Le neveu de Rameau : prologue

Transcription

Le neveu de Rameau : prologue
Le neveu de Rameau : prologue
Question : Comment le neveu est-il présenté dans cette ouverture ?
Plan : I le portrait moral
II le portrait physique
III le mode de vie
« Vertumnis, quotquot sunt, natis iniquis ». C’est ainsi que commence le
prologue du Neveu de Rameau de Diderot écrit à la fin du XVIIIème siècle et
paru bien plus tard. Cet épigraphe d’Horace prévient le lecteur de l’apparition
d’un personnage « né sous la capricieuse influence de tous les vertumnes
réunis », c'
est-à-dire un personnage inconstant et contradictoire. Mais quel estil ? Est-ce le personnage éponyme, le neveu ? Ce prologue ne nous apportera pas
la réponse mais nous présentera cependant un des plus bizarres personnages de
ce pays qui s’avère bien être LUI du dialogue qui répond au MOI le philosophe.
Nous étudierons la présentation du neveu. Tout d’abord nous nous
intéresserons à son portrait moral particulièrement paradoxal, ensuite à son
portrait physique qui insiste sur son inconstance, et enfin, nous verrons son
mode de vie au jour la journée.
Je vais lire seulement la partie du passage où le personnage qui nous intéresse
apparaît car le prologue est assez long.
Etudions donc tout d’abord son portrait moral.
Dans sa première apparition le neveu est présenté comme un être à part.
En effet, le narrateur dit ligne 16 qu’il a été abordé par l’un des plus bizarres
personnages de ce pays. Le philosophe nous présente LUI comme un
personnage déconcertant, qui sort de l’ordinaire. En effet, il fait partie ligne 44
de ces originaux-là. Nous retrouvons aussi le terme d’originalité ligne 23 où le
narrateur s’adresse directement au lecteur pour insister sur l’originalité du
neveu : Si vous le rencontrez jamais et que son originalité ne vous arrête pas.
Le neveu est donc dès son apparition présenté comme un être à part, aussi bien
différent du « MOI » que du lecteur.
Le narrateur décrit ensuite le neveu plus en détail. Il nous montre ses
qualités et ses défauts, et surtout, il présente une description de ce personnage
dual. Le rythme binaire le souligne ligne 17 : C’est un composé de hauteur et
de bassesse, de bon sens et de déraison. Il faut que les notions de l’honnête et
du déshonnête soient bien étrangement brouillées dans sa tête. Cette phrase
nous montre tout d’abord que le neveu peut aussi bien avoir des attitudes nobles
que basses ce qui se vérifie plus tard dans l’œuvre lorsque nous apprenons que
c’est un voleur. Ce qui entraîne évidement que les notions de l’honnête et du
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déshonnête soient brouillées dans sa tête. Ainsi le philosophe s’acharne à
montrer les dualités du caractère du neveu dont le trait principal est sa propre
inconstance. Une phrase nous montre bien à qui nous avons affaire : Rien ne
dissemble plus de lui que lui-même, ce qui signifie qu’il est différent de lui
donc qu’il change tout le temps. Il a cependant un trait de caractère bien précis
et fixe : ligne 20 il montre ce que la nature lui a donné de bonnes qualités,
sans ostentation, et ce qu’il en a reçu de mauvaises, sans pudeur. Cet original
s’affiche donc sans réserve, il vit comme bon lui semble, se souciant peu du
regard des autres.
Ce portrait moral d’une personne si inconstante est donc très difficile à
faire mais MOI y arrive et nous apprend donc ses principaux traits de caractère :
il est instable, inclassable, marginal et sans pudeur. Cependant, son portrait
physique est-il aussi complexe que son portrait moral ? C’est ce que nous allons
étudier dans notre deuxième partie.
Le portrait physique commence par la description de l’organisme du
personnage pour ensuite nous montrer son aspect externe. Tout d’abord, nous
apprenons ligne 21 qu’il a une organisation forte et une vigueur de poumons
peu commune. Ainsi le neveu semble être en parfaite santé. Mais dès qu’il nous
décrit son aspect, nous comprenons qu’il n’est pas si résistant. En effet, ligne 25
il peut être maigre et hâve comme un malade au dernier degrés de la
consomption, aussi bien que gras et replet. Le narrateur utilise des expressions
truculentes pour faire ressortir ces dissensions : on compterait ses dents à
travers ses joues. Son portrait physique n’est donc absolument pas fixe et le
neveu reste bien un original.
Le narrateur décrit ensuite les vêtements du neveu. Ligne 29 Aujourd’hui,
en linge sale, en culotte déchirée, couvert de lambeaux, presque sans souliers
( …) demain chaussé bien vêtu. Il est donc soit propre et bien habillé soit sale et
déchaussé. De plus il a des sentiments totalement humains : quand il est poudré
chaussé frisé bien vêtu il se sent fier et marche la tête haute, alors que lorsqu’il
est couvert de lambeaux, sans souliers il est la tête basse. Nous remarquons
encore une fois le rythme binaire qui souligne son inconstance. La dualité du
neveu est donc même présente à travers ses vêtements.
Ce qui insiste d’autant plus sur l’inconstance du LUI dans cette
description physique, ce sont les hypothèses du narrateur. En effet, celui-ci tente
de trouver des explications à son instabilité. L’expression on dirait que ligne 26
suivie de la conjonction de coordination ou souligne l’incompréhension du
narrateur, il tente d’expliquer l’inexplicable. Le demain répond à aujourd’hui,
le quelquefois au mois suivant, rien n’est prévisible, rien n’est cohérent. Ainsi,
le lecteur est de plus en plus désorienté et intéressé par ce personnage pour le
moins inhabituel.
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Cependant les interrogations du lecteur seront en partie comblées par la
description du mode de vie du neveu. Nous arrivons donc à notre troisième
partie.
En effet, il vit au jour la journée, c'
est-à-dire qu’il ne prévoit rien. Ligne
34 nous apprenons que son premier soin le matin quand il est levé est de savoir
ou il dînera après dîner il pense ou il ira souper. Cette phrase nous montre
qu’il vit avec l’obsession de savoir où il va dormir et comment il va se nourrir. Il
est triste ou gai selon les circonstances. Ceci explique alors son inconstance
dans son portrait physique et moral et rend ce personnage encore plus pitoyable
comme l’écrit Diderot : on serait tenté de l’appeler pour lui donner l’aumône.
Certains détails pittoresques comme il a encore une partie de son matelas dans
ses cheveux augmentent d’autant plus notre pitié pour ce personnage.
En réalité le neveu est un parasite. Il vit aux crochets des autres il a
recours soit à un fiacre de ses amis soit au cochet d’un grand seigneur qui lui
donne un lit sur la paille. Il mène une vie de bohème : la nuit amène aussi son
inquiétude. C’est donc derrière ce personnage qui paraissait inclassable que
nous retrouvons le type même du parasite des comédies latines. Il vit dans
l’oisiveté, aux dépens des autres. Celui-ci semble exclu de la société. D’ailleurs
dès cette ouverture le neveu s’oppose totalement au narrateur qui a l’habitude
d’aller vers les cinq heure du soir se promener au Palais Royal. Nous avons
donc deux personnages bien distincts ayant un mode de vie très différent, le
lecteur s’identifie davantage au philosophe qu’au neveu dans cette présentation.
Vers la fin du passage, nous apprenons le rôle essentiel dans cette œuvre
du neveu : être le révélateur de la société. Le narrateur l’utilise pour approuver
ou blâmer. C’est son grain de levain qui va lui permettre de faire sortir la
vérité. Ainsi le neveu qui suscite tant de curiosité chez le lecteur est l’outil de
l’homme de bon sens c'
est-à-dire du narrateur pour démêler le monde. Grâce à
ce prologue et à cette présentation du neveu comme un personnage peu
commun, Diderot introduit donc le dialogue futur.
Nous pouvons donc conclure que le personnage qui s’avère être le neveu
de Rameau est donc présenté tout d’abord par un portrait moral puis physique
qui tente à le décrire comme original, inclassable et bien sûr inconstant. C’est
surtout son mode de vie qui nous apprend à quel type de personne le narrateur à
affaire et son rôle futur dans l’œuvre de Diderot, c’est un parasite qui est
révélateur de la société. Nous sommes alors impatient de l’entendre et de savoir
si ce personnage paradoxal va tenir toutes ses promesses.
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