Les trajectoires de vote à l`œuvre dans la dynamique

Transcription

Les trajectoires de vote à l`œuvre dans la dynamique
Le Panel Électoral Français 2007
vague 2 (réalisée du 25 avril au 5 mai 2007)
(analyse Panel vague 1 Æ vague 2)
LES TRAJECTOIRES DE VOTE A L’ŒUVRE DANS
LA DYNAMIQUE ÉLECTORALE EN FAVEUR DE
NICOLAS SARKOZY
Anne Muxel
Les données du PEF ont été produites par le CEVIPOF avec le soutien du Ministère de l'Intérieur et de
l'Aménagement du Territoire. Le PEF 2007 se déroule en quatre vagues de mars à juin 2007.
Les données seront déposées au Centre de données socio-politiques de Sciences Po.
Les trajectoires de vote à l’œuvre dans la dynamique électorale en faveur de
Nicolas Sazkozy
Anne Muxel (Directrice de Recherches au CEVIPOF)
Plus de deux millions de voix d’écart séparent les scores obtenus au second tour de l’élection
présidentielle par Nicolas Sarkozy (53,06%) et par Ségolène Royal (46,94%). C’est une nette
victoire pour le candidat de la majorité qui confirme son succès du premier tour et une
dynamique électorale en sa faveur qui n’a jamais failli tout au long de la campagne. Dans la
dernière étape, il a su rassembler les Français bien au-delà de son camp politique, en ralliant
malgré la consigne de leur leader, une large majorité des électeurs du Front National, certains
abstentionnistes du premier tour et certains transfuges de la gauche, mais surtout une bonne
moitié des électeurs de François Bayrou.
Le Panel Electoral Français, en réinterrogeant un même échantillon d’individus tout au long
de la séquence électorale 2007, permet de saisir certaines composantes de la dynamique
électorale ayant assuré le succès de Nicolas Sarkozy. Les deux premières enquêtes de ce
dispositif qui en prévoient quatre en tout permettent la reconstitution des trajets électoraux
des 2208 enquêtés panelisés à partir de trois moments,- leur intention de vote avant le
premier tour, leur vote effectif au premier tour, et leur intention de vote au second tour-.
Les trajets de vote opérés éclairent les logiques de report des voix entre le premier et le
second tour, et d’une façon plus large les facteurs de la décision électorale qui ont joué en
faveur du candidat de l’UMP.
1. Les trajectoires de vote des enquêtés panelisés
Comment les électeurs se sont-ils comportés d’un tour à l’autre de cette élection présidentielle
2007 ? Quelle est la part de stabilité dans les choix opérés tout au long de la séquence
électorale ? Quelle est la part de mobilité des votes dans la dynamique électorale enregistrée ?
Sur l’ensemble de la période, ce sont quatre Français sur dix (40%) qui ont constamment
accordé leur suffrage à Nicolas Sarkozy ou à Ségolène Royal. Le premier a bénéficié d’un
socle d’électeurs déterminés et constants un peu plus solide que la candidate socialiste (23%
contre 17%).
La part des électeurs ayant changé ou réajusté leur choix entre le premier et le second
tours est équivalente (38%). Stabilité et mobilité font donc jeu à part égale. Enfin, le jeu
d’une abstention plus ou moins constante, plus ou moins intermittente, a concerné 14%
de l’échantillon.
Les trajets électoraux ainsi recensés font apparaître une dynamique électorale à hauteur de
17% concernant les électeurs mobiles et la réserve d’abstentionnistes du premier tour qui se
sont finalement reportés sur Nicolas Sarkozy au second tour : 3% en provenance de la gauche,
5% ayant voté ou eu l’intention de voter François Bayrou, 7% ayant voté ou eu l’intention de
voter pour un candidat de la droite non sarkozyste constituée pour l’essentiel dans
l’échantillon panélisé d’électeurs frontistes, enfin 2% d’abstentionnistes du premier tour.
1
Tableau 1. Les trajets de vote des enquêtés panélisés
Effectifs Pourcentages
Constants Royal
Constants Sarkozy
Gauche vers Sarkozy
Droite vers Royal
Bayrou vers Royal
Bayrou vers Sarkozy
Bayrou vers Blanc et abstention
Gauche non Royal vers Royal
Gauche non Royal vers Blanc ou abstention
Droite non Sarkozy vers Sarkozy
Droite non Sarkozy vers Blanc ou abstention
Abstentionnistes constants
Abstentionnistes intermittents
Abstentionnistes 1er tour vers Royal 2nd tour
Abstentionnistes 1er tour vers Sarkozy 2nd
tour
Autres cas
370
507
64
46
134
124
69
171
38
148
45
102
123
38
17
23
3
2
6
5
3
8
2
7
2
5
5
2
45
184
2
8
Total
2208
100
40%
d’électeurs
constants
38%
d’électeurs
mobiles
14% d’électeurs
abstentionnistes
Au sortir du premier tour, le camp de la droite comptabilisant les suffrages de Nicolas
Sarkozy, de Philippe de Villiers, de Frédéric Nihous et de Jean-Marie-Le Pen totalisait 45%.
Pour atteindre son résultat final au second tour le soir du 6 mai, soit 53%, Nicolas Sarkozy a
donc suscité un bon report de voix d’électeurs qui n’avaient pas voté pour lui au premier tour.
Comment ces transferts ont-ils joué ? Quelles sont les caractéristiques à la fois sociologiques
et politiques des électeurs qui ont participé à cette dynamique électorale ?
2. L’apport des électeurs de la droite non sarkozyste, et notamment des électeurs
frontistes
Incontestablement, l’un des succès les plus significatifs de la victoire de Nicolas Sarkozy est
d’avoir réussi à capter une partie de l’électorat du Front National et à faire reculer pour la
première fois de façon aussi significative le score de Jean-Marie Le Pen depuis vingt ans.
Cette force politique qui avait profondément modifié l’espace politique de la droite en France,
et organisé sa tripartition, sort nettement affaiblie de cette élection.
2
La défaite de Jean-Marie Le Pen se marque dès le premier tour. Il perd une partie significative
de son électorat qui se retrouve dans la candidature de Nicolas Sarkozy. Mais le fait qu’une
partie importante de ses électeurs (60%) ne suive pas non plus sa consigne d’abstention et
vote pour le leader de l’UMP au second tour marque une seconde défaite.
Qu’est-ce qui différencie les électeurs de Jean-Marie Le Pen qui ont choisi de voter pour
Nicolas Sarkozy au second tour de ceux qui se retournent vers le vote blanc ou l’abstention ?
Pourquoi les uns vont-ils participer à la victoire de Nicolas Sarkozy et les autres pas ?
Les uns comme les autres constituent un électorat nettement plus masculin que dans le reste
de la population. Mais les électeurs restés fidèles à leur choix du premier tour, et préférant la
réponse abstentionniste ou le vote blanc, sont en plus grand nombre encore des hommes
(66%).
Les logiques sociales qui organisent ces deux réponses électorales ne sont pas les mêmes. Les
électeurs qui se reportent sur Nicolas Sarkozy comptent en leur sein davantage d’actifs
relativement âgés, les 50-64 ans, (33%) et d’indépendants (19%). La moitié des électeurs
restés fidèles à la consigne de retrait de la décision électorale, que l’on peut considérer comme
le noyau dur de l’électorat frontiste, appartient à la génération lepéniste ayant assuré les
scores antérieurs du Front National, les 35-49 ans d’aujourd’hui (50%). Ils apparaissent plus
fragilisés socialement et économiquement (71% déclarent s’en sortir difficilement avec les
revenus du foyer contre 57% de ceux qui se sont reporté au second tour sur Nicolas Sarkozy).
Les profils politiques de ces deux catégories d’électeurs frontistes présentent à la fois des
caractéristiques communes, un socle partagé de préoccupations et de valeurs, mais aussi des
divergences qui expliquent leurs choix respectifs.
Ceux qui se sont reportés sur Nicolas Sarkozy témoignent d’une allégeance à la droite plus
affirmée et plus structurée ; plus du tiers d’entre eux (68%) se positionne à droite, et ils sont
une proportion importante à accorder leur confiance à la droite pour gouverner (43%). Même
s’ils restent majoritairement critiques à l’égard du fonctionnement de la démocratie (68%
jugent qu’elle ne fonctionne pas bien), ils s’inscrivent dans le jeu de la politique
institutionnelle et adhèrent globalement au système politique. Leur potentiel protestataire
est nettement plus faible que dans le reste de l’électorat ; 34% déclarent qu’ils pourraient
participer à une manifestation ( 51% de l’ensemble des panélisés).
Ne renonçant pas au crédit qu’ils accordent aux idées de Jean-Marie Le Pen, tout en se sentant
proche d’un parti d’extrême droite, ces électeurs ont néanmoins reconnu dans la candidature
de Nicolas Sarkozy la possibilité de voir leurs idées défendues. Par ailleurs celui-ci les a très
clairement convaincu de sa capacité et de sa stature présidentielles. Ils se montrent moins
inquiets à son égard que le reste de l’électorat (30% contre 53% des panélisés).
Nicolas Sarkozy a su capter la confiance d’un électorat qui jusqu’à présent s’était
retrouvé et exprimé au travers de la protestation incarnée par Jean-Marie Le Pen et qui
en se ralliant à Nicolas Sarkozy au second tour choisissent la gouvernabilité.
Les électeurs frontistes qui ont fait le choix de rester hors du jeu électoral au second tour
présentent un tout autre profil politique. Plus politisés, 71% déclarent s’intéresser beaucoup
ou assez à la politique, ils rejettent le système et se situent dans la protestation et dans la
contestation. Leur allégeance à la droite est nettement moins forte que parmi les électeurs
3
frontistes ayant choisi de rallier Nicolas Sarkozy au second tour (48% contre 68%). Ils sont
plus nombreux à ne se reconnaître ni à gauche ni à droite. Leur défiance à l’égard de la
gauche et de la droite pour gouverner est nettement plus importante que dans le reste de
l’électorat (77% contre 53%). Ils sont aussi plus nombreux à déclarer pouvoir participer à une
manifestation.
Ils rejettent davantage le système politique et ses logiques institutionnelles. De tous, ce
sont eux qui sont les plus sceptiques quant aux possibilités pour l’élection présidentielle
d’améliorer les choses en France.
Ils apparaissent aussi plus inquiets quant à l’avenir (80% d’entre eux pensent que leurs
enfants réussiront moins bien).
Nicolas Sarkozy n’a pas pu les convaincre. Ces électeurs ont une image plus négative de sa
personnalité comme de sa capacité présidentielle, conformément au discours de diabolisation
tenu par leur leader à l’encontre du candidat de l’UMP. Ainsi Nicolas Sarkozy suscite-t-il leur
inquiétude (64%) plus que dans le reste de l’électorat. Ils sont aussi nettement moins
nombreux à penser qu’il a l’étoffe d’un président (53% contre 64% des panélisés et 81%
parmi les électeurs frontistes ayant voté pour lui au second tour).
Ces électeurs constituent le noyau dur politique, mais aussi sociologique, de la base
électorale du Front National, taraudé par une contestation et une protestation de la société et
du système politique, que Nicolas Sarkozy n’a pas touché.
4
Tableau 1 – Le profil sociologique et le profil politique des électeurs de droite non
Sarkozy au premier tour selon leurs choix au second tour (%)
Droite
Hommes
Femmes
18-34 ans
35-49 ans
50-64 ans
65 ans et plus
<Bac
≥Bac
Indépendants
Salariés du Public
Salariés du Privé
S’en sortent facilement avec les revenus
du foyer
S’en sortent difficilement avec les
revenus du foyer
S’intéressent à la politique
Positionnement politique :
Gauche
Droite
Ni gauche, ni droite
Sans réponse
Ont confiance dans la droite pour
gouverner
N’ont confiance ni dans la gauche, ni
dans la droite pour gouverner
Pourraient
participer
à
une
manifestation
Jugent que la démocratie ne fonctionne
pas bien
Ne croient pas en une amélioration des
choses grâce à l’élection présidentielle
Pensent que leurs enfants réussiront
moins bien
Pensent que la France doit s’ouvrir
davantage au monde d’aujourd’hui
Se sentent proches d’un parti
d’extrême-droite
Adhèrent aux idées de J.-M. Le Pen
Sarkozy les inquiète
Pensent que Sarkozy a l’étoffe d’un
président
D’accord avec la création d’un
ministère de l’Immigration et de
l’Identité nationale
TOTAL
Droite vers Sarkozy
vers Vote Blanc ou
(n=148)
Abstention
60
40
22
27
33
18
81
19
19
29
52
(n=45)
66
34
18
50
18
14
78
22
13
34
53
Ensemble des
électeurs
(n=2208)
48
52
30
28
21
21
68
32
17
30
53
43
29
41
57
71
59
57
71
57
5
68
24
3
13
48
35
4
36
33
27
4
43
14
23
51
77
53
34
64
51
68
71
52
46
67
45
69
80
60
12
13
46
45
50
7
79
30
89
64
27
53
81
53
64
74
58
52
100 %
100 %
100 %
5
2. L’apport décisif des électeurs de François Bayrou
La percée de François Bayrou pendant la campagne et la confirmation de son pari centriste
avec un score de 18,6% de suffrages le 22 avril, soit plus de plus de 12 points par rapport à
2002, indiquent que le projet d’un centre politique, associé à une demande de renouveau des
lignes de clivage politique, travaille la société française. Si le candidat UDF a rassemblé des
électeurs plutôt diplômés, se recrutant dans les couches supérieures mais aussi dans les classes
moyennes, il a aussi convaincu un certain nombre de jeunes, 24% des 18-24 ans, soit un
nombre de suffrages relativement équivalent à ceux dont ont bénéficié les deux autres
candidats au premier tour (28% pour Ségolène Royal et 20% pour Nicolas Sarkozy).
L’électorat de François Bayrou était au centre de la décision du second tour. Si pour la
candidate socialiste, ne pouvant compter que sur un réservoir de voix de gauche très affaibli, à
peine 37% des voix, cette décision apparaissait plus cruciale que pour le candidat de l’UMP,
ce dernier ne pouvait pas se passer du soutien d’une composante importante de sa majorité. Sa
dynamique électorale de second tour doit beaucoup au report des électeurs de François
Bayrou sur sa candidature.
Les données du Panel Electoral permettent d’examiner plus avant les conditions du report des
voix de cette partie de l’électorat. Les électeurs de François Bayrou dans l’échantillon
panélisé se sont partagés entre le vote Sarkozy (38%) et le vote Royal (41%) au second
tour. Et une partie non négligeable d’entre eux ont choisi l’abstention ou le vote blanc
(21%).
Qu’est-ce qui différencie ceux qui ont choisi de rallier Nicolas Sarkozy de ceux qui ont voté
pour la candidate socialiste ? Et en quoi se différencient-ils aussi de ceux qui ont choisi le
retrait de la décision électorale ?
Les électeurs bayrouistes qui se sont ralliés à la candidature de Nicolas Sarkozy appartiennent
à des milieux socialement, culturellement et économiquement plus privilégiés que ceux qui
ont choisi Ségolène Royal au second tour. Ils sont plus âgés. Près de la moitié d’entre eux
(49%) a plus de 50 ans (36% seulement parmi ceux qui se sont reportés sur Ségolène Royal).
Ils sont aussi plus diplômés ; 46% ont un niveau d’études supérieur au baccalauréat (contre
39%). Les professions indépendantes sont davantage représentées ainsi que les propriétaires,
et leurs difficultés économiques apparaissent moins importantes (la moitié d’entre eux
reconnaît s’en sortir facilement avec les revenus du foyer contre 38% seulement parmi ceux
qui ont choisi Ségolène Royal).
Leur profil sociologique est en revanche assez proche de celui qui caractérise les bayrouistes
restés hors de la décision électorale.
Les reports de leurs suffrages au second tour font apparaître les logiques de la bipolarisation
gauche-droite mais aussi certaines lignes de clivage plus spécifiques au centrisme politique.
En effet, si le clivage gauche-droite est bien à l’œuvre, il apparaît moins structurant
parmi les électeurs de François Bayrou s’étant reportés sur Nicolas Sarkozy que parmi
ceux qui ont choisi Ségolène Royal qui restent plus nettement ancrés à gauche (52%).
6
Les électeurs de François Bayrou ayant choisi le vote blanc ou l’abstention au second tour
sont nettement moins politisés et sont plus nombreux à ne se reconnaître ni dans la droite ni
dans la gauche. Leur retrait de la décision électorale signe davantage un centrisme
d’indifférence, une distance à l’égard du système politique, qu’un positionnement stratégique.
Si Nicolas Sarkozy a su rallier l’électorat classique de l’UDF, allié naturel du camp de la
droite, il a su aussi convaincre une partie des électeurs de François Bayrou ne se reconnaissant
pas dans le clivage gauche-droite, et ainsi élargir sa base électorale. Les électeurs
bayrouistes ayant fait le choix du candidat de l’UMP sont plus nombreux à se classer en
dehors du clivage gauche-droite (45%) qu’à revendiquer un positionnement de droite
(36%).
Ils adhèrent en plus grand nombre aux mesures emblématiques de la droite comme la
compétitivité de l’économie (39% contre 30% de l’ensemble des panélisés, et 26% des
bayrouistes qui ont choisi de se reporter sur Ségolène Royal), et même aux propositions de
Nicolas Sarkozy concernant la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité
nationale (50% contre 32% de ceux qui ont choisi de se Ségolène Royal, mais dans un même
proportion que dans l’ensemble de l’électorat).
Mais ils optent aussi pour un renouveau politique. Ils se montrent attachés au pari de
François Bayrou de dépasser le clivage gauche-droite et de rallier des compétences par delà
les clivages idéologiques. Ils partagent avec les autres électeurs de François Bayrou n’ayant
pas fait le choix de Nicolas Sarkozy au second tour la conviction qu’il faut mettre des gens de
gauche et de droite dans le même gouvernement (86% contre 65% de l’ensemble des
panélisés).
Nicolas Sarkozy a su convaincre ces électeurs qui se sont ralliés à lui sur sa capacité
présidentielle. Les trois quarts d’entre eux (74%) pensent qu’il a l’étoffe d’un président.
L’inquiétude suscitée par le candidat de l’UMP, bien que concernant plus de la moitié d’entre
eux (55%), apparaît moins importante que parmi les autres bayrouistes, et notamment que
parmi ceux ayant rallié Ségolène Royal (87%). Contrairement à ces derniers, davantage pris
dans un refus anti-sarkozyzte, les bayrouistes ayant choisi Nicolas Sarkozy le font par
adhésion au programme et à la personnalité de celui-ci plus que par rejet de la candidate
socialiste.
La participation de cette partie de l’électorat Bayrou à la dynamique électorale de
Nicolas Sarkozy est due à la fois au report naturel du socle électoral des électeurs de
l’UDF mais aussi au ralliement d’un électorat tenté par le renouveau politique et
pouvant se reconnaître pleinement dans l’ouverture impulsée par Nicolas Sarkozy.
7
Tableau 2 – Le profil sociologique et le profil politique des électeurs de Bayrou
selon leurs choix au second tour (%)
Hommes
Femmes
18-34 ans
35-49 ans
50-64 ans
65 ans et plus
<Bac
≥Bac
Indépendants
Salariés du Public
Salariés du Privé
Propriétaires
Locataires
Catholiques
Sans religion
Autre religion
S’en sortent facilement avec les
revenus du foyer
S’intéressent à la politique
Positionnement politique :
Gauche
Droite
Ni gauche, ni droite
Sans réponse
N’ont confiance ni dans la droite ni
dans la gauche pour gouverner
Sont d’accord pour mettre des gens
de gauche et de droite dans le même
gouvernement
Accordent la priorité à la
compétitivité de l’économie
D’accord avec la création d’un
ministère de l’Immigration et de
l’Identité nationale
Sarkozy les inquiète
Royal les inquiète
Pensent que Sarkozy a l’étoffe d’un
président
Pensent que Royal a l’étoffe d’un
président
TOTAL
Bayrou
Bayrou
Bayrou vers Vote
Ensemble des
vers Royal
vers Sarkozy
Blanc ou Abstention
électeurs
(n=134)
40
60
31
23
16
20
61
39
14
34
52
35
65
57
28
15
(n=124)
52
48
27
24
25
24
54
46
21
29
50
55
45
68
24
8
(n=69)
49
51
21
36
28
16
56
44
21
19
60
58
42
71
20
9
(n=2208)
48
52
30
28
21
21
68
32
17
30
53
43
57
61
28
11
38
50
42
40
64
61
45
57
52
7
37
4
15
36
45
4
24
15
60
1
36
33
27
4
66
76
84
53
82
86
82
65
26
39
36
30
33
50
38
52
87
32
55
53
66
45
53
39
46
74
58
64
47
20
36
39
100 %
100 %
100 %
100 %
8
3. Des dynamiques plus réduites et plus atypiques : les gaucho-sarkozystes et le report
des abstentionnistes du premier tour
La reconstitution des trajets de vote permet de saisir aussi des dynamiques électorales certes
plus minoritaires, et l’on conviendra qu’il s’agit de faibles effectifs à interpréter avec
précaution, mais qui mettent au jour certains phénomènes ayant pu compter dans la victoire de
Nicolas Sarkozy. Celui-ci a capté des électeurs bien au-delà de sa base électorale. Certains
électeurs en provenance de la gauche ont pu se rallier à lui, mais aussi des abstentionnistes du
premier tour.
Examinons tout d’abord le profil des électeurs tentés par la gauche ou ayant voté pour un
candidat de gauche au premier tour et qui ont finalement donné leur voix à Nicolas Sarkozy
au second tour. Qui sont-ils ? Quelle est la signification de leur mobilité gauche-droite ?
Les femmes y sont représentées en plus grand nombre que les hommes (57% contre 43%).
Nicolas Sarkozy a pu rallier, notamment dans les catégories employées, un certain nombre de
leurs suffrages. La surreprésentation des salariés du privé est à cet égard significative (64%).
Ces électeurs ayant franchi la barrière gauche-droite comptent en leur sein à la fois plus de
jeunes que dans le reste de l’électorat (36%) mais aussi plus de 50-64 ans (34%).
Le profil politique de ces électeurs apparaît moins politisé par rapport au reste de l’électorat.
Ils s’intéressent moins à la politique et sont plus nombreux à ne pas se reconnaître dans le
clivage gauche-droite. Mais surtout ils se montrent plus défiants à l’égard de la gauche et de la
droite pour gouverner (67% contre 53%) et sont plus en retrait de la décision électorale (28%
contre 19% de l’ensemble des panélisés ne participent que rarement ou jamais aux élections).
C’est sans doute sur les capacités personnelles de Nicolas Sarkozy plus que pour des
raisons politiques que cette partie de l’électorat transfuge de la gauche a pu miser. La
force de conviction et la détermination du candidat ont pu séduire ces électeurs
habituellement distants du jeu politique.
Le report des abstentionnistes du premier tour sur Nicolas Sarkozy obéit à d’autres logiques
sociales et politiques.
Ils sont plus âgés que la moyenne, peu diplômés (80% n’ont pas le bac contre 68% dans
l’ensemble de l’électorat) et comptent en leur sein davantage de profession indépendantes.
Ils se reconnaissent dans le camp politique de la droite (44% contre 33% des panélisés) mais
sont aussi nombreux à refuser de se situer dans le cadre du clivage gauche-droite (41%). La
gauche ne fait pas partie de leur horizon politique.
Une partie significative d’entre eux ne vote pas régulièrement aux élections (27%). Ils sont
aussi plus nombreux que les autres à ne se sentir proches d’aucun parti politique (39%).
Mais l’élection présidentielle de 2007 a su les convaincre et leur donner envie de participer.
Ils sont une large majorité à considérer qu’elle peut améliorer les choses. Et Nicolas Sarkozy
a sans doute su rallier leur confiance.
9
Tableau 3 – Le profil sociologique et le profil politique des gaucho-sarkozyztes et des
abstentionnistes du premier tour ayant voté Sarkozy au second (%)
Gauche vers
Sarkozy
(n=65)
Hommes
Femmes
18-34 ans
35-49 ans
50-64 ans
65 ans et plus
<Bac
≥Bac
Indépendants
Salariés du Public
Salariés du Privé
Catholiques
Sans religion
Autre religion
S’en sortent
difficilement avec
les revenus du
foyer
S’intéressent à la
politique
Positionnement
politique :
Gauche
Droite
Ni gauche ni
droite
Sans réponse
N’ont confiance ni
dans la gauche ni
dans la droite pour
gouverner
Ne participent que
rarement ou jamais
aux élections
Proches d’aucun
parti politique
Ne croient pas en
une amélioration
des choses grâce à
l’élection
présidentielle
Jugent que la
démocratie
fonctionne bien
TOTAL
43
57
36
14
34
17
66
34
6
30
64
65
25
10
Abstentionnistes
er
Ensemble
au 1 tour et vote
des
Sarkozy au 2e tour
électeurs
(n=45)
51
49
35
16
13
36
80
20
50
13
37
67
24
9
(n=2208)
48
52
30
28
21
21
68
32
17
30
53
61
28
11
60
58
59
41
53
57
36
23
7
44
36
33
36
41
27
5
9
4
67
49
53
28
27
19
23
39
19
47
33
45
52
58
47
100 %
100 %
100 %
Ainsi Nicolas Sarkozy a su mobiliser des électeurs relativement distants du champ
politique et restant habituellement plus en retrait de la décision électorale. Certes
10
tardivement, pour le second tour. Certes à la marge, il ne s’agit que de trajets électoraux
minoritaires, mais ils ont pu contribuer à la dynamique d’ensemble qui a assuré son
succès.
Conclusion
Les bons taux de participation, au premier comme au second tour, l’affaiblissement des partis
périphériques ou extrêmistes, et le ralliement des électeurs, y compris ceux de François
Bayrou, dans la logique gauche-droite du second tour, mettent un terme au cycle de
politisation négative, de défiance et de protestation qui caractérisent le rapport des Français à
la politique depuis une bonne vingtaine d’années.
La victoire de Nicolas Sarkozy signe une réussite politique et personnelle incontestable.
Politique parce que Nicolas Sarkozy a su proposer un pacte présidentiel renouvelé. Il s’est
employé à marquer une ouverture au centre et à gauche et a rallié des voix bien au-delà de son
propre camp politique. Il a pu ramener dans le giron républicain une partie importante des
électeurs frontistes. Enfin, à l’intérieur de son propre camp politique, il a opéré l’alliance de
la continuité et de la rupture, de l’héritage et du changement. Réussite personnelle aussi parce
que la force de conviction et l’énergie positive dont il a témoigné tout au long de la
campagne, malgré certaines prises de risques voire certains dérapages, ont incontestablement
convaincu et rassuré une majorité de Français.
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