières pages, s’être adonné à des falsifications37.
Il y a dans ce cas une invasion scélérate de l’espace de l’écriture par le lecteur, puisque l’usage
du texte lu est poussé jusqu’à la volontaire adultération. Quelque chose de semblable se passe
chez Kinbote, qui rapporte dans ses notes quelques variantes transcrites des fiches de travail de
Shade, dans lesquelles la matière zemblienne est beaucoup plus explicite ; mais ces variantes,
par la suite, sont également déclarées fausses38, et dans l’index final figurent comme « K’s
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contributions39 ». Décidément, comme l’a écrit Lipking, « the margin, for some authors, can
never be wide enough40 ».
La forte subjectivité des deux lecteurs fictionnels est troublante et subversive par rapport au
texte-base, que nous, lecteurs derniers, pouvons lire uniquement à travers le prisme déformant
de leurs plumes. Cette sensation d’intrusion est tellement forte que d’autres lecteurs, cette fois
des éditeurs bien réels, ont pensé biffer tout le commentaire de Kinbote et publier une version
stand-alone de Pale fire, ce qui est très représentatif de l’obsession du propre qui condamne
les marginalia à la marginalité, même quand elles sont fictionnelles et auctoriales41. Cette
opération a d’ailleurs été possible parce que les marges occupées par Kinbote laissent le texte
isolé et intact, quoiqu’elles l’entourent et aspirent à l’effacer. Kinbote, en effet, dispose son
commentaire avant le texte, avec une préface, et après le texte, avec ses endnotes ; enfin il
renforce sa présence avec un index où il est protagoniste absolu. Son rêve, cependant, semble
plutôt celui d’un commentaire qui se greffe sur le texte jusqu’à le remplacer, comme un
palimpseste sur un manuscrit raturé :
[A]lthough those notes, in conformity with custom, come after the poem, the reader is advised to
consult them first and then study the poem with their help, rereading them of course as he goes
through its text, and perhaps, after having done with the poem, consulting them a third time so
as to complete the picture. I find it wise in such cases as this to eliminate the bother of back-andforth leafings by either cutting out and clipping together the pages with the text of the thing, or,
even more simply, purchasing two copies of the same work which can then be placed in adjacent
position on a comfortable table […] Let me state that without my notes Shade’s text simply has
no human reality at all42 […].
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De même que Charles Kinbote reconstitue les fiches de John Shade dans une édition
lourdement augmentée par ses notes, de même Johnny Truant copie un manuscrit éparpillé
sur divers supports et il l’édite, en y joignant une préface et son commentaire en forme
de footnotes. Le commentaire, dans ce cas, suit le rythme de la lecture, et les digressions
autobiographiques de Johnny suivent un ordre chronologique. La forme du récit de Zampanò
est d’ailleurs déjà anomale : des centaines de notes en bas de page (que Johnny ne s’abstient
pas d’annoter à son tour) accompagnent l’histoire gothique de l’étrange maison de la famille
Navidson de façon déjà abusive, comme dans une monstrueuse et grotesque caricature de la
critique académique, avec ses milliers de références bibliographiques, ses listes de noms ou
titres qui peuvent prendre plusieurs pages, et ses citations en plusieurs langues dont il est
souvent impossible d’attester l’authenticité. Le récit lui-même prend bientôt une disposition
typographique fort étrange : fenêtres textuelles et notes qui courent le long des marges,
pages presque entièrement blanches avec une seule ligne de texte disposée de façon non
conventionnelle. Le récit se fait labyrinthe. Johnny en est fortement ébranlé, et il manifeste
ses réactions parallèlement au texte même : toutefois, il est impossible de déterminer si cette
typographie déviante est la responsabilité de Zampanò ou du même Johnny43. De plus, les
résonnances inquiétantes entre le texte de Zampanò et les lettres en annexe de Pelafina, la mère
de Johnny, à son fils font penser qu’il est impossible d’établir avec certitude le nombre de
falsifications et d’intrusions du commentateur dans le texte. Pour House of leaves comme pour
Pale fire, ce doute peut mener à remettre en discussion l’authorship fictionnelle du roman : et
si une des deux instances scripturales était une fiction créée par l’autre ? Le roman de Nabokov
a notamment déclenché de nombreux articles sur la question : quelques critiques ont proposé
Kinbote comme seul auteur du roman, d’autres ont cru le voir en Shade44, alors que Brian Boyd
a avancé la thèse que Kinbote avait été aidé dans son commentaire par les fantômes de Hazel
Shade, la fille suicidée du poète, et du même John Shade45…
Malgré l’affirmation de Robert Alter selon lequel « this novel is not a Jamesian experiment
in reliability of narrator point-of-view46 », il reste difficile de puiser sa confiance dans un
personnage qui se prétend le roi déposé d’une distante terre nordique imaginaire, qui déforme
la réalité de ses relations humaines avec son voisin, et qui déclare : « I have no desire to twist
and batter an unambiguous apparatus criticus into the monstrous semblance of a novel47 »,
pour continuer ensuite avec plus de 150 pages de notes. D’ailleurs il faut souligner que, en
dépit de sa folie, Kinbote pourrait bien correspondre à l’idée du lecteur modèle de Pale fire :
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professeur d’université, il est assez érudit pour remarquer les intertextualités du poème, comme
les citations de Hardy, de Pope ou de Goethe, ou pour citer Proust dans son commentaire48.
Cependant, Kinbote refuse spontanément de coopérer avec le texte et il se place de son propre
chef sur le bord49 pour en donner une lecture fourvoyée : il est conscient que le poème de Shade
dessine un univers qui, à partir du mètre des vers, est proche d’Alexander Pope, mais il préfère
malgré tout le lire comme un récit shakespearien dont il est la source d’inspiration et le héros50.
La manière dont Johnny se rapporte au manuscrit de Zampanò est plus ambiguë : en première
approche, il semblerait que sa personnalité border-line et sa faible culture l’empêchent de
comprendre les dissertations de Zampanò et ses citations savantes51, mais au fur et à mesure
qu’il poursuit sa lecture, il apparaît un peu plus à l’aise avec la folle intertextualité et le
style difficile de Zampanò52 ; les appendices révéleront qu’il a été poète amateur dans son
adolescence et qu’il a voyagé en Europe53, et montreront aussi les lettres à la typographie
dérangée de sa mère, riches en citations littéraires et lexique ardu54. La lecture déclenche donc
dans le cas de Johnny un mécanisme de remémoration d’expériences (et compétences) qu’il
avait refoulées, ce qui lui cause de forts troubles psychologiques ; la conséquence est une
tension dramatique entre le récit premier, le commentaire et les appendices finals où plusieurs
documents sont regroupés, de la plume de Johnny, de sa mère ou encore de Zampanò.
Les aventures de ces unreliable annotators montrent comment la lecture est bien un
phénomène actif et non passif, fortement lié aux choix du commentateur, de bonne ou de
mauvaise foi. Aux lecteurs réels il est également demandé de choisir puisque, dans les deux
romans, ils sont contraints de feuilleter les pages et de passer d’un récit à l’autre, et de décider
de leur parcours et de l’ordre de lecture : il leur est aussi demandé de renoncer à l’application
de commodes stratégies interprétatives préfabriquées.
Ce genre d’entreprise pourrait pourtant sembler hérétique et marginal : ces commentaires
monstrueux procèdent d’un texte qu’ils parasitent sans s’en dégager, et qu’au fond ils
violentent. Mais c’est précisément ce que Barthes attend d’un commentaire : « [L]e travail du
commentaire, dès lors qu’il se soustrait à toute idéologie de la totalité, consiste précisément
à malmener le texte, à lui couper la parole55. » Pale fire place le thème du vol au centre de
la création littéraire : le titre est d’ailleurs volé à Shakespeare (« the moon’s an arrant thief /
and her pale fire she snatches from the sun56 »). De toute évidence, Kinbote est bien « an
arrant thief » : à la lettre, puisqu’il soustrait le manuscrit des mains du poète assassiné, et
métaphoriquement, puisque son commentaire lunaire et lunatique profite de la lumière du
poète plus célèbre qu’il devrait se contenter d’éditer. Johnny, en revanche, sauve le manuscrit
de Zampanò de l’oubli des poubelles, car le vieux est, comme lui et au contraire de Shade, un
marginal, un isolé ; mais il l’accompagne aussi d’un commentaire envahissant qui lui coupe
souvent la parole, lui soustrayant l’espace sur la page. Et pourtant Zampanò et Shade ne sont
pas innocents non plus ; eux aussi volent l’éclat de siècles de tradition littéraire pour leurs
jeux intertextuels : comme Barthes l’écrivait, d’ailleurs, « la lecture est conductrice du Désir
d’écrire57 ». Il est possible alors de changer de paradigme, et de voir dans ces marginalia non
plus un vol de lumière, un feu pâle, mais une réponse moins frauduleuse et plus naturelle : les
échos parsemés dans House of leaves en sont un bon symbole, ainsi que les figures de reflets,
miroirs et dédoublements qui caractérisent les pages de Pale fire. Peu importe, au fond, que
les échos transforment les sons originaires, ou que les miroirs soient déformants : il s’agit
de nouvelles créations qui nécessitent une attention nouvelle. Ces marges alors nous obligent
à être maîtres de notre lecture, à choisir comment réagir (ou non) au texte, à sa glose, ou à
la relation entre les deux, et à créer de nouvelles marges nous aussi, pris dans la toile d’une
incessante et jubilatoire lecture-écriture. Il ne serait pas vain d’accueillir la suggestion de John
Shade :
but all at once it dawned on me that this
was the real point, the contrapuntal theme;
just this: not text, but texture; not the dream
but topsy-curvical coincidence,
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Marges du texte entre lecture et écriture
not flimsy nonsense, but a web of sense58.
Bibliographie
Alter, Robert, Partial magic. The novel as a self-conscious genre, Berkeley, University of California
Press, 1975.
Annotation and its texts, New York, Oxford University Press, 1991.
Barthes, Roland, S/Z, Paris, Éditions du Seuil, 1970.
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Boyd, Brian, Nabokov’s Pale fire. The magic of artistic discovery, Princeton, Princeton University Press,
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Notes
1 Vladimir Nabokov, Pale fire, New York, A.A. Knopf, 1992, p. 21.
2 Cf. Heather J. Jackson, Marginalia. Readers writing in books, New Haven, Conn., Yale University
Press, 2001, et William H. Sherman, Used books. Marking readers in Renaissance England,
Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2008.
3 Roland Barthes, S/Z, Paris, Éditions du Seuil, 1970, p. 17.
4 Stanley Fish, Interpreting the variorum, in Reader-response criticism. From formalism to poststructuralism, Baltimore, John Hopkins University Press, 1980, p. 167.
5 Wolfgang Iser, Interaction between text and the reader, in The reader in the text. Essays on audience
and interpretation, Princeton, Princeton University Press, 1980, p. 112.
6 De manière similaire, Michel de Certeau a dénoncé le paradigme production-consommation, qui
destine la lecture à une passivité. Le lecteur, au contraire, « invente dans les textes autre chose que
ce qui était leur “intention”. Il les détache de leur origine (perdue ou accessoire). Il en combine les
fragments et il crée de l’in-su dans l’espace qu’organise leur capacité à permettre une pluralité indéfinie
de signification. » (Michel de Certeau, L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, Paris, Union générale
d’édition, 1980, p. 285-286.)
7 Wolfgang Iser, The implied reader. Patterns of communication in prose fiction from Bunyatt to Beckett,
Baltimore, John Hopkins University Press, 1974, p. 274.
8 Cf. Umberto Eco, Lector in fabula, Milano, Bompiani, 1979 ; Id., Interpretation and overinterpretation,
Cambridge, Cambridge University Press, 1992 ; Id., Sei passeggiate nei boschi narrativi, Milano,
Bompiani, 1994.
9 Cf. surtout Walter J. Ong, « The writer’s audience is always a fiction », Publications of the Modern
Language Association of America, XC, 1, 1975, p. 9-21 ; Peter J. Rabinowitz, « Truth in fiction : a
reexamination of audiences », Critical inquiry, IV, 1, 1977, p. 121-141 ; Gerald Prince, « Introduction
à l’étude du narrataire », Poétique, IV, 14, 1973, p. 178-196.
10 Roland Barthes, Sur la lecture, in ID., Le bruissement de la langue, Paris, Éditions du Seuil, 1984,
p. 43.
11 Ibid., p. 47.
12 L’expression est de Michel de Certeau, L’invention du quotidien. 1. Arts de faire, op. cit., p. 287.
13 Parmi les œuvres les plus citées : Jacques Derrida, Marges de la philosophie, Paris, Éditions de Minuit,
1972 ; ID., Glas, Paris, Éditions Galilée, 1974 ; ID., Parages, Paris, Éditions Galilée, 1985.
14 Lawrence Lipking, « The marginal gloss », Critical inquiry, III, 4, 1977, p. 609-655.
15 Ibid., p. 647.
16 Ibid., p. 638-639.
17 Ibid., p. 640.
18 Jacques Derrida, « Ceci n’est pas une note infrapaginale orale », La Licorne, XIX, 67, 2004, p. 8-9,
traduction de Jacques Derrida, This is not an oral footnote, in Annotation and its texts, New York, Oxford
University Press, 1991, p. 193-194.
19 Evelyn Tribble, Margins and marginality. The printed page in early modern England, Charlottesville,
University Press of Virginia, 1993, p. 6.
20 Ibid., p. 29.
21 Ibid., p. 96.
22 Michael Camille, Glossing the flesh : scopophilia and the margins of the medieval book, in The
margins of the text, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1997, p. 259.
23 Ibid., p. 257.
24 Heather J. Jackson, Marginalia. Readers writing in books, op. cit.
25 Ibid., p. 11-13 et 75-76.
26 Ibid., p. 11-12.
27 Ibid., p. 31-32 et 123-137, à propos d’une édition de Life of Samuel Johnson (1791) de James Boswell
annotée sur les marges, d’une façon très agressive, par Fulke Greville.
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Marges du texte entre lecture et écriture
28 Ibid., p. 64-65 et 72.
29 Cf. Lawrence Lipking, The marginal gloss, op. cit., p. 613-621.
30 Heather J. Jackson, Marginalia. Readers writing in books, op. cit., p. 149-164.
31 Ibid., p. 147.
32 Richard de Bury, Philobiblon ou l’amour des livres, traduit du latin par Étienne Wolff, Monaco,
Éditions du Rocher, 2001, p. 117.
33 Selon Brian Boyd, « Kinbote suffers from classical paranoia in all its main three forms » : « delusions
of grandeur », « erotic paranoia », « persecution mania » (Brian Boyd, Nabokov's Pale fire. The magic
of artistic discovery, Princeton, Princeton University Press, 1991, p. 60).
34 Vladimir Nabokov, Pale fire, op. cit., p. 74 et 78.
35 Mark Z. Danielewski, House of leaves, London, Doubleday, 2001.
36 Ibid., p. 379.
37 Ibid., p. 16 : « Now I’m sure you’re wondering something. Is it just coincidence that this cold water
predicament of mine also appears in this chapter?
38 Vladimir Nabokov, Pale fire, op. cit., p. 58 (« Ah, I must not forget to say something / that my friend
told me of a certain king ») et p. 175 : « I wish to say something about an earlier note (to line 12).
Conscience and scholarship have debated the question, and I now think that the two lines given in that
note are distorted and tainted by wistful thinking. It is the only time in the course of the writing of these
difficult comments, that I have tarried, in my distress and appointment, on the brink of falsification. I
must ask the reader to ignore those two lines (which, I am afraid, do not even scan properly). I could strike
them out before publication but that would mean reworking the entire note, or at least a considerable part
of it, and I have no time for such stupidities. »
39 Ibid., p. 239.
40 Lawrence Lipking, The marginal gloss, op. cit., p. 609.
41 Vladimir Nabokov, Pale fire. A poem in four cantos by John Shade, Corte Madera, Gingko Press,
2011.
42 Id., Pale fire, op. cit., p. 21.
43 Mark Z. Danielewski, House of leaves, op. cit., p. 134 : « Mr. Truant refused to reveal whether the
following bizarre textual layout is Zampanò’s or his own. – Ed. »
44 Cf. Brian Boyd, Nabokov’s Pale fire. The magic of artistic discovery, op. cit., p. 114-126.
45 Ibid., passim.
46 Robert Alter, Partial magic. The novel as a self-conscious genre, Berkeley, University of California
Press, 1975, p. 186.
47 Vladimir Nabokov, Pale fire, op. cit., p. 87.
48 Ibid., p. 62, 156, 183 et 126.
49 Il est intéressant de remarquer, en passant, que le premier titre du poème de Shade a été The brink, le
bord, comme le relate Brian Boyd (Nabokov's Pale fire. The magic of artistic discovery, op. cit., p. 113).
50 Les associations Shade-Pope et Kinbote-Shakespeare sont une suggestion de Robert Alter (Partial
magic. The novel as a self-conscious genre, op. cit., p. 202-204).
51 Un exemple emblématique est son commentaire d’une longue citation de Sein und Zeit de Heidegger,
à la fin de laquelle il s’exclame : « which only goes to prove the existence of crack back in the early
twentieth century. Certainly this geezer must of gotten hung up on a pretty wicked bad rock habit to start
spouting such nonsense » (Mark Z. Danielewski, House of leaves, op. cit., p. 25).
52 Ibid., p. 401 : Johnny rend signifiante une coquille dans le texte (parentethical au lieu de parenthetical)
à travers le jeu de mots parent-ethical.
53 Ibid., p. 574-580.
54 Ibid., p. 586-644.
55 Roland Barthes, S/Z, op. cit., p. 22.
56 William Shakespeare, Timon of Athens, IV, 3, v. 446-447.
57 Roland Barthes, Sur la lecture, op. cit., p. 45.
58 Vladimir Nabokov, Pale fire, op. cit., p. 50.
Pour citer cet article
Référence électronique
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Marges du texte entre lecture et écriture
Mariano D’Ambrosio, « Marges du texte entre lecture et écriture », TRANS- [En ligne], 13 | 2012,
mis en ligne le 20 mai 2012, consulté le 25 septembre 2016. URL : http://trans.revues.org/545 ; DOI :
10.4000/trans.545
À propos de l’auteur
Mariano D’Ambrosio
Université de Parme /
Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Mariano D’Ambrosio (Naples, 1982) a obtenu auprès de l’Université de Parma (Italie) une licence en
Sciences de la communication écrite et hypertextuelle (en 2004), et un Master 2 (Laurea specialistica)
en Journalisme et édition (2007). Son mémoire a eu comme sujet "Le paratexte libraire entre
communication publicitaire et création littéraire". Il est actuellement inscrit en deuxième année de
doctorat en Littérature générale et comparée auprès de l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle.
Son sujet de thèse concerne les formes anti-linéaires du récit, avec une attention spéciale aux cas de
Laurence Sterne (Tristram Shandy), Vladimir Nabokov (Pale fire), Georges Perec (La vie : mode
d’emploi) et Mark Z. Danielewski (House of leaves). Son directeur de thèse est Jean Bessière.
Droits d’auteur
Tous droits réservés
Résumés
Les études sur la réception des textes ont suggéré que tout texte configure son lecteur impliqué
ou idéal. Le lecteur réel, pourtant, peut décider de répondre au texte plus librement, occupant
les marges qui le bordent et activant un espace de renégociation du sens du texte et des
hiérarchies des discours. La marge peut alors s’attaquer au texte de façon irrespectueuse et
devenir un lieu de production de nouveaux sens, comme nombre de marginalia réelles ou
fictionnelles nous l’indiquent.
Reader-response oriented criticism suggests that every text creates its implied or ideal reader.
The actual reader, nevertheless, can decide to respond to the text more freely, occupying its
margins and thus activating a space of renegotiation of textual meaning and hierarchies of
discourse. The margin can then be subversive to the text and become a place where new
meaning is produced, as is shown by many real or fictional marginalia.
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