L`article au format PDF - Faculté des Sciences du Sport

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L`article au format PDF - Faculté des Sciences du Sport
Éthique sportive et rationalitÉ managÉriale
Gary Tribou
Le sport constitue à l’heure actuelle un secteur économique à part entière qui
pèse environ trente-quatre milliards d’euros en France 1. La moitié de la dépense
est le fait des ménages, l’autre moitié celui des pouvoirs publics (l’État à hauteur de
12 % – dont la dépense est en retrait constant, les collectivités à hauteur de 24 %)
et des entreprises (14 % principalement en droits médias et en droits marketing).
Les dix-sept milliards de dépense des ménages se partagent en deux segments :
celui des articles de sport (équipements, textile et chaussures) à hauteur de neuf
milliards environ, celui des services sportifs autour de la pratique et du spectacle,
à hauteur de huit milliards. La croissance du marché du sport a été relativement
forte puisque durant la décennie 1995-2005 les ventes d’articles ont augmenté
d’un tiers, celle des services de deux tiers (en euros courants selon l’Insee). Le
marché s’est stabilisé depuis.
Même s’il faut relativiser le poids du sport (qui pèse seulement 1,7 % du PIB
de 1 950 milliards d’euros) 2, une telle croissance attire forcément les investisseurs
privés qui vont s’implanter puis s’imposer sur les segments les plus rentables :
l’industrie du sport et la distribution des articles de sport (traditionnellement du
domaine marchand) mais également les prestataires de services qui relevaient
traditionnellement du mouvement sportif (cela concerne surtout l’organisation
et la diffusion des spectacles sportifs, la pratique d’un sport amateur restant globalement publique ou associative). Ainsi, au fil du temps économique, le mouvement sportif associatif va se trouver contraint à adopter les outils managériaux
des entreprises marchandes et à participer à la généralisation d’une rationalité de
gestion (Tribou, 1993).
Notre objet d’analyse porte sur les interférences entre une éthique sportive
traditionnelle – celle qui s’est construite autour de l’olympisme et qui fonde le
sport dit amateur – et une éthique managériale de type utilitariste qui est celle
des organisations à la poursuite d’un résultat économique. Nous verrons successivement comment l’éthique utilitariste inspire les acteurs économiques du sport,
avant d’en constater les effets sur une éthique sportive devenue croyance et de
conclure sur quelques perspectives d’avenir.
1 Données du Ministère des Sports, Les chiffres-clés du sport, 12/2010. La question de la
mesure statistique du poids économique du sport est problématique. Elle renvoie aux usages
des biens (l’achat d’un vélo est-il toujours un achat sportif ? celui de chaussures de sport pour
un usage non sportif doit-il être retenu ?) et à la nature des services (consommer un match de
football télévisé est-ce une consommation sportive ?). Voir à ce sujet W. Andreff, Économie
internationale du sport, PUG, 2010.
2 Le chiffre d’affaires du numéro 1 mondial Nike pèse deux fois moins que celui du constructeur automobile Renault.
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ÉTHIQUE SPORTIVE ET RATIONALITÉ MANAGÉRIALE
L’éthique utilitariste des acteurs économiques du sport
Il semble avéré, aujourd’hui, que les acteurs du sport poursuivent des objectifs
de nature clairement économique. En effet, l’individu sportif professionnel et son
organisation (relevant même parfois du monde amateur) visent à optimiser des
résultats sous forme de revenus, le média diffuseur du spectacle sportif vise une
audience maximale qui lui permettra de commercialiser au mieux ses espaces
publicitaires, le partenaire sponsor vise une efficacité optimale sous la forme généralement d’un retour sur investissement économique (chiffre d’affaires, part de
marché). Même si chaque acteur peut poursuivre d’autres objectifs non économiques à un moment ou à un autre, de nature sociale ou éthique (l’individu peut
consacrer une partie de son temps à des opérations de bénévolat comme des animations de quartiers, le média de service public visera davantage qu’une simple
audience et inscrira une partie de son action dans la poursuite de l’intérêt général,
le partenaire public – État ou collectivité – s’il espère des retombées électorales,
orientera son action en direction des intérêts de la collectivité locale ou nationale), il n’en demeure pas moins que globalement et principalement, la finalité est
de nature économique. Une collectivité préoccupée de niveau d’emploi et d’implantation d’entreprises reléguera au second plan les objectifs de socialisation et
de santé ; une télévision publique ayant à lutter contre la concurrence du secteur
commercial, aura elle aussi des priorités d’audiences.
Selon l’économiste néo-classique Von Mises (1962), la rationalité économique
est purement instrumentale, sorte de rationalité d’évidence et de bon sens à
usage des entreprises dans nos sociétés libérales. C’est une rationalité d’ingénieur
pointée sur une finalité d’efficience taylorienne 1 et d’essence productiviste. Elle
est pleinement justifiée par le fait que le producteur doit être efficient pour être
compétitif : produire le plus possible au moindre coût (soit un minimisant le coût
du travail et celui du capital technique), et mieux que ses concurrents ; mais au
risque de l’inefficacité, c’est-à-dire de ne pas répondre à la demande en termes de
qualité car la sanction du marché est exercée par le demande in fine.
Cette définition managériale fait écho à l’approche socioéconomique du fondateur de la science économique : Adam Smith. Initiateur de la croyance d’un marché
régulateur des appétits individuels et conduisant librement à l’intérêt général et
au bien-être collectif, il postule que les rationalités individuelles fondées sur la
recherche d’un profit maximum se trouvent régulées par le marché. Par la suite,
les auteurs classiques puis néoclassiques s’en inspireront pour instituer une loi du
marché qui continue de marquer nos économies : la démarche entrepreneuriale
de maximisation de la satisfaction et donc du profit individuel, est modérée par
celle du consommateur visant à maximiser sa propre satisfaction et donc à minimiser le prix d’achat (qui détermine le montant du profit du producteur à travers
l’équation Chiffre d’affaires = Prix fois Quantité vendue). Par ailleurs, les entre1 L’efficience taylorienne s’exprime simplement à travers un ratio de productivité : quantité
produite par unité de travail.
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éthique du sport
preneurs se trouvant en concurrence, ils sont conduits à modérer leurs appétits
économiques s’ils veulent séduire les consommateurs eux-mêmes en concurrence
d’achat. La concurrence entre les offreurs tend à la baisse des prix, celle entre les
demandeurs tend, à l’inverse, à la hausse des prix ; l’équilibre se trouvant atteint
à un juste prix du marché. Le prix du marché apparaît ainsi à la fois comme un
facteur d’équilibre technique (point de rencontre entre offres et demandes) et
mais aussi comme un équilibre social de satisfaction équilibrée. Smith évoque
d’ailleurs une « main invisible » qui vient aider le marché à réaliser l’équilibre
d’une certaine harmonie sociale. Relevons que la théorie libérale ne s’applique
pas seulement au marché des produits mais également aux autres marchés dont
celui du travail. Selon les auteurs libéraux 1, les pouvoirs publics ne doivent pas
intervenir sur un marché du travail librement régulé par les prix : le chômage dans
un secteur trouvant sa solution dans la baisse du taux de salaire (qui attire les employeurs et décourage les travailleurs) ; le sous-emploi dans un autre secteur étant
réglé par une hausse (attirant les travailleurs et décourageant les employeurs).
Sur le plan moral, Smith dont les premiers écrits exposent une « Théorie des
sentiments moraux » (1759) à visées humanistes (avant d’aborder la « Richesse des
nations » en 1776 plus centrés sur l’économie), fait référence à Locke 2 et à Mandeville (1714) qui posent les principes d’une éthique utilitariste 3. La croyance qui
perdure à l’heure actuelle de la mondialisation, est que la recherche individualiste
de son enrichissement personnel (moteur d’un nécessaire activisme économique)
a tendance à écarter toute production sans utilité économique (relevant alors de
l’associatif ) et conduit au progrès social matériel de la collectivité toute entière.
La recherche du profit individuel profite finalement à tous. L’égoïsme condamnable d’un individu poursuivant ses intérêts personnels (par l’exploitation de son
prochain notamment comme le dénoncent les marxistes) est finalement blanchi
par le progrès matériel dont tous vont tirer profit collectivement. Le mobile du
gain présenté comme une motivation élémentaire et universelle, quasiment naturelle, se trouve ainsi « moralisé » au niveau collectif.
L’économiste Perroux (1948) a dénoncé en son temps de reconstruction économique, une « économie de l’avarice » et le philosophe Castoriadis (1975) a
pointé l’utopie libérale et montré le caractère fondamentalement relatif de notre
rationalité occidentale à prétention universelle. Car toute rationalité trouve son
sens dans ses objectifs sociétaux (Godelier, 1971). Ainsi, il peut être rationnel de
1 La deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par un regain d’intérêt pour le libéralisme et les vertus du capitalisme ; notamment à travers les théories élaborées par la très influente école de Chicago sous l’autorité du lauréat du prix Nobel d’Economie Milton Friedman
(Capitalism and Freedom, 1962).
2 Le libéralisme classique apparaît avec le philosophe John Locke, à la fin du XVIIe siècle.
Selon lui, la liberté fait partie des droits naturels de l’homme auxquels les États ne doivent pas
porter atteinte. Les penseurs utilitaristes, Bentham et Mill se situent aussi dans ce courant
libéral puisque, selon eux, il appartient à chaque individu de définir pour lui-même ce qui
constitue le bonheur (Vienne, 1991).
3 La morale utilitariste de Jeremy Bentham (XIXe) et de John Stuart Mill (1848) lie l’utilité
au bonheur. Est considérée comme morale toute action augmentant le bonheur du plus grand
nombre (Laval, 2003 ; Boss, 1991).
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ÉTHIQUE SPORTIVE ET RATIONALITÉ MANAGÉRIALE
promouvoir la pauvreté matérielle si l’objectif final est un bien-être spirituel. Max
Weber (1922) avance le concept de rationalité seconde pour dépasser celui de
la rationalité instrumentale de nos sociétés matérialistes tendues vers l’objectif
déclaré universel du bien-être matériel. Si la rationalité peut se définir simplement comme étant le plus court chemin pour atteindre un objectif (Allais, 1947),
encore faut-il qu’il y ait consensus sur l’objectif ou plus largement sur le système
d’objectifs. Le concept de rationalité seconde insiste fort justement sur la cohérence des objectifs comme étant un préalable à la mise en œuvre technique d’une
rationalité instrumentale. Et c’est à ce niveau que l’éthique trouve toute sa place :
la démarche productiviste n’est plus le meilleur moyen d’atteindre un système
d’objectifs qui associe à l’objectif quantitatif traditionnel relevant de l’éthique
utilitariste, des objectifs sociétaux en phase avec une éthique de développement
durable, de santé au travail ou encore de bien-être spirituel.
Dans ces conditions de redéfinition de la rationalité managériale, il est difficile de suivre un auteur comme Le Breton (1985) qui postule que l’éthique est
inutile à l’entreprise. Inutile à l’entreprise machiavélienne pour qui la fin (du profit
maximum) justifie les moyens des conditions humaines et matérielles d’optimiser
le résultat. Déjà Weber (1922) avait souligné l’importance de l’éthique puritaine
dans le succès des premières entreprises capitalistes. L’entrepreneur frugal et
austère qui œuvre à la seule gloire de Dieu va ainsi accumuler du capital que
l’entrepreneur hédoniste va dépenser pour son seul plaisir matérialiste, mettant
en péril son entreprise. Ainsi la maxime fameuse de Kant – il n’y-a de morale véritable que désintéressée – est contredite par la thèse weberienne : l’entrepreneur
a intérêt à s’enrichir s’il veut plaire à Dieu et ainsi s’assurer de l’au-delà.
L’éthique sportive à l’épreuve de la rationalité managériale
Quelle est l’influence d’une généralisation de la rationalité managériale sur
l’éthique sportive ?
A certains moments de la vie sociale, chacun des acteurs économiques du
sport peut éprouver le besoin de sortir de cette éthique de l’utilité économique
pour retrouver des valeurs considérées comme sportives. Il le fera certes de façon
citoyenne ou avec des arrières pensées utilitaires, difficile de juger les intentions,
mais son action se trouvera alors finalisée par des objectifs qui n’ont plus de retombées économiques immédiates : le sponsor commercial devenant mécène (par
exemple, l’horloger Festina, sponsor commercial du cyclisme compromis dans
des affaires de dopages durant les années quatre-vingt-dix, possède une fondation
depuis 1999), le club professionnel affichant un sens de la communauté (le FC
Barcelone accueille l’UNICEF sur le maillot de ses joueurs), la célébrité sportive
se consacrant à la défense d’une grande cause sociétale (Zidane reconverti en
ambassadeur Danone rencontre le Prix Nobel de la Paix en 2006 au Bangladesh).
Même si ces écarts à la logique de résultat économique se trouvent souvent jus431
éthique du sport
tifiés in fine par un surcroît d’efficacité économique (la fondation Festina apparaissant comme un autre moyen de développer le chiffre d’affaires de la société,
la présence de l’UNICEF ayant permis au FC Barcelone de négocier au mieux un
contrat avec la Qatar Fundation qui a pris la place de l’association sur le devant
du maillot et Zidane accumulant les revenus publicitaires), il n’en demeure pas
moins que chacun des acteurs relève à des moments différents de chacune des
éthiques : utilitariste principalement mais également sportive.
L’approche de ces questions éthiques se fait généralement de façon émotive :
d’un côté, l’angélisme militant des défenseurs de la doxa olympique qui idéalisent
le mouvement sportif et diabolisent les investisseurs économiques ; de l’autre, le
pragmatisme managérial qui ne retient du sport que ce qui présente une rentabilité. Dès lors, il nous semble nécessaire d’éclaircir la relation entre éthique
sportive et pratiques managériales.
Les valeurs du sport intéressent les acteurs économiques
Le code du sportif édité par l’Association Française pour un Sport sans Violence
et pour le Fair-Play (AFSVFP) liste les sept valeurs fondamentales du sport : « se
conformer aux règles du jeu, respecter les décisions de l’arbitre, respecter adversaires et partenaires, refuser toute forme de violence et de tricherie, être maître
de soi en toutes circonstances, être loyal dans le sport et dans la vie, être exemplaire, généreux et tolérant ». De ce catalogue éthique dont le contenu se retrouve
en termes similaires dans nombre de chartes sportives, trois valeurs intéressent
principalement les acteurs économiques : celles d’amateurisme, de loyauté, de
fraternité ; soit trois éléments d’image qui présentent une utilité économique
certaine pour des annonceurs tour à tour sponsors et acheteurs d’espaces publicitaires, des médias producteurs de discours et de spectacles, des consommateurs qui constituent à la fois l’audience des médias et la clientèle des annonceurs
(Ehrenberg, 1991 ; Chappelet, 1992 ; Tribou, 2007). Chacun agit en fonction d’une
éthique utilitariste d’optimisation (chiffre d’affaires pour les uns, satisfaction de
besoins économiques pour les autres) et l’éthique sportive constitue un réservoir
de valeurs dans lequel les offreurs vont puiser pour alimenter leurs communications et conforter positivement leurs images (la notion d’image retenue étant
celle définie par Aaker, 1991). Sur ce point d’un transfert d’image, la littérature
est abondante ; citons Ganassali et Didellon (1993), Giannelloni (1993), Ferrand
et Pagès (1996), Grimes et Meenaghan (1998), Tribou (2011). Chacune des pratiques est porteuse de valeurs et d’attributs d’images spécifiques qui vont orienter
les choix managériaux (Meenaghan et Shipley, 1998). Une valeur sportive portée
par une pratique médiatisée (par exemple, la fraternité des handballeurs français
mise en scène médiatique lors d’un championnat du monde) peut ainsi constituer
un axe de communication pour une marque associée à l’équipe (comme la marque
Orangina en 2010), à ses exploits et à l’émotion suscitée (l’impact émotionnel des
messages sportifs ayant été validé par Holbrook et Batra, 1987).
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ÉTHIQUE SPORTIVE ET RATIONALITÉ MANAGÉRIALE
Mais ces valeurs constituent des croyances qui se retrouvent rarement dans
la réalité du spectacle sportif (Tribou, 2002, 2009) sinon dans celui offert par
le mouvement associatif à un niveau très local et généralement sous-médiatisé
(quelques lignes de rédactionnel dans la presse écrite régionale). Or ces valeurs
devenues croyances, largement contredites sur les terrains sportifs, demeurent
attractives pour les acteurs économiques. Voyons pourquoi.
La valeur olympique de désintéressement, d’amateurisme et de l’effort gratuit
reste paradoxalement un élément d’image très prisé dans nos sociétés de consommation. En effet, cette valeur dont le sens étymologique (amator, celui qui aime)
renvoie à la morale chrétienne, apparaît comme une sorte d’antidote à la réalité
marchande en mesure d’apporter une valeur ajoutée aux produits de consommation. Relevons l’exemple de la campagne de communication de la marque Kinder
lors de l’Euro de Basket-ball 2009 : la marque qui n’est pas réputée pour son sens
civique (en termes de santé publique des enfants) offre son espace maillot à l’association Secours Populaire Français. L’objectif de communication est double :
se trouver associé aux valeurs sportives véhiculées par le basket-ball et à celles
portées par le soutien à des catégories sociales fragilisée.
Or la réalité sportive n’est pas celle du désintéressement. Et ce ne sont pas
les rémunérations fabuleuses d’une poignée de sportifs professionnels qui posent
véritablement problème éthique 1. Car à la question « un footballeur de Ligue 1
assis sur un banc de touche vaut-il dix fois plus qu’un handballeur champion du
monde ? », la réponse est non du point de vue du mérite sportif mais oui du point
de vue économique. En effet, le footballeur vaut dix fois plus économiquement :
en droits médias et marketing, et en produits dérivés ; la loi du marché de l’offre
et de la demande conduisant à ces écarts. Ce qui pose problème éthique est plus
à situer dans le mouvement sportif associatif. Par exemple, les rétributions symboliques des élus bénévoles (dans l’utilisation d’une image sportive associative à
des fins économiques par un chef d’entreprise en quête de marchés ou à des fins
électorales par un élu politique) se doublent souvent d’avantages en nature inconsidérés (frais somptuaires d’hôtellerie, de déplacements, véhicules de fonction,
etc.) voire de dépenses condamnables (abus de biens sociaux) qui alimentent le
soupçon d’un affairisme sportif généralisé. Plusieurs fédérations nationales et internationales ont été touchées par des « affaires » et le mouvement olympique
n’est pas non plus une référence éthique incontestable (cf. les conditions d’attribution des Jeux Olympiques aux villes candidates par le CIO).
Par ailleurs, la libéralisation des paris sportifs en ligne ajoute à la suspicion
éthique. Elle affecte notamment l’éthique du tennis et les fédérations redoutent
aujourd’hui une généralisation d’un système de truquage des matchs à l’instar de
ce qui avait été révélé lors du tournoi du BNP-Paribas Master Series de Paris
Bercy en 2007 : certains joueurs ont été impliqués dans des matchs truqués au
1 En 2010, les trois sportifs les mieux rémunérés au monde sont le golfeur Tiger Woods
(56,1 M€), le basketteur de NBA Kobe Bryant (33,9 M€) et le footballeur préretraité David
Beckham (31,7 M€). Le champion du monde et champion olympique de handball Nikola Karabatic gagne donc cinquante fois moins que le footballeur (650 000 €).
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éthique du sport
bénéfice de parieurs munis d’ordinateurs dans les gradins ; la solution adoptée par
la FFT d’interdire les ordinateurs se trouvant immédiatement mise à mal par la
généralisation des smartphones. Le football européen est également directement
concerné, l’UEFA ayant mis en place une structure de lutte contre le truquage des
matchs (cf. l’affaire du Bayern de Munich) 1. Les campagnes de sponsoring dans les
clubs européens des grandes marques de paris en lignes (notamment BetClic ou
bwinn) contribuent à promouvoir un nouveau comportement de spectateur pour
qui la victoire n’est plus la victoire sportive de son équipe mais celle de l’équipe
sur laquelle il a misé. La participation d’une icône du football comme Zidane à
des campagnes de communication comme celle du site « gagner – argent – paris
– sportifs.fr » nous semble très significative de cette dérive éthique.
Une deuxième valeur sportive intéresse les acteurs économiques : celle de
loyauté (fair-play) et de juste compétition. La métaphore de compétiteurs tous
égaux sur la ligne de départ contredit également la réalité de nos sociétés économiques de privilèges et de reproduction sociale, mais elle va paradoxalement
intéresser les marques à la recherche de la confiance de leurs consommateurs,
salariés et partenaires (notamment les banques et les sociétés d’assurance) 2. Or la
valeur est mise à mal au gré des affaires de dopage fortement médiatisées qui se
succèdent (le cyclisme étant peut-être « injustement » en première ligne) et des
soupçons de truquage pesant sur certains sports spectacles (le football principalement : des « pots de vin » seraient versés aux arbitres ou aux joueurs).
Dernière valeur refuge, la fraternité sportive dans l’effort collectif faisant référence à la morale chrétienne de l’amour de son prochain constitue une aubaine
pour l’entreprise qui cherche à motiver ses troupes et à fédérer ses consommateurs. Par ailleurs, elle tend à désamorcer toute contestation de la bonne foi posée
a priori de l’entreprise. Mais la valeur est bousculée par la violence des joueurs sur
les terrains et celle de certains supporters dans les gradins.
Des valeurs non sportives véhiculées par le spectacle sportif sont également
très prisées des marques : celles relevant des Droits de l’Homme (et notamment
ceux de la Femme en lutte contre toutes formes de sexisme sportif, et de l’Enfant
– exploité par les sous-traitants de certains équipementiers, ou encore ceux de
minorités nationales – cf. la question tibétaine lors des JO de Pékin en 2008),
celles du développement durable (les sports mécaniques sont en première ligne :
rallyes et Formule 1 notamment) ou encore celles relevant de la santé publique
(l’image du sport généralement associé à l’hygiène alimentaire est utilisée par des
1 Le Bayern fait l’objet d’une enquête de la commission disciplinaire de l’UEFA après avoir
concédé une défaite improbable en demi-finale de la Coupe UEFA de 2008, contre le Zenit St
Petersbourg, soit une équipe sportivement moins forte et sur un score impensable ; les erreurs
commises par certains joueurs alors même qu’un groupe de parieurs en ligne misaient massivement sur les résultats nourrissant le soupçon de corruption.
2 Citons l’exemple de la marque Coca-Cola qui participe activement à la promotion des
valeurs du sport dans le football amateur à partir d’un slogan (« On parle tous football ») diffusé
auprès de plus de 320 000 licenciés en clubs de douze à quinze ans et d’une opération de communication nationale (cinq joueurs de Ligue 1 ambassadeurs du programme : « promouvoir le
fair play sur les terrains »).
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ÉTHIQUE SPORTIVE ET RATIONALITÉ MANAGÉRIALE
marques comme Haribo, partenaire de France Télévision durant les JO de Pékin
[le directeur marketing d’Haribo déclarait : « nous voulons montrer aux jeunes
que gourmandise et sport peuvent être associés » – in CB News, 979, 2008]).
Éthique sportive et rationalité managériale
Quelles explications apporter à ces manquements généralisés et récurrents à
l’éthique sportive ?
Notre analyse est que le sport devenu un secteur d’activité économique à part
entière se trouve régi par la rationalité économique (Tribou, 1993 ; Hertrich et
Tribou, 2008). En effet, pour un individu – sportif salarié d’une entreprise de
spectacles sportifs – le dopage est un moyen rationnel d’être performant et de
conduire sa carrière professionnelle, tout comme il est rationnel d’agresser un
adversaire pour gagner à tout prix un match rémunérateur. Pour une organisation
– un club – les actes délictueux sont à la hauteur des enjeux économiques : tricher
pour figurer en Coupe d’Europe ou ne pas descendre en division inférieure peut
apparaître comme un choix rationnel. Car ne mélangeons pas éthique sportive et
éthique utilitariste. Si le dopage est un bon moyen de faire un spectacle de qualité,
d’augmenter les recettes télévisées et marketing d’un club, alors on continuera à
l’utiliser et à l’améliorer. Si le coût du dopage augmente (procès, amendes, rejet
du public, problèmes d’image, etc.), alors on choisira un autre moyen jugé plus
efficace (des matchs moins longs, des étapes cyclistes moins exigeantes, etc.). A
problème économique, solutions économiques.
Si nous convoquons à nouveau les deux auteurs de référence évoqués supra
– Smith et Machiavel – nous pourrions emprunter à Smith le principe central
de sa Théorie des sentiments moraux (1759). Il postule, en effet, que le système
libéral est vertueux en soi et qu’il est inutile de tenter de le réguler au risque de
nuire à l’intérêt général. Ainsi, une société sportive pourrait viser un équilibre
comparable : laissons faire librement les acteurs (le club et ses sponsors incitant
le sportif au dopage, les autorités sportives dissuadant d’y recourir) et l’équilibre
sera atteint. Or l’utopie libérale a montré ses limites dans l’incapacité structurelle
du système à éviter les crises. La référence à Machiavel (Le Prince, 1513), considéré par Hélène Vérin (1982) comme un des théoriciens fondateurs de l’esprit
d’entreprendre, constitue une référence plus directement applicable. Sa formule
célèbre selon laquelle la fin justifie les moyens, est celle du pragmatisme managérial dont la seule morale est celle de l’intérêt individuel et de l’efficacité à tous
prix. Machiavel a émancipé la politique de la morale religieuse de la société organique pour poser les bases d’une rationalité purement instrumentale que les
sciences managériales vont adopter : minimiser les moyens (les coûts) afin de
maximiser le résultat (les revenus). Il s’agit d’une rationalité qui n’envisage aucunement l’éthique de la finalité (les résultats maximisés sont-ils en phase avec les
valeurs sociétales ?), ni celle des moyens (provoquant l’aliénation humaine) ; tout
comme le club peu scrupuleux ne se préoccupera guère des moyens mobilisés
pour acquérir la victoire sportive, ni de la finalité ultime de la victoire (la victoire
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éthique du sport
pour quoi faire ? Obtenir plus de droits médias et de droits marketing ? Verser
plus de dividendes aux actionnaires ?). Or un auteur comme Max Weber (1922)
qui évoque une rationalité seconde – celle d’une cohérence sociale des finalités,
d’un objectif social optimal relevant d’une éthique d’intérêt général et impliquant
des moyens ad hoc –, pourrait inspirer plus justement les acteurs du sport et
mener à faire référence à l’éthique sportive pour définir cette rationalité seconde.
Notre deuxième point d’analyse porte sur l’inflation des droits financiers
imposés aux médias et aux sponsors par le mouvement sportif et qui contribue
à éloigner un peu plus encore des valeurs de l’amateurisme, voire qui incite à les
transgresser. Face à ces exigences, le sponsor va exiger du résultat à tous prix, le
média du spectacle générateur d’audience, selon une logique de retour sur investissement qui va inciter à la transgression éthique. Le constat est connu : nous
assistons à une inflation des droits de télévision (1,5 milliard d’euros en France en
2010, multipliés par 2,5 de 2000 à 2010) qui se double d’une inflation des droits
marketing (Nike versant par exemple plus de quarante millions d’euros à l’équipe
de France de football dont le sens éthique n’a pas convaincu en 2010) 1. Or cette
croissance financière est justifiée par la loi du marché. En effet, d’un point de vue
économique, le montant des droits ne pose pas problème car il est régulé par le
marché : si une chaîne de télévision verse un montant de droits de retransmission, c’est qu’elle anticipe une audience et des recettes publicitaires à la hauteur
de ces droits plus une marge bénéficiaire. Si son calcul économique laisse prévoir
une perte sèche, elle négociera à la baisse ou laissera ses concurrents acheter les
droits à sa place. Si personne n’est preneur, alors l’organisateur reverra à la baisse
son offre jusqu’à trouver une chaîne intéressée. Il y a régulation automatique par
le marché. Par exemple, lors des Jeux de Pékin de 2008, la chaîne NBC a investi
894 millions de dollars pour un retour sur investissement estimé à un milliard (du
fait d’une programmation prime time et d’une audience record de 213 millions de
spectateurs). Il est donc probable que NBC accepte d’investir davantage en 2012.
La loi du marché s’applique aussi aux droits marketing. Si le gain de notoriété et/ou l’apport d’image permettent d’augmenter le chiffre d’affaires, alors le
sponsor reste demandeur, d’autres investisseurs vont être attirés et les droits vont
continuer d’augmenter. A défaut, on négociera à la baisse des droits jusqu’à retrouver une rentabilité. Par exemple, le footballeur Thierry Henry auteur d’une
main coupable lors d’un match de qualification pour la Coupe du Monde 2010
(France-Irlande) a vu ses contrats renouvelés à la suite d’études d’impact (par
exemple, l’étude LH2 – 01/2010, n = 517) qui ont rassuré les sponsors (64 % des
Français de 18 ans et plus estimant que l’idée d’utiliser l’image du joueur dans une
publicité est une bonne idée). Un autre exemple footballistique nous est fourni par
l’Équipe de France de football en Afrique du Sud en 2010 : sa qualification « imméritée » et le comportement scandaleux de ses joueurs (grève, insultes, etc.) ont
terni son image qui a perdu de sa valeur marketing. Or les études d’audience des
1 En 2011, une nouvelle affaire dite « des quotas » alimente à nouveau la polémique. Lors
d’une réunion de travail enregistrée de la FFF, il a été évoqué la possibilité de fixer des quotas
de joueurs ayant la double nationalité, ce qui va à l’encontre du principe éthique de non discrimination.
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ÉTHIQUE SPORTIVE ET RATIONALITÉ MANAGÉRIALE
retransmissions ont montré un impact faiblement négatif (entre 8 et 15 millions
d’audience lors des trois matchs du premier tour contre 15 à 18 millions en 2006
lors du même premier tour) largement compensé par un fort impact audience
des informations hors matchs (records d’audience des journaux d’information et
des émissions d’actualité sportives). Les sponsors ont affiché leur mécontentement, obtenu un dédommagement (estimé à deux millions d’€ concédés par la
FFF) puis sont rentrés dans le rang. Dernière illustration : celle de l’affaire Tiger
Woods convaincu, en 2009, d’infidélité conjugale et contraint à une conférence
de presse de repentance (le 19 janvier 2010). Il est intéressant de relever que la
faute conjugale a été plus pénalisante que les fautes sportives généralement peu
sanctionnées (notamment celles de dopage) : seul Nike est resté fidèle, Gillette
et Tag Heuer ayant suspendu leurs campagnes publicitaires, Gatorade, AT&T et
Accenture ayant rompu.
Le libre-marché est cependant contraint par des garde-fous : celui exercé par
les États et celui des sponsors. En effet, un marché des droits médias non contrôlé
pourrait conduire à exclure certains publics de spectacles sportifs auxquels ils
estiment avoir droit ; historiquement car leurs parents et leurs grands-parents
en suivaient la diffusion ; culturellement aussi car ils font partie d’une sorte de
patrimoine culturel national. Les États conscient de l’effet d’empathie que le sport
produit sur leurs électeurs (dans le cadre d’un marketing politique) et au nom de
l’intérêt général, font pression sur les instances sportives internationale propriétaires de droits (la FIFA notamment) afin de pouvoir offrir gratuitement et en
clair les matchs des équipes nationales à leurs ressortissants.
A ce garde-fou éthique, s’ajoute un garde-fou économique. Les sponsors et
les annonceurs sont demandeurs d’audiences les plus larges possibles ; or une
diffusion réduite à quelques chaînes cryptées pourrait les conduire à se tourner
vers d’autres événements (plus largement diffusés et leur offrant une meilleure
visibilité). Citons l’exemple de la marque Rolex, sponsor du tournoi de tennis de
Monaco, ayant fait pression, en 2010, sur l’organisateur pour que le contrat soit
renouvelé avec les chaînes historiques Canal+ et France Télévision, au détriment
de l’offre des concurrents Orange Sport et Paris Première plus intéressante financièrement mais réunissant moins d’audience.
Quel avenir pour l’éthique sportive ?
Pour conclure, il est légitime de s’interroger sur l’attitude des annonceurs (tour
à tour acheteurs d’espaces publicitaires et de droits sportifs) : ce qu’ils peuvent
encore attendre de valeurs sportives devenues croyances et remises en cause par
des scandales récurrents (Duret et Trabal, 2001 ; Brissoneau, Aubel et Ohl, 2008 ;
Mondenard, 2010). Car d’autres valeurs peuvent constituer des axes de communication alternatifs pour des acteurs économiques soucieux de bonifier leurs
images : des valeurs relevant de la culture artistique, de l’humanitaire ou encore
de l’environnemental – cf. tableau ci-dessous (Walliser, 2006).
437
éthique du sport
Monde – 2004
Sport
Culture
Médias
Éducation
Humanitaire
Autres
62 %
17 %
6 %
4 %
3 %
8 %
France – 2007
Sport
Culture
Humanitaire
Environnement
Divertissement
Science/Éducation
Médias
Communauté
Autres
68 %
41 %
41 %
39 %
27 %
25 %
25 %
14 %
7 %
Domaines du parrainage
(Sources : Sponsorclick, 2003/2004. Sponsorclick/M-SMG Research, 2007).
Or, il semble qu’en 2011, la crise éthique n’ait pas d’incidence majeure sur le
choix du sport comme vecteur de communication car, de l’avis des annonceurs 1,
aucun autre spectacle que celui offert par le sport n’a cette dimension émotionnelle et ne parvient à mettre en scène le réel avec autant de force pour toucher
une telle audience universelle (Derbaix, 1987 ; Walliser, 1996 ; Speed et Thomson,
2000) 2. En effet, le spectacle sportif tend à toucher toutes les catégories d’âge,
toutes les catégories sociales, les hommes et les femmes et dans toutes les régions
du monde (même s’il convient de nuancer un tel propos, notamment pour ce qui
concerne les attitudes féminines vis-à-vis du sport) (Walliser, 2006 ; Kérangal et
Sorman, 2009).
Cependant, il peut poser un problème d’image à des marques dont l’identité
repose sur la valeur d’intégrité et qui axent leur communication sur la confiance
(une banque, une société d’assurance). Prenons l’exemple de la société de crédits
Cofidis. Le jugement du tribunal de Nanterre du 20 janvier 2007 a certes condamné
des coureurs cyclistes et un soigneur à des peines de prison avec sursis mais il
a aussi fait suite à la requête du sponsor Cofidis qui réclamait des dommages
et intérêts pour atteinte à son image. Non seulement les juges ont repoussé la
réclamation mais ils ont reconnu la responsabilité du sponsor car « les incitations financières s’ajoutant à la recherche de gloire, ne pouvaient que conduire les
coureurs à l’utilisation de produits dopants » et également parce que le sponsor
n’a mené aucune « mesure significative pour enrayer un dopage connu de tous »
(Libération, 21 janvier 2007).
Les études d’impact commanditées par les sponsors mêlés aux affaires révèlent
deux types d’attitudes des spectateurs : d’une part, une attitude dominante fata1 En 2010, six annonceurs français sur dix ont le projet de monter une opération de sponsoring (Etude IFM SMS, KantarSport, LH2, Médiamétrie). Une autre étude internationale
(SportLabGroup) montre que 66 % des décideurs sont, en 2010, assez ou très intéressés par le
sponsoring et que 55 % souhaitent sponsoriser une entité sportive.
2 Entre autres exemples de l’efficacité du sponsoring : les investissements de la marque
AG2R La mondiale dans le cyclisme (huit millions/an) auraient permis de capitaliser 2,5 milliards de contacts dans le monde en 2009 et rapporté soixante millions d’euros en équivalent
publicitaire (selon Kantar Sport).
438
ÉTHIQUE SPORTIVE ET RATIONALITÉ MANAGÉRIALE
liste d’accoutumance au phénomène (dans une sorte de résignation à l’imperfection morale du sport), d’autre part et pour certains, un intérêt manifeste pour le
phénomène (le feuilleton du dopage apportant du piment au spectacle sportif ).
Par exemple, une étude réalisée par TNS en octobre 2008 indique que 34 % des
Français estiment que le sponsor doit rester fidèle même en cas de dopage avéré.
Prenons le cas d’école de la marque Festina, sponsor d’une équipe cycliste
convaincue de dopage lors du Tour de France 1998 et dont le leader, Richard
Virenque, a fait l’objet d’une importante campagne médiatique qui aurait pu
causer des dégâts d’image de marque. Or, deux ans plus tard, Festina était classée
première en notoriété globale devant Coca-Cola et son chiffre d’affaires était
dynamisé par des taux de croissance de l’ordre de 15 % par an (pour atteindre, en
2010, une part de marché de plus de 20 % des montres). En 2011, elle est devenue
simple chronométreur officiel du Tour de France et sa fondation de lutte contre le
dopage lui assure une respectabilité inespérée. La marque est actuellement celle
qui est la plus associée au cyclisme (selon Kantar Sports). L’effet est connu en
communication : faire parler les médias de soi en bien ou en mal accroît non seulement la notoriété mais, à terme, l’image se trouve souvent bonifiée. Il se produit
un effet de dissociation (Hovland, Janis et Kelley, 1953) qui explique que l’audience
oublie la raison de la notoriété mal acquise.
Si le manquement éthique peut faiblement nuire à l’image du sponsor, il est
légitime de s’interroger sur l’attitude à venir des annonceurs. Ceux-ci sont-ils
encore réellement demandeurs de valeurs sportives ou bien orientent-ils leurs politiques d’image vers la recherche d’une simple « esthétique » sportive ? (Tribou,
2002) 1 Leur rationalité managériale s’orienterait alors vers une finalité de type
publicitaire qui, par rapport à l’action publicitaire classique tendrait vers une efficacité supérieure (la communication par le sport apportant l’émotion en plus,
comme l’ont souligné Speed et Thompson en 2000) tout en maîtrisant au mieux
les composants du spectacle (car le sport n’est toujours pas une fiction dont on
aurait écrit par avance le scénario).
La logique économique est implacable : si le sport est devenu une marchandise, alors il faut accepter que tout soit fait pour réduire l’incertitude liée à sa
production, y compris celle marquée par l’éthique.
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1 Citons l’exemple de la marque Groupama dont l’image était jugée traditionnelle, statique
et rurale dans les années quatre-vingt-dix. A la suite de ses investissements dans la voile depuis
1998 (bateau de Franck Cammas – budget 2010 de 17 M€), on lui attribue désormais des valeurs
sportives comme celles d’audace et d’innovation. En 2010 : 53 % des Français l’associent à la
voile contre 43 % à Banque Populaire, 25 % à Foncia, 20 % à Orange, 13 % à la Banque postale,
7 % à Volvo (selon LH2-2010).
439
éthique du sport
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