La procedure legislative devant l`assemblée nationale du Cameroun

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La procedure legislative devant l`assemblée nationale du Cameroun
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Centre in Administration for
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‫اﻟﻤﺮآﺰ اﻹﻓﺮﻳﻘﻲ ﻟﻠﺘﺪرﻳﺐ‬
‫و اﻟﺒﺤﺚ اﻹداري ﻟﻺﻧﻤﺎء‬
Centre Africain de
Formation et de Recherche
Administratives pour le
Développement
La procedure legislative devant l’assemblee
nationale du cameroun
Par
Serge Vincent ntonga bomba
La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
resume
L’institution parlementaire au Cameroun se développe et s’adapte à l’évolution des
institutions politiques et juridiques du pays. Son rôle au sein de ces institutions a connu des
fortunes diverses. D’une simple chambre d’enregistrement avant et après 1960, l’assemblée
Nationale est devenue depuis 1992, une chambre pluraliste légiférante. Dans la loi
constitutionnelle de 1996, il est prévu un parlement bicaméral qui exerce le pouvoir législatif en
collaboration avec le gouvernement. C’est lui qui détient la compétence exclusive du vote de la
loi. Et pour qu’un projet ou une proposition de texte puisse se transformer en une loi, expression
de la volonté générale, il faut nécessairement l’intervention d’un certain nombre d’actes ou de
techniques dont certains entrent dans les travaux préparatoires de la loi et d’autres participent à
son adoption définitive par l’assemblée Nationale. Il s’agit de la procédure législative. Dans la
pratique, cette procédure est émaillée de nombreux obstacles et limites qui sont à la fois
juridiques, politiques et autres. En effet, l’exécutif camerounais, de par les nombreuses
prérogatives que lui confèrent la constitution et les alliances politiques contractées depuis
l’instauration de l’assemblée pluraliste, a réduit de manière consistante le pouvoir législatif. Mais
nos parlementaires, à certaines occasions, utilisent à fond leur droit d’amendement et exercent de
ce fait une pression et un contrôle sur le gouvernement, affirmant, ainsi leur autorité dans
l’activité législative.
Summpary
The parliament in Cameroon is developing and adapting itself to the evolution of the
political and legal institutions of the country. Its role within these institutions has been diverse.
From a simple registration chambers before and after 1960, the National Assembly has since
1992, become a pluralist Assembly.
A bicameral parliament exercising full legislative powers in collaboration with the
government has been instituted in the revised constitution of 1996. It has the exclusive
competence to vote the law. For a government bill or a private member bill to become law an
expression of the general will, it most follow a certain procedure or technique, some of which
fall under the preparatory phase of a law and others are involve with its final adoption by the
National Assembly. It is a legislative procedure. In practice this procedure has number of
obstacles and limits which are simultaneously judicial, political and others. In fact, the numerous
prerogatives conferred the constitution of the Republic and political alliance between the ruling
party and some opposition parties since the installation of the pluralist Assembly reduced
legislative powers. But our parliamentarians have occasionally exploited to their best, their rights
to amend and have thus exercised some pressure and control of the government, thus affirming
their authority in legislative matter.
Cahiers africains d’Administration Publique, No. 58, pp. … à …
La Procédure Législative devant l’assemblée Nationale du Cameroun
Dr. Serge Vincent NTONGA BOMBA
Yahoundé (Cameroun)
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
Introduction
La loi constitutionnelle n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution
camerounaise du 02 juin 1972 consacre trois pouvoirs : le pouvoir exécutif incarné par le
Président de la République ; le pouvoir législatif exercé par le parlement, et le pouvoir judiciaire
exercé par la cour suprême, les cours d’appel et les tribunaux. Mais c’est le pouvoir législatif qui
fera l’objet de notre étude notamment la fonction législative de l’assemblée Nationale1. Il s’agit
de mettre en évidence un certain nombre d’actes et mécanismes juridiques qui interviennent soit
avant la création de la loi, soit dans son adoption, soit même après le vote de celle-ci par
l’assemblée Nationale.
L’observation du fonctionnement des Etats à travers le monde montre les Etats avec un
parlement monocaméral, et ceux dont l’institution parlementaire est bicamérale.
Un parlement monocaméral n’est composé que d’une seule chambre qui est l’assemblée
Nationale. En revanche une institution parlementaire bicamérale se caractérise par l’existence de
deux chambres à savoir une chambre basse c’est-à-dire l’assemblée Nationale et une chambre
haute constituée du Sénat. Le parlement bicaméral peut connaître deux variantes fondamentales à
savoir le cas du bicamérisme dans un Etat fédéral où la chambre haute représente les Etats
Fédérés ; le cas du bicamérisme dans certains Etats unitaires où les réalités sont complexes.
La loi constitutionnelle de 1996 ci-dessus citée prévoit un parlement comprenant une
assemblée Nationale et un Sénat. L’assemblée Nationale composée de 180 députés élus au
suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq ans, représente l’ensemble de la
Nation. Le Sénat est composé de 100 membres ou sénateurs à raison de 10 (dix) sénateurs par
région dont 7 (sept) sont élus pour cinq ans au suffrage universel indirect sur la base régionale et
3 (trois) nommés par le Président de la République, et représentent les dix régions du Cameroun.
L’histoire de l’institution parlementaire au Cameroun remonte à la période au cours de
laquelle le territoire du Cameroun était placé sous administration française. Le Cameroun reste
l’un des rares Etats en Afrique au sud du Sahara à avoir conservé sans discontinuité cette
institution depuis sa création en 1947 jusqu’à nos jours. C’est donc la plus vieille de toutes nos
institutions qui a servi à désigner non seulement les deux premiers Premiers Ministres mais
également le tout premier Président de la République. Il y eut successivement avant
l’indépendance du Cameroun, l’assemblée Représentative du Cameroun (ARCAM), de 1947 à
19522, L’assemblée Territoriale du Cameroun (ATCAM), de 1952 à 1957 et l’assemblée
Législative du Cameroun (ALCAM), de 1952 à 1960.
Ces différentes Assemblées avaient certes des attributions limitées, mais elles ont joué un
rôle fondamental dans l’évolution institutionnelle de notre pays. C’est par exemple l’ALCAM
1
L’article 67 al. 3 de la loi n°96/06 du 18.01.96 relatif aux dispositions transitoires et finales dispose que
« l’Assemblée Nationale exerce la plénitude du pouvoir législatif et jouit de l’ensemble des prérogatives reconnues
au parlement jusqu’à la mise en place du Sénat ».
2
Voir « le Parlement au Cameroun hier et aujourd’hui (1946-1971). Assemblée Nationale-Imprimerie
COULOUMA-Yaoundé, pp.14,34 et 39.
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qui dota le Cameroun d’un gouvernement, d’une devise, d’un drapeau, d’un hymne national. La
première constitution du Cameroun indépendant du 4 mars 1960 institua l’assemblée Nationale.
Après la Réunification du Cameroun francophone et du Cameroun anglophone le 1er octobre
1961, c’est la naissance de l’Etat Fédéral du Cameroun composé de deux Etats fédérés de type
présidentiel. Une constitution fédérale fut instituée, entre 1962 et 19723.
Cette constitution a connu plusieurs modifications4 dont la plus récente date du 18
janvier 1996. Depuis l’avènement de l’Etat unitaire en 1972, il y a eu déjà six législatures. Les
quatre premières législatures se sont déroulées sous la bannière du parti unique, la quatrième
législature (1988-1992) avait cependant vu l’investiture par le parti unique de plusieurs listes de
candidatures. La législature 1992-1997 marque le début du pluralisme politique5.
Ainsi de juin 1973 à décembre 2000, notre Assemblée Nationale aura examiné et adopté
environ 699 projets et 10 propositions de loi6. Le Cameroun est ainsi passé d’une société
monolithique en 1972, marquée par une législation d’exception à une société de liberté, de
démocratie et de pluralisme depuis 1972 ; d’une économie dirigiste à une économie de plus en
plus libérale. Et l’institution parlementaire reste sans doute une condition nécessaire pour le bon
fonctionnement de la démocratie.
3
Voir S. EFOUA MBOZO’O « l’assemblée Nationale du Cameroun à la croisée des chemins » HERODOTE, 1994,
p.29.
4
Ces différentes modifications de la constitution de 1972 sont les suivantes
- loi n°75/1 du 9 mai 1975 portant modification de la constitution du 2 juin 1972 sur la République du
Cameroun
- loi n°79/1 du 29 juin 1979 portant modification des articles 5 et 7 de la constitution
- loi n°83/10 du 21 juillet 1983 : le nombre de députés de l’assemblée Nationale passe de 120 à 150
- loi n°83/25 du 29 novembre 1983, modifiant et complétant l’article 7 de la constitution sur la vacance de
la Présidence
- loi n°84/001 du 4 février 1984 portant modification des articles 5, 7, 8, 26 et 34 de la constitution sur la
République du Cameroun
- loi n°88/9 du 17 mars 1988 portant modification de la constitution à son article 7 donnant au Président de
la République la possibilité s’il juge utile de la tenue d’une élection présidentielle anticipée
- loi n°88/1 du 17 mars 1988 : le nombre des députés à l’assemblée Nationale passe de 150 à 180
- loi n° 91/001 du 23 avril 1991 portant modification des articles 5, 7, 8, 26 et 34 de la constitution
- loi n°91/021 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d’élection des députés à l’assemblée Nationale
- loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin 1972.
5 Sur les 32 partis politiques qui avaient pris part aux élections législatives du 1er mars 1992, quatre seulement
avaient eu des sièges à l’assemblée Nationale. Il s’agit par ordre de mérite des partis suivants :
- RDPC 88 sièges
- UNDP 68 -//- UPC 16 -//- MDR 06 -//6
1ère législature : juin 1973 - mai 1979 (119 projets et une proposition de loi)
ème
2 législature : juin 1978 - mai 1983 (125 projets de loi)
3ème législature : juin 1983 - avril 1988 (114 projets de loi)
4ème législature : mai 1988 - février 1992 (160 projets et 4 propositions de loi)
5ème législature : mars 1992 - mai 1997 (118 projets et 3 propositions)
6ème législature : juin 1997 (environ 63 projets et 2 propositions de loi jusqu’en décembre 2000)
Sources : Archives, bibliothèque de l’assemblée Nationale.
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En principe, le parlement exerce deux fonctions fondamentales qui sont la fonction
législative et la fonction de contrôle de l’exécutif.
S’agissant de la fonction législative, c’est une fonction que le parlement exerce à titre
principal c’est-à-dire la mission de voter les lois. Mais seulement l’aménagement des textes
constitutionnels et la pratique montrent que l’exercice de cette fonction souffre de quelques
immixtions et des interférences de l’exécutif et des limites liées à l’environnement et à la culture
juridique et politique des parlementaires camerounais. Ces derniers bénéficient dans l’exercice
de leur mandat de nombreux avantages et privilèges aussi bien matériels que financiers7
notamment ceux des membres du Bureau8. Les députés perçoivent par exemple mensuellement
une indemnité de base et une indemnité spéciale appelée « indemnité pour frais de mandat » qui
vient d’être revalorisée au cours de la session parlementaire de mars 2001. Les immunités
parlementaires dont jouissent les députés leur permettent de préserver leur liberté et leur
indépendance.
En ce qui concerne la fonction de contrôle de l’exécutif, elle permet au parlement de
s’assurer du bon fonctionnement des institutions gouvernementales et au besoin de sanctionner
les dérapages de ces institutions. Mais son exercice rencontre beaucoup de difficultés et ce
contrôle n’a qu’une portée symbolique dans la pratique.
Dans la loi constitutionnelle de 1996, le parlement exerce la plénitude du pouvoir
législatif qu’il partage avec le gouvernement. C’est lui qui détient la compétence exclusive du
vote de la loi. Cette dernière peut également, dans certains cas, être votée par le peuple par voie
de référendum. La question reste controversée de savoir si le parlement peut modifier une loi
référendaire sans recourir à un nouveau référendum. Et pour qu’un projet ou une proposition de
texte puisse se transformer en une loi, expression de la volonté générale, il faut nécessairement
l’intervention d’un certain nombre d’actes et techniques dont certains entrent dans les travaux
préparatoires de la loi et d’autres participent à son adoption définitive par l’assemblée Nationale.
Ces différentes opérations prennent le nom de procédure législative qui est régie par la loi
fondamentale et dont les dispositions sont reprises par le règlement intérieur de l’assemblée
Nationale..
Ces préalables ainsi identifiés nous conduisent à adopter la démarche tripartite suivante :
Première partie : L’initiative de la loi
Deuxième partie : L’adoption de la loi
7
Les avantages et privilèges des membres du Bureau sont exorbitants. Ceux-ci jouissent en effet des indemnités
colossales : gratuité de logement, de domestiques, de véhicules de fonction et d’hôtel et gratuité de maintenance de
ces véhicules, gratuité d’eau, d’électricité, de téléphone, carburants et lubrifiants, etc.
8
Le Bureau de l’assemblée Nationale est élu au début de chaque année législative et comprend :
- un Président ;
- un Premier Vice-Président ;
- cinq Vice-Présidents ;
- douze Secrétaires ;
- quatre Questeurs.
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Troisième partie : La consécration normative de la loi
I - l’initiative de la loi
C’est la procédure qui consiste à déclencher l’opération de fabrication de la loi. Pour
qu’un projet de texte puisse se transformer en une loi c’est-à-dire une prescription générale,
impersonnelle, permanente et obligatoire, plusieurs opérations ou actes préparatoires sont
indispensables9. Le problème qui se pose est celui de savoir qui est habilité à initier un texte de
loi ? La constitution détermine le pouvoir d’initiative. L’article 25 de la loi constitutionnelle de
1996 dispose : « L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République et
aux membres du parlement »10. Le pouvoir d’initiative législative est ainsi partagé entre
l’exécutif et le législatif.
A/ L’initiative présidentielle
Elle couvre l’ensemble du pouvoir exécutif, mais c’est le Président de la République qui
est l’organe constitutionnel au nom duquel les démembrements du pouvoir exécutif peuvent
initier les textes. Cette initiative présidentielle intervient au moyen d’un projet de loi. Les auteurs
de l’initiative gouvernementale peuvent être soit le Président de la République lui-même, soit le
Premier Ministre, soit un Ministre en charge d’un secteur d’activités données, soit même d’un
simple fonctionnaire dans un ministère déterminé. Mais tous les textes en examen d’origine
gouvernementale sont analysés comme une initiative du Président de la République11. Et ce
dernier, en tant qu’élu du peuple, cherche à transformer par les actes toutes les promesses faites
pendant la campagne électorale.
Le projet gouvernemental subit une procédure assez longue dans son élaboration. Il est
d’abord présenté en conseil de cabinet où il peut faire l’objet d’un débat préliminaire et connaître
des modifications au niveau du Premier Ministre12. Mais certains projets de loi partent
directement de la Présidence de la République pour l’ Assemblée Nationale.. Dans tous les cas le
dépôt des projets doit s’effectuer sous forme d’un décret de présentation, signé par le titulaire
constitutionnel du pouvoir d’initiative ou son représentant ; le projet de loi doit comporter
l’exposé des motifs du Ministre dont le département est l’initiateur. Le projet de loi déposé, doit
être multiplié en autant d’exemplaires qu’il y a de parlementaires dans l’hémicycle. Il doit être
daté, signé et présenté en articles et pourvu de tous les visas. Cependant, le Président de la
République partage ce pouvoir d’initiative législative avec les membres du parlement.
9
Voir notamment S. EFOUA MBOZO’O, « Pratiques et procédures parlementaires », Yaoundé, 1999, pp. 17-21.
dans cette étude, les mots parlement et Assemblée Nationale désignent la même institution parlementaire et sont
interchangeables.
11
L’article 29 alinéa 2 de la loi constitutionnelle de 1996 dispose « Le projet de loi examiné en séance plénière est
le texte déposé par le Président de la République ».
12
Voir D. INDJECK, « la fonction législative dans la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 », mémoire de
DEA de droit public, Université de Yaoundé II, 2001, p.34.
10
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B/ L’initiative des membres du parlement
Elle peut provenir soit d’un parlement, soit d’un groupe parlementaire13, soit de la
chambre toute entière. L’initiative parlementaire intervient au moyen d’une proposition de loi.
Au terme des dispositions de la loi constitutionnelle de 1996, les membres du parlement
s’entendent aussi bien des députés de l’assemblée Nationale que des sénateurs. Et l’article 29 al.
2 de cette même loi dispose : « …la proposition de loi examinée en séance plénière est le texte
élaboré par l’auteur ou les auteurs de celle-ci ».
Les membres du parlement, tout comme le Président de la République sont les élus du
peuple. Ils cherchent eux aussi à initier ou à proposer des lois et traduire ainsi en actes leurs
engagements politiques vis-à-vis des électeurs14. Mais dans la pratique, les parlementaires
rencontrent encore beaucoup de difficultés pour exercer leurs missions. Les origines de ces
difficultés sont diverses et dues aux limites liées à l’environnement et à la culture juridique et
politique. Le parlementaire camerounais ne disposant pas d’une administration propre ou d’une
expertise adéquate est dans l’impossibilité de remplir individuellement ou collectivement sa
mission15.
Le pouvoir d’initiative législative confié à la fois au Président de la République et aux
membres du parlement par la constitution ne constitue guère une concurrence entre les deux
institutions. Il s’agit plutôt d’une complémentarité entre les deux organes, tous issus de la
volonté du peuple16.
En matière d’adoption de la loi, il s’agit d’une compétence d’attribution pour l’assemblée
Nationale : c’est elle qui détient la compétence exclusive du vote de la loi en dehors des
procédures référendaires17. Le Président de la République détient une compétence sur
habilitation ou un pouvoir délégué18. Une ordonnance prise par le Président de la République
reste dans le domaine réglementaire tant qu’elle n’a pas encore été ratifiée par l’assemblée
Nationale.
Le projet ou la proposition de texte ainsi initié doit être déposé devant le bureau de
l’assemblée Nationale où il fera l’objet d’un contrôle de recevabilité.
13
L’actuelle législature (1997-2002) compte trois groupe parlementaire : le groupe R.D.P.C., le groupe S.D.F. et le
groupe U.N.D.P., le règlement intérieur de l’assemblée Nationale exige le nombre de 15 députés pour pouvoir
constituer un groupe parlementaire.
14
Voir U. GUCHET, « Droit parlementaire », Paris, Economica, 1996, p.112.
15
Cette situation est illustrée par le nombre très insignifiant des propositions de loi enregistrées au cours de chaque
légistature.
16
Voir P. AVRIL, J. GICQUEL, « Droit parlementaire », Paris, MONTCHRESTIEN, 1996, p.134.
17
Voir article 36 de la loi constitutionnelle, op.cit.
18
Voir article 28, idem.
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C/ Le contrôle de la recevabilité du projet ou de la proposition de loi
Le premier problème est celui de préciser si le projet de texte déposé rentre dans le
domaine de la loi prévu dans la constitution. C’est l’article 26 de la constitution qui détermine le
domaine de la loi19. Il s’agit d’un des traits caractéristiques de la rationalisation des mécanismes
des parlements contemporains20. C’est un domaine d’attribution constitutionnelle qui précise de
manière explicite les domaines d’intervention de l’assemblée Nationale dans sa fonction
législative. Il existe au sein de l’hémicycle une commission des lois constitutionnelles chargée
entre autres de vérifier la conformité des projets ou propositions de loi par rapport aux
dispositions constitutionnelles contenues dans l’article 26. Les autres domaines non énumérés à
l’article 26 rentrent dans le champ réglementaire c’est-à-dire que l’exécutif peut intervenir au
moyen des règlements autonomes21.
Aux termes de l’article 29 al. 1 de la loi constitutionnelle de 1996, « les projets et
propositions de loi sont déposés à la fois sur le bureau de l’ Assemblée Nationale et sur celui du
Sénat ». Pour le moment, en attendant la mise en place du sénat, les textes sont déposés sur le
bureau de l’assemblée Nationale. Il s’agit ici des projets et propositions de loi initiée
respectivement par le Président de la République et les membres du parlement.
En ce qui concerne les projets de loi, ils peuvent traduire la volonté de l’exécutif d’obtenir les
moyens d’action de sa politique, de concrétiser en actes son programme politique économique
électoral.
S’agissant des propositions de loi, c’est le travail des députés ou des sénateurs qui
consiste à participer à l’élaboration des lois, Mais le travail des députés se heurte à de nombreux
19
L’article 26 de la loi constitutionnelle n°96-06 du 18 janvier 1996 accorde au parlement le
droit de légiférer sur les droits, garanties et obligations fondamentaux du citoyen, la sauvegarde
de la liberté et la sécurité individuelles ; Le régime des libertés publiques ; le droit du travail, le
droit syndical, le régime de la protection sociale ; les droits et obligations du citoyen en fonction
des impératifs de la défense nationale ; le statut des personnes et le régime des biens : la
nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et
libertés ; le régime des obligations civiles et commerciales ; le régime de la propriété mobilière et
immobilière. L’organisation politique, administrative et judiciaire concernant : le régime de
l’élection à la présidence de la république, le régime des élections à l’assemblée Nationale au
Sénat et aux Assemblées régionales et locales et le régime des consultations référendaires ; le
régime des associations et des partis politiques. L’organisation, le fonctionnement, la
détermination des compétences et des ressources des collectivités décentralisées ; les règles
générales d’organisation de la défense, l’organisation judiciaire et la création des ordres de
juridiction ; la détermination des crimes et délits et l’institution des peines de toute nature, la
procédure pénale, la procédure civile, les voies d’exécution, l’amnistie. Les questions financières
et patrimoniales suivantes : le régime d’émission de la monnaie ; le budget, la création des
impôts et taxes et la détermination de l’assiette du taux et des modalités de recouvrement de
ceux-ci ; le régime domanial, foncier et minier. Le régime des ressources naturelles. La
programmation des objectifs de l’action économique et sociale. Le régime de l’éducation.
20
21
Voir Y. GUCHET, op.cit., p.112.
Voir l’article 27 de la loi constitutionnelle, op.cit.
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obstacles. La première difficulté se situe au niveau de la recevabilité des propositions de loi,
problème presque inexistant pour la recevabilité des projets de loi.
Les obstacles constitutionnels22 se rencontrent surtout en matière des finances publiques
où de recevabilité des propositions de loi s’avère difficile sinon impossible. Il en est de même de
la fixation de l’ordre du jour de l’assemblée Nationale. L’article 27 d, du règlement intérieur de
l’Assemblée Nationale dispose que « l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale comporte par
priorité et dans l’ordre que le gouvernement a fixé, la discussion des projets ou propositions de
loi qu’il a acceptées ». En d’autres termes, cette fixation de l’ordre du jour comporte deux
aspects qu’il faut distinguer à savoir la détermination des points à débattre, elle ressort de la
compétence du législatif ; et la détermination par ordre de priorité ou d’importance des différents
points qui vont être débattus, celle-ci relève de la compétence de l’exécutif.
La conséquence de cette distinction est que le gouvernement va chercher à privilégier ses
propres projets au détriment des propositions de l’assemblée Nationale23. Dans la même
logique, le gouvernement va être seul à choisir le moment d’introduire tel ou tel projet au bureau
de l’assemblée Nationale24 alors que cette assemblée siège au moins depuis plusieurs jours. Le
résultat de cette attitude est d’empêcher les députés d’effectuer un examen sérieux des textes qui
leur sont soumis.
Dans l’hémicycle, le contrôle de la recevabilité des projets et propositions de loi
s’effectue à deux niveaux : au niveau de la conférence des Présidents qui attribue l’examen du
texte aux commissions par spécialité ; ensuite au niveau de la commission compétente qui doit
aussi se prononcer sur la recevabilité du projet ou de la proposition de texte. Les projets et
propositions de loi jugés recevables et inscrits à l’ordre du jour sont d’abord étudiés par les
commissions générales compétentes avant d’être communiqués à l’Assemblée Nationale pour
discussion en séance plénière.
Après avoir analysé tour à tour les différents actes et mécanismes préparatoires à la loi,
l’ont peut constater que la procédure de fabrication de la loi est définitivement mise en marche
II - l’adoption de la loi
C’est l’étape la plus importante dans la procédure législative car c’est elle qui donne
naissance à la loi. En d’autres termes, un projet ou une proposition de loi ne peut se transformer
en loi que grâce à cette phase qui implique la discussion du texte (A) et son vote (B) en passant
le cas échéant par un contrôle de constitutionnalité (C). C’est à travers cette phase que le
parlement exerce la plénitude de sa fonction législative prévue à l’article 26 al. 1 de la loi
22
L’article 18 al. 3a de la constitution de 1996 dispose « sont irrecevables, les propositions de loi ou amendements
qui auraient pour effet, s’ils sont adoptées, soit une diminution des ressources publiques, soit l’aggravation des
charges publiques sans réduction à due concurrence d’autres dépenses ou création des recettes nouvelles d’égale
importance ».
23
Ce fut le cas de la proposition de loi initiée par les députés de l’opposition S.D.F. relative à la création d’une
commission électorale nationale indépendante (CENI).
24
Ces manœuvres de l’exécutif limitent considérablement d’activité législative des parlementaires et accentuent le
déséquilibre entre les deux pouvoirs.
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
constitutionnelle de 1996 : « La loi est votée par le parlement ». Il s’agit de la reconnaissance
constitutionnelle de la compétence du parlement en matière législative c’est-à-dire transformer
un projet ou une proposition de texte en une loi par le vote. Mais avant son adoption définitive, le
texte soumis à l’examen de l’assemblée Nationale doit faire l’objet de discussion ou de débat.
A/ La discussion des projets ou propositions de loi
Il faut d’abord souligner que seuls, sont admis dans cette phase de discussion, les projets
et propositions de loi ayant satisfait aux conditions de recevabilité fixées à la fois par la
constitution et le gouvernement, notamment en ce qui concerne les propositions de loi. Et aucun
texte ne peut être admis en discussion s’il ne remplit pas cette double exigence. Toutes ces
modalités sont régies par le règlement intérieur de l’assemblée Nationale25. La discussion d’un
projet ou d’une proposition de loi se déroule en deux étapes à savoir l’examen en commission et
l’examen en assemblée plénière.
1°) L’examen en Commission des projets de textes
Le règlement intérieur de l’assemblée Nationale prévoit trois sortes de commissions : les
commissions législatives ou commissions permanentes, les commissions d’investigation ou
commissions d’enquête et les commissions ad hoc. Mais seules, les commissions législatives26
sont concernées par notre étude. Il s’agit des structures politiques spécialisées de l’assemblée
Nationale chargée d’étudier et d’amender les textes soumis à la chambre avant que ceux-ci soient
adoptés en assemblée plénière. L’examen d’un texte en commission constitue au niveau de
l’assemblée Nationale le début du travail législatif.
L’activité législative se déroule au sein des commissions législatives qui constituent de
véritables laboratoires législatifs. Tous les textes doivent être soumis à leur examen selon le
domaine de compétence. Tous les 180 députés que compte l’Assemblée Nationale, sont répartis
en six commissions législatives permanentes pour toute la durée de la législature. Tous les
députés, représentants de la nation vont ainsi participer à la fabrication de la loi, fruit du
consensus national. C’est la conférence des Présidents qui est chargée d’attribuer les projets de
loi aux différentes commissions en fonction de leur compétence respective. Ce corps collégial
confie l’examen au fond du texte à une commission compétente27. Il exerce un contrôle
préventif. Dans cet examen au fond, la Commission est amenée à étudier, critiquer, discuter et à
amender le texte à elle soumis. Dans cette étape, chaque commission législative va élire un
25
Loi n°73/1 du 8 juin 1973, portant règlement intérieur de l’assemblée Nationale, modifiée par les lois n°89/13 du
28 juillet 1989 et n°92/003 du 14 août 1992.
26
Le règlement intérieur de l’assemblée Nationale a créé six Commissions générales de trente membres chacune : la
Commission des lois constitutionnelles, la Commission des affaires étrangères, la Commission de l’éducation, de
l’information, de la culture et des affaires sociales, la Commission des finances, des affaires économiques, la
Commission de la production, de l’urbanisme, de la construction et la Commission des résolutions et des pétitions.
27
L’article 38 du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale dispose « Aucune affaire ne peut être soumise à
l’examen, aux délibérations et au vote de l’Assemblée sans avoir au préalable fait l’objet d’un rapport de la
commission compétente au fond ».
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
rapporteur en son sein. En réalité la commission saisie siège en présence d’un ministre dont le
texte relève de son département.
Il faut souligner ici que les travaux en commission donnent lieu aux débats qui se font en
trois périodes :
- Celle de la lecture de l’exposé des motifs du texte et de la discussion générale sur le texte ;
ces discussions ne portent que sur l’opportunité du texte, et éventuellement la politique
générale de la matière sur laquelle porte le texte ;
- Celle de l’examen des dispositions internes du texte. A ce stade, des corrections et
amendements peuvent être proposés ;
- Celle enfin de l’adoption du texte par la commission. Cette adoption du texte au sein de la
commission se fait à la majorité absolue28. A ce stade, le rapporteur désigné par la
commission compétente résume les discussions auxquelles a donné lieu l’examen du texte.
C’est ce rapporteur qui va conclure soit au rejet, soit à l’existence d’amendement, soit à la
proposition d’adoption du texte examiné.
Ce fut le cas du projet de loi n°694/PJL/AN, portant orientation de l’enseignement
supérieur, examiné par les membres de la commission de l’éducation, de l’information, de la
culture et des affaires sociales au cours de la session parlementaire de mars 2001. Ce projet de loi
était défendu par le Ministre de l’enseignement supérieur assisté du Secrétaire d’Etat à
l’éducation nationale, en présence du Ministre délégué à la Présidence chargé des relations avec
les Assemblées.
De l’exposé des motifs, ce projet de loi « vise à asseoir sur une base législative notre
système d’enseignement supérieur, régi à ce jour uniquement par des dispositions
réglementaires. Il tire son fondement juridique de l’article 26 de la constitution qui inclut le
régime de l’éducation dans les matières relevant du domaine de la loi.
Dans son objet, le projet détermine les orientations fondamentales de l’enseignement
supérieur et fixe les règles générales d’organisation, de fonctionnement, de gestion, de
financement et de contrôle des institutions supérieures d’enseignement et de formation post
secondaires, tant publiques que privées… ».
Il faut souligner que l’ensemble des mesures préconisées dans ce projet de loi participent
à la recherche d’un enseignement de qualité au niveau le plus élevé, et contribuent à la
libéralisation de l’enseignement supérieur dans notre pays.
Après l’exposé liminaire du Ministre de l’enseignement supérieur sur les raisons qui
justifient l’élaboration du projet en examen, les commissaires avaient exprimé leurs
préoccupations sur certains points tels que :
28
Voir notamment l’article 51 de la loi n°73/1 du 8 juin 1973, op. cit.
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
La nécessité de clarifier, dans le projet de loi, la mise en œuvre de la promotion de
l’éthique en milieu universitaire ;
- L’amélioration du système des équivalences des diplômes ;
- La nécessité d’une prise en compte dans le projet de loi des spécificités du système
universitaire anglo saxon notamment en ce qui concerne les diplômes ;
- L’opportunité de la professionnalisation des enseignements scientifiques et techniques
dans les universités, etc.
Le Ministre de l’enseignement supérieur a répondu à chacune des questions des
commissaires et a apporté des clarifications supplémentaires sur certains autres points soulevés
par les membres de la commission.
Après cette discussion générale, les commissaires sont ensuite passés à la discussion des
54 articles du projet de loi. Ainsi plusieurs articles ont-ils été amendés29. Ces divers
amendements concernaient aussi bien la forme que le contenu de certaines dispositions du projet.
Il y a eu des ajouts, changements de termes en anglais, remplacements des expressions et
suppressions de certains termes…
Concernant le volet du projet relatif à la création des universités privées, les commissaires
ont voulu et obtenu des garanties afin que les futures universités privées ne soient pas dirigées
par des aventuriers ou des commerçants qui s’intéressent plus à l’argent qu’à la formation et
l’éthique académique.
Après ce premier examen du projet de loi par la commission, il devait ensuite passer
devant la chambre entière où il fut adopté à la session parlementaire de mars 2001.
Cet exemple a montré que le véritable travail législatif s’effectue au niveau de l’examen en
commission d’un projet ou une proposition de loi.
Les projets et propositions de loi étudiés en commission et jugés recevables sont ensuite
communiqués à l’Assemblée Nationale au cours d’une séance plénière.
2°) L’examen en assemblée plénière des projets et propositions de loi
Les textes faisant l’objet des débats en séance plénière sont ceux qui n’ont pas été rejetés
c’est-à-dire ceux qui ont reçu un avis favorable de la commission compétente et ont été inscrits à
l’ordre du jour. La satisfaction à cette double condition entraîne l’ouverture des discussions
publiques.
A ce stade, des exemplaires des textes sont distribués à tous les députés30 en français ou
en anglais. A ce niveau, le travail législatif se fait de façon méthodique sous la supervision du
29
Les articles 1 à 5 ont été adoptés au niveau de la commission sans amendement ; de même que les articles 12, 13,
14, 15, de 16 à 21, 23 à 28, 30 à 45, 47 à 50, 52, 53 et 54. En revanche les autres articles 6, 8, 9, 10 , 11, 22, 29, 46 et
51 ont été amendés, ainsi que l’intitulé du titre V qui concerne désormais « les dispositions finales ».
30
De même, la multiplication des exemplaires de texte par le nombre des élus de l’hémicycle et leur traduction dans
les deux langues officielles occasionnent les lenteurs observées dans le travail législatif.
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
Président de l’assemblée Nationale qui est en même temps le modérateur et Président de séance.
Il mène les débats avec rigueur et doit éviter tout débordement du temps de parole accordé aux
députés.
L’étude d’un texte en assemblée plénière commence par la discussion générale et se
termine par la discussion sur les articles du texte.
a – La discussion générale
Elle est organisée avec rigueur afin d’éviter les débordements du temps de parole des
députés et autres intervenants dans l’hémicycle. C’est pour cela que les diverses interventions
sont strictement réglementées par le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale. En
Assemblée plénière, en dehors du Président qui est généralement, président de séance, il existe
d’autres catégories d’intervenants à savoir le gouvernements, les rapporteurs, les représentants
des groupes parlementaires et les non apparentés. Cette sélection vise à rendre ordonné le travail
législatif des élus du peuple et à bien gérer le temps des interventions de ceux-ci dans les débats
en séance plénière.
En Assemblée plénière, le gouvernement est représenté par le ministre dont le
département est à l’origine du texte, ou de son représentant. Cette intervention gouvernementale,
déjà perçue au niveau du travail en commission, vise à éclairer l’ensemble des parlementaires sur
les raisons qui ont motivé l’élaboration du texte en discussion. Le gouvernement va donc
défendre son texte en discussion devant l’assemblée Nationale et devant le Sénat lorsque le
parlement sera bicaméral avec la mise en place effective du Sénat. Les commissions législatives
compétentes sont appelées à donner lecture de leurs rapports en plénière. Il arrive parfois qu’une
commission autre que celle qui est compétente au fond soit saisie pour donner son avis sur un
texte en discussion en plénière. De même les représentants de groupes parlementaires
interviennent à ce niveau, à leur demande pour donner leur point de vue sur le texte en
discussion. Les non apparentés n’hésitent pas eux aussi à prendre la parole pendant les débats
pour affirmer leur existence en tant que leader ou entité politique.
Toutes ces nombreuses interventions pourraient être interminables, s’il n’y avait pas dans
l’hémicycle un président de séance modérateur. Ce dernier doit organiser une gestion du temps
de parole accordé aux différents orateurs. C’est le règlement intérieur de l’assemblée Nationale
qui régit la discipline des débats en plénière et la confie au Président31. Pour éviter que les
débats ne s’enlisent ou ne deviennent ennuyeux et que certains orateurs32 l’utilisent de manière
dilatoire, le temps de parole est réparti entre les orateurs privilégiés et les orateurs disciplinables.
Les premiers se recrutent parmi les représentants du gouvernement et les rapporteurs des
commissions, et les seconds parmi les parlementaires. Dans tous les cas, il appartient au
31
L’article 34 du règlement intérieur de l’assemblée Nationale dispose : « Le Président ouvre la séance, dirige les
débats, fait observer le règlement et maintient l’ordre. Il peut, à tout moment, suspendre ou lever la séance… ».
32
Dans l’hémicycle, au cours des débats en plénière, certains députés, surtout de l’opposition sollicitent
bruyamment des éclairages sur les textes importants, provoquant parfois les suspensions de séance et désertent
même l’hémicycle pour montrer leur mécontentement vis-à-vis du Président – Modérateur.
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
président de la chambre de diriger les débats et de faire régner la discipline. Cette phase est
suivie des débats sur le texte article par article.
b – Les débats par article
La discussion du texte article par article commence après l’audition du gouvernement, la
lecture du rapport de la commission compétente et l’enregistrement des réactions suscitées des
différents orateurs. C’est un travail très éprouvant car le texte doit être étudié de manière
détaillée. Certains textes contiennent un nombre impressionnant d’articles. Le Président de
séance doit s’arrêter et s’enquérir des réactions des députés sur chaque article du texte en
discussion. Ce travail rigoureux des parlementaires en séance plénière se prolonge très souvent
dans la nuit, et s’achève parfois à l’aube le lendemain. Les députés opèrent parfois sur certains
textes des amendements si importants qui peuvent aboutir à des contre-projets. Ainsi par
exemple, l’examen du projet de loi portant régime des forêts, de la faune et de la pêche, examiné
au cours de la session extraordinaire de décembre 1993 a-t-il subi de nombreux amendements
avant d’être promulgué le 20 janvier 1994.
En effet, ce projet de loi dont l’objet principal était, d’après l’exposé des motifs, « de
pérenniser et de développer les fonctions économiques, écologiques et sociales de nos forêts,
dans le cadre d’une gestion intégrée qui assure de façon soutenue et durable la conservation et
l’utilisation des ressources et des écosystèmes forestiers » s’est révélé être un véritable marché
de dupes.
En réalité, la véritable nature de ce projet n’était qu’un diktat des institutions financières
internationales qui avaient conditionné leur aide financière pour soutenir le Programme
d’Ajustement Structurel à l’adoption de ce projet par l’assemblée Nationale. D’ailleurs la haute
technicité du texte avait même révélé que celui-ci aurait été préparé par les experts de ces
institutions internationales.
Grâce à une sensibilisation intense, initiée par le parti politique U.N.D.P au tour du
projet, une campagne d’information des populations, et une consultation des experts furent
menées. Ce mouvement de protestation du projet est amplifié au sein de la majorité
parlementaires et de l’opinion publique.
Au cours des débats en plénière sur ce texte, les députés ont exprimé un certain nombre
d’inquiétudes sur certaines dispositions et ont demandé le report de l’étude de ce texte qui
nécessitait des consultations préalables auprès des experts pour sa bonne compréhension. Ce
report leur ayant été refusé par le gouvernement, ceux-ci se sont contentés d’amender
substantiellement le texte au grand dam des institutions financières internationales de Bretton
Woods et dans le strict respect de la convention-cadre sur les changements climatiques et la
convention de Rio sur la diversité biologique (loi n°93/010 du 22 décembre 1993) ratifiée par
cette même assemblée.
Pour une fois, le comportement de nos élus a été exemplaire. Ces derniers ont transcendé
leurs appartenances politiques et ont tous œuvré pour l’intérêt général des populations qu’ils
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
représentent. En effet, nos élus ont démontré que la discipline du parti peut parfois céder le pas à
l’intérêt général surtout lorsque les lobbies étrangers veulent légiférer en leurs lieu et place.
Cet exemple a montré que le gouvernement, par le biais de ses représentants dans l’hémicycle,
dispose des prérogatives pour limiter ou empêcher que son texte en discussion ne subisse de
nombreux amendements et modifications. Le dépôt tardif des projets de loi au bureau de
l’assemblée Nationale, parfois même à quelques jours de la fin de la session ne permet pas à nos
élus d’effectuer un travail sérieux. Ils sont pris par le temps et sont tout de même tenus d’adopter
ces textes avant la fin de la session. A ces obstacles politiques, il faudrait ajouter les obstacles
juridiques découlant de certaines dispositions de la loi fondamentale sus-mentionnée ainsi que
des obstacles liés à la préservation par nos députés des intérêts personnels33. De même, le
gouvernement va être seul à choisir le moment d’introduire tel ou tel projet au bureau de
l’assemblée.
Il convient de relever le rôle du ministre chargé des relations avec les Assemblées qui est le
représentant permanent de l’exécutif auprès de l’assemblée Nationale. Il participe aux réunions
des présidents et donne le point de vue du gouvernement entre autres. C’est lui qui assiste les
membres du gouvernement lorsque ceux-ci défendent leurs projets soit devant les commissions
compétentes, soit en assemblée plénière.
Mais malgré tous ces nombreux obstacles, les députés demeurent les seuls à détenir le
pouvoir exclusif de délibération, une compétence reconnue et confirmée par la constitution34.
Dans tous les cas, c’est le vote du texte par les parlementaires qui détermine finalement l’avenir
de celui-ci.
B/ Le vote du texte
C’est la discussion du texte en plénière qui conditionne son adoption ou encore son vote.
C’est l’adoption d’un texte par l’assemblée qui donne naissance à la loi. Aussi toute difficulté
découlant soit des amendements, soit d’un article du texte devrait-elle préalablement trouver une
solution avant l’adoption définitive. Toute absence de consensus donne droit au vote. La loi est
votée à la majorité simple des membres du parlement présents ou représentés lors du vote.
Il faut souligner que le vote connaît au sein de l’hémicycle plusieurs modalités :
-
Le vote peut-être personnel ou par procuration ;
Il peut se faire à main levée ou à bulletin secret.
Dans la pratique camerounaise, le vote se déroule à l’hémicycle à bulletin secret, il est
personnel ou par procuration35.
33
Voir à propos F. EBOUSSI BOULAGA. Les actes du colloque organisé à Ydé du 11 au 12 avril 1996 par
GERDDES Cameroun, sur le thème « la démocratie à l’épreuve du tribalisme » Ydé, éd. Terroirs, 1996, p.150.
34
L’article 14 alinéa 1 de la loi constitutionnelle dispose : « le pouvoir législatif est exercé par le parlement qui
comprend deux chambres : l’Assemblée Nationale et le Sénat ».
35
Voir l’article 52 du règlement intérieur de l’assemblée Nationale, op. cit.
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
Il convient de relever que lorsque le bicamérisme du parlement camerounais sera
opérationnel, c’est-à-dire dès la mise en place du sénat, le texte à l’élaboration devra être soumis
dans toutes les deux chambres36.
C’est le principe d’égalité qui est appliqué. En cas de difficulté d’adoption du texte par
les deux chambres, on pourra mettre sur pied une commission mixte paritaire. Si la difficulté
persiste, c’est l’assemblée Nationale qui, au regard de la constitution va être chargée de
l’adoption définitive du texte litigieux.
Il faut aussi souligner la pratique de la seconde lecture instituée par la constitution37.
C’est une technique qui permet au Président de la République, l’un des titulaires constitutionnels
du pouvoir d’initiative législative, de solliciter une seconde lecture c’est-à-dire de représenter le
projet de texte à un nouvel examen de la chambre. Cette technique n’augmente en rien le pouvoir
exécutif, car le législatif n’est pas contraint de voter le projet dans le même sens que le
gouvernement. Elle permet au gouvernement seulement de faire examiner un projet de texte qui
n’aurait pas reçu l’approbation des députés lors de la première lecture souvent après amendement
ou modification des dispositions en cause ; elle permet aussi au Président de la République
d’éviter l’usage de son pouvoir constitutionnel de dissolution de la chambre en cas de blocage.
D’une manière générale, c’est toujours le vote des députés qui va transformer le projet de texte
en une loi ; et en cas de seconde lecture, les lois sont adoptées, à la majorité absolue des députés
ou des sénateurs.
Le Président de l’assemblée Nationale signe les textes assortis de leurs amendements
éventuels. Il les transmet ensuite au Président de la République qui dispose d’un délai de quinze
jours pour les promulguer. Mais l’adoption d’un texte par l’assemblée Nationale peut faire
l’objet d’un contrôle de constitutionnalité.
C/ Le contrôle de la constitutionnalité de la loi
Il convient de distinguer ici deux sortes de contentieux à savoir le contentieux qui
pourrait intervenir avant l’adoption de la loi, appelé « contentieux préventif », et le contentieux
qui pourrait surgir après l’adoption de la loi appelé « contentieux curatif »38.
Le contentieux préventif est celui qui porte sur un problème qui naîtrait lors de la
recevabilité d’un projet ou d’une proposition de loi. Les dispositions constitutionnelles précisent
qu’en cas de contestation relative à la recevabilité d’un projet ou d’une proposition de loi, le
Président de la République ou le Président de l’assemblée Nationale, le Président du sénat ou un
tiers des députés ou un tiers de Sénateurs saisit le Conseil constitutionnel39. Ce dernier aura
donc compétence pour dire si le texte litigieux est recevable ou pas. Il exerce alors un contrôle
36
Voir l’article 30 de la loi constitutionnelle, op. cit.
Les articles 19 et 24 alinéas 3 de la loi constitutionnelle de 1996 disposent : « Avant leur promulgation, les lois
peuvent faire l’objet d’une demande de seconde lecture par le Président de la république ».
38
Voir à propos les développements de ce contentieux dans le cours du Prof. F.S. MBOME, Université de Ydé II,
1998.
39
Voir l’article 47 alinéa 3 de la loi constitutionnelle, op. cit.
37
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
préventif de constitutionnalité de la loi. D’où l’intérêt de la mise en place progressive des
organes prévus par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
Quant au contrôle curatif, c’est celui qui pourrait intervenir après l’adoption de la loi,
mais avant sa promulgation par le Président de la République. Le problème qui se pose dans ce
cas reste celui de la saisine du Conseil constitutionnel lorsqu’il sera opérationnel. Aux termes des
dispositions de la loi constitutionnelle n°96/06 du 18 janvier 199640, le conseil constitutionnel41
est saisi par le Président de la République, le Président de l’assemblée Nationale, le Président du
Sénat, un tiers des députés ou un tiers des Sénateurs. Il s’agit d’une saisine directe qui a pour but
de faire constater par le conseil constitutionnel l’inconstitutionnalité de la loi en cause. C’est un
contrôle de constitutionnalité par voie d’action qui aboutit soit à l’annulation de la loi concernée,
soit à la soustraction des dispositions inconstitutionnelles de ladite loi. Dès lors qu’une loi est
déclarée anticonstitutionnelle, elle ne pourra être promulguée qu’après la soustraction des
dispositions jugées inconstitutionnelles. Mais au Cameroun, ce contrôle reste encore très
théorique pour des raisons soulignées plus hautes. La procédure législative ne s’arrête pas dès
l’adoption de la loi par l’assemblée Nationale. Un certain nombre d’actes juridiques sont
nécessaires pour qu’elle ait une application effective sur l’ensemble du territoire national.
III La consécration normative de la loi
Le vote d’une loi par les élus du peuple ne la rend pas directement exécutoire ou
opposable. D’autre mécanismes doivent intervenir à savoir la promulgation et la publication du
texte.
A/ La promulgation
L’article 31 al. 1 et 2 de la loi constitutionnelle de 1996 dispose : « le Président de la
République promulgue les lois adoptées par le parlement dans un délai de quinze jours à compter
de leur transmission, s’il ne formule aucune demande de seconde lecture ou s’il n’en saisit le
conseil constitutionnel.
A l’issue de ce délais, et après avoir constaté sa carence, le Président de l’assemblée
Nationale peut se substituer au Président de la République ». Le texte adopté par l’assemblée
Nationale n’entre donc en vigueur qu’après la promulgation par décret présidentiel. La
promulgation est l’acte par lequel le Président de la République constate le vote d’une loi et la
rend obligatoire sur l’ensemble du territoire national. Ce décret présidentiel de promulgation de
la loi est un acte de gouvernement et ne peut être contesté devant la juridiction administrative42.
De même, la convocation de l’assemblée Nationale en session extraordinaire43 par le Président
40
Voir l’article 43 alinéa 2 de la loi constitutionnelle idem.
L’article 67 alinéa 4 de la constitution dispose que : « la cour suprême exerce les attributions du conseil
constitutionnel jusqu’à la mise en place de celui-ci ».
42
voir à propos la jurisprudence de la chambre administrative de la cour suprême, affaire Monkam Tientcheu
David, 29-05-1980.
43
voir l’article 16 alinéa 3 de la loi constitutionnelle qui dispose : « L’Assemblée Nationale se réunit en session
extraordinaire pour une durée de quinze jours, sur ordre du jour déterminé, à la demande du Président de la
république ou d’un tiers des députés ».
41
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
de la République est un acte de gouvernement non susceptible de recours devant la Chambre
administrative de la cour suprême. Si le Président de la République ne promulgue pas la loi
votée par les élus du peuple dans un délai de quinze jours, le Président de l’assemblée Nationale
peut le faire. Mais dans la pratique ce dernier n’a jamais fait usage de ce droit malgré de
nombreuses carences constatées. Il existerait même certains cas de lois votées par l’assemblée
Nationale mais jamais promulguées par les deux organes constitutionnellement compétents… La
procédure de promulgation est suivie de celle de la publication.
B/ La publication
La promulgation de la loi seule ne suffit pas pour que celle-ci soit opposable, il faut
qu’elle soit publiée au journal officiel en français et en anglais, les deux langues de travail du
pays. L’article 31 alinéa 3 de la loi constitutionnelle précitée dispose : « la publication des lois
est effectués au journal officiel de la république en français et en anglais ».
La publication est l’acte par lequel l’exécutif informe le public de l’existence d’une loi
afin qu’elle devienne opposable par cet adage « Nul n’est censé ignorer la loi ». La publication
de la loi se fait dans le journal officiel de la République en temps normal, mais en cas de
procédure d’urgence, elle peut se faire par voie de radio ou dans la presse écrite officielle
notamment dans « Cameroon Tribune ». Cette procédure d’urgence de publication de la loi étant
exceptionnelle, l’on constate que depuis quelques années, elle est devenue le droit commun. La
plupart des textes officiels sont publiés dans « Cameroon Tribune « ou lus à la radio CRTV car
le journal officiel de la République du Cameroun est devenu presque introuvable et même
inexistant. L’utilisation de ce support, devenu un substitut du journal officiel induit d’autres
analyses d’ordre sociologique et politique. En effet, l’environnement actuel est celui du
multipartisme. La conséquence sur le plan de communication est la concurrence entre plusieurs
organes de presse qui expriment des sensibilités politiques diverses et parfois opposées.
Dans ce contexte, « Cameroon Tribune » est reconnu comme le support de l’information
gouvernementale et surtout perçu comme l’organe de presse du partie au pouvoir. Il en résulte
par conséquent une méfiance voire même une défiance à l’égard de ce support de publication de
substitution considéré comme non neutre. Cette situation a tendance à limiter psychologiquement
l’accès à l’information juridique. Elle est aussi valable pour la CRTV, que les députés de
l’opposition S.D.F. ont voulu « rappeler à l’ordre » lors de la dernière session parlementaire de
juin 2001. Il serait donc souhaitable, pour la bonne marche des institutions, de mettre en place
des supports de publications neutres et permanents.
Conclusion
Il faut reconnaître que l’institution parlementaire au Cameroun se développe et s’adapte à
l’évolution des institutions politiques et juridiques du pays. Son rôle, au sein de ces institutions, a
connu des fortunes diverses. D’une simple chambre d’enregistrement avant et après 1960,
l’assemblée Nationale est devenue depuis 1992, une chambre pluraliste et légiférante.
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
Depuis son indépendance, tous les deux chefs d’Etat qui se sont succédés à la tête du
Cameroun ont vidé l’institution parlementaire de sa quintessence par un effet de mimétisme mal
assimilé de l’ancienne puissance colonisatrice.
Le Cameroun a connu treize révisions constitutionnelles dont cinq avec le Président
Ahmadou AHIDJO et huit avec le Président Paul BIYA. Tous les deux ont privilégié un pouvoir
exécutif fort et centralisé autour de la personnalité du chef de l’Etat en reléguant au second plan
le pouvoir législatif. De même le pouvoir judiciaire est-il soumis au Président de la République
en tant que garant de son indépendance et en tant que Président du conseil supérieur de la
magistrature, à ce titre, il nomme les magistrats.
Au Cameroun, l’exécutif, de part les prérogatives que lui confèrent la constitution et les
alliances politiques contractées depuis l’instauration de l’assemblée pluraliste a réduit de manière
significative le pouvoir législatif44. Ce dernier, supposé être le cadre devant servir de caisse de
résonance aux aspirations du peuple, est devenu la simple chambre d’enregistrement qu’on lui
connaissait du temps du parti unique. En effet, de la première législature pluraliste en 1992, à la
deuxième depuis 1997, la majorité parlementaire45, issue des alliances politiques, pratique la
discipline de vote dans l’hémicycle rendant ainsi l’activité de l’opposition impuissante.
La procédure législative devant l’assemblée Nationale nécessite des améliorations
importantes. Pour rendre le travail de l’Assemblée efficace et sérieux, une révision
constitutionnelle s’impose aussi bien au niveau de la composition et du fonctionnement du
parlement que sur le réaménagement des pouvoirs publics. Il faudrait instaurer une véritable
séparation des pouvoirs et mettre en place les nouveaux organes prévus dans la loi
constitutionnelle de 199646.
S’agissant du fonctionnement du parlement, il faudrait renforcer ses mécanismes en vue
de rétablir l’équilibre entre l’exécutif et le législatif. On pourrait par exemple envisager deux
sessions annuelles d’une durée de 60 jours chacune47. Il serait souhaitable que le gouvernement
dépose ses projets de loi sur le bureau de l’assemblée Nationale pour leur examen au début de la
session et non à quelques jours de la fin de celle-ci. Il faudrait laisser le temps aux députés
d’étudier les projets avec sérénité en supprimant tous les obstacles liés au travail législatif des
députés48.
44
Voir à cet effet l’article 47 de la constitution, op. cit.
Le nombre insignifiant des propositions de loi par rapport aux nombreux projets de loi pendant les deux
législatures pluralistes est une illustration parfaite de ce déséquilibre entre les deux pouvoirs.
46
La majorité parlementaire lors de la première législature pluraliste 1992-1997 était composée de l’alliance,
tripartite R.D.P.C. – U.P.C. – M.D.R. ; celle de la deuxième législature en cours 1997-2002 se compose du R.D.P.C.
et de l’U.N.D.P.
47
En fait, plusieurs dispositions de la constitution restent encoure inappliquées car la période transitoire n’a pas de
limite. Plusieurs députés sont décédés au cours de cette législature et aucune élection partielle n’a été organisée ;
l’application de l’article 66 sur la déclaration des biens et avoirs par les gestionnaires de l’Etat entre autres…
48
Les délais de 15 jours et 30 jours au maximum pour les sessions extraordinaire et ordinaire respectivement de
l’assemblée Nationale que lui confère la constitution actuelle sont très courts pour qu’une assemblée puisse travailler
avec toute efficacité nécessaire.
45
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
De même, une redéfinition de compétences du Premier Ministre s’impose pour
l’application du régime mi-présidentiel prévu dans la révision constitutionnelle de 1991, reprise
dans celle de 1996, car la situation actuelle pourrait rendre un cas de cohabitation difficilement
viable49.
Concernant la composition du parlement, il faut espérer que la mise en place prochaine de
la deuxième chambre qui est le sénat, va permettre à d’autres catégories sociales de devenir
parlementaires. En dehors des partis politiques et les groupes de pression qui y sont déjà
présents, il serait temps que d’autres forces sociales y fassent leur entrée comme par exemple la
société civile, les autorités traditionnelles, la diversité tribale, d’opinion culturelle et linguistique,
bref un parlement fidèle aux réalités camerounaises à travers une confrontation d’idées où les
élus du peuple expriment la volonté nationale et votent la loi, expression de la volonté générale.
L’on pourrait ainsi appliquer cet adage africain suivant : « plus on est nombreux et diversifié, à
examiner un problème, plus on voit loin ».
49 Voir S. EFOUA MBOZO’O « les pratiques et procédures parlementaires » op. cit., p.34.
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La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
BIBLIOGRAPHIE
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« Pratiques et Procédures Parlementaires », Yaoundé, Hérodote, 1999 ».
Ed.
Y. GUICHET : « Droit parlementaire », Paris, Economica, 1996.
P. PACTET : « Institutions politiques, Droit
MASSON/ARMAND COLINS, 1995, 572 pages.
constitutionnel »
14ème
éd.,
Paris,
• ARTICLES
P. AVRIL : « Le parlementarisme rationalisé », RDP, 1998, p. 1507.
G. BRAIBANT : « qui fait la loi » in pouvoirs – 64 1993, pp. 43-47.
P. CAHOUA : « Les commissions, lieu du travail législatif », pouvoirs n° 1985, pp. 37-39.
J.E. GICQUEL : « L’ordre du jour réservé aux assemblées parlementaires », P.A. 7 juillet 1997.
F.X. MBOME : « Les expériences de révision constitutionnelle au Cameroun », PENANT.
M. ONDOA : « Commentaire sur la constitution » Juridis période, janvier-mars 1996 ; 11-14
• THESES ET MEMOIRES
A.J. ATANGANA : « La responsabilité politique du gouvernement depuis la révision
constitutionnelle du 23 avril 1991 », mémoire de maîtrise en droit public, U.Y. 1992.
Dr. Serge Vincent NTONGA BOMBA
Yahoundé (Cameroun)
21
La procedure legislative devant l’assemblée nationale du Cameroun
J. DJEUKOU : « Le parlementarisme des Etats Fédérés du Cameroun (1961-1972) », thèse de
doctorat du 3ème cycle, U.Y. 1989.
D. INJECK : « La fonction législative dans la réforme constitutionnelle de 1996 », mémoire de
DEA de droit public, U.Y. II, 2001.
• LES TEXTES
Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 2 juin 1972.
Loi n° 73/1 du 8 juin 1973 portant règlement intérieur de l’assemblée Nationale, modifiée par les
lois n° 89/13 du 28 juillet 1989 et n° 92/003 du 14 août 1992.
Ordonnance n° 72/12 du 26 août 1972, fixant le régime des immunités des députés à l’assemblée
Nationale.
• AUTRES DOCUMENTS
•
Guide Pratique du député, éd. juin 1997, S.G. de l’assemblée Nationale.
•
Cours du droit parlementaire de maîtrise du Prof. F.X. MBOME, U.Y. II, 1998.
•
Parlement au Cameroun hier et aujourd’hui (1946-1971) assemblée Nationale.
Dr. Serge Vincent NTONGA BOMBA
Yahoundé (Cameroun)
22