Revue de presse sur Anna Karenine de Joe Wright

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Revue de presse sur Anna Karenine de Joe Wright
Anna Karénine : un train nommé désir
L'adaptation du roman fleuve de Tolstoï (1877) par Joe Wright (réalisation) et Tom Stoppard (scénario)
est une indéniable réussite.Baroque et flamboyant, ce film en costumes nous plonge dans les affres de
la passion qui unit Anna Karénine (Keira Knightley), une jeune aristocrate mariée à un haut fonctionnaire
(Jude Law), et le comte Vronsky (Aaron Johnson) fringuant militaire de l'armée impériale, en évitant les
lourdeurs de la reconstitution historique empesée.
La première partie du film est à cet égard un régal : le monde d'Anna est un théâtre, une scène où la
passion exhibe ses artifices tout en se déclarant. Le film oscille constamment entre foisonnement et
dépouillement : pour le dépouillement, la scène d'Anna quittant son fils sous une table recouverte d'un
drap blanc où trône un train d'enfant réussit la gageure de réunir tous les éléments de la tragédie en un
plan, mais aussi les plans dans les cintres du théâtre qui dévoilent les coulisses de l'âme et le trouble
d'Anna. Pour le foisonnement, la scène de bal et la course de chevaux constituent autant de morceaux de
bravoure qui ravissent le spectateur. L'irrigation du cinéma par le théâtre nous rappelle sans cesse la
célèbre formule de Victor Hugo qui proclame la supériorité de l'art dramatique : "Le théâtre n'est pas
le pays du réel: il y a des arbres de carton, des palais de toile,un ciel de haillons, des diamants de verre,
de l'or de clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessus terre. C'est le
pays du vrai. Il y a des coeurs humains sur la scène, des coeurs humains dans la coulisse, des coeurs
humains dans la salle". Mais ce qu'il y a de plus réussi dans cette adaptation, c'est peut-être le traitement
du thème du train, à la fois Choeur antique qui scande la tragédie d'Anna, et présence angoissante aux
accents quasi lynchiens.
Plus d'un siècle après la parution du roman, Anna et Vronsky (modèles possibles d'Ariane et de Solal
dans Belle du Seigneur) nous émeuvent toujours autant, et toujours plus que Kitty et Lévine pour qui
pourtant penchait le coeur de Tolstoï, Tolstoï qui en disciple de Schopenhauerconsidérait l'amour comme
une illusion destinée uniquement à cacher la nécessité de se reproduire.
article écrit par Zéro de conduite
La critique de Thomas Sotinel (Le Monde) :
‘La chute d'"Anna Karenine", rattrapée au vol par la caméra sinueuse de Joe Wright’
Il y a le geste, un peu désuet : adapter un monument de la littérature mondiale. Et il y a le mouvement, une
transgression des règles de l'adaptation, en renonçant à l'illustration pour aller vers la stylisation. On
n'attendait pas cette audace de Joe Wright, cinéaste sage et spectaculaire. Pourtant, son Anna Karenine est à
l'image de son héroïne, brave, ne se souciant pas des idées reçues. Bien sûr, il y a un prix à payer pour cette
bravoure, qui se compte en émotion évaporée dans la fièvre de l'invention formelle. Reste que la sécheresse
élégante du résultat vaut bien mieux que les débordements lacrymaux auxquels l'histoire de la pécheresse a
déjà conduit.
Dès les premiers plans, une inquiétude s'évanouit. L'idée de voir des acteurs britanniques se vêtir et
se comporter comme des aristocrates russes du XIXesiècle, de les entendre dire en anglais une approximation
du texte de Tolstoï devenue obsolète, même si Hollywood et ses succursales londoniennes y restent attachés.
Or on découvre une scène de théâtre, qui exige un tout autre effort de l'imagination des spectateurs qu'un
décor de cinéma. Joe Wright a décidé de situer toutes les scènes citadines de l'histoire d'Anna Karenine
(Keira Knightley), de son amant le comte Vronski (Aaron Taylor-Johnson) et de son mari (Jude Law) dans un
décor à l'artificialité revendiquée. Il s'agit, bien sûr, de souligner l'arbitraire des conventions auxquelles se
heurte la passion qui jette la jeune épouse et mère dans les bras du bel officier. Mais aussi de l'exprimer plus
par les gestes, par un ballet amoureux (Wright a travaillé avec le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui pour en
régler les pas), que par les dialogues.
D'autre part, ce simulacre est opposé au réalisme pastoral de la vie de Levin (Domhnall Gleeson), dont la
passion pour Kitty (Alicia Vikander) s'épanouit loin de la ville, dans un paysage qui obéit au changement des
saisons. On peut supposer que ce contraste, qui est aussi un jugement, obéit à la hiérarchie des valeurs de
Tolstoï.
Cet emprunt au langage du théâtre ne signifie pas pour autant que Joe Wrightrenonce au cinéma. Il avait
démontré dans Reviens-moi, adapté d'un beau roman de Ian McEwan, son amour pour les mouvements
d'appareil sinueux, son goût pour les lumières flatteuses. Il y recourt ici, pas seulement pour célébrer la beauté
indéniable de ses interprètes. La mise un peu ridicule de Vronski souligne la folie qui s'est emparée d'Anna. A
cette dernière, Keira Knightleyprête toutes ses affinités avec le dérèglement des sens et de la raison, qu'elle
avait déjà expérimentés dans A Dangerous Method, quand elle jouait la patiente hystérique du Dr Jung.
L'extrême, et inévitable, compression de l'intrigue à laquelle a procédé le scénariste Tom Stoppard (qui a
consacré l'une de ses dernières pièces à l'épopée intellectuelle des révolutionnaires russes du XIXe siècle)
donne parfois à la descente aux enfers d'Anna Karenine le caractère d'une chute libre. Dans ces conditions,
les états psychologiques par lesquels passent les personnages sont plus signalés qu'élaborés. Mais la plupart
des acteurs font brillamment face à ce défi. Le couple que forment Domhnall Gleeson et Alicia
Vikander resplendit de félicité méritée, tandis que Jude Law manifeste une gravité et une profondeur inédites
dans le rôle du mari, aussi impitoyable que malheureux.
L’entretien avec Joe Wright par Thomas Sotinel (Le Monde) :
Joe Wright: Anna, Keira, Léon, Vronsky et moi
Alors que les équipes de films se succèdent dans les palaces parisiens plus régulièrement encore que les
aristocrates du golfe ou les oligarques chinois, il a fallu prendre le téléphone pour parler à Joe Wright. Le
réalisateur britannique est à Los Angeles où le sort d'Anna Karenine est en train de se jouer. Bien sûr, la
destinée de l'épouse amoureuse est scellée, Joe Wright n'est pas du genre à changer la fin des
classiques de la littérature mondiale, mais il reste encore une campagne à livrer, qui s'achèvera le jour
des Oscars. Si bien qu'il faut converser avec le réalisateur à travers neuf fuseaux horaires. Ce n'est pas
assez pour voiler le charme indéniable de ce quadragénaire, qui a grandi dans le théâtre de marionnettes
de ses parents, au Nord de Londres, s'est rendu célèbre au cinéma en réussissant une adaptation
d'Orgueil et préjugés, de Jane Austen, qui offrait à une jeune actrice, Keira Knightle, l'un de ses premiers
grands rôles.
Sept ans plus tard Elizabeth Bennet s'est muée en Anna Karenine, dans un film à la mise en scène d'une
radicalité déconcertante et grisante - les séquences qui montrent la vie sociale d'Anna, de son mari (joué
par Jude Law) et son amant Vronsky (Aaron Johnson) sont filmées sur la scène d'un théâtre, pendant
que l'idylle entre Levin (Domnhall Gleeson) et Kitty (Alicia Vikander) se déploie dans un décor agreste.
Sur la métamorphose de son actrice, sur son scénariste (le dramaturge Tom Stoppard) sur ses choix de
metteur en scène, voici ce que Joe Wright avait à dire:
J'ai assisté à la transformation de Keira Knightley d'ingénue renversante à actrice renversante.
Après Reviens-moi (Atonement, d'après Ian McEwan), elle est passée par une période difficile, très
sombre. Elle en a émergé meilleure actrice. Je voulais porter témoignage de cette transformation. En
même temps, j'ai trouvé en Anna Karenine un texte qui répondait à mes préoccupations du moment sur
l'amour, la paternité. J'ai voulu passer plus de temps avec ce livre et j'en ai fait un film.
Je suis attiré avant tout par la forme d'une œuvre d'art. Anna Karenine approche l'amour par tous les
côtés, simultanément, c'est une version cubiste de l'amour.
J'ai voulu que Tom Stoppard écrive le scénario, j'ai une foi entière en lui.
Je l'ai rencontré chez lui, à Chelsea, une première fois. Il n'a pas dit non. Je l'ai rencontré à nouveau, il
n'a toujours pas dit non. Pendant ces rencontres nous avons noué une conversation sur le film. Il m'a
parlé de l'amour comme une forme de la folie, il était très intéressé par l'histoire de Levin, au point d'en
faire l'objet du livre. Il avait une idée très claire du scénario. Quand il a eu dit oui, il est parti pendant six
semaines. Il m'a donné le plus beau scénario que j'aie jamais lu, écrit à l'encre bleue. Il reste 90% de ce
premier jet dans la version finale, c'est exceptionnel.
Ma décision de situer une partie du film a été inspirée par (le metteur en scène de théâtre russe)
Meyerhold qui parlait de la stylisation comme d'une soustraction et non comme d'une méthode de
décoration. C'était donc emprunté à la culture russe. Comme le roman est fait de deux livres, nous avons
donné une forme différente à chacun d'entre eux.
C'était quelques semaines avant le tournage, j'étais en repérage en Russie. J'étais assez déprimé, j'avais
l'impression de parcourir un chemin que moi et d'autres avaient déjà parcouru. Je me suis pris à rêver
d'un endroit unique où nous pourrions tourner le film. J'avais envie d'essayer autre chose. Le cinéma
anglophone est très attaché au réalisme. J'ai pensé à la solution que Lars Von Trier avait employée pour
Dogville, même si son parti-pris était trop austère pour moi. Je me suis souvenu d'une phrase d'Orlando
Figes (historien de la Russie) dans Natasha's Dance, qui disait que les aristocrates russes se
comportaient en permanence comme sur une scène. Ils faisaient semblant d'être français, comme s'ils
étaient en représentation. Ce qui m'a amené à situer l'action sur la scène d'un théâtre.
Tout le monde a marché. J'étais surtout inquiet au sujet de Tom Stoppard. S'il n'avait pas été d'accord,
j'aurais été bien embarrassé pour faire le film. Je lui ai fait parvenir des références visuelles puis je lui ai
expliqué mon idée. Quand je suis arrivé à la scène de la course, avec neuf chevaux au galop sur une
scène de théâtre, il m'a dit très courtoisement "j'aimerais bien voir ça".
J'aime choisir des acteur d'une grande imagination. J'ai pris Domnhall Gleason, même si Levin est
dépeint avec des cheveux noirs, parce qu'il avait l'espèce de gaucherie que je cherchais. Alicia Vikander
m'a frappé par son immédiateté, elle a une formation de danseuse et j'ai travaillé sur ce film avec le
chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui.
Vronsky est un personnage très difficile. Tolstoï et moi avons eu beaucoup de problèmes avec lui (il rit et
dit "je n'ose pas croire que je viens de prononcer cette phrase"). On ne lui fait pas confiance quand on fait
sa connaissance. Il mûrit tout au long de l'histoire. Nous avons utilisé des bas Christian Dior, placés
derrière les objectifs, pour diffuser la lumière. J'aimais l'idée que la chevelure blonde de Vronsky faisait
comme un phare dans la nuit pour Anna.
CORINNE RENOU-NATIVEL (Journal « La Croix ») :
« Anna Karénine » ou la naissance d’une passion entre Saint-Pétersbourg et Moscou
Pourquoi adapter un chef-d’œuvre de la littérature mondiale quand tant d’autres l’ont déjà fait ? Le film de Joe
Wright abolit la question par sa puissance et son originalité.
En 1874, dans la Russie impériale, Anna Karénine, épouse d’un haut fonctionnaire en vue à Saint-Pétersbourg,
rejoint son frère, Oblonski, à Moscou, pour l’aider à sauver son mariage après une infidélité.
Dans la capitale, elle rencontre le comte Vronski, aussitôt épris d’elle, qui tente de la conquérir jusqu’à SaintPétersbourg. Séduite, Anna Karénine résiste aussi longtemps qu’elle le peut aux avances du bel officier.
Intitulé à l’origine Deux mariages, deux couples, le roman de Léon Tolstoï raconte également l’histoire de Levine,
un ami d’Oblonski, amoureux de Kitty. Mais celle-ci n’a d’yeux que pour le comte Vronski, avant de comprendre
qu’il aime Anna Karénine.
Plutôt que de se concentrer, comme beaucoup d’adaptations, sur le personnage d’Anna, le scénario de Tom
Stoppard (Brazil, Shakespeare in love) tisse ensemble les deux récits, avec Oblonski pour catalyseur commun.
UNE ÉPOUSTOUFLANTE APPROCHE THÉÂTRALE
Plus que cette double histoire des héros de Tolstoï, ce qui fait la singularité du film de Joe Wright est une
époustouflante approche théâtrale. Sans s’y enfermer, il choisit un théâtre à l’italienne délabré comme décor clé.
Dans des mouvements de caméra d’une fluidité fascinante, un personnage descend de la scène pour entrer dans
une somptueuse salle de bal, le parterre devient patinoire, la scène chambre d’enfant ou champ de course.
Dans les coulisses vit le petit peuple des chanteuses et des miséreux, tandis que l’aristocratie, en représentation
permanente, occupe le devant de la scène. On n’entre dans des décors naturels qu’avec Levine. Accablé par le
refus de Kitty de l’épouser, il quitte Moscou pour ses terres, la campagne russe enneigée, les champs de blé à
faucher…
COLLABORATION DU CHORÉGRAPHE SIDI LARBI CHERKAOUI
Une réalisation à couper le souffle accompagne les déplacements des héros dans de longs travellings ;
tourbillonnante ou apaisée, la caméra exprime leurs mouvements intérieurs.
La danse d’Anna Karénine avec le comte Vronski, virevoltante et ondoyante, abolit la foule autour d’eux, avant de
retrouver une assemblée aux regards désapprobateurs.
Le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui a contribué à la stylisation de ce film à l’image particulièrement soignée par
l’invention d’une valse aérienne et un travail sur les gestes et distances des acteurs.
UNE KEIRA KNIGHTLEY ESPIÈGLE ET TOURMENTÉE
Joe Wright offre des pauses dans ce flux gracieux et dynamique, des tête-à-tête intimes, retenus puis passionnés
entre Anna Karénine et son bien-aimé. Ou la délicate scène dans laquelle, par un jeu de cubes interposé, Kitty et
Levine s’avouent la possibilité intacte d’un avenir ensemble.
Si certains s’agaceront du maniérisme de ce long métrage, les autres se laisseront séduire par cette ode à l’amour
sous toutes ses formes – passionnel, maternel, fraternel, etc.
Ils vibreront à l’unisson d’Anna Karénine, incarnée par une Keira Knightley espiègle et tourmentée, éprise et
dévastée par le rejet de ses pairs, qui donne sa sensibilité, sa sensualité et sa profondeur à ce rôle exigeant.
Melissa Blanco (article écrit pour ECRAN LARGE http://www.ecranlarge.com)
Après deux incursions dans le monde contemporain (Le Soliste, Hanna), le cinéaste Joe Wright revient à ses premiers
amours: l'adaptation littéraire et le film en costumes. Après Jane Austen et Ian McEwan, il s'attaque au classique de
Tolstoï, Anna Karenine, et offre à son égérie Keira Knightley le rôle éponyme. C'est donc en terrains connus (et conquis ?)
que l'on découvre cette adaptation attendue... l'idéal alors pour Joe Wright d'aller là où l'on ne l'attend pas forcément. Dans
la grande tradition des héroïnes bafouées, Anna Karenine se pose là. Compagne d'un haut fonctionnaire du gouvernement
russe, Anna vit une existence paisible, sans passion, entre son mari et son fils. Jusqu'au jour où elle croise le chemin d'un
jeune officier de cavalerie. Et la belle d'y voir là sa chance ultime de découvrir le sentiment amoureux. Entre le coeur et la
raison, Anna s'oublie alors dans les bras du beau Vronski, oubliant par la même ses obligations conjugales.
Si le cinéaste britannique magnifiait les destins d'Elizabeth dans Orgueil et préjugés et de Cécilia dans Reviens-moi, il
n'hésite pas, au contraire, à faire l'inverse avec Anna. Petite pièce d'un puzzle plus vaste, la jeune femme est d'abord
désarmante, par sa tristesse et sa détresse, puis devient peu à peu un personnage antipathique, comme si Joe Wright
souhaitait souligner la banalité de sa situation. Au fond, elle n'est qu'une femme parmi d'autres, qu'un personnage au milieu
d'une scène surchargée, au coeur d'une histoire plus grande. Donnant à son destin une dimension à la fois tragique et
pathétique dont le final expéditif viendra en renforcer l'effet.
Si l'on connait la folie des grandeurs de Joe Wright en ce qui concerne la mise en scène, Anna Karenine ne déroge pas à la
règle. L'action du film se situe presque entièrement dans un théâtre dont le cinéaste investit aussi bien la scène que
l'orchestre. Ici, on change les décors à vue, on passe d'un lieu à un autre en soulevant une toile, du théâtre à la nature en
poussant une porte. Réalité et théâtralité se mêlent, comme symbole même de la représentation d'une société russe du
XIXème siècle où chacun se doit de jouer un rôle. Entre les bals costumés et les courses épiques, tout n'est qu'un jeu, reste
alors à Anna de suivre la danse. Mais comment pourrait-elle faire semblant alors que l'amour la rend particulièrement
vulnérable ? Et alors qu'en coulisses, la rumeur se répand, la jeune femme va peu à peu s'attirer les foudres de la société,
rejetant cette femme infidèle ne respectant pas les conventions.
Magnifiquement mise en scène, le film est à la fois une expérience sensorielle et visuelle à travers laquelle le cinéaste réussit
à retranscrire une sorte d'« âme russe ». Il y a évidement la mise en avant du théâtre et de la musique, si cher au pays,
mais aussi par une forme d'exubérance et d'outrance qui rappellent à certains égards Moulin Rouge. Comme dans l'oeuvre
de Baz Lurhmann, le film est un ballet, une danse des sentiments parfaitement chorégraphiée. S'il déconcerte parfois - dans
son traitement du personnage -, Anna Karenine est une proposition de cinéma culottée comme on en voit rarement à
l'écran. Laissez-vous charmer par le folklore russe !
Les fiches du cinéma – critique écrite par Olivier Bouchard
S’il est vu comme paradigme d’adaptation, Anna Karenine est un film lamentable. De la représentation de
la Russie que Dostoïevski voyait dans le chef-d’œuvre de Tolstoï, Joe Wright n’en tire qu’une caricature,
parlant en anglais, grossière et ridicule ; à la froideur penchée sur l’irrationalité que Kundera voyait
comme principale, le réalisateur préfère un romantisme créé par un pathos fortement appuyé. Pourtant,
rien, ici, n’est erreur. Le réalisateur assume son parti pris tout au long de son film et réussit à convaincre
même si le film appelle à être détesté. La maîtrise avec laquelle il orchestre ses scènes provoque
l’admiration et, orgueilleusement, son film est beaucoup plus représentatif de la beauté de son propre
cinéma que du discours de l’œuvre de Tolstoï. En tant que tel, cet Anna Karenina est un film magnifique,
où tout est millimétré avec une justesse telle que même le jeu des acteurs semble, tels les mouvements de
caméra et de décors, faire partie de l’aspect technique du cinéma. Le spectateur est alors, à ses dépends,
face à une œuvre tout aussi grandiloquente que splendide.
Revue de presse : http://www.allocine.fr/film/fichefilm-191856/critiques/