De la Justice pénale internationale à la justice réparatrice : l`impact

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De la Justice pénale internationale à la justice réparatrice : l`impact
De la Justice pénale internationale à la justice réparatrice :
l’impact du culturel
Synthèse réalisée par Pauline Liss – Bénévole du Réseau France Colombie Solidarités
Les 6 et 7 décembre derniers, l’Institut des Droits de l’Homme de Lyon (IDHL) et la Chaire
UNESCO organisaient à Lyon un colloque international sur ces questions de processus
transitionnel dans des sociétés en conflit. Une étude de cas multiformes pour mieux
comprendre les mécanismes existants. Une problématique particulièrement importante
en Colombie alors que le conflit est l’un des plus anciens au monde, que la diversité et le
nombre des victimes rendent complexes toute tentative de justice transitionnelle, et que
nous sommes à un moment clé de ce processus avec les actuels Dialogues de paix.
Les mécanismes de restauration ou de réhabilitation qui sont souvent fondés sur des traditions culturelles
et/ou religieuses spécifiques, ont parfois fait leurs preuves en termes de ré-humanisation des sociétés
ayant connu des crimes graves et des violences systématiques. Ils ont également contribué, dans
certains cas, à un renouveau du pacte social et aux possibilités du vivre-ensemble dans des sociétés
marquées par le poids de la violence passée et des haines toujours présentes.
La problématique du colloque, composé d’un panel d’intervenants multidisciplinaires et multiculturels,
était de savoir si ces procédés, mis en œuvre dans des contextes particuliers, pouvaient éclairer
d’autres sociétés qui sont aujourd’hui confrontées à la mémoire de violence et qui doivent pourtant
trouver des solutions pour un avenir commun.
Quels sont les fondements théoriques et les bases de légitimation de ces mécanismes de restauration
ou de réparation ? Quels sont les liens possibles entre justice restauratrice et cultures particulières des
sociétés qui ont adopté ce mode de traitement des crimes ? Ces systèmes de restauration doivent-ils
aussi concerner les bourreaux ? Quels en sont les limites et quelles sont les possibilités de
complémentarité avec les systèmes proprement punitifs, nationaux ou internationaux ?
C’est à travers quatre panels que les intervenants ont pu faire part de leurs expériences. Pierre Truche,
Premier Président honoraire de la Cour de Cassation a présidé celui « De la justice pénale
internationale (JPI) à la justice restauratrice » où était traités la dimension restauratrice de la JPI, ses
limites et aspects critiques ainsi que des réflexions sur le Tribunal Pénal International (TPI). Premièrement,
la JPI est internationale mais pas universelle, d’où une limite territoriale. Depuis les tribunaux de
Nuremberg et Tokyo, la vocation de la JPI est plutôt de juger les grands responsables des crimes et non
les bourreaux dans leur ensemble ou alors les criminels de certains pays dits « plus faibles ». Les victimes,
quant à elles, sont parfois trop nombreuses, ne facilitant pas la réparation dans leur totalité. Les autres
limites sont financières, matérielles ou encore au niveau de la compétence car ces juridictions ne
jugent que les violations aux Droits de l’Homme les plus graves. Pour que la JPI soit restauratrice, il est
nécessaire de mettre fin à l’impunité, de reconnaitre que la justice pénale et la JPI sont insuffisantes
pour une réconciliation, que celle-ci ne peut ni, ne doit être dictée - le pardon doit venir des victimes. Il
faut également reconnaitre que la réparation joue un rôle crucial dans la possibilité de réconciliation et
enfin que la victime doit être mise au centre des discussions afin de favoriser la reconstruction du
contrat social et de la dignité humaine de toute la population (tant des victimes que des bourreaux).
Ensuite, il a été montré qu’on veut toujours applaudir les décisions des TPI car ces derniers jugent les
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criminels. Mais ce n’est pas forcément parce qu’on les juge qu’on est juste. Qui jugerait le tribunal s’il
commettait des erreurs ? Le risque d’imposer la vision occidentale de la justice au monde entier est
bien réel. Néanmoins, il est préférable d’avoir une justice partielle que pas de justice du tout.
Les deuxièmes et troisièmes panels présentaient les « solutions culturelles particulières » à travers des
exemples précis. En Afrique du Sud, la Commission Vérité et Réconciliation a été l’exemple d’un
compromis entre droit, politique et traditions ancestrales, avec ses défauts et qualités. Aujourd’hui, la
capacité du pays à survivre au décès de Mandela sera une preuve de son fonctionnement. La
Commission de Vérité et Réconciliation en Côte d’Ivoire, quant à elle, fut plus présenteé comme un
échec gangréné par la corruption politique, la culture de la conflictualité et le manque de
responsabilisation de bourreaux par la victimisation massive de toute sa population. L’exemple
marocain de la réparation collective à travers l’Instance Equité et Réconciliation - demande initiale des
communautés locales marginalisées et sous développées au niveau socio économique - a été positif,
notamment pour les femmes dont les droits fondamentaux ont été reconnus et respectés ainsi que pour
la réconciliation de l’opposition avec les institutions monarchiques. L’expérience des Gacaca au
Rwanda est un des exemples phares de la justice populaire et traditionnelle, bien qu’il ait pris du temps
pour démarrer. La Commission des Sages et le processus de réconciliation en Turquie, première étape
du processus de paix avec les Kurdes, malgré des avancées très positives jusqu’au printemps 2013,
suscite aujourd’hui de graves préoccupations. Notamment de par le manque d’applications des
réformes légales et juridiques recommandées par les Sages au Gouvernement. En ce qui concerne la
Colombie, la situation est particulière car le conflit armé est toujours actif malgré les négociations de
paix et parce que l’éventail du statut des victimes est très large dans le droit colombien. Ensuite, les
mesures de réparation ne manquent pas, mais sans contexte de post-conflit les avancées sont difficiles.
Les cas de l’Uruguay et de l’Argentine sont semblables par exemple avec l’intervention des Parlements
nationaux, la protection de la force publique par les lois pendant des années suivant la fin des
dictatures et la tension entre la vigueur de l’Etat de Droit et l’essence qui fait les droits et libertés des
personnes. Enfin, de manière générale, le développement d’un instrument régional sur la justice
transitionnelle en Afrique a également été présenté étant donné le caractère spécifique de ce
continent qui doit être pris en compte. L’analyse de la jurisprudence de la Cour Interaméricaine des
Droits de l’Homme a également permis de comprendre le rôle des réparations matérielles et
symboliques.
La rencontre s’est terminée sur le thème de « la réhabilitation des victimes » - du côté médical - avec la
dimension restauratrice de la justice dans la reconstruction de la dignité des personnes (à travers la
mémoire communautaire, la compréhension du processus de violence et les garanties de non
répétition), l’approche clinique de la réhabilitation (à travers l’exemple du TPI pour les Khmer Rouges au
Cambodge et la prise en charge psychologique tant des victimes que des bourreaux, notamment pour
éviter la répétition des violations, ou encore des personnes faisant partie de la ‘zone grise’, c’est à dire
les personnes ayant eu un double rôle de bourreaux et victimes) et enfin le cas spécifique des survivants
du génocide rwandais et de la dictature chilienne.
La conclusion a été l’occasion de démontrer la complexité du système, la difficulté d’appliquer des
mécanismes spécifiques dans d’autres contextes mais également l’importance de la JPI dans la lutte
contre l’impunité, dans la dissuasion par rapport aux crimes futurs et son efficacité à assurer la
protection de toutes les personnes. De plus, les mécanismes de restauration et surtout de la
responsabilité de l’Etat dans la construction de la réconciliation sont fondamentaux. La justice
restauratrice doit continuer à se développer et à s’améliorer afin de garantir une meilleure protection,
réparation et condamnation des différents acteurs d’un conflit..
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