14C Contexte culturel en Afrique de l`Ouest et en Guinée
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14C Contexte culturel en Afrique de l`Ouest et en Guinée
14C Contexte culturel en Afrique de l’Ouest et en Guinée 14C.1 Introduction La Guinée fait partie de l’Afrique de l’Ouest, région qui a connu à l’époque préhistorique des migrations humaines à grande échelle, le commerce interrégional, la guerre organisée et l’évolution de l’urbanisme. Des preuves archéologiques indiquent que la technologie de la fonte du fer est née en Afrique de l’Ouest et a ensuite été adoptée en Méditerranée après le premier siècle av. J.-C. De par sa position géographique à la convergence de trois grands empires du Moyen-âge - Ghana, Mali et Songhaï – la Guinée aurait connu de grandes évolutions culturelles, à l’époque où l’Islam a d’abord pris pied, puis s’est répandu dans le continent africain. Les reliquats de l’Âge de pierre en Afrique de l’Ouest peuvent fournir des indices sur le développement et les migrations des premiers humains. Les régions riches en fer du sud de la Guinée auraient fourni une ressource importante pour les populations de la région pendant l’Âge de fer. De la préhistoire à nos jours, le littoral guinéen a été attractif à la fois pour s’y installer et pour y faire du commerce ; aujourd’hui encore des restes de plantations coloniales françaises parsèment le littoral. Malgré la richesse de textes historiques détaillant la période islamique médiévale et la disponibilité de documents de la période coloniale, très peu d’études archéologiques ont effectivement été menées en Guinée, et la préhistoire du pays est relativement peu connue.. L’Afrique de l’ouest est probablement la région du monde qui a le moins fait l’objet de recherches archéologiques et à ce titre, la chronologie culturelle qui suit au Tableau 14C.1 ci-dessous, repose sur les informations archéologiques des régions environnantes afin de combler les lacunes de l’histoire culturelle guinéenne. Tableau 14C.1 Chronologie culturelle de l’Afrique de l’Ouest et de la Guinée Date Période Exemples des sites et villes les plus connus Caractéristiques historiques et socioéconomiques 200 000 à 100 000 ans av. J.-C. Début de l’Âge de pierre (DAP) El Beyyed, Yapei, plateau de Jos Migration de l’homo erectus moderne en Afrique de l’Ouest et au-delà grâce à l’usage d’outils de base en pierre. 100 000 à 30 000 ans av. J.-C. Milieu de l’Âge de pierre (MAP) Sud de la Côte d’Ivoire, près d’Abidjan Première diversification d’outils en pierre : moustérien et atérien. 30 000 à 500 ans av. J.-C. Fin de l’Âge de pierre (FAP) Tradition Tichitt, Tintan, Iwo Eleru, Kintampo, Dutsen Kongba Première utilisation de poterie en Afrique de l’Ouest, évolution vers des modèles de subsistance spécialisée. 500 ans av. J.-C. à 1000 ans apr. J.-C. Âge du fer (AF) Koumbi Saleh, Niani, Djenné-Djeno, Tombouze, Gao, Sinthiou Bara, Igbo Ukwu Développement de la technologie de fonte du fer, empire du Ghana, urbanisation, développement du commerce, émergence des élites, construction de monticules funéraires (tumuli). 1000 à 1591 ans apr. J.-C. Période médiévale Tombouctou, Gao, Jenne, Kano, Touareg, Kong, Bégho Empires du Mandé : Ghana, Mali et Songhaï, contrôle des ressources d’or et de fer, épopées des héros d’Afrique de l’Ouest telles que l’histoire de Soundiata Keïta, renforcement du commerce, promotion de l’islam. 1591 à 1895 apr. J.-C. Période postmédiévale Île de Gorée, Fouta Djalon Conflits européens liés aux terres, traite des esclaves, empire Peul, empire Wassoulou, installation de groupes ethniques étrangers en Guinée. 1878 à 1898 apr. J.-C. Époque précoloniale Kérouané Empire Wassoulou : résistance à l’invasion française 1898 à 1958 apr. J.-C. Période coloniale Île de Benty Guinée sous contrôle français. 1958 apr. J.-C. jusqu’à présent Époque moderne Conakry Indépendance de la Guinée, dictature d’Ahmed Sékou Touré (1958 à1984 apr. J.-C.) fondation de l’Etat moderne de Guinée. EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-1 14C.2 Chronologie culturelle détaillée (1) Dans le cadre de l’étude documentaire pour l’évaluation du patrimoine culturel, la vue d’ensemble suivante concernant l’histoire et la préhistoire culturelles de l’Afrique de l’Ouest a été préparée à partir de sources accessibles au public. Elle offre la toile de fond qui permet de comprendre et d’évaluer les sites archéologiques présents dans la zone du Projet. Les sites archéologiques et les monuments historiques des périodes préhistoriques et historiques décrites sont la trace matérielle d’aménagements humains et par conséquent revêtent en tant que telle une valeur universelle à la fois scientifique et culturelle. Les sites du patrimoine culturel sont également parfois associés aux aspects immatériels des cultures traditionnelles de la Guinée et peuvent ainsi avoir une profonde signification pour les populations locales. La chronologie culturelle qui suit est divisée en deux grandes périodes : préhistorique (200 000 ans av. J.-C. à 1 000 ans apr. J.-C.) et historique (1 000 ans apr. J.-C. jusqu’à présent). Cette division reflète les changements importants qui se sont produits vers l’an 1000 apr. J.-C. avec l’essor de l’empire du Ghana (premier empire d’Afrique subsaharienne), l’influence de l’islam, l’apparition de textes historiques détaillés et l’inclusion de l’Afrique de l’Ouest sur la scène mondiale au sens large à travers les réseaux commerciaux européens et méditerranéens. 14C.2.1 Périodes préhistoriques : 200 000 ans av. J.-C. à 1000 ans apr. J.-C. 14C.2.1.1 Début de l’Âge de pierre (DAP) : 200 000 à 100 000 ans av. J.-C. C’est à cette époque que l’Homo erectus commença à migrer depuis l’Afrique du Sud et l’Afrique Orientale vers d’autres régions du monde, y compris l’Afrique de l’Ouest. Les reliquats des premiers Homos erectus se composent uniquement d’outils en pierre. Les outils en pierre datant de l’Acheuléen, qui se sont répandus au DAP, furent observés en densité relativement élevée dans le Sahara Occidental et en quantités limitées à travers l’Afrique de l’Ouest. Les restes d’animaux et de plantes issus de ces sites suggèrent un habitat composé de prairies / de zones boisées éparses (2). Les sites tels qu’El Beyyed en Mauritanie, qui regorgent de milliers de bifaces en pierre, indiquent que les climats favorables du Sahara purent faciliter la stabilité des populations sur une longue durée. Des outils en pierre datant de l’Oldowayen furent identifiés dans quelques sites dispersés depuis la région forestière actuelle du Nigéria jusqu’au Sahara. On découvrit un certain nombre de galets aménagés à Yapei, dans le Nord du Ghana, suggérant la présence d’habitations datant de la période de l’Oldowayen (il y a environ 2,5 à 1,5 millions d’années (3)). À cette époque, les sociétés humaines se nourrissaient probablement de charognes et de produits de la chasse / cueillette. Ces groupes étaient probablement faiblement peuplés. Il existe peu de sites datant du DAP au sud du Sahara et aucun n’a été découvert au Libéria, en Sierra Leone ou dans les bas-fonds de la Côte d’Ivoire ou de la Guinée (4). Les sites au Sénégal (5) et au Sud-est du Ghana et du Togo (6) contiennent des reliquats possibles datant du DAP. La région la plus connue pour ses reliquats datant du DAP en Afrique de l’Ouest subsaharienne est le Plateau de Jos dans le centre du Nigéria, où des centaines de bifaces furent découverts dans les dépôts alluviaux à la suite de l’extraction d’étain (7). Dans l’ensemble, il est peu probable que le projet découvre des sites datant du DAP en Guinée. (1) Les archéologues français ou anglo-américains ayant travaillé en Afrique de l’Ouest ont utilisé des terminologies différentes. Ce document utilise la terminologie anglo-américaine. (2) Camps, G. (1974). Les Civilisations Préhistoriques de l’Afrique du Nord et du Sahara. Paris: Doin. (3) Swartz, B. K. (1972). An analysis and evaluation of the Yapei Pebble Tool industry, Ghana. Int. J. Afr. Hist. Stud. Notes Doc. 2:265-70. (4) Swartz, B. K. (1980). Le statut de la connaissance paléo-archéologique de la côte guinéenne aux yeux du Legon. Voir Réf. 15, pp. 37- 40. (5) Descamps, C. (1978). État des connaissances sur le Paléolithique au Sénégal. Présenté au colloque. Assoc. Ouest-Afr. Archaéol., 2nd, Bamako. (6) Davies, 0. (1967). L’Afrique de l’Ouest avant les européens Londres : Methuen. (7) Shaw, C. T. (1978). Nigéria. Son archéologie et sa préhistoire. London: Thames & Hudson. EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-2 14C.2.1.2 Milieu de l’Âge de pierre (MAP) : 100 000 à 30 000 ans av. J.-C. Tout comme pour le DAP, la majorité des vestiges archéologiques de cette période se trouvent dans le Sahara Occidental. Les reliquats du MAP s’identifient également grâce aux technologies spécifiques de leurs outils en pierre. Les outils en pierre datant du MAP sont fabriqués à partir de deux types de technologies : moustérien et atérien. Ces technologies se ressemblant, elles sont probablement contemporaines et il est fort possible qu’elles représentent de légères variations des méthodes de chasse ou d’autres activités de subsistance (1). La différentiation de ces outils est significative car elle représente l’une des premières innovations en Afrique de l’Ouest au moment où les sociétés commencent à diversifier leurs outils afin d’exploiter une plus grande variété d’environnements et de ressources. Des outils datant du MAP furent découverts au Nigéria (2) et dans le nord du Cameroun (3) mais dans des dépôts secondaires, de sorte qu’il est difficile de déterminer leur date. Des études mieux documentées provenant de la Côte d’Ivoire près d’Abidjan présentent des dépôts uniques d’outils datant du MAP qui fournissent des informations importantes sur la diversification des premiers outils qu’utilisaient les peuples d’Afrique de l’Ouest. Il est plus probable de découvrir des sites datant du MAP que du DAP en Guinée. Dans l’ensemble, il reste toutefois peu probable de découvrir ce type de sites dans la zone du projet. 14C.2.1.3 Fin de l’Âge de pierre (FAP) : 30 000 à 500 ans av. J.-C. De même que pour les périodes précédentes, la plupart des sites connus datant de la FAP se situent dans le Sahara Occidental. Cette période revêt une importance particulière du point de vue archéologique car c’est la première fois en Afrique de l’Ouest que la connaissance de la présence d’humains ne se base plus uniquement sur les outils en pierre ; c’est à cette époque que l’art rupestre est répandu dans le souscontinent (4). La première partie de la FAP (30 000 à 8 000 ans av. J.-C.) est connue sous le nom de « FAP précéramique ». Aux environs de 20 000 ans av. J.-C., l’Afrique de l’Ouest entra dans une période climatique hyperaride durant laquelle la majorité de sa population vivait probablement au sud du 11e parallèle de latitude nord (5), une région qui inclut la Guinée. Le climat s’humidifia à nouveau entre 10 000 et 8 000 ans av. J.-C. Il existe peu de traces archéologiques datant de la FAP précéramique. La FAP céramique (8 000 à 500 ans av. J.-C.) témoigne d’une augmentation significative de sites reconnus en Afrique de l’Ouest. La première utilisation de poterie en Afrique de l’Ouest coïncide avec une période humide aux 8e et 7e millénaires av. J.-C., au moment où les lacs du Sahara aujourd’hui disparus atteignaient leurs plus hauts niveaux à l’Holocène. Les premiers exemples connus de céramique datant de la FAP proviennent du Sahara Occidental le long des vallées ou des lits de cours d’eau asséchés connus sous le nom de « oueds » dans le plateau central (6). La recherche archéologique repose beaucoup et principalement sur la présence des outils en pierre et des pierres de meulage de grains sauvages, ancêtres certains du développement de l’agriculture qui eut lieu dans la région aux environs de 2 000 ans av. J.-C. Le grand nombre de harpons en os trouvés dans le Sud du Sahara Occidental près de Tombouctou indique des activités halieutiques spécialisées. De plus, l’élevage de mouflons à manchettes remonte à 8 000 ans av. J.C. et le bétail domestique apparaît dès 5 000 à 2 500 ans av. J.-C., ce qui indique l’installation pérenne des activités de subsistance spécialisées (7). Du fait des grandes quantités d’eau nécessaires au développement (1) Clark, J. D. (1982). Les cultures au milieu du Paléolithique moyen / Milieu de l’Âge de pierre. Voir Réf. 48, pp. 248-340. (2) Allsworth-Jones, P. (1980). L’industrie du Milieu de l’âge de pierre de Zenabi, Nigéria du nord. Voir Réf. 1, pp. 244-47 ; AllsworthJones, P. 1980. The Middle Stone Age north of the Jos Plateau: a preliminary report on the finds and their context. West Afr. J. Archaeol. 10: (3) Marliac, A. (1973). Prospection archéologique au Cameroun. Cah. ORSTOM (Ser. Sci. Hum.) 10:47-114. (4) Mori, F. (1974). The earliest Saharan rock engravings. Antiquity 48:87-92. (5) Voir : S. et R. McIntosh. (1983). Current Directions in West African Prehistory. Annual Review of Anthropology. Vol 12 Pp. 215258. (6) Maitre, J. P. (1976). Contribution à la préhistoire récente de l’Ahaggar dans son contexte Saharien. Bull. Inst. Fondam. Afr. Noire Ser. B 38:46, 716-89. (7) Barich, B. (1974). La serie stratigraphica dell’uadi Ti-n-Torha. Origini 8:7-182. EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-3 de l’élevage de bétail, les mouvements saisonniers des populations devinrent un aspect essentiel de la vie des premiers habitants d’Afrique de l’Ouest (1). Aux environs de 2 500 ans av. J.-C., l’Afrique de l’Ouest entra dans une nouvelle période extrêmement aride durant laquelle de nombreux sites auparavant habités furent abandonnés. Les sites restants étaient généralement situés à proximité de sources d’eau permanentes telles que les rivières et proches des plateaux où se trouvaient des plans d’eau saisonniers. Durant cette période, les ancêtres de l’empire du Ghana dans le Sud de la Mauritanie, connus sous le nom de Tradition Tichitt, créèrent une société très résistante de villes, construites en pierre au bas des falaises, leur permettant d’amasser des ressources dans les bas-fonds. Plus près de la Guinée, les sites côtiers de la Mauritanie, du Sénégal, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire et du Ghana possèdent d’énormes amas de coquillages pagnes créés durant la FAP entre 4 500 et 1 500 ans av. J.-C. Les sites les plus célèbres sont Tintan, sur la côte sud de la Mauritanie (2) et la Lagune de Gao au Ghana (3). Depuis la côte de l’Afrique de l’Ouest vers les régions forestières intérieures de la Sierra Leone, du Libéria et du Nigéria, la FAP est représentée par une technologie d’outils microlithiques qui apparaît dans la forêt nigérienne aux environs de 9 200 ans av. J.-C. (4). Le site microlithique le plus célèbre de la FAP est Iwo Eleru, au centre du Nigéria. Les types de petits outils lithiques indiquent clairement que ces outils forment une technologie entièrement différente de celle qui était employée à l’époque dans les régions plus septentrionales (5). On compte parmi d’autres sites microlithiques de la FAP le site forestier de Shum Laka au Cameroun, les sites d’abris rupestres de Bosumpra (6) et Kintampo (7) au Ghana, ainsi que le site du plateau de Dutsen Kongba au centre du Nigéria (8). On découvrit des bols ronds et des pierres de meulage typiques des régions plus au Nord telles qu’au Libéria, Nigéria et Cameroun, ce qui suggère une migration des populations depuis la région du Sahel malien et sénégalais vers les régions forestières situées entre la Guinée et le Nigéria. Cette migration aurait probablement eu lieu aux environs de 2 500 ans av. J.-C. au cours de la grande phase aride décrite cidessus. Les technologies employées par ces populations persistèrent jusqu’au premier millénaire apr. J.-C., comme en témoignent les vestiges découverts dans les sites d’abris rupestres des forêts du Libéria (9) et de la Sierra Léone (10). Dans l’ensemble, la probabilité de découvrir des sites archéologiques datant de la FAP en Guinée est moyennement importante. En effet il existe plusieurs sites archéologiques contemporains dans les pays voisins partageant les mêmes environnements boisés. La migration depuis le Nord aux environs de 2 500 ans av. J.-C. aurait contribué à l’augmentation des niveaux de population et du nombre de sites datant de la FAP en Guinée. 14C.2.1.4 Âge du fer (AF) : 500 ans av. J.-C. à 1 000 ans apr. J.-C. La première civilisation d’Afrique subsaharienne se développe à cette époque, marquant ainsi une étape déterminante dans l’histoire culturelle du continent africain. C’est à l’AF que naquirent les premières véritables sociétés urbaines en Afrique de l’Ouest et que se développèrent les relations commerciales majeures sur l’ensemble du sous-continent. Au Mali et en Mauritanie, des armées permanentes patrouillaient le territoire et prélevaient des impôts et des marchandises aux populations avoisinantes. Des styles artistiques se développèrent et on offrait aux défunts des décorations en céramique et des bijoux exotiques à emporter dans la tombe. Des milliers de cercles mégalithiques parsèment le paysage depuis le (1) Clark, J. D. (1980). Human population and cultural adaptations in the Sahara and Nile during prehistoric times. In The Sahara and the Nile, ed. M. A. Williams, H. Faure, pp. 527-82. Rotterdam: Bal-kema. (2) Petit-Maire, N. (1979). Cadre écologique et peuplement humain : le littoral ouest-Saharien depuis 10 000 ans. Anthropologie 83:69-82. (3) Calvocoressi, D., David, N. (1979). A new survey of radiocarbon and thermo-luminescence dates for West Africa. J. Afr. Hist. 20:1-29. (4) Shaw, C. T. (1973). Finds at the Iwo Eleru rock shelter, western Nigeria. Voir Réf. 16, pp. 190-92. (5) Shaw, C. T. (1978-1979). Holocene adaptations in West Africa: the Late Stone Age. Early Man News 3-4:51-81. (6) Smith, A. B. (1975). Radiocarbon dates from Bosumpra Cave, Abetifi, Ghana. Proc. Prehist. Soc. 41:179-82. (7) Flight, C. (1976). The Kintampo culture and its place in the economic prehistory of West Africa. Voir Réf. 46, pp. 211- 21. (8) York, R. N. (1978). Excavations at Dutsen Kongba, Plateau State, Nigéria. West Afr. J. Archaeol. 8:139-163. (9) Gabel, C. (1976). Microlithic occurrences in the Republic of Liberia. West Afr. J. Archaeol. 6:21-35. (10) Atherton, J. É (1972). Excavations at Kamabai and Yagala rock shelters, Sierra Leone. West Afr. J. Archaeol. 2:39- 74. EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-4 Sénégal jusqu’à l’est du Mali et au sud jusqu’à la partie nord de la Guinée au site archéologique de Niani (1). On découvrit des villes fortifiées du Ghana jusqu’au nord du Mali ainsi que des milliers de tumuli dans tout le sous-continent. À l’inverse d’autres régions du monde qui effectuent lentement la transition à l’usage du fer par l’évolution habituelle pierre-cuivre-bronze-fer, l’Afrique de l’Ouest passe directement de l’usage de la pierre aux outils en fer. La vaste et rapide transition de la pierre au fer représente une sorte de révolution technologique qui s’accompagna de progrès significatifs au sein de la structure sociale de la société préhistorique d’Afrique de l’Ouest. Les origines de la technique préhistorique du fer en Afrique de l’Ouest sont peu connues. Il existe trois théories concurrentes sur cette question : 1) elle fut inventée par les populations autochtones du Nigéria aux environs de 600 ans av. J.-C. ; 2) elle fut introduite à travers le Sahel depuis les cultures de Méroé au Soudan ; ou 3) ce sont des commerçants phéniciens qui l’introduisirent depuis l’Afrique du Nord. Quelle que soit la manière dont la technologie est arrivée, on la trouve pour la première fois dans les archives archéologiques d’Afrique de l’Ouest dans la vallée de Nok au Nigéria et dans le nord du Niger dès 500 ans av. J.-C. En deux ou trois siècles, l’Afrique de l’Ouest avait en grande partie abandonné les outils en pierre au profit de produits en fer plus durables. Entre 500 ans av. J.-C. et environ 500 ans apr. J.-C., on assiste à une véritable croissance de la population et de la taille des agglomérations, ce qui se reflète dans la densité et la richesse culturelle des vestiges archéologiques. Certains des sites archéologiques les plus connus de cette période proviennent de la région du moyen delta du Niger au Mali. Les impressionnants tumuli d’El-Oualedji, hauts de 15 mètres et situés près de Tombouctou dans la région des lacs au Mali, renfermaient une chambre funéraire extrêmement riche accompagnée de sacrifices humains, d’armes en fer, de produits exotiques et d’objets en céramique (2). À seulement 50 km à l’Ouest, au site de Tondirado datant du 7e siècle apr. J.-C., les énormes tumuli sont associés à des cercles mégalithiques ornés de motifs phalliques et géométriques (3). Le site de Tombouze, situé à 10 km de Tombouctou, est un site urbain qui s’étend sur plus de 100 ha ; une ampleur que peu de sociétés préhistoriques ont atteint à travers le monde (4). Parmi les autres sites importants datant de cette période, on compte notamment Djenné-Djeno (5), Koumbi Saleh (ancienne capitale de l’empire du Ghana) (6), Niani (possiblement ancienne capitale de l’empire du Mali en Guinée) (7), Gao (ancienne capitale de l’empire Songhaï) (8), Sinthiou-Bara sur le fleuve Sénégal (9), et la grande distribution de 6 800 tumuli / monuments connus de même que plus de 16 000 cercles de pierre mégalithiques dans le Sud du Sénégal (10). L’une des meilleures illustrations de l’existence d’une classe d’élites pendant l’Âge de fer en Afrique de l’Ouest provient du site d’Igbo Ukwu à l’est du Nigéria (11). Des fouilles ont mis à jour une myriade de récipients en bronze coulé et d’objets en cuivre finement travaillés. L’un des chantiers de fouilles a révélé la chambre funéraire d’une personnalité de haut rang. Sa parure était composée d’un bâton et d’un fouet en bronze, d’un pectoral et d’une couronne en cuivre ciselé et de plus de 100 000 perles en verre. Le bois utilisé dans la chambre funéraire date du 9e siècle apr. J.-C. La civilisation la plus célèbre de l’AF est peut-être l’ancien empire du Ghana situé dans le sud de la Mauritanie à Koumbi Saleh. La montée en puissance du Ghana aux environs de 700 ans apr. J.-C. a attiré l’attention des écrivains et voyageurs islamiques. Le Ghana est la première référence d’une société d’Afrique de l’Ouest dans une source textuelle. L’influence du Ghana sur le commerce de l’or, des esclaves et du fer a assuré à l’Afrique de l’Ouest une place de premier rang sur la scène internationale. (1) Filipowiak, W. (1979). Études archéologiques sur la capitale du Mali. Szczecin, muséum Narodowe. (2) Mauny, R. (1961). Tableau Géographique de l’Ouest Africain au Moyen Age : d’Après les Sources Ecrites, la Tradition et l’Archéologie. Mem. Inst. Fondam. Afr. Noire 61. Dakar : IFAN. (3) ibid. (4) Park, D.P. (2011). Climate Change, Human Response and the Origins of Urbanism at Timbuktu. Ph.D. Thesis, Yale University, Dept. Anthro. (5) McIntosh, S. K., McIntosh, R. J. (1980). Prehistoric Investigations in the Region of Jenne, Mali. Oxford : BAR 2 vols. (6) Mauny, R. (1961). Tableau Géographique de l’Afrique de l’Ouest au Moyen Age : d’Après les Sources Ecrites, la Tradition et l’Archéologie. Mem. Inst. Fondam. Afr. Noire 61. Dakar : IFAN. (7) Filipowiak, W. (1979). Études archéologiques sur le capital du Mali. Szczecin, muséum Narodowe. (8) Insoll, T. (1996). Iron Age Gao. BAR. (9) Diop, C. A. (1977). Datations par la méthode du radiocarbone, Série IV. Bull. Inst. Fondam. Afr. Noire Ser. B 39:461- 70. (10) Martin V., Becker, C. (1974). Vestiges protohistoriques et occupation humaine au Sénégal. Ann Demogr. Hist., pp. 03-29. (11) Shaw, C. T. (1970). Igbo Ukwu : An Account of Archaeological Discoveries in Eastern Nigeria. Londres : Faber & Fa-ber. 2 vols. EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-5 Dans l’ensemble, il est très probable que des sites archéologiques datant de l’AF soient découverts dans la zone du projet. Les régions riches en fer du sud de la Guinée auraient sans doute attiré l’attention de l’ancien Ghana notamment, entre autres cultures de l’Afrique de l’Ouest se servant du fer, et plusieurs anciens sites de fonte du fer connus se trouvent sur le territoire guinéen. Par ailleurs, la présence de milliers de tumuli et de cercles mégalithiques dans le sud du Sénégal de même que l’immense site de Niani datant de l’AF situé dans le nord de la Guinée sous-entendent l’existence probable d’autres tumuli et agglomérations dans le pays. 14C.2.2 Périodes historiques : 1000 ans apr. J.-C. jusqu’à présent 14C.2.2.1 Période médiévale : 1 000 à 1591 apr. J.-C. Cette période est bien connue pour la succession de trois empires du Mandé interconnectés : Ghana, Mali et Songhaï. Le Ghana, apparu durant l’AF, prospéra au cours du 11e siècle apr. J.-C. alors qu’il étendait son influence jusqu’à la Guinée au sud et la région de Tombouctou à l’est. Depuis le 9e siècle puis davantage à la fin du 10e siècle, les tribus nomades d’Afrique du Nord parvinrent à prendre le contrôle du commerce de l’or, provoquant ainsi le déclin du Ghana. Lors de l’effondrement du Ghana au milieu du 13e siècle, l’empire du Mali naquit à la suite des guerres initiales avec les tribus de Sosso. Le fondateur de l’empire du Mali, Soundiata Keïta, parvint à regrouper la fédération peu structurée des États du Mandé en Afrique de l’Ouest sous son autorité par la force. Tout comme pour l’empire du Ghana, la source de richesse et l’influence du Mali découlaient de son contrôle du commerce des métaux, des marchandises et des esclaves depuis les régions sud de l’Afrique de l’Ouest. Sa sphère d’influence s’étendait bien au-delà de la frontière nord de la Guinée, jusqu’au Libéria et au Sud de la Sierra Leone d’aujourd’hui. À cette époque, Tombouctou, Gao, Djenné et Niani (en Guinée) devinrent des villes puissantes et influentes. Au 15e siècle apr. J.-C., l’empire Songhaï, basé dans l’actuelle ville de Gao, se souleva et renversa l’empire du Mali. Le commerce était également important pour la stabilité et la puissance de cet empire. C’est sous cet empire que l’islam fut activement promu pour la première fois en Afrique de l’Ouest. Parmi les trois empires du Mandé, l’empire Songhaï recouvrait la plus grande superficie et il se peut qu’il ait été le premier à réellement contrôler les sources d’or et de fer au sud. Cependant, une invasion marocaine de Tombouctou et d’autres villes importantes en 1591 provoqua la disparition de l’empire Songhaï et par là-même la fin de la période médiévale. Peu après, les commerçants et esclavagistes portugais établirent une voie de navigation dans l’Atlantique à partir de différents points situés le long du littoral ouest, minimisant ainsi l’importance du commerce transsaharien (1). La Guinée et les régions avoisinantes auraient servi de route extrêmement importante permettant le transport entre les empires médiévaux et les champs aurifères dans le nord des terres des Akans, situées dans le Ghana actuel. La fameuse ville marchande de Kong (au nord de la Côte d’Ivoire, proche de la frontière guinéenne) se trouve entre Bégho au Ghana et Djenné au Mali, villes importantes pour le commerce de l’or (2). Du fait de la proximité de la Guinée des principaux empires médiévaux et de la présence de sites connus de cette période, il est fort probable qu’il existe des sites datant de la période médiévale à travers la Guinée, y compris de vastes agglomérations et notamment des centres de commerce. 14C.2.2.2 Période Postmédiévale : 1591 à 1895 apr. J.-C. Cette période est la première pour laquelle il existe d’importantes informations sur les manifestations culturelles et les groupes en Guinée. Cela est probablement le résultat de la conservation des informations de la part des Européens d’une part et de la tradition orale qui existe toujours de mémoire d’homme d’autre part. Immédiatement après l’effondrement des empires médiévaux d’Afrique de l’Ouest en 1591, la région entra dans une longue période de crise économique et culturelle. Les esclavagistes portugais d’abord, puis français et britanniques, se battirent afin de prendre le contrôle des ports de la côte. L’Île de Gorée, au large de Dakar, est peut-être le port le plus célèbre impliqué dans le commerce d’esclaves, et son contrôle fut au cœur de constants conflits entre les puissances européennes. Un certain nombre de sites du patrimoine culturel connus revêtant une importance historique se situent à proximité de l’Île de Benty, sur la côte sud de la Guinée. Ils sont associés à la traite des esclaves et on y trouve notamment un poste négrier et une prison (1) Levtzion, N. (1980). Ancient Ghana and Mali. Holmes and Meier Publishing. (2) T. Diabete, « La région de Kong après les fouilles archéologiques » (Paris thèse, I979). EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-6 datés entre les 18e et 19e siècles. On compte parmi d’autres sites historiques situés près de Benty : 1) la tombe imposante de Monsieur Maridet (premier propriétaire de plantation français sur l’Île de Benty) ; 2) le cimetière colonial blanc ; 3) les vestiges d’un point d’embarquement des esclaves ; et 4) une prison souterraine pour les esclaves. Bien que le commerce régional se soit poursuivi en Afrique de l’Ouest, il ne se reproduisit plus aux niveaux atteints auparavant. Le bref empire Peul occupa de vastes zones d’Afrique de l’Ouest sans parvenir à pleinement contrôler ou à imposer son influence bien au-delà des villes capturées. Tout au long de la période s’étendant du 14e au 17e siècle apr. J.-C., les peuples Dioula, Malinké et autres groupes liés aux Mandingues issus du Mali s’installèrent progressivement en Guinée. Du 15e au 18e siècle, les Peuls s’installèrent dans le Fouta-Djalon et en firent la base de leur mode de vie pastoral. Aux 18e et 19e siècles, les groupes ethniques Koniaké, Toma et Guerzé mirent en place une confédération de taille moyenne permettant les échanges d’esclaves, d’ivoire, de tissu, de fer, d’armes et de noix de cola en Guinée. Cette activité économique s’éteignit presque totalement en 1900, lorsque les Français s’implantèrent dans les régions forestières de la Guinée. Samory Touré, fondateur et dirigeant du bref empire Wassoulou (1878-1898) fut peut-être l’un des personnages historiques les plus intéressants de cette période. Il est connu pour avoir résisté à la pénétration française jusqu’à sa capture en 1882 (1). Touré avait une base importante dans la ville de Kérouané, située dans la zone du projet, où plusieurs sites historiques lui sont associés. En 2006, l’un de ses descendants y habitait toujours (2). La zone du projet contient probablement un grand nombre de sites d’habitations datant de cette période en Guinée, bien qu’il existe vraisemblablement plus de sites datant de la période médiévale précédente, car l’Afrique de l’Ouest entière pourrait avoir perdu jusqu’à la moitié de sa population en raison de l’esclavage. 14C.2.2.3 Période coloniale : 1895 à 1958 apr. J.-C. Le poste de Gouverneur général de l’Afrique de l’Ouest française fut créé en 1885 à Saint-Louis, Sénégal. Après avoir enfin vaincu Samory Touré en 1898, les Français élargirent leur influence et leur mainmise sur la Guinée. Bien que des plantations aient été établies le long de la côte guinéenne, les Français ne parvinrent jamais à exercer un contrôle total sur les régions forestières intérieures. Les vestiges de ces plantations sont toujours visibles sur le littoral. L’Île de Benty, située sur la côte sud de la Guinée, partage également une histoire coloniale, comme en témoignent les trois quais construits par les Français. Les colonialistes français exploitaient également à Benty un certain nombre de plantations de fruits destinés à l’exportation. Il se peut que la zone portuaire du projet contienne de nombreux vestiges archéologiques datant de la période coloniale à cause de l’importance du commerce maritime. S’il reste certaines de ces structures historiques dans la zone portuaire, elles seront vraisemblablement en surface et donc relativement simples à identifier. Hormis dans les zones côtières, il y aura probablement peu de sites archéologiques datant de l’occupation française de cette période. Il existe aussi probablement des villages historiques abandonnés et non associés à l’occupation française dans les régions forestières du pays. Il devrait être relativement simple de les localiser en interrogeant les habitants des villages actuels. 14C.2.2.4 Époque moderne 1958 apr. J.-C. jusqu’à présent Sous le régime d’Ahmed Sékou Touré (1958-1984 apr. J. -C.), la Guinée demeura isolée de l’Occident, ce qui empêcha les archéologues formés en Occident d’effectuer des travaux dans le pays. Le Gouvernement de Sékou Touré, marqué par une politique marxiste, décourageait également la pratique et l’enseignement des systèmes de croyances, des rituels et de l’histoire autochtones (3), empêchant par là-même d’explorer la (1) Gann, L.H. et Duigan, Peter, Editors: Colonialism in Africa, 1870–1960, Vol. 1 : The History and Politics of Colonialism 1870-1914. (1969) Cambridge University Press, Cambridge, Royaume-Uni. (2) Synergy (2006). Étude de Caractéristique Sociale – Kérouané ville. (3) Par exemple, un rapport préparé par le Gouvernement guinéen en 1979 sur la politique culturelle dénonce les « us et coutumes sous-développés » du passé, y compris diverses caractéristiques telles que « la mystification religieuse, la polygamie, l’ignorance, l’alcoolisme, la vie de débauche, le mensonge, la paresse, le vol, l’exode rural, le parasitisme, l’intellectualisme, le pouvoir excessif des griots, etc. ». Voir Pp. 74 du Ministère de l’Éducation et de la Culture en Guinée. (1979). Cultural Policy in the Revolution People’s Republic of Guinea. Paris. EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-7 période préislamique de la Guinée. Par conséquent, alors que la majorité des découvertes archéologiques importantes d’Afrique de l’Ouest se produisirent dans les années 1970 et 1980 en Sierra Leone, au Libéria, au Sénégal et au Mali notamment, la Guinée resta terra incognita pour ce qui est de l’archéologie et du patrimoine culturel de l’Afrique de l’Ouest. Malgré la perte d’une partie des connaissances locales du passé durant les années suivant l’indépendance, la culture traditionnelle refit surface ces dernières décennies en Guinée. L’omniprésence générale du patrimoine culturel vivant dans les sociétés traditionnelles et le caractère expansif de la zone du projet rendent la découverte de sites du patrimoine culturel vivant très probable, en plus de celle déjà faite. EISE de Simandou, Volume III, Port Annexe 14C 14C-8