Les trajectoires de vote à l`œuvre dans la dynamique
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Les trajectoires de vote à l`œuvre dans la dynamique
Le Panel Électoral Français 2007 vague 2 (réalisée du 25 avril au 5 mai 2007) (analyse Panel vague 1 Æ vague 2) LES TRAJECTOIRES DE VOTE A L’ŒUVRE DANS LA DYNAMIQUE ÉLECTORALE EN FAVEUR DE NICOLAS SARKOZY Anne Muxel Les données du PEF ont été produites par le CEVIPOF avec le soutien du Ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire. Le PEF 2007 se déroule en quatre vagues de mars à juin 2007. Les données seront déposées au Centre de données socio-politiques de Sciences Po. Les trajectoires de vote à l’œuvre dans la dynamique électorale en faveur de Nicolas Sazkozy Anne Muxel (Directrice de Recherches au CEVIPOF) Plus de deux millions de voix d’écart séparent les scores obtenus au second tour de l’élection présidentielle par Nicolas Sarkozy (53,06%) et par Ségolène Royal (46,94%). C’est une nette victoire pour le candidat de la majorité qui confirme son succès du premier tour et une dynamique électorale en sa faveur qui n’a jamais failli tout au long de la campagne. Dans la dernière étape, il a su rassembler les Français bien au-delà de son camp politique, en ralliant malgré la consigne de leur leader, une large majorité des électeurs du Front National, certains abstentionnistes du premier tour et certains transfuges de la gauche, mais surtout une bonne moitié des électeurs de François Bayrou. Le Panel Electoral Français, en réinterrogeant un même échantillon d’individus tout au long de la séquence électorale 2007, permet de saisir certaines composantes de la dynamique électorale ayant assuré le succès de Nicolas Sarkozy. Les deux premières enquêtes de ce dispositif qui en prévoient quatre en tout permettent la reconstitution des trajets électoraux des 2208 enquêtés panelisés à partir de trois moments,- leur intention de vote avant le premier tour, leur vote effectif au premier tour, et leur intention de vote au second tour-. Les trajets de vote opérés éclairent les logiques de report des voix entre le premier et le second tour, et d’une façon plus large les facteurs de la décision électorale qui ont joué en faveur du candidat de l’UMP. 1. Les trajectoires de vote des enquêtés panelisés Comment les électeurs se sont-ils comportés d’un tour à l’autre de cette élection présidentielle 2007 ? Quelle est la part de stabilité dans les choix opérés tout au long de la séquence électorale ? Quelle est la part de mobilité des votes dans la dynamique électorale enregistrée ? Sur l’ensemble de la période, ce sont quatre Français sur dix (40%) qui ont constamment accordé leur suffrage à Nicolas Sarkozy ou à Ségolène Royal. Le premier a bénéficié d’un socle d’électeurs déterminés et constants un peu plus solide que la candidate socialiste (23% contre 17%). La part des électeurs ayant changé ou réajusté leur choix entre le premier et le second tours est équivalente (38%). Stabilité et mobilité font donc jeu à part égale. Enfin, le jeu d’une abstention plus ou moins constante, plus ou moins intermittente, a concerné 14% de l’échantillon. Les trajets électoraux ainsi recensés font apparaître une dynamique électorale à hauteur de 17% concernant les électeurs mobiles et la réserve d’abstentionnistes du premier tour qui se sont finalement reportés sur Nicolas Sarkozy au second tour : 3% en provenance de la gauche, 5% ayant voté ou eu l’intention de voter François Bayrou, 7% ayant voté ou eu l’intention de voter pour un candidat de la droite non sarkozyste constituée pour l’essentiel dans l’échantillon panélisé d’électeurs frontistes, enfin 2% d’abstentionnistes du premier tour. 1 Tableau 1. Les trajets de vote des enquêtés panélisés Effectifs Pourcentages Constants Royal Constants Sarkozy Gauche vers Sarkozy Droite vers Royal Bayrou vers Royal Bayrou vers Sarkozy Bayrou vers Blanc et abstention Gauche non Royal vers Royal Gauche non Royal vers Blanc ou abstention Droite non Sarkozy vers Sarkozy Droite non Sarkozy vers Blanc ou abstention Abstentionnistes constants Abstentionnistes intermittents Abstentionnistes 1er tour vers Royal 2nd tour Abstentionnistes 1er tour vers Sarkozy 2nd tour Autres cas 370 507 64 46 134 124 69 171 38 148 45 102 123 38 17 23 3 2 6 5 3 8 2 7 2 5 5 2 45 184 2 8 Total 2208 100 40% d’électeurs constants 38% d’électeurs mobiles 14% d’électeurs abstentionnistes Au sortir du premier tour, le camp de la droite comptabilisant les suffrages de Nicolas Sarkozy, de Philippe de Villiers, de Frédéric Nihous et de Jean-Marie-Le Pen totalisait 45%. Pour atteindre son résultat final au second tour le soir du 6 mai, soit 53%, Nicolas Sarkozy a donc suscité un bon report de voix d’électeurs qui n’avaient pas voté pour lui au premier tour. Comment ces transferts ont-ils joué ? Quelles sont les caractéristiques à la fois sociologiques et politiques des électeurs qui ont participé à cette dynamique électorale ? 2. L’apport des électeurs de la droite non sarkozyste, et notamment des électeurs frontistes Incontestablement, l’un des succès les plus significatifs de la victoire de Nicolas Sarkozy est d’avoir réussi à capter une partie de l’électorat du Front National et à faire reculer pour la première fois de façon aussi significative le score de Jean-Marie Le Pen depuis vingt ans. Cette force politique qui avait profondément modifié l’espace politique de la droite en France, et organisé sa tripartition, sort nettement affaiblie de cette élection. 2 La défaite de Jean-Marie Le Pen se marque dès le premier tour. Il perd une partie significative de son électorat qui se retrouve dans la candidature de Nicolas Sarkozy. Mais le fait qu’une partie importante de ses électeurs (60%) ne suive pas non plus sa consigne d’abstention et vote pour le leader de l’UMP au second tour marque une seconde défaite. Qu’est-ce qui différencie les électeurs de Jean-Marie Le Pen qui ont choisi de voter pour Nicolas Sarkozy au second tour de ceux qui se retournent vers le vote blanc ou l’abstention ? Pourquoi les uns vont-ils participer à la victoire de Nicolas Sarkozy et les autres pas ? Les uns comme les autres constituent un électorat nettement plus masculin que dans le reste de la population. Mais les électeurs restés fidèles à leur choix du premier tour, et préférant la réponse abstentionniste ou le vote blanc, sont en plus grand nombre encore des hommes (66%). Les logiques sociales qui organisent ces deux réponses électorales ne sont pas les mêmes. Les électeurs qui se reportent sur Nicolas Sarkozy comptent en leur sein davantage d’actifs relativement âgés, les 50-64 ans, (33%) et d’indépendants (19%). La moitié des électeurs restés fidèles à la consigne de retrait de la décision électorale, que l’on peut considérer comme le noyau dur de l’électorat frontiste, appartient à la génération lepéniste ayant assuré les scores antérieurs du Front National, les 35-49 ans d’aujourd’hui (50%). Ils apparaissent plus fragilisés socialement et économiquement (71% déclarent s’en sortir difficilement avec les revenus du foyer contre 57% de ceux qui se sont reporté au second tour sur Nicolas Sarkozy). Les profils politiques de ces deux catégories d’électeurs frontistes présentent à la fois des caractéristiques communes, un socle partagé de préoccupations et de valeurs, mais aussi des divergences qui expliquent leurs choix respectifs. Ceux qui se sont reportés sur Nicolas Sarkozy témoignent d’une allégeance à la droite plus affirmée et plus structurée ; plus du tiers d’entre eux (68%) se positionne à droite, et ils sont une proportion importante à accorder leur confiance à la droite pour gouverner (43%). Même s’ils restent majoritairement critiques à l’égard du fonctionnement de la démocratie (68% jugent qu’elle ne fonctionne pas bien), ils s’inscrivent dans le jeu de la politique institutionnelle et adhèrent globalement au système politique. Leur potentiel protestataire est nettement plus faible que dans le reste de l’électorat ; 34% déclarent qu’ils pourraient participer à une manifestation ( 51% de l’ensemble des panélisés). Ne renonçant pas au crédit qu’ils accordent aux idées de Jean-Marie Le Pen, tout en se sentant proche d’un parti d’extrême droite, ces électeurs ont néanmoins reconnu dans la candidature de Nicolas Sarkozy la possibilité de voir leurs idées défendues. Par ailleurs celui-ci les a très clairement convaincu de sa capacité et de sa stature présidentielles. Ils se montrent moins inquiets à son égard que le reste de l’électorat (30% contre 53% des panélisés). Nicolas Sarkozy a su capter la confiance d’un électorat qui jusqu’à présent s’était retrouvé et exprimé au travers de la protestation incarnée par Jean-Marie Le Pen et qui en se ralliant à Nicolas Sarkozy au second tour choisissent la gouvernabilité. Les électeurs frontistes qui ont fait le choix de rester hors du jeu électoral au second tour présentent un tout autre profil politique. Plus politisés, 71% déclarent s’intéresser beaucoup ou assez à la politique, ils rejettent le système et se situent dans la protestation et dans la contestation. Leur allégeance à la droite est nettement moins forte que parmi les électeurs 3 frontistes ayant choisi de rallier Nicolas Sarkozy au second tour (48% contre 68%). Ils sont plus nombreux à ne se reconnaître ni à gauche ni à droite. Leur défiance à l’égard de la gauche et de la droite pour gouverner est nettement plus importante que dans le reste de l’électorat (77% contre 53%). Ils sont aussi plus nombreux à déclarer pouvoir participer à une manifestation. Ils rejettent davantage le système politique et ses logiques institutionnelles. De tous, ce sont eux qui sont les plus sceptiques quant aux possibilités pour l’élection présidentielle d’améliorer les choses en France. Ils apparaissent aussi plus inquiets quant à l’avenir (80% d’entre eux pensent que leurs enfants réussiront moins bien). Nicolas Sarkozy n’a pas pu les convaincre. Ces électeurs ont une image plus négative de sa personnalité comme de sa capacité présidentielle, conformément au discours de diabolisation tenu par leur leader à l’encontre du candidat de l’UMP. Ainsi Nicolas Sarkozy suscite-t-il leur inquiétude (64%) plus que dans le reste de l’électorat. Ils sont aussi nettement moins nombreux à penser qu’il a l’étoffe d’un président (53% contre 64% des panélisés et 81% parmi les électeurs frontistes ayant voté pour lui au second tour). Ces électeurs constituent le noyau dur politique, mais aussi sociologique, de la base électorale du Front National, taraudé par une contestation et une protestation de la société et du système politique, que Nicolas Sarkozy n’a pas touché. 4 Tableau 1 – Le profil sociologique et le profil politique des électeurs de droite non Sarkozy au premier tour selon leurs choix au second tour (%) Droite Hommes Femmes 18-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus <Bac ≥Bac Indépendants Salariés du Public Salariés du Privé S’en sortent facilement avec les revenus du foyer S’en sortent difficilement avec les revenus du foyer S’intéressent à la politique Positionnement politique : Gauche Droite Ni gauche, ni droite Sans réponse Ont confiance dans la droite pour gouverner N’ont confiance ni dans la gauche, ni dans la droite pour gouverner Pourraient participer à une manifestation Jugent que la démocratie ne fonctionne pas bien Ne croient pas en une amélioration des choses grâce à l’élection présidentielle Pensent que leurs enfants réussiront moins bien Pensent que la France doit s’ouvrir davantage au monde d’aujourd’hui Se sentent proches d’un parti d’extrême-droite Adhèrent aux idées de J.-M. Le Pen Sarkozy les inquiète Pensent que Sarkozy a l’étoffe d’un président D’accord avec la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale TOTAL Droite vers Sarkozy vers Vote Blanc ou (n=148) Abstention 60 40 22 27 33 18 81 19 19 29 52 (n=45) 66 34 18 50 18 14 78 22 13 34 53 Ensemble des électeurs (n=2208) 48 52 30 28 21 21 68 32 17 30 53 43 29 41 57 71 59 57 71 57 5 68 24 3 13 48 35 4 36 33 27 4 43 14 23 51 77 53 34 64 51 68 71 52 46 67 45 69 80 60 12 13 46 45 50 7 79 30 89 64 27 53 81 53 64 74 58 52 100 % 100 % 100 % 5 2. L’apport décisif des électeurs de François Bayrou La percée de François Bayrou pendant la campagne et la confirmation de son pari centriste avec un score de 18,6% de suffrages le 22 avril, soit plus de plus de 12 points par rapport à 2002, indiquent que le projet d’un centre politique, associé à une demande de renouveau des lignes de clivage politique, travaille la société française. Si le candidat UDF a rassemblé des électeurs plutôt diplômés, se recrutant dans les couches supérieures mais aussi dans les classes moyennes, il a aussi convaincu un certain nombre de jeunes, 24% des 18-24 ans, soit un nombre de suffrages relativement équivalent à ceux dont ont bénéficié les deux autres candidats au premier tour (28% pour Ségolène Royal et 20% pour Nicolas Sarkozy). L’électorat de François Bayrou était au centre de la décision du second tour. Si pour la candidate socialiste, ne pouvant compter que sur un réservoir de voix de gauche très affaibli, à peine 37% des voix, cette décision apparaissait plus cruciale que pour le candidat de l’UMP, ce dernier ne pouvait pas se passer du soutien d’une composante importante de sa majorité. Sa dynamique électorale de second tour doit beaucoup au report des électeurs de François Bayrou sur sa candidature. Les données du Panel Electoral permettent d’examiner plus avant les conditions du report des voix de cette partie de l’électorat. Les électeurs de François Bayrou dans l’échantillon panélisé se sont partagés entre le vote Sarkozy (38%) et le vote Royal (41%) au second tour. Et une partie non négligeable d’entre eux ont choisi l’abstention ou le vote blanc (21%). Qu’est-ce qui différencie ceux qui ont choisi de rallier Nicolas Sarkozy de ceux qui ont voté pour la candidate socialiste ? Et en quoi se différencient-ils aussi de ceux qui ont choisi le retrait de la décision électorale ? Les électeurs bayrouistes qui se sont ralliés à la candidature de Nicolas Sarkozy appartiennent à des milieux socialement, culturellement et économiquement plus privilégiés que ceux qui ont choisi Ségolène Royal au second tour. Ils sont plus âgés. Près de la moitié d’entre eux (49%) a plus de 50 ans (36% seulement parmi ceux qui se sont reportés sur Ségolène Royal). Ils sont aussi plus diplômés ; 46% ont un niveau d’études supérieur au baccalauréat (contre 39%). Les professions indépendantes sont davantage représentées ainsi que les propriétaires, et leurs difficultés économiques apparaissent moins importantes (la moitié d’entre eux reconnaît s’en sortir facilement avec les revenus du foyer contre 38% seulement parmi ceux qui ont choisi Ségolène Royal). Leur profil sociologique est en revanche assez proche de celui qui caractérise les bayrouistes restés hors de la décision électorale. Les reports de leurs suffrages au second tour font apparaître les logiques de la bipolarisation gauche-droite mais aussi certaines lignes de clivage plus spécifiques au centrisme politique. En effet, si le clivage gauche-droite est bien à l’œuvre, il apparaît moins structurant parmi les électeurs de François Bayrou s’étant reportés sur Nicolas Sarkozy que parmi ceux qui ont choisi Ségolène Royal qui restent plus nettement ancrés à gauche (52%). 6 Les électeurs de François Bayrou ayant choisi le vote blanc ou l’abstention au second tour sont nettement moins politisés et sont plus nombreux à ne se reconnaître ni dans la droite ni dans la gauche. Leur retrait de la décision électorale signe davantage un centrisme d’indifférence, une distance à l’égard du système politique, qu’un positionnement stratégique. Si Nicolas Sarkozy a su rallier l’électorat classique de l’UDF, allié naturel du camp de la droite, il a su aussi convaincre une partie des électeurs de François Bayrou ne se reconnaissant pas dans le clivage gauche-droite, et ainsi élargir sa base électorale. Les électeurs bayrouistes ayant fait le choix du candidat de l’UMP sont plus nombreux à se classer en dehors du clivage gauche-droite (45%) qu’à revendiquer un positionnement de droite (36%). Ils adhèrent en plus grand nombre aux mesures emblématiques de la droite comme la compétitivité de l’économie (39% contre 30% de l’ensemble des panélisés, et 26% des bayrouistes qui ont choisi de se reporter sur Ségolène Royal), et même aux propositions de Nicolas Sarkozy concernant la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale (50% contre 32% de ceux qui ont choisi de se Ségolène Royal, mais dans un même proportion que dans l’ensemble de l’électorat). Mais ils optent aussi pour un renouveau politique. Ils se montrent attachés au pari de François Bayrou de dépasser le clivage gauche-droite et de rallier des compétences par delà les clivages idéologiques. Ils partagent avec les autres électeurs de François Bayrou n’ayant pas fait le choix de Nicolas Sarkozy au second tour la conviction qu’il faut mettre des gens de gauche et de droite dans le même gouvernement (86% contre 65% de l’ensemble des panélisés). Nicolas Sarkozy a su convaincre ces électeurs qui se sont ralliés à lui sur sa capacité présidentielle. Les trois quarts d’entre eux (74%) pensent qu’il a l’étoffe d’un président. L’inquiétude suscitée par le candidat de l’UMP, bien que concernant plus de la moitié d’entre eux (55%), apparaît moins importante que parmi les autres bayrouistes, et notamment que parmi ceux ayant rallié Ségolène Royal (87%). Contrairement à ces derniers, davantage pris dans un refus anti-sarkozyzte, les bayrouistes ayant choisi Nicolas Sarkozy le font par adhésion au programme et à la personnalité de celui-ci plus que par rejet de la candidate socialiste. La participation de cette partie de l’électorat Bayrou à la dynamique électorale de Nicolas Sarkozy est due à la fois au report naturel du socle électoral des électeurs de l’UDF mais aussi au ralliement d’un électorat tenté par le renouveau politique et pouvant se reconnaître pleinement dans l’ouverture impulsée par Nicolas Sarkozy. 7 Tableau 2 – Le profil sociologique et le profil politique des électeurs de Bayrou selon leurs choix au second tour (%) Hommes Femmes 18-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus <Bac ≥Bac Indépendants Salariés du Public Salariés du Privé Propriétaires Locataires Catholiques Sans religion Autre religion S’en sortent facilement avec les revenus du foyer S’intéressent à la politique Positionnement politique : Gauche Droite Ni gauche, ni droite Sans réponse N’ont confiance ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner Sont d’accord pour mettre des gens de gauche et de droite dans le même gouvernement Accordent la priorité à la compétitivité de l’économie D’accord avec la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale Sarkozy les inquiète Royal les inquiète Pensent que Sarkozy a l’étoffe d’un président Pensent que Royal a l’étoffe d’un président TOTAL Bayrou Bayrou Bayrou vers Vote Ensemble des vers Royal vers Sarkozy Blanc ou Abstention électeurs (n=134) 40 60 31 23 16 20 61 39 14 34 52 35 65 57 28 15 (n=124) 52 48 27 24 25 24 54 46 21 29 50 55 45 68 24 8 (n=69) 49 51 21 36 28 16 56 44 21 19 60 58 42 71 20 9 (n=2208) 48 52 30 28 21 21 68 32 17 30 53 43 57 61 28 11 38 50 42 40 64 61 45 57 52 7 37 4 15 36 45 4 24 15 60 1 36 33 27 4 66 76 84 53 82 86 82 65 26 39 36 30 33 50 38 52 87 32 55 53 66 45 53 39 46 74 58 64 47 20 36 39 100 % 100 % 100 % 100 % 8 3. Des dynamiques plus réduites et plus atypiques : les gaucho-sarkozystes et le report des abstentionnistes du premier tour La reconstitution des trajets de vote permet de saisir aussi des dynamiques électorales certes plus minoritaires, et l’on conviendra qu’il s’agit de faibles effectifs à interpréter avec précaution, mais qui mettent au jour certains phénomènes ayant pu compter dans la victoire de Nicolas Sarkozy. Celui-ci a capté des électeurs bien au-delà de sa base électorale. Certains électeurs en provenance de la gauche ont pu se rallier à lui, mais aussi des abstentionnistes du premier tour. Examinons tout d’abord le profil des électeurs tentés par la gauche ou ayant voté pour un candidat de gauche au premier tour et qui ont finalement donné leur voix à Nicolas Sarkozy au second tour. Qui sont-ils ? Quelle est la signification de leur mobilité gauche-droite ? Les femmes y sont représentées en plus grand nombre que les hommes (57% contre 43%). Nicolas Sarkozy a pu rallier, notamment dans les catégories employées, un certain nombre de leurs suffrages. La surreprésentation des salariés du privé est à cet égard significative (64%). Ces électeurs ayant franchi la barrière gauche-droite comptent en leur sein à la fois plus de jeunes que dans le reste de l’électorat (36%) mais aussi plus de 50-64 ans (34%). Le profil politique de ces électeurs apparaît moins politisé par rapport au reste de l’électorat. Ils s’intéressent moins à la politique et sont plus nombreux à ne pas se reconnaître dans le clivage gauche-droite. Mais surtout ils se montrent plus défiants à l’égard de la gauche et de la droite pour gouverner (67% contre 53%) et sont plus en retrait de la décision électorale (28% contre 19% de l’ensemble des panélisés ne participent que rarement ou jamais aux élections). C’est sans doute sur les capacités personnelles de Nicolas Sarkozy plus que pour des raisons politiques que cette partie de l’électorat transfuge de la gauche a pu miser. La force de conviction et la détermination du candidat ont pu séduire ces électeurs habituellement distants du jeu politique. Le report des abstentionnistes du premier tour sur Nicolas Sarkozy obéit à d’autres logiques sociales et politiques. Ils sont plus âgés que la moyenne, peu diplômés (80% n’ont pas le bac contre 68% dans l’ensemble de l’électorat) et comptent en leur sein davantage de profession indépendantes. Ils se reconnaissent dans le camp politique de la droite (44% contre 33% des panélisés) mais sont aussi nombreux à refuser de se situer dans le cadre du clivage gauche-droite (41%). La gauche ne fait pas partie de leur horizon politique. Une partie significative d’entre eux ne vote pas régulièrement aux élections (27%). Ils sont aussi plus nombreux que les autres à ne se sentir proches d’aucun parti politique (39%). Mais l’élection présidentielle de 2007 a su les convaincre et leur donner envie de participer. Ils sont une large majorité à considérer qu’elle peut améliorer les choses. Et Nicolas Sarkozy a sans doute su rallier leur confiance. 9 Tableau 3 – Le profil sociologique et le profil politique des gaucho-sarkozyztes et des abstentionnistes du premier tour ayant voté Sarkozy au second (%) Gauche vers Sarkozy (n=65) Hommes Femmes 18-34 ans 35-49 ans 50-64 ans 65 ans et plus <Bac ≥Bac Indépendants Salariés du Public Salariés du Privé Catholiques Sans religion Autre religion S’en sortent difficilement avec les revenus du foyer S’intéressent à la politique Positionnement politique : Gauche Droite Ni gauche ni droite Sans réponse N’ont confiance ni dans la gauche ni dans la droite pour gouverner Ne participent que rarement ou jamais aux élections Proches d’aucun parti politique Ne croient pas en une amélioration des choses grâce à l’élection présidentielle Jugent que la démocratie fonctionne bien TOTAL 43 57 36 14 34 17 66 34 6 30 64 65 25 10 Abstentionnistes er Ensemble au 1 tour et vote des Sarkozy au 2e tour électeurs (n=45) 51 49 35 16 13 36 80 20 50 13 37 67 24 9 (n=2208) 48 52 30 28 21 21 68 32 17 30 53 61 28 11 60 58 59 41 53 57 36 23 7 44 36 33 36 41 27 5 9 4 67 49 53 28 27 19 23 39 19 47 33 45 52 58 47 100 % 100 % 100 % Ainsi Nicolas Sarkozy a su mobiliser des électeurs relativement distants du champ politique et restant habituellement plus en retrait de la décision électorale. Certes 10 tardivement, pour le second tour. Certes à la marge, il ne s’agit que de trajets électoraux minoritaires, mais ils ont pu contribuer à la dynamique d’ensemble qui a assuré son succès. Conclusion Les bons taux de participation, au premier comme au second tour, l’affaiblissement des partis périphériques ou extrêmistes, et le ralliement des électeurs, y compris ceux de François Bayrou, dans la logique gauche-droite du second tour, mettent un terme au cycle de politisation négative, de défiance et de protestation qui caractérisent le rapport des Français à la politique depuis une bonne vingtaine d’années. La victoire de Nicolas Sarkozy signe une réussite politique et personnelle incontestable. Politique parce que Nicolas Sarkozy a su proposer un pacte présidentiel renouvelé. Il s’est employé à marquer une ouverture au centre et à gauche et a rallié des voix bien au-delà de son propre camp politique. Il a pu ramener dans le giron républicain une partie importante des électeurs frontistes. Enfin, à l’intérieur de son propre camp politique, il a opéré l’alliance de la continuité et de la rupture, de l’héritage et du changement. Réussite personnelle aussi parce que la force de conviction et l’énergie positive dont il a témoigné tout au long de la campagne, malgré certaines prises de risques voire certains dérapages, ont incontestablement convaincu et rassuré une majorité de Français. 11